M. Thierry Repentin. Il n’y a pas assez d’argent !

M. Serge Dassault. … mais j’aimerais savoir quels critères vous retenez pour définir ces quartiers. En effet, je me trouve confronté à ce problème dans ma commune, qui compte trois quartiers en rénovation ANRU. Les autres quartiers, pour la plupart anciens, n’ont quant à eux fait l’objet d’aucune rénovation. Les habitants réclament des travaux de réhabilitation, et estiment que le maire ne s’occupe pas assez d’eux.

Voici donc, madame la ministre, ce que je vous propose : supprimer les garanties d’emprunt, qui sont très dangereuses pour les communes ; augmenter les contingents accordés aux maires pour loger leurs administrés ; construire des logements d’urgence pour les familles défavorisées et les familles monoparentales ; appliquer le Pass-foncier jusqu’à 600 mètres d’une zone ANRU ; enfin, bien définir les caractéristiques des quartiers anciens dégradés.

Vous pouvez compter sur moi pour soutenir votre projet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Madame la ministre, je vous le dis franchement, le compte n’y est pas. Votre texte, improprement appelé « projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », est loin d’être à la hauteur des enjeux, ou plutôt, devrais-je dire, du défi que vous aviez vous-même lancé au pays à l’époque où vous étiez rapporteur de la loi instituant le droit au logement opposable. Votre action, à l’époque, même si elle avait suscité un certain scepticisme chez les représentants associatifs qui s’occupent des mal-logés, avait été néanmoins saluée pour son courage et sa générosité.

Aujourd’hui, hélas ! les choses ont bien changé. Un grand quotidien national va jusqu’à titrer ainsi son article sur votre projet de loi : « Les fourberies de Boutin » !

Mme Christine Boutin, ministre. C’est drôle…

M. Roland Ries. Même en faisant la part du jeu de mot facile,…

M. Dominique Braye, rapporteur. Très facile…

M. Roland Ries. …j’en conviens, et d’un certain goût pour la provocation, force est cependant de constater que, entre les ambitions affichées dans la loi DALO et la réalité de ce que propose aujourd’hui votre projet de loi, la distance est énorme, et que ce ne sont pas les « concertations » que vous avez organisées dans différentes villes de province, dont Strasbourg, qui l’auront comblée.

Certes, votre projet de loi n’est pas à rejeter en bloc. Certaines mesures contenues dans ce texte vont dans le bon sens. Je pense notamment à la création du projet urbain partenarial, à condition toutefois qu’il soit bien encadré. Je souscris aussi, par exemple, à l’idée d’une dérogation spécifique aux règlements d’urbanisme quand il s’agit de rendre un logement accessible aux personnes handicapées : je fais allusion, vous l’aurez compris, aux dispositions contenues dans l’article 13.

À côté de ces mesures plutôt encourageantes, il en est d’autres qui peuvent constituer des pistes intéressantes, mais qui gagneraient cependant à être clarifiées. Pour aller dans ce sens, permettez-moi de revenir sur les dispositions de l’article 9, qui prévoit le renforcement du caractère opérationnel des programmes locaux de l’habitat, les PLH, et de leur compatibilité avec les PLU des communes. Le préfet verra son pouvoir en matière de PLH renforcé dans la mesure où il aura la possibilité de refuser la signature d’une convention de délégation des aides à la pierre si, d’aventure, le PLH ne tenait pas suffisamment compte des recommandations de l’État en matière de programmation de logement social. De la même manière, il pourra dénoncer une convention qui n’aurait pas atteint ses objectifs. Ces dispositions peuvent constituer une avancée, à la condition toutefois qu’il y ait une véritable volonté de l’État, notamment en ce qui concerne l’obligation faite à certaines communes de se mettre en conformité avec les objectifs de la loi SRU.

L’exemple de Clermont-Ferrand – le préfet avait estimé l’année dernière que le PLH prévoyait trop de logements sociaux – montre que ces nouvelles règles peuvent aussi se retourner, d’une certaine manière, contre leur objectif apparent.

Sur un plan plus général, madame la ministre, permettez-moi de vous dire que je ne partage pas la philosophie de base de votre projet de loi.

Je reviens à ce propos sur l’article 17 du texte qui remet en cause l’article 55 de la loi SRU, même si plusieurs orateurs, de droite comme de gauche d’ailleurs, se sont déjà largement exprimés sur ce sujet. Vous nous proposez d’intégrer dans le calcul des 20 % de logements sociaux, fût-ce pour une période provisoire de cinq ans, les dispositifs d’aide à l’accession populaire à la propriété comme le Pass-foncier, le prêt social de location-accession, mais aussi le prêt à taux zéro, l’aide à l’accession octroyée par une collectivité ou encore un contrat de location-accession. Une telle disposition nous paraît tout à fait inacceptable, dans la mesure où elle ne fait que dédouaner certaines communes de leur obligation de construction de logements locatifs sociaux, alors même, comme Mme la ministre l’a rappelé à Strasbourg, que plus de 45 % des communes concernées par la loi SRU ne respectent toujours pas les objectifs qui leur ont été fixés.

Madame la ministre, ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les associations de défense des locataires ou, plus généralement, celles qui œuvrent dans le domaine du logement sont, comme vous le savez, vent debout contre une telle disposition. Je tiens à saluer au passage la sagesse de la commission des affaires économiques, à laquelle j’appartiens, d’avoir proposé la suppression de cet article. Celle-ci a rappelé, à juste titre, la stricte vocation de l’article 55 de la loi SRU de développement du parc locatif social, là où l’article 17 de votre projet de loi serait susceptible, si j’en crois le rapport de M. Braye, de « détourner de manière temporaire l’attention des élus locaux de la finalité même de l’article 55 », à savoir disposer d’ici à 2020 d’un minimum de 20 % de logements locatifs sociaux.

J’espère que cette position de la commission, adoptée, je le rappelle, à la quasi-unanimité de ses membres, sera finalement reprise par le Gouvernement pour maintenir dans la loi l’obligation stricte de réaliser 20 % de logements sociaux sur le territoire communal.

Je l’ai dit, madame la ministre, le compte n’y est pas, ni sur le plan du financement, ni sur l’objectif de mixité sociale, ni sur la réglementation permettant par exemple de lutter – le sujet est important – contre l’étalement urbain. En résumé, non seulement votre projet de loi n’apporte pas les bonnes réponses aux difficultés que rencontrent beaucoup de Français pour se loger, mais il est en fait de nature à aggraver la situation du logement et plus particulièrement du logement social dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève car, à ce stade de la discussion et à cette heure tardive, je ne souhaite revenir ni sur l’architecture générale du projet de loi ni sur le détail de ses grandes orientations déjà largement exposées par les collègues qui m’ont précédée dans ce débat. Je me limiterai donc à attirer votre attention sur un point concret et précis qui concerne un nombre croissant de nos compatriotes rapatriés de l’étranger.

Mais je souhaiterais tout d’abord vous remercier, madame le ministre, de vous être attelée avec détermination à ce dossier capital de l’accès au logement, en en faisant une priorité nationale. Vous avez su prendre la mesure des obstacles qu’il nous reste à surmonter pour résoudre ce problème crucial et récurrent, pour instaurer une véritable mixité et par là même une cohésion sociale par la redynamisation de nos banlieues et de nos quartiers difficiles, en sortant ces derniers de ce processus infernal de ghettoïsation qui les menaçait.

Trop nombreux sont encore les Français qui vivent mal sur notre territoire, trop nombreux sont encore à souffrir de l’absence de logement, ou d’un logement indigne d’eux, indigne de nous. Ces situations de détresse sont inacceptables, car l’accès au logement est la clef de toute intégration ou réintégration réussie et la condition essentielle de l’épanouissement de nos concitoyens. Nous ne pouvons tolérer qu’autant d’entre eux soient encore des mal-logés, voire des sans-logis.

Bien sûr, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à regretter, malgré le contexte de crise immobilière et d’inquiétudes économiques, que le texte n’aille pas assez loin. Nous voudrions bien sûr encore plus, encore mieux, mais nous ne pouvons pas ne pas saluer les efforts réalisés en ce domaine et les 435 000 logements construits en 2007 – le meilleur chiffre en vingt-cinq ans, je tiens à le rappeler.

Mais je voudrais surtout attirer votre attention, madame le ministre, sur une catégorie de Français qui, si elle n’est pas à proprement parler exclue en droit du dispositif, l’est quasi-systématiquement dans la pratique. Il s’agit d’un nombre croissant de nos compatriotes, précédemment établis à l’étranger et qui se voient contraints de rentrer en métropole, soit à la suite d’événements géopolitiques graves – comme en Côte d’Ivoire, au Tchad ou au Liban pour ne mentionner que ceux-là –, soit, et ces cas deviennent de plus en plus fréquents, en raison de la semi-indigence de leur situation induite, par exemple, par les accidents de la vie ou par le non-paiement des retraites par certains États voyous.

Eh oui, mes chers collègues, les Français de l’étranger ne sont pas ces privilégiés, ces exilés fiscaux partis se reposer à l’ombre des cocotiers, comme voudraient nous le faire croire certains esprits plus ou moins bien intentionnés ! Lorsqu’il y a détérioration de l’économie dans leur pays de résidence, ils en sont souvent les premières victimes, et les plus gravement atteintes.

Certes, une ligne budgétaire a été ouverte dès 1977 par le gouvernement de Raymond Barre pour l’assistance aux Français nécessiteux, mais ces crédits restent largement insuffisants et n’ont pas été réévalués depuis maintenant plusieurs années alors que les demandes ne cessent de croître.

La seule solution pour ces Français de l’étranger, qu’ils soient victimes des guerres ou des crises économiques, est le retour en France, et donc la recherche d’un logement à loyer modéré, après un passage par le CEFR, le Comité d’entraide aux Français rapatriés. Cet organisme accomplit un travail remarquable d’accueil et de soutien à ces réfugiés, mais la pauvreté de ses ressources ne peut guère permettre de miracles. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé une proposition de loi visant à ce qu’un fonds de solidarité soit institué en faveur des victimes d’événements politiques les contraignant au retour en France. Mais il s’agit là d’un autre débat …

Il est inacceptable, madame le ministre, que ces Français, à leur retour en France, soient une deuxième fois des victimes – souvent silencieuses –, mais cette fois-ci des victimes du droit français, des effets pervers des lois de décentralisation. N’ayant pas de rattachement territorial spécifique, ils sont exclus du bénéfice des mesures prises dans le cadre des collectivités locales et donc des mécanismes régionaux ou locaux d’attribution des logements.

Les Français de l’étranger sont victimes d’absurdités bureaucratiques et réglementaires. À cet égard, je ne citerai qu’un seul exemple de cette absurdité, qui a sévi pendant onze ans avant que vous n’y mettiez un terme, madame le ministre, après que plusieurs de mes collègues et moi-même vous ont alertée à ce sujet. En effet, un décret de 1987 disposait que tout candidat à un logement d’HLM devait fournir ses avis d’imposition pour les deux années précédant sa demande. Il s’agissait d’une mesure tout à fait légitime en tant que justificatif de ressources, me direz-vous ; mais comment fait-on quand on fuit en catastrophe les événements meurtriers de pays lointains ? Dans de telles conditions, comment peut-on penser à se munir de ces documents ?

À cause de ce décret, nos compatriotes ne pouvaient non seulement pas obtenir un logement social, mais ils n’étaient même pas autorisés à y postuler, puisqu’ils ne possédaient pas les documents requis. Les autorités locales leur opposaient le fait qu’elles avaient pour mission « de faire appliquer rigoureusement les textes » !

Afin que des situations aussi ubuesques ne se reproduisent pas, j’aurais aimé déposer un amendement sur votre texte ; néanmoins, je n’ai pas voulu alourdir ce dernier ni courir le risque d’un rejet sur un sujet aussi sensible. Je vous demande donc, madame le ministre, non pas de faire une entorse aux systèmes régis par le droit commun, mais de prendre véritablement en compte la situation de ces Français de l’étranger. Ce serait pour eux le moyen de ne pas être à nouveau des victimes de nos propres lois de décentralisation.

Je souhaiterais que vous signiez un arrêté qui donnerait tout simplement comme consigne que les Français de l’étranger de retour au pays et en situation de dénuement ou de grande fragilité soient traités comme prioritaires pour l’attribution d’un logement. Rappelons-le, il s’agit souvent de personnes âgées, de personnes handicapées, de victimes de guerre ou encore de femmes abandonnées sans ressources, souvent sans aucune famille ou relations en France. Pour eux, encore plus sans doute que pour nos autres compatriotes dans le besoin, l’obtention d’un logement est le préalable indispensable à une réinsertion professionnelle ou sociale.

Un tel arrêté contribuerait à rétablir une forme d’équilibre en faveur de ces Français trop souvent méconnus, trop souvent oubliés, mais qui, tout autant sinon plus que nos autres concitoyens, méritent de prendre leur place dans les dispositifs de solidarité nationale. Ce ne serait là que justice. Je vous remercie, madame la ministre, de ce que vous pourrez faire en ce sens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le logement, une grande cause nationale ? Le logement, un droit dont l’État est le garant ? Et pourtant …

Le logement constitue le premier poste du budget de la plupart des familles, qui se sont endettées lourdement, qui peinent à assumer des loyers et des charges devenus insupportables, et qui craignent de plus en plus souvent de ne pouvoir y faire face.

N’y a-t-il jamais eu, depuis cinquante ans, autant de personnes mal logées dans notre pays ? N’y a-t-il jamais eu autant de personnes pas logées du tout ?

La situation est grave, et vous nous proposez une loi. Encore une loi ! Cinq textes votés en cinq ans n’ont pas changé la donne, et c’est d’un sixième que viendrait le salut ?

Vous avez trop d’expérience, madame la ministre, pour ne pas le savoir. Ce qui fait une bonne loi, ce n’est ni l’emphase des discours prononcés à cette tribune ni l’épaisseur du dossier de presse diffusé par les services de communication du ministère. C’est la ténacité avec laquelle sont préparés et promulgués en temps et en heure les décrets qui permettent son application effective ! C’est la combativité avec laquelle seront défendus les budgets sans lesquels la loi resterait lettre morte ! En un mot, c’est la cohérence et la continuité des efforts de l’État lui-même, surtout quand il demande à d’autres d’en faire aussi !

À quoi bon mettre en place de nouveaux outils quand l’efficacité des dispositifs concoctés dans les lois précédentes n’est pas évaluée ? À quoi bon débattre pendant des semaines d’un nouveau texte quand les lois précédentes ne sont ni appliquées ni financées et quand manque l’impulsion politique, qui seule permettrait de motiver tous les départements ministériels ?

Je ne vous citerai qu’un seul exemple, madame la ministre. L’objectif est connu de tous, largement débattu, unanimement partagé : produire 500 000 logements nouveaux par an, dont 120 000 logements sociaux, soit le quart !

En Île-de-France, c’est 60 000 logements qu’il faudra construire chaque année au cours des vingt-cinq prochaines années, …

Mme Christine Boutin, ministre. Oui !

Mme Dominique Voynet. …comme l’établit le schéma directeur de la région d’Île-de-France adopté voilà quelques jours, soit 8 800 logements neufs par an en Seine-Saint-Denis, par exemple, et 800 pour la seule ville de Montreuil. Comment y parvenir ?

Dans les quartiers desservis par le métro, le foncier est rare et cher, trop cher pour permettre de construire massivement des logements accessibles. Et là où il y a du foncier disponible, il n’y a pas de moyens de transports !

Madame la ministre, ce qu’on attend de l’État dans ce département, c’est aussi qu’il intervienne de façon cohérente en faisant travailler ensemble la ministre du logement et le ministre des transports. Est-ce vraiment trop demander ?

M. Christian Cambon. Et le président de la région !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Et le président du conseil général !

Mme Dominique Voynet. Qu’y a-t-il dans votre projet de loi pour changer la donne ? Comptez-vous sur une mainmise de l’État sur une partie des fonds du 1 % logement appelés à financer l’ANAH et l’ANRU, sur une tentative un brin sournoise de revenir sur l’obligation faite aux communes de construire 20 % de logements sociaux, sur un durcissement des conditions d’accès au logement social au risque de briser le peu de mixité sociale qui y existe ou sur le raccourcissement des délais d’expulsion ?

Qu’avez-vous d’autre en main qu’un budget en baisse de 6,9 %  ou la décision de rachat de 30 000 logements invendus en état futur d’achèvement, comme l’on dit ?

C’est difficile, madame la ministre, même en étant très optimiste et très complaisant, d’y voir autre chose qu’une mesure conjoncturelle de soutien aux promoteurs déstabilisés par la crise du crédit.

Mme Christine Boutin, ministre. Oh !

Mme Dominique Voynet. Vous avez aussi la réforme des critères d’attribution de la DSU. Le pourcentage des logements sociaux ne serait plus pris en compte dans son calcul conduisant des communes aussi pauvres que Cachan ou Clichy-sous-Bois à ne pas bénéficier d’une réforme présentée comme de nature à concentrer les moyens sur des communes qui en ont le plus besoin.

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour Clichy-sous-Bois, c’est absolument faux !

M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Le critère des logements sociaux est remplacé par le critère des locataires d’HLM !

M. Dominique Braye, rapporteur. Mme Voynet est une élue récente, trop récente, pour tout connaître !

Mme Dominique Voynet. Si la réforme ne peut rien pour Clichy-sous-Bois, alors, madame la ministre, elle ne sert à rien.

Il faudrait construire du neuf et réhabiliter l’ancien, avec le souci de répondre sans tarder aux besoins d’aujourd’hui, engager la décohabitation des familles entassées dans des logements exigus, accélérer la résorption de l’habitat insalubre, traquer les marchands de sommeil, loger dans des conditions décentes les résidents des foyers de travailleurs migrants.

Il faudrait aussi avoir le souci du long terme, car les investissements d’aujourd’hui préparent les économies de demain. Là encore, on est loin du compte. Si des moyens importants sont mobilisés via l’ANRU dans de coûteuses opérations de démolition-reconstruction, où sont les moyens qui permettraient d’engager autrement que de façon anecdotique les grands chantiers de réhabilitation des logements vite et mal construits dans les années d’après-guerre ?

Isoler les logements pour réduire les consommations d’énergie et donc les charges, améliorer le confort, réduire les tensions liées au bruit, peut-on faire l’impasse sur ces exigences tant sociales qu’écologiques ? (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je n’ai que quelques minutes, madame la ministre, pour vous demander, comme le font le rapporteur du projet de loi et la commission des affaires économiques, de cesser de cautionner les efforts de certains parlementaires qui persistent avec une obstination maladive à remettre en cause l’article 55 de la loi SRU. Ils mènent un combat d’arrière-garde, incompris des Français.

Je n’ai que quelques minutes pour vous demander de prendre en compte l’une des excellentes propositions d’Étienne Pinte : chaque nouveau programme de logements devrait comporter 30 % de logements sociaux, et un tiers au moins de ces nouveaux logements devraient être des logements très sociaux, des PLAI.

S’il me reste quinze secondes, que ce soit pour vous demander de renoncer au dispositif prévu pour faciliter les expulsions locatives. Ce dernier ne fait pas le tri entre les personnes en difficulté, qui sont les plus nombreuses, et les mauvais payeurs, dont nous ne nions pas l’existence, car nous ne sommes pas des démagogues.

Mme Christine Boutin, ministre. Ah bon ?

Mme Dominique Voynet. Que ce soit également pour vous demander de réexaminer les mesures proposées pour restreindre l’accès au logement social aux publics les plus précaires. Le principe est séduisant, mais les effets pervers peuvent être dévastateurs.

En matière de logement, comme dans d’autres domaines, vous le savez bien, le diable est dans les détails. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque la philosophie de ce texte est de mettre en évidence les blocages et de trouver des solutions permettant de répondre à la crise du logement, il me semble incontournable d’y inclure la problématique « périphérique » de l’habitat des gens du voyage.

Certains diront que je reviens à la charge avec ce sujet, à une heure de grande écoute qui plus est (Sourires), mais, à mon sens, il n’est pas concevable de parler de logement et de lutte contre l’exclusion en occultant cette question.

Comme vous le savez, M. le Premier ministre a bien voulu me confier une mission d’étude sur le stationnement des gens du voyage, mission dont le rapport a été rendu dans le courant du mois de juin. À cette occasion, j’ai pu clairement constater l’atténuation des crispations liées à cette question, même s’il convient de travailler encore à une meilleure perception de cette composante de la population de notre pays ainsi qu’à une plus grande implication de chacun des acteurs concernés.

Les pouvoirs publics ont été et demeurent attentifs, je le crois, à ce que les gens du voyage puissent continuer à vivre le voyage comme partie intégrante de leur culture.

Seul l’État peut être le garant d’une vision globale et dépassionnée. Son implication dans ce dossier doit être maintenue, voire renforcée.

Par ailleurs, l’arrivée de nouvelles équipes municipales, intercommunales et départementales nécessite de renouveler l’attention portée à ces dossiers. En effet, les élections peuvent également entraîner la remise en cause de projets initiés par les équipes précédentes. Sur ce sujet difficile, mal compris par nos concitoyens – électeurs et contribuables –, certains n’y voyant que des motifs de dépenses supplémentaires, l’inaction du début de mandat n’est que rarement rattrapée par la suite.

Il faut aussi souligner le rôle des services de l’État, qui entretiennent un dialogue souvent fructueux avec les collectivités locales ; 2007 a d’ailleurs constitué une année où le taux de réalisation des places financées a connu une substantielle progression, grâce à vous, madame la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre. Merci !

M. Pierre Hérisson. Je pense que les préfets doivent mettre à profit cette dynamique pour rappeler les obligations des collectivités concernées.

Mes chers collègues, si je n’avais qu’un message à vous faire passer, je vous dirais simplement que la réalisation et la gestion des aires d’accueil aménagées constituent la seule réponse viable aux stationnements illicites.

Avec la loi du 5 juillet 2000, les pouvoirs publics ont recherché une politique permettant une insertion plus aisée des gens du voyage dans la communauté nationale.

Les collectivités locales – les communes, leurs établissements publics, les départements – constituent, à travers les schémas départementaux, les meilleurs acteurs de proximité de cette politique. Leur engagement, leurs choix, leur pragmatisme seront déterminants pour l’avenir.

Souvent dotées des meilleures intentions, mais relativement peu au fait de ces questions, les collectivités locales doivent être aidées dans la mise en place des actions qu’elles initient, notamment en matière de gestion. En effet, une fois l’aire aménagée, la gestion de l’aire d’accueil doit être strictement assurée, comme le démontrent certaines expériences qui sont en grande majorité une réussite. L’aire, une fois construite, requiert en effet une gestion de proximité, dans le respect du règlement intérieur pour tous et par tous, seul gage de réussite et de pérennité. J’insiste sur ce point.

En effet, il ne s’agit pas d’un équipement public lambda et, au-delà de la nécessaire implication des élus, il convient de former les personnels en contact avec les gens du voyage.

Pour les modes de gestion en régie, les modalités de droit commun de recrutement de la fonction publique territoriale ne conviennent pas à l’exercice d’un métier dont il faut reconnaître qu’il demande un profil particulier.

Quant au règlement intérieur, il doit garantir que l’aire d’accueil remplit sa vocation de satisfaction du besoin de stationnement des gens du voyage véritablement itinérants.

À défaut de rotation, l’aire devient un espace « réservé » à une certaine catégorie de gens du voyage qui se sédentarisent. Dès lors, elle n’est plus en mesure d’assurer sa mission d’accueil des itinérants.

Dans cette hypothèse, l’aire aménagée risque d’être disqualifiée comme aire d’accueil et considérée comme terrain familial, ce qui peut contraindre la collectivité concernée à aménager une nouvelle aire d’accueil, entraînant de nouvelles dépenses souvent contestées.

L’impossibilité d’accéder à des aires aménagées conduit inévitablement les gens du voyage à pratiquer des stationnements illicites, d’autant plus incompréhensibles que la collectivité a investi pour répondre à ses obligations légales.

Pourtant, je le répète, si les communes ont satisfait à leurs obligations, elles peuvent bénéficier pleinement des dispositions relatives aux stationnements illicites.

J’en ai terminé avec ce qui relève de la loi de 2000 concernant l’itinérance des gens du voyage. L’équation est simple, madame la ministre : du courage politique et du bon sens !

Un autre phénomène de plus en plus marqué, que je n’ai pu développer dans mon rapport, est l’ancrage territorial – semi-sédentarisation ou sédentarisation – d’une partie de la population des gens du voyage.

Ce constat nécessite de développer des solutions alternatives aux aires d’accueil. En effet, il ne servirait à rien de financer des aires aménagées destinées à recevoir des itinérants si elles ont pour seul objet de satisfaire les besoins d’une population sédentaire.

L’équilibre du système invite à développer des politiques d’habitat social adaptées. Cette réponse sociale s’impose d’autant plus qu’elle apparaît comme la condition essentielle de viabilité des aires aménagées.

Il convient donc d’encourager une forme d’habitat adapté aux gens du voyage qui ne voyagent plus, ou qui réduisent leurs déplacements.

Cet habitat prend des formes diversifiées : d’une part, les terrains familiaux locatifs, sans habitat en dur, qui permettent de fixer sur un territoire un groupe familial sans faire renoncer ce dernier, le cas échéant, à quelques mois de voyage ; d’autre part, l’habitat mixte, qui permet une construction en dur destinée à l’habitation tout en maintenant la présence de caravanes et les Maisons ultra-sociales, dites MUS, qui bénéficient des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, et ouvrent droit à l’aide personnalisée au logement, l’APL.

Enfin, le logement social en immeuble collectif peut répondre à la demande de familles sédentarisées depuis un certain temps, avec une mixité sociale délicate.

Ceux dont l’ancrage territorial est le plus fort ne posent, en général, pas de difficulté aux collectivités locales qui les prennent en charge scolairement et socialement, par le biais des assistants sociaux et des centres communaux d’action sociale.

Des actions doivent être envisagées dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées et des programmes locaux de l’habitat. Elles ont de surcroît le mérite de mobiliser la solidarité et la complémentarité départementale en impliquant des communes non soumises à l’obligation de création d’aires d’accueil, et peuvent s’inscrire dans le cadre d’un plan local d’urbanisme.

Ces actions doivent être plus activement soutenues qu’elles ne le sont aujourd’hui.

Dès que la problématique du stationnement présentera une acuité moins forte, d’autres difficultés ressenties par les gens du voyage pourront être prises en charge avec plus d’efficacité.

En effet, à l’instar de la population sédentaire, des conditions défaillantes de logement désorganisent l’ensemble de la vie. Au contraire, la stigmatisation dont sont encore l’objet les gens du voyage donne une acuité particulière à des handicaps sociaux, même s’il appartient avant tout aux gens du voyage d’offrir une image plus positive du groupe social qu’ils représentent.

La loi du 5 juillet 2000 a eu pour seule ambition d’organiser le droit des gens du voyage de circuler librement et de stationner dans des conditions conciliant l’ordre public, au sens le plus étendu, et les attentes légitimes d’une population de disposer d’infrastructures publiques répondant à ses besoins. Je vous proposerai donc de la compléter par voie d’amendements.

Pour conclure, j’insisterai sur le contexte favorable de début de mandat, ainsi que sur l’ouverture de la période de révision des schémas départementaux 2008-2009, qui nous offrent la possibilité d’établir un diagnostic avisé et adapté.

Ne laissons pas la situation s’envenimer une nouvelle fois : ce serait, madame la ministre, une fois de trop ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)