M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un modeste amendement de quelque six pages ! (Sourires.)

Je ne rappellerai pas la logique dans laquelle nous nous inscrivons, car nous l'avons évoquée dès le début de la discussion budgétaire.

Le présent amendement vise à instaurer une limitation de durée au 31 décembre 2010 pour l'application d'un grand nombre de niches fiscales en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés. Nous estimons que tous ces régimes dérogatoires doivent être évalués systématiquement et à terme régulier, et nous assignons donc une durée de trois ans à 111 régimes, ou niches fiscales, si l'on préfère.

Nous ne changeons rien quant au droit existant, mais nous nous obligeons à réévaluer les situations le moment venu, comme Mme Colette Mélot vient de nous en donner l'exemple pour un cas très particulier, et avec le souci de faire le meilleur emploi possible de chaque euro dépensé en matière fiscale.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. L'amendement n° II-253, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 39 B, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions des articles 163 octodecies A, 163 duodecies, 238 bis 40, 238 bis HP, 163 terdecies, 199 decies E, 199 decies EA, 199 decies F, 199 decies G, 199 decies H, 199 terdecies OA, 200 terdecies, 199 vicies A, 200 undecies, 200 decies A, 163 bis G, 80 quaterdecies, 200-A-6 bis, 163 A, 163 bis, 139 ter, 163 quinquies B, 163 quinquies C, 150-0 O ter, 151 septies B, 44 decies, 44 duodecies, 244 quarter C, 244 quarter H, 244 quarter K, 244 quater B, 238 quaterdecies, 44 sexies, 44 sexies A, 39 octies A-II et 39 octies  D (I et IV) sont abrogées.

 

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement, qui a trait à la question de la dépense fiscale, porte sur certaines dispositions relatives à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés.

Vous le savez, mes chers collègues, la série de dispositions dont nous demandons la suppression présente une double caractéristique.

Tout d'abord, les dispositions du code général des impôts visées sont soit non chiffrées quant à leur incidence financière sur le rendement de l'imposition, soit d'un montant extrêmement faible, parfois proche de zéro.

Ensuite, ces dispositions ne concernent qu'un nombre particulièrement réduit de contribuables, qui, pour certaines d'entre elles, n'est d'ailleurs même pas déterminé.

Ces dispositions du code général des impôts concernent le plus souvent moins de 1 % des personnes assujetties à chaque impôt et leur incidence financière est nettement inférieure à 1 % du produit des impôts concernés.

Quelle est donc l'efficacité sociale et économique de ces dispositions en déshérence ? Certaines d'entre elles, d'ailleurs relativement anciennes, n'ont pas rencontré le succès escompté auprès des personnes auxquelles elles s'adressaient, pour diverses raisons sur lesquelles je ne reviens pas car elles nécessiteraient de longs développements. Leur efficacité étant proche de zéro, il est préférable de supprimer ces dispositions superfétatoires dans notre législation fiscale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'inspiration de M. Foucaud est, par certains côtés, assez analogue à celle de la commission, mais celui-ci n'en tire naturellement pas les mêmes conséquences.

Au lieu de prolonger de trois ans la durée des 111 dispositifs visés en obligeant le Gouvernement à procéder à une évaluation, le présent amendement tend à supprimer 37 dispositifs, dont certains sont susceptibles d'être qualifiés de « niches fiscales ».

La commission estimant que la sélection proposée par M. Foucaud repose sur des bases quelque peu contestables, elle souhaite le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. L'amendement n° II-164 est un amendement important, dont nous avons déjà discuté à plusieurs reprises et auquel vous avez fait plusieurs fois référence, monsieur le rapporteur général.

Compte tenu de la liste exhaustive des dispositifs visés, peut-être pourrions-nous, dans un premier temps, considérer qu'il s'agit d'un amendement d'appel. Nous pourrions travailler de nouveau sur cette question en 2008 pour trouver une solution, probablement, notamment, en fixant pour chaque niche fiscale, lorsqu'elle n'en n'a pas, une durée déterminée, comme vous le souhaitez, et en prévoyant pour ces niches, quand elles n'en n'ont pas, un plafond.

Ce sujet, particulièrement important pour les finances publiques, est compliqué pour plusieurs raisons ; d'ailleurs, si tel n'avait pas été le cas, il aurait été traité avant. Cependant, nous ne pouvons bien évidemment en rester à la situation actuelle.

Parmi les niches que vous avez répertoriées, monsieur le rapporteur général, certaines sont directement impliquées dans la politique du Gouvernement ; certaines ont déjà une durée déterminée. Il faut donc faire un tri.

Je vous propose donc d'éclaircir ces différents dispositifs en 2008, de leur conférer une durée déterminée lorsque c'est nécessaire et de travailler sur un plafond pour les niches les plus importantes parce qu'elles ne peuvent pas totalement exonérer de l'impôt comme cela peut arriver aujourd'hui dans un certain nombre de cas.

S'agissant de l'amendement n° II-253, monsieur Foucaud, je rejoins les propos de M. le rapporteur général. Vous voulez notamment supprimer de nombreux dispositifs qui sont favorables à l'investissement. C'est pourquoi le Gouvernement demande le rejet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque le gouvernement précédent nous avait proposé d'adopter un nouveau barème de l'impôt sur le revenu, cet ajustement, destiné à mettre notre barème à parité avec les grands pays comparables à la France, devait avoir pour conséquence de réduire de manière très significative les avantages résultant de toutes ces niches fiscales. Tout se passait comme si la France, consciente du caractère quelque peu extravagant de son barème, avait, au fil des années, consacré son énergie et son intelligence à imaginer des niches fiscales pour tenter de permettre aux contribuables d'échapper au poids de l'impôt.

Nous avons vu ce qui s'est passé à la fin de l'année 2005, très vite le gouvernement a battu en retraite, notamment lorsqu'il s'est agi de remettre en cause les défiscalisations ultramarines. Et je me souviens d'un dimanche du début du mois de décembre passé ici même à tenter d'aménager la loi Malraux ; le Conseil constitutionnel, dans sa grande sagesse, avait considéré que les dispositions que nous avions adoptées étaient...

M. Michel Charasse. Imbitables !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...incompréhensibles, et qu'elles ne devaient donc pas figurer dans la loi. Ce que vient de dire M Charasse n'est pas compréhensible non plus. (Sourires.)

M. le président. Je ne l'ai d'ailleurs pas entendu. (Nouveaux sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas rester dans l'expectative. Le Sénat serait conséquent s'il votait en faveur de l'amendement de la commission des finances. Il donnerait ainsi un signe fort de la nécessité de remettre en cause ces pratiques de niches qui polluent notre fiscalité...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...et qui, si elles créent sans doute des rentes pour tous les conseillers en fiscalité, n'honorent pas le législateur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En dépit de votre argumentation, à laquelle je me rallierai volontiers, monsieur le ministre, le Sénat devrait délivrer un message fort pour encourager le Gouvernement à mettre un terme à ces pratiques contestables.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous arrive parfois de discuter longuement de sujets mineurs, mais l'amendement présenté par la commission des finances, qui pose une question de principe, mérite que nous nous y arrêtions un instant.

C'est en tout cas l'occasion pour moi de vous dire que je crois à la nécessité absolue de la neutralité de l'impôt.

Certes, sur le plan économique, cette théorie peut être contestée, mais, pour ma part, j'y adhère, et je tenais à la rappeler. Si ce n'est pas l'occasion de le faire, quand sera-ce l'occasion ?

On peut admettre l'idée de prévoir des incitations, mais encore faut-il qu'elles conduisent les agents économiques à accomplir une action qu'ils n'auraient pas faite sans cet avantage. Dès lors, il est absolument indispensable de pouvoir évaluer, après un certain nombre d'années, l'effet réel sur les comportements des agents économiques. À défaut, l'État se serait privé inutilement de ressources.

En l'occurrence, il ne s'agit pas simplement de savoir si la commission des finances a bien recensé l'ensemble des dispositions concernées, il s'agit, je le répète, d'une question de principe.

Pour ma part, je suis au regret de vous le dire, monsieur le ministre, je suis plutôt opposé à l'idée de plafond. En effet, c'est une forme d'hypocrisie absolue, dont le législateur est l'unique responsable, que d'aligner des exonérations ou des réductions d'impôt, au fil des lois, et, lorsque les contribuables ont commencé à y croire, de limiter leur portée en fixant un plafond. C'est un mensonge d'État qui n'est plus admis par les contribuables.

C'est pourquoi il faut suivre la voie empruntée par la commission. Je ne sais pas si son amendement est totalement finalisé et lors du vote je regarderai ce que le rapporteur général et le président Arthuis feront. Mais il demeure, monsieur le ministre, que c'est un sujet capital et il faut impérativement que nous y voyons clair.

Pour ma part, je le répète, pour le vote que j'émettrai tout à l'heure, je retiens la nécessaire neutralité de l'impôt. À défaut de celle-ci, l'impôt déforme le comportement des agents économiques. Par ailleurs, à chaque fois que nous prévoyons des exonérations ou des dérogations, celles-ci doivent être justifiées d'un point de vue économique. Enfin, il est évident qu'une révision générale des politiques fiscales doit aller de pair avec la révision générale des politiques publiques, sinon cela n'a pas de sens.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président Arthuis a eu raison de rappeler tout à l'heure que la réforme de l'impôt sur le revenu que nous avons votée voilà deux ans est sortie des travaux parlementaires corrigée par le Conseil constitutionnel, et donc profondément déséquilibrée.

Moi, je n'étais pas très favorable à cette réforme, pas plus que mes amis politiques. Mais, telle qu'elle est, elle pose un vrai problème d'égalité des citoyens devant les charges fiscales et devant la loi fiscale. On ne peut donc pas rester dans cette situation.

Au fond, selon le Conseil constitutionnel, l'article qui a été voté est incompréhensible.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Incompréhensible, c'est ça !

M. Michel Charasse. Oui, mais « imbitable » est aussi dans le dictionnaire ! Car le dictionnaire n'est plus rédigé par l'Académie française. Si l'on appliquait ses règles, on ne féminiserait pas tout ! Il y a donc longtemps que l'Académie française a été écartée de l'exercice, mais peu importe...

Le Conseil constitutionnel a simplement constaté, sans le dire pour ne pas être désagréable, que nous avons été incapables de concilier la réforme de l'impôt sur le revenu avec la révision générale des « niches fiscales » parce que nous avions ouvert une boîte de Pandore épouvantable et que nous n'avions pas la possibilité de régler ce problème en aussi peu de temps.

Cet échec est en réalité dû au fait que le Gouvernement nous a proposé une démarche telle que nous avons eu un peu « les yeux plus grands que le ventre » ! Mais cela ne signifie pas qu'il ne faut pas revoir la situation si nous voulons supprimer le déséquilibre actuel, dont je considère personnellement qu'il est extrêmement choquant du point de vue de l'équité et de la justice.

M. le rapporteur général nous propose une sorte d'inventaire à la Prévert. Il a lui-même évité d'en donner lecture, et il a bien fait !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je peux le faire, si vous voulez !

M. Michel Charasse. Il ne s'agit pas de se plonger dans toutes ces dispositions pour voir lesquelles sont bonnes ou ne le sont pas, car il y a sans doute à boire et à manger, mais peu importe ! L'amendement du rapporteur général a une grande vertu, mes chers collègues : il va obliger le Gouvernement à nous faire une proposition !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et voilà !

M. Michel Charasse. Je ne dis pas cela à l'intention d'Éric Woerth et de son collègue Hervé Novelli, qui est aussi au banc du Gouvernement ; je ne fais pas une attaque ad hominem. Mais cet amendement va obliger l'exécutif à se dire qu'il ne peut en rester là, car il manque une jambe à la réforme qu'il a proposée voilà deux ans, et qu'il devra faire des propositions claires dans le projet de loi de finances pour 2009, pour 2010 ou, au pire, dans le projet de loi de finances pour 2011, puisqu'on l'oblige à réagir avant le 31 décembre 2010.

Je trouve que, de ce point de vue-là, l'amendement de M. Marini est particulièrement vertueux.

Nous le savons très bien les uns et les autres, si nous ne faisons pas cela, l'exécutif, qui n'a pas plus de défauts aujourd'hui qu'hier ou avant-hier, restera tétanisé devant la décision du Conseil constitutionnel et n'osera pas bouger. En revanche, face à la disparition de ces mesures fiscales au plus tard au 31 décembre 2010, il devra demander, pour toutes ou pour certaines d'entre elles, une prolongation, avec les justifications nécessaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà !

M. Michel Charasse. C'est la raison pour laquelle je trouve que l'amendement de la commission est particulièrement vertueux, même si je suis, sans doute comme mes amis, très réservé sur la liste qu'il comporte, car nous n'avons pas eu le temps de l'expertiser dans le détail. Mais peu importe ! L'essentiel est que, à un moment ou à un autre, le Parlement soit appelé à prendre ses responsabilités face à un Gouvernement qui aura pris les siennes !

MM. Jean-Jacques Jégou et Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Je ferai quelques observations rapides pour pointer une lacune : ce souci de limitation pour l'application de niches fiscales, par ailleurs parfaitement louable, ne porte aucunement, et c'est regrettable, sur la fiscalité du patrimoine et la législation relative à l'impôt de solidarité sur la fortune. Ce sont pourtant des domaines où les dispositions dérogatoires se multiplient, ce qui pose d'ailleurs la question de l'efficacité économique de ces mesures.

Notons aussi que la législation corrigeant le produit de l'impôt sur les sociétés n'est principalement appréhendée que pour les dispositions procédant à la fois de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu.

Ainsi, nous regrettons que ne soit pas examinée la question du report en arrière des déficits d'exploitation, dont le coût, s'il n'est pas chiffré dans l'évaluation des voies et moyens, est néanmoins réel, puisqu'il « impactera » cette année de près de 10 milliards le produit brut de l'impôt sur les sociétés.

De la même manière, dans la longue liste des dispositions visées par l'amendement, nous ne voyons aucune indication sur les effets des régimes fiscaux particuliers des grandes entreprises codifiés sous les articles 223 A et 223 U du code général des impôts.

De même, certains dispositifs sont épargnés ; je pense à la défiscalisation des investissements outre-mer ou à l'essentiel des dispositifs liés aux investissements immobiliers. Cela conduit à s'interroger immédiatement sur la portée de l'opération vérité contenue dans l'amendement de la commission.

À nos yeux, c'est toute la dépense fiscale qui doit être remise en question, évaluée, non seulement du point de vue des coûts, mais aussi en termes d'efficacité économique, d'activité, d'emplois, d'allégements des coûts de production de tel bien ou de tel service. Elle ne saurait remplacer, comme c'est trop souvent le cas, la dépense budgétaire directe, illustration la plus visible et la plus juste de l'action de l'État.

C'est pourquoi, mes chers collègues, en l'état, le groupe CRC ne votera pas l'amendement de la commission des finances.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Permettez-moi quelques mots de commentaire sur cet amendement.

Notre liste est sans doute incomplète,...

Mme Nicole Bricq. Oh oui ! 

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...c'est vrai, mais pour deux raisons.

D'abord, à ce stade, nous n'avons procédé à ce début de recensement que pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Effectivement, nous pourrions le faire aussi pour la TVA et l'impôt de solidarité sur la fortune. Il conviendra même, à mon sens, d'étendre ce recensement, afin que tous les régimes spécifiques, quelles que soient les assiettes fiscales concernées, soient bien visés par cette même méthode.

Monsieur le ministre, cet amendement indique donc une tendance, une orientation, une volonté, comme l'a dit très justement notre collègue Alain Lambert, de mettre fin à une hypocrisie régnante et généralisée en la matière.

Cela dit, il existe deux catégories de dispositifs.

Ceux que l'on peut considérer comme horizontaux sont neutres au regard des secteurs de l'économie et représentent des éléments de calcul de l'impôt, comme le quotient familial au titre de l'impôt sur le revenu,...

M. Alain Lambert. Bien sûr !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...comme le crédit d'impôt recherche au titre de l'impôt sur les sociétés. J'avais qualifié cette catégorie de « niches à durée indéterminée ou NDI ».

Tout le reste a vocation à devenir des « niches à durée déterminée ou NDD ».

La liste que nous avons dressée ici devrait englober encore bien d'autres éléments, même pour l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés. C'est une première liste qui peut toujours être complétée, lors de la commission mixte paritaire ou en loi de finances rectificative. Pour l'instant, nous ne manifestons qu'une volonté : nous assigner le devoir de réévaluer périodiquement, au moins tous les trois ans, chacun de ces dispositifs.

Je m'empresse de le dire, si l'amendement est voté et si cette disposition figure dans la loi de finances pour 2008, mes chers collègues, il ne se passera rien ! Le droit existant continuera à s'appliquer le 1er janvier 2008, comme il s'appliquait le 31 décembre 2007. Mais nous nous serons fixé l'objectif de cette révision.

Monsieur le ministre, notre raisonnement est bien dans la droite ligne de celui qui sous-tend, par exemple, la révision générale des prélèvements obligatoires. En effet, que faut-il commencer par réviser, sinon toutes ces « encoches » dans l'assiette des impositions, tout ce qui nous contraint à vivre avec des taux trop élevés et handicape notre visibilité internationale et notre compétitivité ?

Voilà les raisons de fond pour lesquelles nous avons cru devoir proposer cette démarche et pour lesquelles il nous semble important que, au moins cet après-midi, le Sénat vote cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville, pour explication de vote.

M. Yves Fréville. Le rapporteur général a dit un certain nombre de choses que j'aurais aimé exprimer. Je limiterai donc mon propos aux raisons pour lesquelles je voterai l'amendement n° II-164.

Je le trouve tout à fait justifié, car il remet en cause le rôle de l'incitation comme fonction de l'impôt. À suivre nos débats fiscaux, on finirait par croire que le rôle de l'impôt se limite à des incitations. Je pense à l'achat de chaudières à basse température, par exemple. Or l'impôt a deux autres fonctions essentielles.

D'abord, il est destiné à fournir de l'argent en vue de financements. Par conséquent, à chaque niche décidée, on élève le taux et on réduit l'assiette, ce qui va à l'encontre de l'idée de neutralité qu'évoquait à l'instant M. Alain Lambert.

Ensuite, il ne faut pas l'oublier, l'impôt a pour fonction de redistribuer les revenus. Or, quand on prend des mesures d'incitation, on fausse la redistribution des revenus.

Voilà pourquoi il est nécessaire de revoir ce système d'incitation et, à mon sens, il faut le faire de deux façons.

Tout d'abord, et je vais là dans le sens du rapporteur général, nous devons définir ce qu'est la structure, dans leur pureté de cristal, de chacun des grands impôts qui ont été évoqués tout à l'heure.

Par exemple, l'impôt sur le revenu comprend le quotient familial ou le quotient conjugal. Le quotient familial n'est pas une dépense fiscale, à moins qu'il ne dépasse un certain nombre de normes.

Nous devrons donc accomplir ce premier travail de définition des structures de l'impôt sur les sociétés, de l'impôt sur le revenu et d'autres encore. À la liste qui figure dans l'amendement, j'ajouterai la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, TIPP.

Je ne nie pas la fonction d'incitation, mais elle est secondaire. Il convient d'en définir la durée pour toute déviation par rapport à la structure de l'impôt. Ainsi, à chaque fois que nous votons une incitation, limitons-là dans le temps, afin de la revoir ultérieurement.

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l'amendement n° II-164.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme  Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Tout comme M. Alain Lambert, je considère que ce débat est très important. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous l'avons ; nous en avons déjà parlé lors de l'examen des lois de finances précédentes.

Lors de la discussion de la première partie de ce projet, le groupe socialiste a suffisamment défendu l'intégrité de l'impôt sur le revenu pour partager le propos de M. Yves Fréville. L'impôt fournit bien des marges de manoeuvre et des financements qui permettent à l'État d'agir non seulement en redistribuant, mais aussi en faisant des choix de politiques publiques par le biais d'allocations « primaires ». C'est ce que nous ferons tout à l'heure pour le crédit d'impôt recherche, CIR.

Cela étant dit, il faut examiner l'amendement du rapporteur général dans le contexte des lois de finances depuis 2002 jusqu'au projet que nous examinons.

Nos collègues du groupe CRC ont eu raison de le rappeler et c'était particulièrement vrai pour la première partie, en matière de fiscalité du patrimoine, toutes les dispositions, le texte initial du Gouvernement, les amendements adoptés à l'Assemblée nationale ou encore ceux de la commission des finances du Sénat, en tout cas de sa majorité, ont eu pour objet d'étendre totalement le prélèvement libératoire et donc, d'une certaine manière, d'exonérer de l'impôt sur le revenu ceux qui y avaient recours, notamment pour la fiscalité de l'épargne.

Nous avons combattu cette mesure. C'est pourquoi nous examinons avec précaution l'amendement de M. Marini. Sur le fond, nous avons donc déjà un problème avec les dispositions adoptées en première partie qui visent à permettre l'optimisation fiscale de nombreux revenus du patrimoine. Et je ne rappelle pas les exonérations d'impôt sur les droits de succession !

Nous avons un autre problème par rapport à la liste qui figure dans l'amendement et que M. Michel Charasse a qualifiée d'inventaire à la Prévert. C'est un tableau bien orienté des niches actuelles en termes de dépenses fiscales.

Le rapporteur général nous propose de traiter de la même manière que les exonérations des gains de cessions de valeurs mobilières réalisés dans le cadre d'un plan d'épargne en actions, PEA, les exonérations des intérêts des livrets A et des livrets d'épargne populaire, l'exonération des intérêts des CODEVI, l'exonération des intérêts du livret jeune... Vous comprenez bien que cela pose un problème, d'autant que nous débattrons tout à l'heure du livret A !

Il n'est certainement pas facile de s'opposer à l'amendement du rapporteur général, mais, sur le fond, nous ne pouvons partager la philosophie d'une telle disposition, dont les différents éléments sont loin d'être des points de détail !

Par conséquent, pour ce qui nous concerne, comme nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, nous ne voterons pas cet amendement en l'état.

L'objectif, je le comprends bien, est de faire en sorte que le Gouvernement prenne, à un moment donné, ses responsabilités en matière de niches fiscales. C'est d'ailleurs notre rôle de parlementaires d'agir ainsi, à condition toutefois de balayer devant notre porte, car nous sommes tous tentés. Qui n'a pas, modestement, tenté de créer sa « petite niche » ? Mais, en l'occurrence, l'amendement du rapporteur général vise de « grosses niches » !

Voilà où nous en sommes à ce point du débat. Remercions toutefois le rapporteur général d'avoir posé le problème,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Voilà !

Mme Nicole Bricq. ...car, même s'il n'est pas tranché aujourd'hui, le Gouvernement devra répondre d'une façon beaucoup plus claire que celle du ministre tout à l'heure !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut bien que quelqu'un pose les problèmes. On ne peut pas mettre la poussière sous le tapis !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Je partage très largement l'opinion exprimée par Mme Nicole Bricq, mais je pense que, dans toute la liste que nous soumet M. le rapporteur général, quatre points, qui concernent l'épargne, posent problème.

Je considère que le fait de maintenir le couperet de 2010 en ce qui concerne les livrets A, les livrets d'épargne populaire, les livrets bleus, les CODEVI et les livrets de développement, ainsi que les livrets jeune, est une mauvaise chose pour l'épargne, puisque cela peut être très perturbateur pour de petits épargnants ou des épargnants modestes qui craignent le moindre coup de vent. Si c'était de l'épargne de riches, qui sont encore plus peureux, on ne les mettrait pas dans la liste.

Par conséquent, je propose à M. le rapporteur général d'accepter de rectifier son amendement en supprimant les huitième à onzième lignes du tableau, parce que, véritablement, ce n'est ni une bonne solution, ni une bonne mesure, ni un bon signal que l'on donne à l'épargne populaire. Il ne faudrait pas, si rien ne se passe d'ici à la fin 2009 ou le début 2010, ou même courant 2010, qu'il y ait une espèce de fuite vers d'autres formes de placement, qui seraient sans doute moins intéressantes pour les intéressés, pour la nation et pour l'intérêt général.

Je voterais volontiers l'amendement n° II-164 déposé par M. le rapporteur général- j'aurais en tout cas un avis très favorable à son endroit -si ces quatre lignes étaient retirées du tableau.

En effet, en ce qui concerne l'épargne, ce n'est pas une bonne chose d'annoncer à l'avance ce que l'on risque de faire. Il s'agit là d'une mesure de portée générale que M. le rapporteur général a déjà évoquée, me semble-t-il, dans d'autres circonstances, et ce genre de détails n'y a pas sa place.

M. Alain Lambert. S'agit-il d'un sous-amendement ?

M. Michel Charasse. Absolument !

M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° II-274, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :

Supprimer les huitième à onzième lignes (8°, 9°, 10° et 11°) du tableau constituant le troisième alinéa de l'amendement n° II-164.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. L'amendement de la commission des finances que vous a présenté M. le rapporteur général était porteur d'un message, à savoir la nécessité de l'évaluation de tous ces avantages, de toutes ces déductions ou crédits d'impôt. Cet exercice est incontournable !

Au demeurant, si vous entrez dans le détail, mes chers collègues, je vous rends attentifs au fait qu'il va falloir passer l'après-midi, et sans doute la soirée, pour en sortir.

Cet amendement dessine une orientation qui n'entraîne pas de conséquence immédiate, sinon l'obligation pour le Gouvernement de faire procéder aux évaluations nécessaires. Il s'agit de fixer un rendez-vous pour l'année prochaine. De grâce, n'entrons pas dans le détail ; sinon, nous n'en sortirons pas ! (Mme Nicole Bricq approuve.)

M. Michel Charasse. Je m'intéresse à l'épargne populaire !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants, mes chers collègues

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. L'amendement n° II-164 n'est pas uniquement un amendement d'appel ; c'est un amendement de fond très important. Toutefois, la liste mentionnée nous semble incomplète, car elle comporte cent vingt à cent trente niches, sur un total de plus de quatre cents niches.

Comme on l'a vu, il y a lieu de s'interroger sur chacune de ces niches, notamment sur la réduction d'impôt au titre de l'emploi, par des particuliers, d'un salarié à domicile, ou encore sur certaines mesures relatives à l'épargne. Il importe donc d'aller jusqu'au bout de votre logique. Or tel n'est pas le cas du présent amendement, tel qu'il est rédigé. Mais il faudrait beaucoup de temps pour examiner les choses dans leur ensemble.

Pour ma part, je peux prendre certains engagements qui vont dans le sens de la volonté du Gouvernement.

Ainsi, le débat d'orientation budgétaire qui doit avoir lieu au cours de l'année 2008 - cela nous laisse un peu de temps, mais pas trop -, ainsi que la revue générale des prélèvements obligatoires, la RGPO, menée par Christine Lagarde, pourraient être l'occasion d'étudier les niches fiscales sur l'ensemble des impôts - et pas uniquement sur une partie des impôts, comme vous l'avez prévu dans votre amendement - et de procéder à leur évaluation.

Nous pourrions envisager, si nécessaire et dans un certain nombre de cas, des durées déterminées. Ainsi, un nouveau débat pourrait s'instaurer - je crois que c'était votre souhait, et je le partage - afin de savoir si ces niches fiscales sont encore utiles. C'est une vraie question, et l'on a raison de se la poser.

Nous pourrions, dans le même temps, débattre du problème de l'instauration, le cas échéant, de plafonds, ainsi que de toutes les questions suscitées par les niches.

Je demande donc le retrait de cet amendement, sous le bénéfice d'un engagement que je prends : au moment du débat d'orientation budgétaire, nous devrons avoir pris position sur l'ensemble des niches fiscales et effectué les évaluations correspondantes, afin de pouvoir décider ensemble, conformément à votre logique, ce qu'il adviendra des niches fiscales à durée déterminée, à durée indéterminée, et de celles qui devraient être désormais plafonnées.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce débat permet de progresser, et je remercie vivement M. le ministre de l'analyse à laquelle il vient de se livrer.

L'amendement n° II-164 est incomplet, c'est vrai, car il ne vise que les régimes affectant l'assiette de l'impôt sur le revenu et celle de l'impôt sur les sociétés, et il conviendrait effectivement de prendre en considération l'ensemble des impôts.

Toutefois, le diable étant dans les détails, si on analyse cette liste ligne par ligne, des questions se poseront, auxquelles il faudra répondre en toute transparence. Par exemple, pourquoi faire figurer tel régime dans la catégorie des niches à durée déterminée et non pas dans celle des niches à durée indéterminée ?

Effectivement, entre la première partie et la seconde partie du projet de loi de finances, nous n'avons pas le temps nécessaire pour expliciter très clairement les arbitrages qui doivent être effectués, dans un esprit de totale responsabilité, ligne par ligne.

Monsieur le ministre, j'ai bien retenu que la démarche de la commission vous agréait, en ce sens que la contrainte d'évaluation de toute une série de régimes nous donnait l'opportunité de nous interroger sur le bon usage de la dépense fiscale.

La revue générale des prélèvements obligatoires est un exercice qui se déroulera dans les prochains mois. Vous nous avez indiqué que, à cette occasion, nous serons susceptibles de trouver des définitions communes pour une liste de mesures à mettre sous contrainte de durée d'ici au débat d'orientation budgétaire, c'est-à-dire à la fin du premier semestre 2008. C'est du moins ce que j'ai compris, monsieur le ministre.

Dans ce cadre, il me semble, monsieur président de la commission des finances, que nous avons bien avancé,...