compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Commission mixte paritaire

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

3

Dépôt de rapports en application de lois

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

M. le président du Sénat a également reçu de M. Bernard Tissot, président de la Commission nationale d’évaluation des recherches et études sur la gestion des matières et des déchets radioactifs, en application de l’article L. 542-3 du code de l’environnement, le rapport annuel pour 2007-2008 de cette commission.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Le premier sera transmis à la commission des lois et le second sera transmis à la commission des affaires économiques ainsi qu’à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ils seront tous deux disponibles au bureau de la distribution.

4

Organismes extraparlementaires

M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Comité national de lutte contre la fraude ainsi que d’un sénateur appelé à siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales et la commission des finances à présenter chacune une candidature pour le premier organisme, et la commission des finances à présenter une candidature pour le second.

La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

5

Souhaits de bienvenue à une délégation de sénateurs roumains

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation de sénateurs roumains, conduite par M. Aristide Roïbu, président du groupe d’amitié Roumanie-France.

Nous sommes particulièrement sensibles à l’intérêt et à la sympathie qu’ils portent à notre institution.

Cette délégation est accompagnée par notre éminent collègue M. Henri Revol, sénateur de Côte-d’Or, président de notre groupe d’amitié France-Roumanie.

Au nom du Sénat de la République, je leur souhaite la bienvenue et je forme des vœux pour que leur séjour en France contribue à renforcer les liens d’amitié entre nos pays. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

6

 
Dossier législatif : projet de loi relatif aux contrats de partenariat
Discussion générale (suite)

Contrats de partenariat

Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux contrats de partenariat
Exception d'irrecevabilité

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif aux contrats de partenariat (nos 425, 432).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voici donc réunis non pour discuter, comme hier soir, de la modernisation de notre économie, mais de la modernisation de nos équipements publics. En ce domaine, assurer le financement est un préalable indispensable. Dans cette optique, nous allons aborder la deuxième lecture du présent texte, relatif au partenariat public-privé, ou PPP, et aux conditions dans lesquelles les pouvoirs publics peuvent recourir à ce moyen de financement.

À l’heure où l’on exige de l’État une efficacité grandissante, les PPP lui permettent de confier à un même acteur privé la responsabilité d’assurer une prestation de service public du début à la fin, et même au-delà, quand il se voit confier la responsabilité de l’exploitation et de la gestion.

Il s’agit non pas d’une privatisation du service public, sous quelque forme que ce soit, mais plutôt d’une utilisation de l’ingéniosité et du savoir-faire du secteur privé au service du public. Ce qui est public, dans le service, ce ne sont pas les moyens utilisés, mais la fin recherchée, sinon l’expression « intérêt général » n’aurait pas grand sens.

L’intérêt général, c’est par exemple la réalisation de l’éclairage public de la ville de Rouen, en février 2007, l’informatisation des collèges d’Eure-et-Loir, en février 2007 également, ou encore la construction d’un troisième lot d’établissements pénitentiaires.

Bien sûr, les partenariats public-privé supposent un strict respect de la procédure, notamment en ce qui concerne l’évaluation préalable. Non seulement le projet de loi ne revient pas sur cette exigence, mais il la renforce, tout comme il renforce la transparence financière du contrat de partenariat.

Encore une fois, j’aimerais vous dire que les conditions de recours aux PPP doivent demeurer encadrées – ce fut d’ailleurs l’objet de longs débats dans cet hémicycle –, mais que devant l’urgence de certaines situations, trop longtemps ignorées, il est possible que l’exception devienne la règle… Pour nos hôpitaux, nos universités, nos centres de recherche, nous ne devons pas tergiverser : nous devons recourir à ces instruments innovants que constituent les PPP.

Les améliorations apportées par les deux assemblées au texte du Gouvernement me laissent espérer, compte tenu de la proximité des positions prises, son adoption définitive à la suite de notre discussion, qui, je le sais, sera fructueuse. Cela permettrait la mise en application rapide d’un projet attendu avec impatience, tant par les collectivités publiques que par leurs partenaires économiques.

Avec votre sagesse coutumière, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez largement contribué à améliorer le texte : vous avez étendu les possibilités, pour le partenaire privé, d’exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat ; vous avez rendu éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, les baux emphytéotiques administratifs conclus par les collectivités territoriales, au même titre que les contrats de partenariat – j’y reviendrai dans un instant ; vous avez étendu l’obligation de l’évaluation préalable aux autorisations d’occupation temporaire du domaine public comportant une option d’achat, les AOT-LOA, conclues par l’État ; vous avez encadré le recours à la cession de créance de droit commun pour les contrats de partenariat et les baux emphytéotiques hospitaliers, de sorte que la personne privée supporte toujours une part du risque.

Vos propositions ont été largement reprises par les députés lors de leur examen du projet de loi, le 26 juin dernier. Toutefois, ceux-ci ont apporté quelques précisions complémentaires, que je vais maintenant énumérer.

Ils ont prévu qu’une méthodologie type de l’évaluation préalable sera d’utilisation obligatoire.

Ils proposent le recensement et la centralisation des informations relatives aux contrats de partenariat, afin de mieux évaluer leur mise en œuvre.

La personne publique pourra verser une prime forfaitaire à une personne privée qui, spontanément, lui aurait communiqué une idée innovante à partir de laquelle aurait été engagée une procédure de mise en concurrence pour l’attribution d’un contrat de partenariat.

Le partenaire privé ne sera pas obligé de constituer un cautionnement si son prestataire n’en fait pas la demande, afin d’alléger le coût de ces procédures.

Le dispositif adopté par le Sénat pour autoriser le partenaire privé à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat a été étendu, en permettant au partenaire privé de valoriser non seulement la partie du domaine de la personne publique sur laquelle est édifié l’équipement à l’origine du contrat de partenariat, mais également une partie du domaine non adjacente à cet équipement.

Ne relevant ni du code des marchés publics ni de l’ordonnance du 6 juin 2005, les sociétés anonymes d’HLM et certains organismes de sécurité sociale ne pouvaient pas conclure de contrats de partenariat. L’Assemblée nationale a remédié à cette situation injustifiée en les rendant éligibles à ce type de contrats.

L’article 13 a été modifié pour permettre aux entités adjudicatrices non soumises au code des marchés publics de bénéficier de toutes les souplesses que leur offre le droit communautaire. La directive 2004/18/CE du 31 mars 2004 dispose en effet que les entités adjudicatrices, contrairement aux pouvoirs adjudicateurs, ont le libre choix, pour leurs marchés publics, de recourir à la procédure de l’appel d’offres ou à la procédure négociée, quel que soit le montant du contrat. La loi leur offre donc désormais cette possibilité pour les contrats de partenariat.

Le partenaire privé disposera également de la possibilité de lisser dans le temps les impôts dus au titre des cessions de créance. Ce souhait, qui avait été exprimé en particulier par Charles Guené, a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale, comme je m’y étais engagée lors de nos débats au Sénat.

J’aimerais conclure ce récapitulatif des améliorations apportées par les deux chambres du Parlement en évoquant deux points particuliers.

Il s’agit en premier lieu du mécanisme du FCTVA, applicable aux baux emphytéotiques administratifs, les BEA. Le Gouvernement était, vous vous en souvenez, réservé sur cette extension aux BEA, mais vous n’avez pas suivi cet avis.

L’Assemblée nationale propose une solution de compromis, en intégrant dans le projet un seuil au-dessous duquel les BEA seront éligibles au FCTVA et en renvoyant à un décret le soin de préciser ce seuil. Je vous indique d’ores et déjà que j’envisage de fixer ce seuil à un montant proche de 10 millions d’euros.

Il s’agit en second lieu du mécanisme spécifique de la cession de créance prévu dans le contrat de partenariat, parallèlement au dispositif de la cession de droit commun, dite « Dailly ». Vous aviez limité la possibilité de céder la créance à un plafond de 70 %. L’Assemblée nationale a rehaussé le seuil de cession de la créance de la personne publique envers le titulaire du contrat à 80 %. Ce niveau permet de donner, me semble-t-il, un bon équilibre juridique et financier à cette répartition.

Les différentes améliorations apportées par le Parlement à ce texte durant la première lecture permettent d’atteindre un équilibre satisfaisant entre la volonté de développer des contrats globaux et le souci de donner au contrat de partenariat un socle contractuel sécurisé.

Les contrats de partenariat, rénovés par ce projet de loi, constitueront un instrument de qualité, juste, équilibré, performant et respectueux de la bonne utilisation des deniers publics.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’un d’entre vous m’a demandé, la nuit dernière, ce que j’allais faire de ma journée d’aujourd’hui. Je lui ai répondu que je revenais devant vous cet après-midi pour la deuxième lecture d’un projet de loi relatif aux partenariats public-privé, les PPP. Il s’est alors exclamé : « C’est un peu comme le virus de la grippe, cela revient régulièrement, avec de légers changements ! » (Sourires.)

Certes, le régime des PPP sera, au terme de cette discussion, légèrement modifié, mais ce qui a surtout changé, c’est l’environnement, ce sont les demandes adressées à la puissance publique et la façon dont nous devons y répondre.

Compte tenu de la situation internationale, en particulier des phénomènes de rareté, nous devrons adapter tout à la fois le mode de gestion et le mode de financement d’un certain nombre d’équipements publics afin de les rendre compatibles avec les impératifs d’une croissance durable à laquelle nous sommes tous attachés. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux contrats de partenariat adopté par l’Assemblée nationale, en première lecture, le 26 juin 2008.

Créé par l’ordonnance du 17 juin 2004, le contrat de partenariat est venu compléter heureusement la panoplie des outils de la commande publique en France. Il s’agit, je le rappelle, d’un contrat administratif par lequel une personne publique confie à un tiers, pour une période déterminée, une mission globale relative au financement d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, à leur construction ou à leur transformation, ainsi qu’à leur entretien, à leur maintenance, à leur exploitation ou à leur gestion, et, le cas échéant, à d’autres prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée.

Il s’agit d’un dispositif résolument novateur et moderne, qu’un certain nombre de pays ont déjà adopté avec beaucoup de succès, l’approche globale allant dans le sens des préoccupations de développement durable qui s’imposent désormais à nous. Je rejoins là les propos que Mme la ministre a tenus à l’instant.

Cette approche contraint en effet le partenaire privé à concevoir puis à réaliser un équipement en se préoccupant dès le départ de ses coûts de fonctionnement et de son organisation fonctionnelle en général. Cela devrait éviter aux utilisateurs et à la personne publique donneur d’ordre de mauvaises surprises, comme on en a souvent connu lorsque les coûts d’utilisation n’avaient rien à voir avec ce qui était envisagé au départ : la personne publique, qui s’attendait à supporter un coût d’investissement, a dû ensuite assumer un coût de fonctionnement imprévu. Ce type de contrat nous met à l’abri de ces désagréments.

Depuis sa mise en place, ce mode de dévolution a été utilisé avec succès et efficacité tant par l’État que par les collectivités territoriales.

Le projet de loi tend à amplifier ce début prometteur, afin de répondre aux besoins en investissements publics de notre pays.

Le Sénat a, en première lecture, apporté un certain nombre de modifications, qui ont ensuite été reprises et complétées par l’Assemblée nationale. Il s’agit à mon sens de compléments heureux, que je vous proposerai d’approuver, mes chers collègues.

S’agissant des apports du Sénat en première lecture, celui-ci avait tout d’abord adopté quatre-vingt-sept amendements, dont quarante-trois émanaient de la commission des lois.

Il s’agissait de préciser les conditions de recours aux contrats de partenariat.

Nous avions souhaité faire référence à une situation imprévisible, et non pas imprévue, pour autoriser le caractère succinct de l’évaluation préalable, et ce afin d’éviter qu’une personne publique ne puisse invoquer une situation d’urgence lorsque cette dernière résulte en fait de son manque d’anticipation. C’est une modification qui est loin d’être simplement rédactionnelle.

Notre assemblée avait également encadré davantage la voie d’accès sectorielle au contrat de partenariat. Le projet de loi prévoyait initialement que, pour les secteurs définis comme prioritaires, et donc réputés remplir la condition de l’urgence, les contrats pouvaient être passés, sauf s’il résultait de l’évaluation préalable que le recours au contrat de partenariat n’était pas manifestement approprié. Le Sénat a supprimé le mot « manifestement », afin de prévoir la possibilité de conclure un contrat de partenariat dès lors que l’évaluation préalable n’est pas défavorable.

Par ailleurs, nous avions étendu les possibilités, pour le partenaire privé, d’exploiter le domaine privé de la personne publique au-delà de la durée du contrat de partenariat. Cela devait être précisé.

Nous avions en outre encadré le recours à la cession de créance de droit commun, en renonçant à une cession de créance spécifique qui, clairement, n’avait pas la préférence des professionnels.

Enfin, nous avions supprimé l’autorisation de dispense d’assurance dommages ouvrage.

De leur côté, la commission des finances et celle des affaires économiques, saisies pour avis, avaient également enrichi le texte, en particulier par deux dispositifs majeurs.

En premier lieu, il s’agissait de rendre éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée les baux emphytéotiques administratifs conclus par les collectivités territoriales, au même titre que les contrats de partenariat, et ce dans un souci de neutralité fiscale entre ces dispositifs et les contrats de partenariat.

En second lieu, il s’agissait de rendre obligatoire l’évaluation préalable pour les autorisations d’occupation temporaire du domaine public comportant une option d’achat conclues par l’État, les AOT-LOA.

Au cours de sa séance du 26 juin 2008, l’Assemblée nationale a examiné en première lecture le projet de loi adopté par le Sénat. Les députés ont adopté soixante-quatorze amendements, qui apportent un certain nombre de précisions utiles.

Ces amendements ont précisé le dispositif que nous avions adopté tendant à autoriser le partenaire privé à exploiter le domaine privé au-delà de la durée du contrat de partenariat : d’une part, en permettant au partenaire privé de valoriser non seulement la partie du domaine de la personne publique sur laquelle est édifié l’ouvrage ou l’équipement à l’origine du contrat de partenariat, mais également une partie du domaine de la personne publique éventuellement non adjacente à l’ouvrage ou l’équipement ; d’autre part, en prévoyant l’obligation, pour la personne publique, de formuler un accord exprès et spécifique pour chacun des baux consentis sur le domaine privé au titulaire du contrat de partenariat, afin d’éviter qu’un accord puisse être donné collectivement.

Ces amendements ont également précisé le régime d’entrée en vigueur de la loi, en limitant son application aux contrats en cours aux seules dispositions fiscales, les autres dispositions ne s’appliquant qu’aux contrats dont l’avis d’appel public à la concurrence est publié après la publication de la loi.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a souhaité aménager trois dispositions majeures introduites par le Sénat en première lecture.

La première de ces dispositions visait à rendre éligibles au FCTVA les seuls BEA de faible montant. À cet égard, le décret qui sera pris par le Gouvernement et dont Mme la ministre nous a précisé la teneur future voilà un instant sera d’une grande importance.

La deuxième disposition tendait à élargir les possibilités de cession de créance sans aboutir à une cession à 100 %, qui nous paraissait déresponsabiliser le partenaire privé.

L’Assemblée nationale a porté le plafond de 70 % à 80%. Ce pourcentage me semble tout à fait convenable, et nous ne pouvons qu’approuver une telle rectification, qui maintient un partage des risques, comme nous le souhaitions.

Enfin, l’Assemblée nationale a souhaité réserver l’obligation d’assurance dommages ouvrage aux seuls contrats de partenariat conclus par les collectivités territoriales. Cette position tient compte du coût de cette assurance.

Cela permet, pour des contrats qui peuvent être de faible ampleur, d’éviter les distorsions de concurrence entre les majors et les PME. Les unes et les autres seront obligées de conclure une assurance dommages ouvrage et se trouveront donc placées sur un pied d’égalité.

Avoir supprimé cette obligation pour les contrats de partenariat conclus par l’État me paraît tout à fait cohérent avec la position que nous avions adoptée en première lecture.

Dans ces conditions, la commission des lois vous propose d’adopter sans modification le présent projet de loi en deuxième lecture. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les contrats de partenariat existent, le dispositif figure déjà dans la loi et toute collectivité, ainsi que l’État, peut y avoir recours.

Dans ce cas, pourquoi faut-il un nouveau projet de loi sur ce sujet ? Telle est la question que nous ne cessons de poser et à laquelle nous n’avons toujours pas obtenu de réponse, ce qui est assez singulier.

À notre sens, l’objet de ce texte n’est pas énoncé explicitement, mais est à ce point manifeste qu’il finit par apparaître à la lecture du compte rendu des débats qui ont eu lieu au Sénat et à l’Assemblée nationale !

Disons-le donc clairement : l’objet de ce projet de loi est de généraliser le recours aux contrats de partenariat.

Notre position est la suivante : il est bon que de tels outils puissent exister pour des circonstances exceptionnelles, mais il n’est pas opportun que leur utilisation soit généralisée et devienne, en quelque sorte, le droit commun de la commande publique.

C’est là un point de désaccord profond entre nous, madame la ministre.

À nos yeux, la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003 est très importante. Lors d’une réunion de commission préalable à la première lecture, je vous avais demandé, madame la ministre, ce que vous en pensiez ; vous l’aviez alors qualifiée d’« admirable ».

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Vous l’aviez fait avec un sourire aussi beau et aussi large qu’aujourd’hui ! (Sourires.)

Toutefois, peut-être n’en pensez-vous pas moins ! En effet, si cette décision était aussi « admirable » que vous le prétendez, nous pourrions tout de suite arrêter de débattre du présent texte, et le considérer comme superfétatoire.

En vérité, ce projet de loi se heurte, vous le savez bien, à de très lourds arguments. J’en aborderai quatre.

Le premier argument relève du domaine juridique.

Dès lors que, par sa décision du 26 juin 2003, le Conseil constitutionnel a considéré que la généralisation du dispositif des contrats de partenariat était « susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique », il est clair que, si vous généralisez et banalisez le dispositif, vous vous mettez en contradiction avec cette décision que vous jugez pourtant « admirable » !

M. Pierre-Yves Collombat, dans sa présentation d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, développera particulièrement cet aspect.

Par ailleurs, vous savez que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à l’ensemble des autorités publiques. En conséquence, je vois mal comment il serait possible de s’opposer, au moyen d’un projet de loi, à une telle décision.

Certes, madame la ministre, deux dispositifs visant à contourner cette décision figurent à l’article 2 du présent texte.

Le Conseil constitutionnel a explicitement prévu deux circonstances justifiant le recours aux contrats de partenariat : l’urgence et la complexité. Je pense qu’il est bon que ces deux circonstances existent et soient inscrites avec précision dans la loi. Le problème vient de ce que vous leur en adjoignez deux autres.

En premier lieu, vous prévoyez qu’un contrat de partenariat pourra être conclu s’il apparaît « plus avantageux » d’y recourir.

M. Éric Doligé. C’est logique !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais que signifie concrètement « plus avantageux » ? Qui va juger que conclure un contrat de partenariat est plus avantageux ? En vérité, n’importe qui pouvant décider à n’importe quel moment qu’il est plus avantageux d’avoir recours à un contrat de partenariat, la formulation proposée reste d’une totale généralité.

Cela signifie, par conséquent, qu’il suffira de trouver quelqu’un qui soit prêt à déclarer qu’ils sont plus avantageux pour avoir recours à l’envi aux contrats de partenariat. Il y a là quelque chose de vague et de flou qui est, en définitive, tout à fait attentatoire à la logique même de la décision du Conseil constitutionnel.

En second lieu, et plus fort encore, vous opérez ce que j’appellerai – permettez-moi l’expression – un tour de passe-passe. Sans doute vous êtes-vous dit qu’il manquait encore un petit quelque chose !

Vous nous proposez ainsi de faire une loi dans laquelle on déclarerait que, jusqu’en 2012, présente un « caractère d’urgence » tout ce qui relève de la sécurité – et qui dira que la sécurité n’est pas urgente ? –, mais aussi de la justice, de la politique de la ville – et, par extension, de l’urbanisme –, de l’environnement – donc nécessairement du développement durable – des transports, etc. Bref, tout est urgent !

Voilà qui est tout de même un peu désobligeant pour le Conseil constitutionnel ! Celui-ci déclare-t-il qu’il faut que la réalisation du projet soit urgente pour donner lieu à un PPP, vous lui répondez en quelque sorte : « Eh bien nous, nous allons déclarer que tout est urgent ! Et, dès lors, la décision du Conseil constitutionnel sera satisfaite ! »

Tout le monde voit bien, en réalité, qu’il y a là quelque chose qui ne va pas.

Le deuxième argument que je souhaite développer tient au fait que la généralisation des PPP porte atteinte à la concurrence.

Sur ce point, je trouve d’ailleurs très étrange qu’un certain nombre de « libéraux » de ma connaissance considèrent les PPP comme une excellente chose, alors qu’il est pourtant très facile de démontrer qu’ils réduisent le champ de la concurrence.

En effet, lorsque l’État, ou une collectivité territoriale, construit un équipement en ayant recours à un PPP, il se trouve dans l’obligation de choisir en bloc une entité qui va assurer aussi bien la conception que la réalisation, la construction – quel que soit le corps d’état concerné –, le financement, l’exploitation, l’entretien et la maintenance.

En un sens, cela peut paraître commode, puisqu’une même entité se charge de tout ! Mais le nombre de ces entités capables de tout faire est assez réduit, ce qui aura pour conséquence de mettre en concurrence uniquement les grands groupes. (MM. Éric Doligé et Charles Guené manifestent leur scepticisme.) On prive ainsi tous les autres opérateurs potentiels du droit à la concurrence car, avec un tel système, il est évident que c’est aussi le grand groupe qui va choisir, par exemple, l’architecte.

M. Éric Doligé. Et alors ?

M. Jean-Pierre Sueur. De nombreux architectes – il en est, je le sais, qui nous écoutent – se sont émus auprès de nous de l’atteinte portée par ce projet de loi à la spécificité de leur métier, car si c’est le grand groupe ou son responsable qui choisit lui-même l’architecte, cela change tout, sauf si l’on décide d’organiser préalablement un concours pour sélectionner l’architecte.

Nous avons d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, mais je crains qu’il ne soit repoussé, comme tous les autres, puisque je crois avoir compris que la religion du vote conforme inspirerait une fois de plus aujourd’hui la Haute Assemblée…

L’architecte fait ainsi partie du « paquet cadeau », au même titre que toutes les entreprises amenées à intervenir. Le grand groupe, par sa décision souveraine, pourra bien avoir l’intelligence, dans tel ou tel département, de choisir des entreprises ou des architectes locaux de grande qualité, mais là n’est pas la question : ce qui est en cause, c’est le droit souverain, pour tout architecte, pour toute entreprise, pour tout artisan du bâtiment, de pouvoir présenter sa candidature, comme c’est le cas dans tout appel d’offres pour un marché public classique.

Il n’y aura pas davantage de concurrence entre les banques, ce qui serait pourtant tout à fait possible, ou entre les entreprises susceptibles d’assurer l’exploitation, la maintenance et l’entretien de l’équipement.

Le choix d’une entité unique se fait donc naturellement au détriment du droit d’accès à la commande publique des architectes, des PME et des entreprises de second œuvre. Vous avez d’ailleurs certainement pris connaissance, madame la ministre, des déclarations du SNSO, le Syndicat national des entreprises de second œuvre du bâtiment, mais aussi de celles des artisans et des PME du bâtiment et de l’Ordre des architectes. Tous ces professionnels s’émeuvent à juste titre.

Au vu de cette atteinte manifeste au droit à la concurrence, d’ailleurs prédite par le Conseil constitutionnel, on ne comprend pas pourquoi vous souhaitez procéder à une telle généralisation des contrats de partenariat. Tant qu’il s’agit d’exceptions, on peut accepter la réduction du droit à la concurrence, mais, dès lors que ces contrats sont généralisés, cela devient injustifiable.

Mon troisième argument porte sur la possibilité de l’évaluation préalable. Vous apportez sur ce point à nos objections, madame la ministre, une réponse que je crois fausse, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Vous nous dites en effet, avec d’autres, qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter puisque des évaluations interviendront.

J’observe, tout d’abord, une différence selon qu’il s’agit de l’État ou des collectivités locales. En effet, l’évaluation préalable doit être faite, dans le cas de l’État, par un organisme expert, en l’espèce la fameuse mission d’appui aux partenariats public-privé, dirigée par M. de Saint-Pulgent, que nous connaissons bien et dont les compétences en la matière sont reconnues.

En revanche – et cela ne laisse pas de m’étonner –, dans le cas des collectivités locales, il n’est absolument pas nécessaire que l’entité chargée de l’évaluation présente un quelconque critère de compétence !

On nous explique que cette différence serait une conséquence du principe d’autonomie des collectivités locales. Je n’en crois rien : la loi peut tout à fait fixer des règles en la matière. En vertu de quoi existerait-il, d’un côté, des règles d’une grande rigueur mises en œuvre par les architectes des bâtiments de France pour les centres-villes – mais pas toujours, curieusement, pour les entrées de ville, nous en avons débattu la nuit dernière ! –, et, de l’autre, une absence complète de garanties ?

Mais cette question est subsidiaire par rapport au second point que je souhaitais aborder à ce sujet.

Le vrai problème réside dans le fait que, quelle que soit la qualité de l’organisme, il est impossible de procéder à l’évaluation préalable. Il en va d’ailleurs de même pour la démonstration demandée.

La raison en est simple : au moment où vous décidez de choisir entre un PPP ou un marché public classique, vous ne savez pas qui se portera candidat pour le PPP, quelle sera l’offre présentée et à quel prix. Bref, vous ne savez rien !

Vous n’en savez d’ailleurs pas plus dans le cas où vous optez pour un marché public classique, puisque vous ignorez quelles seront les entreprises qui répondront et quel prix elles proposeront.

Autrement dit, d’un côté comme de l’autre, vous êtes dans l’inconnu, et malgré cela vous devez « évaluer » !

Par conséquent, lorsque vous prétendez que la grande garantie que vous apportez réside dans l’évaluation, vous ne pouvez pas être sérieuse ! Personne n’y croit, et vous pas plus que nous.