M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous souhaitons que les critères de légitimité soient adoptés au plus près du terrain. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 110.

M. Jean Desessard. Monsieur Amoudry, je souhaite que vous m’apportiez une précision sur l’amendement n° 110.

Je n’ai pas très bien ce que vous proposez de remplacer. S'agit-il du critère n° 6, c'est-à-dire « ° L’influence, notamment caractérisée par l’activité et l’expérience » ou le critère n°5° « L’audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L.  2122-6 et L. 2122-8 ; » ?

M. le président. Ce débat aurait dû avoir lieu en commission, monsieur Desessard !

M. Jean Desessard. On a le droit d’être idiot, même lorsque l’on siège au Sénat, monsieur le président ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Oui, nous devons représenter l’ensemble de la population ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. En fait, notre collègue souhaite modifier le cinquième critère de représentativité, qui est le suivant : « L’audience établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, L. 2122-5, L.  2122-6 et L. 2122-8 ; ».

Pour notre part, si nous sommes plutôt favorables au choix des élections prud’homales, nous ne pouvons pas nier que la référence à ces élections dénaturerait la position commune.

Devant cette difficulté, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. le président. Dans ces conditions, l’amendement n° 110 est-il maintenu, monsieur Amoudry ?

M. Jean-Paul Amoudry. Après avoir entendu les explications de M. le ministre et de M. Godefroy, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 110 est retiré.

M. Jean Desessard. J’étais prêt à voter pour !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 194, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail :

« 6°L'influence, caractérisée par l'activité, l'expérience et l'implantation géographique ou professionnelle du syndicat ;

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Voilà un amendement qui trouvera sans doute grâce aux yeux de la majorité sénatoriale, puisqu’il vise à supprimer l’adverbe « notamment », qui courrouce tant les sénateurs et sénatrices siégeant sur les travées de l’UMP, et plus particulièrement M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

Mme Annie David. Il y voit, disait-il lors du débat sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail, « le moyen de dresser un inventaire à la Prévert ». Selon lui, le législateur, en ayant recours à cet adverbe, aurait pour objectif d’enrichir la jurisprudence, qui pourrait ainsi prévoir des cas que lui-même aurait oubliés.

Or la rédaction actuelle de ce projet de loi prévoit que l’influence est « notamment caractérisée par l’activité et l’expérience ». La position commune indique pourtant : « L’influence est caractérisée par l’activité, l’expérience et l’implantation géographique et professionnelle du syndicat ». La formule de la position commune est à la fois plus précise, plus complète et, surtout, elle n’utilise pas l’adverbe « notamment », ce qui permettra sans doute d’éviter l’émergence de contentieux sur ce sujet.

C’est donc un amendement très simple, qui devrait trouver un écho favorable au sein du Sénat.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Godefroy, Mmes Demontès et Printz, M. Desessard, Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans l'avant-dernier alinéa (6°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 2121-1 du code du travail, supprimer le mot :

notamment

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Notre amendement vise à supprimer l’adverbe « notamment », qui s’applique à l’activité et à l’expérience pour caractériser l’influence d’une organisation syndicale salariée.

Cet adverbe risque de susciter des contentieux dans la mesure où d’autres éléments que l’activité et l’expérience seraient invoqués pour accéder à la représentativité.

Il est porteur d’imprécision : on voit mal quels autres éléments que l’activité, que ce soit sur le terrain ou, par exemple, auprès des pouvoirs publics, et l’expérience caractérisée par une pratique mesurable sur plusieurs années, permettraient de mesurer l’influence.

Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur ce point ? À quels autres éléments pourrait-il être fait référence pour déterminer l’influence d’une organisation ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est favorable à la suppression de l’adverbe « notamment ». D’ailleurs, nous le supprimons à chaque fois que l’occasion nous en est donnée.

S’agissant de l’amendement n° 194, je sollicite son retrait au profit de l’amendement n° 63, dont la rédaction me paraît meilleure. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.

En conséquence, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 63.

M. le président. Madame David, l’amendement n° 194 est-il maintenu ?

Mme Annie David. La rédaction de l’amendement n° 63 est moins complète que la nôtre, puisqu’elle ne reprend pas intégralement, contrairement à nous, la phrase de la position commune et omet l’implantation géographique et professionnelle.

Il me semble, monsieur le rapporteur, que vous avez émis un avis différent en commission ce matin et que vous considériez que l’amendement n° 63 était satisfait par notre amendement n° 194.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous confirme, madame David, que, ce matin, la commission a demandé le retrait de l’amendement n° 194 au profit de l’amendement n° 63, dont la rédaction est plus proche de celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.

Il n’y a donc aucun changement dans la position de la commission, j’en prends à témoin ceux qui étaient présents ce matin.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Compte tenu de l’explication donnée par la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 63 et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 194.

M. le président. Madame David, qu’en est-il de l’amendement n° 194 ?

Mme Annie David. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 194 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)

M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Amoudry, Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement demande aux partenaires sociaux d'entamer des négociations en vue de définir les conditions et critères de représentativité des organisations d'employeurs.

La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. L’objet de cet amendement est de faire en sorte que soit redéfinie, dans les meilleurs délais possibles, la représentativité des organisations patronales.

En effet, le présent projet de loi reprend la position commune et entend rénover la démocratie sociale en améliorant la représentativité des parties à la négociation collective. Il démocratise la représentativité des organisations représentatives des salariés.

Cependant, pour que la démarche soit complète, la représentativité des organisations patronales doit aussi faire l’objet d’une rénovation.

C’est pourquoi nous proposons que, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement demande aux partenaires sociaux d’entamer des négociations en vue de définir les conditions et critères de représentativité des organisations d’employeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je demanderai aux auteurs de cet amendement de se rallier à l’amendement n° 11 de la commission tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er et, pour la bonne compréhension des choses, permettez-moi, monsieur le président, d’anticiper sur la suite du débat et de présenter d’ores et déjà l’amendement n° 11.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. La négociation ayant abouti à la position commune du 9 avril 2008 ne s’est pas saisie du sujet de la représentativité des organisations patronales.

Il est souhaitable qu’une négociation soit menée sur ce thème entre partenaires sociaux pour deux raisons.

En premier lieu, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, il ne faut pas que les organisations patronales puissent être considérées comme moins représentatives que les organisations syndicales, ce qui affaiblirait le dialogue social et augmenterait le risque de contentieux autour des accords signés.

En second lieu, en l’absence de dispositions légales spécifiques, l’article L. 2121-1, dans sa nouvelle rédaction, servira de base au juge pour déterminer les critères de représentativité des organisations patronales.

Or certains critères, comme celui de l’audience, ne sont pas transposables en l’état pour déterminer la représentativité des organisations patronales.

Un délai de deux ans paraît adapté pour permettre le déroulement de la négociation. Les représentants des organisations patronales n’y sont d’ailleurs pas du tout opposés, à condition que le dispositif soit mesuré. Mais, bien entendu, je ne peux préjuger de l’issue de la négociation.

C’est compte tenu de ces éléments que je vous demande, mon cher collègue, si vous en êtes d’accord, de vous rallier à l’amendement n° 11.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. J’irai droit au but : le Gouvernement n’est pas favorable à ces amendements, tout simplement parce que la position commune n’a pas prévu une telle disposition.

J’ai entendu des déclarations, notamment de la présidente du MEDEF, indiquant que le sujet n’était pas tabou.

Cependant, ces amendements ne se situent pas dans la logique de la loi de modernisation du dialogue social de janvier 2007,…

M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !

M. Xavier Bertrand, ministre. … aux termes de laquelle l’ouverture d’une négociation sociale s’effectue au titre d’une délibération sociale et d’une saisine par le Gouvernement.

Quoi qu’il en soit, les choses devraient bouger, comme cela a été dit.

Telle est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de l’amendement n° 120, ainsi que, par souci de parallélisme des formes et afin que vous ne vous sentiez pas brimé, monsieur le sénateur, celui de l’amendement n° 11 de la commission. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Amoudry, l’amendement n° 120 est-il maintenu ?

M. Jean-Paul Amoudry. Je constate que l’amendement n° 11 de la commission et le mien ont le même objet, à la différence que le nôtre donne l’initiative des négociations au Gouvernement, ce qui n’apparaît pas dans l’amendement de la commission.

Néanmoins, je suis prêt à retirer l’amendement n° 120, si ce retrait donne davantage de force à celui de la commission pour que nous obtenions gain de cause.

M. Alain Gournac, rapporteur. Merci, mon cher collègue !

M. le président. L’amendement n° 120 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail
Division additionnelle avant l'article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une négociation nationale interprofessionnelle fixe, avant le 30 juin 2010, les critères de représentativité des organisations patronales.

Cet amendement a été défendu et le Gouvernement s’est exprimé.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement représente à notre sens une avancée intéressante pour la crédibilité du dialogue social dans notre pays, puisqu’il ouvre la perspective de voir la représentativité des organisations patronales bientôt mesurée.

S’il est adopté, la représentativité ne sera plus hémiplégique et la démocratie sociale, mais aussi notre démocratie dans son ensemble y gagneront.

Les organisations aujourd’hui considérées comme catégorielles, comme l’Union des syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, l’USGERES, qui représente un poids considérable dans notre économie, ou le Groupement des entreprises mutuelles d’assurances, le GEMA, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, ou encore l’Union nationale de l’association de parents d’élèves de l’enseignement libre, l’UNAPEL, auront une chance d’apparaître clairement dans les négociations en tant qu’employeurs.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est juste et sain que l’expression des représentants du patronat ne soit pas une expression partielle génératrice de difficultés, voire de contentieux, entre organisations qui se contestent la représentativité.

Certes, le délai qui nous est proposé nous semble un peu long, mais il n’est pas scandaleux que des organisations patronales disposent du temps nécessaire pour mettre au point les modalités de leur représentativité.

Après tout, les problèmes sont largement aussi complexes que pour les organisations salariées !

En conséquence, nous voterons cet amendement de notre rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous voterons également cet amendement, bien que nous n’en soyons pas complètement satisfaits, puisqu’il laisse un délai de deux ans pour aboutir à une négociation.

Dans cette affaire, il y a encore deux poids deux mesures !

Quand il s’agit de détruire le dispositif des 35 heures, cela se fait très rapidement, en deux coups de cuillère à pot, si je puis dire, puisque le Gouvernement a pris ses responsabilités et a décidé de vider de son contenu les 35 heures en même pas trois mois.

En revanche, quand il s’agit du MEDEF, parce que c’est bien de cette organisation qu’il est question, le Gouvernement évite de brusquer ses membres et de leur imposer quoi que ce soit. Ainsi, il annonce l’ouverture d’une négociation, mais il ne dit pas qu’il demandera aux partenaires sociaux de l’ouvrir.

Je prends l’exemple de la négociation sur la pénibilité qui est réclamée, depuis trois ans, dites-vous, monsieur le ministre, mais, en réalité depuis cinq ans, et qui n’est toujours pas en vue, sans la moindre obligation de négocier imposée au MEDEF.

N’oublions pas que le MEDEF représente très peu d’entreprises, mais ce sont celles du CAC 40 ! Il représente donc ceux et celles qui ont beaucoup d’argent, qui délocalisent nos usines dont les salariés se retrouvent alors à la rue, tout cela dans l’indifférence générale !

Donc, il y a bien deux poids deux mesures dans ce pays, comme on l’avait compris : d’un côté, le MEDEF, de l’autre, toutes les autres organisations.

Nous voterons néanmoins cet amendement, même si nous souhaitions une date limite beaucoup plus rapprochée et une contrainte de négociation un peu plus forte, car la disposition figurera au moins, en l’état, dans la loi et obligera à la négociation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La question des critères de la représentativité patronale n’a pu être tranchée lors des débats à l’Assemblée nationale, et je le regrette vivement.

Certes, la position commune n’a établi de critères que pour la représentativité des syndicats de salariés, mais il nous a paru difficile d’admettre que les organisations patronales déterminent elles-mêmes si elles sont représentatives de l’ensemble des entrepreneurs, des petites entreprises et des artisans.

N’y aurait-il pas un véritable déséquilibre, au sein de la démocratie sociale, si l’on excluait les syndicats patronaux de la démarche de clarification des conditions de leur légitimité demandée aux syndicats de salariés ?

En ce qui concerne la procédure, le parallélisme des formes veut que l’on prévoie la participation des syndicats de salariés à ces négociations, ce qui doit être très clair, comme les organisations patronales ont participé aux négociations qui ont abouti à la position commune du 9 avril.

C’est, à mon sens, d’autant plus légitime que, en l’absence d’un accord issu d’une négociation nationale interprofessionnelle et d’une loi, ce serait à la jurisprudence de déterminer les critères de la représentativité des organisations patronales en utilisant, comme référence pour l’établir, les critères applicables aux syndicats de salariés. Or on ne sait pas d’avance comment le juge transposera les critères d’indépendance et d’audience.

L’amendement présenté par la commission est justifié par le fait que, contrairement à ce qui a été le cas pour la définition des règles de la représentativité des syndicats de salariés, le Gouvernement n’a pas formellement invité les partenaires sociaux à se saisir de la question de la représentativité patronale et n’a pas indiqué son souhait de les y engager dans un avenir proche.

Or, ne croyez-vous pas que cette question doit être réglée dans les meilleurs délais pour éviter la multiplication des contentieux et, surtout, l’affaiblissement des accords ?

C’est pourquoi la commission maintient son amendement, ne doutant pas que le Sénat saura, sur cette question, faire preuve de sa sagesse et de son bon sens coutumiers.

M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Article additionnel après l'article 1er
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Article 2 (début)

Division additionnelle avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant le texte proposé par cet article pour la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code du travail, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section.....

« Représentativité syndicale au niveau des établissements employant habituellement moins de onze salariés

« Art. L. ... Dans les établissements employant moins de onze salariés, sont représentatives les organisations syndicales qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des délégués du personnel dans les conditions prévues à l'article L. 2312-5 du code du travail, quel que soit le nombre de votants.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Les membres du groupe communiste républicain et citoyen ne sauraient se contenter des dispositions actuelles, qui privent les salariés embauchés dans des entreprises de moins de onze salariés de leurs droits légitimes à la représentation. C’est pourquoi ils ont déposé cet amendement.

D’après une étude réalisée par la DARES, en 2004, le taux de syndicalisation dans notre pays n’était que de 8 %, avec des inégalités importantes.

Disant cela, je sais que j’ouvre la porte aux critiques les plus féroces d’une partie des membres de l’UMP, qui n’hésiteront pas à stigmatiser l’un des syndicalismes les plus faibles d’Europe, sans avoir aucune autre forme de réflexion.

Pourtant, cette étude de la DARES atteste une réalité : si le taux de syndicalisme reste faible – seulement 2,4 millions de syndiqués en 2004 –, les effectifs des organisations cessent de décroître.

Certes, on ne peut se satisfaire de cette stagnation, mais elle est tout de même une étape nouvelle qu’il nous faut, comme la crise du syndicalisme dans son ensemble, étudier, et sur laquelle il nous faut réfléchir.

Par ailleurs, au-delà de cette stagnation, on assiste à une forme de regain. J’en veux pour preuve le fait que le taux d’implantation d’une ou de plusieurs organisations syndicales sur les lieux de travail est passé de 38 % en 1996 à 40 % en 2003.

Il est vrai que le syndicalisme, comme la politique, d’ailleurs, est en crise. C’est tout le modèle de représentativité qui traverse une passe difficile, qu’il nous faut surmonter.

Nous, législateurs, avons une lourde responsabilité, dans la mesure où l’organisation syndicale dans les entreprises est légalement limitée aux entreprises de plus de onze salariés, comme si les plus petites des entreprises ne rencontraient jamais de situation où la présence d’une structure syndicale serait nécessaire.

Toutefois, les employeurs partagent, eux aussi, cette lourde responsabilité : ils pourraient assister à nos débats depuis les tribunes, en lire le compte rendu au Journal officiel, voire y participer sur les travées de notre Haute Assemblée.

M. Guy Fischer. N’oublions pas, en effet, que l’une des réalités du monde syndical, c’est la « chasse organisée » aux syndicalistes, c’est la pression constante de l’employeur sur les salariés qui auraient eu la mauvaise idée de s’organiser syndicalement, voire d’accepter un mandat syndical dans l’entreprise.

Il ne s’agit là, bien entendu, que d’une tendance générale, car il y a des exceptions. Néanmoins, cette réalité est vécue par des milliers de militants syndicaux qui subissent une forme de harcèlement moral, un gel des salaires, ou encore ce que l’on appelle la « placardisation », c’est-à-dire un blocage des promotions, autant de freins considérables au syndicalisme d’entreprise dans la situation actuelle de chômage massif. Il ne faut pas le nier.

Le projet de loi qu’il nous est proposé d’adopter prévoit d’établir l’audience des organisations syndicales sur les résultats obtenus aux élections professionnelles. Or la rédaction actuelle écarte les entreprises de moins de onze salariés.

Pourtant, depuis l’adoption des lois Auroux de 1982, les salariés embauchés dans des entreprises de moins de onze salariés peuvent demander à être rassemblés avec ceux des entreprises voisines, si les problèmes rencontrés sont identiques, afin d’élire ce que l’on appelle les délégués de site.

Cet amendement vise à permettre l’intégration des résultats obtenus à cette occasion dans le calcul de l’audience au niveau de la branche. Il offre une réponse partielle à la difficulté que fait naître ce projet de loi et qui a pour effet, compte tenu du mode de calcul de l’audience, d’exclure les 4,5 millions de salariés embauchés dans les plus petites entreprises.

Il faudrait, en parallèle à cette disposition, rendre efficiente cette élection des délégués de site, par exemple grâce à une campagne de promotion, et permettre ainsi à ces délégués de remplir pleinement leur mission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’apporter une réponse à la question importante de la représentation des salariés dans les entreprises de moins de onze salariés. Nous savons qu’environ quatre millions de salariés sont concernés.

Néanmoins, la solution qui consiste à se fonder sur l’élection des délégués de site est imparfaite. En effet, la possibilité d’en désigner n’est ouverte que dans des cas réduits, et, même dans ces cas, est loin d’être systématique.

La meilleure solution – c’est celle que propose la commission – consiste à se fonder sur les résultats de la négociation qui a déjà débuté, et qui aboutira avant le 30 juin 2010.

La commission souhaite le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est identique à celui de la commission, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous prenons note, monsieur le rapporteur, qu’une négociation est engagée sur ce sujet sensible qu’est la représentation des salariés au sein des entreprises de moins de onze salariés.

Nous aurions aimé, toutefois, entendre M. le ministre nous préciser laquelle des pistes devant être envisagées au cours de cette négociation avait sa préférence. Je sais qu’il sera assis à la table des négociations.

M. Alain Gournac, rapporteur. C’est ce que j’ai dit !

Mme Annie David. Ces délégués de site sont, comme M. le rapporteur l’a dit – tel est également notre avis – une solution imparfaite et incomplète, qui ne saurait convenir à l’ensemble de ces entreprises. Pour autant, elle peut être intéressante.

Je retire cet amendement, mais je dois dire que j’espérais un peu plus d’explications de M. le ministre !

M. le président. L’amendement n° 195 est retiré.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, si j’interviens, je fausse la négociation, car c’est entre les partenaires sociaux qu’elle s’ouvre.

Mme Annie David. Donnez-nous au moins votre avis !

M. Xavier Bertrand, ministre. Je ne puis, moi qui suis ministre, indiquer quelle piste me semble intéressante, car ce n’est pas neutre. Vous me demandez mon point de vue, et je sais bien que ce n’est pas un piège que vous me tendez, mais, si je vous le donne, on va me le reprocher. Et je parle d’expérience.

En effet, sur un autre dossier, celui de la pénibilité, c’est moi qui, au mois de juin, ai écrit aux partenaires sociaux pour les inviter, maintenant que les choses allaient bien, à reprendre le dialogue, de façon que nous sachions à quoi nous en tenir avant l’été. Il m’a aussitôt été reproché une ingérence intolérable dans ce dossier.

Tout le monde est d’accord pour reconnaître que le Gouvernement doit parfois s’exprimer, mais, quand il le fait, on l’accuse de fausser le jeu de la négociation !

Voilà pourquoi, sur ce sujet, toutes les pistes sont ouvertes, et, je le répète, je ne puis indiquer, aujourd’hui, laquelle a ma préférence, sous peine d’être accusé de fausser la négociation.

M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr !