M. le président. Je mets aux voix l'amendement no 437.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement no 39 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution :

« Les députés à l'Assemblée nationale sont élus au suffrage direct. Leur nombre doit être inférieur à six cents et supérieur à cinq cents.

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises durant nos débats : il faut ne toucher à la Constitution qu’avec prudence et se limiter à ce qui est vraiment nécessaire pour atteindre les objectifs visés, à savoir la modernisation et le renforcement des pouvoirs et du rôle du Parlement.

Or, que je sache, jamais depuis les débuts de la Ve République le nombre de députés ou de sénateurs n’a été inscrit dans la Constitution. Pour autant, je n’ai pas le sentiment que cela ait pu provoquer une crise institutionnelle, je n’ai pas l’impression qu’aujourd’hui nous nous heurtions à des difficultés telles qu’il faille corriger, modifier, compléter la Constitution pour sortir de l’impasse. Tout fonctionne très bien ; alors, pourquoi inscrire dans la Constitution des dispositions qui n’ont aucune raison d’y figurer ?

En outre, l’Assemblée nationale a retenu un chiffre dont j’aimerais que l’on m’explique l’origine.

M. Michel Charasse. C’est le chiffre actuel !

M. Christian Cointat. A-t-elle choisi 577 uniquement parce que c’est le chiffre existant ? Mais celui-ci est-il le bon ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Oui !

M. Christian Cointat. Que l’on m’explique pourquoi il fallait 577 députés, et non pas 550, 540, 590… ! Uniquement parce que « c’est ainsi » ? C’est donc une mesure purement démagogique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! C’est même antidémagogique !

M. Christian Cointat. C’est démagogique : il s’agit simplement d’afficher que l’on ne veut pas augmenter le nombre de députés. Bien sûr qu’il ne faut pas l’augmenter ; on pourrait même probablement le réduire ! Mais il faut s’appuyer sur des bases particulièrement sérieuses, réfléchies et probantes. Tel n’est pas le cas !

L’un des arguments invoqués à l’Assemblée nationale faisait valoir que la Constitution d’un certain nombre d’autres pays comportait un nombre limite de députés ou de sénateurs. Il se trouve que ce sont rarement des chiffres baroques qui y sont mentionnés et qu’on leur préfère généralement des fourchettes de chiffres ronds : « tant au plus, tant au moins ».

Puisque l’Assemblée nationale semble attachée à ce qu’un chiffre figure dans la Constitution, je n’ai pas osé proposer de revenir au texte initial du projet de loi. Voilà pourquoi mon amendement tend à fixer un plafond. Je dois cependant reconnaître que la suppression de ce dernier me conviendrait encore mieux.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.

L'amendement no 11 rectifié bis est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin, A. Boyer et Alfonsi.

L'amendement no 271 rectifié est présenté par MM. Détraigne, Amoudry, Vanlerenberghe, Biwer et Fauchon, Mmes Férat, Gourault et Payet, MM. Soulage, Deneux et Merceron, Mme Morin-Desailly et MM. Nogrix, J.L. Dupont, C. Gaudin et Pozzo di Borgo.

L'amendement no 332 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

L'amendement no 409 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement no 436 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution, supprimer les mots :

, dont le nombre ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept,

La parole est à M. Michel Charasse, pour défendre l’amendement no 11 rectifié bis.

M. Michel Charasse. L’inscription dans la Constitution du nombre de députés – et bientôt, si j’ai bien compris, du nombre de sénateurs, puisque la commission des lois a déposé un amendement allant dans ce sens –, est une innovation, et c’est une grande imprudence : la moindre adaptation, même minime, nous contraindra à nous rendre à Versailles.

Tout récemment, nous avons érigé en collectivités particulières Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Si la limitation du nombre de députés et de sénateurs qui nous est proposée aujourd’hui avait été en vigueur alors, nous aurions dû soit aller à Versailles, soit faire hara-kiri à deux collègues, représentant éventuellement des circonscriptions de 40 000 ou 50 000 habitants ou plus, pour faire place à deux députés représentant entre 5 000 et 10 000 électeurs. Tout cela est d’une imprudence et d’une inconscience incroyables !

Mes chers collègues, la Constitution n’est pas là pour empêcher la libre respiration de la République.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Michel Charasse. Il est tout de même des domaines dans lesquels il faut conserver un minimum de souplesse.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de transparence !

M. Michel Charasse. Je rejoins donc M. Cointat, mais j’irai moins loin que lui : laissons à la loi organique le soin de fixer le nombre de sièges, comme elle le fait aujourd’hui, et depuis 1958. C’est plus raisonnable ! Le général de Gaulle, qui n’avait pourtant pas la fibre parlementaire, avait bien compris que les choses étaient mieux ainsi. Et il n’était pas parlementaire ! (M. Christian Cointat applaudit.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il n’y en avait pas 577, à l’époque !

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour présenter l'amendement n° 271 rectifié.

Mme Anne-Marie Payet. Nous avons souvent entendu dans cet hémicycle l’argument selon lequel la mesure que tendait à introduire tel ou tel amendement n’était pas d’ordre constitutionnel.

À cet égard, comme mon collègue Michel Charasse, je considère que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale qui fixe le nombre de députés n’est pas d’ordre constitutionnel. C’est pourquoi cet amendement vise à la supprimer.

Nous le savons, au cours de l’histoire, ce nombre a évolué : on comptait 782 députés sous la Ière République, 750 sous la IIe, 600 sous la IIIe et 627 sous la IVe.

Le fait de figer dans la Constitution le nombre de parlementaires risque de bloquer certaines réformes, en particulier celles qui sont liées au mode de scrutin ou au découpage électoral.

M. Michel Charasse. Exactement !

Mme Anne-Marie Payet. Il faut pouvoir conserver une certaine marge de manœuvre pour s’adapter aux évolutions de la démographie.

Comment arriver au bout de la réforme des circonscriptions législatives actuellement en cours quand, dans le même temps, sont créés des sièges pour les députés représentant les Français établis hors de France, après ceux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin ?

Inscrire le nombre d’élus siégeant à l'Assemblée nationale dans la Constitution nous semble donc peu pertinent, inutile et totalement inadapté aux nécessités de modifier le découpage des circonscriptions électorales.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 332.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mes propos s’inscrivent dans le même sens.

Je tiens tout d’abord à faire remarquer que le nombre de députés, pas plus que celui de sénateurs, d’ailleurs, n’a pas vocation à être constitutionnalisé.

L'Assemblée nationale a jugé bon de déterminer le nombre de ses membres et de fixer, en quelque sorte, un numerus clausus en raison, selon elle, de l’inflation que provoquerait l’arrivée de douze nouveaux députés représentant les Français établis hors de France. On a l’impression que l’on enlève d’une main ce que l’on donne de l’autre.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette limitation du nombre de députés aura donc pour effet de supprimer plusieurs circonscriptions. Ainsi, en France, un député représentera 110 000 habitants, alors que, dans d’autres pays d’Europe, il représente entre 92 000 et 30 000 habitants. Nous sommes donc loin de nos voisins européens. Pourtant, l'Assemblée nationale a souhaité fixer ce numerus clausus, de peur peut-être d’avoir à construire des annexes ou des extensions au Palais-Bourbon.

Permettez-moi de rappeler les chiffres qui viennent d’être portés à notre connaissance : si la Ière République comptait 782 députés, le nombre de ceux-ci est passé à 627 sous la IVe République. On ne peut donc pas parler d’inflation ! Si inflation il y a, elle est plus d’ordre législatif... (Sourires.)

Cet amendement vise donc à supprimer toute référence au nombre de députés. Le caractère instable du nombre d’élus justifie d’ailleurs pleinement cette position. Comme pour le mode de scrutin, cette question doit être traitée par une loi organique.

M. Michel Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 409.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je rejoins tout à fait la position de mes collègues sur ce sujet.

Comment comprendre la décision de fixer à 577 le nombre de députés ? C’est une nouveauté ! Est-il vraiment nécessaire d’inscrire ce chiffre dans la Constitution ?

S’agit-il de lutter contre une forme d’inflation ? Un tel argument ne saurait s’imposer au regard de l’histoire.

S’agit-il de caler notre Constitution sur le modèle des Constitutions des autres pays d’Europe ? Il est fort possible que ce soit l’une des motivations.

Pourtant, notre collègue l’a rappelé et le rapport Warsmann l’a souligné, un député italien représente 92 000 citoyens, alors qu’un élu français en représente 100 000 !

En somme, la limitation du nombre de députés ne répond à aucun impératif politique ou juridique, sinon la nécessité de revoir un redécoupage des circonscriptions, lequel se déroule actuellement dans la plus totale opacité. Si c’est le cas, il faut un véritable débat, pour qu’une telle disposition ne permette pas à la majorité de s’assurer, une fois encore, une carte électorale qui ne serait qu’à son avantage !

(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 436.

M. Bernard Frimat. Il n’est pas si fréquent que l’ensemble des groupes politiques, qui, sur ces questions constitutionnelles, ont des divergences d’opinion marquées, se rejoignent – certes, l'amendement de Christian Cointat se distingue quelque peu –, mais, en l’occurrence, tous refusent d’inscrire dans la Constitution le nombre de députés.

Pour que cet effectif soit modifié – il ne peut l’être par miracle –, il faut une loi, qui plus est une loi organique. Par conséquent, aucun danger immédiat ne nous menace.

Selon le compte rendu des travaux de l'Assemblée nationale, le président de la commission des lois, en même temps qu’il défendait cette position, a bien précisé qu’il n’était pas question de créer des sièges de député pour les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, ce sur quoi les députés se sont accordés, dans une unanimité d’ailleurs touchante.

Dès lors que la Constitution fixe le nombre maximal de députés, la question des députés représentant les Français établis hors de France est posée, mais de manière détestable, puisque la création de sièges les concernant n’est possible qu’à partir du moment où est réduite la représentation des Français qui habitent le territoire de la République française.

Cette situation n’est pas sans poser problème. Une loi organique peut fixer le nombre des députés. Pour un certain nombre de députés qui l’ont exprimé non pas en séance publique, mais en aparté, la perspective que soient élus des députés représentant les Français établis hors de France leur est insupportable,...

M. Michel Charasse. Un calvaire !

M. Bernard Frimat. ...dès lors que cela entraîne un amoindrissement de la représentation de la population qui se trouve sur notre territoire. Il nous faut être sensibles à cet argument.

Si nous débattons, ce n’est pas seulement pour le plaisir de nous écouter ou pour l’établissement du procès-verbal qui permettrait de rappeler que nous avons défendu telle ou telle position ; c’est aussi, de temps en temps, pour débloquer des situations,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour que les choses avancent !

M. Bernard Frimat. ...pour que le débat parlementaire serve à quelque chose, notamment à vous convaincre. Je sais bien qu’un illustre membre de notre assemblée disait souvent : une bonne argumentation peut me faire changer d’opinion, mais jamais de vote. Il nous faut malgré tout essayer !

Seul le groupe UMP est aujourd'hui favorable à la disposition introduite par l'Assemblée nationale. Il faut se demander ce qu’apporte le fait d’inscrire dans la Constitution ce chiffre de 577.

M. Bernard Frimat. Supprimez-le ! Cela ne modifiera pas le nombre de députés – si besoin est, une loi organique pourra être adoptée à cet effet –, et cela évitera que la Constitution ne contienne des dispositions trop rigides.

C'est la raison pour laquelle, dans une démarche commune, tous les groupes politiques, à l’exception de l’UMP, ont déposé un amendement identique de suppression. Mes chers collègues, vous ne vous renieriez pas en acceptant de retirer cette précision. Je le répète, cela ne changerait pas le nombre de députés et, parallèlement, nous aurions la même attitude sur le nombre de sénateurs.

M. le président. L'amendement n° 387 rectifié, présenté par MM. Baylet, A. Boyer, Collin, Delfau, Fortassin et Vendasi, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par les mots :

selon un mode de scrutin mixte qui combine scrutin majoritaire et scrutin proportionnel.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 435, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Un dixième d'entre eux sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi.

La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Avec cet article 9, nous abordons une question qui fait débat dans notre pays depuis un grand nombre d’années et qui, d’une certaine manière, transcende le traditionnel clivage entre la droite et la gauche ou la majorité et l’opposition : il s’agit de savoir si un certain nombre de députés peuvent être élus au scrutin de liste à la proportionnelle.

Cet amendement vise donc à modifier la Constitution en y inscrivant qu’un dixième des députés est élu « au scrutin de liste à la représentation proportionnelle dans les conditions prévues par une loi ».

L’argument est connu : la représentation nationale sera plus conforme à la diversité et à la réalité de l’opinion si nous introduisons une dose de représentation proportionnelle ; à l’inverse, le scrutin majoritaire à deux tours restreint l’expression collective et globale de nos concitoyens.

D’ailleurs, le comité Vedel avait déjà suggéré qu’en plus de ceux qui étaient élus au scrutin majoritaire à deux tours un dixième des députés le soient à la proportionnelle ; c’est cette proposition que reprend le présent amendement. L’instauration d’une dose de proportionnelle constitue un compromis souhaitable entre deux formes de représentativité de l'Assemblée nationale.

Certes, il faut un lien direct entre les représentants de la nation et les représentés, c'est-à-dire les citoyens. Le scrutin de circonscription le permet et, avec cet amendement, il le permettra dans 90 % des cas. Il n’en reste pas moins que la diversité politique de notre pays doit être représentée : le scrutin proportionnel peut y contribuer dans des limites qui nous paraissent tout à fait raisonnables.

C’est pourquoi nous présentons cet amendement visant à modifier la Constitution. Ainsi, nous en aurons fini avec un débat qui a duré très longtemps, alors que chacun reconnaît la pertinence du scrutin à la proportionnelle pour les élections législatives.

M. le président. L'amendement n° 325, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Un dixième d'entre eux au moins sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle intégrale, dans les conditions prévues par une loi organique. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous abordons un sujet qui nous semble l’un des plus importants de ce projet de loi constitutionnelle : la proportionnelle, qui renvoie à la représentation pluraliste des opinions.

Les modes de scrutin en vigueur empêchent ce pluralisme, dans la mesure où ils favorisent l’émergence des plus grands partis au détriment des plus petits. Le mécanisme du scrutin majoritaire a pour effet pervers de ne pas garantir l’égalité du suffrage.

La justice électorale devrait nous guider vers une meilleure représentation des opinions. Seul le scrutin proportionnel le peut réellement.

Cet amendement a donc pour objet d’injecter une dose de proportionnelle pour l’élection des députés.

Il est temps de donner à certaines forces politiques une meilleure représentation à l’Assemblée nationale et de mettre un terme à un système qui, jusqu’à présent, conforte de manière inique le bipartisme et empêche la diversité de faire son entrée au Palais-Bourbon.

En adoptant cet amendement, nous nous alignerions sur de nombreux pays européens qui ont adopté une telle démarche.

Nous connaissons les arguments avancés contre la proportionnelle, notamment que celle-ci favoriserait la montée des extrémismes. Un tel argument me semble absurde : il suffit d’observer dans quelle mesure la proportionnelle est utile dans le cadre des élections locales, où elle existe déjà. Je ne pense pas que nos communes soient des bastions totalitaires ou extrémistes ! D’ailleurs, vous le savez bien, pour être vous-mêmes des élus locaux.

Je conclurai mon propos en revenant sur l’argument le plus « bateau » : le mode de scrutin ne relèverait pas de la Constitution. Dans ces conditions, pourquoi prévoir que le Sénat représente « les collectivités territoriales de la République en tenant compte de leur population » ? N’est-ce pas là signifier de manière détournée la nécessité d’une justice électorale ?

Lorsque la Constitution précise que le suffrage est universel, égal, secret, direct ou indirect, n’est-pas, là aussi, une référence au mode de scrutin ?

J’attends une réponse convaincante !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les amendements dont nous discutons abordent deux thèmes.

Le premier d’entre eux vise la limitation du nombre de parlementaires. Je vous ferai tout d’abord remarquer, mes chers collègues, qu’il est d’usage…

M. Michel Charasse. Que l’on ne s’occupe pas de l'Assemblée nationale, et inversement !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … que l’on ne s’occupe pas, effectivement, de l’Assemblée nationale. C’est la raison pour laquelle la commission des lois n’a proposé aucune modification à ce sujet.

Nos collègues députés ont d’ailleurs eu la courtoisie de ne pas fixer le nombre de sénateurs. Je vous proposerai, tout à l’heure, de l’indiquer…,

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …parce que si nous acceptons d’inscrire dans la Constitution le nombre de députés, nous aurions mauvaise grâce de ne pas faire de même pour ce qui concerne le nombre de sénateurs.

C’est une tradition qu’il faut conserver !

Je souscris, en tout état de cause, à la proposition de mon collègue de l’Assemblée nationale.

D’aucuns ont soutenu qu’il n’était pas normal d’inscrire dans la Constitution un nombre maximal de parlementaires. Mais de nombreuses constitutions le prévoient, au premier rang desquelles figure celle des Etats-Unis.

Tout le monde connaît l’importance de la population américaine au regard de la population française : les États-Unis ont, au total, 425 parlementaires ; à l’issue du renouvellement du Sénat, le nombre de parlementaires français sera de 925. Un seul pays d’Europe a un nombre de parlementaires supérieur, et cela vous surprendra sans doute : il s’agit de l’Italie. Mais les Italiens ont pris des dispositions pour diminuer ce nombre d’ici aux deux ou trois prochains scrutins. Un parlement est-il plus efficace si ses membres sont plus nombreux ?

Je soutiens l’inscription dans la Constitution d’un nombre maximal de parlementaires, parce qu’une telle mesure évitera, à chaque augmentation de la population, de se laisser aller à accroître le nombre de parlementaires.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le nombre de députés a été augmenté et porté à 577 pour le scrutin de 1986, sans être diminué par la suite ; il s’agissait d’une question de confort.

Je souhaite vraiment que ce nombre soit fixé une bonne fois pour toutes. En effet, si, ultérieurement, on veut créer des sièges de députés, il faudra en expliquer les raisons à l’opinion publique.

Certains soutiennent qu’il faut encourager la vertu. Une telle disposition constituerait un fort encouragement à la vertu.

Par conséquent, je suis défavorable à tous les amendements tendant à supprimer la disposition qui fixe un nombre maximal de députés.

Bien entendu, je vous proposerai une mesure identique pour les sénateurs.

Un second thème est abordé par les amendements nos 435 et 325, défendus respectivement par Yannick Bodin et Alima Boumediene-Thiery : il s’agit de l’élection à la représentation proportionnelle d’une partie des députés

Mes chers collègues, dois-je vous rappeler qu’une révision de la Constitution n’inclut pas les modes de scrutin, qu’il s’agisse de l’Assemblée nationale ou du Sénat ?

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut très bien les modifier, comme ce fut le cas dans le passé, sans modifier la Constitution.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Eh oui !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’ailleurs, vous aviez déposé une proposition de loi relative à la modification du scrutin sénatorial. Je note que vous n’en avez présenté aucune s’agissant du mode de scrutin des députés

M. Michel Charasse. On ne s’en occupe pas !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pour toutes ces raisons, vous l’aurez compris, la commission des lois est défavorable à ces amendements.

Monsieur Cointat, la fourchette que vous proposez est, certes, intéressante, mais lorsque l’on fixe une fourchette, on en atteint vite le plafond, car tous les appétits se réveillent !

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 39 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Je vais être très bref, monsieur le président, puisque je partage les opinions émises par M. le rapporteur.

Pour ce qui concerne l’amendement de M. Cointat, je suis totalement d’accord avec la commission : si l’on décidait de fixer une fourchette entre 500 et 600, le plafond serait très vite atteint ! Il est donc préférable de retenir la rédaction du président  Warsmann à l’Assemblée nationale.

Je ne reviens pas sur le fait que la tradition ou la courtoisie républicaine veut qu’une assemblée ne décide pas pour une autre. Mais si l’Assemblée nationale a souhaité fixer le nombre de ses membres à 577, restons-en là !

D’aucuns soutiennent que seul notre pays procède ainsi, mais c’est inexact : de mémoire, la constitution espagnole fixe le chiffre de 400 et la constitution polonaise le chiffre de 460 ; tout à l’heure, M. le rapporteur a cité la constitution américaine.

M. Michel Charasse. Et les constitutions africaines ? (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Un certain nombre d’éléments permettent d’en rester là.

Monsieur Charasse, je vous indique, vous qui êtes féru de tradition républicaine, que les constitutions de 1791 et de 1848 citaient le chiffre des députés.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis totalement défavorable sur l’ensemble des amendements tendant à supprimer la limitation du nombre de députés à 577.

Pour ce qui concerne les deux amendements relatifs à la représentation proportionnelle, je ne reviens pas sur les propos que j’ai tenus tout à l’heure : les modes de scrutin ne figurent pas dans la Constitution.

Comme l’a dit le président Jean-Jacques Hyest, lorsque les différents gouvernements ont voulu modifier le mode de scrutin et lorsque la proportionnelle a été instaurée pour les élections législatives – et pas seulement pour un dixième des députés ! – une modification de la Constitution n’a pas été nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais demandé à m’exprimer contre les six premiers amendements relatifs au nombre de députés, sujet non dénué d’intérêt. Mais l’opportunité de mon intervention a presque disparu, puisque le président de la commission des lois a parfaitement développé, et je n’en suis pas surpris, les points que je voulais aborder.

Il existe entre les deux chambres du Parlement français une tradition que, nous, au Sénat, nous avons toujours respectée : elle consiste à ne pas s’occuper des questions relatives au fonctionnement de l’autre assemblée, donc, en l’occurrence, du nombre de députés.

Je voulais aussi rappeler que, pour que ce projet de loi constitutionnelle puisse aller à son terme, c’est-à-dire être soumis au Congrès,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

M. Henri de Raincourt. … l’Assemblée nationale et le Sénat devront se mettre d’accord sur un texte commun.

M. Michel Charasse. Bien sûr !

M. Henri de Raincourt. Dans la mesure où nos collègues députés, en première lecture, ont eu l’obligeance de ne pas traiter des sujets relatifs au Sénat, en cet instant, point n’est besoin de nous interroger : nous devons en rester à ce qui a été proposé par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Warsmann, et adopté par l'Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles Pasqua.

M. Charles Pasqua. Monsieur de Raincourt, si l’on suit jusqu’au bout votre raisonnement, la façon la plus simple de s’assurer que ce projet de loi constitutionnelle sera bien soumis au Congrès, c’est de demander au Sénat de voter conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale !