M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’article 25 de la Constitution prévoit que le nombre des membres de chaque assemblée est fixé par la loi organique. Pour l’heure, seul le maximum est fixé par la Constitution. Il n’y a pas de contradiction : on peut très bien décider que le nombre des députés ou des sénateurs sera inférieur au plafond.

M. Michel Charasse. Je vous rends les armes sur ce point !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je profite de cette occasion pour souligner que le mode de renouvellement du Sénat est inscrit dans la Constitution : il est dit que son président est élu à chaque renouvellement partiel.

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage les arguments de la commission et il demande également le retrait de l’amendement.

M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 306 est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Je pensais naïvement qu’en cas de nécessité on aurait pu dire, par exemple, dans une loi organique de précision, que le nombre de 577 députés et de 331 sénateurs était celui qui correspondait à la situation de 2008 et qu’il convenait, pour tenir compte d’une évolution, de rajouter peut-être une ou deux circonscriptions supplémentaires. Mais puisqu’on n’en veut pas, je n’insiste pas.

Décidément, mes chers collègues, lions-nous les mains jusqu’au bout : j’adore aller à Versailles,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut s’aérer de temps en temps !

M. Michel Charasse. … c’est sympathique, il y a de bons restaurants, on y mange bien, c’est vraiment très agréable et tout cela nous promet quelques voyages ! (Sourires.)

Je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 306 est retiré.

J’indique au Sénat que l’amendement n° 433 rectifié a été retiré à la demande de son auteur.

Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

M. Michel Charasse. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Comme je tiens toujours mes promesses, je voudrais demander à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’il a eu le temps de réfléchir en ce qui concerne notre sort pour la journée de demain. Il nous avait indiqué qu’il serait en mesure de nous dire en fin d’après-midi ce qu’il en est pour les séances de demain, parce que les problèmes de chemin de fer et d’avion que j’ai posés ce matin continuent à se poser cet après-midi. La charité, monsieur le secrétaire d’État ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’aurais préféré que l’on puisse siéger demain afin d’avancer dans la discussion. Cela étant, je comprends qu’entre la fête de la musique et les obligations liées aux fonctions et aux mandats des uns et des autres,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … cela soit difficile. Poursuivons donc nos débats un peu plus tard que prévu cette nuit, avant de revenir siéger lundi, l’après-midi et le soir.

M. Michel Charasse. Je vous remercie, c’est donc clair !

M. le président. Nous vous avons entendu, monsieur le secrétaire d’État. Je rappellerai simplement que certains d’entre nous avaient d’ores et déjà pris leurs dispositions pour présider demain et annulé des engagements. (Sourires.) Cette situation les contrarie profondément !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. J’en suis confus et je vous présente mes excuses, monsieur le président !

M. le président. Nous aurions aimés être informés un peu plus tôt de cette décision.

Article 9
Dossier législatif : projet de loi  constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République
Article 10 (début)

Articles additionnels après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 327, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Nul ne peut être élu plus de trois fois à un mandat parlementaire. Cette disposition est applicable aux parlementaires élus à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle en ce qui concerne le Sénat. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vais continuer à m’attirer des inimitiés, mais ce n’est pas grave !

Cet amendement vise à instaurer une limitation dans le temps du nombre de mandats parlementaires.

Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de la meilleure manière, avec le mandat unique, de permettre une meilleure représentation de la société dans nos institutions.

En effet, le cumul des mandats dans le temps est aussi un frein au renouvellement parlementaire. Il suscite, comme le cumul dans l’espace, l’antiparlementarisme.

Mes chers collègues, trois mandats de sénateur représentent dix-huit ans de présence sur ces travées. Ne pensez-vous pas que c’est suffisant et qu’il faut faire de la place à de plus jeunes ?

D’ailleurs, nos concitoyens pensent que le fait de s’accrocher au pouvoir et à son mandat n’est pas très sain. Ils considèrent parfois que l’on s’accroche aussi à certains privilèges, ce qui discrédite la vie politique.

Il est temps de permettre un renouvellement du personnel politique, sinon nos assemblées ne seront jamais réellement représentatives.

M. Josselin de Rohan. Ne vous en faites pas, les électeurs s’en chargent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous m’enlevez les mots de la bouche, monsieur de Rohan. Cette disposition n’est pas nécessaire, les électeurs sanctionnant souvent les élus qui se présentent une fois de trop. On l’a vu dans le passé, et c’est d’ailleurs quelquefois dommage, s’agissant de personnes ayant effectué jusque-là une très belle carrière.

Par ailleurs, il semble sage de préserver la liberté de candidature aux élections législatives et sénatoriales.

La commission émet donc un avis défavorable, mais cela ne vous étonnera pas, ma chère collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 327.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 328, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Il ne peut être fait obstacle à la création d'une commission d'enquête lorsque celle-ci est demandée par soixante députés ou soixante sénateurs. Chaque député ou chaque sénateur ne peut être signataire d'une demande de commission d'enquête constituée en vertu du présent alinéa que deux fois par session ordinaire et une fois au cours d'une même session extraordinaire. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur les commissions d’enquête dont la constitution est demandée par les parlementaires.

Les avancées que comporte ce projet de loi concernant les droits de l’opposition sont encore aujourd’hui difficiles à percevoir. En réalité, je ne vois nulle part de dispositions concrètes donnant des droits nouveaux à l’opposition. On a beau dire que ce sera renvoyé à une loi, je ne vois rien de positif dans le projet de loi constitutionnelle, comme si l’énumération des droits de l’opposition ne relevait pas de l’échelon constitutionnel.

C’est d’ailleurs l’argument qui a été avancé à l’Assemblée nationale pour refuser l’inscription du droit, pour un groupe de parlementaires, de demander la constitution d’une commission d’enquête.

Cela dit, je note que le président de l’Assemblée nationale s’est déclaré prêt à accorder un tel droit dans l’optique de la révision du règlement de l’Assemblée nationale. Le Sénat entend-il également prendre en compte cette revendication dans le cadre de la révision de son propre règlement ?

À défaut de garanties à cet égard de la part du président de la commission des lois et du président du Sénat, je maintiendrai mon amendement.

Il vise en effet à inscrire dans notre Constitution la possibilité, encadrée bien entendu, pour un groupe de parlementaires de demander la constitution d’une commission d’enquête, sans qu’il puisse lui être opposé un refus.

M. le président. L'amendement n° 439, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - À la demande de soixante députés ou soixante sénateurs, une commission d'enquête est constituée, dans la limite de deux par session. Elle est chargée de recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés, y compris lorsque ces faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Je présenterai en même temps les amendements nos 439 et 440, puisqu’ils ont le même objet, même si celui du premier est à la fois plus large et plus précis.

Il s’agit d’accorder aux groupes parlementaires une sorte de droit de tirage annuel pour la constitution de commissions d’enquête.

Le comité Balladur avait suggéré que chaque groupe parlementaire puisse obtenir la création d’une commission d’enquête par session, y compris lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires. Ce dernier point est important.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est autre chose !

Mme Nicole Bricq. En Allemagne, au Portugal et en Grèce, les députés de l’opposition peuvent exercer pleinement leur mission de contrôle en demandant la création d’une commission d’enquête.

En France, il a fallu attendre ces dernières années pour voir, à l’Assemblée nationale, un membre de l’opposition parlementaire nommé président d’une commission d’enquête : je fais référence à la commission dite « Outreau », présidée par notre collègue André Vallini.

Je citerai en outre la résolution 1601 du 28 janvier 2008, qui préconise que les membres de l’opposition aient le droit de demander la constitution d’une commission d’enquête ou d’une mission parlementaire d’information et, bien sûr, d’en faire partie, celle-ci devant être accordée si le quorum d’un quart des membres de l’assemblée est atteint. Il est prévu par ailleurs que la présidence ou la charge de rapporteur de toute commission d’enquête constituée à la demande des membres ou d’un groupe politique de l’opposition soit attribuée à un membre de l’opposition.

Les deux amendements que je présente s’inscrivent dans le même esprit et vont dans le sens affiché au travers de ce projet de loi. C’est là que l’on voit si l’emballage correspond au produit, si je puis m’exprimer de cette manière triviale : nous allons voir si le renforcement des droits du Parlement, et en particulier celui des droits de l’opposition, est vraiment un objectif essentiel pour les parlementaires !

Les deux amendements présentent deux variantes d’un même dispositif.

L’amendement n° 439 vise à permettre à soixante parlementaires de demander une commission d’enquête, y compris sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, avec un plafond de deux par session.

L’amendement n° 440, peut-être plus facile à voter, prévoit que chaque groupe parlementaire ait droit à la création de deux commissions d’enquête par session.

S’agissant du premier de nos amendements, je rappelle que l’objectif d’une commission d’enquête est non pas d’empiéter sur le pouvoir judiciaire, ce qui serait condamnable au regard de la séparation des pouvoirs, mais de recueillir des éléments d’information.

Quoi qu’il en soit, je le reconnais, il est peut-être plus facile de se rallier aux termes de l’amendement n° 440. Cela étant, si l’on veut renforcer la vitalité de la démocratie parlementaire en accordant des droits à l’opposition, le moment est venu, pour le Sénat, de l’affirmer.

M. le président. L’amendement n° 440, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 24 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

«  Art… - Les demandes de constitution de commissions d’enquête par chaque groupe parlementaire sont de droit, dans la limite de deux par session, dans les conditions fixées par les règlements des assemblées. »

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l’avis de la commission sur les trois amendements ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les argumentations de nos collègues sont intéressantes, mais l’inclusion dans le champ des commissions d’enquête de faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires suscite une difficulté particulière, madame Bricq.

Je l’avoue, la commission des lois n’a pas eu le temps de mener les consultations nécessaires pour envisager toutes les solutions à la question posée, qui entre dans le cadre plus général des droits de l’opposition, que nous définirons ultérieurement. Sa réflexion n’a pu aboutir, mais nous allons la poursuivre au cours de la navette parlementaire, car il me semble nécessaire d’échanger avec nos collègues députés sur ce sujet.

Dans l’immédiat, la commission demande le retrait des amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Sur le fond, le Gouvernement est très favorable à un tel dispositif, madame Bricq, qui viendrait alimenter les droits de l’opposition et des groupes politiques, que nous souhaitons voir renforcer, notamment au travers de la rédaction du nouvel article 51-1 de la Constitution proposée dans le projet de loi.

Il faudra probablement adopter une telle disposition, dont les modalités restent à définir. Faut-il prévoir que la constitution d’une commission d’enquête soit demandée par soixante parlementaires ? Peut-on imaginer que chaque groupe ait la possibilité d’en demander deux par session ? Nous pouvons en débattre sur le fond, mais nous ne souhaitons naturellement pas que les deux assemblées soient noyées sous les demandes.

Toutefois, nous sommes plutôt réticents à accepter l’idée d’autoriser la création de commissions d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires, car cela pourrait être source de confusion et risquerait de poser un sérieux problème au regard de la séparation des pouvoirs – je parle sous le contrôle de Mme le garde des sceaux.

Quoi qu’il en soit, comme l’a indiqué M. le rapporteur, nous souhaitons examiner cette question au cours de la navette parlementaire, pour déterminer si cette disposition doit être inscrite dans la Constitution, dans l’ordonnance de 1958 ou dans les règlements des assemblées. C’est ce que nous verrons, en prévision de la deuxième lecture, avec M. Hyest et M. Warsmann, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.

Pour l’heure, le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 328.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 439.

Mme Nicole Bricq. Je note que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État ont une certaine volonté d’avancer.

Toutefois, pour donner une chance au travail parlementaire d’aboutir au cours de la navette, mieux vaudrait à mon sens que nous adoptions l’amendement n° 440.

Certes, je peux comprendre que l’amendement n° 439 pose problème, dans la mesure où il prévoit que les commissions d’enquête pourraient porter sur des faits qui ont donné lieu à des poursuites judiciaires.

Cela étant, à deux reprises, dès le mois d’octobre 2006 et en 2007, dès que furent connus les premiers retards d’EADS dans la livraison de ses avions et, surtout, les difficultés rencontrées par l’une de ses filiales, plusieurs de nos collègues avaient demandé la constitution d’une commission d’enquête. Celle-ci nous a été refusée dans les deux cas, au motif que des poursuites judiciaires étaient engagées, avec notamment saisine de l’Autorité des marchés financiers.

Toutefois, je tiens à vous faire remarquer, mes chers collègues, que la commission des finances, sous l’égide de M. Arthuis – grâces lui soient rendues ! –, a conduit avec diligence des investigations sur les responsabilités de l’État dans cette affaire. Cependant, le champ du travail de la commission des finances, qui ne s’inscrivait même pas dans une mission d’information, était limité, et, dans ce cadre, les droits de l’opposition et de la majorité, notamment en matière d’information, n’étaient pas identiques.

Il y a donc là un vrai problème. Pourtant, il me semble que tous les parlementaires ayant participé à des commissions d’enquête dans le passé se sont comportés de manière responsable. Nous avons déjà eu, la nuit dernière, un débat sur la vertu et l’esprit de responsabilité supposés des uns et des autres. Les parlementaires sont des gens responsables, ceux de l’opposition ne l’étant pas moins que ceux de la majorité.

Nous accusons, je le redis, un retard par rapport à nos collègues européens ; nous nous honorerions de le combler ici au Sénat.

Mes chers collègues, permettez-moi de vous redonner lecture de l’amendement n° 440 : « Les demandes de constitution de commissions d’enquêtes par chaque groupe parlementaire sont de droit, dans la limite de deux par session, dans les conditions fixées par les règlements des assemblées. »

Il serait souhaitable de voter au moins cet amendement, qui renvoie aux règlements des assemblées, donc à la responsabilité de celles-ci, si l’on veut pouvoir aboutir au cours de la navette.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les commissions d’enquête ne présentent à l’heure actuelle aucun caractère constitutionnel ; elles relèvent de la loi.

M. Gérard Longuet. Absolument !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On pourrait d’ailleurs déjà décider d’inscrire dans le règlement que la majorité et l’opposition ont des droits similaires en la matière et prévoir la possibilité de demander la constitution d’une ou deux commissions d’enquête par session ; ce point reste à déterminer.

Ma chère collègue, sous une forme ou sous une autre, il y a des commissions d’enquête ou des commissions de contrôle au sein de tous les parlements. Pour notre part, nous avons supprimé ces dernières, car nous exerçons maintenant un contrôle permanent.

Je vous rends attentive au fait que le Parlement belge, par exemple, a ouvert des commissions d’enquête sur des affaires qui faisaient l’objet de poursuites judiciaires. Mais il ne l’a fait qu’une fois, car la procédure fut particulièrement compliquée. En effet, il fut difficile de respecter le principe de la séparation des pouvoirs.

J’ai le souci de trouver une solution équilibrée pour permettre à l’opposition et à la majorité d’avoir les mêmes droits, car tel est aussi l’objet de la révision de la Constitution.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cependant, il faut voir si nous devons inscrire cette disposition dans la Constitution ou dans un autre texte et en fixer les modalités. En conséquence, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas voter immédiatement ces amendements.

Vous le savez, la procédure de la commission d’enquête est extrêmement lourde.

Mme Nicole Bricq. Tout à fait ! Mais elle a un caractère solennel !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Deux commissions d’enquête par groupe, cela signifie dix commissions par an au Sénat ! On n’a jamais connu une telle situation !

Mme Nicole Bricq. On n’est pas obligé d’en demander deux par an ! Les parlementaires sont raisonnables !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais ce sera possible avec l’adoption de cet amendement ! Il faut donc être prudent et réexaminer cette question.

Je ne suis pas opposé au principe, mais, en dépit de la plaidoirie de ma collègue de Seine-et-Marne, je suis au regret de demander à mes collègues de ne pas voter en faveur de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour que le Parlement exerce pleinement sa mission de contrôle, il faut vraiment – c’est un point essentiel – que les représentants de l’opposition puissent obtenir la création d’une commission d’enquête parlementaire sans être tributaires, comme aujourd'hui, de l’accord de la majorité. C’est ce qui se pratique dans un grand nombre de parlements en Europe et dans le monde.

À ce jour, il nous a été impossible d’obtenir au Sénat la création d’une commission d’enquête parlementaire dès lors que la majorité ne le souhaitait pas.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas cela, monsieur Sueur ! Vous êtes de mauvaise foi !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour le bon fonctionnement de nos institutions, l’opposition doit pouvoir prendre l’initiative d’exercer ce pouvoir de contrôle. Cela est très important.

Ainsi que l’a indiqué Mme Bricq, pour faire avancer cette idée au cours de la navette parlementaire, il est souhaitable d’adopter l’amendement n° 440.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. Nous n’avons aucune garantie ! Alors que si cet amendement était adopté, fût-il sous-amendé par M. le rapporteur, nous pourrions poursuivre la réflexion. Nous sommes convaincus qu’il s’agit là d’une question importante.

Depuis le début de la discussion sur ce projet de loi constitutionnelle, on nous parle d’ « avancées » de nature à accroître les droits de l’opposition, mais, à y regarder de plus près, ce sont souvent des faux-semblants, qu’il s’agisse de l’avis sur les nominations, dont nous avons déjà parlé, du vote bloqué, de l’article 49-3 de la Constitution, du temps de parole ou des propositions de loi. Chaque fois, on sent beaucoup de réticence !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ce n’est pas de la réticence !

M. Jean-Pierre Sueur. Votre présente attitude, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, s’inscrit dans cette ligne, même si je note que vous avez eu des paroles plutôt positives sur le sujet qui nous occupe.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, positives !

M. Jean-Pierre Sueur. Soit !

Vous nous avez dit que des propositions seraient faites sur ce sujet pour que l’opposition obtienne la possibilité de demander la constitution de commissions d’enquête. (M. le rapporteur opine.) Je vois que vous approuvez, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je le souhaite !

M. Jean-Pierre Sueur. Vos souhaits peuvent devenir réalité, monsieur Hyest, car vous avez beaucoup de pouvoir dans cette maison ! J’espère donc que nous obtiendrons satisfaction au cours de la navette.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous ne m’encouragez guère à faire des efforts, monsieur Sueur !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. J’entends bien les arguments qui ont pu nous être opposés, s’agissant notamment du respect de la séparation des pouvoirs, mais j’ai pu acquérir une certaine expérience en matière de commissions d’enquête, soit en tant que citoyen, soit en tant que parlementaire.

Quand mon ami député Christophe Caresche et moi-même avons demandé la création d’une telle commission, on nous a opposé, de façon sincère, le principe de la séparation des pouvoirs, et c’est bien là le problème !

Souvenez-vous de la manifestation contre la loi Fillon, dont les images, diffusées au journal télévisé de 20 heures, avaient ému tous les Français. Ils ont vu les jeunes lycéens se faire dépouiller par d’autres jeunes. Le lendemain, le mouvement était cassé, plus aucun jeune ne voulant descendre dans la rue.

Considérant que c’était là une remise en cause du droit de manifester, nous avons voulu comprendre ce qui s’était passé. On nous a objecté qu’une information judiciaire avait été ouverte. J’ai procédé à des vérifications, mais, compte tenu du nombre de jeunes qui avaient été dépouillés, il était probable qu’au moins une plainte avait été déposée, par exemple pour un vol de téléphone portable. Or je me suis aperçu, après enquête, qu’aucune information judiciaire n’avait été ouverte, que le parquet n’avait rien diligenté !

Par conséquent, l’argument que l’on m’a opposé, s’il était plausible, était avant tout d’ordre politique, motivé par la volonté qu’il n’y ait ni enquête ni débat parlementaire sur ce sujet !

Il faudrait donc trouver une formulation meilleure, permettant, tout en respectant la séparation des pouvoirs, d’encadrer la procédure de constitution de commission d’enquête pour écarter tout abus d’interprétation destiné à empêcher celle-ci. Pour l’heure, il est toujours possible, en pratique, de trouver, dans le champ de la commission d’enquête qu’il est proposé de créer, des faits particuliers ayant donné lieu à des poursuites judiciaires.

Pourtant, dans le monde, les parlements les plus respectés par les citoyens, ceux que l’on donne en exemple pour l’efficacité et la pertinence de leur travail, se signalent souvent par la qualité des investigations de leurs commissions d’enquête.

Pour en rester à la France, j’évoquerai l’exemple de la commission chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement. Ses travaux ont donné l’image d’un travail parlementaire sérieux.

Par conséquent, je souhaite que la création de commissions d’enquête soit facilitée, surtout pour l’opposition. Ce serait une avancée pour l’ensemble de l’institution parlementaire.

M. le président. La parole est à Mme  Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien que le débat sur ce projet de loi constitutionnelle soit déjà bien engagé, je ferai remarquer une fois de plus que nous n’avons guère progressé en matière de renforcement des droits de l’opposition, que le Président de la République s’était pourtant fait fort d’accroître. Qu’il s’agisse de la fixation des ordres du jour des assemblées ou de l’expression de l’opposition dans les médias, le progrès des droits de l’opposition n’est, pour l’heure, guère apparent !

Sur ce point, particulièrement important, de la constitution des commissions d’enquête, peut-être est-ce l’occasion de faire un véritable pas dans la bonne direction.

Comme je l’ai déjà dit, je suis, pour ma part, particulièrement attachée à ce que l’on fasse référence aux groupes parlementaires, afin, en l’occurrence, que les commissions d’enquête reflètent le Parlement dans toute sa diversité.