M. Bernard Frimat. Déposez un amendement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non, il n’y aura pas d’amendement pour la simple raison que le Sénat ne se mêle pas de ce qui concerne l’Assemblée nationale ! Je ne vais pas le répéter dix fois : c’est la règle que nous avons toujours appliquée ! Il n’y a pas de raison de modifier nos comportements ! (Applaudissements sur certaines travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

S’agissant de la représentation des nouveaux territoires que sont Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nous connaissons l’amendement voté par l’Assemblée nationale. La balle est dans le camp du Gouvernement, qui va fixer, dans l’ordonnance, le nombre de représentants de ces collectivités d’outre-mer. Combien seront-ils ? Mais ce n’est là qu’une des difficultés que le Gouvernement rencontrera sur le parcours faisant suite au vote de la loi ordinaire et de la loi organique.

Des difficultés sont également prévisibles, par exemple, pour la représentation des Français établis hors de France. Du moins est-il un point sur lequel le Gouvernement a très clairement précisé sa position : le scrutin majoritaire uninominal à deux tours continuera de s’appliquer tant aux députés représentant les Français établis hors de France qu’aux députés élus de métropole et d’outre-mer.

L’article 4 est consacré aux modalités de remplacement temporaire au Parlement européen des représentants français accédant à des fonctions gouvernementales. Le cas est rarissime : il n’arrive en effet pratiquement jamais qu’un député européen devienne ministre. Mais ne me faites pas dire que le Parlement européen est une voie de garage ; loin de moi cette idée ! Il s’agit surtout, ainsi que l’a indiqué tout à l’heure Mme la ministre, de respecter un parallélisme des formes.

Les difficultés qui attendent le Gouvernement tiennent à la complexité du processus qui va se dérouler. Ce processus commencera par le contrôle éventuel effectué par le Conseil constitutionnel à l’issue du vote de cette loi ordinaire, à la demande de soixante parlementaires, la saisine du Conseil étant automatique pour la loi organique.

La loi organique ne me paraît pas promise à de grandes difficultés. Quant à la loi ordinaire, le Conseil constitutionnel risque de vérifier de près si l’article 2 de la loi d’habilitation reprend bien toutes les conditions qu’il avait précédemment énoncées dans la jurisprudence à propos du découpage des circonscriptions électorales.

Puis, l’ordonnance sera transmise pour avis à la commission, et ensuite soumise au Conseil d'État.

Le Conseil d'État donnera son avis sur son contenu juridique et même, indirectement, sur sa constitutionnalité. Il est en effet juge en excès de pouvoir, et, tant qu’elle n’est pas ratifiée, l’ordonnance reste attaquable comme peut l’être un décret.

Le troisième obstacle sera celui de la ratification devant le Parlement, ce qui annonce vraisemblablement un beau débat, ici comme à l’Assemblée nationale. De nouveau, le Conseil constitutionnel pourra être saisi.

Cela signifie qu’il faudra prendre de grandes précautions. Ainsi, l’application du principe selon lequel il y a un député par collectivité territoriale quelle qu’elle soit sera certainement examinée à la loupe, tant au Conseil constitutionnel qu’au Conseil d'État. Nous aurons là un test grandeur nature quant à la façon dont il faut comprendre ce principe, que nous appliquons tout naturellement au Sénat alors que l’aspect démographique l’emporte à l’Assemblée nationale.

La question relative à Mayotte qu’a soulevée tout à l'heure M. le secrétaire d'État sera également examinée de près par les hautes juridictions.

Il ne faut pas oublier de surcroît qu’il y a outre-mer de considérables développements de la population, et je ne crois pas que l’on puisse y appliquer des règles différentes de celles qui s’appliquent en métropole, sauf à courir le risque de voir tel ou tel choix remis en cause par ces hautes juridictions.

Il en va de même en ce qui concerne les Français de l’étranger.

C’est donc dans un véritable parcours du combattant que le Gouvernement va s’engager à partir du moment où le texte que nous examinons aujourd'hui sera adopté et je préfère que ce parcours se déroule à l’échelon du Gouvernement plutôt qu’ici.

Je me demande en effet comment nous nous en serions sortis si nous avions dû énoncer dans la loi organique le nombre des députés métropolitains, des députés des départements d’outre-mer, des députés des collectivités d’outre-mer et des députés représentant les Français établis hors de France : il n’était pas possible que ce débat ait lieu ici, même si, sur le fond, nous n’aurions pas suivi d’autre voie que celle qu’aurait choisie l’Assemblée nationale.

La commission des lois vous propose donc, mes chers collègues, de voter conforme le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire en raison du principe, énoncé plusieurs fois dans mon rapport écrit, selon lequel le Sénat ne se préoccupe pas, sauf lorsqu’il est lui-même mis en cause, des modes de désignation des députés. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René Garrec. Principe de droit coutumier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle longue intervention pour en arriver là !

 
 
 

4

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, j’interviens pour m’assurer que nous sommes bien « en phase » s’agissant du déroulement de nos travaux.

On me dit, mais j’attends que vous le confirmiez, que nous discuterions les amendements portant sur le projet de loi ordinaire et voterions celui-ci avant d’examiner le projet de loi organique.

Je m’interroge sur cet ordre sachant que l’Assemblée nationale, qui a examiné les mêmes textes – ces textes à propos desquels M. Gélard vient d’exprimer toute son admiration –, a voté d’abord le projet de loi organique, puis le projet de loi ordinaire.

Est-il normal que nous procédions autrement ? L’ordre naturel n’est-il pas celui qu’a observé l’Assemblée nationale ?

Je souhaiterais que ce point soit précisé dès maintenant pour permettre, à la séance comme à nos collaborateurs, de s’adapter si nous devions changer l’ordre.

Je suis d’accord pour reconnaître que les deux textes sont étroitement imbriqués, mais l’usage veut que la loi organique précède la loi ordinaire et je serais surpris si nous ne respections pas cet ordre.

M. le président. C’est un ordre qui a été choisi par le Gouvernement…

M. Jean-Pierre Michel. Ah bon ? Le Gouvernement décide ?...

M. René Garrec. Rien d’étonnant à cela : le Gouvernement détermine l’ordre du jour prioritaire…

M. le président. L’ordre a été décidé en conférence des présidents à la demande du Gouvernement, et je l’applique, mais peut-être M. le secrétaire d'État souhaite-t-il répondre à l’interrogation de M. Frimat ?...

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Le Gouvernement estime que la discussion du projet de loi organique doit précéder celle du projet de loi ordinaire, avant le vote final… (Exclamations amusées.)

M. le président. Voilà qui est assez curieux car, en conférence des présidents, le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a dit exactement le contraire.

M. Jean-Pierre Michel (Simulant les mouvements de la brasse). Nous voilà bien avancés !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, la conférence des présidents s’étant prononcée, la commission des lois n’a pas son mot à dire et elle suivra la position de M. le secrétaire d'État.

M. René Garrec. C’est une question de hiérarchie des textes !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les deux textes sont liés mais, si le Gouvernement décide maintenant de commencer par l’examen du projet de loi organique, pourquoi pas !

C’est l’ordre qui a été suivi à l’Assemblée nationale et il paraît plus logique – en tout cas pour la discussion, car, pour les votes sur l’ensemble, il s’agit peut-être d’un autre problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La conférence des présidents a cependant reçu, monsieur le président de la commission, une lettre du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement indiquant très précisément que la loi ordinaire devait précéder la loi organique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour le vote !

M. le président. Mon rôle étant d’appliquer une décision qui a été prise à la demande du Gouvernement, je pense qu’une suspension de séance serait nécessaire pour clarifier la situation…

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais non !

M. le président. La parole est à M. René Garrec.

M. René Garrec. Nous nous trouvons devant un simple problème de procédure : inutile de se compliquer l’existence !

La loi ordinaire a pour objet de supprimer certaines dispositions afin de « nettoyer le terrain » pour permettre ensuite à la loi organique de s’installer. Il y a donc une vraie chronologie dans l’ordre d’examen de ces textes et c’est pourquoi je n’ai pas compris où était le problème.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pendant quelques instants pour accorder nos violons.

M. Bernard Frimat. Excusez-moi, monsieur le président, d’avoir suscité cette discussion !

M. le président. Mais non, mon cher collègue : vous avez soulevé une vraie question et je souhaite qu’elle soit réglée !

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. La Constitution est claire. S’agissant du vote final, elle spécifie que le vote de la loi ordinaire doit précéder le vote de la loi organique. Quant à l’ordre de discussion, il est en quelque sorte la déclinaison de la hiérarchie traditionnelle : très logiquement, la loi organique précède la loi ordinaire.

M. le président. Je remercie M. Frimat d’avoir posé la question. Nous y voyons plus clair maintenant !

M. François Fortassin. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si la courtoisie sénatoriale nous impose de ne pas nous occuper des questions relatives à l’Assemblée nationale et d’émettre un vote conforme, je ne vois pas quel est l’intérêt de ce type de séance !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c’est l’application du bicamérisme ! Les deux assemblées votent les lois !

M. François Fortassin. Nous faisons donc comme les sociétés savantes qui se réunissent simplement pour le plaisir de converser sur divers sujets !

Il est tout de même extraordinaire d’en arriver à une telle anomalie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

5

Application de l’article 25 de la Constitution et élections des députés

Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

 
 
 

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés et du projet de loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous vous en souvenez très certainement, nous avons combattu la réforme constitutionnelle. Nous la considérions en bien des points antidémocratique et taillée sur mesure pour le nouveau Président de la République.

Le Gouvernement nous avait alors rétorqué que nous nous trompions et que cette réforme renforcerait au contraire les pouvoirs du Parlement. Le débat ne fut pas simple et de nombreux sénateurs et députés, au-delà des clivages politiques d’ailleurs, s'y opposèrent. Malgré tout, à quelques marchandages politiques près, la réforme fut votée, mais de si peu, de si peu !...

À la suite de ce débat qui fut difficile pour la majorité, nous aurions attendu du Gouvernement qu’il cherche à réaffirmer la légitimité de cette révision constitutionnelle et nous soumette en priorité les mesures phares de cette réforme : l'organisation du référendum abrogatif ; la liste des emplois pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République est soumis à un avis préalable ; l'organisation de la délibération des projets de loi ; le droit d'amendement et l'exception d'inconstitutionnalité ; la pétition permettant la saisine du conseil économique, social et environnemental ; les compétences du défenseur des droits des citoyens. Or il n'en est rien !

Les deux premiers projets de loi relatifs à l'application de la réforme constitutionnelle ne sont qu'une basse manœuvre d'opportunisme politique au service du Gouvernement. Débattus avec beaucoup de discrétion et de hâte, ils doivent être efficients dès le prochain remaniement ministériel, qui s'annonce, il faut le dire, de plus en plus proche.

Le projet de loi organique que nous examinons vise à permettre aux ministres, en cas de démission, de retrouver leur siège de parlementaire sans se soumettre à nouveau au suffrage universel, comme c'était le cas depuis 1958 !

L'hypothèse d'un remaniement du Gouvernement dès janvier prochain explique sans aucun doute le dépôt en urgence de cette loi organique. Elle pourrait en effet profiter aux vingt-six ministres, dont le premier d’entre eux, détenteurs d’un mandat d’élu national.

Prouesse remarquable que cette construction juridique : non seulement prévue pour les députés ou les sénateurs qui deviendront ministres après le vote de la loi organique – ce que proposait le « comité Balladur » – cette disposition serait immédiatement applicable puisque cette loi bénéficierait d'un effet rétroactif ! La rétroactivité n’est habituellement pas tolérée car considérée comme anticonstitutionnelle, sauf exceptions de la plus haute importance... C’est sans doute le cas !

Mais quid des suppléants alors ? Seront-ils considérés comme des « sous-élus », des « faire-valoir » ? Ces parlementaires sont arrivés sous le régime d'une règle qui sera changée en cours de législature. Ils n'auront guère leur mot à dire si le ministre sortant désire regagner son siège.

Comment, et au nom de quel principe constitutionnel et démocratique, peut-on légitimer cette disposition ? La question reste sans réponse... En réalité, le Gouvernement se sert de la loi pour régler ses petites affaires personnelles au sein de sa propre famille politique, car le Président de la République veut éviter la fronde au sein de son parti et parmi des députés de la majorité. Ces derniers l'ont bien compris, et certains n'hésitent pas à le dire publiquement. Ainsi, selon votre collègue député UMP Jacques Myard, ce retour quasi automatique des ministres au Parlement consiste à « mettre les députés dans la main du Président de la République ». Un autre de vos confrères député, Jean-Pierre Grand, n'hésite pas à décrire cette réforme comme « la porte ouverte à l'instabilité gouvernementale en période de difficultés ». À ses yeux, « ce sera fatalement ressenti par l'opinion publique comme la mise en place par notre assemblée d'un « parachute politique doré » ».

Mme Josiane Mathon-Poinat. J’avoue que cela est fort bien dit ! En effet, en cette période de crise, grâce à cette loi, les ministres seront, eux, prémunis du chômage qui menace des centaines de milliers de travailleurs en 2009.

Au lieu de garantir le parcours professionnel des élus de la majorité et de se servir de cette loi pour régler vos démêlés familiaux, mesdames, messieurs de la majorité, il serait temps de créer un vrai statut de l'élu que nous appelons de nos vœux depuis tant et tant d'années et pour lequel nous avons déjà fait de nombreuses propositions. Les salariés élus ne sont pas tous des professionnels de la politique et ne retrouveront pas leur emploi à l'issue de leur mandat !

Abordons maintenant le projet de loi ordinaire

Il fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la commission chargée de donner un avis sur les projets de loi et propositions de loi délimitant les circonscriptions pour l'élection des députés ou modifiant la répartition des sièges de députés ou de sénateurs.

À première vue, la création d'une telle commission paraît nécessaire. Elle permettrait en effet d'étudier le redécoupage des circonscriptions d'une manière plus juste et plus objective. La refonte de la carte électorale a en effet trop souvent été synonyme de manœuvres politiciennes obscures, comme ce fut le cas lors du dernier redécoupage des circonscriptions, décidé par notre collègue Charles Pasqua en 1986.

Toutefois, au vu de l'actualité, nous pouvons légitimement nous inquiéter de l'efficience du travail de cette commission. Il aurait d'ailleurs été souhaitable que nous ayons une discussion sur la personne en charge de la préparation de ce travail de découpage.

Le Président de la République en a décidé autrement et a nommé, « judicieusement », Alain Marleix chargé du secrétariat national aux élections de l'UMP depuis 2004,….

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est fini, madame !

Mme Josiane Mathon-Poinat. … qui avait déjà participé au redécoupage électoral de 1986, sous Charles Pasqua !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est une référence !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Afin d’éviter un conflit d'intérêts trop évident, M. Marleix a quitté la direction nationale de l'UMP le temps de sa mission, avant de la réintégrer à nouveau fin novembre. L'hypocrisie de cette manœuvre en dit tellement sur l'opacité du redécoupage à venir qu'il n'est pas la peine, à mon sens, d'en rajouter !

Nous ne sommes pas rassurés davantage par la mise en place d'une commission de contrôle prévue par la réforme constitutionnelle. D’une part, cette commission ne disposera que d'un pouvoir purement symbolique : rien n’obligera en effet le Gouvernement à suivre l’avis rendu ! D'autre part, il y a fort à parier que cette commission ne rendra que des avis conformes aux souhaits du Gouvernement, tant sa composition même manque de neutralité. En effet, cette nouvelle institution est censée être composée de trois hauts magistrats et de trois personnalités qualifiées, nommées conjointement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, c'est-à-dire uniquement par la majorité.

S’agissant d’une question institutionnelle aussi grave que le redécoupage électoral, où sont les droits de l'opposition que le Président de la République prétendait renforcer en modifiant la Constitution ? Pourtant, lorsque nous avions évoqué cette difficulté au cours de la discussion de la réforme constitutionnelle, Mme la garde des sceaux avait tenu à nous rassurer par ces mots : cette commission « sera composée d'experts. Ce seront des démographes, des statisticiens, des juristes et des experts en droit électoral ». Nous avons beau chercher, la promesse n'est pas tenue... hormis pour M. Marleix, expert en droit électoral, de l’UMP !

Peut-on parler de neutralité politique lorsque de telles désignations relèvent de personnalités issues du même terreau politique ? Intégrer à cette commission un membre désigné par chaque groupe parlementaire serait la moindre des choses. C’est d’ailleurs l’objet de l’un de nos amendements.

Selon le projet de loi, la personne désignée par le chef de l’État présidera cette commission, et ce à l'image du futur mode de nomination du président de France télévision. Bien qu'il s'en défende, cela devient une fâcheuse tendance de notre Président de nommer, car tel est son bon plaisir, des personnes à des postes clés. Il s'arroge ainsi un contrôle accru des institutions et une concentration des pouvoirs proprement scandaleuse.

De plus, vous demandez aujourd'hui au Parlement de cautionner un redécoupage de la carte électorale combinant suppression d'un certain nombre de circonscriptions et manœuvres politiques, et de donner entière liberté au Gouvernement via le système d'ordonnances.

Nous sommes et serons toujours opposés à ce que le Gouvernement légifère par ordonnances, particulièrement sur de tels sujets. Il est impensable que le Parlement soit privé de tout pouvoir de contrôle ! Si l'opposition ne peut se prononcer, le redécoupage se fera au seul profit de la majorité au pouvoir. En effet, un redécoupage électoral n'est jamais innocent ou neutre : il l'est encore moins lorsque le Parlement n'est pas consulté.

Lors de son audition à l’Assemblée nationale, M. Marleix justifiait le recours aux ordonnances par le fait que cela avait déjà été le cas en 1986. Mais cela est faux ! Le Président de la République de l'époque, François Mitterrand, avait refusé de signer les ordonnances qui avaient alors dû être transformées en projet loi.

Enfin, et pour conclure sur l'opacité de cette manœuvre, je rappelle que la prochaine réforme des collectivités territoriales pourrait supprimer le département – du moins c’est dans l’air ! – ou encore modifier le mode de scrutin pour les élections régionales. Nous débattons donc au final du redécoupage des circonscriptions sans rien savoir, ni de la future articulation entre les départements et la région, ni de l'évolution des modes de scrutin.

Bref, vous l'aurez compris, nous ne pouvons cautionner deux textes de lois aussi circonstanciels et subordonnés à la majorité gouvernementale. Lors de la réforme constitutionnelle, vous tentiez de prouver l'intérêt démocratique et respectueux de la pluralité politique de vos réformes, mais nous voyons mal de quelle façon vous pouvez continuer à le soutenir aujourd’hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion de ces deux projets de loi ouvre la voie à la mise en œuvre de la révision constitutionnelle adoptée en juillet dernier, s’agissant notamment des dispositions de l'article 25.

Comme vient de le souligner Mme le ministre, ces deux textes – l'un organique, l'autre ordinaire – visent à rendre notre démocratie plus représentative, plus transparente et plus efficace.

Pour rendre notre démocratie plus représentative, ces projets de loi lancent la première étape de l’ajustement des circonscriptions législatives. Le rééquilibrage démographique des circonscriptions est en effet réclamé avec insistance par le Conseil constitutionnel, et ce depuis de nombreuses années.

La délimitation actuelle a été arrêtée en 1986, sur la base d'un recensement effectué en 1982. Depuis lors, malgré les recensements de 1990 et de 1999, il n'y a pas eu d'ajustement des circonscriptions, d'où des différences parfois importantes entre elles, et les demandes de plus en plus pressantes du Conseil constitutionnel.

Il était donc grand temps pour le législateur d'autoriser le Gouvernement à procéder à un ajustement de la carte des circonscriptions. Comme l'a indiqué .le rapporteur, Patrice Gélard, les deux projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis répondent à « une urgence démocratique » : adapter la répartition des sièges de députés.

J’observe que, à l’instar de ce qui s’est passé pour bien d'autres réformes, c'est grâce à l'action du Président de la République et à celle de son Gouvernement que l'exercice difficile du redécoupage des circonscriptions va être réalisé.

Cette adaptation est d'autant plus nécessaire aujourd’hui en raison de la création de nouveaux postes de députés chargés de représenter les Français établis hors de France.

Le redécoupage des circonscriptions législatives prendra en compte les évolutions démographiques de la population française depuis 1982. Ainsi, l'Assemblée nationale représentera plus justement l’ensemble de nos concitoyens.

Le deuxième objectif visé par ces deux projets de loi est la transparence.

C'est bien avec cette finalité que le nouvel article 25 de la Constitution prévoit la création d'une commission indépendante chargée de donner un avis public sur tout projet de texte ayant pour objet une nouvelle délimitation des circonscriptions législatives ou une modification de la répartition des sièges de sénateurs.

Si l’indépendance de cette commission est consacrée dans le code électoral, elle est également confortée par les dispositions amenées à en régir la composition et le fonctionnement.

Cette commission indépendante sera composée de trois magistrats issus de chacune des juridictions suprêmes et désignés par leurs pairs et de trois personnalités nommées respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.

À cet égard, je m’associe aux propos du rapporteur et souligne à mon tour que, conformément aux souhaits exprimés par les sénateurs lors de l’examen de la révision constitutionnelle, les commissions compétentes des deux assemblées se prononceront séparément sur la nomination des candidats, en vertu du principe d’autonomie des assemblées.

Signe fort de transparence, ces désignations seront précédées d’une audition des candidats par les commissions parlementaires et d’un avis public de ces dernières. L’opposition parlementaire sera donc associée à ces désignations et pourra s’exprimer sur la personnalité envisagée.

M. Bernard Frimat. Plaisanterie !

Mme Catherine Troendle. Je tiens également à souligner que ni la Constitution ni le présent projet de loi ordinaire ne confèrent à la commission indépendante un pouvoir normatif. C’est au législateur qu’il revient de fixer dès aujourd’hui, à la lumière des principes énoncés par le Conseil constitutionnel, les règles de forme et de fond auxquelles devra obéir le remodelage de la carte électorale. Dès lors, nous ne voyons pas de raison de faire de procès d’intention au Gouvernement quant à la méthode choisie.

Le groupe UMP se réjouit de l’étendue des garanties ainsi offertes à cette commission, en termes d’impartialité, de transparence et d’indépendance.

Le troisième objectif est l’efficacité. C’est au nom de celle-ci qu’a été décidée la mesure relative aux parlementaires nommés au Gouvernement. Le projet de loi organique organise en effet le remplacement temporaire des parlementaires nommés au Gouvernement.

Il faut rappeler que le Sénat n’a accepté ce dispositif qu’au terme d’un long débat, non sans marquer quelques réserves sur son opportunité. Si les modalités d’application de cette mesure nous ont paru d’emblée claires et cohérentes pour les parlementaires élus au scrutin majoritaire, la rédaction initiale des projets de loi relative au remplacement temporaire des parlementaires élus à au scrutin proportionnel manquait, à notre sens, de clarté.

Cette rédaction ne précisait pas le sort du suivant de liste devenu provisoirement sénateur ou député européen, une fois que l’ancien ministre retrouvait l’exercice de son mandat. La rédaction votée par l'Assemblée nationale a permis de lever ces ambiguïtés. La solution tendant à replacer l’ancien parlementaire « temporaire » en tête des suivants de liste non élus nous paraît satisfaisante.

Enfin, à l’instar du rapporteur, le groupe UMP souhaite que ne soit pas oubliée la situation de nos quatre collègues devenus sénateurs en remplacement des sénateurs devenus membres du Gouvernement depuis 2007, qui ont dû, pour certains, renoncer à un mandat local afin de respecter les règles de non-cumul des mandats ou fonctions.

Le recours aux ordonnances pour délimiter les circonscriptions législatives, prévu à l’article 2 du projet de loi ordinaire, constitue un autre sujet de préoccupation.

Cette procédure nous semble justifiée, car elle permet d’assurer une mise en œuvre rapide de la réforme. Par ailleurs, eu égard au caractère particulièrement technique et minutieux des opérations de redécoupage, le recours aux ordonnances nous semble également justifié sur un plan pratique.

En outre, nous ne sommes pas en terrain inconnu, puisque le législateur avait adopté en 1986 une loi relative à l'élection des députés et autorisant le Gouvernement à délimiter par ordonnances les circonscriptions électorales, déclarée conforme à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel du 2 juillet 1986.

Enfin, cette procédure paraît acceptable, dès lors que les projets d’ordonnance seront soumis pour avis à la commission indépendante et au Conseil d’État et suivis du dépôt d’un projet de loi de ratification. Le recours aux ordonnances ne prive donc pas le Parlement d’un contrôle de l’opération tant en amont qu’en aval.