M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.

Mme Virginie Klès. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, faisant abstraction de la complexité et de l’originalité de la situation quant aux dates et calendriers déjà largement évoqués par mes collègues, j’ai porté mon attention, dans ce projet de budget, aux moyens consacrés au développement de la vidéosurveillance et au programme 152 concernant la gendarmerie nationale.

Je commencerai mon propos en évoquant les équipements de vidéosurveillance. De nature curieuse et ayant conservé d’un lointain passé de scientifique la méthodologie de l’expérimentation et de l’évaluation, je me suis interrogée, sans trouver de réponse précise et détaillée, sur la mise en place pratique et opérationnelle de ces équipements : où, quand, pourquoi, comment, avec qui ?

Les moyens financiers que vous envisagez de consacrer aux équipements de vidéosurveillance sont importants puisque le programme « Police nationale » a été doté d’un budget de 20 millions d’euros en autorisations d’engagement. De plus, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, lui consacrera 30 millions d’euros, soit la moitié de son budget global.

Pourquoi pas si ces sommes servent efficacement les objectifs poursuivis ! Mais quels sont ces objectifs : prévention de la délinquance ou élucidation et répression ? Quelle sera la nature des faits délictueux visés par ces dispositifs ? Sur quel type de territoire ? Quelle sera la surface à couvrir ? Quelles autres mesures de sécurité accompagneront cet équipement ? Le préalable à une expérimentation de qualité permettant de tirer de réelles et incontestables conclusions n’est pas au rendez-vous, ce que je regrette compte tenu des sommes concernées. J’estime, en effet, que nous en sommes encore au stade de l’expérimentation en la matière.

Sans entrer dans le débat.sur l’efficacité ou non de ces dispositifs de vidéosurveillance, je souhaite rappeler qu’une étude menée chez nos voisins britanniques – par Éric Heilmann, en 2003 – a fait apparaître tout à la fois une diminution, une stagnation, et même une augmentation de certains types d’infraction, et non des moindres – homicides, crimes sexuels, agressions violentes, délits liés à l’usage des drogues, des véhicules ou à l’atteinte à la paix publique – dans des zones équipées de vidéosurveillance. Ne nous gargarisons donc pas de chiffres généraux sur lesquels nous n’avons aucun recul, notamment en termes de déplacement éventuel de la délinquance hors des champs des caméras ou de l’apport d’autres dispositifs concomitants, y compris humains, ayant participé à une modification de la délinquance.

La vitesse et l’ampleur avec laquelle vous vous saisissez de ces moyens techniques me font craindre qu’il ne s’agisse d’abord pour le Gouvernement de mettre en œuvre, dans le domaine de la sécurité, la politique dogmatique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sans se poser au préalable la question de ses missions. Or il faudrait plutôt viser de réels objectifs d’efficacité.

Madame le ministre, en l’état actuel de notre méconnaissance de l’efficacité de la vidéosurveillance, il me semble préférable de concentrer les crédits sur le recrutement de personnel pour des missions couvrant des périmètres plus étendus qu’une caméra et apportant une véritable plus-value sociale.

À ce titre, je suis très inquiète de la baisse annoncée des effectifs de la police et de la gendarmerie, qui se traduira, d’ici à 2011, par la suppression d’environ 7 000 emplois : 4 000 pour la police et 3 000 pour la gendarmerie, laquelle joue pourtant un rôle essentiel dans le maintien d’un maillage territorial jusque dans les zones les plus rurales.

Le recentrage de l’activité des gendarmes sur leur corps de métier s’accompagne du renforcement des personnels civils de la gendarmerie, leur nombre devant passer d’environ 2 000 à environ 5 000 d’ici à 2013. L’opération pourrait être perçue comme un système de vases communicants, avec un bilan quantitatif finalement neutre, presque satisfaisant. Cependant, il faut se rappeler, tout d’abord, que les besoins de création de postes étaient estimés à 7 000 pour la période 2003-2007, mais que seulement 6 050 ont été dotés. J’ajoute que l’année 2008 s’est soldée par la suppression de 965 emplois et que les périodes considérées dans les deux cas ne sont pas les mêmes.

C’est dire que le compte n’y est pas ! Il y est même d’autant moins que la présentation stratégique annuelle de performances fait état d’un renforcement des activités auprès d’une population qui continuera d’augmenter dans la zone de responsabilité de la gendarmerie nationale. Cette dernière est, de surcroît, confrontée à des risques croissants : émergence de nouvelles formes de criminalité, progression des violences, radicalisation de la menace terroriste.

Et la livraison de nouveaux établissements pénitentiaires fera peser en zone urbaine des charges supplémentaires sur les gendarmes.

Vous comprendrez, madame le ministre, que ces perspectives m’amènent à m’interroger quant à la possibilité de maintenir un équilibre raisonnable et équitable sur l’ensemble du territoire, notamment hors des centres urbains. D’autant que, malgré les efforts consentis en matière de rémunération des gendarmes, notamment par le biais du PAGRE rénové, d’autres besoins semblent oubliés.

Le statut militaire des gendarmes, auquel nous sommes tous attachés, comporte l’obligation d’occuper un logement de fonction. Sur ce point, je regrette de constater la vétusté générale des locaux d’habitation, comme des casernes de gendarmerie. La remarque vaut pour le territoire que je représente, mais aucune raison objective ne me laisse penser que la communauté de brigade dudit territoire puisse être brimée par rapport aux autres.

Comment croire à une réelle volonté de maintenir un maillage territorial fort dans nos zones rurales devant une telle baisse des crédits par rapport à 2008 ? Ne faisons pas semblant d’ignorer que les projets de restructurations, rénovations ou constructions immobilières pour les petites structures, celles qui comptent moins de quarante gendarmes et sont implantées dans les zones rurales, font l’objet d’une décision unilatérale de transfert de la charge d’investissement aux collectivités locales.

Le retard pris pour le vote de la LOPPSI interdit aux collectivités locales concernées par un tel programme d’avoir ne serait-ce que le choix du montage juridico-financier d’un tel projet. Sans report ni délai complémentaire, celles-ci doivent, pour les programmes autorisés en 2007, s’engager avant le 31 décembre 2008 à réaliser un équipement répondant à un cahier des charges lourd et extrêmement précis. La maîtrise d’ouvrage leur est déléguée par l’État, selon la circulaire du Premier ministre et le décret 93-130 du 28 janvier 1993, qui prévoit une subvention généreuse de 18 %, un montant de travaux plafonné hors terrains et viabilisation et un loyer de 6 % invariable pendant neuf ans, calculé sur les bases locatives des domaines.

Ce qui reste à la charge des collectivités concernées, ce ne sont ni 10 %, ni 15 %, ni même 20 % : c’est plus encore, et ce pour le compte d’une compétence d’État !

D’autres montages plus favorables aux collectivités, de type partenariat public-privé ou bail emphytéotique avec l’État, sont devenus inenvisageables, puisque la LOPSI qui les autorisait est caduque. Ne peut-on espérer, à tout le moins, que l’État libère les collectivités de délais que lui-même ne tient pas, à défaut de prévoir un budget adapté aux besoins ?

Madame le ministre, mes doutes quant au maintien à long terme du maillage territorial de la gendarmerie nationale, dans des unités territoriales dotées d’effectifs suffisants et de locaux de travail et d’habitation au moins décents, sans même oser le mot « confortables », sont tout autant entretenus par le projet de budget dont nous discutons aujourd’hui que par le projet de loi visant au rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.

Dans ces conditions, vous ne serez pas étonnée que nous ne votions pas ce budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, définir un budget n’est pas un simple travail de comptabilité. Au-delà des chiffres, un budget s’inscrit dans une perspective politique et stratégique. C’est encore plus vrai lorsque l’on parle de la sécurité des Français.

Le budget de 2008 a permis d’affirmer la volonté de faire du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales un grand ministère moderne de la protection des Français, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le projet de loi de finances pour 2009 nous permet de relever un certain nombre de défis nouveaux et d’affermir notre ambition de toujours mieux protéger les Français.

Premier défi, notre action s’inscrira dans un périmètre élargi et un contexte exigeant.

En premier lieu, l’année 2009 verra l’intégration de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur de Montesquiou, monsieur Courtois, il s’agit d’une évolution importante : pour la première fois dans l’histoire de notre République, les deux services de sécurité – civile et militaire – seront placés sous la responsabilité pleine et entière du ministère de l’intérieur.

Je veux souligner, notamment à l’intention de M. de Montesquiou, de Mme Escoffier et de M. Laménie, que ce changement ne remet pas en cause le statut militaire de la gendarmerie auquel je suis très attachée. Dans ce projet de budget comme dans le projet de loi sur la gendarmerie sont réaffirmés et confortés tous les éléments du statut militaire de la gendarmerie. Ce rapprochement représente une opportunité fondamentale pour l’efficacité de la protection des Français.

J’ai bien entendu certains dire que cette évolution majeure allait intervenir de facto avant l’examen du projet de loi sur la gendarmerie. Je tiens à faire remarquer à Mme Escoffier, à M. Madrelle, à M. Gautier et à Mme Mathon-Poinat qu’il ne me revient pas d’établir l’ordre du jour des assemblées. Sinon, le calendrier de discussion des textes aurait suivi un ordre plus logique, mais cela ne change pas grand-chose à la réalité.

Permettez-moi de rappeler que, de toute façon, dans le cadre de la LOLF, voilà plusieurs années que les crédits de la gendarmerie et de la police sont présentés et votés simultanément.

S’offusquer aujourd'hui de cet état de chose au motif que le projet de loi sur la gendarmerie n’a pas encore été examiné est quelque peu étonnant. Je note d'ailleurs que Mme Klès a été plus prudente en la matière.

Quoi qu’il en soit, sur le plan technique, le directeur général de la gendarmerie se voit déléguer la gestion des crédits du programme à partir du 1er janvier 2009. Cela ne pose pas la moindre difficulté.

En second lieu, ce budget s’inscrit dans un contexte de contraintes budgétaires réelles. Messieurs les rapporteurs, je constate avec vous que la situation générale de nos finances publiques et la conjoncture actuelle nous imposent, en effet, de diminuer globalement les déficits et la dette du pays.

Madame Mathon-Poinat, il est irresponsable de nier la réalité de la crise, les difficultés et l’endettement de la France et il est inexact de dire que l’on aurait fait je ne sais quels cadeaux aux banques.

D'ailleurs, je vous rappelle que c’est au moment où vos amis participaient au gouvernement de la France sans trop se soucier du déficit budgétaire que les forces de sécurité ont été les moins bien dotées. La conséquence a été immédiate : une augmentation très sensible de la délinquance entre 1997 et 2002, à savoir plus 16 %. Cet élément non négligeable n’a été rappelé à aucun moment sur vos travées !

M. Jean-Louis Carrère. Quelle élégance !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. C’est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Eh bien ! je considère qu’il est aussi de notre responsabilité de dire que le ministère de l’intérieur ne saurait rester en dehors d’une démarche d’intérêt national. C’est vrai pour aujourd'hui comme pour demain, car cette responsabilité s’étend à nos successeurs et à nos enfants.

Le deuxième défi que nous devons relever est celui de la protection des Français face à plusieurs menaces, en premier lieu la menace terroriste : nous le savons, les pays européens, dont la France, constituent une cible privilégiée pour certains mouvements terroristes.

Je rappelle que dans un communiqué du 22 septembre AQMI – Al Qaïda au Maghreb islamique – a, pour la première fois, menacé clairement le sol français. Ce qui est vrai sur le sol national l’est aussi pour nos compatriotes travaillant ou voyageant à l’étranger, comme le décès de deux Français lors des attentats de Bombay nous l’a tragiquement rappelé.

Dans ce contexte, nos services veillent avec détermination. Leur action vise en priorité à détecter les filières de recrutement et à surveiller Internet. La direction centrale du renseignement intérieur que j’ai mise en place le 1er juillet dernier est un maillon essentiel de cette protection préventive

Quatre-vingt-neuf activistes islamistes avaient été interpellés en France en 2007 ; ils sont soixante-cinq à l’avoir été depuis le début de l’année 2008. Nous avons démantelé des réseaux de financement du djihad et, je le précise, certaines arrestations ont eu lieu dans le cadre d’entraînements militaires pour le djihad conduits sur notre propre sol.

À ces menaces islamistes s’ajoutent d’autres types de menaces.

Même s’ils ont diminué de plus de la moitié, des attentats se produisent toujours en Corse. Nous devons également faire face aux menaces de l’ETA, y compris sur notre territoire : nul n’a ainsi oublié l’assassinat de deux gardes civils à côté d’Arcachon. Enfin, nous avons récemment été confrontés à des menaces d’attentat émanant de groupes anarcho-autonomes.

L’action que mènent les services de police pour assurer notre protection est donc indispensable, et elle doit être saluée.

Je souligne d’ailleurs que, dans le combat qu’ils mènent aujourd'hui, les services de police ne négligent pas les faits qui se sont déroulés dans le passé. L’arrestation d’un suspect dans l’attentat de la rue Copernic en 1980 démontre qu’ils n’oublient jamais et sont déterminés à retrouver les coupables d’actions criminelles.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, comme la lutte contre le terrorisme, la lutte contre la délinquance au quotidien est une exigence totale.

Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d’avoir souligné que les résultats obtenus de 2003 à 2007 ont été remarquables. Cette orientation très favorable perdure et, dans certains domaines, s’amplifie.

De novembre 2007 à octobre 2008, la délinquance de proximité a baissé de 8,2 %. J’en suis d’accord, les chiffres sont toujours abstraits, mais, en l’occurrence, cette baisse correspond très concrètement à 140 000 victimes potentielles en moins.

Monsieur Gautier, vous avez fait la comparaison entre statistique et enquête de victimisation. Je précise – Alain Bauer, qui a mené l’enquête de victimisation, le dit d’ailleurs lui-même – que les statistiques de la délinquance et les enquêtes de victimisation ne s’opposent pas, mais se complètent. Les statistiques de la délinquance s’appuient sur les mêmes paramètres depuis plus de trente ans.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Tout à fait !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au-delà des chiffres absolus, ces statistiques donnent des indications sur les évolutions, évolutions qui ont une signification.

Quant à l’enquête de victimisation, qui n’est qu’une enquête et qui a été menée sur 22 000 personnes, elle permet d’apprendre beaucoup sur les victimes et sur le contexte, et de faire apparaître une absence de plaintes dans certaines situations.

Cette absence de plaintes tient à des raisons extrêmement diverses. Certaines victimes considèrent que porter plainte ne vaut pas la peine parce que l’atteinte n’était pas très importante, notamment dans les cas de violences légères ne relevant que de contraventions. D’autres victimes de violences aux personnes, notamment en milieu intrafamilial, font la mesure entre, d’une part, ce qu’elles ressentent, d’autre part, ce qu’elles craignent.

Nous essayons aujourd'hui de faire « émerger » les violences intrafamiliales dans les plaintes, et cela se traduit d’ailleurs dans les résultats : les violences aux personnes se sont stabilisées, et ce malgré une hausse des plaintes liées à des violences intrafamiliales.

Cela signifie qu’il y a une baisse considérable des violences aux personnes, comme les vols avec violence, dans le « milieu extérieur ». En revanche, grâce, notamment, à la qualité de l’accueil et à l’action menée auprès des victimes, le nombre des violences intrafamiliales déclarées, jusque-là très faible, augmente progressivement.

La délinquance générale elle-même recule, malgré les variations qui se produisent dans notre société et qui se traduisent par l’apparition de nouveaux délits ou la hausse de certains délits, qui sont révélés du fait de l’initiative accrue des services, notamment en matière de stupéfiants ; dans ce dernier cas, il n’y a pas de victimes, et c’est parce que les services sont plus actifs, à la suite notamment de la demande très forte que j’ai exprimée en début d’année, que davantage de cas sont signalés.

Preuve de cette activité renforcée, le taux d’élucidation a été porté à 37,7 % en 2008, contre 35,7 % dans la période précédente, et je tiens à souligner que ce taux a même atteint 40,7 % en octobre ! Je rappellerai juste qu’il était de  25 % en 2001…

Parallèlement, car il ne s’agit pas seulement d’interpellations, les gardes à vue progressent de 3 % et le nombre des personnes mises en cause de 4,2 %.

Avec ces résultats, les objectifs qui m’avaient été fixés par le Président de la République sur deux années sont déjà atteints ou en voie de l’être.

Pour autant, je veux encore progresser dans la protection des Français, car certaines formes de délinquance augmentent, violences « gratuites » et escroqueries. Je n’ai pas l’intention de « camoufler » quoi que ce soit ; je veux au contraire continuer de dire la vérité, comme je l’ai toujours fait, car j’estime que c’est ce qui permet d’avancer.

Les violences gratuites aux personnes, en particulier dans le milieu intrafamilial, représentent un réel problème de société ; vous avez eu raison, monsieur Courtois, de le souligner.

Les violences dites crapuleuses, les vols à main armée et les vols avec violences ont diminué, en grande partie du fait de l’action des forces de l’ordre, diminution sensible puisque, sur douze mois, elle représente 11 000 victimes de moins, tandis que l’environnement familial a vu progresser les violences de 5,3 %.

Il y a certes une tendance à davantage signaler ce type de violences, mais nous n’en sommes pas moins confrontés à un réel problème, dont le traitement ne relève d’ailleurs pas uniquement des services de police et de gendarmerie : à côté de l’action de ces derniers, la réponse à ce véritable défi de sécurité passe aussi par la prévention et par l’éducation.

Le nombre des faits d’escroquerie a augmenté de 30 000 par rapport à l’an passé, qu’il s’agisse de l’escroquerie sur Internet, qui progresse considérablement, ou de l’escroquerie classique. Il faut mener une action, en particulier auprès des populations les plus vulnérables à cette forme de délinquance. Je proposerai donc en tout début d’année un plan d’action très général, qui associera de nombreux partenaires, en direction du plus grand nombre, en particulier des personnes âgées et des personnes fragiles.

L’insécurité routière est également un défi majeur.

Sur les dix premiers mois de 2008, nous enregistrons une baisse de 7 % du nombre de tués, soit 267 personnes, et de 9,2 % du nombre des blessés, soit 7 906 personnes. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Les efforts portant sur la réduction de la vitesse au volant ont permis, c’est vrai, de diminuer sensiblement – de près de la moitié – le nombre des accidents mortels, mais ceux-ci ont désormais pour première cause l’alcool, en liaison parfois avec la drogue.

J’ai donc demandé aux constructeurs et équipementiers automobiles de préparer la mise en œuvre d’éthylotests anti-démarrage et la LOPSI contient une disposition qui, si le Parlement la vote, fera de la conduite de véhicules équipés de ces éthylotests une peine complémentaire obligatoire.

Pour mieux lutter contre la conduite sous l’influence de stupéfiants, j’ai doté depuis cet été les forces de l’ordre de tests salivaires beaucoup plus faciles à mettre en œuvre et qui leur permettent donc de démultiplier régulièrement les opérations de contrôle.

La LOPPSI renforcera également notre action avec des sanctions plus dissuasives, notamment la confiscation des véhicules, en cas de récidive de grand excès de vitesse, de conduite sous l’influence de l’alcool ou de stupéfiants et en cas de conduite sans permis.

Tels sont les défis qu’il nous appartient de relever ; comme l’ont souligné plusieurs intervenants et notamment MM. les rapporteurs, le budget pour 2009 nous donne les moyens de le faire.

Sur la totalité des missions relevant de mes responsabilités gouvernementales, les crédits progressent en effet de 2 % en 2009.

J’ai tenu à ce que l’on nuance en fonction des missions l’effet de cette progression et à ce qu’une priorité toute particulière soit accordée à la sécurité. C'est la raison pour laquelle les crédits de la mission « Sécurité » augmentent davantage : ils progressent de 2,5 %.

La RGPP, dont vous êtes nombreux à avoir parlé, n’a pas à mes yeux pour finalité première de réaliser des économies ; elle doit d’abord viser à améliorer, en la modernisant, l’action que nous menons et nous conduire à utiliser au mieux chacun des euros qui nous sont donnés pour protéger les Français.

Vous l’avez dit, monsieur de Montesquiou, la RGPP est un axe fort de l’année à venir. Je regrette que les éléments que vous aviez demandés au ministère de l’intérieur ne vous aient pas tous été communiqués. Pour certains, la nécessaire intervention du ministère du budget s’est malheureusement produite trop tard pour que nous puissions vous les transmettre en temps utile. Vous le savez, aussi bien la direction générale de la police nationale que la direction générale de la gendarmerie nationale ont toujours eu pour instruction de coopérer en pleine transparence avec les commissions parlementaires.

Nous n’avons en effet rien à gagner à dissimuler quoi que ce soit : l’action est commune et, même s’il y a des divergences, par exemple sur les moyens ou sur les priorités, nous partageons tous la même volonté de protéger les Français.

Les moyens prévus dans ce budget visent d’abord à moderniser l’action des forces de police et de gendarmerie, ce qui passe d’abord par la modernisation des moyens mis à leur disposition ; tout comme vous, monsieur de Montesquiou, je suis attachée à cette orientation nouvelle de sécurité.

La modernité, c’est d’abord la police technique et scientifique : 100 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 40 millions de crédits de paiement seront consacrés à son extension.

Je souhaite également, monsieur Courtois, une police scientifique de masse, destinée aussi à la lutte contre la délinquance quotidienne, notamment les vols, les cambriolages ou les attaques contre les personnes. La politique technique et scientifique nous permet aujourd'hui d’élucider plus de 85 % des crimes. Je veux donc que les traces, quand il y en a, soient systématiquement prélevées.

Certains éléments nous aident beaucoup. Ainsi, le fichier national des empreintes génétiques, qui comportait 3 000 traces en 2002 et 500 000 au printemps 2007, en comporte à l’heure actuelle 960 000.

Cette montée en puissance a permis d’effectuer 42 300 rapprochements de traces génétiques dans des enquêtes judiciaires, d’identifier des milliers d’auteurs ou d’attribuer plusieurs faits à un même individu. Quand il s’agit d’un violeur, c’est d’autant plus important que, pour chacune de ses victimes, la première des justices est de savoir que celui qui l’a agressée sera identifié, interpellé et déféré à la justice !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. De même, le fichier automatisé des empreintes digitales comportait près de 1,6 million d’individus en 2002 et 2,5 millions d’individus au printemps 2007 ; aujourd'hui, 3 millions d’individus y sont inscrits. Cette année, en dix mois, 7 300 affaires ont été résolues grâce à ce dispositif.

Il n’en reste pas moins qu’il faut moderniser les technologies de ces deux fichiers et développer des modalités simples d’utilisation si nous voulons les étendre à toutes les infractions. C’est l’enjeu du plan « Police technique et scientifique de masse », dont le projet de budget pour 2009 constitue la première étape.

Il faut également des laboratoires dignes de ce nom dans la région d’Île-de-France. Pour les avoir visités, je partage votre sentiment, monsieur Courtois : la situation actuelle n’est pas acceptable. Les personnels de ces établissements ont un très haut niveau de compétence et disposent de matériels très sophistiqués ; pour autant, l’environnement n’est pas à la hauteur du travail qu’ils accomplissent.

C’est pourquoi je fais actuellement rechercher le site le plus approprié, à la fois sur un plan économique – vous le savez, des dizaines de millions d’euros sont en jeu – et en termes de rapidité de réalisation. En effet, je souhaite que ces personnels soient le plus rapidement possible installés dans des locaux appropriés. Plusieurs pistes sont actuellement examinées : à Ivry-sur-Seine, à Vélizy-Villacoublay ou à Rueil-Malmaison, notamment. Ce sont soit des terrains nus, soit des terrains qui comportent déjà des locaux ; des études et des comparaisons sont en cours. Je ne peux pas vous donner de date, car la situation est très différente selon qu’il s’agit de bâtiments à construire ou de locaux à réaménager.

La vidéoprotection a été au centre de plusieurs interventions : elle est à la fois un outil d’élucidation qui donne des résultats et un outil de prévention efficace, madame Klès, monsieur Gautier. Pour étayer mon propos, je me contenterai de vous donner des exemples concrets.

À Strasbourg, si la délinquance a diminué sur l’ensemble de la ville de 13 %, dans les quartiers équipés de caméras, ce recul est en moyenne de 50 %. Il s’agit bien là de prévention, qui s’appuie sur un mécanisme psychologique relativement simple : quand ils ont la certitude d’être repérés, les individus ont tendance à ne pas commettre d’infraction.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À Orléans, où les installations de vidéosurveillance sont plus développées que dans d’autres villes, la délinquance a baissé de 60 % entre 2001 et 2007, et elle a encore diminué de 10 % sur les dix premiers mois de cette année. L’installation de caméras n’a donc pas seulement un effet dissuasif sur le moment : elle permet d’enclencher une inflexion qui s’accentue dans la durée. Il s’agit bien de prévention, car c’est un climat général qui s’instaure.

Ne m’appuyant pas sur une réflexion théorique, mais forte de ces exemples concrets, j’ai décidé de tripler le nombre de caméras sur la voie publique, de les généraliser dans les transports – nous nous rappelons tous l’assassinat d’une jeune femme dans le RER voilà un an –, de réaliser des raccordements entre les services de la police et ceux de la gendarmerie partout où c’est souhaité, en facilitant les démarches et en renforçant le respect des libertés individuelles. Car les systèmes utilisés permettent de garantir la non-pénétration des caméras sur les lieux privés.

À ce sujet, madame Klès, vous avez évoqué l’exemple britannique. Contrairement à ce que vous avez affirmé – je vous invite à lire les rapports en entier ! –, les services britanniques ne se plaignent pas d’avoir des caméras de surveillance en trop grand nombre ou qui ne fonctionnent pas : ils regrettent l’ancienneté de leur matériel ou l’absence de système centralisé. C’est pour ces raisons, disent-ils, que le dispositif n’est pas pleinement opérationnel.