M. Jean Desessard. Bravo, madame David : très bonne intervention !

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Henneron.

Mme Françoise Henneron. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces derniers mois, notre pays a connu une baisse exceptionnelle du chômage, puisque le pourcentage de demandeurs d’emplois, qui était encore de 8,9 % en 2004, a pu être ramené à 7,2 % au second trimestre de cette année. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis vingt-cinq ans. L’action résolument réformatrice du Gouvernement a rendu possible cette évolution.

La mission « Travail et emploi » maintient la priorité donnée à l’emploi, avec des crédits de 11,7 milliards d’euros.

Toutefois, nous abordons une période de crise bancaire et financière mondiale, qui se traduit déjà par des difficultés sur le marché du travail.

Le Chef de l’État et le Gouvernement ont immédiatement réagi pour garantir la liquidité du système financier et trouver une stratégie européenne.

Puis, le 28 octobre dernier, le Président de la République a présenté un plan gouvernemental de mobilisation pour l’emploi. Il a annoncé la poursuite de l’ensemble des réformes engagées, avec notamment la généralisation des contrats de transition professionnelle, de nouvelles règles pour l’indemnisation des chômeurs, le recours à 100 000 contrats aidés supplémentaires et l’accélération de la mise en œuvre du Pôle Emploi.

Je voudrais, dans mon intervention, évoquer plus précisément deux points.

Le premier a trait au renforcement de l’efficacité du service public de l’emploi.

Le service public de l’emploi va connaître une profonde rénovation grâce à la loi votée le 13 février dernier, qui a opéré la fusion de l’ANPE et du réseau de l’assurance chômage. Il est prévu dans le projet de loi de finances pour 2009 d’allouer une subvention de 1,36 milliard d’euros au nouvel opérateur né de cette fusion, le Pôle Emploi.

La semaine dernière, monsieur le ministre, vous avez présenté une communication en conseil des ministres à ce sujet. Vous avez rappelé les trois objectifs visés par cette fusion : simplifier les démarches des demandeurs d’emploi, rénover l’offre de service et déployer plus d’agents au service des usagers. Il s’agit d’une réforme majeure, déterminante pour lutter contre le chômage.

Jusqu’à présent, le demandeur d’emploi avait plusieurs interlocuteurs et devait souvent passer plusieurs entretiens identiques. Avec la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, il sera possible de trouver au même endroit l’ensemble des services : l’accueil, l’inscription comme demandeur d’emploi, l’indemnisation, la formation et l’accompagnement dans la recherche. Les formalités administratives, sources de découragement, seront sensiblement simplifiées.

Par ailleurs, on compte près de 2 millions de demandeurs d’emploi, alors que plus de 400 000 offres d’emploi ne sont pas satisfaites. Il y a donc un problème de rapprochement des offres et des demandes.

La rénovation du service public de l’emploi va être utile à la fois aux chômeurs et aux entreprises, en permettant de mieux mettre en relation l’offre et la demande de travail, à l’image de ce qui existe déjà dans d’autres États européens : on peut citer les Jobcentres Plus en Grande-Bretagne ou l’Institut national pour l’emploi en Espagne.

En France, la durée moyenne du chômage des personnes âgées de 25 à 54 ans est de plus de seize mois, contre douze mois en moyenne pour les pays de l’OCDE et moins de neuf mois pour les pays du G7. Pourtant, la France est l’un des pays de l’OCDE qui consacre le plus de moyens à l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ce qui montre qu’il fallait une réorganisation, et pas seulement une augmentation des moyens.

Cette réorganisation est complexe. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le secrétaire d’État, pour mener à bien cette tâche.

Je souhaiterais vous interroger sur la place de l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dans le nouveau service de l’emploi.

À côté de son activité traditionnelle de formation, l’AFPA a développé des prestations relevant directement des missions du service public de l’emploi : par exemple, elle oriente environ 200 000 demandeurs d’emploi par an dans une optique de reconversion ; elle assure le pilotage de l’expérimentation du contrat de transition professionnelle. Elle bénéficie d’une subvention de 109 millions d’euros pour 2009.

L’AFPA n’est pas directement visée par les dispositions de la loi du 13 février 2008, qui se borne à prévoir sa présence au Conseil national de l’emploi. Cependant, un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat a permis d’ouvrir le débat sur le transfert au nouvel opérateur des activités d’orientation jusqu’ici assurées par l’Association.

J’élargirai mon propos à la question de la formation professionnelle dans son ensemble.

Le Président de la République a annoncé que la réforme de la formation professionnelle serait l’un de ses grands chantiers, expliquant que notre système de formation professionnelle est « à bout de souffle, dans son organisation comme dans son financement » et que la formation ne va pas à « ceux qui en ont le plus besoin ».

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Guy Fischer. Certains veulent récupérer les fonds !

Mme Françoise Henneron. C’est également le constat fait par une mission commune d’information présidée par notre collègue Jean-Claude Carle, dont le rapport, publié en juillet 2007, a souvent été cité depuis.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Remarquable rapport !

Mme Françoise Henneron. Nous devrions voir aboutir cette réforme en 2009. Pourriez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, où en sont les négociations et dans quels délais vous pourrez présenter un texte législatif ?

J’en viens au second point de mon intervention : les contrats aidés, passerelles vers un emploi durable.

Les contrats aidés permettent de construire un retour durable à l’emploi en mettant le demandeur d’emploi en situation de travail dans le secteur marchand ou non marchand.

Ces contrats connaîtront une profonde réforme cette année, car la loi généralisant le RSA que nous venons d’adopter a prévu la mise en place d’un contrat unique d’insertion.

Le contrat pourra prendre deux formes : le contrat d’accompagnement dans l’emploi pour les employeurs du secteur non marchand et le contrat initiative-emploi pour le secteur marchand.

Il s’agira d’un outil mobilisable de façon indifférenciée pour toutes les personnes en difficulté sur le marché du travail, quel que soit leur statut. Il permettra un meilleur accompagnement du parcours d’insertion.

Les possibilités de renouvellement des contrats sont assouplies. La rigidité qui caractérisait les anciens contrats aidés disparaît, il est dorénavant tenu compte de la diversité des difficultés d’insertion des personnes. Le système sera par ailleurs modulable dans sa durée, selon qu’il concernera un salarié âgé de plus de cinquante ans, un travailleur handicapé ou un bénéficiaire de minima sociaux.

Le projet de loi de finances prévoit actuellement près de 1,62 milliard d’euros de crédits de paiement pour financer en 2009 l’ensemble des coûts générés par les contrats aidés.

À ces crédits s’ajoutera une enveloppe pour mettre en place les 100 000 contrats aidés supplémentaires annoncés par le Président de la République, le 28 octobre dernier. Les bénéficiaires auront droit à un suivi personnalisé pour une offre d’emploi et une formation, immédiatement à la sortie du contrat aidé. Je me réjouis de cet effort budgétaire, qui portera à 330 000 le nombre de bénéficiaires des contrats aidés.

Au total, la politique de l’emploi mobilisera près de 55 milliards d’euros pour 2009. Par rapport aux prévisions pour 2008, l’augmentation atteint 10 %.

Le présent budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l’avenir. Notre groupe apportera son soutien à cette politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Monsieur le secrétaire d’État, il est loin le temps où vous vous en donniez à cœur joie, vociférant sur la « dame des 35 heures », l’accusant de tous les maux économiques de la France travailleuse, la rendant presque responsable de la crise qui nous guettait !

Il vous a fallu le temps de prendre du recul sur une réforme fondamentale et culturelle – travailler mieux pour vivre mieux –, que vous aviez réussi à faire passer pour un infamant débauchage des valeurs « travail » et « profit », le temps de prendre du recul pour voir que la plupart de ceux qui ont eu la chance d’y goûter semblent s’être laissé convaincre des vertus de cette façon de vivre. Comme, en leur temps, les congés payés avaient été décriés avant de marquer un tournant décisif dans le progrès social de la société contemporaine, on s’habitue aux 35 heures et, ne vous déplaise, à une autre façon de travailler, travailler pour vivre et non pas vivre pour travailler.

Il vous a fallu prendre le temps du recul, le temps pour la nouvelle majorité de détricoter cet ouvrage au lieu de l’adapter et de l’améliorer, distribuant au passage quelques deniers supplémentaires, monnaies sonnantes et trébuchantes, boucliers et parachutes et, pendant ce temps, une crise secouait le monde entier, tombant à point nommé pour que vous changiez de refrain.

Parce que la rengaine des 35 heures, origine de nos maux, du recul de la France, du chômage et de la morosité générale, démantelée au nom de la valeur travail et du pouvoir d’achat par une batterie de lois toutes aussi prometteuses mais quelque peu inefficaces… les Français, lassés, commençaient à en douter sérieusement !

Heureusement, avec la crise provoquée par de méchants banquiers et de vilains capitalistes dépourvus d’éthique, on dispose de quoi opérer un bon transfert d’un bouc émissaire vers un autre. Avec la crise, on va pouvoir justifier l’échec des mesures précédentes et, en bon père de famille, serrer la ceinture et faire trimer davantage. On n’a plus le choix ; il n’est plus temps de travailler plus pour gagner plus, de faire des heures supplémentaires pour augmenter son pouvoir d’achat… Foin de toutes ces fadaises d’avant la crise : il s’agit désormais de gérer de façon responsable, rationnelle, objective ! Désormais, la valeur travail et, a fortiori, l’emploi redeviennent des variables d’ajustement d’un budget fragilisé par un contexte… « de crise ».

C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement s’est d’abord obstiné à ne pas revoir à la baisse ses prévisions de croissance avant la livraison du projet de loi de finances. Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, cette année encore vous avez en toute logique décidé de promouvoir la valeur travail en diminuant les crédits de la mission « Travail et emploi » de 630 millions d’euros, soit 5,8 % de moins qu’en 2008 – baisse qui s’ajoute à celle de 412 millions d’euros qui est intervenue entre 2007 et 2008 –, et en faisant passer, depuis l’an dernier, la majorité des articles de la mission « Travail et emploi » sous la houlette des finances… J’ironise, mais ce sont bien deux visions du monde qui s’opposent, et la mission « Travail et emploi » de ce projet de loi de finances en est une illustration magnifique.

Votre vision, monsieur le secrétaire d’État, est celle d’un gouvernement qui, sous couvert de responsabilité, est « comptable apothicaire » quand il s’agit de revaloriser les salaires ou le SMIC, de grappiller quelques millions d’euros sur des allocations utiles, de stigmatiser de vilains profiteurs, de justifier la suppression de dispositifs qui ont fait la preuve qu’ils étaient d’utilité publique.  Dites-nous donc, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’il adviendra des 169 millions d’euros que coûte l’allocation de fin de formation lorsque vous l’aurez supprimée ! Ensuite, vous nous direz qui paiera cette note : les partenaires sociaux, les conseils régionaux ? Enfin, vous nous direz comment les Français concernés financeront les périodes de fin de formation, habituellement couvertes par cette allocation : peut-être pourront-ils prétendre au RSA ?… Vous nous direz tout cela !

En fin de compte, les crédits du fonds de solidarité passent de 1,668 milliard d’euros en 2008 à 1,473 milliard en 2009. Il est vrai que la crise touche surtout les banquiers : pour eux, pour éteindre le feu qu’ils ont allumé, on trouve des milliards sans délai ; pour la mission « Travail et emploi », dès le second trimestre 2008, dès avant la crise, alors même qu’on enregistrait une destruction nette d’emplois, que les plans sociaux s’enchaînaient, que les délocalisations se poursuivaient et que l’emploi intérimaire fléchissait, vous envisagiez déjà, monsieur le secrétaire d’État, de diminuer les crédits.

Ensuite, concrètement, vous procédez à l’extension des contrats de transition professionnelle, les CTP, à vingt-cinq bassins d’emploi touchés par la crise sans, pour l’instant, aucune traduction budgétaire.

Enfin, en ce qui concerne l’assouplissement de l’accès au chômage technique pour les industriels, je rappelle qu’après un mois de chômage la totalité de l’allocation est versée par l’ASSEDIC : il y a donc bien un transfert de charges vers l’UNEDIC – et nous l’avons repéré !

Quant au plan d’action pour l’emploi annoncé par le Président de la République, il ne s’agit guère que de redéploiements de crédits. Avec 100 000 contrats aidés supplémentaires, il n’y a pas de quoi pavoiser ! Ces 100 000 contrats s’ajoutent aux 230 000 qui étaient initialement prévus pour 2009, contre 308 000 en 2008. La progression n’atteint pas l’ampleur affichée !

En conséquence, et compte tenu de la situation critique de 2008, les excédents seront vraisemblablement en baisse pour l’assurance chômage : en 2009 et en 2010, l’excédent prévisionnel passera de 2,4 milliards d’euros à 1 milliard d’euros.

En effet, au-delà de l’indemnisation d’un nombre toujours croissant de chômeurs, l’UNEDIC est amenée à aider les entreprises par un report de l’appel à cotisations. Ce sont au total 1,5 million de PME qui peuvent opter pour ces reports. Si toutes en profitent, l’UNEDIC devra emprunter 1,5 milliard d’euros et supporter la charge des 12 millions d’euros d’intérêts ainsi engendrés. L’UNEDIC doit-elle se substituer aux banques ?

Par ailleurs, vous n’hésitez pas à puiser dans la sémantique de la gauche, fût-ce au mépris du sens. Ainsi a-t-on pu vous entendre répéter à l’envi une formule qui nous est chère : la « sécurisation des parcours professionnels ». On regrette seulement que, de ce bel engagement, il ne reste qu’une vision financière ; car, à l’heure de la multiplication des CDD et de la précarisation des emplois, on se demande bien de quelle sécurisation il retourne ! À n’en pas douter, cette formule n’est pas employée dans son acception qualitative. La fusion du congé individuel de formation et du droit individuel à la formation, réclamée par le patronat, réduira la maîtrise par le salarié de son droit à la formation.

En ce qui concerne le devenir de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, l’AFPA, monsieur le secrétaire d’État, vous avez clairement exposé la doctrine gouvernementale devant les préfets, le 9 septembre dernier. Sous couvert de règles communautaires et nationales d’ouverture à la concurrence et de décentralisation se profile, entre autres, la préoccupante question du transfert du patrimoine foncier, dont la rénovation et l’entretien seront finalement à la charge des régions,…

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi. Surtout pas !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. … ainsi que la non moins préoccupante question du démantèlement progressif de l’AFPA avec, d’une part, des centres de profit pour les formations immédiatement profitables, confiées au secteur privé, et, d’autre part, les formations de remise à niveau, subventionnées parce que non rentables.

Pour terminer, j’aborderai la question de l’insertion, qui a vu ses crédits de 2008 reconduits pour 2009.

Dans le projet de loi de finances pour 2009, le nombre de postes d’insertion attribués aux entreprises d’insertion est identique à ce qu’il était en 2008 ; il est en diminution pour les entreprises de travail temporaire d’insertion. Paradoxalement, aucun budget complémentaire n’est prévu, alors que le nombre des entreprises d’insertion augmente.

Je rappelle que les entreprises d’insertion sont des entreprises à part entière, soumises aux mêmes contraintes sociales et fiscales que toute entreprise ; elles ont fait le pari d’embaucher des personnes en situation précaire, dépourvues d’emploi et présentant des difficultés d’insertion. Ancrées territorialement, elles interviennent généralement dans des secteurs en tension : bâtiment, travaux publics, environnement, restauration, déchets et récupération…, et ont développé tout un partenariat économique et social. Elles sont le plus souvent innovantes : en recrutant des personnes jugées improductives, elles s’obligent à des techniques de production originales qui leur permettent de trouver une place sur le marché économique, de former leurs salariés à un savoir-faire professionnel et de trouver des débouchés afin de favoriser l’insertion de ces travailleurs.

Pour l’État, l’aide accordée représente un effort relativement modeste au regard du service rendu : 1 euro investi en entreprise d’insertion lui « rapporte » 2,10 euros. De plus, Claude Alphandéry avait évalué le coût social et médical évité, en 1990, à une moyenne de 12 000 euros par an et par personne.

À l’issue du Grenelle de l’insertion, les entreprises d’insertion, les groupements des employeurs pour l'insertion et la qualification, ou GEIQ, et le MEDEF ont choisi de collaborer afin de renforcer l’emploi et l’insertion des personnes en difficulté par l’économique. Le Gouvernement devait s’y associer. J’imagine que vous étiez présent, monsieur le secrétaire d’État : où en est-on ?

Aujourd’hui, malgré la crise, un certain nombre d’entreprises d’insertion ont leurs carnets de commandes pleins, ont des besoins de main-d’œuvre et ne peuvent plus embaucher sur des postes d’insertion. Depuis plusieurs mois, le Comité national des entreprises d’insertion interpelle le Gouvernement pour qu’il engage un plan de développement de l’offre d’insertion et donne ainsi au plus grand nombre de salariés en situation de précarité la possibilité de bénéficier d’un parcours d’insertion en entreprise. Ces entreprises ont pourtant prouvé leur efficacité, puisque plus de 53 % de leurs salariés retrouvent un emploi durable à l’issue de leur parcours d’insertion.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous, sans pénaliser les autres structures de l’insertion par l’activité économique, dégager dans ce projet de loi de finances les moyens de favoriser l’emploi dans ces entreprises socialement responsables ? Si tel était le cas, il deviendrait possible d’envisager la mission « Travail et emploi » sous un angle différent. Il serait alors question d’encourager l’excellence de la formation autant que le perfectionnement, la mixité par l’insertion, l’alternance, la mobilité, la variété, le nomadisme et même… la relocalisation, après les années sombres que nous avons connues et dont nous souhaitons tous sortir. Mais pour cela, monsieur le secrétaire d’État, il faut des crédits !

M. Alain Gournac, rapporteur. Toujours plus !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il ne faut pas se tromper : au lieu de vous entêter, il faut revenir sur les exonérations aux grandes entreprises, sur la TEPA – qui, vous en conviendrez, ne sont pas adaptées à la crise que nous traversons –, avant que la crise financière, devenue crise économique, ne se transforme en crise sociale. C’est aux petits patrons qu’il faut donner la main, monsieur le secrétaire d’État ; les grands connaissent très bien le chemin, ils n’ont pas besoin de vous pour la confiance.

Les travailleurs, au contraire, les forces vives, les acteurs quotidiens de cette économie réelle qui ne devrait pas souffrir de la crise financière, les chômeurs jeunes et moins jeunes, les employés précaires, à temps partiel, les allocataires de toutes sortes, les « en fin de droits », mais aussi tous ceux qui pensent leur vie professionnelle autrement parce qu’ils n’ont pas le choix, ou simplement parce que le monde a changé, c’est auprès d’eux qu’il faut investir ! C’est là qu’il faudrait injecter des crédits et concentrer les efforts de la force publique, parce que c’est là que la mutation économique opère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme Annie Jarraud-Vergnolle ayant dit l’essentiel, je me bornerai à évoquer quelques points et, surtout, quelques questions qui n’ont pas encore été abordés.

Alors que notre pays s’apprête à affronter une longue et probablement sévère crise économique, je dois avouer que j’ai été particulièrement frappé par l’indigence – mais oui, monsieur le rapporteur, et je maintiens ce terme ! – de la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont en baisse de 5,3 %.

Le ralentissement économique était sensible dès le début de l’année 2008. Depuis cet été, la crise s’est accélérée, et tous les experts prédisent que l’année 2009 sera très probablement une année de récession. Les chiffres du chômage ont logiquement commencé à remonter : depuis le deuxième semestre 2008, les courbes se sont inversées et la situation s’aggrave dangereusement. Ainsi, au mois d’octobre, on atteint une nouvelle fois, et officiellement, les 2 millions de chômeurs ; si l’on comptabilise la totalité des chômeurs indemnisés, on obtient le nombre de 3 099 300, soit, à la fin du mois de septembre, une augmentation de 1,8 % en un an.

De façon très traditionnelle, monsieur le secrétaire d’État, ce sont les moins de 25 ans qui sont les plus touchés : avec une hausse de 2,5 %, le taux de chômage atteint 21 % pour cette catégorie d’âge ; plus grave, toujours pour les moins de 25 ans, ce taux s’établit à 25 % dans les DOM et autour de 40 % dans les zones dites en difficulté. Quant au sous-emploi, c’est-à-dire le travail à temps partiel imposé à des personnes souhaitant travailler plus, il concerne 1,4 million de personnes, dont une majorité de femmes.

L’année prochaine, la situation ne s’améliorera pas. Ainsi, l’OCDE prévoit une augmentation du chômage à 8,2 % en 2009 et 8,7 % en 2010. Déjà, les plans sociaux liés à la crise ou utilisant le prétexte de la crise pour accélérer les délocalisations sont annoncés, touchant à la fois les grandes entreprises et les nombreux sous-traitants : Hewlett-Packard annonce 9 330 suppressions d’emplois en Europe, dont 580 en France ; Renault, 4 900 suppressions d’emplois ; Caisses d’Épargne, 4 500 ; PSA, 1 750 ; Sanofi-Aventis, 927 ; la CAMIF, 920 ; La Redoute, 672 ; Doux, 647 ; Tyco Electronics, 620 ; Adecco, 600 ; Crédit agricole, 500 ; SFR-Cegetel, 450 ; Sonas automotive, 400 ; Altadis, 358 ; Amora, 296… Je m’arrête là pour ne pas y employer tout mon temps de parole, qu’au demeurant la question mériterait qu’on lui consacre.

M. Jean Desessard. Absolument ! Bravo !

M. Jean-Pierre Godefroy. Face à ces sombres perspectives, le Président de la République a donc annoncé un plan d’action pour l’emploi. On aurait pu raisonnablement penser que les crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi » en seraient le bras armé ; il n’en est rien.

Une fois de plus, le budget diminue et procède par redéploiements. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez reconnu en commission qu’avoir un budget en diminution ne vous gênait pas ; néanmoins, et même si tout ne peut pas être mesuré à l’aune des crédits budgétaires, il s’agit là d’un signe, immédiatement perçu comme très mauvais, à l’adresse, notamment, des personnes les plus éloignées de l’emploi.

Il nous faut aussi nous inquiéter des conséquences de cette crise sur l’assurance chômage. En 2007, les comptes de l’assurance chômage avaient commencé à se redresser, avec un excédent, hors fonds de réserve, de 3,2 milliards d’euros. La situation ayant brutalement évolué, les excédents prévus pour 2008, qui devaient s’élever à 4,47 milliards d’euros, doivent forcément être revus à la baisse : on estime qu’ils atteindront au mieux 2 milliards d’euros.

Tenant compte de la crise, l’UNEDIC a établi de nouvelles prévisions financières intégrant une croissance nulle en 2009. En cas de scénario noir, avec une contraction du PIB de 1 % en 2009, le chômage augmenterait d’environ 250 000 personnes, et l’excédent de l’UNEDIC ne serait plus que de 2,4 milliards d’euros en 2009 et de 1 milliard en 2010.

Dans ces conditions, on peut se demander s’il est vraiment judicieux de supprimer l’allocation de fin de formation versée aux demandeurs d’emploi en fin de droits qui sont engagés dans une action de formation devant déboucher sur une embauche dans un secteur « en tension ».

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais également attirer une nouvelle fois votre attention sur la question de l’aide au secteur des hôtels, cafés, restaurants, les HCR, puisque 550,345 millions d’euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 au titre de l’aide à ce secteur.

Cette somme fait suite aux 392 millions d’euros de 2005, aux 534 millions d’euros de 2006, aux 587 millions d’euros de 2007 et aux 556 millions d’euros inscrits dans la loi de finances de 2008. Il est à noter que les sommes inscrites en 2006 et 2007 ont été chaque fois dépassées. On peut donc dire à ce jour que, de 2005 à 2007, la promesse non tenue du président Jacques Chirac de baisser la TVA à 5,5 % a coûté 1,5146 milliard d’euros, plus au minimum 556 millions d’euros en 2008.

Au total, sur cinq ans, on arrive à une hypothèse basse de 2,621 milliards d’euros, ce qui est déjà certainement beaucoup plus que le différentiel de TVA sur ce secteur.

Par ailleurs – c’est là le plus grave –, la contrepartie promise se fait toujours attendre. Force est de constater que ce secteur, où règnent notoirement travail illégal, travailleurs clandestins, bas salaires, conditions de travail déplorables, ne se réforme pas.

S’agissant notamment des salaires, l’augmentation constatée est de 9,8 % entre 2004 et 2007, contre 8,4 % dans le reste des services. Elle ne se différencie donc pas notablement, alors même que le secteur bénéficie également très largement des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires ainsi que de la réduction « avantage en nature nourriture » prévue par l’article L. 241-14 du code de la sécurité sociale, soit un coût de 150 millions d’euros pour les organismes de sécurité sociale.

Cela fait donc 3 milliards d’euros ; c’est ce que souhaitait M. Hirsch pour le RSA et il n’a obtenu que 1,25 milliard d’euros.

Quand allons-nous enfin mettre fin à cette situation et exiger des résultats en matière d’emploi et de conditions de travail ? C’est un discours que le Gouvernement doit entendre puisqu’il le préconise partout.

Que les choses soient claires, il ne s’agit pas de ne pas aider un secteur à se réformer. Mais là, on arrive à des sommes colossales pour un résultat tout à fait nul.

Autre sujet que je souhaite évoquer : le devenir de l’AFPA et le financement de la formation professionnelle– ma collègue Annie Jarraud-Vergnolle en a parlé tout à l’heure.

Dès le 1er janvier prochain, certaines activités de l’AFPA seront désormais soumises à appel d’offres. En conséquence, la subvention de l’État à l’association diminuera de 150 millions d’euros en 2009. Nous sommes surpris de cette précipitation alors même que vous nous avez annoncé une grande loi sur la formation professionnelle au début de l’année prochaine. On aurait peut-être pu faire tout cela en même temps.

À dire vrai, nous craignons que l’on ne se dirige doucement vers une AFPA démantelée…