Mme Josiane Mathon-Poinat. Le groupe communiste républicain et citoyen votera résolument contre ce projet de loi.

Tout d'abord, ce texte méconnaît la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 ; nous n'avons cessé de le répéter, à l'instar de nos collègues du groupe socialiste. En généralisant, en banalisant, comme vous le faites, les contrats de partenariat, vous décidez de passer outre cette décision et vous tentez à tout prix d'en faire un outil ordinaire de la commande publique.

Ensuite, il traduit votre intention en matière de politique budgétaire pour les années à venir.

Les partenariats public-privé sont présentés comme le moyen pour l'État et les collectivités locales de rénover leurs équipements et leurs infrastructures pour un coût bien plus intéressant qu'avec une autre formule : marché public, concession ou délégation de service public. L'avantage de recourir à cette méthode, en ces temps de rigueur budgétaire, est surtout la non-prise en compte de ces dépenses d'investissement dans la dette publique au sens de Maastricht.

Mais cette dissimulation du coût des PPP dans la dette ne restera pas longtemps sans conséquences pour l'État et les collectivités territoriales : puisque les dépenses de fonctionnement vont augmenter du fait des redevances à payer à l'opérateur privé, il faudra bien trouver le moyen de dégager des recettes. Les collectivités se retrouveront obligées d'augmenter les impôts locaux et cela donnera l'occasion à l'État de justifier les suppressions de postes de fonctionnaires.

Enfin, le fait que les partenariats public-privé coûtent finalement cher aux contribuables et lient les mains de l'État et des collectivités sur des décennies n'est pas, hélas ! un argument qui pèse suffisamment lourd dans la balance.

La Cour des comptes a émis de telles réserves sur cette technique contractuelle que la prudence aurait dû être votre maître mot en la matière ; mais il n'en est rien.

En tout état de cause, ce projet de loi affaiblira la capacité de financement de certains services publics au profit de grands groupes du BTP. En revanche, je ne vois pas l'ombre d'un retour sur investissement pour les collectivités territoriales et pour l'État.

Les nouveaux élus dans les communes et les départements se montreront peut-être plus éclairés ; j'espère qu'ils sauront analyser ce texte et constituer des poches de résistance contre ces contrats. En tout cas, nous ne manquerons pas de les alerter sur cette forme de trahison du marché public que sont ces contrats de partenariat public-privé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce débat a été très riche d'enseignements. Il est maintenant patent, après toutes ces heures de discussion, que l'objet du texte consiste clairement à s'opposer, j'y insiste, à la décision qui a été prise par le Conseil constitutionnel. En effet, nous avons démontré, me semble-t-il, qu'alors que le PPP est considéré comme dérogatoire par le Conseil constitutionnel, ce projet de loi a pour objet de généraliser très largement cette procédure, ce qui ne vous a d'ailleurs pas empêché de déclarer qu'elle devait rester exceptionnelle !

Autrement dit, dans nombre d'interventions - et entre les interventions - on a assisté à un véritable collage. D'un côté, on nous dit que c'est exceptionnel. Dans ce cas, c'est dérogatoire, donc ce n'est pas le régime de droit commun. De l'autre, on nous dit qu'il ne faut pas en rester aux critères d'urgence et de complexité mentionnés par le Conseil constitutionnel.

Mais comme ce dernier a considéré qu'une telle généralisation s'opposerait aux « exigences constitutionnelles » et que cette décision s'applique à toutes les autorités de l'État, en affirmant que l'on pourra recourir au PPP dès lors que ce sera plus avantageux et que, d'ici à 2012, presque tout relèvera de l'urgence, on contredit clairement le Conseil constitutionnel, même si l'on se réfère, pour la forme, à sa décision.

Ce qui a été dit sur le caractère prétendument plus avantageux du PPP n'est pas logique, bien sûr : nous avons démontré, et ce très facilement, que pour toutes les procédures de mise en concurrence pour des marchés publics, le bon sens veut que l'on choisisse l'offre la plus avantageuse. Dire qu'il suffirait que l'offre soit « avantageuse » pour justifier le recours au PPP est un argument que je ne comprends pas dès lors que l'on affirme en même temps que le PPP doit rester « exceptionnel ». Qu'une chose soit plus avantageuse qu'une autre n'est pas particulièrement exceptionnel !

Nous sommes dans la contradiction la plus totale et je remercie donc tous ceux qui ont participé à ce débat, notamment Mme la ministre, MM. les rapporteurs et les membres de la majorité, d'avoir mis en évidence cette contradiction. C'est à cela, finalement, que peut servir un débat !

Bien entendu, il n'y a pas eu de réponse non plus sur la question de l'évaluation puisque, telle qu'elle est conçue, l'évaluation ne peut rien démontrer. On ne peut comparer les effets d'un PPP, dont on ignore, bien entendu, les conséquences dans dix, vingt ou trente ans - on peut donner de nombreux arguments en ce sens - et un recours au marché public, alors que l'on ne connaît ni les candidats ni les offres susceptibles d'être faites. Donc, on est dans l'indécidable et, dès lors, tout ce que l'on peut dire d'aimable sur l'évaluation ne doit pas tromper.

C'est pourquoi nous maintenons notre position. Nous considérons que les contrats de partenariat peuvent être utiles dans certaines circonstances et qu'il ne faut donc pas avoir une conception négative. D'ailleurs, madame la ministre, l'ordonnance s'est appliquée et c'est bien la preuve qu'il n'était pas nécessaire d'élaborer un nouveau texte, sauf à vouloir remettre en cause la décision du Conseil constitutionnel, ce qui est - je pense l'avoir montré - le but de ce projet de loi.

Madame la ministre, j'ai été très sensible au fait que vous ayez cité M. Philippe Séguin. Cependant, il faudrait élaborer une théorie de la citation - peut-être un jour en aurai-je le temps - parce qu'il est très facile de réduire quelqu'un aux quelques lignes qu'il a écrites dans telle ou telle circonstance. À l'évidence, selon le contexte, les mots n'ont pas le même poids : ce que vous direz ce soir chez vous de ce débat ne procèdera pas du même registre que ce que vous avez exprimé à cette tribune. (Sourires.) Ainsi, ce que M. Philippe Séguin, dont nous connaissons la courtoisie, énonce dans une plaquette à l'égard d'un club de personnalités, au demeurant sympathiques, est une chose - il nous arrive à tous de faire des préfaces, dans quantité de circonstances ; ce qu'il dit au Sénat, en séance publique, lors de la présentation solennelle du rapport annuel de la Cour des comptes, où il s'exprime ès qualités, est une autre chose et a une tout autre portée.

Vous mettez les deux interventions sur le même plan ! On peut se livrer à ce type d'exercice avec les oeuvres complètes de quiconque. Cela produit beaucoup d'effet, mais cela peut aussi tourner court.

M. Philippe Séguin a dit, comme souvent, une vérité première.

Qu'y a-t-il, en définitive, dans les PPP ?

Nous recevons dans nos permanences des personnes en difficulté du fait des crédits qu'elles ont contractés. Le PPP, mal employé, généralisé à des fins idéologiques, c'est l'équivalent du crédit revolving pour les collectivités locales et l'État. On dit aux responsables des collectivités publiques que la procédure est simple : vous ne payez pas et vous confiez à un grand groupe la mission de réaliser tel équipement. C'est tout bénéfice, sauf pour les générations futures ! Nous plaidons aujourd'hui pour elles parce que, sauf circonstance appropriée, sauf dérogation, sauf cas réellement spécifique, il est de mauvaise méthode de renvoyer le coût de nos décisions aux générations à venir.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous ne voterons pas ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest. Certains collègues masquent, en fait, leur hostilité à tout ce qui ne relève pas de la régie, alors que le recours au secteur privé existe depuis de très nombreuses années - on a cité Colbert : délégation de service public, marché public.

Des collectivités ont choisi la régie pour leur service de l'eau ou de l'assainissement. Cela ne dure pas ! Elles s'aperçoivent rapidement que la technicité et la complexité des ouvrages sont telles qu'il vaut mieux recourir à des sociétés spécialisées disponibles 365 jours par an et ayant une obligation de résultat.

Les contrats de partenariat créés par l'ordonnance de 2004 ont permis la réalisation d'un certain nombre d'opérations. Certaines novations complexes et importantes témoignent de leur succès.

Il ne faut pas, il est vrai, banaliser cette procédure alors qu'existe notamment la délégation de service public. Je dois l'avouer, certaines opérations peuvent parfois surprendre, car le recours au partenariat public-privé n'est pas d'une pertinence absolue. Mais cela ne remet pas en cause son principe.

L'analyse des projets de partenariat a justifié l'élargissement du champ d'application de l'ordonnance pour faciliter le recours à ce dispositif et le rendre plus pertinent. On nous objecte que nous ne serions pas capables de faire une évaluation des PPP ! Veuillez m'excuser, mes chers collègues, mais alors nous ne serions pas plus capables de choisir entre un marché public et une délégation de service public !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est souvent le cas !

M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi serait-ce plus compliqué pour un PPP ? Franchement, je ne comprends pas.

Certes, il faudra bien entendu fixer des normes, mais la Mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat a déjà réalisé un travail remarquable pour aider l'État, et nous espérons qu'elle pourra également apporter sa contribution aux collectivités locales, s'agissant au moins des partenariats public-privé importants. Il est bien évident que l'on peut trouver des critères objectifs de nature à analyser les coûts-avantages des différents outils de la commande publique. Je ne comprends donc pas ces argumentations, sauf à dire que c'est pour des raisons idéologiques. Mais tel n'est absolument pas le cas ! Tout ce que nous voulons, c'est faciliter les PPP dans les secteurs où l'urgence est évidente, tels que l'université, la justice ou les nombreux autres domaines visés par le texte, car ils sont une opportunité pour défendre le fonctionnement du grand service public.

L'autre raisonnement fallacieux consiste à dire que le PPP va coûter cher. Mais, lorsqu'une collectivité locale décide de construire un collège, elle va bien sûr emprunter et aura donc, que je sache, à supporter les annuités d'emprunt, ... à moins qu'elle ne finance la totalité sur ses fonds propres. Emprunt ou autofinancement ? Veuillez m'excuser, mes chers collègues, mais la collectivité locale est confrontée au même problème. Je veux bien que l'on développe telle ou telle argumentation, mais elles ont leurs limites !

En revanche, il faut, il est vrai, prendre des précautions pour que la collectivité ne choisisse pas une procédure qui lui serait en réalité plus coûteuse. Mais cette procédure permettra à nombre de collectivités de réaliser les ouvrages complexes dont elles ont besoin, alors qu'elles ne sont pas en mesure d'assurer leur financement et n'ont en réalité pas les compétences techniques pour le faire, sauf à attendre un temps infini. J'en veux pour preuve l'exemple du stade de Lille !

Je le dis, ce projet de loi, que le Sénat va, je l'espère, voter, ne contrevient pas à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et améliore vraiment l'ordonnance de 2004, en prenant toutes les précautions nécessaires, notamment avec la notion de « situations imprévisibles ». Les précisions qui ont été apportées sont de nature à garantir plus encore la sécurité juridique de ce texte.

C'est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi tel qu'il a été amendé par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. L'intervention de M. Hyest m'incite à lui répondre. Selon lui, nous ne penserions qu'à tout gérer en régie, et c'est tout juste s'il ne nous a pas traités de « collectivistes » !

M. Jean-Jacques Hyest. Je n'ai pas dit cela !

M. Pierre-Yves Collombat. Nous disons tout simplement que l'arsenal de mesures actuelles est absolument extraordinaire. Pourquoi alors en ajouter d'autres ?

Mes chers collègues, ne mélangeons pas tout ! Les contrats de partenariat prévus dans l'ordonnance de 2004 peuvent effectivement être intéressants dans la mesure où ils permettent de résoudre des situations complexes et urgentes. Mais ne banalisons pas une procédure qui doit rester exceptionnelle !

Sur le fond, l'évaluation demeure un problème. Que va-t-on comparer ? Les coûts qui seront déterminés par le cocontractant ? Certes, je pense que les chiffres seront à peu près honnêtes, puisque bien contrôlés, mais vous savez parfaitement, cher collègue Hyest, vous qui avez des responsabilités dans une collectivité, que c'est le résultat de l'appel d'offres ou l'appel public à la concurrence qui détermine le prix.

M. Jean-Jacques Hyest. Il n'y a pas que cela !

M. Pierre-Yves Collombat. L'écart peut être considérable entre ce que vous avez imaginé et la réalité ! Votre magnifique bureau assermenté ne pourra comparer la proposition qu'à une hypothèse de proposition. Fondamentalement, il est impossible de disposer d'un vrai bilan. Il n'y a qu'à voir au Royaume-Uni, pays qui a une certaine expérience en la matière, les controverses sur ce sujet. On est donc dans le flou artistique le plus complet.

Une telle procédure peut se justifier quand la situation est complexe et que l'on ne peut vraiment pas faire autrement. Je veux bien reconnaître que le fait de gérer revient à prendre un certain nombre de risques. Cela étant, je le répète, il ne faut pas banaliser cette procédure !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Comme nous avons, les uns et les autres, travaillé ardemment et avec bonne volonté sur un texte qui célèbre le partenariat, je tiens à me féliciter du partenariat fructueux qui s'est instauré au sein de la Haute Assemblée, et je salue, à cet égard, les présidents de séance qui se sont succédé.

Je tiens à remercier les trois rapporteurs, MM. Béteille, Guené et Houel, le président de la commission des lois pour ses interventions, tous les sénateurs de la majorité et de l'opposition, qui ont contribué à nos travaux, ainsi que le service de la séance. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux contrats de partenariat
 

3

 
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna
Discussion générale (suite)

Marchés d'instruments financiers

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna
Article unique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna (nos 156 et 242).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi a pour objet de ratifier l'ordonnance du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna, dite directive MIF.

Comme vous vous en souvenez, la transposition de la directive MIF à proprement parler est intervenue par l'ordonnance du 12 avril 2007 relative aux marchés d'instruments financiers. Nous avons, depuis lors, ratifié cette ordonnance par la loi du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier, que j'ai eu l'honneur de présenter devant vous et dont M. Marini était le rapporteur.

Vous le savez, le coeur de la directive MIF est la suppression du monopole des marchés réglementés sur la négociation des actions cotées. L'opérateur historique, Euronext Paris, se trouvera notamment confronté à la concurrence directe de nouvelles plates-formes de négociation étrangères sur actions, françaises ou européennes.

C'est l'une des raisons pour lesquelles vous avez voté, mesdames, messieurs les sénateurs, la suppression de l'impôt sur les opérations de bourse à la fin de l'année 2007. Cette mesure visait précisément à donner à la place financière française toutes ses chances dans le nouvel environnement concurrentiel qui découle de la MIF.

Plus généralement, l'attractivité et le développement de la place financière française, qui résiste bien aux turbulences actuelles, est un objectif du Gouvernement pour renforcer l'emploi et la croissance dans un secteur important.

Le projet de loi de modernisation de l'économie, que j'aurai l'honneur de présenter devant vous, au nom du Gouvernement, comprendra un certain nombre de dispositions en faveur du développement de notre place financière et du secteur financier de manière générale. Le marché financier français bénéficie, selon moi, d'un mode de régulation qui devrait lui permettre de concurrencer largement le marché financier londonien et certainement ceux d'Amsterdam et du Luxembourg.

La directive MIF renforce également la protection des épargnants en faisant du devoir de conseil la pierre angulaire des règles de commercialisation de services financiers.

Le projet de loi que nous examinons ce soir vise à ratifier une deuxième ordonnance de transposition de la directive MIF, qui complète la première dans deux domaines.

Tout d'abord, elle complète à la marge la transposition de la directive MIF : il s'agit essentiellement d'apporter des corrections techniques au dispositif adopté en avril dernier.

Ensuite, elle étend les dispositions ainsi modifiées aux collectivités d'outre-mer, avec les adaptations rendues nécessaires par leur statut particulier.

Par ailleurs, le Gouvernement a déposé deux amendements sur ce projet de loi, qui visent à ratifier deux autres ordonnances, celle du 22 février 2007, laquelle a modifié le régime des prestations familiales en vigueur à Saint-Pierre-et-Miquelon, et celle du 22 mars 2007 portant extension et adaptation en Polynésie française de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et extension et adaptation de l'aide juridictionnelle en matière pénale à Mayotte, dans les îles Wallis-et-Futuna et en Nouvelle -Calédonie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Guené, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant toute chose, nous devons nous demander s'il s'agit d'une simple formalité.

Le présent projet de loi ratifiant l'ordonnance relative aux marchés d'instruments financiers d'outre-mer peut, de prime abord, apparaître comme une simple formalité, dès lors qu'il s'agit simplement d'étendre pleinement à l'outre-mer une législation européenne déjà transposée pour la métropole.

L'exercice apparaît d'autant plus théorique que - on a tout lieu de le croire - peu d'opérations interviendront dans ces territoires et que la réglementation trouvera peu de cas d'application, si ce n'est dans la nouvelle segmentation et le traitement de la clientèle.

Et pourtant, ce texte doit nous amener à réfléchir sur l'organisation des marchés financiers au regard de la crise actuelle.

En effet, ce n'est pas un moindre paradoxe de voir que l'on est ainsi conduit à parachever la transposition en droit français de la directive sur les marchés d'instruments financiers, dite directive MIF, au moment où, du fait de la crise des subprimes, on s'interroge sur la stabilité du système financier mondial et sur l'adéquation de notre mode de régulation.

J'en viens au contexte et aux enjeux. Je commencerai par un peu d'histoire.

C'est la loi du 20 juillet 2005 qui avait habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour transposer la directive MIF.

Cette directive remplace la directive concernant les services d'investissement, ou DSI, adoptée en 1993. Elle tend à faciliter la concurrence dans les services d'investissement en participant à la construction d'un marché de capitaux plus intégré et plus efficace.

Le délai d'habilitation, initialement fixé à dix-huit mois, aurait dû expirer le 20 janvier 2007.

En fait, profitant de la loi du 20 février 2007 portant diverses dispositions intéressant la Banque de France, la commission des finances était intervenue pour prolonger ce délai.

Par la même occasion, elle avait assoupli le dispositif initialement adopté en vue d'encadrer plus précisément le champ de l'habilitation pour se contenter de prévoir que la transposition comporte « les mesures tendant à la protection des investisseurs, par le renforcement de la transparence et de l'intégrité des marchés financiers. »

Dans les faits, le nouveau régime s'applique pleinement depuis le 1er novembre 2007. Le présent projet de loi vient donc simplement en étendre l'application à certaines collectivités d'outre-mer.

Cela correspond en fait à la fin du monopole des marchés réglementés.

Il faut rappeler que la philosophie de la directive MIF, qui introduit un principe général de concurrence, marque une rupture avec une certaine tradition française des marchés financiers, alors que, jusqu'à présent, la France se caractérisait par le principe de la concentration des ordres sur un marché réglementé.

La contrepartie de cette libéralisation est la mise en place d'une série de garde-fous reposant notamment sur l'obligation faite aux opérateurs de se conformer à des codes de conduite et à de meilleures pratiques.

Qu'est-ce que cela change pratiquement ?

Concrètement, les ordres de bourse peuvent désormais être négociés sur des lieux d'exécution différents : sur un marché réglementé traditionnel, sur un MTF - Multilateral Trading Facilities ou systèmes multilatéraux de négociation - ou encore par internalisation de l'ordre sur le compte propre de l'intermédiaire, ce dernier se portant alors contrepartie.

On ne sait pas, à l'heure actuelle, si les systèmes multilatéraux de négociation pourront concurrencer les plateformes généralistes traditionnelles ou s'ils se contenteront de marchés de niches. Relevons simplement que le projet Turquoise lancé par sept banques d'investissement et rejoint par BNP Paribas et Société Générale n'a toujours pas démarré.

En outre, la directive harmonise les conditions d'exercice des prestataires de services d'investissement au travers de l'Union européenne en modernisant le « passeport européen ».

Enfin, la directive instaure une obligation de classification et d'information des clients.

J'en viens aux mesures de transposition spécifiques à certaines collectivités territoriales d'outre mer.

L'ordonnance du 18 octobre 2007, dont le présent projet de loi prévoit la ratification, comporte quinze articles que l'on peut scinder en deux parties distinctes selon leur objet : la première partie tend à compléter l'ordonnance du 12 avril 2007 ; la seconde partie adapte les dispositions de la même ordonnance aux collectivités d'outre-mer, où elle n'était pas applicable du fait du principe de spécialité législative.

Le cas de Mayotte, soumis au principe d'identité législative depuis le 1er janvier 2008, appelle toutefois un traitement particulier et justifie deux amendements de la commission.

Permettez-moi de conclure en faisant de la prospective. Ainsi, vous sentirez le souffle de l'inspiration du rapporteur général ! (Sourires.)

Sans doute la directive MIF n'est-elle qu'une étape dans l'élaboration d'un modèle européen de régulation d'autant plus nécessaire que la crise des subprimes a démontré la fragilité du système financier international.

Les États-Unis pourraient procéder à une refonte d'envergure de leur réglementation financière comportant notamment le renforcement du rôle de la Réserve fédérale.

En Europe, les choses bougent aussi.

Ainsi, en Espagne, où l'on voit les deux partis converger vers une rationalisation de la régulation des marchés financiers, la réforme prévoit de regrouper les pôles banques et assurances sous l'égide de la Banque d'Espagne, qui sera en charge du contrôle prudentiel, de la solvabilité et de la stabilité des entités, tandis que l'autorité de régulation continuera à être en charge des marchés et du contrôle déontologique pour mieux protéger les investisseurs. Ce schéma est intéressant.

À moyen terme, l'Europe peut sans doute développer son mode de régulation propre et oeuvre pour que l'on trouve une façon de contrôler l'action d'opérateurs, tels les Hedge Funds, actuellement non régulés.

Bref, s'il y a peu à dire sur ce texte de ratification d'ordonnance, qui nécessitera néanmoins deux amendements coordonnés pour tenir compte du changement de statut législatif de Mayotte du fait de l'ordonnance du 21 décembre 2007, on peut néanmoins se poser deux questions qui nous ramènent à l'outre-mer : la France tire-t-elle tout le profit de la mondialisation financière ? Ne faudrait-il pas différencier, au contraire, les régimes juridiques de façon à attirer les opérations qui vont actuellement se domicilier, par exemple, dans des territoires liés à la couronne britannique ?

L'Europe, apparemment, ne l'interdirait pas. Peut-être faudrait-il y réfléchir et songer à différencier les régimes de marché, plutôt que de les unifier de façon purement formelle...Vous sentez, dans cette conclusion, souffler l'inspiration du rapporteur général ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna
Articles additionnels après l'article unique

Article unique

L'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna est ratifiée.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

à l'exception de ses articles 6 à 12 qui sont abrogés en tant qu'ils concernent Mayotte

La parole est à M. le rapporteur.

M. Charles Guené, rapporteur. Les dispositions de l'ordonnance qui fait l'objet du présent projet de loi de ratification ne sont plus, telles qu'elles, en vigueur du fait de modifications ultérieures opérées par l'ordonnance du 21 décembre 2007 relative à l'adaptation à Mayotte de diverses dispositions législatives.

Par conséquent, le présent amendement vise à exclure Mayotte des collectivités territoriales d'outre-mer auxquelles cette ordonnance a vocation à s'appliquer.

Par coordination, un second amendement vous sera proposé pour ratifier les dispositions du code monétaire et financier en vigueur concernant Mayotte, qui résultent de l'article 3 de l'ordonnance du 21 décembre 2007 précitée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, sous réserve de la coordination annoncée par M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.

(L'article unique est adopté.)