M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur Doligé, vous avez la mémoire très courte !

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, un ancien président du Sénat a parlé de forfaiture. Cela ne l’a pas empêché de rester président du Sénat.

Un autre sénateur a parlé de coup d’État permanent. Cela ne l’a pas empêché de devenir Président de la République !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est autre chose !

M. Jean-Pierre Sueur. Je demande tout simplement que le respect soit respecté, si vous me passez cette formule tautologique, c'est-à-dire que l’on ne pousse pas des cris d’orfraie parce que nous usons du droit qui est le nôtre de nous exprimer sur les propos de l’ensemble de nos concitoyens, y compris du Président de la République !

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

au moins trois cinquièmes

par les mots :

la majorité simple

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement concerne le droit de veto contre les nominations du Président de la République.

La mise en place d’un contrôle parlementaire sur les nominations doit permettre une véritable prise en compte de l’opposition. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du présent projet de révision constitutionnelle.

Or exiger que la commission compétente émette un avis négatif à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour pouvoir refuser une nomination souhaitée par le Président de la République revient à museler l’opposition.

Dans les faits, celle-ci n’aura aucun pouvoir pour peser sur les nominations. En réalité, le droit de veto ainsi créé est inapplicable.

L’idéal aurait été d’imposer le principe d’un vote positif à la majorité des trois cinquièmes.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est évident !

Mme Alima Boumediene-Thiery. À défaut, il aurait au moins fallu fixer un vote négatif à la majorité, voire à la minorité de blocage des deux cinquièmes des suffrages exprimés. C’est d’ailleurs ce que j’ai proposé au travers d’un autre amendement.

En l’état, une telle disposition ne servira à rien. En réalité, le contrôle exercé sera une chimère, car il sera tout simplement impossible d’obtenir une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à une nomination.

De deux choses l’une : soit on introduit des dispositions cosmétiques, qui n’ont pas beaucoup d’effet, soit on prend réellement en compte les droits de l’opposition.

C’est la raison pour laquelle je souhaite la suppression des mots « des trois cinquièmes» au profit d’un système de veto à la majorité simple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements, mais pour des raisons tout aussi diverses que les amendements eux-mêmes.

Nous sommes opposés à la mise en place d’un avis conforme. Instaurer une commission unique spécialisée risquerait d’entraîner une très forte politisation des nominations.

Une approbation à la majorité des trois cinquièmes risquerait de rendre très difficiles les nominations et de paralyser les institutions concernées, ce qu’a bien compris Mme Boumediene-Thiery comme en témoigne son amendement, même si j’y suis défavorable.

Un avis négatif, même consultatif, aura certainement un effet dissuasif. Ce n’est pas la peine de préciser « à la majorité ». Cependant, vous avez réfléchi sur ce sujet mieux que certains de vos collègues, madame Boumediene-Thiery !

Quant à l’amendement n° 98, il est heureux que l’on se rende compte aujourd'hui sur les travées du groupe socialiste que l’article 4 « donne moins de poids aux sénateurs qu’une commission mixte paritaire puisque ces derniers sont moins nombreux que les députés ». C’est bien ce que nous avions remarqué !

Comme les députés voulaient maintenir la réunion de deux commissions, nous avons fini par nous dire qu’il valait mieux que chaque assemblée donne son avis. Nous avons d’ailleurs une expérience en la matière avec le contrôleur général des lieux de privation de liberté.

C’est un bon exemple, et j’espère qu’il sera suivi de beaucoup d’autres.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais c’était un vote positif, ce n’était pas un veto !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’était un avis positif et le Sénat a été unanime.

Mais l’avis négatif, de toute façon, rendra très difficile la nomination d’une personnalité. C’est là, j’en suis sûr, que réside le vrai pouvoir du Parlement.

La commission est donc défavorable, comme en première lecture, à ces trois amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous souhaitons encadrer le pouvoir de nomination du Président de la République – il s’agit tout de même d’une avancée réelle –, mais nous ne souhaitons pas le transférer au Parlement, au risque de déséquilibrer la Constitution de la Ve République.

Or, quelle que soit la solution ici proposée - majorité simple ou une approbation par les commissions parlementaires –, cela revient à transférer au Parlement le pouvoir de nomination du Président de la République, ce que nous ne souhaitons pas.

Encore une fois, nous souhaitons encadrer, mais non transférer !

Soumettre l’ensemble des nominations aux avis de la commission n’a pas de sens, notamment pour les emplois de l’administration – je pense aux directeurs des administrations centrales, aux préfets, aux recteurs.

C’est un lien entre l’administration et l’exécutif, et nous ne souhaitons pas soumettre ces nominations aux avis des commissions.

M. Jean-Pierre Sueur. Nous non plus !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.

M. David Assouline. Je veux prolonger les propos de M. Sueur et faire une mise au point.

En première lecture, certains ont déjà essayé de faire pression sur les orateurs de l’opposition à propos de la même question. Ce n’est donc pas un fait isolé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout !

M. David Assouline. Si l’on ne peut pas parler d’ « agitation médiatique » dans cet hémicycle au sujet du Président de la République …

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas dit ça !

M. David Assouline. Mme la ministre nous a repris sur ce point !

Pourtant, on se tait, voire on participe, quand, quotidiennement, depuis une dizaine de jours, le Premier ministre, plusieurs ministres en exercice, le porte-parole de l’UMP, n’hésitent pas, pour caractériser une responsable de l’opposition, candidate à la présidentielle, de parler de poubelle, d’égout, invoquant une cellule d’aide psychologique, disant qu’elle a perdu la tête. Il y a donc bien deux poids, deux mesures !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un Président de la République !

M. David Assouline. Pour notre part, nous continuerons à ne jamais verser dans ce type d’insultes. Nous nous en tiendrons à des caractérisations politiques claires et parfois dures, sans jamais tomber dans l’injure !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je suis véritablement honteux de la position de la commission des lois et du Gouvernement.

L’idée était intéressante de requérir, pour certaines nominations, un avis conforme d’une majorité qualifiée du Parlement, peu importe selon quelle modalité, qu’il s’agisse d’une commission mixte paritaire ou non.

Le principe était le suivant : le Parlement donne son accord à la majorité des trois cinquièmes.

Voilà que le Gouvernement a retourné la mesure et affirme qu’il faut une majorité dans le sens contraire. Cela n’est véritablement pas acceptable. C’est se moquer du monde !

J’insiste pour dire que nous avons honte de voir le Gouvernement faire cette proposition et les commissions du Parlement l’accepter. Il faut véritablement que nous arrivions à convaincre l’opinion publique que c’est se moquer du monde. Nous ne sommes plus dans une démocratie si l’on peut faire de telles propositions !

En commission, nous avions demandé un vote sur l’amendement n° 98. Il a été rejeté à dix-neuf voix contre seize !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, il a eu treize voix pour !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment, non ? Je l’ai noté et j’ai le document sous les yeux, avec cette différence que, comme d’habitude, les membres de la majorité présidentielle de la commission disposaient chacun d’un pouvoir, alors que nous, nous n’en avions pas !

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Si !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. À la vérité, notre amendement aurait dû être adopté en commission.

Quoi qu’il en soit, nous continuons à soutenir l’idée que la commission doit statuer à la majorité des trois cinquièmes s’agissant des nominations dont il est question.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Chers collègues de la majorité sénatoriale et des groupes qui n’appartiennent pas à la majorité, mais qui votent comme elle, vous allez accepter que le Président de la République puisse nommer qui il voudra, à condition que 40 % de sa majorité le soutiennent.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est ce que cela signifie, 40 % des voix !

Vous allez également accepter que, finalement, dans cette affaire, le Sénat ait un rôle subalterne. Vu que nous sommes moins nombreux que les députés, cette façon de comptabiliser les voix fera que nous pèserons moins.

Avec 40 % des voix, le Président de la République pourra faire ce que bon lui semblera : pour une modernisation, c’est une sacrée modernisation !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Article 4
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Article additionnel après l'article 7

Article 6

L'article 17 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 17. - Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 99, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Cet amendement concerne l’article 17 de la Constitution et le droit de grâce. Il avait été adopté en première lecture par notre assemblée. Je ne fais donc que reprendre la position qui avait été celle du Sénat, laquelle n’était d’ailleurs pas initialement la position du groupe socialiste !

Je rappelle que cet amendement avait été adopté contre l’avis de la commission des lois et contre celui du Gouvernement, et que nous nous étions ralliés à l’argumentation et au libellé de M. Nicolas Alfonsi.

Sur le problème du droit de grâce, et sans refaire la discussion, je ferai simplement quelques remarques.

Que l’actuel président de la République n’utilise pas le droit de grâce collective, on ne saurait le lui reprocher. Le droit de grâce est par définition exorbitant, c’est un privilège dont nous connaissons l’histoire et qui est aujourd’hui entre les mains du chef de l’État. Celui-ci peut donc en faire l’usage qu’il souhaite et accorder des grâces individuelles comme des grâces collectives.

L’argument présenté nous semblait ô combien judicieux : en quoi est-ce moderniser les institutions que de priver les successeurs de l’actuel Président de la République - même si cela doit vous bouleverser ou vous décevoir, je pense en effet qu’il aura des successeurs - du droit de grâce collective ou d’obliger à une nouvelle révision de la Constitution pour le rétablir ? Vouloir conditionner le sort de ses successeurs, n’est-ce pas là l’expression d’une attitude très dominante, pour dire le moins ?

Or comment être certains que nous n’aurons pas besoin, ultérieurement, dans d’autres circonstances, de recourir à ce droit de grâce collective ? Qu’est-ce qui nous garantit aujourd’hui que, pour l’unité de la Nation, ce ne sera pas à un moment nécessaire ?

Et je ne parle par là, madame le garde des sceaux, de la politique carcérale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Heureusement !

M. Bernard Frimat. Je laisse ce problème de côté et je me contente de reprendre l’argumentation à laquelle nous étions nombreux à avoir souscrit à l’issue de notre débat, puisque cet amendement avait été adopté à une très large majorité.

Je souhaite donc que, sur ce point, le Sénat revienne à la position qui était initialement la sienne. Je n’ai en effet trouvé aucun argument qui puisse me convaincre de revenir aux seules grâces individuelles et donc de priver les Présidents de la République futurs d’une possibilité qu’il peut être utile de préserver dans l’intérêt de tous.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 17 de la Constitution par les mots et une phrase ainsi rédigée :

après avis des bureaux du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil supérieur de la magistrature. Sa décision est contresignée par le Premier ministre et le garde des sceaux.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait la suppression des grâces collectives, comme cela vient d’être dit, les grâces individuelles étant soumises à l’avis préalable d’une commission dont la composition était renvoyée à une loi ultérieure.

En supprimant l’article 6, la majorité de notre assemblée, qui paraît avoir changé d’avis, revenait à la rédaction de l’article 17 de la Constitution.

L’Assemblée nationale a réintroduit la grâce individuelle, mais elle refuse la commission. Nous sommes, quant à nous, assez favorables dans le principe à l’abandon des grâces collectives, pouvoir personnel du Président de la République et moyen détourné de désengorger les prisons.

D’ailleurs, la suppression brutale de cette tradition en juillet 2007 a mis en évidence la situation de nos prisons pléthoriques, qui perdure en 2008, puisque les mêmes causes produisent les mêmes effets et que la loi pénitentiaire est comme l’Arlésienne : on en parle beaucoup, mais on ne la voit pas !

Par cet amendement, nous voulons donc encadrer le pouvoir conféré au Président de la République de prononcer une grâce, en l’occurrence individuelle. Il ne pourrait le faire qu’après avoir pris l’avis des bureaux du Sénat, de l’Assemblée nationale et du CSM.

Vous nous avez reproché, monsieur le rapporteur, madame le garde des sceaux, la lourdeur de cette procédure. Nous entendons cet argument. Toutefois, le droit de grâce ne peut évidemment être qu’un ultime recours. C’est précisément pour éviter toute dérive que nous voulons l’encadrer avec l’intervention d’une commission dont la composition doit, à l’évidence, être prévue d’avance et garantir sa nature juridique.

Je vous rappelle que le CSM était consulté sur les recours en grâce des condamnés à mort, donc bien avant la révision constitutionnelle de 1993. On n’en est plus là, fort heureusement. La suppression de la peine de mort n’a pas empêché le comité Balladur de proposer que le Président de la République soit assisté d’une commission et il me paraît logique de prévoir la consultation du CSM puisqu’il s’agit, sur le fond, de revenir sur une peine fixée par décision de justice.

J’ajoute que notre rapporteur, en première lecture, avait insisté sur le fait que l’avis d’une commission « permettra d’éclairer sa décision » - celle du Président de la République - de façon plus collégiale que ne le fait aujourd’hui un chef du bureau des grâces de la Chancellerie ». Aujourd’hui, tout cela est devenu inutile, ce qui est assez regrettable.

Concernant les grâces collectives, il me semble que vous pourriez être plus pertinents sur le sujet si l’on ne se trouvait pas effectivement dans l’obligation de désengorger les prisons. Cette mesure totalement arbitraire a quand même le mérite d’empêcher que les prisons n’explosent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Tout d’abord, il faut quand même rappeler que la commission de lois, en première lecture, avait proposé la suppression des grâces collectives.

Ensuite, il est vrai que le Sénat a décidé de laisser en l’état le dispositif des grâces, tant individuelles que collectives. Mais le débat a continué, ce qui est bien normal. Nous avions souhaité la suppression des grâces collectives, l’Assemblée nationale l’a fait.

Dans le texte qu’elle nous a transmis, seules demeurent les grâces individuelles, qui paraissent à tous indispensables. Personne ne veut supprimer les grâces individuelles, on le sait très bien. Dans certains cas, le Président de la République peut, comme l’y autorise sa fonction, accorder le pardon pour diverses raisons.

En revanche, il n’est pas apparu indispensable de faire figurer dans la Constitution la commission envisagée. Rien n’interdira d’ailleurs de créer une commission ad hoc, mais peut-être n’est-il pas nécessaire de tout inscrire dans la Constitution, comme on a trop tendance à le faire. Nos collègues de l’opposition proposent d’ailleurs régulièrement d’y faire figurer des dispositions qui n’ont pas lieu d’y être.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a donc une certaine cohérence dans notre démarche, monsieur Frimat. C’est pourquoi nous proposons de nous en tenir au texte voté par l’Assemblée nationale en donnant un avis défavorable aux amendements nos 99 et 41.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement avait prévu de supprimer les grâces collectives et d’instituer une commission. À la suite du débat qui a eu lieu au Sénat puis à l’Assemblée nationale, les grâces collectives ont été supprimées et la commission ne figure plus dans la Constitution.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 99.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout d’abord, s’agissant des grâces collectives, je souligne que l’on peut en avoir besoin. Je rappellerai le combat de Victor Hugo pour obtenir la grâce des condamnés, après la Commune. Ce qui s’est passé hier peut se reproduire demain.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La grâce collective peut être une somme de grâces individuelles !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut d’autant plus avoir besoin de grâces collectives que les prisons sont, comme vous le savez, surchargées. De temps en temps, une grâce collective peut contribuer à rendre la vie dans les prisons plus supportable.

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Il y a les lois d’amnistie !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quant au droit de grâce individuelle, nous savons tous qu’il peut être absolument nécessaire, quel que soit le Président de la République. Cela peut permettre de régler des problèmes particuliers. En tant qu’avocat j’ai fréquemment demandé et obtenu des mesures de grâce qui permettaient, par exemple, que ne soit pas renvoyée dans son pays d’origine une personne qui avait passé presque toute sa vie en France, et qui, ainsi, a pu continuer à y vivre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 41.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il arrive que nous ne soyons pas d’accord avec nos amis du groupe CRC ; c’est le cas en ce qui concerne cet amendement. Nous ne le voterons donc pas.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article 9

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 100, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa de l'article 23 de la Constitution, le mot : « parlementaire » est remplacé par le mot : « électif ».

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Cet amendement portant article additionnel vise à interdire le cumul de la fonction ministérielle avec tout mandat électif.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est hors sujet !

M. Richard Yung. Dans la proposition n° 18 du comité Balladur, il est écrit : « rien ne justifie […] qu’un ministre ne se consacre pas exclusivement à sa tâche ».

Dans sa lettre de mission au Premier ministre, le chef de l’État se dit favorable à cette proposition, qui vise à interdire le « cumul d’une fonction ministérielle avec tout mandat électif, à tout le moins avec tout mandat exécutif. »

Plus récemment, Mme le garde des sceaux a déclaré : « Le Gouvernement n’est pas favorable à l’interdiction pure et simple. Distinguer selon la taille des communes ne lui paraît pas plus pertinent. Les maires des petites communes sont très sollicités : ils ne peuvent s’appuyer, comme les maires des grandes villes, sur une administration ».

Conclusion ? On ne fait rien et l’on se retranche derrière le choix des électeurs !

Jacques Chirac, qui fut pourtant un grand artiste en matière de cumul – il a, je crois, cumulé tout ce qu’il était possible de cumuler -…

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Non, d’autres ont fait mieux !

M. Richard Yung. Me tromperai-je ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’était pas le seul, c’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mauroy, Defferre…

Mme Éliane Assassi. On pourrait en citer d’autres !

M. Josselin de Rohan. M. Chirac est un ancien Président de la République ; M. Hollande, lui, est député, et il cumule !

M. le président. Monsieur Yung, veuillez poursuivre.

M. Richard Yung. Les fautes des uns ne justifient pas celles des autres !

Jacques Chirac avait imposé, après sa réélection, en 2002, la même règle que Lionel Jospin à ses ministres en leur demandant de se défaire de leurs mandats exécutifs locaux : quatorze membres du Gouvernement sur vingt-neuf avaient dû obtempérer.

Revenu au Gouvernement en 2005, Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs refusé d’abandonner la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine. Sa propre pratique ne l’y incitant guère, devenu Président de la République, il ne demandera pas à ses nouveaux ministres de renoncer à leurs mandats locaux. Une fois élu, l’un de ses premiers actes politiques a été d’encourager les ministres à conserver leurs fonctions exécutives locales : en mars 2008, vingt et un ministres se sont présentés, dont onze comme têtes de liste, donc fortement engagés dans la bataille électorale.

L'amendement proposé interdit donc le cumul des fonctions de ministre avec toute fonction élective. Inscrire dans la Constitution cette interdiction est non seulement une évidence mais même une urgence, compte tenu des responsabilités qui pèsent sur les élus locaux du fait du développement croissant de la décentralisation.

Aujourd'hui, l'incompatibilité qui interdit le cumul des fonctions de ministre avec le mandat de député et de sénateur devrait être élargie à tous les mandats électifs. Les responsabilités exercées au niveau local sont en effet devenues, par leur poids, tout à fait comparables à celles des mandats parlementaires.

Comme l'a souligné Robert Badinter : « Quand on est ministre de la République, ce qui est un grand honneur, les citoyens considèrent avec raison que l'on doit tout son temps au Gouvernement de la France et que l'on ne peut se consacrer, en même temps, à telle ou telle fraction du territoire national. »

Cette interdiction vaudrait d'autant plus que le présent projet de loi réclamera – cela fait partie des objectifs affichés - une présence accrue des ministres au Parlement, lesquels ministres seront donc beaucoup plus souvent avec nous pour répondre à nos questions !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette question a déjà été évoquée en première lecture, avec un avis défavorable que nous maintenons.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avis défavorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement n'est pas adopté.)