M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Non, ma réserve est liée à l’usage qui en est fait.

Chaque fois que le consommateur peut comparer les prix, cela est bénéfique. En revanche, lorsque des acteurs commerciaux procèdent eux-mêmes aux relevés et en font la publicité – je pense au développement de certains sites Internet –, cela peut induire le consommateur en erreur.

M. le président. Monsieur Doligé, que décidez-vous finalement ?

M. Éric Doligé. Il existe tout de même des contraintes fortes : lorsqu’une entente sur les prix est constatée, la DGCCRF intervient systématiquement.

Je laisse à la Haute Assemblée le soin de se prononcer sur mon amendement. Sa décision démontrera, une fois de plus, que la sagesse règne dans cet hémicycle ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 759.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 22 ter.

Article additionnel après l’article 22 ter
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Articles additionnels avant l'article 23

Article 22 quater

I. - Le II de l'article L. 121-20-12 du code de la consommation est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Aux contrats de prêts viagers hypothécaires définis à l'article L. 314-1. » 

II. - Dans le premier alinéa de l'article L. 314-1 du même code, après le mot : « intérêts », sont insérés les mots : « capitalisés annuellement ».

III. - L'article L. 314-12 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les modifications visant à accélérer les versements peuvent intervenir conformément aux dispositions contractuelles. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 136 est présenté par Mme Lamure, au nom de la commission.

L'amendement n° 537 est présenté par Mmes Terrade, Beaufils et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 771 est présenté par Mmes Bricq, Khiari et Demontès, MM. Godefroy, Lagauche, Massion, Pastor, Raoul, Repentin, Sueur, Yung, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 136.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 537.

Mme Odette Terrade. Cet amendement est de pure cohérence. Pour des raisons de fond, nous sommes en effet opposés à tout dispositif favorisant le surendettement des ménages. Or force est de constater que le prêt viager hypothécaire relève de cette catégorie.

Les dispositions de l’article en question ayant de surcroît été réinsérées plus avant dans le texte, cet amendement de suppression est aussi de pure logique, quand bien même notre position de fond sur le prêt viager hypothécaire, dispositif qui a d’ailleurs rencontré, de l’aveu même de la commission, peu de succès, ne varie pas.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l'amendement n° 771.

Mme Nicole Bricq. L’amendement n° 11 de M. Marini, adopté vendredi soir, ayant déplacé après l’article 17 les dispositions consacrées au prêt viager hypothécaire, l’article 22 quater n’a plus lieu d’être.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 537 et 771, qui visent purement et simplement à supprimer cet article.

Si la commission a également déposé un amendement de suppression, c’est parce que les dispositions contenues dans cet article ont été réintroduites à un autre endroit du texte. Pour cette raison, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 136. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Daniel Raoul. Joli numéro de funambule !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136, 537 et 771.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 22 quater est supprimé.

CHAPITRE II

Instaurer une Autorité de la concurrence

Article 22 quater
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Mise au point au sujet de votes

Articles additionnels avant l'article 23

M. le président. L'amendement n° 137 rectifié, présenté par Mme Lamure, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Le titre VI du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :

1° L'intitulé est ainsi rédigé :

« De l'Autorité de la concurrence.

2° Le chapitre Ier est ainsi rédigé :

« Chapitre Ier

« De l'organisation.

« Art. L. 461-1. - I. - L'Autorité de la concurrence est une autorité administrative indépendante. Elle veille au libre jeu de la concurrence. Elle apporte son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.

« II. - Les attributions confiées à l'Autorité de la concurrence sont exercées par un collège composé de dix-sept membres, dont un président, nommés pour une durée de cinq ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'économie.

« Le président est nommé en raison de ses qualifications dans les domaines juridique, économique et technique, après avis des commissions du Parlement compétentes en matière de concurrence.

« Le collège comprend également :

« 1° Six membres ou anciens membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;

« 2° Cinq personnalités choisies en raison de leur compétence en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation ;

« 3° Cinq personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales.

« Quatre vice-présidents sont désignés parmi les membres du collège, dont au moins deux parmi les personnalités mentionnées aux 2° et 3°.

« III. - Le mandat des membres du collège est renouvelable, à l'exception de celui du président qui n'est renouvelable qu'une seule fois.

« Art. L. 461-2. - Le président et les vice-présidents exercent leurs fonctions à plein temps. Ils sont soumis aux règles d'incompatibilité prévues pour les emplois publics.

« Est déclaré démissionnaire d'office par le ministre chargé de l'économie tout membre de l'Autorité qui n'a pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives ou qui ne remplit pas les obligations prévues aux deux alinéas ci-dessous. Il peut également être mis fin aux fonctions d'un membre de l'Autorité en cas d'empêchement constaté par le collège dans des conditions prévues par son règlement intérieur.

« Tout membre de l'Autorité doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir et des fonctions qu'il exerce dans une activité économique.

« Aucun membre de l'Autorité ne peut délibérer dans une affaire où il a un intérêt ou s'il représente ou a représenté une des parties intéressées.

« Le commissaire du Gouvernement auprès de l'Autorité est désigné par le ministre chargé de l'économie.

« Art. L. 461-3. - L'Autorité de la concurrence peut siéger soit en formation plénière, soit en sections, soit en commission permanente. La commission permanente est composée du président et des quatre vice-présidents.

« Les formations de l'Autorité délibèrent à la majorité des membres présents. Le règlement intérieur de l'Autorité détermine les critères de quorum applicables à chacune de ces formations.

« En cas de partage égal des voix, la voix du président de la formation est prépondérante.

« Le président, ou un vice-président désigné par lui, peut adopter seul les décisions prévues aux articles L. 462-8 et L. 464-2 à L. 464-6 quand elles visent des faits dont l'Autorité de la concurrence est saisie par le ministre chargé de l'économie dans les conditions prévues à l'article L. 462-5. Il peut faire de même s'agissant des décisions prévues à l'article L. 430-5.

« Art. L. 461-4. - L'Autorité de la concurrence dispose de services d'instruction dirigés par un rapporteur général nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du collège.

« Ces services procèdent aux investigations nécessaires à l'application des titres II et III du présent livre.

« Les rapporteurs généraux adjoints, les rapporteurs permanents ou non permanents et les enquêteurs des services d'instruction sont nommés par le rapporteur général, par décision publiée au Journal officiel.

« Un conseiller auditeur possédant la qualité de magistrat est nommé par arrêté du ministre chargé de l'économie après avis du collège. Il recueille le cas échéant les observations des parties mises en cause et saisissantes sur le déroulement des procédures les concernant dès l'envoi de la notification des griefs. Il transmet au président de l'Autorité un rapport évaluant ces observations et proposant, si nécessaire, tout acte permettant d'améliorer l'exercice de leurs droits par les parties.

« Les modalités d'intervention du conseiller auditeur sont précisées par décret en Conseil d'État.

« Les crédits attribués à l'Autorité de la concurrence pour son fonctionnement sont inscrits dans un programme relevant du ministère chargé de l'économie. Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables à leur gestion.

« Le président est ordonnateur des recettes et des dépenses de l'Autorité. Il délègue l'ordonnancement des dépenses des services d'instruction au rapporteur général.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles le président de l'Autorité la représente dans tous les actes de la vie civile et a qualité pour agir en justice en son nom.

« Art. L. 461-5. - Les commissions du Parlement compétentes en matière de concurrence peuvent entendre le président de l'Autorité de la concurrence et consulter celle-ci sur toute question entrant dans le champ de ses compétences.

« Le président de l'Autorité de la concurrence rend compte des activités de celle-ci devant les commissions permanentes du Parlement compétentes en matière de concurrence, à leur demande.

« L'Autorité de la concurrence établit chaque année, avant le 30 juin, un rapport public rendant compte de son activité qu'elle adresse au Gouvernement et au Parlement. »

II - Le présent article entre en vigueur à compter de la promulgation de l'ordonnance prévue à l'article 23 de la loi n° … du… de modernisation de l'économie et, au plus tard, le 1er janvier 2009.

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Cet amendement est particulièrement important.

M. Gérard Larcher et moi-même nous sommes longuement interrogés sur la justification du recours à l’ordonnance pour procéder à la réforme du système de régulation de la concurrence, qui est pourtant centrale dans ce projet de loi.

Il nous est apparu que le projet d’ordonnance rendu public par le Gouvernement au début de la discussion du texte à l’Assemblée nationale était relativement abouti et stabilisé.

Dans ces conditions, pour permettre un véritable débat parlementaire sur ce sujet, nous proposons d’introduire dans le projet de loi une partie de cette réforme et de réduire corrélativement le périmètre de l’ordonnance.

La stratégie que nous préconisons s’articule en deux temps.

Dans un premier temps, nous soumettons au Sénat deux amendements portant articles additionnels avant l’article 23, consacrés l’un à la création de l’Autorité de la concurrence en lieu et place du Conseil de la concurrence, l’autre au transfert du contrôle des concentrations économiques du ministre vers cette nouvelle autorité. Nous conditionnons l’entrée en vigueur de ces deux dispositions à la promulgation de l’ordonnance, car la réforme constitue un tout.

Dans un second temps, nous maintenons l’habilitation prévue à l’article 23, dans une rédaction resserrée, pour que le Gouvernement agisse par ordonnance dans les six mois suivant la publication de la loi de modernisation de l'économie, afin de réformer le contrôle des pratiques anticoncurrentielles et de mieux articuler l'exercice de cette compétence partagée aujourd'hui entre le Conseil de la concurrence et la DGCCRF, et demain entre l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF.

Ce premier article additionnel a donc pour objet de transformer le Conseil de la concurrence en Autorité de la concurrence. L’Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante chargée de veiller au libre jeu de la concurrence, sera toujours composée d’un collège de dix-sept membres, avec à sa tête un président et quatre vice-présidents.

Toutefois, par rapport au droit en vigueur, cet amendement vise à apporter certaines innovations.

Tout d’abord, la nomination, toujours effectuée par décret, du président de l’autorité ne sera pas libre puisque celui-ci devra répondre à un certain nombre de qualifications dans les domaines juridique, économique et technique. Son mandat ne sera plus renouvelable.

Par ailleurs, les pouvoirs du Parlement seront renforcés puisque le choix du président sera soumis à l'avis des commissions permanentes du Parlement compétentes en matière de concurrence.

De même, les commissions parlementaires auront la possibilité d'entendre à leur guise le président de l’Autorité de la concurrence, qui devra leur rendre compte annuellement des travaux de celle-ci, notamment par la transmission de son rapport annuel.

En outre, nous fixons les règles de quorum et de validité des délibérations renouvelées pour les différentes formations de l'Autorité de la concurrence – formation plénière, sections, commission permanente – qui seront définies dans le règlement intérieur de cette dernière.

Autre innovation, nous prévoyons qu’il puisse être mis fin aux fonctions d'un membre en cas d'empêchement constaté par le collège.

Enfin, nous maintenons, bien entendu, la dissociation entre les fonctions d’instruction, sous l’autorité d’un rapporteur général, et de décision, qui sera toujours assumée par le collège.

Cette organisation constitue un gage majeur pour assurer les droits de la défense lors des procédures d’examen des pratiques anticoncurrentielles.

Elle garantit également aux entreprises que ce ne sont pas les mêmes personnes qui mènent les instructions et qui prennent les éventuelles sanctions.

Enfin, comme dans le projet d’ordonnance du Gouvernement, nous préconisons de créer un poste de conseiller auditeur chargé de veiller aux droits de la défense dans le cadre des procédures à charge menées par l'Autorité de la concurrence.

En définitive, la commission spéciale estime que l'adoption de cet amendement serait de nature à répondre à nombre de nos interrogations sur les différents aspects de la réforme et nous permettrait de nous prononcer en toute connaissance de cause, dans des conditions plus satisfaisantes que dans le cadre de l’examen d’une simple ordonnance que nous aurions été amenés à ratifier nuitamment, à la faveur du vote d'un amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. La commission spéciale a souhaité introduire directement dans la loi les dispositions relatives à l’organisation et au fonctionnement de l’Autorité de la concurrence, que le Gouvernement avait initialement prévu d’inclure dans l’ordonnance visée à l’article 23. Nous avions souhaité procéder de la sorte dans la mesure où le texte n’était pas prêt au moment de l’élaboration du présent projet de loi.

La commission spéciale du Sénat a procédé à un certain nombre de consultations et a auditionné les différentes parties prenantes de la future autorité. Le dispositif proposé est satisfaisant.

Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement visant à inscrire dans le projet de loi la création de l’Autorité de la concurrence.

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Merci, monsieur le secrétaire d'État.

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Madame Lamure, dans le rapport de la commission spéciale, vous avouez vous être longuement interrogée sur l’opportunité de recourir à l’ordonnance pour procéder à « une réforme aussi lourde politiquement que fondamentale sur le plan économique ».

Vous avez jugé que les explications fournies par le Gouvernement pour justifier le recours à l’ordonnance, selon lesquelles le Conseil de la concurrence a été créé par ordonnance en 1986 et les modifications à apporter alourdiraient le projet de loi, n’étaient pas recevables. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous.

La commission spéciale a donc considéré que de nombreux points de la réforme justifiaient pleinement un débat parlementaire en bonne et due forme, débat que nous essayons d’entretenir pour le compte du groupe socialiste.

C'est la raison pour laquelle la commission nous a présenté un amendement tendant à la création de l’Autorité de la concurrence et en défendra tout à l’heure un autre relatif au transfert du contrôle des concentrations économiques du ministre à cette dernière.

Je ferai quelques remarques de forme sur l’amendement n° 137 rectifié.

Si votre intention est louable, madame Lamure, je soulignerai néanmoins que, l’urgence ayant été déclarée sur ce texte et les députés n’ayant pu disposer de l’avant-projet d’ordonnance lorsqu’ils ont examiné l’article 23, seuls les représentants de ces derniers à la commission mixte paritaire pourront étudier votre texte. Nous privons donc la représentation nationale, dans sa globalité, d’une discussion approfondie sur ce que vous avez considéré être une mesure fondamentale sur le plan politique et économique ! C’est tout de même un peu fort, au moment où il est question de renforcer les droits du Parlement au travers du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République !

Par ailleurs, l’amendement n° 137 rectifié reprend en partie le texte de l’ordonnance. Si l’on tient compte de l’amendement n° 138 rectifié, ce ne sont pas moins de huit pages de texte qui nous ont été soumises juste avant la date limite de dépôt des amendements, alors que nous travaillions sur la rédaction du projet de loi issue des travaux de l’Assemblée nationale. Quant à l’avant-projet d’ordonnance, il ne comprend pas moins de douze pages ! Tout de même, monsieur le secrétaire d'État, il aurait été plus sain et certainement plus démocratique de consacrer à l’ensemble de ces dispositions un projet de loi spécifique.

Je ferai maintenant des remarques de fond sur le dispositif.

Vous avez, madame la rapporteur, décidé d’écarter les éléments du projet d’ordonnance ayant trait au renforcement des pouvoirs de l’Autorité de la concurrence dans le domaine du contrôle des pratiques anticoncurrentielles, ainsi qu’à la procédure et à l’articulation de ces compétences entre l’Autorité de la concurrence et les services du ministre.

Il me paraît, au contraire, que cette question aurait également dû être soumise à la représentation nationale. Vous vous êtes engagée sur un bon chemin en récrivant le projet d’ordonnance, mais vous vous êtes arrêtée bien trop tôt !

Nous en reparlerons lorsque nous examinerons l’article 23 du projet de loi : votre réécriture ne règle pas le problème posé par le flou entourant le transfert des agents de la DGCCRF. En relisant le rapport de la commission spéciale – j’ai également interrogé Mme la ministre sur ce sujet –, je n’ai pas trouvé un seul élément relatif à ce transfert. Je reviendrai sur ce point à propos de l’article 23.

On peut d’ailleurs s’interroger sur la nécessité de créer une nouvelle autorité indépendante. Ce que le rapporteur général du budget appelle l’« agenciarisation » de l’action publique rend très difficile l’appréciation, par le Parlement, de l’efficacité de celle-ci.

La multiplication des autorités indépendantes n’a pas rendu plus efficace l’action de la puissance publique, mais elle participe, il faut tout de même le dire, de l’affaiblissement de l’État dans une période de grands bouleversements technologiques, d’apparition de nouveaux acteurs dans de nouveaux secteurs économiques. L’État perd sa capacité régulatrice, qui est extrêmement importante dans cette période de bouleversements. Est-ce vraiment le moment de s’engager dans cette voie, comme si la concurrence – mais, nous l’avons dit dans la discussion générale, c’est là toute la philosophie de ce texte – était l’unique dépôt de la rationalité du marché ?

Du reste, je note, madame la rapporteur, que vous réintroduisez l’exécutif au travers de cet amendement, en prévoyant de lui permettre de « reprendre la main » – c’est l’expression que vous utilisez – grâce à un « droit d’évocation ».

Je n’ai obtenu aucune réponse en commission lorsque j’ai demandé quelle était la portée juridique de ce droit d’évocation.

Finalement, nous n’instaurerons pas la transparence qui était recherchée au départ, et les éléments d’arbitrage ne sont pas connus. En résumé, la création de cette autorité, c’est du rapport Attali mal digéré ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Le rapport Attali, que j’ai relu sur ce point, préconisait de lever la confusion des rôles, qui entretient la suspicion. Or nous aurons à la fois la confusion et la suspicion, sans que la preuve d’une efficacité accrue au profit de l’économie et des consommateurs ne soit apportée.

Je rappellerai au Gouvernement et à la majorité que, à nos yeux, le consommateur est aussi un agent économique, un foyer fiscal et un citoyen. Mais une fois encore, vous le saucissonnez…

C’est pourquoi nous ne pouvons accepter cette habilitation à légiférer par ordonnance, même si un effort d’encadrement a été fait, indépendamment des deux volets très importants non traités dans le projet de loi, à savoir les suites qui seront données par le Gouvernement au rapport Coulon sur la dépénalisation de la vie des affaires et l’action de groupe, sujet qui aurait véritablement eu sa place dans ce débat., comme nous l’avons dit vendredi soir lors de l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l’article 21 A.

Par conséquent, l’habilitation, même mieux encadrée, ne recueillera pas notre assentiment !

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. L’amendement de la commission vise à limiter les effets négatifs du recours à une ordonnance, prévu à l’article 38 de la Constitution, en ce qui concerne la création de l’Autorité de la concurrence.

Si l’intention est louable, la démarche reste problématique, d’autant que l’amendement reprend, selon la DGCCRF, les dispositions de l’avant-projet d’ordonnance.

Il aurait été utile, pour la pleine information des parlementaires et la qualité du travail législatif, que le projet de loi prévoie dès le départ les dispositions détaillées relatives à la composition, aux fonctions, aux missions et aux pouvoirs de cette nouvelle autorité. Nous discutons dans des délais très brefs d’un amendement important, ce qui ne facilite pas notre tâche.

Sur le fond, cet amendement ne nous satisfait pas.

Tout d’abord, il ne règle que partiellement la question, car le recours à l’ordonnance reste toujours nécessaire sur un certain nombre de points.

Ensuite, que remarquons-nous s’agissant de la composition de cette instance ?

L’Autorité de la concurrence, comme le Conseil de la concurrence, sera composée de dix-sept membres, mais la répartition des sièges sera modifiée au détriment de la représentation des membres des juridictions. Cela ne nous paraît pas être une bonne chose au regard de la nécessaire indépendance de la nouvelle autorité, mais également de ses compétences et de son expertise.

Ainsi, alors que le Conseil de la concurrence compte huit membres issus du Conseil d’État, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires, l’Autorité de la concurrence n’en comptera plus que six.

Les dispositions relatives à la présidence vont également dans ce sens. Cela est problématique, puisque, en cas de partage égal des voix, celle du président de la formation est prépondérante.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.

M. Bruno Retailleau. Je ne partage pas l’analyse de nos deux collègues, même si je peux comprendre leurs craintes.

Nous devons féliciter au contraire de leur travail la commission spéciale et Mme le rapporteur : elles ont intégré au projet de loi un dispositif qui devait initialement faire l’objet d’une ordonnance, mais qui est fondamental pour l’ensemble du texte, pour sa compréhension, pour son équilibre.

Demain, l’ordonnance sera l’accessoire, et la loi sera l’essentiel. Certains parlent de coproduction législative : nous nous situons là au cœur de ce processus !

Si la commission a bien travaillé, c’est pour deux raisons très importantes.

En premier lieu, il est vrai que, pour un parlementaire, la création d’une autorité administrative indépendante a quelque chose de gênant. Leur pullulement depuis dix ou douze ans n’est pas pour réjouir l’Assemblée nationale et le Sénat. Je vous renvoie, sur ce point, au rapport du Conseil d’État de 2001 et à celui de M. Patrice Gélard, remis en 2006, qui étaient fondateurs en la matière.

Pour autant, les autorités administratives indépendantes posent un problème à l’exécutif comme elles en posent un au Parlement. Je pense néanmoins que nous pouvons y répondre.

S’agissant de l’exécutif, il est vrai que le foisonnement de ces instances fait craindre une fragmentation, une parcellisation de l’État. Or l’examen de l’amendement déposé par Mme Lamure va précisément nous donner la possibilité de discuter des pouvoirs de l’État, de l’exécutif, du ministre : pouvoir d’évocation, pouvoir de statuer, pouvoir de « reprendre la main » pour les affaires importantes en matière de concentration. Pour toutes celles et tous ceux qui, dans cet hémicycle, croient que la France peut encore trouver un chemin qui la conduira à mener une politique industrielle, comme c’est d’ailleurs le cas aux États-Unis, c’est un élément important.

Ces autorités indépendantes posent donc aussi des problèmes au pouvoir législatif.

À cet égard, il aurait tout de même été paradoxal que nous acceptions de nous dessaisir de l’essentiel de nos prérogatives au profit d’une ordonnance ! La réintégration du dispositif dans la loi nous permet de nous en saisir et signifie que nous pourrons déterminer quelles compétences seront attribuées à cette nouvelle autorité, c’est-à-dire décider quelle part de nos prérogatives nous consentons à lui abandonner, et aussi contrôler, dans une certaine mesure, la nomination de son président, comme ce fut le cas pour la Commission de régulation de l’énergie ou pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. En d’autres termes, c’est le signe que nous n’acceptons pas de renoncer à toutes nos prérogatives s’agissant des autorités administratives indépendantes.

En second lieu – et ce point me paraît fondamental –, on voit bien, depuis le début de la discussion, que, sur toutes les travées, nous nous échinons à élaborer des dispositifs pour cadrer les relations, actuellement très déséquilibrées, entre les entreprises de production et la grande distribution. Y parviendrons-nous ? Je ne sais pas ; ce que je sais, c’est que la réponse à ce déséquilibre ne peut qu’être structurelle et portera, notamment, sur la lutte contre les concentrations.

Le Conseil de la concurrence, dans son rapport paru la semaine dernière, se montre d’ailleurs sévère pour la grande distribution : celle-ci fait désormais figure de mauvaise élève, puisque c’est elle qui fait l’objet du plus grand nombre de décisions et d’avis du Conseil.

Si nous souhaitons remédier quelque peu à ce déséquilibre, il nous faut agir, je le répète, sur les structures, notamment sur les seuils de concentration.

Du reste, on a cité le rapport Hagelsteen, mais le rapport Canivet, plus ancien, n’a pas été évoqué. Or tous deux mettent bien en évidence que la libéralisation, par exemple en matière de conditions de discrimination et de négociabilité, doit s’accompagner de réformes de structures.

Le dispositif qui nous est présenté me paraît donc capital, et je remercie Élisabeth Lamure de proposer de l’inscrire dans la loi, ce qui nous permet maintenant d’en débattre.

Bien sûr, il faudra en renforcer certains éléments. Le Gouvernement s’attachera à conforter les pouvoirs d’investigation de l’autorité, et c’est une bonne chose. Pour ma part, je proposerai dans un instant de renforcer également le dispositif anti-concentrations, qui constitue un élément important, et d’établir clairement la responsabilité de l’exécutif, c’est-à-dire de l’État, du pouvoir régalien, en matière de politique industrielle et de décisions relatives aux concentrations.