compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

difficultés rencontrées par les propriétaires d'habitations légères de loisir

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 300, adressée à Mme la ministre du logement et de la ville.

M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre du logement, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés rencontrées par les propriétaires d’habitations légères de loisir, HLL, notamment sur les litiges qui les opposent parfois aux propriétaires des parcelles qu’ils occupent dans les parcs de loisir ou les campings.

Ainsi, dans le Var, des propriétaires d’HLL se voient temporairement sommés de quitter leur logement, le parc résidentiel de loisir dans lequel ils se sont installés fermant pour les mois d’hiver.

Pourtant, pendant cette même période, ils seront contraints de continuer à payer leur loyer, ce qui est pour le moins abusif. Compte tenu du fait que les propriétaires de ces habitations légères de loisir ont obtenu un permis de construire et qu’ils sont assujettis aux taxes locales telles que la taxe d’habitation et la taxe foncière, cet état de fait s’apparente à une expulsion de leur propre habitation, par ailleurs illégale entre le 1er novembre et le 15 mars pour tous les locataires.

Dans la commune du Muy, que je connais bien, cette situation concerne actuellement quarante familles. Dans le Var, elles seraient vingt mille à vivre dans ces conditions. Pour la France, le chiffre de deux millions de personnes a été avancé. Il ne s’agit bien sûr que d’estimations, mais cela donne une idée de l’importance du problème.

Leurs difficultés vont se multiplier, car les hébergements de tourisme, faute de mieux, faute de logements de substitution, deviennent de plus en plus fréquemment l’ultime possibilité de se loger.

Madame la ministre, de quelles garanties légales les propriétaires d’habitations légères de loisir demeurant de manière permanente dans des parcs résidentiels de loisir ou dans des campings peuvent-ils se prévaloir ? Comptez-vous prendre des dispositions pour leur éviter d’être expulsés durant la période hivernale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le sénateur, vous appelez mon attention sur la situation particulière de familles du Var qui sont conduites à quitter leur hébergement de loisir durant les mois d’hiver. Vous assimilez leur situation à des expulsions, illégales entre le 1er novembre et le 15 mars.

Je suis bien consciente de la situation difficile des personnes, parfois en situation précaire, contraintes de résider de manière permanente dans des constructions par définition et par nature déplaçables, démontables ou transportables et à usage exclusivement de loisir ou d’occupation temporaire.

Vous le savez, cet habitat et les normes qui le régissent ne sont pas adaptés à des conditions d’habitat permanent, qui obéissent à des règles de confort plus exigeantes et qui nécessitent un bon accès aux services urbains. Les occupants de ces hébergements de loisir ne bénéficient donc pas des mêmes garanties que celles qui sont offertes aux locataires titulaires d’un bail pour un logement. L’obtention d’un permis de construire ou d’une autorisation d’urbanisme équivalente et le paiement de la seule taxe d’habitation sont sans effet sur cette situation.

Il n’est pas souhaitable, en rapprochant le régime juridique de l’habitation légère de loisir de celui du logement, d’encourager la pérennisation d’un habitat précaire. La véritable réponse à cette question réside dans la mise en œuvre d’une action renforcée en faveur du logement social et de l’hébergement. C’est le choix qui a été fait par le Gouvernement avec la relance de la construction du logement locatif social. Ainsi, plus de 100 000 logements ont été financés en 2007, davantage sont prévus en 2008, et bien davantage en 2009. L’augmentation soutenue des moyens budgétaires consacrés à l’hébergement – plus de 1 milliard d’euros en 2008 – est en hausse de 70 % par rapport à 2001.

À cet effort financier s’ajoutent les nombreux instruments mis à la disposition des collectivités territoriales pour mener une politique de l’habitat volontariste en faveur des populations modestes. Ce sont de véritables « boîtes à outils » que le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, que j’ai eu l’honneur de vous présenter la semaine dernière, va enrichir.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je suis bien conscient qu’il est exorbitant de s’adresser directement au ministre pour traiter ce type de problème, mais il s’avère que les interventions auprès du préfet n’ont strictement rien donné jusqu’à aujourd’hui.

Madame la ministre, vous me répondez qu’il n’y a rien à faire. Vous m’expliquez la législation en vigueur et les raisons pour lesquelles ces situations ne doivent pas être pérennisées. Vous me parlez également de l’effort du Gouvernement.

Ne revenons pas sur le débat que nous avons eu les deux semaines précédentes, car je ne partage pas du tout votre point de vue. Mais là n’est pas la question. En revanche, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il n’est pas question de laisser ces situations, qui posent de véritables problèmes humains, se pérenniser. Quand une gamine est mordue par un chien, le Président de la République s’en occupe ! On pourrait donc aussi se soucier de ces braves gens.

Tout en reconnaissant que la situation n’est pas très simple – si elle l’était, je ne me serais pas permis de vous déranger –, je souhaiterais que vous interveniez, au moins auprès du préfet, afin de voir si des solutions peuvent être trouvées localement et temporairement. J’ai bien conscience qu’il ne peut s’agir que de mesures spécifiques. C’est pourquoi je ne vous demande pas de changer une législation, ce qui serait absurde. Je vous demande simplement de régler un problème humain.

Bien entendu, il faut prendre des dispositions pour éviter la multiplication de ce genre de cas. Mais, en attendant, il faut agir pour améliorer leur sort. Je pense que nous serions ainsi dans notre rôle. Par avance, je vous remercie, madame la ministre.

coût du développement de l'énergie éolienne

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 308, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

M. Claude Biwer. De récentes manifestations contre l’implantation d’éoliennes ont fait ressurgir un débat, celui du coût pour la collectivité du développement de l’énergie éolienne.

En effet, la rentabilité économique de cette énergie a été remise en cause dans un rapport publié en juillet par des experts indépendants.

La France s’est lancée dans le développement massif de l’énergie éolienne, qui devrait constituer près de 10 % de sa consommation d’électricité à l’horizon 2 020. C'est pourquoi il a été prévu, lors du Grenelle de l’environnement, d’aboutir à une puissance installée d’énergie éolienne de 25 000 mégawatts en 2020.

Si cette énergie présente bien des avantages, notamment le fait de ne pas rejeter de C02 dans l’atmosphère, elle comporte également quelques inconvénients. Ainsi, sa production est soumise aux aléas météorologiques. Lorsqu’il n’y a pas assez de vent, les installations ne produisent pas d’électricité et, lorsqu’il y en a trop, dès que la vitesse du vent dépasse les vingt-cinq mètres par seconde, les installations cessent de fonctionner pour éviter qu’elles ne soient endommagées. On considère généralement qu’un parc d’éoliennes ne fonctionne en moyenne que 25 % du temps.

Par ailleurs, l’État oblige EDF à acheter des kilowatts produits par l’énergie éolienne au prix de 82 euros par mégawatt pendant quinze ans alors que le coût moyen de production d’électricité de cette entreprise est de l’ordre de 40 euros par mégawatt. Nous savons, bien sûr, que l’électricité nucléaire coûte moins cher que cela.

Cette énergie étant par définition aléatoire, il faut, parallèlement à son développement, augmenter ce que l’on appelle les réserves d’ajustement, c’est-à-dire la production d’électricité par des centrales, thermiques ou autres, qui, elles, produisent beaucoup de C02.

Ainsi, selon cette étude, si les objectifs du Grenelle de l’environnement étaient atteints en 2020, c’est-à-dire si 25 giga watts d’éolien étaient installés et en considérant à la fois le coût réel de cette énergie et les économies que l’on peut en attendre, le surcoût annuel serait égal, en moyenne, à 1 milliard d’euros pour la période de montée en puissance, c’est-à-dire entre 2008 et 2020. Il dépasserait les 2,5 milliards d’euros au-delà de cette date.

Le syndicat des énergies renouvelables a bien entendu réagi aux conclusions de cette étude et a certifié, sans autres précisions, que l’énergie éolienne représenterait un gain net de 1,2 milliard d’euros pour la collectivité à partir de 2020.

Afin de pouvoir nous prononcer en toute connaissance de cause, il serait nécessaire que nous puissions disposer d’un chiffrage officiel et indépendant du véritable coût de l’énergie éolienne. Il serait tout aussi intéressant de connaître le véritable coût des autres sources de production d’électricité existantes, tout particulièrement de l’énergie nucléaire. Je voudrais être certain que le coût du kilowattheure d’origine nucléaire avancé par EDF prend bien en compte toutes les dépenses inhérentes à sa production, c’est-à-dire l’amortissement des centrales nucléaires, leur fonctionnement, le traitement des déchets, le renouvellement du parc nucléaire et la future remise en état des sites qui seront désaffectés ! Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que l’élu de la Meuse que je suis pense aux déchets nucléaires et à leur coût.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour nous communiquer ces précieuses données, seules à même de nous permettre de nous forger un jugement sur la pertinence des propositions formulées par le Gouvernement dans le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, M. Jean-Louis Borloo, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin, m’a chargé de vous répondre.

Le Grenelle de l’environnement prévoit une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d’énergie renouvelable à l’horizon 2020. Pour y parvenir, nous avons besoin de développer l’énergie éolienne. Cette énergie représenterait, estime-t-on, entre un quart et un tiers du potentiel de développement. Il nous faut donc multiplier par dix le parc d’éoliennes en termes de puissance à cet horizon.

En outre, l’éolien est l’une des énergies renouvelables les plus compétitives. Compte tenu du climat dans notre pays, ses perspectives de développement sont prometteuses. La France est l’un des marchés européens les plus dynamiques – la capacité installée a été multipliée par dix en quatre ans –, et notre pays se situe désormais au troisième rang en termes de marché, derrière l’Allemagne et l’Espagne.

Le développement de l’éolien contribue à la réduction des émissions de C02, mais aussi à notre indépendance énergétique. Le parc éolien français devrait permettre de réduire les émissions françaises de C02 de 1,65 million de tonnes en 2008 et de 16 millions de tonnes en 2020. Il permet de limiter le recours à des centrales classiques, au gaz ou au charbon.

De la dernière évaluation des coûts réalisée par le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, il ressort que le coût de production d’une éolienne pour une mise en service en 2012 est de 74 euros par mégawatt.

Ce coût, tout comme le tarif d’achat fixé à 82 euros par mégawatt, est proche des prix du marché de l’électricité. Dès lors, le coût additionnel supporté par le consommateur au titre de la contribution au service public de l’électricité est faible. En 2008, pour une contribution au service public de l’électricité totale de près de 1,6 milliard d’euros, on estime le surcoût des tarifs d’achat de l’éolien à 92 millions d’euros. Pour un foyer français qui consomme 2 500 kilowattheures par an, le coût annuel est de 60 centimes d’euros.

L’éolien fait bien sûr l’objet de critiques, notamment dans le rapport que vous avez évoqué, monsieur le sénateur.

Le Gouvernement souhaite favoriser un développement à haute qualité environnementale des énergies renouvelables. Ainsi, le développement des éoliennes doit être réalisé de manière ordonnée, en évitant le mitage du territoire afin de prévenir les atteintes aux paysages, au patrimoine et à la quiétude des riverains, et d’autant plus si la taille de notre parc est multipliée par dix d’ici à 2020. Il faut donc améliorer la planification, la concertation et l’encadrement réglementaire. J’ajouterai à titre personnel que, si les éoliennes conviennent à certains paysages, elles sont très laides dans d’autres. On trouve des exemples de ces deux situations dans notre pays.

Un amendement tendant à améliorer la planification, la concertation et l’encadrement réglementaire a été présenté à l’Assemblée nationale par vos collègues Patrick Ollier et Christian Jacob – respectivement président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire et rapporteur du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement –, Serge Poignant, Alain Gest et Catherine Vautrin. Vous aurez donc l’occasion, si vous le souhaitez, de discuter de ces améliorations et d’en apporter de nouvelles lors de l’examen de ce projet de loi par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir apporté ces précisions. Par ailleurs, je suis heureux d’apprendre que nous aurons l’occasion de débattre de nouveau de la question de l’énergie éolienne.

La politique de l’éolien suit son cours, mais diffère selon les départements. S’il est développé dans certains, il est ralenti dans d’autres, tels que la Meuse. Il me semble donc nécessaire d’ajuster notre politique dans ce domaine.

Par ailleurs, il me semble utile d’envisager des mesures particulières pour les éoliennes de moins de douze mètres, afin que l’on ne laisse pas faire n’importe quoi, ce qui me paraît dommageable pour l’environnement.

Nous participerons donc au débat sur le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’Environnement afin d’affiner notre politique dans ce domaine. Nous aurons sans doute alors de façon détaillée les chiffres que j’attendais aujourd'hui.

M. le président. Pas d’éolienne à Domrémy !

statut du loup au regard de la convention de Berne et protection des troupeaux d'ovins

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la question n° 305, adressée à Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie.

M. Thierry Repentin. Je souhaite attirer l’attention de Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie sur l’exaspération croissante des éleveurs, mais aussi des professionnels, des usagers et des élus de certains territoires de montagne sur les conséquences de la présence du loup dans le Massif alpin. Cela vous rappellera des souvenirs, monsieur le secrétaire d’État ! (M. le secrétaire d'État acquiesce en souriant.)

Les attaques répétées de troupeaux d’ovins recensées dans nos montagnes créent un sentiment de désespérance chez les bergers, dans un contexte où la filière ovine connaît déjà de fortes difficultés du fait de la concurrence résultant de l’importation, à bas prix, de bêtes étrangères et des conséquences de la fièvre catarrhale ovine. À cela s’ajoutent les difficultés créées par la présence de chiens de protection de troupeaux, dits « patous », dont la cohabitation avec les touristes et les habitants locaux est de plus en plus conflictuelle.

Récemment, des bergers de Savoie ont manifesté trois jours durant dans les rues de la sous-préfecture de Saint-Jean-de-Maurienne après que l’un d’eux eut été convoqué devant le tribunal de première instance de la ville à la suite de l’attaque d’un touriste par l’un de ces patous. Loin de soulager les élus locaux, la récente loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux ne fait qu’engager, un peu plus, leur responsabilité. Les élus sont désormais sommés de résoudre des problèmes qui dépassent de loin leur domaine de compétence et les moyens dont ils disposent pour faire appliquer cette nouvelle loi.

On s’étonnera du double langage qui est tenu dans le discours officiel. On prétend lutter contre les pitbulls de banlieue en subventionnant les molosses des montagnes ! (Sourires.) Non seulement la présence du prédateur contribue à entraîner la disparition des troupeaux en alpages, mais, en plus, les mesures de protection prises fragilisent le tourisme estival, bien nécessaire au maintien de l’emploi à l’année.

Après la découverte il y a quelques mois à Presle-en-Savoie d’un cadavre de loup décapité, après l’abattage interdit d’un autre il y a quelques mois également dans le massif des Bauges, puis dans le massif de Belledonne, un nouveau cadavre de loup a été trouvé dans le Vercors isérois le vendredi 17 octobre, victime d’un tir illégal. Le plan d’action sur le loup permet aux seuls agents de l’État de prélever un nombre défini de prédateurs.

Le monde de la montagne et le monde pastoral ne sont vraisemblablement plus en phase avec le discours parisien prônant la coexistence possible entre espèces et entre activités, coexistence qui, soit dit en passant, a coûté 6,3 millions d’euros au budget de l’État pour la seule année 2006 !

Devant de telles conséquences et le constat unanimement dressé que le loup n’est plus, dans notre pays, compte tenu de sa prolifération, une espèce en voie de disparition, mais, au contraire, qu’il colonise de nouveaux territoires, se pose donc aujourd’hui le problème de son statut afin que soient prises des mesures plus efficaces de protection des troupeaux.

Monsieur le secrétaire d’État, la convention de Berne a été pensée et signée bien avant l’ouverture de l’Europe à l’est et constatait, évidemment, l’absence de grands prédateurs tels que l’ours et le loup sur son territoire géographique d’origine. Aujourd’hui, l’espace est ouvert et il faut avoir une vision plus large du problème. Il est indispensable de clarifier et de remettre à plat cette convention, qui a été amendée et complétée par d’autres textes internationaux.

Le statut de protection de l’espèce canus lupus, le loup, au titre de la convention de Berne et de la directive « Habitats, faune, flore » doit par conséquent évoluer. Les États signataires de la convention peuvent demander la révision du classement de chaque espèce dans telle ou telle de ses annexes.

En 2004, la Suisse a ainsi demandé au comité permanent de la convention de déclasser le loup de l’annexe II à l’annexe III et de la faire ainsi passer d’espèce « totalement protégée » à « espèce protégée ».

En conséquence, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite connaître, quelques jours seulement après l’adoption à l’unanimité par le conseil général de la Savoie d’un vœu sur ce dossier, qui a été adressé à Mme la secrétaire d’État chargé de l’écologie, quelques mois après la remise d’un rapport au Sénat, rédigé par nos collègues Gérard Bailly et François Fortassin, sur le devenir de la filière ovine en France, quelles sont les dispositions envisagées par le Gouvernement à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, pendant ces quelques mois où notre pays peut faire bouger les lignes s’il en exprime la volonté politique. (MM. Jean-Pierre Sueur et Jean-Louis Carrère applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le sénateur, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet dans un autre contexte. Aujourd'hui, c’est au nom de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet que je vous répondrai.

Votre question porte sur les conséquences pour les éleveurs du retour du loup dans les zones de montagne. Par ailleurs, vous demandez la révision du statut de cette espèce dans le cadre de la convention de Berne.

Depuis le retour du loup dans notre pays, en particulier dans le cadre du plan d’action sur le loup pour la période 2004-2008, l’État, avec l’aide de l’Union européenne, a mis en œuvre un ensemble de mesures d’accompagnement des éleveurs visant à limiter les répercussions de la réintroduction du loup sur le pastoralisme.

Pour améliorer la gestion du loup dans les départements alpins concernés, voire dans d’autres départements, et pour anticiper les conséquences de son expansion géographique rapide, un nouveau « plan d’action sur le loup 2008-2012 dans le contexte français d’une activité importante et traditionnelle d’élevage » a été élaboré par les ministères en charge de l’écologie et de l’agriculture.

Ce plan a fait l’objet, c’était bien naturel, d’un travail important avec les parties concernées, notamment la profession agricole et les élus, qui ont pu l’enrichir de leurs expériences et de leurs réflexions.

Vous l’avez rappelé, monsieur Repentin, parmi les mesures d’accompagnement des éleveurs financées par l’État, l’utilisation de chiens de protection des troupeaux, les fameux « patous », est reconnue comme très efficace, car elle permet de dissuader les attaques du prédateur et de réduire, le cas échéant, le nombre de bêtes tuées.

J’ai conscience que le recours à cette mesure impose des contraintes et des difficultés aux éleveurs, tant pour l’éducation et la gestion des chiens qu’en raison des responsabilités liées à la détention de ces animaux.

Il est vrai également que les mollets de quelques randonneurs ont pu être affectés par la présence de ces chiens dans l’exercice de leur travail de protection des troupeaux. (Sourires.) Vous noterez combien est excellente la rédaction des technocrates qui préparent les réponses des ministres ! (Nouveaux sourires.)

C’est pourquoi le nouveau plan d’action sur le loup met l’accent sur la mise en œuvre d’une politique d’encadrement et de suivi du développement de la mesure « chiens de protection ». Il s’agit de prévenir les incidents avec les usagers de la montagne.

Le programme national « Chiens de protection 2007-2008 », piloté par l’Institut de l’élevage, financé par le ministère de l’agriculture et de la pêche et l’Office de l’élevage, doit fournir des outils opérationnels.

Outre le recensement des chiens de protection détenus en France, l’estimation des besoins en formation et l’information des différents acteurs sur cette problématique, est fait un travail qui permettra d’évaluer l’aptitude du chien à la protection, mais aussi son agressivité potentielle à l’égard de l’homme.

Comme vous l’avez rappelé, il existe un panel de mesures de police applicables aux chiens dangereux, et il convient de prévenir d’éventuels incidents. Un test sera mis en œuvre pour améliorer la sélection des chiens proposés aux éleveurs. Une proposition de test issue des travaux menés depuis deux ans est attendue très prochainement.

Les résultats du programme seront proposés aux instances du « groupe national loup », qui avait validé le lancement de cette démarche de test.

En outre, vous savez, en tant qu’élu alpin, qu’un ensemble de mesures en matière d’information et de sensibilisation du public et des élus a été mis en œuvre. Il convient donc d’accroître la fiabilité du programme « Chiens de protection » et de poursuivre, au plan local, un dialogue constructif.

Quant à la convention de Berne, Mme Kosciusko-Morizet vous rappelle que, même en cas de déclassement du loup de l’annexe Il à l’annexe III, la France resterait soumise à la directive « Habitats, faune, flore » et que le loup garderait son statut actuel de protection stricte au niveau national.

Par ailleurs, la demande de la Suisse à laquelle vous faites référence a été rejetée par les États membres de l’Union européenne et par la convention de Berne elle-même.

Dans le cadre juridique existant, et conformément aux conditions imposées par l’article 16 de la directive « Habitats, faune, flore » pour les dérogations au régime de protection strict dont bénéficie cette espèce, les mesures de gestion du loup préconisées dans le plan d’action pour la période 2008-2012 permettent de mettre en œuvre des opérations d’effarouchement et de prélèvement, sur l’initiative des préfets, lorsque la situation l’impose.

Ainsi, le statut actuel du loup n’exclut pas la possibilité d’instaurer des modalités de gestion de l’espèce ; nous l’avons souligné lors du rejet de la demande suisse.

Dans ce contexte, la France n’entend pas demander le déclassement du loup, mais nous avons bien pris note de vos observations et de vos propositions, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. J’ai craint un instant, monsieur le secrétaire d’État, que les technocrates qui ont préparé la réponse de votre collègue Mme Kosciusko-Morizet ne vous fassent annoncer une circulaire administrative visant à canaliser l’agressivité des « patous ». (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Ils sont capables de l’écrire !

M. Thierry Repentin. On n’est pas allé jusque-là, et je m’en réjouis.

Monsieur le secrétaire d’État, vous rappelez que la révision de la convention de Berne a été rejetée par la majorité des États de l’Union européenne. Depuis, l’Union européenne s’est élargie à d’autres pays qui connaissent également des difficultés liées à la présence du loup.

Il convient cependant d’ajouter un fait nouveau. Comme l’a reconnu le ministre de l’agriculture, Michel Barnier, le loup n’est plus une espèce menacée, en particulier dans le Massif alpin. Le fait générique visant à modifier le contenu de la convention de Berne pourrait donc être pris en compte.

Monsieur le secrétaire d’État, en tant qu’ancien ministre de l’agriculture, vous pouvez comprendre l’exaspération d’une profession quand, dans le seul département de la Savoie, le nombre de moutons tués par des loups est passé en quatre ans de 400 à 1 000 !

Je pense qu’un jour, à la suite de la condamnation d’un éleveur ou d’un berger, un assureur se retournera contre la puissance publique, afin de lui faire régler l’addition. Car, si l’accident vient du chien, le chien protège le cheptel du loup, un loup dont la présence relève de la responsabilité de l’État, qui a choisi de le réintroduire.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué un plan de gestion du loup, j’aurais préféré que vous nous présentiez un plan de consolidation de l’économie pastorale et touristique dans le Massif alpin. J’ai compris qu’il faudra que je pose de nouveau ma question dans quelque temps, quand les esprits auront mûri.