M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien ! Excellent ! (Sourires.)

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Au-delà des mesures de reconnaissance et de réparation, ce budget consacre près de 19 millions d’euros à la politique de mémoire, qu’il s’agisse d’organiser les commémorations ou d’entretenir les sépultures et les lieux de mémoire. Au moment où les témoins directs des conflits contemporains nous quittent, nous mesurons tous l’importance des actions de mémoire et la nécessité d’en rénover la forme, afin, en particulier, de sensibiliser les jeunes générations. Je crains seulement que la nouvelle architecture budgétaire, en dispersant les crédits de mémoire entre trois programmes et deux actions, ne nuise à la cohérence comme à la lisibilité de cette politique pourtant essentielle.

M. Guy Fischer. On est d’accord !

Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis. Je terminerai, monsieur le secrétaire d’État, en évoquant un sujet qui, vous le savez, me tient à cœur, à savoir la création d’une médaille d’honneur du monde combattant. Cette distinction, purement honorifique et sans incidence budgétaire, serait ressentie, par l’ensemble des associations d’anciens combattants, comme un signe fort de reconnaissance à l’égard des bénévoles qui œuvrent quotidiennement dans l’ombre. Je pense notamment au Souvenir français, qui rénove les tombes et les monuments aux morts, dans le but de maintenir les lieux de mémoire. Je réclame l’institution de cette récompense depuis plus de deux ans et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir pris en compte ma demande, car la remise d’une telle médaille constituerait un moment émouvant et convivial de mémoire, lors des cérémonies patriotiques. Pourriez-vous nous préciser vos intentions sur ce point ?

Pour conclure, mes chers collègues, je vous indique que les éléments favorables de ce budget ont conduit la commission des affaires sociales à se prononcer en faveur de l’adoption des crédits pour 2009 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’aurais aimé, comme tous mes collègues, que le budget des anciens combattants pour 2009 témoigne davantage de la reconnaissance de la France à l’endroit de celles et ceux qui, avec abnégation et sens du devoir, ont toujours répondu à l’appel de la nation.

L’application de la révision générale des politiques publiques, d’une part, et le manque de moyens de l’État, lié à sa mauvaise politique fiscale, d’autre part, ne le permettent pas. C’est regrettable, mais c’est surtout injuste.

Il est donc assez facile, sans prétendre à l’exhaustivité, d’établir la liste des manquements, avant de reconnaître les quelques avancées proposées et de suggérer de nécessaires corrections, réalisables et justes.

Les manquements sont nombreux. Ils contredisent les engagements pris et affaiblissent la parole donnée, ainsi que la véracité des promesses faites, tant par vos prédécesseurs, monsieur le secrétaire d’État, que par le Président de la République.

Rien sur la campagne double, rien pour rattraper la valeur du point de pension, rien pour les veuves des plus grands invalides, rien pour éliminer l’injustice faite à de nombreux orphelins de guerre, rien pour relever le plafond de la rente mutualiste, et peu pour les crédits sociaux de l’ONAC !

En fait, le budget 2009 permet tout juste l’exécution des mesures adoptées l’an dernier, notamment en matière de décristallisation.

Parmi les nouvelles propositions, je note, à la suite de l’adoption d’un amendement présenté à l’Assemblée nationale, le relèvement de deux points de la pension versée aux anciens combattants, applicable à partir du 1er juillet 2009. Le versement afférent ne sera donc effectué qu’au cours de l’année 2010 !

Je note aussi que le plafond permettant de verser l’allocation différentielle au conjoint survivant est porté à 750 euros et qu’il exclut l’allocation logement des ressources prises en compte.

Quant à l’indemnité de 800 euros qui doit être versée aux anciens du RAD-KHD, que nous attendions depuis de nombreuses années, et pour laquelle nous nous sommes battus avec une grande détermination, elle sera financée pour moitié sur le budget 2009, bien qu’aucune ligne spécifique n’apparaisse à la lecture de celui-ci. À cet égard, monsieur le ministre, prenez-vous l’engagement que les indemnités dues seront bien toutes versées en 2009 ? Devant les insuffisances et les manquements relevés, je souhaiterais que nous nous accordions, au Sénat, sur ce qui pourrait constituer un consensus. Ce dernier s’avère d’autant plus nécessaire qu’il s’agit, pour la représentation nationale, d’être juste à l’égard du monde combattant.

Deux dossiers pourraient faire l’unanimité : celui de l’allocation différentielle et celui de la revalorisation de la retraite du combattant. L’allocation différentielle versée au conjoint survivant est une obligation morale et politique pour la nation. Elle doit permettre à celles et à ceux susceptibles d’en bénéficier de vivre ou de survivre décemment. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas. Notre devoir est de tenir compte de la réalité, laquelle nous conduit à proposer un plafond de ressources non pas de 750 euros, mais de 887 euros. C’est le moins que l’on puisse faire, puisque ce montant correspond au seuil de pauvreté déterminé par l’INSEE.

La retraite du combattant est sans doute la mesure la plus emblématique de la reconnaissance de la nation en direction du monde combattant. Le plafond de cette retraite doit être relevé sans tarder. Des engagements ont été pris, ils doivent être tenus. Son montant devrait, annuellement, constituer un treizième mois pour celles et ceux qui perçoivent la retraite de base de la sécurité sociale.

Cette retraite, comme l’ensemble des prestations accordées au monde combattant, à quelque titre que ce soit, devrait évoluer chaque année proportionnellement à l’inflation réelle. Je ne voudrais pas non plus oublier une demande récurrente des anciens combattants concernant le relèvement du plafond de la rente mutualiste, qui vise à la faire passer de l’indice 125 à l’indice 130, afin d’achever son rattrapage. Que comptez-vous faire en ce sens, monsieur le secrétaire d’État ?

Le budget 2009, qui est conforme à la révision générale des politiques publiques, touche aussi l’organisation dédiée aux anciens combattants. C’est ainsi que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale disparaît. Ses compétences sont confiées à l’ONAC, qui aura la mission de les exercer dans la plus grande proximité avec le monde combattant.

Mais, pour que cette évolution se traduise utilement dans les faits dans chaque département, encore faut-il que les moyens humains et matériels soient donnés aux offices ! Vous engagez-vous, monsieur le secrétaire d’État, à ouvrir dans chaque département des discussions tripartites entre l’État, le monde combattant et les élus, pour que nous soyons assurés de la bonne attribution et de l’affectation réelle de ces moyens nécessaires ?

En ce qui concerne l’ONAC, j’observe que les crédits sociaux qui lui sont attribués sont insuffisants eu égard aux besoins recensés, et ce malgré une majoration de 500 000 euros.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, quel sort réservez-vous aux écoles professionnelles dépendantes de l’ONAC et aux maisons de retraite, qui ont besoin de se mettre aux normes de confort et de sécurité ?

Avant de conclure, je souhaite évoquer un certain nombre de dossiers qui appellent rapidement des réponses concrètes. Il s’agit de la campagne double, des orphelins de guerre et d’un dossier particulier à l’Alsace-Moselle, la « ligne Curzon ».

Sur le dossier de la campagne double, que l’un de vos prédécesseurs, M. Mékachéra, n’a pas clarifié, il faut cesser d’invoquer les travaux de telle ou telle commission. Depuis de nombreux mois, vous avez assez d’éléments pour faire des propositions concrètes ou motiver un refus définitif.

Le dossier des orphelins est douloureux. Vous connaissez la disparité des situations des orphelins de guerre qu’a engendrée le décret du 13 juillet 2000. Malgré des ajustements et des compléments – ils étaient nécessaires -, il existe encore des injustices que le monde combattant ne comprend pas. Là encore, vous disposez de toutes les informations nécessaires à une prise de décision, monsieur le secrétaire d’État. À quel moment comptez-vous agir ?

Certains prisonniers des camps soviétiques – je veux parler des alsaciens-mosellans incorporés de force dans l’armée allemande, faits prisonniers ou qui ont déserté – n’ont pas le même statut selon qu’ils ont été internés à l’est ou à l’ouest de la frontière germano-soviétique de 1941, matérialisée par le fleuve Bug et appelée « ligne Curzon ».

Les décrets pris en 1973, 1977 et 1981 établissent un régime spécial pour ces anciens prisonniers, mais seulement pour ceux dont les camps étaient situés à l’est de la frontière. Ce n’est pas juste ! Monsieur le secrétaire d’État, comptez-vous corriger cette anomalie ?

Le devoir de mémoire est une belle chose. Il faut le préserver et le développer, en partenariat avec les collectivités territoriales et l’éducation nationale.

Comme la plupart de mes collègues, je crois à la nécessité de préserver les dates de commémoration, lesquelles rythment le devoir de mémoire. Quant à la date du 19 mars, marquant la fin de la guerre d’Algérie, vous savez qu’elle a notre préférence.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne votera pas ce budget, qu’il juge insuffisant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez pas surpris que je vous redise avec quelle amertume j’ai accueilli ce projet de budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 2009.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres précédemment évoqués dans ce débat. Je voudrais néanmoins rappeler que, s’agissant du droit imprescriptible à réparation, dont nous fêterons, le 31 mars 2009, le 90ème anniversaire, l’on ne peut pas se contenter de répéter, année après année, ce genre de discours convenu : « On baisse le budget, les ayants droit décèdent mais les survivants ont plus »… Ce n’est pas acceptable ! Que représenterait la satisfaction des principales revendications du monde combattant rapportée à la somme faramineuse de 360 milliards d’euros qui a été injectée dans les banques d’affaires victimes de leurs appétits de spéculation et responsables de la crise dans laquelle notre pays s’enlise ?

On ne peut plus se contenter d’un budget de simple fonctionnement ou presque, présenté comme une avancée, puis sortir de son chapeau, via un amendement, la bonne nouvelle de dernière minute, à savoir la hausse de la retraite du combattant de deux points au 1er juillet, laquelle est censée combler les aspirations du monde combattant. Croyez-vous que celui-ci soit dupe de votre volonté de gagner du temps sur ce qui lui est dû ?

Tout le reste, malheureusement, est à l’avenant, car vous prenez prétexte de la priorité que représente la retraite du combattant pour jeter par-dessus bord – ou, à tout le moins, les mettre trop en retrait à mon goût – tous les autres engagements du Président de la République. Ainsi, il n’y a toujours rien pour le plafond majorable des retraites mutualistes des anciens combattants, rien pour la campagne double, rien pour les veuves des plus grands invalides, rien pour les orphelins qui n’entrent pas dans les critères des deux décrets – je pense notamment aux morts au combat –, rien pour les réfractaires au service du travail obligatoire, le STO, rien pour les anciens militaires en OPEX… Enfin, aucun rattrapage n’est envisagé pour combler le retard du point de pension militaire d’invalidité ou point PMI...

Je vous concède un geste en faveur de l’allocation différentielle pour les conjoints survivants, le plafond de ressources passant de 681 à 750 euros au 1er janvier 2008 et l’aide personnalisée au logement en étant, par ailleurs, extraite. Vous nous avez entendus, monsieur le secrétaire d’État, et nous vous en remercions.

Mais, comme nous fûmes nombreux à le dire à votre prédécesseur l’an dernier, vous y étiez contraints. Vous n’aviez qu’une poignée de dossiers recevables à cette hauteur, et cela ne suffira pas ! Dans mon département, une trentaine de dossiers seulement ont été déclarés recevables depuis le relèvement du plafond à 750 euros. Pour rendre significative cette allocation, il faudrait la relever au moins à 817 euros, c’est-à-dire au niveau du seuil de pauvreté – je vous renvoie, sur ce point, aux précisions apportées par Mme Rozier - et, surtout, exclure du calcul le loyer ainsi que l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA.

Je veux souligner le dénuement dans lequel vivent certains de nos anciens combattants qui, seuls ou en couple, subsistent avec moins de 750 euros par mois. Ne faudrait-il pas envisager d’étendre le bénéfice de cette allocation à ceux-ci, ainsi que l’avait promis le Président Sarkozy ? Par ailleurs, je vous réitère ici la demande du monde combattant de ne pas englober ces crédits dans les crédits sociaux de l’ONAC, mais de les pérenniser sur une ligne budgétaire spécifique.

Au maigre chapitre des revendications qui avancent, je vous demanderai de bien vouloir préciser la date de versement de l’allocation de 800 euros attribuée aux incorporés de force dans le RAD-KHD ; la plupart des dossiers ayant été déposés, pouvez-vous vous engager sur un versement avant la fin de l’année 2008 ?

S’agissant des victimes des essais nucléaires, monsieur le secrétaire d’État, laissez-moi vous dire que nous serons très vigilants lors de l’examen du projet de loi que présentera prochainement M. le ministre de la défense, qui, du peu que nous en savons aujourd’hui, semble déjà vouloir faire un sort a minima à quarante-huit années d’attente et d’espoir de reconnaissance pour ces hommes sacrifiés sur l’autel de la raison d’État, que ce soit sur les sites d’Algérie ou sur ceux de la Polynésie française. (Murmures sur les travées de lUMP.)

Monsieur le secrétaire d’État, votre budget tire un trait sur l’essentiel des promesses solennelles du Président de la République – à tout le moins, nous avons compris qu’elles ne seraient mises en œuvre que très progressivement. Je vous demande donc de vous engager sur un véritable plan pluriannuel et, surtout, de le respecter pour les rentes mutualistes et d’autres revendications, ainsi que vous l’avez fait pour la retraite du combattant. Peut-être, monsieur le secrétaire d’État, nous tracerez-vous, tout à l’heure, de telles perspectives ?

J’en viens au point qui est sans doute le plus inquiétant dans ce budget pour 2009, placé sous le signe de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Vous vous attaquez aujourd’hui aux fondements mêmes des institutions du monde combattant avec la mise en pièces de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, et le transfert de ses missions à un ONAC qui subit des cures d’amaigrissement répétées, notamment avec le nouveau contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé en janvier prochain.

Dans le transfert des attributions de la DSPRS à l’ONAC, un point d’importance reste en suspens : la gestion des maisons de retraite et des écoles de réinsertion professionnelle. II serait question de la confier au privé… Ce n’est peut-être pas le cas, mais je souhaiterais que vous me rassuriez sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

Les services déconcentrés de l’ONAC seront réorganisés en « services départementaux de proximité ». Ils comprendront trois agents au minimum pour assurer l’accueil, les renseignements, l’instruction des dossiers d’action sociale et la relation avec les partenaires. Comment peut-on prétendre que cette réorganisation permettra de réduire les délais de traitement des dossiers alors que l’ONAC aura des missions nouvelles et du personnel en moins, puisque 150 postes seront supprimés sur les 1 400 que compte l’ONAC actuellement ? À titre d’exemple, l’ONAC du Rhône ne compte plus, outre le directeur, qu’une assistante sociale, une secrétaire administrative et deux agents de catégorie C. En effet, il n’y a plus de délégués-mémoire, ces postes étant supprimés, et il ne reste plus que vingt-sept assistantes sociales pour la France entière !

C’est une atteinte sans précédent au droit à réparation, annoncée autoritairement, sans la moindre concertation et qui, selon les propres termes de l’ARAC, l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, met le monde combattant « en alerte rouge » – une telle expression dans ma bouche ne vous surprendra sans doute pas, mes chers collègues… (Sourires.)

Je vous le redis solennellement, de concert avec les associations, l’ensemble des droits à réparation des anciens combattants et victimes de guerre doit demeurer entièrement géré par une administration centralisée spécifique, placée sous la seule tutelle du secrétariat d’État aux anciens combattants, conformément à la loi du 31 mars 1919. Y toucher serait un casus belli !

Je dois également vous réaffirmer, monsieur le secrétaire d’État, ma détermination à obtenir la reconnaissance officielle de la date du 19 mars 1962, au lieu de celle du 5 décembre, dénuée de sens, pour honorer la mémoire des militaires tombés en Algérie, au Maroc et en Tunisie, et celle de toutes les victimes civiles d’avant et d’après le 19 mars 1962.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Guy Fischer. Je vous rappelle également la volonté du monde résistant de voir commémorer la date du 27 mai 1943, date de création du Conseil national de la Résistance.

Je voudrais conclure sur un point qui me tient particulièrement à cœur : l’inquiétude du monde combattant quant aux conclusions de la commission chargée de réfléchir « à l’avenir et à la modernisation des commémorations et célébrations publiques ». Même si j’ai eu l’occasion de vous entendre affirmer, à Bordeaux, lors du congrès national de la fédération nationale des anciens combattants en Algérie, la FNACA, que nous n’allions pas vers l’instauration d’une journée unique, mes craintes n’en demeurent pas moins vives. Il me semblerait trop grave de se risquer à abolir tout ou partie de ces repères mémoriels indispensables.

Le temps qui m’est imparti est trop bref pour me permettre de traiter toutes les questions et de faire état des incompréhensions, des inquiétudes et des questions du monde combattant.

Au demeurant, en l’absence d’un geste de bonne volonté de votre part, monsieur le secrétaire d’État, le groupe CRC-SPG marquera par son vote son opposition au budget que vous nous présentez. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Mme Goulet applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré les contraintes imposées par la révision générale des politiques publiques, engagée en juillet 2007 par le Président de la République, et le poids d’un environnement économique national et international défavorable, il est important de souligner que les crédits réservés à la mission « Anciens Combattants, mémoire et liens avec la nation » au titre de l’année 2009 garantissent la pérennité des dispositifs liés à la reconnaissance et à la réparation que la nation doit à ses anciens combattants.

La dotation par pensionné augmente cette année de 2,46 %. Rappelons que, l’an dernier, la dotation moyenne par pensionné avait également augmenté de 3,27 %.

Il est donc important de souligner, comme viennent de le faire nos deux rapporteurs, que la diminution de l’enveloppe globale des crédits de 3,1 % par rapport à 2008 ne reflète en aucun cas un désengagement de l’État, mais traduit bel et bien la baisse tendancielle du nombre des bénéficiaires, s’agissant en particulier des pensions militaires d’invalidité, de la retraite du combattant et des soins gratuits. En effet, la diminution du nombre de pensionnés est estimée à 5,5 % en un an.

Ce budget pour 2009 marque donc bien, et nous ne pouvons que nous en réjouir, la poursuite des efforts engagés par le Gouvernement depuis 2006 dans le domaine de la réparation, de la solidarité et de la mémoire, témoignant de l’attention qu’il porte au monde combattant et au devoir de réparation.

La première priorité de ce budget est la retraite du combattant, témoignage de cette reconnaissance pour les services rendus. Cette retraite concerne 1,4 million de personnes susceptibles de faire valoir leurs droits en 2009, pour un montant de 764 millions d’euros. Le Président de la République s’est engagé à poursuivre l’effort de revalorisation.

L’indice de la retraite du combattant, qui avait été fixé à 33 points en 1978, et qui n’avait pas évolué depuis cette date – il est bon de le rappeler –, a été revalorisé régulièrement depuis 2006, passant à 39 points depuis le 1er juillet 2008. Pour l’année prochaine, le Gouvernement a souhaité, une nouvelle fois, marquer son attachement à poursuivre l’évolution engagée, en portant l’indice à 41 points à compter du 1er juillet 2009. S’il s’agit là d’une revalorisation importante, nous espérons néanmoins atteindre les 48 points d’indice d’ici à 2012, comme le Président de la République s’y est engagé. Mais cela dépendra, bien sûr, de la situation de nos finances publiques.

La solidarité à l’égard des veuves les plus démunies et des conjoints survivants constitue une autre priorité de ce budget. L’allocation différentielle, qui assure au conjoint survivant un montant mensuel minimum, est également revalorisée. Son montant a été porté à 750 euros, avec une date d’effet au 1er janvier 2008. Les associations demandent que ce montant soit porté à 817 euros, l’allocation personnalisée au logement n’étant plus prise en compte dans l’évaluation des ressources. Je vous remercie des précisions que vous pourrez apporter sur ce point, monsieur le secrétaire d’État.

Mes collègues et moi avons noté avec satisfaction le soutien accordé par le Gouvernement au fonctionnement des établissements publics que sont l’Institution nationale des invalides et l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre, dont les subventions de fonctionnement augmentent sensiblement. La place de l’ONAC est donc à nouveau renforcée. Ses crédits sociaux poursuivent leur hausse, afin de répondre aux besoins des anciens combattants en difficulté et des veuves âgées.

Cet Office, auquel les anciens combattants sont particulièrement attachés, pourra disposer, grâce au contrat d’objectifs et de moyens qui sera signé avec Bercy à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009, des ressources lui permettant de faire face à l’ensemble de ses missions et verra ainsi son rôle conforté pour la période 2008-2012.

Monsieur le secrétaire d’État, nous apprécions l’ensemble de ces mesures et nous nous réjouissons de ces avancées, dont l’objectif est de garantir les conditions de vie de celles et ceux qui sont les plus en difficulté.

La reconnaissance et la réparation que la nation doit à ses anciens combattants, c’est aussi l’achèvement du processus de la décristallisation des pensions.

Le budget de la dette viagère intègre désormais la totalité des crédits nécessaires au financement de la décristallisation des « prestations du feu ». Vous permettrez au sénateur des Français établis hors de France que je suis de vous faire part d’un souhait des élus de l’Assemblée des Français de l’étranger. La décristallisation ne doit pas se limiter aux prestations du feu. Elle doit être étendue à la parité en matière de pensions militaires de retraite et de pensions de réversion afférentes.

Je souhaiterais également qu’un effort soit réalisé pour localiser les survivants de notre armée d’Indochine et les aider à percevoir ce qui leur est dû, beaucoup d’entre eux n’étant plus en mesure de présenter des dossiers recevables pour régulariser leur situation, leurs papiers militaires ayant été détruits après les événements de 1975.

Par ailleurs, la dotation pour 2009 intègre les crédits nécessaires à l’attribution de pensions aux veuves au titre des entrées de 2008 et de 2009.

Il s’agit ensuite de la consolidation de la rente mutualiste. Un abondement de 15 millions d’euros, soit une augmentation de 7 %, est inscrit dans ce budget pour financer en partie le versement de la rente aux nouveaux bénéficiaires issus de la quatrième génération du feu.

Par ailleurs, l’année 2008 a vu, et nous nous en réjouissons, la création de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie et des combats de Tunisie et du Maroc, pour laquelle était inscrite une dotation en capital de 3 millions d’euros. Il est important que cette fondation fonctionne au mieux pour notre devoir de mémoire, en veillant à ce que toutes les fédérations d’anciens combattants soient associées à cette démarche.

Il nous paraît en effet légitime que les militaires français morts dans l’accomplissement de leur devoir en Algérie, au Maroc et en Tunisie entre 1952 et 1962 bénéficient de la mention « Mort pour la France ».

Par ailleurs, la carte du combattant d’Afrique du nord, dite carte du combattant AFN, a connu une importante avancée. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez précisé que vous étiez favorable à l’idée d’étendre le calendrier au-delà du 6 juillet 1962 pour l’attribution de cette carte, à la condition que les combattants concernés aient été présents en Algérie avant cette date. Certaines associations demandent le report au 2 juillet 1964, et notre excellent collègue Marcel-Pierre Cléach a déposé une proposition de loi à ce sujet. Pourriez-vous nous en dire davantage sur vos intentions ?

Les crédits inscrits pour la majoration des rentes mutualistes sont en hausse de plus de 6,86 %, afin de tenir compte de l’entrée dans le dispositif de nouveaux bénéficiaires issus de la quatrième génération du feu. Ils prennent également en compte l’insuffisance des crédits de la loi de finances pour 2008.

Cependant, si l’indice du plafond majorable de la rente mutualiste a été porté à 125 points par la loi de finances pour 2007, le relèvement de cet indice, qui bénéficie à plus de 400 000 ressortissants, à 130 points PMI constitue toujours une revendication pressante des associations.

Autre revendication récurrente, l’abaissement de soixante-quinze à soixante-dix ans de l’âge d’accès à la demi-part fiscale.

Sans méconnaître le contexte budgétaire contraint, nous vous remercions, monsieur le secrétaire d’État, des précisions que vous pourrez nous apporter sur ce point.

Je voudrais aborder maintenant la situation des orphelins de guerre. S’il faut se féliciter de la bonne application des dispositifs prévus pour l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, il est regrettable que ces droits ne soient pas étendus à d’autres orphelins victimes de la barbarie nazie. En 2004, nous avons obtenu, avec nos collègues, que l’indemnisation soit ouverte aux orphelins dont les parents sont morts en déportation, fusillés ou massacrés pour des actes de résistance ou des faits politiques.

Cela étant, au motif que leurs parents sont morts les armes à la main pour rétablir la liberté et la République sans avoir été pour autant arrêtés ou fusillés, certaines personnes restent encore exclues de ce dispositif d’indemnisation.

Il est temps aujourd’hui de réparer cette injustice. C’est pourquoi nous vous demandons, monsieur le secrétaire d’État, comme nous l’avions demandé l’an dernier, d’accepter d’étendre l’indemnisation à tous ceux dont les parents ont été victimes de la barbarie nazie, quelles que soient les conditions de leur mort et, mieux encore, de réfléchir à l’extension du dispositif d’indemnisation à tous les orphelins de guerre et pupilles de la nation, mais également aux prisonniers des Vietminhs.

Les conclusions de la mission confiée au préfet Jean-Yves Audouin sur l’évaluation des décrets de 2000 et 2004 devaient être rendues cette année. Mais le rapport de la mission n’est toujours pas finalisé. Il a pris un certain retard, ce qu’il faut déplorer. Permettez-nous, monsieur le secrétaire d’État, d’espérer que les propositions de ce rapport seront examinées dans des délais les plus brefs possibles, afin qu’une traduction budgétaire puisse être envisagée dans le prochain budget.

Mais en attendant, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous attachez, comme nous tous, la plus haute importance au devoir de mémoire, nous vous demandons instamment d’accepter de retenir la mention « Mort pour la France » sur les actes de décès de ces résistants et victimes de la barbarie nazie.

Les enfants de résistants massacrés entre 1940 et 1945 ont pris conscience qu’on avait oublié le sacrifice de leurs parents, morts sous la torture dans les prisons ou dans les camps de concentration, morts lors des combats ou lors des opérations de déminage pour libérer les routes empruntées par les armées alliées. Il ne doit pas y avoir d’iniquité dans le devoir de mémoire, surtout s’agissant des Résistants, auxquels nous devons une reconnaissance éternelle.

Cette requête, monsieur le secrétaire d’État, nous l’avions faite l’an passé à votre prédécesseur, M. Alain Marleix, et nous aimerions connaître l’état d’avancement de ce dossier.

Enfin, nous voudrions nous réjouir d’une mesure attendue depuis tant d’années : je veux parler du règlement définitif du dossier d’indemnisation des incorporés de force dans les RAD-KHD, les formations paramilitaires allemandes.

Ce dossier a connu cette année un heureux dénouement. Les négociations en cours entre l’État français et la fondation Entente franco-allemande ont enfin abouti, le 17 juillet 2008, à la signature d’une convention prévoyant le versement d’une allocation. Dans la mesure où je suis intervenue sur ce sujet au mois de décembre 2004, lors de ma toute première intervention budgétaire dans l’hémicycle, vous comprendrez aisément combien je m’en réjouis.

Je voudrais également formuler quelques demandes émanant des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger concernant les anciens combattants des Français de l’étranger.

Ayant constaté que de nombreux anciens combattants d’AFN n’ont pu être récompensés par l’attribution de la valeur militaire malgré leur courage et leurs actions d’éclat, lacune souvent due à l’absence du journal de marche de l’unité combattante, ils souhaiteraient que la forclusion en vigueur depuis le 1er janvier 1963 soit levée pour six mois, afin que les anciens combattants lésés puissent présenter des attestations sur l’honneur émanant de personnes présentes dans ladite unité.

Ils demandent également le rétablissement du traitement lié à la médaille militaire, attribuée exclusivement à des militaires, ce qui serait un élément important de prestige pour celle-ci.

Enfin, ils voudraient que les harkis décorés de la Valeur militaire pour actes de bravoure puissent être proposés pour l’attribution de cette médaille militaire, même s’ils ne satisfont pas totalement aux critères d’attribution en vigueur.

Monsieur le secrétaire d’État, dans le contexte économique actuel, ce budget, sérieux, sincère et respectueux des attentes du monde combattant comme des engagements du Président de la République, nous paraît plus que satisfaisant.

Avec mes collègues du groupe UMP, je tiens à rendre hommage à l’action que vous menez, au sein du Gouvernement, au service des anciens combattants et victimes de guerre.

Des progrès notables ont encore été obtenus cette année, et nous savons que vous vous faites un point d’honneur à utiliser au mieux les crédits qui vous sont dévolus.

Nous voulons vous remercier très vivement d’avoir accueilli favorablement la proposition de création d’une médaille d’honneur du monde combattant.

Nous avons ce devoir de mémoire, ce devoir de reconnaissance, envers nos anciens combattants, et nous devons leur manifester, par tous les moyens possibles, notre gratitude. Dans cet esprit, ne serait-il pas utile d’envisager l’accroissement du contingent de décorations réservées aux anciens combattants, qui nous semble bien insuffisant au regard des légitimes attentes, notamment chez nos compatriotes de l’étranger ?

Pour toutes ces raisons, nous vous apportons notre entier soutien et nous voterons les crédits affectés à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » pour 2009. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)