Article 30
Dossier législatif : projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 31

Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2009, à l'exception du 1° de l'article 7 et de l'article 30.

Toutefois, elles ne s'appliquent pas aux suites à donner aux procédures en cours ayant donné lieu à des décisions juridictionnelles prises à titre provisoire et notifiées avant le 1er janvier 2009.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Saugey, au nom de la commission, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

et de l'article 30

La parole est à M. le rapporteur.

M. Bernard Saugey, rapporteur. Il s’agit à nouveau d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 31
Dossier législatif : projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Ce débat a été intéressant, mais, comme je l’avais annoncé dans la discussion générale, le groupe socialiste s’abstiendra sur ce projet de loi si technique que le Gouvernement lui-même – disons-le très honnêtement – s’interroge sur certaines dispositions. Sans doute convient-il d’approfondir notre réflexion sur ce délicat sujet. Nous aurons en principe l’occasion de le faire à la fin de l’année ou au début de 2009.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de revenir sur la situation matérielle des héritiers, que j’ai évoquée à l’article 8.

M. Bernard Saugey, rapporteur. J’ai ajouté le mot : « matérielle », cela doit vous satisfaire.

M. Jacques Mahéas. Cet ajout concerne le comptable de fait. Mais j’avais demandé que le même état d’esprit prévale pour les héritiers, car la réflexion doit se poursuivre jusqu’à la fin de 2008 ou le début de 2009. Or, des procès sont en cours, et vos paroles pourraient y être citées, monsieur le secrétaire d’État. Je serais donc heureux que vous puissiez apporter des précisions à cet égard.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq,

est reprise à quinze heures dix, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile
Discussion générale (suite)

Réforme de la prescription en matière civile

Adoption définitive d’une proposition de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile
Article 1er

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière civile (nos 323, 358).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup de satisfaction que je reviens devant vous pour l’adoption définitive – je l’espère – de cette proposition de loi, qui sera si utile à notre droit.

Le droit de la prescription était devenu très complexe et si peu lisible qu’il en était source d’insécurité juridique. Il fallait rapidement le réformer : les délais de prescription étaient multiples et la durée même du délai de droit commun, trente ans, n’était plus adaptée à notre vie économique.

Votre assemblée s’est à juste titre saisie de cette question. En février 2007, la commission des lois du Sénat, sous l’impulsion efficace de son président, M. Hyest, a créé une mission d’information. Un travail d’une grande qualité a été mené ; il a servi de base à cette proposition de loi, qui répond aux préoccupations des professionnels du droit et des opérateurs économiques.

Ce texte est ambitieux : il s’agit d’une réforme d’ampleur qui appréhende la question de la prescription dans sa globalité. Ce n’est pas un simple « toilettage » du code civil.

Ce texte est moderne : le nouveau délai de droit commun de cinq ans nous replace dans le grand mouvement européen. En Allemagne, le délai est de trois ans ; en Angleterre et au Pays de Galles, il est de six ans.

Ce projet rend notre droit civil plus attractif. Il facilitera la vie économique de nos entreprises, car elles gagneront en compétitivité.

Je salue également le travail particulièrement harmonieux des deux assemblées.

Quelques modifications ont été apportées par l’Assemblée nationale à la proposition de loi initiale. En effet, après l’adoption du texte par le Sénat, des inquiétudes se sont exprimées au sujet des dommages et intérêts alloués aux victimes de discrimination au sein d’une entreprise et des administrations.

Comme vous l’avez très justement rappelé dans votre rapport, monsieur Béteille, il s’agissait d’un malentendu. Pour le dissiper, le président Hyest, le sénateur Richard Yung et vous-même, monsieur le rapporteur, avez déposé deux amendements identiques. Ceux-ci ont été proposés lors du débat sur la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Ils visaient à introduire dans le code du travail et dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires les dispositions concernant la réparation du préjudice résultant d’une discrimination.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a décidé de reprendre à l’identique ces dispositions dans le texte qui nous est aujourd’hui soumis. La discrimination salariale est en effet une situation tout à fait particulière : elle peut durer pendant de nombreuses années et elle existe souvent à l’insu même de la victime.

Prenons l’exemple d’une femme qui est victime de discrimination salariale depuis 1990, mais qui ignore pendant longtemps le salaire des autres employés. Si cette femme n’a connaissance qu’en 2008 des éléments qui montrent qu’elle a fait l’objet d’une discrimination, elle pourra agir jusqu’en 2013.

Ces amendements identiques précisent également que le droit à réparation portera sur l’ensemble de la période pendant laquelle la victime a fait l’objet de discrimination. Dans mon exemple, les dommages et intérêts alloués seront accordés à compter de 1990, début de la discrimination, et non pas de 2008.

Ces modifications ont donc permis de dissiper tout malentendu.

La proposition de loi ayant été adoptée par la commission des lois du Sénat, je n’en ferai pas de nouvelle présentation intégrale. Je reviendrai seulement sur deux points qu’il me paraît important de préciser : le nouveau mécanisme de calcul du point de départ de la prescription et la possibilité laissée aux signataires d’un contrat d’aménager la durée de la prescription.

Le délai de droit commun est fixé à cinq ans. Il est encadré par un point de départ « glissant » et un délai butoir. C’est là un nouveau mécanisme.

Le délai de prescription de cinq ans s’impose pour plusieurs raisons. D’abord, il est respectueux des droits de chacun et source de sécurité pour tous. Il est suffisant pour permettre à un créancier d’engager une action ; il écarte toute action tardive, renforçant par là la sécurité juridique. Ensuite, il s’inscrit dans la moyenne européenne. Ces nouvelles dispositions favoriseront donc le rayonnement du droit français.

Ce délai est encadré par un nouveau mécanisme, le point de départ « glissant », qui est la consécration de la jurisprudence actuelle. Il fait partir le délai de prescription du jour où le créancier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Il s’agit donc d’un délai utile : à partir du moment où l’intéressé aura connaissance des faits litigieux, il disposera de cinq ans pour réunir les éléments de preuve, se renseigner et prendre la décision d’une éventuelle action en justice. En cas de conciliation ou de médiation, le délai est suspendu.

Compte tenu de ce point de départ « glissant », le délai pour agir est largement suffisant.

Pour autant, ce point de départ fluctuant ne doit pas rendre les actions imprescriptibles. Ce serait contraire aux objectifs de cette réforme. C’est la raison pour laquelle un délai butoir a été mis en place. Quelles que soient les raisons de report des effets de la prescription, l’action sera prescrite vingt ans après le fait générateur.

Cette disposition existe notamment en droit allemand, belge et écossais. Elle vient renforcer la sécurité juridique. Le mécanisme du délai butoir existe déjà en droit français. C’est le cas, par exemple, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.

Vous le voyez, c’est un mécanisme novateur qui modernise en profondeur le droit de la prescription.

L’autre grande nouveauté de ce texte, c’est la possibilité d’un aménagement contractuel de la prescription.

Les parties peuvent d’un commun accord : soit allonger la durée de la prescription dans la limite de dix ans, soit la réduire dans la limite de un an. Elles peuvent également ajouter des causes d’interruption ou de suspension.

Ce souci d’étendre la liberté contractuelle vient conforter le rôle de la volonté des parties. La jurisprudence avait déjà consacré la possibilité pour les parties de réduire les délais. Cette disposition existe en droit espagnol ou suédois. Elle est aussi préconisée par l’organisation internationale Unidroit. Elle introduit la souplesse que nombre de professionnels revendiquent. Elle répond à leurs besoins concrets et sera pour eux un atout supplémentaire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tenais une nouvelle fois à féliciter la Haute Assemblée pour la qualité et la modernité de cette proposition de loi. Le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur du texte, M. Laurent Béteille, ont réalisé un travail remarquable.

Cette proposition de loi montre tout l’intérêt qu’il y a à accroître le rôle du Parlement dans notre système institutionnel. Le Parlement est une force de proposition et de réforme. Il faut lui donner davantage les moyens d’agir. C’est un débat que nous aurons dans quelques jours.

Ce renforcement va dans l’intérêt de la représentation nationale, et donc de la démocratie et des Français. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici de nouveau devant la réforme des règles de la prescription en matière civile que nous avons engagée au Sénat il y a un peu plus d’un an et qui, je l’espère, est sur le point d’aboutir.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui constitue la traduction législative de travaux très importants qui ont été menés par la mission d’information de notre commission des lois sur le régime des prescriptions civiles et pénales, conduite par nos collègues Jean-Jacques Hyest, Hugues Portelli et Richard Yung de février à juin 2007.

Déposée sur le bureau de notre assemblée par notre collègue Jean-Jacques Hyest au mois d’août 2007, elle a été adoptée par le Sénat en première lecture lors de la séance mensuelle réservée du 21 novembre 2007, puis par l’Assemblée nationale le 6 mai dernier.

Cette réforme est très attendue.

La prescription constitue un principe fondamental de notre droit. Elle répond à un impératif de sécurité juridique : le titulaire d’un droit resté trop longtemps inactif est censé y avoir renoncé ; les personnes concernées par cette action doivent pouvoir retrouver une sécurité en la matière. Elle joue également un rôle probatoire, car chacun sait que les preuves ne sont pas éternelles et elle permet aux acteurs économiques et juridiques de ne pas avoir à conserver trop longtemps des justifications qui ne s’imposent plus.

Cependant, les règles qui la régissent dans le code civil s’avèrent pléthoriques – on a ajouté sans cesse de nouvelles dispositions –, complexes et inadaptées à la société moderne.

La Cour de cassation a recensé plus de deux cent cinquante délais de prescription différents – cela laisse pantois –, dont la durée varie de trente ans à un mois. Cette disparité est source d’incohérences – dans de nombreux cas, ces règles ne se justifient plus – et d’incertitudes pour le justiciable.

Le délai trentenaire de droit commun, qui date de l’origine de notre code civil, se révèle aujourd’hui inadapté ; il est en décalage par rapport aux délais retenus par la plupart de nos voisins.

Les modalités de computation de ces délais s’avèrent, elles aussi, complexes en raison des incertitudes entourant parfois leur point de départ et des possibilités multiples d’interruption ou de suspension de leur cours.

Bref, il était grand temps de moderniser et de mettre en cohérence ces règles devenues foisonnantes, complexes et éparses, faute de réforme d’ensemble.

Comme vous l’avez dit, madame la garde des sceaux, il s’agit d’une réforme ambitieuse qui s’articule autour de trois axes : la réduction du nombre et de la durée des délais de la prescription extinctive, la simplification de leur décompte, et l’autorisation, sous certaines conditions, de leur aménagement contractuel.

Parmi les multiples mesures adoptées par le Sénat, la plus spectaculaire est sans doute la réduction de trente ans à cinq ans du délai de droit commun de la prescription extinctive, qui correspond tout à fait aux nécessités d’une vie économique moderne et sur laquelle se sont déjà engagés un certain nombre de pays voisins, avec pour point de départ « le jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir des délais plus courts, comme le délai biennal de prescription de l’action des professionnels contre les consommateurs pour les biens ou services qu’ils leur fournissent, mais aussi des délais plus longs, comme le délai décennal de prescription de l’action en responsabilité pour dommage corporel. Il est légitime d’assouplir la règle pour tenir de situations particulières dans lesquelles certains sujets de droit doivent être protégés.

J’évoquerai également la création, sous réserve de nombreuses dérogations concernant notamment les actions en responsabilité pour dommage corporel ou encore les actions relatives à l’état des personnes, d’un délai butoir de vingt ans courant à compter des faits ayant donné naissance au droit et non à compter de leur connaissance par son titulaire.

J’évoquerai enfin l’octroi aux parties de la faculté, d’une part, d’allonger, dans la limite de dix ans, ou de réduire, dans la limite d’un an, la durée de la prescription, d’autre part, d’ajouter aux causes d’interruption ou de suspension de la prescription fixées par le code civil.

Par souci de protection de la partie faible dans les contrats d’adhésion, de tels aménagements seront prohibés dans le cadre des contrats d’assurance et des contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.

Cette réforme des règles de la prescription en matière civile recueille une large adhésion.

À la suite des travaux de la mission d’information associant la majorité et l’opposition, la proposition de loi a été adoptée en première lecture par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, à l’exception du groupe communiste républicain et citoyen, qui, après avoir proposé sans succès de fixer à dix ans et non pas à cinq ans le délai de droit commun de la prescription extinctive, a finalement décidé de s’abstenir.

Les débats à l’Assemblée nationale se sont avérés moins consensuels, peut-être parce qu’ils avaient été moins préparés. Quoi qu’il en soit, la majorité des députés n’en a pas moins très largement souscrit à la réforme proposée.

L’Assemblée nationale n’a en effet apporté que quelques modifications de fond, qui ne remettent pas en cause les apports du Sénat.

Elle a écarté l’application du délai butoir pour la prescription entre époux ou partenaires d’un pacte civil de solidarité ; c’est, me semble-t-il, justifié.

Elle a interdit l’aménagement conventionnel des règles de prescription des actions en paiement ou en restitution de l’ensemble des créances périodiques alors que, sur proposition de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, nous n’avions visé que les créances salariales et les baux à usage d’habitation. Étendre l’interdiction à d’autres créances périodiques comme les baux professionnels ou commerciaux ne s’imposait pas ; il s’agit néanmoins d’une simplification que la commission vous propose d’accepter.

L’Assemblée nationale a également consacré la jurisprudence selon laquelle les dommages trouvant leur origine dans la construction d’un ouvrage doivent être dénoncés dans les dix ans qui suivent la réception des travaux, que ces ouvrages relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun ou du régime spécifique de la garantie décennale.

Elle a réduit de dix à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des ventes aux enchères.

Enfin, elle a souhaité soumettre les experts judiciaires au délai de droit commun de la prescription extinctive.

Par ailleurs, les députés ont repris sans les modifier le contenu de deux amendements identiques adoptés dans le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et qui avaient pour objet de préciser que la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière n’était pas remise en cause.

Compte tenu du fait que les modifications introduites par l’Assemblée nationale ne remettent pas en cause les principales dispositions de la proposition de loi, je vous propose, mes chers collègues, d’adopter celle-ci sans nouvelles modifications. Cela permettra une application plus rapide de ce texte qui est attendu, qui est nécessaire et qui apportera une plus grande sécurité à tous les justiciables. Il constituera en outre une première étape dans la réforme du droit des obligations que vous avez entreprise, madame la garde des sceaux, et que nous appelons de nos vœux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis à l’occasion de la deuxième lecture d’une proposition de loi qui a trouvé son origine dans les travaux de la commission de lois, si excellemment présidée par M. Jean-Jacques Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Commission qui compte d’excellents membres !

M. Richard Yung. Je ne pouvais pas le dire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi si ! (Sourires.)

M. Richard Yung. Il s’agit d’un texte équilibré, mais les travaux menés à l’Assemblée nationale ont montré que certains points restaient à préciser. Je rappelle que le groupe socialiste l’avait voté en première lecture, mais nous sommes heureux de saisir l’occasion de cette nouvelle discussion pour y revenir.

Ce texte a l’avantage de donner de la cohérence à notre droit de la prescription civile tout en lui apportant une meilleure lisibilité. Il simplifie le décompte des délais de prescription tout en offrant des garanties aux justiciables.

Je veux redire qu’il s’agit d’un bon compromis entre, d’une part, les propositions du groupe de travail présidé par M. Weber, qui préconisait de fixer un délai de droit commun de dix ans pour la prescription extinctive, et, d’autre part, les propositions de l’avant-projet de réforme élaboré par MM. Malaurie et Catala, qui recommandaient de fixer un délai de trois ans.

À mes yeux, ce texte a un mérite supplémentaire essentiel : il constitue un grand pas en avant vers l’harmonisation des délais à l’échelon communautaire.

Comme cela a été souligné, la majorité des pays prévoient un délai de prescription de cinq ans ou six ans. Le fait de le fixer à cinq ans chez nous nous rapproche de pays tels que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. C’est ainsi que se construit progressivement l’harmonisation difficile du droit dans ces domaines…

La présente proposition de loi répond au besoin de sécurité juridique qui doit permettre aux victimes de faire valoir leurs droits pendant un délai raisonnable. Je comprends que la réduction assez brutale du délai commun de trente ans à cinq ans suscite une certaine émotion, mais il en est toujours ainsi lorsque l’on modifie les choses.

Au demeurant, il faut le rappeler, certaines dispositions particulières et dérogatoires continueront d’être applicables à un bon nombre de situations. Je pense notamment à l’action en responsabilité civile lorsque les victimes sont mineures et ont subi, par exemple, des actes de torture ou de barbarie, ou des violences. Dans ce cas, le délai applicable restera égal à vingt ans.

J’aborderai maintenant un point sujet à controverse, à savoir l’instauration d’un délai butoir égal à vingt ans et au terme duquel aucune action tendant à la reconnaissance d’un droit ne pourra plus être engagée.

Je rappelle que la création de ce délai est rendue nécessaire par l’assouplissement des règles relatives au point de départ et aux causes de suspension. Par ailleurs, il est important de préciser que ce délai ne s’appliquera pas à l’ensemble des prescriptions. Le cas concernant les victimes mineures sera notamment exempté.

La possibilité d’aménager contractuellement la prescription extinctive a également fait débat. Cependant, je rappelle que des garde-fous ont été introduits en première lecture. Grâce à un amendement présenté par notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, l’aménagement contractuel ne pourra pas s’appliquer aux créances périodiques telles que les salaires, les fermages, les loyers et charges locatives afférents à des baux d’habitation.

Cette disposition est de nature à protéger la partie la plus faible du contrat. Ainsi, les employeurs ne pourront pas imposer à leurs salariés un délai de l’action en paiement ou en répétition des salaires d’un an. À l’inverse, les bailleurs professionnels ne pourront pas imposer à leurs locataires une durée de prescription de dix ans de l’action en paiement ou en répétition des loyers.

Comme M. le rapporteur l’a souligné, l’Assemblée nationale a adopté sans modification majeure la plupart des dispositions proposées par le Sénat, y compris la suppression de l’article 18 relatif à la compensation des conséquences financières. Elle a, par ailleurs, adopté des amendements visant à insérer des articles additionnels, tel l’article tendant, par exemple, à réduire de dix ans à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meuble aux enchères publiques à compter de l’adjudication ou de la prisée.

Toutefois, ce texte équilibré nécessite encore quelques précisions. Même si je comprends le souci de M. le rapporteur de ne pas vouloir le modifier en engageant de nouveaux débats, j’estime que la deuxième lecture est faite pour répondre aux interrogations qui demeurent et améliorer encore la rédaction.

Par ailleurs, je souhaiterais aborder l’aspect le plus polémique de la proposition de loi, ses implications en matière de lutte contre les discriminations salariales.

Près de quatre mois après la première lecture, des syndicats, des associations de lutte contre les discriminations, ainsi que la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ont vivement réagi, exprimant des inquiétudes tout à fait légitimes. Cela dit, il eût été préférable qu’ils se manifestent avant, car cela nous aurait permis d’agir plus tôt.

Selon eux, l’application de l’article 2224 du code civil entraînerait une réduction de l’indemnisation des victimes, laquelle ne réparerait que le préjudice subi pendant les cinq dernières années. Or telle n’était pas notre intention, et je puis témoigner de la bonne foi de la commission et de son président. Mais peut-être n’avons-nous pas su détecter les répercussions éventuelles de ce texte technique…

En mars dernier, Jean-Jacques Hyest, Laurent Béteille et moi-même avons rencontré des représentants du collectif en question, qui, à l’issue de la réunion, nous ont dit être plutôt rassérénés, voire rassurés.

Afin de dissiper ce malentendu, des dispositions ont été incluses dans le code du travail et le statut des fonctionnaires lors de la discussion, au mois d’avril dernier, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Ces dispositions prévoient la réparation intégrale du préjudice : les dommages et intérêts alloués à la victime d’une discrimination répareront l’intégralité du préjudice subi, pendant toute sa durée. Tel est le sens des deux amendements identiques qui avaient alors été adoptés par le Sénat et dont le contenu a été repris dans ce texte par l’Assemblée nationale.

Au vu des longs débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale sur le point de départ de la prescription, j’estime que cette question mérite encore réflexion. Il serait, à mon avis, souhaitable d’intégrer dans la loi la définition retenue par la jurisprudence de la Cour de cassation, et je déposerai un amendement en ce sens, car il n’y a aucune ambiguïté entre nous sur cette question.

Enfin, on vient d’attirer notre attention sur la garantie décennale en matière de responsabilité des constructeurs d’ouvrage telle qu’elle est prévue par le nouvel article 1792-4-3 du code civil, qui, semble-t-il, ne s’appliquerait pas à tous les professionnels de la construction. Cette disposition viserait à créer un déséquilibre entre les assimilés constructeurs, tels que les vendeurs d’immeuble à rénover ou les contrôleurs techniques, qui pourraient être responsables, eux, pendant les vingt années suivant la date de livraison de l’ouvrage, et les entreprises réalisant effectivement les travaux, qui conserveraient, quant à elles, le bénéfice de la jurisprudence actuelle, c’est-à-dire dix ans.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Le délai passe à cinq ans !

M. Richard Yung. Nous devons débattre de ce point pour faire en sorte, par souci de cohérence, de traiter les professionnels d’un même domaine de la même manière.

Sous le bénéfice de ces observations, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le débat sur les délais de prescription en matière civile est ancien et les arguments qui plaident en faveur de leur raccourcissement sont quasiment toujours les mêmes : des délais trop longs sont source d’insécurité juridique dans un contexte international de plus en plus soumis à la concurrence.

Cette proposition de loi prévoit donc une diminution assez drastique du délai de prescription en matière civile.

Madame la garde des sceaux, pour justifier votre volonté de faire passer ce délai de trente ans à cinq ans, vous n’avez cessé de répéter que notre régime de prescription est isolé en Europe : en Allemagne, le délai est de trois ans, en Angleterre et au pays de Galles, il est de six ans. Mais nous pourrions tout autant mentionner l’Italie, la Suisse ou la Suède – pourtant si souvent citée en exemple –, pays dans lesquels le délai de droit commun est de dix ans.

En 2001, le rapport de la Cour de cassation suggérait d’abaisser à dix ans le délai de prescription. En 2004, c’est le groupe de travail dirigé par M. Weber, président de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui arrivait à la même conclusion.

Certes, l’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription de 2005, issu du rapport Catala, prévoyait un délai de trois ans, inspiré par Philippe Malaurie, chargé de la rédaction des dispositions relatives au droit de la prescription. Mais, finalement, un consensus s’était incontestablement dégagé sur le délai de dix ans, contrairement au délai de cinq ans que vous voulez faire adopter aujourd’hui.

Passer de trente ans à cinq ans, c’est vraiment passer d’un extrême à un autre, sous prétexte que le délai de trente ans serait inadapté à la rapidité et au nombre croissant des transactions juridiques. Mais doit-on sacrifier le droit qu’ont nos concitoyens de se défendre correctement dans le seul but d’assurer une meilleure compétitivité aux entreprises ?

Un délai de prescription suffisamment long permet tout simplement à la personne titulaire d’un droit de l’exercer, et cela n’est pas obligatoirement le fait, comme certains se plaisent à le dire, d’une certaine négligence.

Un délai de prescription de cinq ans, délai bien trop court, risque de devenir une source d’injustice pour les titulaires de droits. Nous aurions préféré que le Gouvernement en reste au consensus auquel il était parvenu en 2005, avec un délai de droit commun de dix ans.

Au demeurant, ce sont surtout les conséquences de cette proposition de loi sur la lutte contre les discriminations qui ont véritablement animé les débats.

En effet, en première lecture, le Gouvernement et la commission des lois avaient préféré garder le silence sur les implications de ce texte sur les actions contre l’ensemble des discriminations visées par l’article L. 1132-1 du code du travail, notamment entre hommes et femmes,…