Articles additionnels après l'article 10 quater
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Articles additionnels après l'article 10 quinquies

Article 10 quinquies

Dans le premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, les mots : « les prix » sont remplacés par les mots : « le prix de vente, ainsi que, dans les réseaux de grande distribution, sur le prix net moyen versé au producteur par catégorie, qualité et calibre, déduction faite des coûts de conditionnement ».

M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement a fait l'objet d'un débat très intéressant au sein de la commission des affaires économiques.

Le problème posé est celui du double affichage des prix. Mais il serait d'ailleurs plus juste de parler de « quadruple affichage des prix » ! En effet, à l'heure actuelle, les produits font déjà l'objet d'un double affichage : le prix unitaire et le prix par litre ou par kilogramme.

L'article 10 quinquies, introduit par un amendement adopté à l'Assemblée nationale, tend à prévoir également, pour une meilleure information du consommateur, l'affichage du prix d'achat au producteur ; mais il faudrait aussi indiquer le prix au litre ou au kilogramme, ce qui aboutirait finalement à quatre prix sur la même étiquette !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Sans compter la valeur en francs.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Et je ne parle effectivement que de l'affichage en euros, monsieur le secrétaire d'État !

Cette mesure, qui part d'une bonne intention, pourrait introduire une confusion dans l'esprit du consommateur. Le pire est que ce dernier pourrait se tromper : voyant le prix le plus bas, il déciderait d'acheter, et, à la caisse, il devrait le prix le plus élevé !

Dans un souci de transparence de l'affichage, de lisibilité du texte, et afin d'éviter tout risque d'erreur chez le consommateur, je vous invite à adopter notre amendement de suppression de l'article 10 quinquies, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. La disposition qui a été adoptée à l'Assemblée nationale ne contribue pas à simplifier l'information du consommateur. Au contraire, comme l'a très bien souligné M. le rapporteur, elle pourrait induire ce dernier en erreur.

Un double étiquetage avait été institué en août 1999 pour neuf fruits et légumes : à côté du prix payé par le consommateur devait figurer le prix d'achat au producteur.

Ce double étiquetage a duré deux mois. En effet, il imposait de nombreuses contraintes techniques et entraînait une confusion totale chez le consommateur.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est très favorable à la suppression de l'article 10 quinquies.

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, pour explication de vote.

M. Bernard Dussaut. L'article 10 quinquies, qui institue le double étiquetage, a été introduit à l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par M. Chassaigne.

Comme vient de le rappeler M. le secrétaire d'État, pendant l'été 1999, en vertu de l'article 71 de la loi d'orientation agricole, le ministre de l'agriculture et de la pêche avait pris quatre arrêtés rendant obligatoire le double affichage pour neuf fruits et légumes. Les étiquettes devaient mentionner le prix d'achat au producteur et le prix de vente au consommateur sur tous les lieux de vente au détail.

Cette disposition était très intéressante. Il ne faut pas prendre les consommateurs pour des imbéciles. Ils savent lire une étiquette !

Dans le contexte d'inflation des prix des matières premières agricoles que nous connaissons, il nous paraît pertinent d'étendre l'application de cette mesure à tous les fruits et légumes.

La majorité parlementaire à l'Assemblée nationale, suivant l'avis du rapporteur, a d'ailleurs approuvé cette disposition. Elle contraindrait sans doute les distributeurs à revoir leur marge et offrirait aux consommateurs une réelle information. Reconnaissez que c'est l'objectif du présent projet de loi. Par ailleurs, elle responsabiliserait les distributeurs qui devraient veiller aux marges qu'ils pratiquent.

La qualité des produits des producteurs sera directement mise en relation avec le prix de vente. Le consommateur, par une démarche volontaire, deviendra un consommateur citoyen.

Pour toutes ces raisons, nous sommes hostiles à la suppression de l'article 10 quinquies et voterons donc contre l'amendement de suppression no 49.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 10 quinquies est supprimé.

Article 10 quinquies
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Article 11

Articles additionnels après l'article 10 quinquies

M. le président. L'amendement n° 185, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1 de l'annexe au code de la consommation prévue au troisième alinéa de l'article L. 132-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ...) de permettre à une banque ou un établissement financier ne pas inclure un délai maximum d'un mois pour rendre effective la dénonciation opérée par l'un des cotitulaires d'un compte collectif par lettre recommandée avec accusé de réception.  À l'issue de ce délai, le compte collectif doit être obligatoirement bloqué par la banque ou l'établissement financier. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. À l'heure actuelle, près de deux millions de Français sont exclus du système bancaire du fait d'un incident de paiement.

Notre système prévoit que plusieurs personnes peuvent détenir un compte dit collectif. Un compte collectif peut être ouvert par une association ou - c'est le cas le plus fréquent -par un ménage. Il s'agit alors d'un compte joint.

Lorsqu'un ménage connaît des problèmes - je rappelle qu'un tiers des mariages se termine par un divorce -, le compte joint se trouve alors en difficulté.

La banque considère que sa responsabilité ne peut pas être dégagée sans que les deux cotitulaires d'un compte collectif consentent à clôturer le compte.

Or, il arrive que l'un de ces consentements n'arrive jamais. Pendant des semaines, voire des mois, l'un des cotitulaires peut alors provoquer un incident de paiement. L'autre cotitulaire, l'époux ou l'épouse, a alors deux solutions : soit il admet l'incident de paiement et devient interdit de chéquier et de carte de crédit, parfois pendant des années, même s'il est par ailleurs tout à fait solvable ; soit il comble le découvert jusqu'à ce que la procédure de divorce aboutisse, ce qui prend souvent plusieurs mois. Ce cotitulaire devient l'otage du système bancaire.

Or, on pourrait mettre fin à cette situation en adoptant la disposition prévue par l'amendement n° 185. Lorsqu'une personne dénonce la convention de compte collectif par lettre recommandée avec accusé de réception, la banque disposerait d'un délai d'un mois pour prévenir obligatoirement le cotitulaire que le compte est bloqué.

Sans une telle disposition, des Français continueront à connaître des incidents de paiement et à être exclus du système bancaire.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Il est difficile de donner un avis sur un amendement qui vise à remédier à un véritable problème.

M. Dominati dénonce les effets pervers du système bancaire actuel. Toutefois, si nous acceptions son amendement, peut-être serions-nous confrontés à d'autres effets pervers. Je suis pour ma part dans l'impossibilité d'en juger, et c'est pourquoi je souhaite entendre le Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, les comptes collectifs doivent en effet pouvoir être rapidement dénoncés par l'un des titulaires.

Le droit actuel prévoit déjà que la dénonciation d'un compte joint prend effet immédiatement. Il ressort d'un principe général du droit qu'un engagement à durée indéterminée peut être dénoncé à tout moment, comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel dans un avis en date du 9 novembre 1999.

Ce point est d'ailleurs confirmé par la jurisprudence relative à la révocation des comptes joints. Un arrêt du 30 janvier 1990 de la Cour de cassation a jugé qu'un compte joint est toujours révocable et perd son caractère par la seule manifestation de volonté de l'un des cotitulaires. La dénonciation du compte joint prend effet immédiatement, indépendamment des dispositions internes prises ou non par la banque pour en informer les autres titulaires. Une telle dénonciation rend la provision indisponible, et son auteur est fondé à réclamer à la banque le paiement de chèques émis par le cotitulaire et réglé par elle après réception de la lettre de dénonciation.

Monsieur le sénateur, je crains que les dispositions de votre amendement ne soient moins favorables au consommateur que ne l'est la jurisprudence actuelle. En effet, vous proposez un délai d'application d'un mois alors que la jurisprudence rend la dénonciation immédiate.

Je souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je suis favorable à l'amendement no 185. En effet, en cas de succession, les difficultés sont identiques à celles qu'a décrites M. Dominati. Par ailleurs, il existe une très grande différence entre la pratique des banques et la jurisprudence telle qu'elle ressort des tribunaux, et j'en parle en connaissance de cause.

Il serait donc souhaitable que le législateur entérine la jurisprudence au lieu de la suivre. Les parlementaires ont aussi pour mission de valider et de préciser des jurisprudences.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. J'ai rencontré dans mon entreprise, des personnes se trouvant dans la situation qu'a décrite M. Philippe Dominati et connaissant de ce fait de réelles difficultés financières.

J'ai pris acte de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais je pense, comme Mme Nathalie Goulet, qu'il serait souhaitable de légiférer sur ce point.

L'amendement n° 185 n'est peut-être pas parfait, mais, si le Sénat l'adoptait, il deviendrait possible de trouver, en commission mixte paritaire, une rédaction contraignant les banques à appliquer des dispositions déjà existantes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le président, je serais prêt à retirer mon amendement si M. le secrétaire d'État me donnait l'assurance que la jurisprudence qu'il a évoquée est effectivement appliquée par les banques.

Je crains en effet que l'arrêt mentionné ne soit valable qu'à partir du moment où l'un des deux cotitulaires reçoit de la banque une lettre recommandée, avec accusé de réception, l'informant que la convention de compte collectif a été dénoncée. Si l'accusé de réception n'arrive pas, aucun délai n'est applicable. Contrairement à ce que prévoit la jurisprudence, rien ne contraint la banque à ne pas laisser fonctionner le compte collectif.

Monsieur le secrétaire d'État, si vous prenez l'engagement de vérifier cette question et, le cas échéant, de modifier par voie législative le fonctionnement du système bancaire, je retirerai mon amendement. À défaut d'obtenir cette assurance, je le maintiendrai.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur Dominati, vous soulevez une question importante. Nous sommes là pour légiférer, et nous avons toute latitude pour revoir cette disposition.

M. le secrétaire d'État considère que votre amendement est en retrait par rapport à la jurisprudence actuelle et que son adoption risque de ne pas produire les effets que vous escomptez.

S'il ne s'agit que de raccourcir le délai, je pense que vous accepterez de rectifier votre amendement.

Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, ce sujet préoccupe nombre de nos concitoyens. Certains intervenants ont fait référence à des situations vécues. Je souhaite donc que vous précisiez la position du Gouvernement sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Dominati, la jurisprudence est assurée par les trois arrêts de la Cour de cassation qui existent actuellement sur ce sujet.

Certes, je comprends que vous souhaitiez obtenir des garanties quant à l'application par les établissements financiers ou bancaires de cette jurisprudence.

À cet égard, je puis vous dire que Christine Lagarde et moi-même allons, au mois de janvier prochain, réinstaller le Comité consultatif du secteur financier, le CCSF, qui réunit les professionnels et des associations de consommateurs, et je m'engage à ce que cette question soit inscrite à l'ordre du jour de cette prochaine réunion du Comité, compte tenu, d'une part, de l'importance que vous y attachez et, d'autre part, du souhait du Gouvernement de voir la jurisprudence effectivement respectée en la matière.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 185 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Le délai étant extrêmement court et raisonnable, je retire l'amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 185 est retiré.

L'amendement n° 50 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le dernier alinéa de l'article L. 136-1 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils sont applicables aux consommateurs et aux non-professionnels. »

II. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 113-15-1 du code des assurances, les mots : « en dehors de leurs activités professionnelles » sont supprimés.

III. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 221-10-1 du code de la mutualité, les mots :

« non professionnel »

sont remplacés par les mots : « professionnel ou non ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Cet amendement va certainement faire plaisir à M. le secrétaire d'État et lui rappeler quelques débats parlementaires !

Il a pour objet d'étendre aux personnes agissant dans le cadre de leur activité professionnelle les dispositions relatives à l'information des consommateurs en matière de contrat annuel à tacite reconduction résultant de la proposition de loi Chatel de janvier 2005.

Vous étiez l'auteur de ce texte, monsieur le secrétaire d'État, et j'en étais, pour ma part, le rapporteur pour le Sénat ; c'est donc à cette époque et à cette occasion que nous avons fait connaissance.

Il s'agit là d'un bon dispositif, mais qui doit être étendu aux personnes concluant, dans le cadre de leur activité professionnelle, des contrats de service annuel à tacite reconduction, comme, par exemple, la location d'un photocopieur, l'assurance pour leur local, etc.

La manière même dont ils exercent leur profession doit permettre de les assimiler, pour ce qui concerne leur information, à des consommateurs.

Cet amendement a simplement pour objet de mieux préciser qui est visé par référence à une notion déjà présente à l'article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, vous proposez ici trois dispositions nouvelles, et le Gouvernement ne peut être favorable qu'à la première d'entre elles, à savoir celle qui consiste à étendre l'article L.136-1 du code de la consommation aux consommateurs et aux non-professionnels.

En revanche, s'agissant des deux autres dispositions, nous éprouvons quelques difficultés. Nous pensons en effet que, pour assurer une totale cohérence, il faudrait étendre les dispositions du code des assurances et du code de la mutualité aux consommateurs ou aux non-professionnels, ce qui n'est techniquement pas possible, la notion de consommateur n'existant ni dans le code des assurances ni dans celui de la mutualité.

Je comprends tout à fait votre volonté d'avancer sur ce dossier, et c'est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable au I de votre amendement. En revanche, il est réservé sur les II et III.

Au final, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M.  le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je ne puis douter ni de la volonté ni de la motivation de M. le secrétaire d'État de faire avancer ce dossier, puisqu'il fut lui-même à l'origine de la proposition de loi qui fait référence en la matière.

Or, à partir du moment où il émet des réserves sur certains points, réserves qui peuvent paraître justifiées, même s'il convient d'explorer les choses - et nul doute qu'il le fera -, je préfère, pour l'heure, rectifier mon amendement pour le concentrer sur le I, sachant que nous aurons sans doute l'occasion de revenir à tête reposée sur les II et III, à propos desquels le Gouvernement a émis des réserves. Je le répète, c'est M. Chatel lui-même qui avait déposé cette proposition de loi, et je n'ai aucun doute sur sa volonté d'aller beaucoup plus loin dans ce domaine. C'est donc très volontiers que je rectifie cet amendement.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 50 rectifié bis, présente par M. Gérard Cornu, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le dernier alinéa de l'article L. 136-1 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ils sont applicables aux consommateurs et aux non-professionnels. »

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10  quinquies.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 141-3 du code de la consommation, il est inséré un article  L. 141-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-4 - Le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Cornu, rapporteur. Nous sommes ici en présence d'un amendement extrêmement important qui a donné lieu à d'importants débats au sein de la commission des affaires économiques et a finalement soulevé l'enthousiasme de cette dernière, puisqu'il a été voté à l'unanimité !

Je vais tenter de me faire l'écho dans l'hémicycle de cet enthousiasme.

En réalité, cet amendement a pour objet de permettre - je dis bien de « permettre » - au juge d'instance ou au juge de proximité de soulever d'office tout moyen dans les litiges relevant du code de la consommation.

Je l'ai présenté à mes collègues de la commission après avoir été alerté par le Médiateur de la République sur les déséquilibres qui peuvent actuellement exister entre consommateurs et professionnels dans les conflits qui les opposent.

En effet, les premiers sont rarement assistés d'un avocat alors que la plupart d'entre eux ne connaissent pas bien le droit de la consommation. Aussi est-il fréquent qu'ils se trompent dans l'utilisation des moyens juridiques qu'ils invoquent devant la justice.

À l'inverse, les professionnels bénéficient le plus souvent du concours de conseils.

La Cour de justice des communautés européennes est tout à fait consciente de ce déséquilibre, et plusieurs de ses décisions, dont certaines sont très récentes puisqu'elles datent de deux mois à peine, imposent désormais au juge d'intervenir directement dans divers domaines - je pense, notamment, aux clauses abusives et, désormais, au crédit à la consommation.

Cet amendement rectifié qui, je vous le rappelle, a été adopté à l'unanimité par la commission, n'a d'autre objet que d'étendre cette faculté du juge à tout le champ couvert par le code de la consommation.

M. le président. L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Béteille, Portelli, Cointat, Cambon, J.  Gautier, Cléach, Jarlier, Lecerf, Dallier, Courtois et Houel, Mme Mélot et M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé:

Après l'article L. 141-3 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art L. ... - Dans les litiges opposant un consommateur et un professionnel, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 141-3 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Le juge soulève d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. »

La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Cet amendement est également défendu.

M. le président. L'amendement n° 148 rectifié, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 10 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 141-3 du code de la consommation, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Dans les litiges opposants un consommateur et un professionnel, le juge doit soulever d'office les dispositions protectrices du consommateur, qu'elles soient inscrites dans le code de la consommation ou dans tout autre texte de nature législative ou réglementaire. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. La commission préfère bien évidemment s'en tenir à son amendement n° 51 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. L'amendement n° 51 rectifié vise à permettre au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation. Il s'agit donc là d'une évolution très importante.

Les amendements nos 115 et 148 rectifié en font, eux, une obligation.

Actuellement, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le juge ne peut soulever d'office, dans le cadre d'un débat contentieux, un moyen de droit relatif à l'application du droit de la consommation qui n'a pas été soulevé par les différentes parties au litige.

La Cour de cassation refuse au juge du fond de relever d'office les moyens fondés sur une disposition tirée de l'ordre public de protection. Toute règle protectrice d'un intérêt particulier échappe donc à l'intervention du juge.

Certes, la jurisprudence communautaire acte la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause dans le cadre d'un litige entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur ; mais nous sommes là dans le strict champ contractuel.

Bien sûr, on peut être tenté, monsieur le rapporteur, de considérer le consommateur comme étant la partie particulièrement vulnérable, mais il faut sans doute aussi se poser la question de certains litiges d'une autre nature, tel le droit du travail, par exemple.

Le consommateur est-il toujours la partie la plus vulnérable ? Qu'en est-il, par exemple, du petit commerçant qui est confronté à un consommateur particulièrement procédurier, voire malhonnête ? Faut-il vraiment favoriser le second au détriment du premier, tant il est vrai - et c'est bien de cela qu'il s'agit, mesdames, messieurs les sénateurs - que le juge doit rester un arbitre impartial et que le droit au procès équitable ne doit pas souffrir d'exception ?

Monsieur le rapporteur, vous proposez que les consommateurs bénéficient en quelque sorte d'un « super conseiller juridique », le juge, et ce au détriment de la partie à laquelle il s'oppose, quelle qu'elle soit.

Si la procédure préconisée était obligatoire - c'est l'objet des amendements nos 115 et 148 rectifié -, alors, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ouvririez la porte à une infinité de contentieux possibles qui pourraient se révéler préjudiciables y compris aux consommateurs que vous souhaitez protéger.

Si elle est facultative, il y aura autant de cas de figure que de juges en France, compte tenu de la légitime faculté d'appréciation de ces derniers.

Est-ce cela que vous voulez, mesdames, messieurs les sénateurs ? Je me permets de vous poser la question.

Comme le Gouvernement, vous voulez faciliter l'accès des consommateurs à la justice ; vous voulez une vraie justice de proximité, efficace et rapide ; vous voulez des procédures nouvelles et efficientes. Or je ne suis pas sûr que le fait de soulever d'office les dispositions protectrices du consommateur soit la meilleure réponse. Je pense plutôt que l'action du groupe que nous avons évoquée au cours de ce débat serait plus appropriée.

Certes, monsieur le rapporteur, j'ai bien compris que vous étiez très attaché à cette disposition ; en témoignent les échanges nourris tant au sein de la commission qu'entre cette dernière et mon secrétariat d'État.

Pour cette raison, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements nos 51 rectifié et 59 rectifié bis. En revanche, il est défavorable aux amendements nos 115 et 148 rectifié, qui, eux, visent à instaurer une obligation.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51  rectifié.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10 quinquies, et les amendements nos 59 rectifié bis, 115 et 148 rectifié n'ont plus d'objet.

TITRE III

HABILITATION DU GOUVERNEMENT À PROCÉDER À L'ADAPTATION DE LA PARTIE LÉGISLATIVE DU CODE DE LA CONSOMMATION ET À L'ADOPTION DE DIVERSES MESURES RELEVANT DU LIVRE II DU MÊME CODE

Articles additionnels après l'article 10 quinquies
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Article 12

Article 11

I. - Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d'ordonnance :

1° À la refonte du code de la consommation, afin d'y inclure les dispositions de nature législative qui n'ont pas été codifiées et d'aménager le plan du code.

Les dispositions ainsi codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet ;

2° À l'extension de l'application des dispositions codifiées susmentionnées, avec les adaptations nécessaires, à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l'État et aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.

II. - L'ordonnance prévue au 1° du I est prise dans un délai de vingt-quatre mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 116 est présenté par MM. Dussaut, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 171 est présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Dussaut, pour défendre l'amendement n° 116.

M. Bernard Dussaut. L'article 11 vise la recodification par ordonnance du code de la consommation au motif que ce code, sous l'influence du législateur, « a perdu de sa clarté ».

Si une étude doit être menée quant à une éventuelle refonte du code de la consommation, voire une réécriture qui en simplifierait la compréhension, il apparaît que le Parlement doit rester maître du travail final, au-delà d'une lecture rapide d'une ordonnance rédigée hors ses murs.

En un mot, nous nous opposons au recours trop fréquent aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution ; il s'agit là d'une question de fond.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour défendre l'amendement n° 171.

Mme Odette Terrade. Cet amendement est identique au précédent, et nous partageons la préoccupation que vient d'exprimer notre collègue Bernard Dussaut, à savoir éviter un recours trop fréquent aux ordonnances de l'article 38.

En effet, dans la note de synthèse du service des études juridiques du 2 février 2007 intitulée Les ordonnances : bilan au 31 décembre 2006, on peut lire ceci : « Au cours de la dernière période quinquennale (2002-2006), le nombre de lois contenant des mesures d'habilitation dépasse celui enregistré pour les vingt années 1984-2003. »

Selon nous, ce constat est inquiétant et montre la dérive dans la pratique des institutions depuis quelques années, dérive qui tend à priver le Parlement des compétences qui sont les siennes, notamment au titre de l'article 34 de la Constitution.

Notre refus du recours aux ordonnances de l'article 38 est renforcé par l'expérience récente de recodification du code du travail.

En effet, le Gouvernement a procédé à une interprétation de la notion de codification à droit constant.

Ainsi notre collègue et amie Annie David dénonçait-elle, voilà quelque temps, la délégalisation d'un certain nombre de dispositions du code du travail, permettant plus facilement la modification de ces dispositions devenues réglementaires.

Ce phénomène de « reclassification » s'accompagne d'une nouvelle réorganisation du code du travail, qui enlève de la lisibilité au code du travail - et je ne voudrais pas en rajouter en évoquant le travail du dimanche sur lequel nous avons légiféré hier soir.

La réforme des institutions qui vise à enterrer définitivement le Parlement - je l'ai déjà dit au cours de la discussion générale - n'étant pas adoptée à ce jour, nous avons encore, me semble-t-il, le pouvoir de nous opposer à ce recours systématique aux ordonnances de l'article 38.

J'invite donc les membres de la Haute Assemblée qui sont soucieux de la défense des droits du Parlement à réfléchir et à voter cet amendement tendant à supprimer l'article 11 du projet de loi.

M. Bernard Dussaut. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Les ordonnances prévues au 2° du I sont prises dans un délai de douze mois suivant la publication de l'ordonnance prévue au 1° du même I. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune d'entre elles.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 116 et 171.

M. Gérard Cornu, rapporteur. L'amendement n°52 est très important : il vise à réparer un oubli, qui aurait rendu inconstitutionnelles les ordonnances prises pour rendre applicable outre-mer le nouveau code de la consommation.

Les amendements identiques nos 116 et 171 posent le problème des ordonnances. Il est vrai que les parlementaires ne sont jamais satisfaits d'autoriser le Gouvernement à légiférer par ordonnance, mais, dans cette circonstance, c'est vraiment à droit constant, et nous veillerons à ce qu'il en soit ainsi. Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je tiens à rassurer M. Bernard Dussaut et Mme Odette Terrade : la refonte du code de la consommation que le Gouvernement propose d'effectuer par voie d'ordonnance se fera à droit constant. Il n'est pas question de modifier le contenu de ce code en vigueur depuis 1993.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il y sera défavorable.

Quant à l'amendement n° 52, le Gouvernement y est favorable, sous réserve de la modification rédactionnelle suivante : après les mots « les ordonnances », il convient d'insérer les mots « permettant la mise en oeuvre des dispositions ».

M. le président. Monsieur le rapporteur, que pensez-vous de la suggestion de M. le secrétaire d'État ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je l'approuve, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Cornu, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Les ordonnances permettant la mise en oeuvre des dispositions prévues au 2° du I sont prises dans un délai de douze mois suivant la publication de l'ordonnance prévue au 1° du même I. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune d'entre elles.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 116 et 171.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)