Articles additionnels avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

L'article 4 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l’article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article concerne le droit d’opposition. Sa rédaction initiale a déjà fait l’objet de plusieurs retouches.

On est en effet passé de la mention de droits particuliers pour les partis et groupements qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement à un principe général selon lequel la loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation.

Ces changements sont la traduction fidèle de la position de ceux qui ni ne déclarent appartenir à la majorité, ni refusent de la soutenir. Ils sont nombreux à l’Assemblée nationale, mais ils le sont également dans la Haute Assemblée.

Pour eux, le critère de l’appartenance à la majorité est inopérant. C’est ainsi que la disposition initiale, pourtant bonne, s’est diluée en une tautologie qui rappelle ce que nous savons déjà, mais ne dit plus rien sur ce que nous attendons. En effet, la mention de droits spécifiques pour l’opposition a disparu.

Ces droits sont pourtant multiples : ils concernent la répartition du temps de parole en discussion générale, un meilleur pouvoir d’initiative en matière législative, une meilleure maîtrise de l’ordre du jour, l’octroi de davantage de présidences de commission, de davantage de droits en matière de demande de commissions d’enquête ou de rapports, ainsi que de nomination de rapporteurs… L’arsenal existe bien !

L’article 1er ne correspond plus à l’idée qui sous-tendait la rédaction initiale, et nous le regrettons.

Nous serons donc amenés à « grignoter » ces droits au cours du débat, par des propositions dont on nous dira qu’elles ne relèvent pas de la Constitution. J’entends déjà les réponses que l’on nous fera : les droits de l’opposition relèvent non de la Constitution, mais de la loi.

J’aurais aimé qu’une telle loi ait été préparée en vue de ce débat, afin que l’on sache concrètement de quelle manière la majorité et le Gouvernement s’engagent en faveur des droits de l’opposition.

Sur une question si importante, il est inadmissible d’obtenir pour seule réponse qu’une loi sera adoptée, sans que l’on sache son contenu ni même quand elle sera présentée.

Je souhaite que le Gouvernement nous donne des exemples, afin de nous aider à voter l’article 1er. À défaut, il s’agira d’une énième disposition cosmétique, sans ambition, sans véritable portée pour les droits de l’opposition. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 96, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 4 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans le second alinéa, les mots : « au dernier alinéa de l'article 3 » sont remplacés par les mots : « au second alinéa de l'article premier » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation, dans le respect du pluralisme. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quel plaisir, monsieur le président, de commencer enfin la discussion de l’article 1er du projet de loi ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Tout le monde s’est félicité de participer à un débat intéressant, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Intéressant, mais un peu répétitif !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous gâchez tout !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Jusqu’à présent, l’article 4 de la Constitution considérait avant tout les partis en termes d’élections et de participation à l’expression du suffrage.

On observe aujourd’hui que les partis politiques jouent un rôle déterminant dans la vitalité de notre démocratie. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a souhaité affirmer dans la Constitution le principe selon lequel la loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation.

Il s’agit non seulement d’attribuer aux partis un financement adapté, mais aussi de les associer aux grands moments de la vie nationale.

Je propose d’ajouter que cette garantie soit assurée « dans le respect du pluralisme ». Il semble important, en effet, que notre Constitution affirme l’attachement de notre pays à l’existence et à l’expression d’opinions différentes.

Voilà pourquoi nous souhaitons modifier le texte adopté par l’Assemblée nationale.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte et A. Boyer, est ainsi libellé :

A. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 4 de la Constitution est complétée par les mots : « ainsi que l'interdiction du mandat impératif prévu à l'article 27 pour tous les mandats électifs ».

B. - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

II. -

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Puisqu’il a été décidé, à l’Assemblée nationale et ici, en commission des lois, de modifier l’article 4 de la Constitution, je propose de préciser que les partis politiques doivent respecter le principe d’interdiction du mandat impératif prévu à l’article 27 de la Constitution pour tous les mandats électifs, quelle que soit leur nature.

Tel est l’objet de cet amendement : puisque les partis et groupements politiques doivent respecter les principes de la démocratie et de la souveraineté, ils doivent s’interdire aussi d’exercer sur leurs élus des pressions, des chantages et des menaces.

M. le président. L'amendement n° 261 rectifié, présenté par MM. Mercier, Arthuis, Amoudry, Badré et Biwer, Mme Dini, M. Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly, MM. Nogrix, Soulage, J.L. Dupont, Dubois, Vanlerenberghe, C. Gaudin, Jégou, Zocchetto et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

La loi garantit le pluralisme de la représentation et la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation.

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Pour notre groupe, cet amendement présente une importance toute particulière. Il a trait à l’une des conditions essentielles de la réforme : faire en sorte que le Parlement soit plus fort, ce qui nécessite qu’il soit plus représentatif, comme l’indique d’ailleurs l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle qui nous est présentement soumis.

L’amendement que je soutiens au nom des membres de notre groupe vise donc à inscrire le pluralisme de la représentation des partis et groupements politiques dans notre loi fondamentale.

Nous avons essayé, sur ce point, de trouver un accord par le dialogue. Je regrette vivement que nous n’y soyons pas parvenus, bien que nous ayons fait beaucoup d’efforts. N’ayant pas, dans cette affaire, de vanité particulière d’auteur, j’ai fait d’autres propositions, mais n’ai obtenu aucune réponse, ce que je déplore.

Nous sommes en première lecture, il y aura une deuxième lecture ; cependant, je veux d’ores et déjà, madame le garde des sceaux, vous dire de la façon la plus sereine, mais aussi la plus ferme, que ce texte contient des principes qui en font l’originalité et la solidité. Je vise, bien sûr, la représentativité du Parlement et le pluralisme.

Pour nous, le pluralisme doit s’exprimer au sein du Parlement, mais aussi au travers de la reconnaissance des groupes politiques. Lors de la discussion de l’article 24, nous présenterons des amendements très clairs visant à faire en sorte que tous les groupes politiques, notamment les groupes minoritaires, aient des droits égaux.

Nous tenons également au droit de résolution et à la réforme relative à l’extension de l’Union européenne, qui a fait l’objet d’un accord unanime.

Tels sont les quatre points qui nous semblent essentiels.

Nous ne sommes donc pas parvenus à trouver un accord sur le premier d’entre eux.

Je sais bien que l’on nous objecte qu’il ne faut pas traiter, dans le cadre de l’examen du présent texte, de tel ou tel mode de scrutin. Je suis tout à fait d’accord sur le fait que des modes de scrutin ne doivent pas être constitutionnalisés. Le législateur ordinaire doit pouvoir, en fonction des circonstances, répondre à une situation particulière en établissant tel ou tel mode de scrutin.

Je souhaite donc que le présent amendement ouvre toutes les possibilités et n’oblige en rien le législateur ordinaire lorsqu’il prendra ses décisions en matière de loi électorale. Notre amendement doit permettre toutes les solutions.

On voit bien que, en matière de modes de scrutin, tout le monde aujourd’hui réfléchit. On n’oppose plus forcément tel mode de scrutin à tel autre. La recherche s’oriente plutôt vers des modes de scrutin mixtes, combinant, dans une solution nouvelle, les avantages du mode majoritaire et les avantages du mode proportionnel. Ce soir même, le président de l’Assemblée nationale vient de faire connaître sa préférence pour un scrutin mixte s’agissant des élections européennes.

Il ne s’agit pas, pour nous, de fixer aujourd’hui un mode de scrutin. Nous cherchons simplement à ouvrir des portes. Tel est l’objet de notre amendement. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° 422, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elle reconnaît des droits aux partis et groupements politiques qui ne participent pas de la majorité dans chacune des assemblées parlementaires.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. La rédaction initiale de l’article 1er du projet de loi marquait une volonté du Gouvernement de reconnaître des droits particuliers aux partis ou groupements qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement.

La commission des lois de l’Assemblée nationale avait gardé le même esprit. Il s’agissait toujours d’inscrire un principe général de reconnaissance des droits de l’opposition.

Sur l’initiative de députés du Nouveau Centre, la rédaction de l’article 1er est devenue ce qu’elle est désormais. M. le rapporteur a proposé, au nom de la commission des lois, de la compléter par les mots : « dans le respect du pluralisme ».

Ce membre de phrase ne nous gêne pas en lui-même, mais il ne possède aucun caractère normatif et ne règle pas le problème qui était posé par la rédaction initiale du Gouvernement.

À l’issue de ses débats, le comité Balladur – on en trouve la trace dans son rapport – avait conclu à la nécessité de modifier l’article 4 de la Constitution. Je crois qu’il faut avancer dans cette direction.

Nous souhaitons que, dès l’article 4 de la Constitution, on nous reconnaisse, non pas des droits particuliers, mais des droits, tout simplement. Nous demandons non pas à être protégés comme dans une réserve, mais à bénéficier de droits au sein des assemblées. Cette revendication vaut d'ailleurs pour l’ensemble des groupes politiques qui déclarent ne pas participer à la majorité.

Il nous semble donc important de compléter l’article 1er du projet de loi constitutionnelle par un alinéa supplémentaire, et tel est l’objet de cet amendement. Si celui-ci n’était pas adopté, l’innovation tendant à accorder des droits particuliers à l’opposition disparaîtrait complètement.

Or, une telle innovation nous semble nécessaire, car l’appartenance à l’opposition peut être transitoire – mais sans doute nos collègues de l’Assemblée nationale le comprennent-ils plus facilement que nous, eux qui siègent dans une chambre démocratique, où l’alternance est possible…

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 5 rectifié bis, 261 rectifié et 422 ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Frimat, sous-entendre que le Sénat ne serait pas une chambre démocratique me semble tout de même un peu abusif ! (Absolument ! sur les travées de lUMP.)

M. Bernard Frimat. La parole est libre dans cette assemblée !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La mienne l’est aussi, et j’ai donc le droit de contester formellement vos propos !

Monsieur Charasse, la nullité de tout mandat impératif se trouve déjà posée à l’article 27 de la Constitution. Il ne semble pas nécessaire de rappeler cette règle à l’article 4, qui établit un équilibre en ce qui concerne le fonctionnement des partis. Ceux-ci exercent leur activité librement et doivent respecter les principes de la démocratie.

En outre, vous savez fort bien faire la différence entre un mandat impératif confié par les électeurs et la discipline de vote qui s’applique au sein d’un groupe ou d’un parti politique, même si votre amendement semble plutôt viser cette dernière… Pour toutes ces raisons, et puisque le mandat impératif fait l’objet d’autres dispositions, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié bis.

M. Michel Charasse. Le mandat impératif est évoqué dans un article relatif aux mandats nationaux !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais j’émets néanmoins un avis défavorable ! (Sourires.)

En ce qui concerne l’amendement n° 261 rectifié, je tiens particulièrement à faire figurer le respect du pluralisme à l’article 1er de ce projet de loi constitutionnelle. C'est d’ailleurs pourquoi j’ai présenté un amendement ayant pour objet de préciser que « la loi garantit la participation des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation, dans le respect du pluralisme ».

En revanche, il semble difficile d’inscrire dans la Constitution que « la loi garantit le pluralisme de la représentation ». En effet, monsieur Mercier, comme vous êtes très subtil, vous comprendrez qu’une telle disposition renvoie forcément au mode de scrutin.

Mme Jacqueline Gourault. Telle était bien notre intention !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est tout le problème, madame Gourault ! Autrement, j’aurais été tout à fait favorable à cette disposition.

M. Robert Bret. M. Mercier est resté au milieu du gué !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Le Conseil constitutionnel est vigilant à cet égard, et sa jurisprudence, qu’elle porte sur les modes de scrutin ou sur l’aide financière aux partis, semble suffisamment protectrice.

Par ailleurs, je vous rappelle que l’article 3 de la Constitution vise non pas la représentation, mais les partis politiques qui concourent à l’exercice du suffrage.

Monsieur Mercier, la commission des lois aurait pu être favorable à l’amendement n° 261 rectifié, qui se serait donc substitué au sien, si ses auteurs l’avaient rectifié de nouveau pour en retirer les mots : « de la représentation ».

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette rédaction aurait d'ailleurs mieux répondu aux attentes de M. Frimat, car la Constitution aurait fait référence à la garantie du pluralisme, au lieu du simple respect de celui-ci.

En l’absence d’une telle rectification –  j’ai cru comprendre qu’il s’agissait pour vous d’un point important, monsieur Mercier –, la commission émet un avis défavorable.

Toutefois, comme vous l’avez vous-même souligné, nous ne sommes qu’au début de l’examen de ce projet de loi constitutionnelle. Je crois que nous pourrons, à terme, trouver un accord sur les dispositions relatives au pluralisme – à condition néanmoins que celles-ci ne visent pas les modes de scrutin, car ce ne serait pas acceptable pour la commission.

Mme Jacqueline Gourault. Mais nous ne visons pas les modes de scrutin !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Gourault, je voyais à l’instant sourire M. Mercier, qui pensait tout à fait comme moi sur ce point !

M. Jean-Pierre Sueur. M. Mercier est naturellement souriant !

Mme Jacqueline Gourault. Vous vous comprenez peut-être entre vous, mais moi je ne comprends pas ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, madame Gourault, c’est pire : vous faites semblant de ne pas comprendre !

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle condescendance !

M. Jean Desessard. Et le 21 juillet, que ferez-vous, madame Gourault ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Enfin, l’amendement n° 422 tend à revenir au texte initial du Gouvernement.

Toutefois, je le rappelle, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale reconnaît de façon plus large le droit des partis et des groupements politiques à participer à la vie démocratique de la nation. La distinction entre la majorité et l’opposition n’est maintenue qu’à l’article 24 de la Constitution, ce qui pose d'ailleurs bien des difficultés, là où elle permet de définir des droits spécifiques pour les groupes parlementaires de la minorité. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question.

Par ailleurs, monsieur Frimat, vous avez évoqué les droits des partis et groupements politiques qui, dans chacune des assemblées parlementaires, ne participent pas de la majorité. Vous auriez pu retirer le mot « partis », car jusqu’à présent ne siègent dans les assemblées que les groupes, qui constituent l’expression parlementaire de la représentation politique.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 422.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 1er du projet de loi constitutionnelle qui vous est soumis oblige le législateur à garantir la participation de l’ensemble des partis à la vie démocratique de la nation, dès lors que ceux-ci sont respectueux de la souveraineté nationale et de la démocratie.

Le Gouvernement souhaite que tous les partis, y compris ceux qui sont minoritaires, puissent bénéficier des moyens nécessaires pour faire entendre leurs idées. C’est cela aussi, la « démocratie irréprochable ».

M. Michel Charasse. Il n’y a donc plus aucun seuil ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’Assemblée nationale a modifié la lettre du texte proposé par le Gouvernement sans en changer l’esprit. Chaque parti doit pouvoir jouer son rôle dans notre vie démocratique. À cette fin, le législateur doit avoir la possibilité d’adopter les règles nécessaires pour favoriser cette participation.

Monsieur le rapporteur, vous souhaitez préciser que c’est « dans le respect du pluralisme » que la loi « garantit la participation des partis à la vie démocratique de la nation ».

Monsieur Mercier, vous entendez ajouter une obligation de garantir le pluralisme de la représentation.

L’objectif visé au travers de l’article 1er du projet de loi constitutionnelle est bien de favoriser le pluralisme, notamment en garantissant aux partis les moyens de fonctionnement nécessaires. Si nous ajoutions dans la Constitution que cette garantie s’exerce « dans le respect du pluralisme », nous marquerions l’attachement de notre pays à l’expression de sensibilités politiques différentes.

C'est pourquoi, si je suis favorable à l’amendement n° 96, qui souligne l’importance du pluralisme dans le débat démocratique, je suis plus réservée s'agissant de l’amendement n° 261 rectifié.

Je crois en effet que la loi doit garantir la participation de tous les partis « à la vie démocratique de la nation », et non « à la représentation nationale ». Il y a là une nuance.

Pour gouverner un pays comme la France, il est impératif de disposer d’une majorité parlementaire stable. L’expérience des pays voisins a montré que, dans le cas contraire, les gouvernements ne parvenaient pas au terme de leur mandat.

De surcroît, une telle majorité constitue un gage d’efficacité lorsque des réformes sont nécessaires. L’émiettement de la représentation nationale entre autant de groupes qu’il existerait de partis ou de sensibilités dans l’opinion pourrait conduire à la paralysie.

M. Jean Desessard. Et l’Allemagne, elle est paralysée ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. À cet égard, monsieur Mercier, votre amendement me paraît source d’ambiguïté.

M. Bernard Frimat. On n’en sort qu’à ses dépens ! (Sourires.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Frimat, vous souhaitez pour votre part revenir à une rédaction plus proche de celle qui a été proposée au départ par le Gouvernement, et qui ferait apparaître les notions de majorité et d’opposition.

Toutefois, vous définissez ces dernières par rapport à la majorité de chacune des assemblées parlementaires. Cette référence convient tout à fait pour les droits des groupes parlementaires ; en revanche, elle est moins adaptée pour les partis, car il peut arriver que la majorité ne soit pas la même dans les deux assemblées. Telle est la difficulté. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 422.

Monsieur Charasse, vous voulez réaffirmer l’interdiction de tout mandat impératif en faisant figurer celle-ci à l’article 4 de la Constitution, à l’encontre des partis et des groupements politiques. Je comprends votre préoccupation, mais je ne vous suis pas totalement, car le principe de la nullité de tout mandat impératif se trouve déjà affirmé à l’article 27 de la Constitution, pour les parlementaires. Il protège l’indépendance des députés et des sénateurs.

M. Michel Charasse. Et les mandats locaux ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Précisément, dans sa décision du 6 mars 1998, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de juger, à propos du mandat de président du conseil régional, que l’article 27 de la Constitution s’inspirait d’un principe à valeur constitutionnelle plus général d’interdiction de tout mandat impératif. Cette règle s’applique donc à tous les mandats politiques.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 96 de la commission, mais un avis défavorable sur les amendements nos 261 rectifié, 422 et 5 rectifié bis.

M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 5 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Compte tenu des explications fournies par Mme le garde des sceaux, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié bis est retiré.

Monsieur Mercier, acceptez-vous de rectifier votre amendement comme M. le rapporteur vous l’a suggéré ?

M. Michel Mercier. J’ai scrupule à reprendre la parole à cette heure avancée, mais nous devons nous expliquer clairement.

Pour ma part, je le répète, je n’ai aucun amour-propre d’auteur. Je tente, depuis trois semaines, de faire progresser une idée toute simple. Celle-ci n’est autre – je le précise au cas où certains auraient mal compris – que celle qu’exprimait à Épinal le Président de la République (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), à savoir « améliorer la représentativité du Parlement sans remettre en cause le fait majoritaire ». D'ailleurs, tout le monde, ou presque, vise un tel objectif.

Si mon amendement est mal rédigé, j’en prends toute la responsabilité. Il est vrai que mon groupe est petit : je suis tout seul ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas gentil pour les autres !

M. Michel Mercier. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, vous devriez plutôt défendre les malheureux et les pauvres comme moi ! (Nouveaux sourires.)

C’est pour cette raison que je tente de dialoguer avec le Gouvernement depuis trois semaines, afin d’améliorer ce texte. J’aurais été heureux que ces échanges portent des fruits.

Je suis prêt à rédiger autrement mon amendement, en écrivant que « la loi garantit la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la nation. Elle prend en compte la représentation pluraliste des opinions. »

Si cette rédaction semble juridiquement préférable, je l’accepte bien volontiers. En effet, pour être tout à fait clair, il s’agit pour moi non pas d’imposer la proportionnelle, mais de la rendre possible, et de le dire : ni plus, ni moins !

M. Michel Mercier. Ensuite, il reviendra au législateur de l’adopter, ou non.

M. Patrice Gélard. Il peut déjà le faire !

M. Michel Mercier. Je suis disposé à modifier mon texte dans le sens souhaité par le Gouvernement et par M. le rapporteur, ou à déposer un sous-amendement à l’amendement de la commission.

En effet, je sais bien que si l’amendement n° 96 est adopté, le mien « tombera » – mais il entraînera alors dans sa chute un certain nombre de voix… (Sourires.)

Il nous faut être toujours honnêtes entre nous et nous dire les choses franchement.

C’est la raison pour laquelle j’essaye, pour ma part, d’être honnête, en disant que, pour nous, il s’agit là d’un sujet important sur lequel nous ne pouvons pas renoncer, car cela serait du même coup renoncer à une partie très importante de la réforme telle qu’elle a été présentée par le Président de la République, avant d’être reprise par le comité Balladur.

Nous aurions tout intérêt, s’agissant d’une révision de la loi fondamentale, à nous efforcer d’élargir les soutiens, plutôt que de les réduire.

Personnellement, je suis donc clairement pour l’élargissement d’un tel soutien. Je cherche les moyens d’y parvenir, et je les chercherai jusqu’au bout, car je sais que c’est dans le dialogue, dans le débat, que réside la solution. Si on la trouve ce soir, tant mieux. Sinon, nous continuerons à y travailler.

Il faut cependant que ce soit clair entre nous : nous n’abandonnerons pas cette double idée du pluralisme, à la fois pour la représentation nationale, en n’imposant rien et en permettant tout, et pour les groupes politiques. Il s’agit là, à nos yeux, de deux principes fondamentaux, cardinaux. Même si cela fait sourire certains, cela veut bien dire ce que cela veut dire, et nous y tenons !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je serai bref, étant donné que nous avons déjà évoqué la proportionnelle ici même, et que les sénatrices et sénateurs Verts s’apprêtent à voter l’amendement présenté par M. Mercier.

Ce dernier nous a dit qu’il nous fallait être honnêtes entre nous ; je vais donc suivre son conseil, à ceci prés qu’il faut, selon moi, être non seulement honnête, mais aussi tenace. Or, monsieur Mercier, vous avez entre les mains les moyens d’imposer votre amendement. En effet, c’est vous qui ferez la décision le 21 juillet ! N’ayez donc pas peur ! Imposez-le ! Nous savons déjà que le résultat sera « ric-rac », et que c’est votre groupe qui fera la différence pour la majorité qualifiée requise le 21 juillet.

Votre responsabilité est donc énorme, et vous nous proposez ici un amendement qui soulève un problème très intéressant, je veux parler du pluralisme et de la représentation des différents partis politiques, nécessaires tant pour votre propre existence, que pour la nôtre et celle d’autres petits partis.

Par conséquent, monsieur Mercier, vous qui avez les moyens d’obtenir satisfaction, soyez, en effet, honnête, et, surtout, tenez bon ! (Sourires.- Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)