compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 28 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005, la liste des régimes d’aides relevant du règlement de la Commission européenne n° 1998/2006 du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis.

M. le président du Sénat a également reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 126 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, le rapport dressant le bilan des modalités de mise en œuvre du recensement des équipements sportifs, de son actualisation ainsi que de l’exploitation de ses résultats.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Ils seront transmis tous deux à la commission des finances, et, pour le second, à la commission des affaires culturelles, et seront disponibles au bureau de la distribution.

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Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Discussion générale (suite)

Droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires publiques pendant le temps scolaire obligatoire (nos 389 et 408).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Bravo et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant un droit d'accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires pendant le temps scolaire
Exception d'irrecevabilité

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la France aime passionnément son école. Elle a le plus grand respect pour ceux qui, chaque jour, dans les classes, sont les artisans opiniâtres de la liberté des individus et du progrès social. Elle observe, attentive, la façon dont notre système éducatif parvient à relever les nouveaux défis que lui pose la société et veille à ce qu’il continue de porter l’espoir des Condorcet, des Guizot, des Ferry, de tous ceux qui ont pensé un jour que la première des libertés était celle de savoir.

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est la raison pour laquelle la France place l’intérêt de l’enfant, la liberté de sa famille et les droits de ses professeurs au-dessus des contingences que peuvent entraîner les discussions, les polémiques, voire les conflits liés aux évolutions de l’institution scolaire. L’école est avant tout un lieu où l’on apprend à respecter les libertés, toutes les libertés, et à concilier l’intérêt des uns avec celui des autres.

Il était donc fort illogique que cet enseignement fondamental transmis par l’école fût démenti à chaque mouvement de grève d’ampleur des personnels enseignants, leur légitime liberté à cesser leur travail dans le cadre d’un préavis de grève entrant alors en conflit avec la liberté des familles de poursuivre leur propre activité professionnelle, si elles le désirent. Car c’est bien aux familles que revient le soin de trouver, souvent dans l’urgence, une solution de garde pour leurs enfants, lorsque l’école n’est plus en mesure de le faire, solution qui, bien souvent, n’est autre que l’interruption forcée de l’activité professionnelle, parfois sans solde, avec des conséquences souvent durables sur les relations avec l’employeur.

Cette situation est d’autant moins acceptable qu’elle pèse particulièrement sur les familles les plus modestes et pénalise singulièrement les structures monoparentales. (M. Jean-Claude Carle acquiesce.)

Elle révèle une très forte inégalité des Français face aux mouvements de grève, selon le taux de conflictualité habituel dans l’école où leurs enfants sont scolarisés, selon leur capacité à financer un mode de garde ou selon les formes d’aide familiale dont elles disposent.

L’accueil des enfants durant le temps scolaire habituel, condition de la stabilité professionnelle des parents, n’est pas un simple service qui peut être offert aux familles et varier en fonction des circonstances. C’est un droit qui doit pouvoir s’exercer de façon permanente et immédiate dans le temps. Tel est le sens de la volonté exprimée par le Président de la République, qui a voulu que la nature et les modalités d’application de ce droit soient définies par le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter devant la Haute Assemblée.

Le projet de loi qu’il vous revient d’examiner pose le principe de ce droit. Il garantit à tout enfant scolarisé dans une école maternelle ou élémentaire publique le droit de pouvoir y être accueilli pendant le temps scolaire obligatoire, pour recevoir les enseignements prévus par les programmes.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. En temps ordinaire, ce droit à l’accueil relève de la responsabilité de l’État lui-même, qui doit notamment veiller à ce que les enseignants absents soient rapidement remplacés en dehors des cas où leur absence s’inscrit dans le cadre d’un préavis de grève.

Pour y parvenir, j’ai décidé de moderniser en profondeur l’ensemble de la politique du remplacement conduite par le ministère de l’Éducation nationale et de créer à cet effet une Agence nationale chargée d’organiser le remplacement des professeurs absents. Elle aura, parmi ses objectifs, le souci d’optimiser constamment l’utilisation de tous les moyens de remplacement afin de limiter au maximum les conséquences d’une absence sur le bon déroulement de la scolarité des écoliers.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est essentiel !

M. Xavier Darcos, ministre. En cas de mouvement de grève, les enseignements suspendus ne sauraient être remplacés, sauf à prendre des mesures qui seraient contraires au droit de grève des salariés. (M. Serge Lagauche s’exclame.)

Les élèves pourront cependant continuer à être accueillis durant le temps scolaire, ce qui permettra ainsi à leurs parents de poursuivre normalement leur activité professionnelle. L’État pourra continuer à organiser l’accueil des élèves en les répartissant dans les classes existantes jusqu’à un certain seuil, dont vous souhaitez, je l’ai noté, que la définition soit revue.

En cas de mouvement de grève plus important, la mise en place d’un véritable dispositif d’accueil s’impose. Le projet de loi en confie la mise en œuvre aux communes, avec la participation financière de l’État.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous préciser d’emblée que, contrairement à ce que j’ai lu ou entendu à ce sujet, ce projet de loi ne porte pas atteinte à la libre administration des communes.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Xavier Darcos, ministre. En effet, la création d’une nouvelle compétence pour les communes, accompagnée de moyens financiers pour l’assurer, est parfaitement conforme aux exigences constitutionnelles qui découlent des articles 72 et 72-2 de la Constitution.

Cet accueil pourra être organisé par les communes sans contrainte.

En effet, je ne souhaite imposer aux collectivités ni contraintes superflues ni normes nouvelles. Au contraire, je veux que ces dernières puissent disposer de la plus grande souplesse pour organiser ce service : je sais que les membres du groupe de l’Union centriste, notamment Yves Détraigne, sont particulièrement sensibles à cette question.

Cette souplesse doit d’abord pouvoir trouver sa pleine expression dans le choix du lieu où la commune organise l’accueil. Ce peut être au sein même de l’école, si elle est fermée, mais aussi si elle est partiellement ouverte. Dans ce dernier cas, ce sera bien sûr, dans les locaux inutilisés pour faire la classe. Tel est d’ailleurs le sens de l’article 7 de ce texte, car ce serait bien le comble que la commune, propriétaire des locaux scolaires, ne puisse les utiliser pour assurer le service d’accueil. Mais l’accueil peut également être organisé ailleurs, par exemple dans un centre de loisirs.

Cette souplesse doit ensuite se manifester dans la manière dont plusieurs communes peuvent s’entendre pour organiser le service : le projet de loi permet aux communes de conventionner librement pour confier à l’une d’entre elles l’organisation du service. C’est, je crois, une solution adaptée en milieu rural, dans les regroupements pédagogiques intercommunaux, les RPI, qui d’ailleurs ne sont pas toujours adossés à un établissement public de coopération intercommunale.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C’est très important !

M. Xavier Darcos, ministre. Ainsi, trois ou quatre communes membres d’un regroupement pédagogique intercommunal diffus pourront confier à l’une d’entre elles l’organisation du service.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui !

M. Xavier Darcos, ministre. Cette souplesse enfin existe dans le choix des intervenants que la commune décidera de mobiliser pour assurer l’accueil : il pourra s’agir des assistantes maternelles, ou agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, qui travailleraient ce jour-là, d’autres fonctionnaires municipaux, mais aussi des associations gestionnaires de centres de loisirs ou des associations familiales, des mères de famille, voire des enseignants retraités ou des étudiants, etc. Nous laissons là le libre choix aux communes.

Je rappelle à cette occasion que le code de l’action sociale et des familles n’exige pas de qualification spécifique, ni n’impose de normes en termes d’encadrement, tant que l’accueil ne dépasse pas quatorze jours.

C’était d’ailleurs une des demandes de l’Association des maires de France, l’AMF, en 2006, lorsque la réglementation sur l’encadrement des mineurs a vu le jour.

Par ailleurs, la bonne organisation de ce nouveau service d’accueil suppose, d’une part, que l’État et les représentants des personnels aient pris toutes leurs responsabilités pour prévenir le déclenchement de la grève, d’autre part, que l’État puisse transmettre aux communes, dans un délai raisonnable, le nombre d’enseignants ayant déclaré leur intention de se mettre en grève.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit d’instaurer un dispositif d’alerte sociale, novateur dans la fonction publique, en créant une obligation de négociation pour l’employeur, c'est-à-dire l’État, et les organisations syndicales représentatives pendant une période ne pouvant excéder huit jours. Par organisations représentatives, il faut entendre celles qui sont reconnues comme telles au regard des critères classiques du droit commun de la fonction publique.

Il s’agit en fait d’anticiper le dépôt d’un préavis et de permettre l’émergence d’un véritable dialogue social conduit dans la sérénité sur des bases claires : la procédure mise en place, qui sera précisée dans le décret d’application, garantit à la fois cette transparence et la parfaite information des personnels. Pour que ce dialogue social soit un véritable instrument de prévention des conflits, il faut également que l’échange soit conduit au bon niveau, c’est-à-dire à l’échelle des autorités déconcentrées lorsque le sujet concerne l’échelon local, et à l’échelle des autorités nationales lorsque la question est d’ampleur nationale. C’est ce que prévoit explicitement le projet de loi.

Par ailleurs, le projet de loi fait obligation aux personnes ayant l’intention de participer à une grève d’en informer leur autorité administrative au plus tard quarante-huit heures avant la date de déclenchement prévue par le préavis.

Je le répète – mais qui en doute ? –, il ne s’agit bien évidemment pas d’une mesure contre les syndicats ou contre le droit de grève : ce délai est réellement nécessaire à la mise en place de l’accueil par les communes. Je rappelle d’ailleurs que d’aucuns pensaient que ce délai était trop bref.

Si le délai est nécessaire, la procédure de déclaration à l’autorité administrative l’est tout autant. On ne peut se contenter d’une information des familles, car l’accueil deviendrait alors difficile à organiser.

Le projet de loi précise les garanties propres à assurer la confidentialité des informations recueillies sur les personnes.

Enfin, il prévoit naturellement le dispositif de financement dont bénéficieront les communes pour l’exercice de cette nouvelle compétence.

Protéger la liberté de travailler sans rien retirer au droit de grève : tel est l’objet et l’esprit de ce texte, qui marque une étape nouvelle dans les relations entre l’école, la famille et les personnels enseignants.

Soucieux de donner son entière extension à ce droit nouveau et sa pleine efficacité au dispositif que je vous ai présenté, j’ai engagé depuis plusieurs semaines un travail de fond avec les élus de toutes les sensibilités.

Ainsi, j’ai rencontré à plusieurs reprises des sénateurs, des députés, des maires et de nombreuses associations d’élus, comme l’Association des maires de France, l’Association des maires de grandes villes de France, l’Association nationale des élus de montagne ou encore l’Association des maires de l’Île-de-France.

Je veux souligner publiquement la qualité des discussions qui ont été engagées, en particulier des débats qui ont eu lieu dans le cadre de la commission des affaires culturelles du Sénat. Je tiens donc à remercier l’ensemble des sénateurs qui y ont contribué, à commencer bien sûr par Philippe Richert, rapporteur au fond de ce texte, et Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, de leur travail, de leurs propositions et de leurs conseils. Je leur témoigne ici toute ma gratitude.

Ce travail de concertation mené avec l’ensemble des élus concernés par la mise en place du droit d’accueil a permis de clarifier un certain nombre de points. Il a ainsi dissipé nombre de malentendus et apporté des réponses concrètes aux interrogations des collectivités locales. Il a surtout contribué à aller au fond des choses et à obtenir des avancées concrètes, ce dont je ne peux que me féliciter.

Je tiens surtout à vous dire combien j’ai été attentif aux observations et aux propositions qui se sont exprimées, aussi bien lors du travail préliminaire qu’au cours de la discussion avec la commission des affaires culturelles. Sans entamer le débat proprement dit, je souhaite vous apporter d’ores et déjà un éclairage sur cinq de ces éléments.

Le premier sujet concerne le délai de quarante-huit heures que les enseignants doivent respecter pour déclarer leur intention de participer à une grève. Certains sénateurs se sont demandé comment faire si ces quarante-huit heures correspondaient à un week-end.

M. Xavier Darcos, ministre. L’expérience a montré qu’au sein de l’éducation nationale les grèves importantes se déroulaient toujours les mardis et les jeudis, quasiment jamais les lundis et les vendredis. (Sourires.)

Pour autant, et pour rassurer les maires sur ce point, je soutiendrai l’amendement à l’article 5 présenté par Jean-Claude Carle, qui vise à préciser que le délai de quarante-huit heures doit comprendre au moins un jour ouvré. (M. Yannick Bodin manifeste son approbation.)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Bravo !

M. Philippe Richert, rapporteur. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Vous voyez, monsieur Carle, cela commence bien, puisque même M. Bodin y est favorable ! (M. Jean-Claude Carle rit.)

Le deuxième sujet concerne les modalités négociées de déclaration des grévistes auprès de l’autorité administrative.

La commission des affaires culturelles a présenté un amendement à l’article 5 pour permettre à l’État de s’entendre avec une organisation syndicale sur les modalités selon lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative.

Je soutiens très fermement cet amendement, qui rencontre d’ailleurs l’assentiment de l’une des grandes centrales syndicales et qui permettra de diffuser la culture de la négociation au sein de la fonction publique.

En prévoyant que les modalités par lesquelles les enseignants qui souhaitent faire grève en informent l’autorité administrative pourront être définies par voie conventionnelle à l’occasion de la négociation préalable, l’amendement de la commission souligne tout l’intérêt d’avoir fait coexister dans ce texte deux volets : l’organisation du service d’accueil et la mise en place d’un mécanisme de négociation préalable.

Le troisième sujet touche à la question de la responsabilité des maires, qui préoccupait beaucoup d’acteurs locaux que j’ai rencontrés.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire devant votre commission, je soutiendrai, sur cette question, l’amendement qu’elle présente. Il a pour objet de substituer la responsabilité administrative de l’État à celle de la commune dans tous les cas de dommages causés aux enfants liés à l’organisation ou au fonctionnement du service d’accueil.

Je soutiens d’autant plus fermement cette proposition que j’en avais très tôt annoncé le principe. Il me semble très important, car il apporte une réponse claire aux inquiétudes des élus et des collectivités locales.

Le quatrième sujet concerne le financement du dispositif. Le projet de loi que je vous présente prévoit que ce dernier sera calculé en fonction du nombre d’élèves accueillis, à l’image de ce qui a été fait durant l’expérimentation. Le montant sera précisé dans un texte réglementaire dont la promulgation conditionne l’entrée en vigueur de ce projet de loi.

Lors de l’expérimentation organisée en janvier et en mai, les communes ont reçu un financement s’élevant à 90 euros par groupe de un à quinze élèves, pour deux fois trois heures d’accueil. Comment a été calculé ce montant de 90 euros ? Il correspond au montant moyen de la rémunération journalière d’un enseignant du premier degré, sachant que la taille moyenne d’une classe est de vingt-cinq élèves.

En outre, dans le cadre du travail que nous avons conduit avec l’Association nationale des élus de montagne, nous avons voulu que le dispositif financier prévu soit encore plus juste financièrement pour les communes, notamment pour les petites communes rurales.

C’est la raison pour laquelle, pour des questions de recevabilité, j’ai repris au nom du Gouvernement l’amendement déposé par M. le sénateur Jean-Claude Carle et qui prévoit que l’État verse à toute commune ayant mis en place le service d’accueil une contribution minimale quel que soit le nombre des enfants accueillis.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelle. Quel succès !

M. Xavier Darcos, ministre. Cette contribution minimale par commune s’élèvera à 200 euros, même si le nombre d’élèves accueillis est extrêmement faible.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Yannick Bodin. Vive la grève !

M. Xavier Darcos, ministre. C’est également dans le même esprit de justice et d’équité que j’ai également repris la proposition tendant à indexer le financement apporté par l’État aux collectivités.

Le cinquième sujet concerne les interrogations qui se sont exprimées sur la nature et la qualification des personnes chargées d’accueillir les enfants. J’adhère donc sans réserve à la proposition de la commission tendant à ce que la commune établisse, en lien avec l’inspecteur de circonscription, la liste des personnes susceptibles d’intervenir.

L’établissement de ce vivier présente manifestement deux intérêts : il permet à l’État de vérifier qu’un intervenant pressenti n’est pas déjà connu par le fichier national des infractions sexuelles ; il est également l’occasion de réfléchir par anticipation à l’organisation du service.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte que je viens de vous présenter a fait l’objet d’une véritable concertation avec des élus de toutes les sensibilités politiques. À n’en pas douter, vos propositions et les échanges que nous allons avoir permettront encore d’en renforcer la portée. Je suis convaincu que, au terme du travail parlementaire, nous parviendrons à nous entendre sur un texte équilibré qui répondra pleinement aux attentes des familles comme aux interrogations légitimes des élus et des collectivités locales.

Mesdames, messieurs les sénateurs, à ceux qui voudraient ne voir dans ce texte qu’une provocation à l’égard des syndicats d’enseignants, à ceux qui voudraient minimiser les difficultés réelles que rencontrent les familles les plus modestes pour faire garder leurs enfants les jours de grève,…

M. Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce n’est pas bien !

M. Xavier Darcos, ministre. … à ceux qui voudraient exagérer les contraintes que représentera pour les communes cette mission nouvelle,…

M. Philippe Richert, rapporteur. Pas le Sénat !

M. Xavier Darcos, ministre. … je réponds qu’il y a un temps pour la polémique et un temps pour la politique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La polémique est utile à la politique !

M. Xavier Darcos, ministre. Le temps de la polémique est désormais derrière nous : il s’agit non plus de savoir si le fait de vouloir aider les familles est une concession faite à la droite, une trahison faite à la gauche ou un hommage rendu au centre, mais de chercher, de bonne foi, par quel moyen nous pouvons permettre à notre dialogue social de se moderniser dans l’intérêt de l’État, de ses salariés et des usagers des services publics.

Cette ambition politique, au sens le plus noble, c’est une ambition moderne. Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est désormais sur vous qu’elle repose aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Richert, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans les mémoires de chacun de nous sont profondément gravés les trois attributs de l’école républicaine, qui ne peut être que gratuite, laïque et obligatoire.

À nos yeux, ces caractères sont d’une telle évidence que nous ne parvenons plus à imaginer ce que pouvait être la vie des enfants et des familles de notre pays avant que la loi du 28 mars 1882 ne vienne imposer à chaque jeune de rejoindre les bancs de l’école communale pour y suivre les enseignements qui allaient faire de lui un esprit libre et éclairé et un citoyen réfléchi et responsable.

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi et jusqu’aux grandes lois de Jules Ferry, les enfants vivaient et grandissaient encore au milieu de leurs familles. Dans une France encore très largement rurale et agricole, il n’y avait là rien que de très naturel.

Depuis lors, notre société a bien changé et rares sont à présent les parents qui ne travaillent pas à l’extérieur du domicile familial. Ce changement, appelé par la naissance d’une France commerciale et industrielle tout autant qu’agricole, a été rendu possible par la scolarisation obligatoire et l’allongement continu de sa durée. Au moment même où les parents travaillent, les enfants sont à l’école et le problème de leur garde ne se pose ainsi plus qu’aux premiers mois de leur existence.

De fait, l’école publique n’est donc pas seulement un lieu d’enseignement ; c’est aussi un lieu d’accueil. Chaque grève ou absence non remplacée d’un professeur le prouve, puisque les enfants se trouvent alors privés d’enseignement et de structure d’accueil pour la journée. Nombreuses sont alors les familles qui éprouvent les plus grandes difficultés à trouver une solution de garde pour leurs enfants. Certaines peuvent s’appuyer sur les solidarités familiales ou de voisinage, M. le ministre l’a dit. Quant aux autres, elles n’auront d’autre solution que de prendre un jour de congé ou de RTT, lorsqu’il y en a encore, en comptant sur la compréhension et la bienveillance de leurs employeurs.

Mais, chacun le sait, mes chers collègues, tel n’est pas toujours le cas et de telles absences répétées, même lorsqu’elles sont le fait d’obligations familiales indiscutables, peuvent indisposer les employeurs et éroder la confiance qu’ils placent dans tel ou tel de leurs salariés.

Cela explique pourquoi les familles sont si nettement favorables à la création d’un service d’accueil dans les écoles primaires publiques lorsqu’elles sont interrogées à ce sujet. D’après un sondage réalisé par PEEP-BVA, 78 % des parents soutiennent ce projet, parce qu’il répond à un vrai besoin, dont elles mesurent l’acuité à chaque interruption du service public de l’enseignement.

Mme Jacqueline Gourault. Le contraire serait étonnant !

M. Philippe Richert, rapporteur. C’est pourquoi, bien avant que ce projet de loi ne soit déposé, de nombreuses communes avaient décidé, de leur propre initiative et en assumant les conséquences à la fois juridiques et financières de cette décision d’offrir un tel service d’accueil aux écoliers scolarisés sur leur territoire et à leurs familles.

Pour cette même raison, entre 2 000 et 2 900 communes ont souhaité participer à l’expérimentation du service d’accueil que leur proposait le ministre de l’éducation nationale.

Loin d’être le fruit d’une décision inattendue ou d’une volonté inexplicable, le texte que nous examinons aujourd’hui prend donc la suite d’une série d’initiatives locales et gouvernementales dont le point commun est de chercher, par-delà toute considération idéologique, à apporter une réponse concrète à un besoin indiscutable des familles.

C’est dans le même esprit de pragmatisme, marqué par le souci de permettre la mise en œuvre de ce nouveau service que la commission a examiné ce projet de loi instituant un nouveau droit pour les élèves et leurs familles.

En cas de grève ou d’absence non remplacée des professeurs, les écoliers se verront systématiquement offrir un service d’accueil. Il ne s’agit pas là d’un service minimum au sens propre du terme, puisque celui-ci supposerait que des enseignements soient délivrés.

Par principe, ce service d’accueil doit être assuré par l’État, sauf dans un cas : lorsque l’ampleur de la grève est telle que les services de l’éducation nationale ne sont plus en mesure de l’organiser dans des conditions satisfaisantes.

Il revient alors à la commune ou à la structure intercommunale de le prendre en charge. Je n’ignore pas les réticences que cette compétence nouvelle fait naître chez certains maires, qui se refusent à assurer en lieu et place de l’État l’organisation du service d’accueil. J’ai eu l’occasion de discuter à de nombreuses reprises avec les représentants des élus locaux afin de trouver les meilleures solutions face aux inquiétudes qui avaient été exprimées.

Mais, en l’espèce, l’État ne se défausse pas sur les communes de l’une de ses compétences, il tire simplement toutes les conséquences de l’impossibilité matérielle de mettre en œuvre le service quand un nombre substantiel d’enseignants est en grève.

Dans ces circonstances, les communes sont à l’évidence les seules à pouvoir offrir dans des conditions satisfaisantes le service d’accueil. Leur légitimité est au demeurant indiscutable, puisque c’est bien elles qui, depuis le xixe siècle, ont accompagné pas à pas le développement de l’école primaire républicaine.

À mes yeux et par souci de pragmatisme, il semble donc naturel de confier à la commune l’organisation du service d’accueil lorsque l’État n’est plus en mesure de l’assurer.

De la même manière, il serait à l’évidence impossible d’organiser le service d’accueil sans connaître en amont d’un mouvement de grève le nombre des professeurs absents et des élèves qui devront en conséquence être accueillis.

C’est pourquoi, en prévoyant que les enseignants du primaire qui souhaitent participer au mouvement devront déclarer leur intention quarante-huit heures à l’avance, le projet de loi ne porte pas une atteinte excessive au droit de grève, mais organise simplement la conciliation nécessaire de ce droit et du principe de continuité du service public, qui sont tous deux protégés et garantis par la Constitution.

Dans ses principes mêmes, le cadre général proposé par le projet de loi apparaît donc bien fondé : il est indispensable que les communes puissent intervenir lorsque l’État n’est plus en mesure de le faire, et cela serait impossible sans une déclaration d’intention préalable de la part des enseignants.

Une fois ces principes posés, il reste toutefois à permettre leur mise en œuvre dans les meilleures conditions possible, ce qui suppose tout à la fois d’alléger la charge pesant sur les communes et de simplifier les modalités de déclaration demandées aux enseignants. La commission s’est donc attachée à ce que l’on puisse aller le plus loin possible dans cette direction.

Dans ce but, la commission vous soumettra donc plusieurs amendements, dont l’adoption permettrait de faciliter l’organisation du service par les communes et de garantir un exercice apaisé du droit de grève par les enseignants.

S’agissant de l’organisation du service, tout d’abord, la commission vous proposera notamment de confier aux communes le soin de déterminer, en accord avec l’inspecteur de l’éducation nationale, la liste des personnes qui pourront assurer le service d’accueil – cela permettra notamment de vérifier qu’aucune d’entre elles n’a d’antécédents judiciaires problématiques – ; de transférer à l’État la responsabilité administrative à laquelle s’exposent les communes en organisant le service d’accueil ; de refondre le mode de calcul du seuil d’intervention de la commune, afin de garantir que cette dernière n’organise le service d’accueil que lorsque cela est devenu manifestement impossible pour l’État ; enfin, de faire de la subvention versée par l’État une compensation et non une simple contribution, vous le comprendrez aisément.

Toutes ces propositions semblent à la commission de nature à simplifier très largement l’organisation du service d’accueil par les communes et à leur garantir que la mise en œuvre de cette nouvelle compétence ne fera pas naître de difficultés insurmontables.

S’agissant de l’exercice du droit de grève – je m’adresse aux enseignants –, la commission a, de plus, souhaité que les enseignants puissent déclarer de la manière la plus simple et la plus apaisée possible leur intention de faire grève, et je remercie M. le ministre de sa réponse. Cela suppose de lever leurs craintes d’être définitivement « marqués » aux yeux de leurs supérieurs hiérarchiques dont ils dépendent, notamment les inspecteurs de l’éducation nationale, en se déclarant auprès d’eux.

La commission vous proposera donc d’autoriser les organisations syndicales à tirer le plein parti de la procédure de négociation préalable obligatoire instituée par le projet de loi avant tout dépôt de préavis, en convenant avec le ministère de l’éducation nationale des modalités pratiques que pourrait revêtir cette déclaration.

Rien ne serait au demeurant plus fidèle à l’esprit de ce texte, car celui-ci, loin d’avoir pour conséquence de priver d’effet les mouvements sociaux et d’affaiblir le dialogue social en limitant le droit de grève et en réduisant les perturbations que son exercice induit, s’efforce au contraire d’instaurer une vraie culture de la concertation dans l’éducation nationale.

Une journée de garderie ne remplacera jamais une journée de cours, c’est l’évidence même. Toute journée de grève se traduit donc, pour les élèves, par un préjudice certain. Aussi la grève ne doit-elle être qu’un dernier recours, lorsque les négociations achoppent. Mais encore faut-il qu’il y ait négociation ! Ce n’est pas toujours le cas, les organisations syndicales étant loin d’en être toujours les seules responsables.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles ne peut qu’être favorable au principe, consacré dans le projet de loi, d’une négociation obligatoire organisée avant tout recours à la grève.

Certains y voient une formalité inutile compliquant l’exercice du droit de grève. Ce n’est pas mon sentiment, car la reconnaissance de ce principe conduit à accorder aux syndicats d’enseignants un droit d’accès au ministre en cas de conflit.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je vis en Alsace. De l’autre côté du Rhin, en Allemagne, aucune grève n’est lancée d’un jour à l’autre lorsque telle catégorie n’est pas satisfaite. En amont, de véritables négociations entre les syndicats et les représentants de l’État sont systématiquement engagées. Nous devons nous orienter vers une telle concertation. Or ce projet de loi oblige l’État à ouvrir le dialogue avec les syndicats. C’est un point positif. Je ne sais pas si les partenaires sociaux mesurent tous pleinement les conséquences de ce nouveau droit. Pour ma part, j’estime qu’il s’agit d’un progrès considérable vers l’écoute et le dialogue social qui contribuera à rapprocher notre pays de ses voisins européens, dans lesquels le souci de la concertation est une règle absolue.

Loin d’être de l’ordre de la régression, monsieur le ministre, le présent projet de loi constitue bien une avancée, non seulement pour les élèves et les familles, mais aussi pour les enseignants et les syndicats. C’est pourquoi, mes chers collègues, sous réserve des amendements qu’elle a déposés afin de garantir les droits des communes et des enseignants, la commission des affaires culturelles vous demande d’adopter le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)