M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, la pauvreté est un véritable fléau : un nombre de plus en plus important de familles, outre-mer et en métropole, se trouvent en situation de vulnérabilité et de précarité, et plus de 7 millions de personnes dans notre pays vivent sous le seuil de pauvreté.

La crise économique mondiale que nous traversons touche de plein fouet les plus démunis et risque de paupériser ceux qui, jusqu’à présent, ne rencontraient pas de difficultés majeures. La situation est donc difficile, avec le ralentissement sévère de la croissance, le chômage, la vie chère… Le Président de la République se veut rassurant, mais nous savons que nos concitoyens sont inquiets.

Vous avez donc, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, la lourde tâche de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans, conformément à l’annonce du Président de la République, en encourageant la réinsertion par le travail et en combattant les inégalités.

Pour donner sens et contenu à votre mission, vous n’avez pas hésité à promouvoir d’importantes mesures, notamment la généralisation du revenu de solidarité active et le pacte national pour l’emploi des personnes handicapées, dont les crédits relèvent de la présente mission.

Dans ce contexte, j’ai tenu à participer à cette discussion pour vous signifier que nombre de nos compatriotes ultramarins attendent beaucoup de l’expression de ces valeurs fortes que sont la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances.

En effet, vous le savez, l’outre-mer n’a malheureusement pas attendu la crise, tant s’en faut, pour connaître un chômage quasiment endémique et son corollaire, la pauvreté. Mais avec le tremblement de terre financier que nous vivons et le tsunami économique qui s’annonce, la situation risque de s’aggraver sérieusement.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’inscrit dans un cadre budgétaire pluriannuel. L’anticipation que cela suppose devrait nous permettre d’adopter une approche plus constructive de la politique à conduire en la matière, compte tenu des périls qui nous guettent.

Ce projet de budget, comme beaucoup d’autres, a vu son périmètre évoluer. Ainsi, sur les sept programmes qui relevaient de la mission en 2008, deux ont été transférés, vers la mission « Ville et logement » pour le programme « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », et vers la mission « Santé » pour le programme « Protection maladie ».

Même si ces ajustements de périmètre peuvent se justifier, il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à restreindre notre vision de la globalité de l’action de l’État en matière de solidarité, d’insertion et d’égalité des chances.

Quoi qu’il en soit, à première vue, les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » progresseront en 2009 de plus de 6,2 %, pour s’établir à 11,17 milliards d’euros, une prévision de croissance annuelle d’environ 4,89 % jusqu’en 2011 ayant été retenue. Cela est appréciable, mais, avec les temps qui s’annoncent, je crains qu’il ne faille très vite se donner des moyens beaucoup plus massifs – soit dit pour paraphraser quelqu’un ! – afin de répondre aux besoins réels de nos compatriotes, en métropole comme outre-mer.

Je voudrais à présent évoquer plus particulièrement le RSA (M. Alain Vasselle s’exclame), qui concerne, de manière directe et indirecte, deux des cinq programmes de la mission, à savoir « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » et « Actions en faveur des familles vulnérables ».

Le RSA regroupe deux des principaux minima sociaux : le RMI et l’allocation de parent isolé. Il est donc tout à fait judicieux que les crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » soient graduellement affectés au programme « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales ».

Cependant, monsieur le haut-commissaire, une interrogation subsiste quant à la mise en œuvre progressive du RSA.

Vous le savez, la situation sociale est autrement plus sensible outre-mer qu’en métropole. En effet, même si le taux de chômage connaît une baisse significative depuis quelques années, il demeure deux à trois fois plus élevé qu’en métropole, s’établissant par exemple à 22,7 % en Guadeloupe, contre 8,3 % dans l’hexagone, ce qui est déjà trop. Et ce n’est pas la pire des situations outre-mer !

De même, on relève une proportion particulièrement élevée de RMIstes outre-mer, puisqu’ils y représentent 17,8 % de la population, contre 3,1 % en métropole au 31 décembre 2007.

Malheureusement, l’application du RSA n’est pas imminente outre-mer, comme c’est le cas en France hexagonale, et nous le regrettons vivement.

Je vous demande donc, monsieur le haut-commissaire, de rassurer nos compatriotes ultramarins à propos de cette réforme : quand et comment comptez-vous mettre en place le RSA outre-mer ? Devrons-nous attendre la date butoir de 2011 ? Devrons-nous acquitter les taxes prévues avant que nos territoires, déjà si affectés par la pauvreté, puissent bénéficier du dispositif ?

Par ailleurs, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, pour en revenir à l’objectif assigné, envisagez-vous de réduire la pauvreté d’un tiers en cinq ans outre-mer aussi ? Nos compatriotes ultramarins sont particulièrement attentifs à votre engagement pour respecter cette obligation de résultat.

S’agissant du programme « Handicap et dépendance », une progression de 7 % des crédits de paiement est à enregistrer pour 2009. Nous saluons cette amélioration, tout à fait louable.

Madame la secrétaire d’État chargée de la solidarité, l’engagement pris par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap de juin dernier est, en principe, de nature à nous rassurer : revalorisation de 25 % de l’allocation aux adultes handicapés entre 2008 et 2012, création de 1 400 places dans les établissements et services d’aide par le travail, mise en place du plan pluriannuel sur cinq ans visant à créer 50 000 places dans des établissements et services spécialisés dans l’accueil des personnes handicapées.

Je voudrais savoir comment ces mesures seront mises en œuvre outre-mer, où presque tout reste à faire dans ce domaine. Combien de places, sur celles dont la création a été annoncée, seront réservées à nos territoires ultramarins ?

S’agissant du programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », j’ai noté la perspective d’une réorganisation des administrations de santé et de solidarité. Pouvez-vous nous éclairer sur les formes que prendra cette réforme outre-mer ?

Enfin, on peut bien sûr regretter que les crédits du programme « Égalité entre les hommes et les femmes » ne connaissent pas le même hausse que ceux des programmes précédents. Pouvez-vous nous préciser les objectifs du Gouvernement dans ce domaine, en métropole et outre-mer ?

En conclusion, ce projet de budget va être voté à un moment crucial de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Je suis persuadé que ces crédits sont en deçà de ce que vous auriez souhaité, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire. Cependant, connaissant votre engagement dans ce domaine, j’ai tout de même envie de les voter, afin de vous encourager dans votre mission. J’attends néanmoins avec impatience les réponses et les assurances que vous pourrez me donner sur les points que j’ai soulevés. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Elles vous satisferont !

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, mon intervention portera sur le programme « Égalité entre les hommes et les femmes », dont les crédits s’élèvent à 29 millions d’euros seulement. Autant le dire d’emblée : ils ne sont pas à la hauteur des attentes. L’État ne se donne pas vraiment les moyens d’instaurer rapidement une réelle égalité entre les deux sexes.

Tout d’abord, concernant la prévention des violences faites aux femmes, dont les crédits figurent à l’action « Égalité en droit et en dignité » de ce programme, je rappelle que, en France, 10 % des femmes sont victimes de violences au sein du couple et qu’une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint. Le plan global 2008-2010 que vous avez présenté en novembre 2007, madame la secrétaire d’État, comportait des mesures intéressantes pour lutter efficacement contre ce fléau, mais sa mise en œuvre tarde sur différents points.

L’image de la femme dans les médias, par exemple, devait être davantage respectée. Or force est de constater que tel n’est toujours pas le cas. Je pense notamment au « porno chic » dans la presse « féminine » et aux mannequins présentés en couverture, qui incitent les adolescentes à l’anorexie.

Par ailleurs, le dispositif de prévention de la récidive chez les hommes violents devait être renforcé. Qu’en est-il exactement à cet égard ?

Le gouvernement espagnol a décidé de mener une politique volontariste de lutte contre la récidive en finançant l’utilisation d’un bracelet électronique doté d’un système de navigation GPS pour contrôler les déplacements des hommes faisant l’objet de mesures d’éloignement de leur compagne ou ex-compagne à la suite de mauvais traitements. La France ne pourrait-elle se donner les moyens de mettre en place un tel dispositif ?

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2008, le mouvement « Ni putes, ni soumises » a interpellé le Président de la République, afin que la lutte contre les violences faites aux femmes soit décrétée grande cause nationale de l’année 2009. Nous soutenons cet appel.

Je souhaite maintenant souligner l’importance de l’effort qu’il convient de consentir au bénéfice des associations qui œuvrent à la promotion de la contraception et au suivi des dispositions relatives à l’IVG.

Deux grossesses non prévues sur trois surviennent chez des femmes qui déclarent utiliser un moyen contraceptif. Par ailleurs, les pilules dites « de troisième génération » ne sont pas remboursées, alors qu’elles sont largement utilisées. Il est important qu’une réflexion d’ensemble soit menée sur un meilleur remboursement de la contraception, pour élargir au maximum et mieux adapter son utilisation, afin d’éviter les « accidents ».

De plus, une meilleure information doit être diffusée dans les collèges et les lycées. Nous comptons sur vous pour y veiller, madame la secrétaire d’État.

La situation en matière d’accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décisions est amenée à évoluer favorablement grâce à l’adoption, lors de la dernière révision constitutionnelle, d’un amendement favorisant l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales.

Toutefois, dans l’immédiat, nous ne pouvons que regretter que, dans le cadre des actions favorisant la connaissance et la valorisation de la place et du rôle des femmes dans la société, il ne soit pas fait référence à leur représentation dans les manuels scolaires. En effet, d’après une étude de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, réalisée de juin 2007 à mars 2008, l’image des hommes et celle des femmes continuent de faire l’objet d’un traitement différencié, l’image des femmes étant moins valorisante.

De manière générale, l’étude relève la présence de stéréotypes dans les manuels scolaires, et ce quelles que soient les disciplines enseignées, y compris l’éducation civique. Madame la secrétaire d’État, en véhiculant parmi les enfants, dès le plus jeune âge, des représentations stéréotypées de la société, ces manuels peuvent être à l’origine des discriminations dont sont victimes les femmes ; il est important de s’en préoccuper.

Concernant l’égalité professionnelle, dont le développement correspond à l’objectif 1, nous pensons que l’instauration de la parité au sein des filières de formation initiale scientifiques et techniques est essentielle pour parvenir un jour à une réelle égalité professionnelle.

Je note que si les indicateurs de performance prévoient une augmentation du nombre de filles dans ces filières à l’horizon de 2010, cette augmentation est très insuffisante. En terminale STI, la proportion de filles atteignait 9 % en 2007 ; il est prévu que ce taux s’élève à 9,2 % en 2008 et à 9,6 % en 2010 : à ce rythme, il faudra deux siècles pour arriver à 50 % de filles en terminale STI ! Mais comment pourrait-il en être autrement avec si peu de moyens ?

Par ailleurs, l’égalité salariale entre hommes et femmes est une composante essentielle de l’égalité professionnelle. On nous rappelle les termes de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et on nous propose « des incitations financières pour les actions qui contribuent à l’atteinte de cet objectif ».

De telles mesures s’inscrivent dans le droit fil de cette loi, qui présentait des objectifs louables, mais dont les dispositions demeuraient simplement incitatives.

J’avais dénoncé, à l’époque, son caractère non persuasif et l’absence voulue de sanctions dans le cas où les négociations n’aboutiraient pas à la réduction des écarts de rémunération. Du côté du Gouvernement, on préfère rester prudent, ce que nous regrettons.

Pour ce qui est de l’action « Articulation des temps de vie », elle est, avec moins de 200 000 euros de dépenses d’intervention, le parent pauvre de ce programme. Pourtant, l’enjeu est important, car les schémas traditionnels évoluent peu. Les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques, les hommes consacrant trois fois moins de temps que les femmes aux enfants.

Il s’agit de donner des droits et des devoirs égaux aux femmes et aux hommes dans la vie privée, avec notamment un partage équilibré de la prise en charge des enfants. Hier, Ségolène Royal (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP) avait ouvert la voie avec le congé de paternité. Nous pensons aujourd’hui que celui-ci peut évoluer vers un véritable congé parental alterné, comme en Suède. Bien entendu, cela ne doit pas se faire au détriment de l’ouverture de nouvelles crèches, pour laquelle un soutien financier du Gouvernement est souhaitable.

En conclusion, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, pour mener une politique volontariste en direction des femmes, il faut s’en donner les moyens.

Ces moyens sont financiers, d’une part. Or ils sont en l’occurrence insuffisants, comme nous venons de le voir en examinant les crédits de la mission.

Ces moyens sont politiques, d’autre part. En particulier, nous ne cessons de le répéter, la création d’un secrétariat d’État dédié aux droits des femmes est nécessaire. Il convient aussi de mettre en place une politique efficace à l’échelon régional. À ce propos, nous nous méfions du rattachement opéré, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, des déléguées régionales aux droits des femmes aux secrétariats généraux pour les affaires régionales. Faire des économies ne signifie pas forcément gagner en efficacité, bien au contraire.

Nous ne pourrons donc voter ce projet de budget, qui manque singulièrement d’ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Chevé.

Mme Jacqueline Chevé. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, avant d’exposer les deux volets de mon intervention sur la politique du handicap, je tenais à évoquer les interrogations, pour ne pas dire les inquiétudes, que suscite la nouvelle organisation de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

La nouvelle architecture des politiques publiques tournées vers la pauvreté laisse en effet à penser que l’emploi est le remède unique et ultime à toutes les pathologies sociales. Or celui-ci doit être un objectif accessible, mais non un impératif catégorique.

De même, le renversement de la logique de financement, lequel se fonde désormais sur les modes de ressources, et non sur les besoins des publics accompagnés, pose de sérieux problèmes en termes de gouvernance et de prise en compte de la pluralité des demandes.

Je m’inquiète, en outre, de la baisse des crédits touchant deux actions relatives aux familles vulnérables. En effet, les crédits du dispositif de conseil conjugal et familial vont baisser de 40 %, et ceux du soutien à la parentalité de près de 48 %. Cette réduction des moyens met en péril les partenariats et les dispositifs préventifs déployés par les réseaux d’appui et d’accompagnement des parents, dispositifs qui ont pourtant montré toute leur pertinence et leur efficacité au fil des années.

Il faut avoir le courage de reconnaître que la question sociale est complexe et que son traitement peut prendre du temps. En la matière, les mécanismes curatifs doivent nécessairement aller de pair avec des mesures préventives. En ne prenant pas en considération la singularité et la cohérence des différentes approches de la question sociale, les politiques menées en direction des plus démunis peuvent s’avérer inefficaces et même devenir contre-productives. En matière de politique sociale, l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » garde toute sa pertinence.

J’évoquerai maintenant le programme « Handicap et dépendance », qui représente plus des trois quarts des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Doté de 8,6 milliards d’euros, son financement est en hausse, conformément aux orientations issues de la conférence nationale du handicap du 10 juin dernier.

Ce programme comporte deux enjeux qui me semblent particulièrement cruciaux : le financement des maisons départementales des personnes handicapées et l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap.

Créées par la loi du 11 février 2005, les MDPH sont chargées d’offrir un accès unifié aux droits et aux prestations des personnes handicapées, sur la base d’une évaluation personnalisée des besoins et des capacités des intéressés. Elles jouent donc un rôle pivot pour les politiques du handicap.

Cependant, quatre ans après leur création, leur financement pose un certain nombre de problèmes qui ne sont toujours pas réglés.

Dans mon département, les Côtes-d’Armor, la MDPH suit près de 15 000 adultes en situation de handicap. Entre 2006 et 2007, elle a enregistré une hausse de 7 % du nombre des dossiers en cours d’instruction, et cette évolution ne risque pas de ralentir puisque la structure, encore relativement jeune, gagne en notoriété d’année en année.

Dans le projet de loi de finances, les crédits ouverts pour ces structures s’établissent à 14,1 millions d’euros pour 2009. Leur montant reste inchangé par rapport à 2008, alors que cette dotation se révèle très insuffisante chaque année depuis 2005.

Toutefois, le principal problème réside dans la prise en charge des besoins de compensation des personnes en situation de handicap.

C’est le fonds départemental de compensation, également créé par la loi du 11 février 2005, qui est censé l’assurer. Or les fonds départementaux de compensation ne peuvent tenir leurs engagements, puisque leur financement repose sur le principe d’une participation facultative pour un champ d’intervention obligatoire. Il apparaît que seuls l’État et les conseils généraux les abondent régulièrement, les autres acteurs apportant leur contribution au cas par cas, selon des conditions qui leur sont propres. Les MDPH doivent ainsi solliciter les financeurs les uns après les autres.

Aussi, étant donné les lourdeurs administratives du traitement des dossiers et la complexité du dispositif de prise en charge de la compensation, les MDPH ne peuvent, en raison d’un évident manque de moyens humains, élaborer comme il se doit les plans personnalisés de compensation. Comme les contributeurs appliquent des critères de prise en charge spécifiques, le dispositif va à l’encontre de toute logique de mutualisation, d’universalité et d’égalité de traitement.

Je voudrais terminer mon propos en évoquant l’action 2 « Incitation à l’activité professionnelle ». Il s’agit d’une urgence politique et sociale alors que le taux de chômage des personnes handicapées est quatre fois supérieur à celui de la population active valide.

Cette action, dotée de 2,5 milliards d’euros, représente près de 29 % des crédits du programme. Elle s’appuie également sur les financements du programme « Accès à l’emploi » de la mission « Travail et emploi », de l’AGEFIPH et du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP.

Cette action s’articule autour de deux axes : le financement des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour un montant supérieur à 1,3 milliard d’euros, ce qui devrait permettre de financer 114 000 places d’accueil ; le financement de l’aide au poste dans le cadre de la garantie de ressources pour travailleurs handicapés, la GRTH, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

Cette garantie vise à faire en sorte que l’essentiel des ressources disponibles des travailleurs soit lié à leur activité, et non à leur taux d’incapacité. De ce fait, en conditionnant l’attribution des ressources à l’employabilité, le Gouvernement compromet l’avenir des personnes handicapées, qui souffrent souvent de leur faible niveau de qualification et des réticences des employeurs. La logique retenue me semble pour le moins contre-productive.

Le secteur protégé représente sans doute, et c’est encore plus vrai en temps de crise, le milieu optimal pour l’accès à l’emploi des personnes handicapées. En effet, le constat est alarmant : en dépit des efforts accomplis depuis vingt ans par des structures telles que l’AGEFIPH, près de 200 000 personnes handicapées restent aujourd’hui sans travail ni perspectives de formation.

Au-delà de leur vocation médicosociale, les ESAT jouent un rôle majeur dans l’insertion : ils rendent les personnes handicapées plus autonomes et responsables, et donc plus aptes à exercer une activité, par des actions de soutien personnalisées et individualisées.

Malheureusement, l’augmentation prévue de 1,5 % des crédits, inférieure à l’inflation, ne suffira pas pour financer les 1 400 places nouvelles qui seront créées en ESAT d’ici à la fin de l’année prochaine et pour atteindre les objectifs qualitatifs de professionnalisation des personnels et d’amélioration de la qualité de l’accueil.

Les ESAT seront d’autant plus fragilisés que, en 2009, il manquera plus de 130 millions d’euros pour le financement de l’aide au poste, dont l’objet est pourtant de permettre aux travailleurs handicapés de bénéficier d’une garantie de ressources. Au nom des familles qui attendent une place pour l’un des leurs, nous ne pouvons l’accepter.

Je veux, enfin, redire l’importance du développement de l’emploi en milieu ordinaire ; c’était déjà l’un des objectifs visés au travers de la loi du 11 février 2005.

Il faut poursuivre la mobilisation des partenaires sociaux autour de cet enjeu dans le cadre de la négociation collective et continuer à imposer des aménagements raisonnables des postes et du milieu de travail. L’augmentation des cotisations prélevées sur les entreprises ne respectant pas l’obligation d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés et sur les employeurs publics va donc dans le bon sens. Je regrette néanmoins que la nouvelle participation du FIPHFP au financement de ce réseau se traduise dans le même temps par la diminution de la contribution de l’AGEFIPH.

Je veux le réaffirmer ici, l’emploi des personnes handicapées a tendance à se détériorer. Je demande donc au Gouvernement d’accroître, en étroite collaboration avec la HALDE, les sanctions contre toutes les entreprises qui ne respectent pas les critères fixés par la loi. Vous le savez, la concurrence entre demandeurs d’emploi sera rude dans l’avenir, particulièrement pour les publics en difficulté.

En conclusion, je voudrais m’associer aux propos tenus par Gisèle Printz concernant l’égalité entre les hommes et les femmes. Il me paraît particulièrement important que l’État s’engage dans la lutte contre toutes les formes de discrimination, et ce de manière transversale, dans toutes ses politiques. Il est plus que temps de passer, comme c’est le cas pour la région Bretagne, d’une égalité de droits à une égalité de fait. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, mesdames les secrétaires d’État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, alors que nous pouvions espérer, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », des crédits à la hauteur de la situation économique et sociale actuelle et des risques de détérioration de la situation des personnes et des familles vulnérables, ces crédits se résument en fait à un budget pour la généralisation du RSA.

Je ne partage pas l’idée que les politiques sociales puissent se réduire au seul retour à l’emploi. En réalité, le RSA masque l’ampleur du désengagement de l’État au titre des autres programmes qui relèvent de la présente mission.

Ainsi, l’action « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents », relevant du programme 106, voit ses crédits diminuer de 32 %.

Est-il nécessaire de rappeler l’importance des « points info famille » et des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents que finance cette ligne budgétaire ? Ils sont autant de lieux de soutien, d’aide, d’échange et d’information pour les familles.

Ces structures légères sont relativement bien réparties sur le territoire. Elles jouent un rôle essentiel, que ce soit dans les zones urbaines sensibles ou dans les zones rurales, car elles sont facilement accessibles. En agissant comme il le fait, le Gouvernement met en jeu leur pérennité. La rationalisation des dépenses opérée aurait au moins dû être précédée d’une évaluation précise des besoins.

Dans le même ordre d’idées, la protection des enfants et des familles est dotée, pour 2009, de 220,8 millions d’euros, soit une diminution de 12 % des crédits par rapport à 2008.

Le Gouvernement mise sur une baisse du coût des tutelles et curatelles avec l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007. L’économie est même estimée à 90 millions d’euros en 2011, puisque l’on table sur un ralentissement du nombre des mesures et sur les nouvelles responsabilités des départements en la matière, dont la charge financière se trouvera accrue.

Le soutien apporté par l’État à la protection de l’enfance est donc marginal. L’effort pour 2009 est de 6 millions d’euros. Pour mémoire, la loi sur la protection de l’enfance du 5 mars 2007 estimait à 150 millions d’euros le coût global des seules mesures nouvelles qu’elle instaurait. Or je déplore une fois de plus qu’aucun financement ne soit prévu à ce jour pour alimenter le fonds national de financement de la protection de l’enfance.

Certes, la prévention et la lutte contre la maltraitance des enfants, que la loi du 5 mars 2007 a réformées et renforcées, relèvent de la responsabilité partagée des départements, qui assument l’essentiel de la dépense, et de l’État. Mais le fonds national de financement de la protection de l’enfance doit compenser le coût de l’ensemble des mesures nouvelles mises à la charge des départements qui découlent de la réforme. Ses ressources sont constituées par un versement de la CNAF et une dotation annuelle de l’État.

C’est la mise en œuvre des dispositions de la loi qui est ainsi compromise. Il ne suffit pas que nous ayons légiféré, encore faut-il aller jusqu’au terme du parcours législatif en publiant les décrets et en prévoyant les financements. Sinon, nous tombons dans des situations qui ne sont plus compréhensibles ni acceptables pour nos concitoyens.

Ainsi, si je déplore l’absence d’engagement financier, je regrette plus encore l’absence de publication du décret portant création du fonds. Un projet a été soumis au comité des finances locales, qui a rendu un avis le 8 février 2008 : cela fait maintenant plus de dix mois !

Madame la secrétaire d’État, peut-être pourrez-vous nous annoncer une bonne nouvelle, en nous précisant à quelle hauteur et quand l’État a l’intention de s’engager.

En 2007, la somme de 30 millions d’euros devait être affectée au fonds par la CNAF. Depuis, ces crédits ont été redéployés.

Contrairement à ce qu’avait affirmé Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité en 2008 dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, l’État n’est toujours pas, hélas ! au rendez-vous.

Nous n’avons que trop perdu de temps, et je vous remercie donc par avance, madame la secrétaire d'État, des réponses et des assurances que vous pourrez nous apporter cet après-midi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)