compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

 
Dossier législatif : proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général
Discussion générale (suite)

Égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général

Adoption définitive d'une proposition de loi

Ordre du jour réservé

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général
Article unique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, facilitant l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller général (n° 194).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi que votre assemblée examine aujourd'hui a été adoptée hier à l'Assemblée nationale, non sans qu'un certain nombre des questions qu'elle soulève aient été amplement évoquées.

Il est vrai que la modification du droit un an seulement après l'adoption de la loi qui l'avait précédemment établi contrevient au principe de stabilité et de sécurité juridique, auquel je fais souvent référence à la fois en tant que juriste et en tant que responsable politique.

Il est vrai aussi que l'usage républicain veut que les règles d'une élection ne soient pas modifiées lorsque la campagne a, en pratique, déjà commencé ; il convient toutefois de relever que, en l'occurrence, il ne s'agit pas de l'élection à proprement parler.

Il est vrai, enfin, qu'une modification tardive du code électoral peut toujours être mal comprise ou mal perçue par nos concitoyens.

Mais il est non moins vrai que la lisibilité des textes et des institutions nous oblige à légiférer.

La loi du 31 janvier 2007 institue, pour les élections cantonales, un « ticket paritaire » : le candidat doit avoir un remplaçant éventuel de sexe différent.

Les possibilités, pour le suppléant ou la suppléante, d'accéder au mandat de conseiller général sans recourir à une élection partielle y sont clairement limitées.

La présente proposition de loi vise à élargir ces possibilités au cas de la démission d'un parlementaire qui, nouvellement élu au conseil général, se trouve dans une situation de cumul de mandats prohibée par le code électoral.

Comme je l'ai indiqué devant les députés, si cette proposition de loi soulève des difficultés, elle ouvre néanmoins de nouvelles perspectives en matière d'égalité entre les hommes et les femmes et, sans doute aussi, prend en compte la désaffection de nos concitoyens à l'égard des élections partielles.

Quelles sont, brièvement rappelées, les difficultés que soulève cette proposition de loi ?

Lors de l'élaboration du projet de loi qui est devenu la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, l'intention initiale du Gouvernement était de ne prévoir le remplacement, par son suppléant, du conseiller général élu que dans une seule hypothèse : celle de son décès. Ce cas de vacance de siège est en effet, aujourd'hui, et de loin, le plus fréquent.

En revanche, le remplacement par le suppléant était exclu dans tous les cas de démission. Cette règle se calquait sur celle qui s'impose aux suppléants des députés et des sénateurs élus au scrutin majoritaire.

Le Gouvernement a toutefois accepté, lors du débat, une proposition d'origine parlementaire aux termes de laquelle cette possibilité serait élargie à deux cas de remplacement consécutif à la démission du conseiller général : d'une part, lorsque l'élu est détenteur de plus de deux mandats locaux ; d'autre part, lorsqu'il est détenteur de deux mandats locaux et d'un mandat de représentant au Parlement européen.

Il existait donc déjà une exception à la règle qui avait été primitivement fixée.

Aujourd'hui, il s'agit d'étendre cette exception aux parlementaires nationaux : un parallèle s'établirait ainsi entre, par exemple, un candidat élu conseiller général et conseiller municipal à l'occasion des élections de mars 2008, qui devrait automatiquement renoncer à l'un de ses deux mandats s'il venait à être élu député européen en juin 2009, et un parlementaire national élu conseiller général et conseiller municipal. Si cette proposition de loi est adoptée, cet élu pourra immédiatement démissionner de son nouveau mandat de conseiller général au profit de son suppléant ou de sa suppléante.

Je l'ai dit, cette proposition de loi, même si elle entraîne une sorte de parallélisme des formes entre députés européens et parlementaires nationaux ne va pas sans poser quelques difficultés. La question est maintenant de savoir si nous sommes prêts à les surmonter.

J'entends les arguments qui nous invitent à l'action et qui ont d'ailleurs été à l'origine de cette proposition de loi, arguments dont l'esprit, je m'empresse de le dire, était partagé sur quasiment tous les bancs de l'Assemblée nationale. (M. Bernard Frimat fait un signe de dénégation.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je déplore la trop faible féminisation dans nos assemblées départementales.

M. Alain Gournac. Absolument !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour avoir été premier vice-président d'un conseil général qui ne comptait que deux femmes et avoir étudié la situation actuelle, je puis affirmer que la progression de la féminisation est extrêmement lente.

M. Alain Gournac. En effet !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. L'exigence d'égalité entre les hommes et les femmes est, je vous le rappelle, un principe de valeur constitutionnelle. Elle a donc vocation à s'appliquer à l'ensemble des élections. J'estime - et je ne vois pas qui, dans cette enceinte, me contredirait - qu'il y va de la richesse du débat public comme de la santé de notre démocratie.

Il est un second argument auquel je suis également très sensible : nous devons reconnaître que les élections partielles, dans notre pays, ne confortent pas l'image de la démocratie. Nous l'avons vu encore récemment, la plupart d'entre elles se caractérisent par une abstention extrêmement forte.

L'abstention bat même des records à l'occasion des élections cantonales partielles, où le taux de participation est très souvent inférieur à 25 %. Certes, il en est toujours allé ainsi, mais on ne peut pas dire que ce soit glorieux pour notre démocratie ni que l'image des assemblées concernées, en l'espèce les conseils généraux, en sorte améliorée.

Au moment où certains voudraient supprimer les départements et les conseils généraux, ce à quoi je m'oppose vigoureusement, vous le savez,... (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ... j'estime qu'il faut éviter de favoriser quoi que ce soit qui puisse faire douter du rôle des conseils généraux et de leur caractère démocratique.

Mme Jacqueline Gourault. C'est tout à fait vrai !

M. Alain Gournac. Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Voilà comment, mesdames, messieurs les sénateurs, je peux vous exposer le plus objectivement possible la question que vous devez trancher aujourd'hui.

Je comprends et je partage votre désir de replacer les élections cantonales au coeur de notre vie démocratique en en rationalisant le calendrier.

Je comprends et je partage votre souci d'approfondir notre action commune en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Veillons à ne jamais opposer les exigences du suffrage universel, d'une part, et le juste souci d'égalité des hommes et des femmes, d'autre part !

Veillons aussi à garder à l'esprit la suprématie incontestable du suffrage universel. En définitive, c'est lui et lui seul qui légitime nos décisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Troendle, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, huit ans après la mise en oeuvre, pour la première fois, des principes posés par la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 sur la parité en politique, un an après la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui a institué des « suppléants » de sexe différent pour les conseillers généraux, cette réforme étant applicable aux élections cantonales du mois de mars 2008, la proposition de loi soumise à notre examen, présentée par M. Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, et constituée d'un article unique, tend à compléter les dispositions de l'article L. 221 du code électoral relatives aux « suppléants » des conseillers généraux.

Mes chers collègues, la promotion de la parité en politique mériterait mieux qu'une juxtaposition de mesures législatives échelonnées ainsi dans le temps, qui plus est, présentées dans l'urgence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Troendle, rapporteur. Cela étant dit, ce texte apporte un complément utile au dispositif de remplacement automatique, par le suppléant, d'un conseiller général dont le siège est vacant.

La volonté de féminiser progressivement les assemblées départementales est l'un des fondamentaux posés par la loi du 31 janvier 2007, qui a pourvu les conseillers généraux de suppléants de l'autre sexe, cette réforme étant applicable à compter du renouvellement cantonal de mars prochain.

Ce « ticket paritaire » au conseil général est issu d'un double constat, comme l'avait rappelé à l'époque le rapporteur du texte au Sénat, M. Patrice Gélard.

Premier constat : les assemblées départementales sont peu féminisées. Pour mémoire, 10,9 % des conseillers généraux élus en 2004 étaient des femmes, contre 9,8 % au renouvellement partiel de 2001 et 8,6 % en 1998. Dans dix-huit départements, aucune femme n'a été élue. En outre, seuls trois conseils généraux sont présidés par des femmes.

Second constat : les élections cantonales partielles, suscitées par des vacances de sièges, mobilisent très peu l'électorat.

Par ailleurs, l'instauration d'un remplaçant de sexe opposé pour les conseillers généraux présente deux autres avantages : elle permet le maintien du mode de scrutin actuel aux élections cantonales, qui garantit le lien personnel entre l'élu et l'électeur ; elle favorise la stabilité politique des conseils généraux, dont la majorité ne pourrait plus être mise en cause du fait d'une élection partielle.

En pratique, la loi du 31 janvier 2007 a d'abord prévu que la déclaration de candidature doit faire figurer l'identité et le sexe du suppléant - celui-ci devant évidemment remplir les conditions d'éligibilité exigées pour les candidats - et est accompagnée de son acceptation écrite.

Ensuite, le remplaçant ne peut figurer sur plusieurs déclarations de candidatures. Il ne peut pas non plus être candidat ni être remplaçant d'un autre candidat.

Enfin, il est prévu que, en cas de décès d'un candidat aux élections cantonales après l'expiration du délai prévu pour le dépôt des déclarations de candidatures, son remplaçant devient candidat et peut désigner à son tour un remplaçant.

Examinons à présent le cas de vacance de siège permettant, en l'état du droit, le remplacement d'un conseiller général par son « suppléant ».

Dans sa version initiale, le texte qui est devenu la loi du 31 janvier 2007 prévoyait de modifier l'article L. 221 du code électoral pour le seul cas de remplacement du conseiller général par son suppléant en cas de décès du titulaire du mandat.

Vous vous en souvenez, notre commission des lois avait élargi le dispositif aux trois autres possibilités de remplacement suivantes : la nomination du conseiller général en tant que membre du Conseil constitutionnel ; la présomption d'absence du conseiller général au sens de l'article 112 du code civil ; la démission du conseiller général pour cause de maladie rendant impossible l'exercice de son mandat, mais cette hypothèse, qui aurait pu être source d'interprétations difficiles, a finalement été supprimée au cours du débat en séance publique.

Toutefois, alors rapporteur du texte au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, j'avais estimé qu'il convenait d'aller plus loin.

Dans la recommandation n° 3 du rapport d'information de la délégation, nous avions ainsi préconisé le remplacement du titulaire par le suppléant « dans tous les cas de vacance du mandat, et non uniquement dans l'éventualité d'un décès ». La mise en oeuvre de ce dispositif élargi aurait eu le mérite d'éviter 90 % des élections partielles et de favoriser l'entrée d'un nombre important de femmes au sein des conseils généraux.

C'est pourquoi, avec ma collègue Gisèle Gautier, présidente de ladite délégation, nous avions proposé un sous-amendement prévoyant d'étendre le remplacement automatique des conseillers généraux par leurs suppléants au cas de démission pour cumul de mandats, et ce au titre non seulement des articles L. 46-1 et L. 46-2 du code électoral, mais également au titre de l'article L.O. 141 du même code.

Comme vous le savez, mes chers collègues, au terme d'un long débat, la commission des lois avait refusé l'extension du remplacement automatique à tous les cas de vacance, notamment pour éviter que des personnes démissionnant pour cause d'inéligibilité puissent être remplacées automatiquement. Mais elle avait accepté, tout comme le Sénat ensuite, d'étendre cette possibilité de remplacement aux cas d'application des règles relatives au cumul des mandats posées par les articles L. 46-1 et L. 46-2 du code électoral.

Je vous le rappelle, pour mettre fin aux incompatibilités visées par ces deux articles, la personne concernée doit faire cesser l'incompatibilité en démissionnant de l'un de ses anciens mandats dans un délai de trente jours. À défaut d'option dans ce délai, le mandat le plus ancien de l'intéressé prend fin de plein droit.

Venons-en maintenant à la proposition de loi de M. Warsmann.

Son article unique a le même objet que le sous-amendement que ma collègue Gisèle Gautier et moi-même avions déposé, à savoir l'extension du remplacement automatique par le suppléant au cas de démission du conseiller général, par ailleurs député ou sénateur, pour cause de cumul de mandats.

Toutefois, si notre sous-amendement visait l'article L.O. 141 du code électoral, le texte soumis à notre examen tendant à compléter l'article 221 du code électoral mentionne l'article L.O. 151-1 du même code. Ce dernier précise qu'un député ou un sénateur qui acquiert un mandat électoral propre à le placer dans un des cas d'incompatibilités visés à l'article L.O. 141, après son élection au Parlement, dispose d'un délai de trente jours à compter de la date définitive de son élection pour démissionner du mandat de son choix. À défaut d'option dans ce délai, le mandat acquis ou renouvelé à la date la plus récente prend fin de plein droit.

Permettez-moi d'émettre une réserve quant à ce nouveau dispositif, à mes yeux incomplet.

En effet, la proposition de loi ne vise pas le cas du conseiller général qui se trouve dans une situation d'incompatibilité du fait de son élection au Parlement, situation visée, elle, à l'article L.O. 151 du code électoral, aux termes duquel l'élu concerné doit alors se démettre des mandats incompatibles avec son mandat parlementaire dans un délai de trente jours.

Or les cas d'élus locaux qui exercent notamment un mandat de conseiller général et qui se présentent à des élections législatives ou sénatoriales ne sont pas rares et, la plupart du temps, en cas de réussite aux élections parlementaires, ils abandonnent leur mandat de conseiller général.

Dans un tel cas, malgré la proposition de loi que nous examinons, une élection cantonale partielle sera organisée pour remplacer le conseiller général démissionnaire.

Néanmoins, dans la mesure où il m'importe que le nouveau dispositif puisse être immédiatement mis en oeuvre afin de s'appliquer dès les prochaines élections cantonales de mars 2008, de manière à faire progresser la féminisation des conseils généraux, je salue la volonté manifestée aujourd'hui d'étendre encore les cas de remplacement des conseillers généraux dont le siège est vacant par leur remplaçant de l'autre sexe.

Mes chers collègues, au bénéfice de l'ensemble de ces observations, je vous demande de bien vouloir adopter sans modification la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au fil des années, des avancées significatives ont été enregistrées en ce qui concerne l'égal accès des femmes et des hommes aux différents mandats électoraux et fonctions électives.

Malheureusement, les statistiques dont nous disposons le démontrent, les femmes n'ont pas investi les assemblées départementales, lesquelles résistent à la parité, notamment en raison du mode de scrutin uninominal majoritaire qui s'applique à leur élection.

Ainsi, pendant qu'un nombre croissant de femmes accédait à la plupart des enceintes politiques, la sous-représentation des femmes dans les conseils généraux constituait elle-même un frein à leur accès aux assemblées parlementaires.

Ma collègue Catherine Troendle l'a dit, mais je crois utile d'y insister, lors du dernier renouvellement partiel des conseils généraux, en 2004, aucune femme n'a été élue dans dix-huit départements. Ce n'est pas acceptable !

Aujourd'hui, il nous est demandé de nous prononcer sur la proposition de loi présentée par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann. Celle-ci, je le rappelle, a pour finalité de compléter la loi sur la parité du 31 janvier 2007 en étendant aux parlementaires la portée de la disposition prévoyant le remplacement du conseiller général par un suppléant de l'autre sexe en cas de démission liée au respect de la limitation du cumul des mandats.

Permettez-moi, à cet instant, de m'étonner que cette nouvelle mesure nous soit proposée un an tout juste après l'adoption du texte de loi sur l'obligation du « ticket mixte » ou « ticket paritaire ». Je m'interroge sur ce calendrier et j'aimerais en connaître les raisons exactes.

M. Charles Gautier. L'opportunité !

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes. En effet, à l'époque, Catherine Troendle et moi-même avions déposé ensemble un sous-amendement - Mme Procaccia en avait déposé un similaire -, que l'on nous avait d'ailleurs demandé de rectifier.

Je rappelle que l'institution d'un suppléant de sexe différent pour les élections des conseillers généraux constitue l'une des principales avancées de la loi de janvier 2007 et que celle-ci a utilement complété la précédente loi sur la parité du 6 juin 2000, en prévoyant trois mesures importantes : une alternance stricte entre femmes et hommes sur les listes des candidats aux élections municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants ; une obligation de parité dans les exécutifs, non seulement dans ces communes, mais également dans les régions, ce qui constituait l'un des combats menés par notre délégation ; un renforcement des « sanctions » financières à l'égard des partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures aux élections législatives, disposition sur laquelle, je dois l'avouer, je suis plus dubitative.

Ainsi que l'avait souligné notre délégation dans le cadre du rapport d'information intitulé Une étape nouvelle pour la parité, présenté par Mme Troendle en novembre 2006, la mise en place de ce fameux « ticket paritaire » est non seulement destinée prioritairement à favoriser l'accession progressive d'un nombre croissant de femmes dans les assemblées départementales, au sein desquelles elles ne représentent qu'à peine plus de 10 % des élus - et les hommes, donc, près de 90 %, ce qui est peut-être de nature à marquer plus encore les esprits ! -, mais elle est aussi destinée, plus prosaïquement, comme vous l'avez souligné, madame le ministre, à éviter l'organisation d'élections partielles trop fréquentes, qui ne suscitent d'ailleurs généralement pas l'engouement des électeurs.

Cependant, pour permettre à cette mesure de produire pleinement ses effets, notre délégation avait recommandé que le remplacement du titulaire par le suppléant ne se limite pas à la seule éventualité du décès, ainsi que le prévoyait initialement le projet gouvernemental, mais s'étende effectivement aux autres cas de vacance du mandat, à l'exception, bien sûr, de celui qui résulte d'une annulation de l'élection.

En particulier, la délégation avait souhaité que le dispositif s'applique aux démissions des élus devant se mettre en conformité avec la législation relative au cumul des mandats, ce qui représente 36,9 % des élections cantonales partielles depuis 1999, les décès n'ayant, quant à eux, été la cause que de 35,8 % seulement d'entre elles.

Alors que la commission des lois avait prévu d'ajouter à l'éventualité du décès les seuls cas de disparition, c'est-à-dire la présomption d'absence telle que l'entend l'article 112 du code civil, ou encore de nomination au Conseil constitutionnel - ce qui, convenons-en, n'arrive pas tous les jours ! -, j'avais donc déposé avec Mme Troendle un sous-amendement ayant pour objet d'élargir l'application du remplacement par le suppléant aux démissions intervenues en application de l'un des articles suivants du code électoral : d'abord, l'article L. 46-1, visant le cumul de plus de deux mandats locaux ; ensuite, l'article L. 46-2, relatif au cumul de deux mandats locaux et d'un mandat de député européen ; enfin, l'article L.O. 141, concernant le cumul d'un mandat de parlementaire et de plus d'un mandat local.

Cependant, la commission des lois avait conditionné son avis favorable sur ce sous-amendement à une rectification consistant à retirer cette dernière référence, visant les incompatibilités applicables aux parlementaires. Le rapporteur, M. Patrice Gélard, avait en effet souligné le « risque qu'un parlementaire puisse être candidat aux cantonales pour assurer la désignation de son remplaçant après sa démission ». Au demeurant, j'ai lu par ailleurs qu'il était même possible d'imaginer une situation où un parlementaire ne serait élu que pour servir de « locomotive ». C'est l'une des raisons pour lesquelles on nous avait demandé de retirer ce sous-amendement.

M. Patrice Gélard avait fait observer que, si les élus locaux étaient obligés d'abandonner un ancien mandat et de conserver le dernier mandat acquis au moment où ils étaient atteints par le cumul, les parlementaires avaient, en revanche, la possibilité de démissionner du dernier mandat acquis.

Dans un souci de pragmatisme, afin de parvenir à un consensus permettant une adoption de notre sous-amendement, nous nous étions résignées à accepter cette rectification, et les incompatibilités applicables aux parlementaires n'ont, de ce fait, finalement pas été visées dans le texte de la loi du 31 janvier 2007, l'Assemblée nationale ayant adopté sans modification le texte du Sénat.

Dans le prolongement de ce que nous avions recommandé alors, au nom de notre délégation, je me félicite que, cette fois, la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale tende à ajouter au texte issu de la loi de janvier 2007 une référence à l'article L.O. 151-1 du code électoral, relatif aux parlementaires qui acquièrent un mandat électoral propre à les placer dans une situation d'incompatibilité postérieurement à leur élection à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Cette disposition répond à un souci de cohérence juridique puisqu'elle aura pour effet de contribuer à harmoniser les règles applicables en cas de renonciation à un mandat de conseiller général.

Toutefois, le texte de la proposition de loi ne fait pas référence à l'article L.O. 151 du code électoral relatif aux cas d'incompatibilité concernant les parlementaires nouvellement élus à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Or, en ajoutant cette référence, on aurait pu éviter d'autres élections partielles et permettre à davantage de femmes de devenir conseillères générales.

Cependant, compte tenu de la nécessité d'une adoption rapide - c'est le moins que l'on puisse dire ! - de cette proposition de loi, de manière qu'elle s'applique dès les prochaines élections cantonales, il ne me paraît malheureusement ni possible ni raisonnable d'envisager d'y apporter des modifications, même si, pour ma part, je le regrette profondément.

Madame le ministre, mes chers collègues, ce n'est pas ainsi que l'on doit légiférer : nos travaux exigent sérénité et recul, et je sais que ce sentiment est ici partagé par tous.

M. Bernard Frimat. Pourquoi, alors, acceptez-vous ce texte ?

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes. Même si, pour les raisons que je viens d'indiquer, il ne me semble pas possible de prévoir maintenant la mesure que je préconise, il va sans dire que je ne manquerai pas de la proposer à nouveau dans le cadre d'un prochain texte de loi sur la parité, pour l'établissement de laquelle il reste encore bien du chemin à parcourir !

En conclusion, malgré les réserves que je viens d'exprimer, je ne saurais me soustraire à l'adoption de ce texte, qui contribue à mettre en oeuvre l'une des recommandations de notre délégation aux droits des femmes et dont les femmes seront, somme toute, les bénéficiaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce petit bout de loi que nous examinons aujourd'hui traduit fondamentalement deux sortes de mépris, l'un visant les femmes et l'autre la démocratie.

M. Bernard Frimat. Très bien !

Mme Muguette Dini. Ce texte vise à étendre les cas de remplacement du conseiller général titulaire par son suppléant de sexe différent à celui de démission pour cause de cumul de mandats locaux avec celui de député ou de sénateur.

L'objectif mis en avant par les auteurs de cette proposition de loi est l'amélioration de l'égal accès des femmes et des hommes aux assemblées départementales.

Nous sommes donc dans le prolongement de la loi du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, qui a mis en place le mécanisme de suppléance pour faire, prétendument, progresser le nombre des femmes élues au sein des conseils généraux. L'article 4 de cette loi a créé des suppléants de conseillers généraux sous prétexte d'appliquer le principe de parité, en prévoyant que le candidat et son remplaçant soient de sexe différent.

Je ne reviendrai pas sur le fait qu'il faudrait faire mourir, si possible rapidement, 45 % des hommes titulaires pour que la parité soit effective ! (Sourires.)

Le même article a institué des modalités de remplacement des conseillers généraux dont le siège est vacant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous l'aviez voté !

Mme Muguette Dini. Non, mon cher collègue, je ne l'ai pas voté ! Je suis sans doute l'une des rares à avoir voté contre cette loi !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Votre groupe l'avait voté !

Mme Muguette Dini. Eh bien, moi, c'est moi ! (Nouveaux sourires.)

Qu'il s'agisse d'un décès ou d'une démission dans des cas précis de cumul de mandats, il n'est plus procédé à une élection partielle : le suppléant remplace automatiquement le titulaire décédé ou démissionnaire.

Cette disposition a été saluée comme étant une avancée pour les femmes, mais, comme vous le savez, lors de l'examen de la loi du 31 janvier 2007, je me suis énergiquement élevée contre une telle interprétation. Aujourd'hui, je persiste à dire que ce dispositif de suppléance ne contribue en rien à la parité entre les hommes et les femmes. (M. Jean-Marc Todeschini. applaudit.)

M. Alain Gournac. M. Todeschini a beaucoup fait pour les femmes !

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi ne reflète qu'un faux-semblant de parité et est totalement contraire à la démocratie.

M. Jean-Marc Todeschini. Elle a raison !

Mme Muguette Dini. Pour illustrer mon propos, je vais prendre le cas, simple, d'un député-maire.

La ville dont il est l'élu est une ville-canton, les limites de l'un se superposant aux limites de l'autre. Il pense bien à une femme qu'il connaît pour être candidate au conseil général, mais c'est une « nouvelle » et, malgré toutes les qualités et compétences de cette dernière, il doute de ses capacités à être élue. Qu'à cela ne tienne ! Lui, bien connu et apprécié, se présentera aux suffrages et cette femme sera sa suppléante. Une fois élu, il démissionnera immédiatement et sa suppléante deviendra conseillère générale, sans que les électeurs aient eu leur mot à dire. (Exclamations approbatrices sur les travées du groupe socialiste.)

D'une part, on aura méprisé cette jeune femme - jeune ou moins jeune, d'ailleurs - en considérant qu'elle ne pouvait pas gagner par elle-même et, d'autre part, on aura bafoué l'électorat, en lui laissant croire que le candidat pour qui il avait voté exercerait son mandat.

M. Yannick Bodin. Très bien !

Mme Muguette Dini. Et rien ne permet d'affirmer le contraire puisqu'il est libre de démissionner de n'importe quel mandat.

Ce député-maire ne peut pas plus manifester son intention avant l'élection. En effet, il aurait l'air malin s'il annonçait à ses électeurs : « Élisez-moi, mais, demain, je démissionne, et c'est Mme Untel qui prend ma place ! »

Ce procédé est méprisant pour les femmes.

M. Charles Gautier. Très bien !

Mme Muguette Dini. Le présenter comme un argument en faveur de la parité, c'est clairement considérer que les femmes ne sont pas capables de gagner les élections par elles-mêmes et qu'il faut leur « chauffer la place » !

M. Charles Gautier. Très bien !

Mme Muguette Dini. Il est vrai qu'actuellement les femmes ne représentent que 10,2 % des conseillers généraux. Mais ce n'est pas par ce procédé détourné et médiocre que la parité progressera réellement dans les départements.

En revanche, on le sait bien, lorsqu'on se donne la peine de mettre en place un vrai mode d'élection paritaire, les résultats sont très satisfaisants et la parité progresse significativement ou s'applique presque parfaitement.

C'est le cas au Sénat où, grâce au scrutin paritaire mis en place dans une partie des départements, le taux des femmes sénatrices a atteint 17,2 % et progressera de nouveau en 2008.

C'est également le cas dans les conseils régionaux, avec une représentation féminine de 47,6 % en 2004, et au sein des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, où l'on comptait, à l'issue des dernières élections de 2001, 48 % de femmes.

Ces résultats sont positifs ! Alors pourquoi faudrait-il que les femmes entrent au sein des conseils généraux par la petite porte ?

Le principe de parité réside dans une égale candidature des femmes et des hommes aux scrutins à la proportionnelle, mais aussi aux scrutins majoritaires uninominaux. Les électeurs doivent donc pouvoir choisir librement entre un homme et une femme, sans préjuger la parité du résultat.

Le dispositif que j'ai présenté dans le cadre de ma proposition de loi du 6 janvier 2006 conjugue ces deux exigences de démocratie et de parité. Il s'agit de la constitution d'une liste majoritaire paritaire de deux noms. Dans ce tandem homme-femme ou femme-homme, le candidat dont le nom serait conservé par le plus grand nombre d'électeurs serait déclaré titulaire, le second devenant de facto suppléant. Une telle disposition promeut la parité de choix à l'occasion dudit scrutin et donne une chance véritablement égale à des candidats de chaque sexe.

L'un des principes de base de la démocratie, c'est la liberté de choix de l'électeur. Dans une démocratie, il appartient aux électeurs, et à eux seuls, d'apprécier si les candidats qui se présentent à leurs suffrages ont les compétences et la disponibilité nécessaires pour exercer les mandats qu'ils vont leur confier.

Mais ces principes fondamentaux ne se retrouvent pas dans la présente proposition de loi. C'est la raison pour laquelle, et vous l'avez compris, monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je voterai, ainsi qu'une grande partie de mon groupe, contre cette proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. Charles Gautier. Voilà une femme courageuse !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, à moins de cinq semaines des élections cantonales, le Sénat est invité à délibérer d'une proposition de loi votée hier par l'Assemblée nationale et modifiant la loi du 31 janvier 2007.

M. Bernard Frimat. Cette proposition « navigue sous pavillon de complaisance », si vous me permettez cette expression, et n'a que peu de rapport avec la volonté de faire progresser l'application de la parité.