Mme Catherine Procaccia, rapporteur. ...nous donneront l'occasion de corriger cette imperfection.

En conséquence, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi tel qu'il est issu des travaux de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Madame la secrétaire d'État, sur ce projet de loi, comme sur bien d'autres d'ailleurs, vous souhaitez aller vite, très vite, puisque vous avez la volonté de parvenir à un vote conforme pour entériner ce texte.

Il faut dire que vous avez entamé une course contre la montre pour répondre aux exigences du grand chantier présidentiel, celui de la casse organisée du droit du travail,...

M. Robert Bret. C'est vrai !

Mme Annie David.... avec, pêle-mêle, la fusion ANPE-UNEDIC, la prétendue amélioration du pouvoir d'achat, qui vous permettra de mettre à mal les 35 heures, le contrat de travail unique, la flexsécurité, le travail du dimanche et, aujourd'hui, la recodification du code du travail, prélude à bien des régressions en matière de droits des salariés.

Cette recodification a été l'affaire des gouvernants, ne vous en déplaise, au point que deux organisations syndicales ont saisi le Conseil d'État ; c'est sans doute ce qui explique votre précipitation. Vous savez qu'en donnant valeur législative à votre ordonnance vous la soustrayez à l'emprise du juge administratif. À l'Assemblée nationale, nos collègues l'ont d'ailleurs démontré en citant un passage du rapport de Mme Irles, où il était écrit que l'intérêt d'une loi de ratification était aussi « de rendre sans objet les recours engagés devant la juridiction administrative contre cette ordonnance en donnant une valeur législative à l'ordonnance qu'elle ratifie ». Au moins c'est clair, on peut remercier Mme Irles pour sa franchise !

S'agissant de la méthode, peu nombreux sont celles et ceux qui vous soutiennent aujourd'hui, madame la secrétaire d'État, à part votre majorité ! Avez-vous tenu vos promesses ? Le code du travail est-il plus lisible ? Est-il plus facile à utiliser, l'avez-vous simplifié sans l'avoir réduit ? C'est ce que vous prétendez, c'est ce que pense également Mme la rapporteur, mais le groupe CRC ne peut que répondre négativement à toutes ces questions.

Vous avez procédé à un redécoupage sans précédent du code du travail, en déclassifiant pas moins de 500 dispositions, les faisant passer du domaine législatif au domaine réglementaire.

Pourtant, priver les salariés de la protection législative pour les exposer à la « souplesse », pour ne pas dire au silence du domaine réglementaire, c'est diminuer leurs droits. En fait, là où il vous fallait hier engager un débat contradictoire et public pour modifier la loi, vous pourrez demain agir seuls, privant les partenaires sociaux du contre-pouvoir que représente le débat parlementaire.

En outre, vous avez multiplié par deux le nombre d'articles, créant 1 890 subdivisions au lieu des 271 existantes. Et, dans cet océan de complexité, vous voudriez faire croire que les utilisateurs trouveront ce code plus lisible ? Balivernes !

Vous avez, d'une manière très sélective, utilisé l'indicatif en lieu et place de l'impératif. Votre choix est sélectif, car les salariés « doivent faire » ou « doivent remettre », alors que l'employeur « remet » ou « fait ». Désormais, ce qui apparaissait comme une présomption irrécusable ne l'est plus, à charge pour le salarié d'apporter la preuve de ce qu'il dit.

Vous avez encore exclu certaines professions de la justice prud'homale en sectorisant les conflits. Je pense aux salariés agricoles, qui dépendront demain du code rural, ou encore à l'article 7 de l'ordonnance, qui intègre dans le code minier les dispositions relatives aux conditions de travail jusqu'alors prévues dans le code du travail. Vous avez organisé le dessaisissement de la juridiction prud'homale au moyen des dispositions prévues dans les articles L. 2143-17, L. 2315-3, L. 2325-7 ou L. 3121-50, qui créent une ambiguïté sur la compétence des juridictions.

Par ailleurs, vous avez recours à la notion abstraite d' « autorité administrative », qui vient se substituer à la notion, pourtant explicite, d'« inspecteur du travail » ou d'« inspection du travail ».

En outre, vous avez aussi fait le choix de supprimer l'ancien article L. 241-6 du code du travail, qui précisait pourtant les conditions de formation nécessaires à l'exercice de la médecine du travail et les aides financières liées à celle-ci.

Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, PLFSS, nous avons pu observer l'idée que vous vous faisiez de la médecine du travail et le sort que vous réserviez aux victimes du travail. On comprend aujourd'hui que c'est la médecine du travail en elle-même qui vous déplaît ; c'est la raison pour laquelle vous souhaitez l'enterrer.

En matière de santé au travail, vous êtes allés encore plus loin. En dehors de la notion de droit constant, vous avez créé de toutes pièces dans le titre II intitulé « Principes généraux de prévention » un chapitre nouveau intitulé « Obligations des travailleurs ». C'est faire peser sur les salariés une responsabilité quant à la survenue de leur propre accident du travail, amoindrir mécaniquement la responsabilité des employeurs et, par voie de conséquence, l'indemnisation des salariés. Il faut dire que le MEDEF avait fort peu apprécié les arrêts de juin 2002 ; vous satisfaites là une de ses exigences !

Le MEDEF pourra aussi vous remercier pour la suppression des peines de récidive dont il n'est plus fait mention. Pourtant, il me semblait que le Président de la République avait fait de la lutte contre la récidive et de la sanction de celle-ci une de ses priorités. J'en conclus qu'il y a délinquant et délinquant...

Il est vrai que le code du travail est aujourd'hui complexe. Mais, face à un diagnostic commun, nous ne proposons pas la même solution. J'imagine que cela ne vous étonnera guère ! Non, nous sommes opposés à une découpe à la machette du code du travail au nom d'une meilleure lisibilité. En revanche, nous sommes favorables à une réécriture concertée.

Nous voulons donner aux salariés des moyens supplémentaires en renforçant les comités d'entreprises, en confortant les maisons de justice et du droit, que votre Gouvernement, par la voix de Mme Rachida Dati, annonce vouloir fermer en partie. Cela passe par une justice prud'homale plus efficace. Au lieu de cela, vous supprimez soixante-trois conseils prud'homaux, quitte à éloigner plus encore les salariés d'une justice qui se doit d'être de proximité.

Je me souviens de nos échanges lors de l'examen de ce texte en première lecture au Sénat. Je me souviens avoir déjà fait part de mes doutes sur certains éléments qui ne figuraient plus dans la partie législative. Je me souviens également avoir entendu M. Xavier Bertrand, qui était présent alors, nous demander de lui faire confiance, nous expliquant que cela allait bien figurer dans la partie réglementaire.

M. Xavier Bertrand n'étant pas là aujourd'hui, c'est à vous que je m'adresse, madame Létard. Cela ne nous satisfait pas, car les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Interrogez les salariés de GDF, par exemple. Le Président de la République leur avait promis qu'ils ne seraient pas privatisés !

Je vous répète ce que nous avions dit en première lecture, ce texte va à l'encontre des droits des salariés. Il ne sert que les intérêts du MEDEF, pour qui la main-d'oeuvre n'est jamais assez corvéable et le droit toujours trop protecteur. Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, entre le 26 septembre et aujourd'hui, notre avis sur ce texte n'a pas changé, vous l'avez certainement deviné. Nous y sommes toujours vivement opposés à la fois pour des raisons de forme et des raisons de fond.

Sur la forme, nous contestons les conditions dans lesquelles le Gouvernement veut faire adopter ce texte à marche forcée pour court-circuiter une procédure en annulation engagée par plusieurs organisations devant le Conseil d'État. Le Gouvernement instrumentalise le Parlement pour contourner une décision qui vient de la plus haute juridiction administrative française, seule habilitée, dans notre État de droit, à apprécier la conformité des textes, et qui pourrait bien lui être défavorable. Si le Gouvernement n'a pas réussi à imposer un vote conforme à l'Assemblée nationale, il peut compter aujourd'hui sur sa majorité au Sénat.

Pourtant, madame la rapporteur, vous l'avez vous-même indiqué, il reste « des imperfections formelles » dans ce texte. Sur ce point, je suis d'accord avec vous ; j'irais même peut-être plus loin ! Vous avez décidé que ces imperfections resteraient en l'état, jugeant qu'il n'était pas indispensable de prolonger la navette pour ce motif et préférant une promulgation rapide de ce projet de loi afin de stabiliser le texte du nouveau code. Cela nous ramène à mon propos précédent.

Je ne comprends pas bien l'argument pour un texte qui n'est censé entrer en vigueur qu'à partir du 1er mai 2008. La vérité est autre. On vous a suggéré, je suppose, de mettre fin aux débats pour que le texte soit promulgué avant la fin de l'année, ce qui aura pour conséquence d'interrompre la procédure en cours devant le Conseil d'État.

Sur le fond, nous maintenons que cette recodification n'a pas été faite à droit constant, comme elle aurait dû l'être. En témoignent la centaine d'amendements adoptés par le Sénat et l'Assemblée nationale en première lecture. Vous le reconnaissez vous-même, madame le rapporteur, ce furent des « modifications significatives ». Selon nous, il aurait fallu en apporter bien d'autres !

Nous contestons principalement trois points.

Le premier est le déclassement de plus de 500 dispositions de la partie législative vers la partie réglementaire. Demain, nous n'aurons plus aucun droit de regard sur leur modification. Nous vous l'avions déjà dit en première lecture, et je rejoins sur ce point les propos tenus par ma collègue Annie David, c'est effectivement un moyen de dessaisir le Parlement. C'est aussi un moyen d'éviter que les organisations syndicales ne saisissent le Parlement pour lui demander de modifier le code du travail.

Le deuxième point est l'externalisation vers d'autres codes de nombreux articles qui concernent des catégories importantes de salariés : assistants maternels et familiaux, salariés agricoles, etc.

Enfin, le troisième point concerne les changements de vocabulaire et de grammaire, ainsi que le découpage ou le regroupement de certains articles qui permettra de nouvelles interprétations et instaurera donc une nouvelle incertitude jurisprudentielle. On sait pourtant à quel point c'est important en matière de code du travail et de relations au travail !

Selon nous, il est inacceptable d'user de tels procédés pour mettre en jeu des sujets aussi importants que l'inspection du travail, les conseils de prud'hommes ou les procédures de licenciement. De plus, nous craignons que cela n'ouvre de nouvelles portes juridiques pour diminuer encore, à l'avenir, les droits des salariés et de leurs représentants.

Par exemple, après un licenciement économique, si un employeur embauche à nouveau pendant une période donnée, il doit proposer le poste en priorité à la personne qu'il vient de licencier ; c'est la procédure actuelle. Certes, dans le nouveau code, la règle a été recopiée à l'identique, mais on l'a glissée dans une section relative aux licenciements d'au moins dix salariés dans une période de trente jours, ce qui pourrait avoir pour effet d'exclure tous les autres. Vous voyez bien que nous ne sommes pas à droit constant !

Par ailleurs, il n'est pas neutre d'associer dans la même partie les articles relatifs à la rémunération et ceux qui concernent le temps de travail. On présente la réglementation du temps de travail comme un facteur de réduction des salaires. C'est la logique du « travailler plus pour gagner plus », dont nous reparlerons certainement très longuement tout au long de l'année 2008. Lier les articles relatifs à la réduction du temps de travail et ceux qui portent sur la santé au travail aurait eu un tout autre sens !

Le minutieux travail qu'ont effectué à l'Assemblée nationale nos collègues députés de gauche pour amender le texte a permis de multiplier les démonstrations de ce genre. Madame la secrétaire d'État, madame la rapporteur, nous aurions pu reprendre ces amendements. Mais nous ne nous faisons aucune illusion sur un changement de position ou une prise de conscience tardive du Gouvernement. Il ne nous a donc pas semblé opportun de poursuivre ce dialogue de sourds, d'autant plus que, madame la rapporteur, vous avez affiché, ce qui est parfaitement votre droit, votre intention de faire voter le texte conforme. Il ne nous reste plus qu'à poursuivre notre contestation par d'autres moyens ; nous verrons lesquels. Je ne vous cacherai pas que nous envisageons, entre autres, de saisir le Conseil constitutionnel.

En fait, pour nous, tout est très clair : le Gouvernement profite de la jungle des textes pour faire passer un certain nombre de dispositions conduisant à des régressions sociales. Notre position sur le sujet n'a donc pas changé.

En revanche, ce qui a changé entre le 26 septembre et aujourd'hui, c'est le contexte. Alors que nous avions débattu dans une relative indifférence en première lecture, pour cette deuxième lecture, les critiques se multiplient et ne cessent de prendre de l'ampleur. J'invite donc tous ceux qui s'expriment ici aujourd'hui et à juste titre dans la presse à prendre connaissance des débats que nous avons eus voilà quelques mois. Ils y retrouveront pour l'essentiel les propos tenus.

Parmi ces critiques, il en est qui viennent de l'Inspection du travail. Vous ne pouvez pas rejeter d'un revers de mains les points précis qui ont été soulevés par ces professionnels du droit du travail, repris tout à l'heure par notre collègue Mme Annie David dans un large tour d'horizon, et sur lesquels nous sommes en parfait accord.

L'Inspection du travail est l'administration chargée de faire appliquer au quotidien le droit du travail dans les entreprises. Son rôle est donc primordial pour le succès de cette opération de recodification. Celle-ci ne réussira pas contre elle. Aussi devez-vous l'écouter, madame la secrétaire d'État, quand elle attire votre attention sur le fait que la recodification proposée pose de nombreux problèmes juridiques.

Le code du travail, c'est le droit le plus « intime », c'est le quotidien pour 16 millions de salariés du privé. Mais c'est aussi le droit le moins connu, le plus contesté, le plus concerné par les fraudes. C'est la base de l'État de droit dans l'entreprise. Sa recodification aurait mérité un consensus, mais ce n'est pas la voie qui a été choisie pour les raisons que j'ai développées au début de mon propos.

Derrière ce qui est présenté comme une simple remise en ordre des textes se profilent des modifications du sens et de la portée des règles. En cela, cette recodification pourrait bien constituer un séisme. Non sans paradoxe, elle pourrait aussi se révéler être un mirage, tant la croyance en un sens clair et univoque d'un texte, en un droit sans interprétation, est un leurre. C'est particulièrement vrai en matière de droit du travail. On sait en effet combien les conflits d'interprétation sont consubstantiels à ce droit !

En conséquence, madame la secrétaire d'État, nous voterons contre ce texte qui nous semble tout à fait inadapté à la situation actuelle dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi que nous étudions aujourd'hui est le fruit d'un travail de plus de deux ans qui vise à rendre notre code du travail plus compréhensible, plus accessible.

Notre groupe tient à saluer l'aboutissement de cette tâche ardue de réécriture lancée au début de 2005 sur l'initiative de Gérard Larcher, alors ministre du travail.

Notre collègue vous prie de bien vouloir l'excuser. Il voulait rester jusqu'à la fin de l'examen de ce texte, mais il a dû partir pour Rambouillet, où Mme Rachida Dati, garde des sceaux, devait se rendre pour dix-sept heures.

M. Jean-Pierre Godefroy. Elle va à la chasse ?

M. Robert Bret. À la chasse aux électeurs !

M. Alain Gournac. Non, pas du tout !

M. le président. Poursuivez, monsieur Gournac !

M. Alain Gournac. Non, monsieur le président, je ne peux pas laisser dire cela !

Ils vont faire ce que je fais aussi dans ma commune : accueillir des détenus en fin de peine en milieu ouvert. Vous voyez que c'est bien différent, mes chers collègues. Ce n'est pas la même chasse ! (Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit.)

M. Charles Gautier. Elle est rarement porteuse de bonnes nouvelles !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il y a un défilé de mode ?

M. Jean-Pierre Michel. Elle va travailler ?

M. Alain Gournac. Cela ne vous dérange pas, mes chers collègues, si je poursuis mon intervention ? (Non, non ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Je poursuis donc.

L'entreprise de recodification a pour objet de mettre à la disposition non seulement des juristes, mais aussi des non-professionnels, une base juridique qui est plus simple dans la forme, tout en assurant sur le fond une continuité totale avec l'ancien code. J'insiste sur ce point, car, contrairement à ce qui a pu être dit par certains détracteurs de la recodification, les rédacteurs ont eu pour priorité d'opérer « à droit constant », c'est-à-dire en respectant le droit existant.

En effectuant notre travail de parlementaires, nous avons veillé au respect de ce principe de recodification à droit constant dans nos amendements. Dans son premier rapport, notre commission estimait d'ailleurs que ce principe avait bien été respecté et soulignait qu'il ne fallait pas avoir une lecture trop restrictive des termes de la loi d'habilitation.

Celle-ci a expressément autorisé le Gouvernement à modifier le droit en vigueur pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence des textes rassemblés ou pour abroger les dispositions devenues sans objet.

Les modifications apportées sont rendues nécessaires par l'objectif même de clarification et ne remettent jamais en cause les obligations des employeurs ou les règles de protection des salariés.

En première lecture, la commission s'était attachée à assurer le respect des particularismes de la législation alsacienne et mosellane, afin que le droit local existant continue de s'appliquer.

D'autres erreurs ou oublis ont été réparés, et ce travail de relecture s'est poursuivi à l'Assemblée nationale.

Ainsi, le nouveau code a franchi plusieurs barrages successifs. N'oublions pas qu'il s'agit d'une oeuvre collective, conçue dans un esprit d'ouverture. Elle a été soumise aux avis d'experts professionnels du droit et présentée à une commission regroupant des représentants des partenaires sociaux, qui s'est réunie - écoutez bien, mes chers collègues ! - à quatorze reprises. Le texte a été examiné par les services du Premier ministre et transmis au Conseil d'État. Cette façon de procéder a permis de valider à de multiples reprises les choix opérés.

Le code du travail est un élément fondamental de notre droit. Sa lisibilité est importante non seulement pour les juristes, mais aussi pour les salariés et les employeurs, notamment dans les petites et moyennes entreprises.

Or notre code, créé en 1910 et remanié en 1973, était devenu, au fil des modifications et des ajouts, aussi complexe qu'obscur pour le commun des mortels.

Le Conseil d'État a dénoncé dans notre système juridique un phénomène de « sédimentation », c'est-à-dire l'accumulation de nouvelles normes et l'absence de remise en question de règles superfétatoires ou obsolètes.

Nous savons tous que le droit du travail fait l'objet de révisions particulièrement fréquentes. Il était temps de mettre de l'ordre dans ce foisonnement de dispositions.

M. Robert Bret. Et de remettre en cause la jurisprudence !

M. Alain Gournac. Certes, le code ne sera pas allégé au regard du nombre de ses articles, mais son plan est clarifié, les auteurs de la recodification s'étant placés systématiquement du point de vue de l'utilisateur.

L'ancien code se caractérisait par des articles très longs. Un grand nombre d'entre eux ont donc été scindés, avec l'intention de traiter une idée par article.

Des dispositions qui se trouvaient disséminées - je pense, par exemple, à la formation et à l'apprentissage - ont été regroupées.

Les articles prévoyant des sanctions pénales ont été rapprochés des dispositions de fond auxquelles ils se rapportent.

Pour une meilleure compréhension, le vocabulaire a été uniformisé. Ainsi, le terme de « préavis » a été retenu quand le code évoquait un « délai-congé ».

Les rédacteurs ont veillé à distinguer les règles de fond des règles de forme et les règles de principe des exceptions.

Enfin, les nouvelles subdivisions favorisent l'intégration des textes qui seront votés à l'avenir.

Il a été reproché à la nouvelle rédaction d'employer l'indicatif présent pour traduire les obligations des uns et des autres.

Mme Annie David. Pour les uns et pas pour les autres !

M. Alain Gournac. Or le guide de légistique élaboré par le Conseil d'État et le secrétariat général du Gouvernement confirme que l'indicatif présent suffit à signifier le caractère impératif d'une disposition.

Il me semble ridicule de prêter au Gouvernement l'intention de remettre en cause les obligations des employeurs. Celles-ci sont maintenues et l'on ne saurait faire une autre interprétation.

Après les changements de forme introduits par le nouveau code, je souhaite évoquer les modifications sur le fond.

La recodification permet d'intégrer des textes importants dans le code du travail, notamment la loi du 18 janvier 1978 relative à la mensualisation et à la procédure conventionnelle, ainsi que les lois relatives aux chèques-transport et aux titres-restaurant.

Par ailleurs, il était nécessaire de recentrer le code, pour lui conserver sa spécificité. Ainsi, les dispositions relatives à des secteurs d'activité ou à des catégories professionnelles particulières disparaissent du code du travail pour être intégrées dans d'autres codes spécialisés : les dispositions régissant les assistants maternels et familiaux sont intégrées au code de l'action sociale et des familles ; les conditions de travail et de sécurité des mineurs, au code minier ; ...

M. Jean-Pierre Godefroy. Justement ! Quel aveu !

M. Alain Gournac. ... certains points relatifs aux cotisations et aux exonérations de charges, au code de la sécurité sociale.

De nombreuses dispositions obsolètes ont été supprimées, dont certaines étaient les vestiges d'une autre époque, par exemple un dispositif mis en place durant la Deuxième Guerre mondiale et imposant l'embauche des pères de famille ou l'obligation, pour les employeurs, de veiller aux bonnes moeurs de leurs salariés mineurs. D'autres dispositions étaient devenues contraires au droit communautaire, notamment celles qui établissaient des règles spécifiques pour les femmes.

Il était également nécessaire de veiller à une juste répartition des dispositions entre la partie législative et la partie réglementaire du code, conformément aux principes posés par les articles 34 et 37 de la Constitution.

Sur cette question importante, le Gouvernement a fait preuve de prudence. Les déclassements portent essentiellement sur la désignation des autorités administratives ou des juridictions compétentes, sur la mention d'organismes consultatifs, sur les règles de procédure ou sur les mesures chiffrées, toutes dispositions qui sont manifestement d'ordre réglementaire.

Je pense, madame le secrétaire d'État, que les débats qui se sont tenus au Sénat et à l'Assemblée nationale ont déjà permis de répondre aux inquiétudes formulées à ce sujet.

Pour conclure, je me réjouis des multiples corrections et ajouts effectués lors de nos travaux - je rappelle que soixante-deux amendements ont été adoptés au Sénat -, et notamment de l'insertion de mesures législatives importantes. Il s'agit de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, de la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, dont je demeure plus que jamais un ardent défenseur, et de la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Le groupe UMP approuve l'oeuvre remarquable de réécriture qui a été accomplie. Il votera bien évidemment ce projet de loi, en saluant cette étape importante vers la simplification du droit du travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Revet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Madame le rapporteur, je souhaite tout d'abord vous remercier de vos propos, mais aussi saluer une fois de plus la qualité du travail parlementaire, qui a permis d'améliorer ce texte.

Je pense notamment à la possibilité, pour les élus prud'homaux, de bénéficier de jours de formation supplémentaires pour mieux connaître le nouveau code.

Madame David, monsieur Godefroy, vous dites que le Gouvernement veut aller vite. Or nous organisons depuis deux ans...

M. Alain Gournac. Deux ans !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. ... des réunions régulières avec les partenaires sociaux. Quatorze réunions avaient eu lieu avant l'examen de ce texte en première lecture par le Sénat et six autres se sont déroulées depuis ! On ne peut donc pas vraiment parler d'une accélération du calendrier !

M. Charles Revet. Au contraire, c'est la manifestation d'une belle volonté de concertation !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Au contraire, en effet, sur ce texte, nous nous sommes très sérieusement attachés à réfléchir et travailler ensemble. Un vrai débat s'est instauré et des avancées ont été obtenues.

En tout cas, nous sommes sereins concernant les recours engagés. Je rappelle à ce titre que quatre-vingts amendements ont été examinés au Sénat et plus du double à l'Assemblée nationale, ce qui témoigne tout de même que les conditions d'une véritable discussion ont été réunies.

Vous avez évoqué les déclassements en partie réglementaire. Comme je l'ai déjà dit, nous avons opéré à peine 20 % des déclassements qui auraient pu l'être en vertu de l'application de l'article 34 de la Constitution, car nous avons pris en compte les avis des partenaires sociaux.

M. Robert Bret. De ceux qui sont d'accord !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Toutes les modifications ont été apportées à droit constant, et aucune ambiguïté n'existe sur ce point.

Enfin, toutes vos objections relatives à l'absence de droit constant ont été entendues par l'Assemblée nationale, qui a apporté des réponses aux problèmes soulevés.

Par exemple, les peines de récidive ne sont pas supprimées. Elles ont été transférées, à droit constant, dans le code pénal. De même, aucune obligation nouvelle n'est créée pour le salarié : un nouveau titre ne fait que grouper des dispositions existantes.

Certes, il est logique que tout le monde ne soit pas d'accord sur cette question. Je citerai cependant le professeur Jean-Emmanuel Rey, qui a publiquement salué la clarté des articles de ce nouveau code.

M. Charles Revet. Les gens de bonne foi le reconnaissent !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Ce témoignage montre bien que ce travail de deux ans n'a pas été vain : tout a été fait pour que, à l'avenir, les choses soient plus claires et que les litiges puissent être résolus le plus aisément possible.

Je tiens à saluer encore une fois le travail accompli par le Parlement dans cette entreprise de recodification. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Je souhaite rebondir sur certains propos qui ont été tenus tout à l'heure et selon lesquels on m'aurait demandé de faire adopter un texte conforme.

Les membres de la commission des affaires sociales qui me connaissent savent bien que je ne fais que ce que j'ai envie de faire ! (Marques d'approbation et rires sur les travées de l'UMP.)

Je peux donc vous assurer, chers collègues de l'opposition, que, premièrement, le Gouvernement ne m'a jamais demandé de faire adopter un texte conforme et que, deuxièmement, j'ai délibérément choisi de ne pas supprimer la redondance que j'ai évoquée tout à l'heure, car elle n'engendre pas d'incompatibilité. Elle a été introduite par l'adoption d'un amendement émanant du groupe de la gauche démocrate et républicaine de l'Assemblée nationale, et plus particulièrement de l'un de nos anciens collègues.

Autant les débats qui ont eu lieu au Sénat ont été intéressants, avec des échanges qui nous ont permis de progresser puisqu'un certain nombre des amendements de l'opposition ont été adoptés, autant une nouvelle navette, qui engendrerait des débats interminables à l'Assemblée nationale, ne me semble pas nécessaire. J'ai pris cette décision sans demander au Gouvernement s'il en était d'accord.

M. Alain Gournac. Et voilà !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.