Mme Catherine Troendle. Il n’empêchera pas le législateur d’avoir le dernier mot pour fixer les orientations de cette nouvelle délimitation, en validant ou non les options choisies par le Gouvernement lors de la ratification des ordonnances.

Au total, le Gouvernement nous présente deux textes qui fixent des règles claires, transparentes et cohérentes. Pour l’ensemble de ces raisons et sous réserve de ces observations, le groupe UMP les adoptera. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat est appelé à délibérer aujourd'hui sur deux textes présentés par le Gouvernement. Ce sont les premiers qui sont soumis au Parlement depuis l’adoption de la révision constitutionnelle.

Quel paradoxe et, malheureusement, quel symbole, monsieur le rapporteur, de nous proposer un vote conforme pour adopter les deux premiers textes d’application d’une révision constitutionnelle censée développer les droits du Parlement !

Au demeurant, il nous faut constater en toute objectivité que, depuis l’ouverture de la session ordinaire, la pratique du Gouvernement est à l’opposé du discours qui accompagnait la révision constitutionnelle. L’essentiel, ce n’est pas de favoriser l’organisation d’un débat parlementaire fructueux qui améliore la loi, c’est d’aller vite et de faire fonctionner le plus souvent possible le Parlement comme une chambre d’enregistrement de l’agitation législative présidentielle.

Nous atteignons avec le débat de ce jour le stade de la caricature, puisque nous cumulons la déclaration d’urgence et le vote conforme, tout cela pour dessaisir le Parlement de son pouvoir en permettant le recours aux ordonnances !

Nous allons néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, faire notre travail de parlementaire, exposer dans la discussion générale notre point de vue sur les textes en discussion, défendre nos amendements, expliquer notre vote tant sur les différents amendements proposés que sur les deux textes. Le fait que la majorité de la commission des lois ait choisi un vote conforme ne peut avoir pour conséquence de nous réduire au silence, d’escamoter l’examen de ces projets de loi qui détermineront le niveau de démocratie effectif qui existera dans notre République.

Faute de pouvoir vous convaincre, mes chers collègues de la majorité ou, plus exactement, faute de vous amener à changer votre vote quand bien même vous partageriez nos remarques et nos analyses, nos propos auront pour destinataire essentiel le Conseil constitutionnel, qui, saisi automatiquement de la loi organique, le sera aussi par nos soins et par cohérence de la loi ordinaire, compte tenu des liens étroits existants entre les deux textes, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur.

J’aborderai successivement trois points : le parachute parlementaire des ministres en exercice, la commission prévue à l’article 25 de la Constitution, l’élection des députés.

La révision constitutionnelle instaure, contrairement à ce qui se pratiquait depuis l’origine de la Ve République, un droit de retour automatique des ministres antérieurement députés, sénateurs ou membres du Parlement européen dans l’assemblée où ils siégeaient à la date de leur nomination. Aux dires du rapporteur, la modalité en vigueur antérieurement, qui ne prévoyait pas un tel retour, n’était pas pratique. Il aura fallu cinquante ans pour s’en rendre compte !...

M. Robert del Picchia. Mieux vaut tard que jamais !

M. Bernard Frimat. Intellectuellement, il y a tout de même du ménage à faire !

Nous avons combattu cette proposition ; notre opinion sur son caractère néfaste n’a pas varié. Nous continuons à penser qu’il s’agit d’une mesure de confort qui vise un double but : d’une part, permettre au Président de la République de nommer et de congédier à sa guise des ministres, d’autre part, comme vous ne cessez de le répéter, d’éviter à tout prix les élections partielles.

L’application immédiate de cette disposition aux ministres actuellement en exercice, décidée elle aussi par l’article 46 de la loi de révision constitutionnelle, a commencé par rencontrer l’hostilité forte de la commission des lois du Sénat, vous l’avez justement rappelé, monsieur le rapporteur. Pour de nombreux sénateurs, par-delà leur appartenance politique, il ne semblait pas convenable que les ministres en fonction bénéficient de ce privilège ; il fallait réserver celui-ci aux parlementaires qui deviendraient ministres après l’adoption de la loi organique nécessaire.

Cette solution, qui respectait les suppléants devenus aujourd’hui parlementaires de plein exercice, n’a pas été retenue. En conséquence, certains de nos collègues parlementaires seront sans doute très prochainement démis d’office, victimes d’une injustice légale. Ils seront d’ailleurs très profondément lésés, et pas seulement par l’abandon de leur siège de parlementaire. Certains ont en effet été amenés, pour se mettre en conformité avec la loi relative à la limitation du cumul des mandats électoraux, à abandonner des mandats locaux, qu’ils ne retrouveront pas.

Quelle preuve de mépris à l’égard d’élus de la République que de considérer ces conséquences comme quantité négligeable par rapport à l’effet d’aubaine réservé aux ministres actuels ! Mais peu importe : pour le Président de la République, il faut impérativement que le projet de loi organique soit adopté afin qu’il puisse effectuer, en toute tranquillité, les divers remaniements annoncés tant au Gouvernement qu’à l’UMP.

Comme si cela ne suffisait pas, le Gouvernement a voulu ajouter à ce dispositif la possibilité pour les anciens ministres de renoncer à revenir au Parlement, ce qui entraînera, le cas échéant, le maintien du suppléant dans ses fonctions de parlementaire. Même si cette hypothèse, sans doute la moins vraisemblable, ne peut que satisfaire les collègues qui échapperaient ainsi au licenciement, à la guillotine, elle nous paraît incertaine – et c’est le moins ! – au regard du respect de la Constitution.

Antérieurement, les choses étaient simples : le député ou le sénateur devenu ministre perdait la qualité de parlementaire. Il devenait, vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, « ancien parlementaire ». Depuis la révision constitutionnelle, il ne perd plus cette qualité, celle-ci est simplement suspendue puisqu’il n’est plus remplacé que temporairement. Il est donc fondé d’affirmer que, dès la fin de sa fonction ministérielle, une fois écoulé le délai de convenance d’un mois, il retrouve son statut de parlementaire, qu’il ne peut quitter, comme c’est le cas de tout parlementaire, que par une démission, avec les conséquences que cela entraîne en termes d’élections partielles.

La solution qui est proposée par le Gouvernement et qui nous paraît contraire à la Constitution introduit donc une différence, non pas entre parlementaires en fonction et anciens parlementaires, mais entre parlementaires, car, si le ministre peut redevenir parlementaire, c’est bien qu’il en a conservé le statut.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Bernard Frimat. Une telle différence ne nous paraît pas acceptable.

Le parachute parlementaire est-il doré ou non ? C’est une question que je ne trancherai pas : je vous laisse le soin de l’apprécier en ces temps de crise sociale et de lutte contre le chômage.

J’en viens maintenant à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et qualifiée – grande prudence ! – d’« indépendante ». Comme cela, au moins dans la lettre, elle le sera.

La loi ordinaire doit en fixer la composition ainsi que les règles d’organisation et de fonctionnement. Son rôle est, quant à lui, défini par la Constitution. La lecture des débats que nous avons eus sur ce point à l’occasion de la révision constitutionnelle montre clairement que la garantie d’indépendance de la commission chargée d’émettre un avis public sur la délimitation des circonscriptions et la répartition des sièges était un aspect essentiel, constitutif d’une réelle démocratie.

Où en sommes-nous aujourd’hui de la réalité de l’indépendance de cette commission dite « indépendante » ?

Le projet de loi ordinaire propose de la composer, vous l’avez rappelé, ma chère collègue, de trois magistrats élus appartenant au Conseil d’État, à la Cour de Cassation et à la Cour des Comptes et de trois personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. En quoi cette composition garantit-elle l’indépendance de la commission, puisque son président est nommé par le Président de la République et dispose – au diable l’avarice ! – d’une voix prépondérante ?

Nous sommes d’accord, je pense, pour constater que le Président de la République est un acteur très engagé dans le combat politique. Ce n’est pas lui faire injure de considérer qu’il est resté le chef du principal parti de la majorité, il le revendique. Dans ces conditions, comment considérer que la nomination du président de la commission indépendante par le Président de la République, patron de l’UMP, soit une garantie d’indépendance ? Faudrait-il admettre que, dès qu’une personne qualifiée est nommée par le Président de la République, elle devient de jure, par définition, indépendante ?

Quelles que soient les qualités personnelles des intéressés, comment une commission dont, compte tenu de la voix prépondérante du président, la majorité est nommée par trois membres de la même famille politique, en l’occurrence l’UMP, peut-elle prétendre à l’indépendance ?

La présence des magistrats, qui n’appelle pas d’opposition de notre part, n’est pas suffisante pour assurer l’indépendance de ladite commission. Le Gouvernement serait donc bien avisé de revenir sur la composition de la commission indépendante de façon que son caractère partisan soit gommé. Je suis cependant convaincu qu’il n’en fera rien.

Nous formulons plusieurs propositions en ce sens.

Pour respecter pleinement la séparation des pouvoirs et le pluralisme, également inscrit dans la Constitution, nous proposons que la commission ne comporte plus de personnes qualifiées nommées par le Président de la République et que son président soit élu par ses membres, et non plus nommé par le Président de la République.

Nous proposons également que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat nomment chacun deux personnalités qualifiées, dont l’une le serait sur proposition conjointe des groupes d’opposition,…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Ce sera difficile !

M. Bernard Frimat. …qui peuvent, eux aussi, s’élever au-dessus des intérêts partisans. Une telle mesure assurerait effectivement un choix pluraliste, ce qui est, selon nous, la meilleure garantie de l’indépendance de cette commission si importante.

En revanche, à l’instar de la disposition figurant à l’article 13 de la Constitution, l’impossibilité de procéder à une nomination lorsque les votes négatifs dans chaque commission des lois représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés nous semble une garantie bien formelle. Il suffit de s’en tenir à une majorité simple dès que l’avis de la commission porte sur la proposition de double nomination par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Vous avez tous, mes chers collègues, reconnu ce fait. Alors présentez des amendements en ce sens !

S’il est important que la commission chargée de donner un avis soit réellement indépendante, il est plus encore fondamental que la répartition des sièges des députés et la délimitation des circonscriptions soient indiscutables. Si notre pays prétend au qualificatif de « démocratie irréprochable », pour reprendre les propos du Président de la République, il lui faut assurer, en tout premier lieu, l’élection d’une Assemblée nationale conforme à la volonté exprimée dans les urnes par les citoyens et donc privilégier une approche en termes essentiellement démographiques. En effet, pour respecter le principe constitutionnel de l’égalité du suffrage, il faut que, sauf exception dûment justifiée, la voix de chaque citoyen ait un poids comparable dans l’élection d’un député. C’est d’ailleurs parce que le découpage actuel ne respecte plus ce principe que le Conseil constitutionnel a exigé du Parlement la révision de la carte électorale.

Il n’y a donc de notre part aucune opposition, bien au contraire, monsieur le secrétaire d'État, à ce qu’une nouvelle délimitation des circonscriptions électorales soit effectuée afin d’arriver à une plus juste représentation de nos concitoyens.

Tout le monde s’accorde à reconnaître que le découpage électoral est un art complexe et qu’il échappe difficilement à la critique. Il donne lieu, lors des débats parlementaires – le récent débat qui s’est déroulé à l'Assemblée nationale le confirme –, à l’évocation de différentes activités professionnelles, toutes nobles : quelquefois le rémouleur, pour son talent à aiguiser les ciseaux, instrument symbolique du découpage ; plus souvent le charcutier, en raison du caractère habile mais brutal et sanglant de sa découpe ; et parfois le chirurgien, pour les opérations de découpage les plus sophistiquées.

En évoquant le découpage de 1986 effectué sous l’autorité de notre collègue Charles Pasqua, dans lequel vous avez joué, monsieur le secrétaire d'État, un rôle actif, il est de bon ton de le légitimer en disant qu’il n’a pas interdit l’alternance. C’est quand même le minimum ! Faudrait-il voir dans cette formulation le rêve inavoué, car inavouable, d’un découpage idéal, mettant une fois pour toutes la majorité actuelle à l’abri des choix du citoyen ? Je n’ose le penser !

Signalons que, si l’alternance a eu lieu, son amplitude est tout de même révélatrice de la spécificité du découpage. En effet, sur 577 circonscriptions, 247 – c’est-à-dire 43 % d’entre elles – n’ont jamais connu d’alternance.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont les citoyens qui votent !

M. Bernard Frimat. La ventilation de ces 43 % n’est pas neutre. Les circonscriptions qui ont toujours élu un député de gauche correspondent à 10 % du total des circonscriptions, alors que le nombre de celles qui ont toujours élu un député de droite s’élève au tiers de ce total. On mesure ainsi plus clairement les contraintes différentes qui pèsent sur la droite et la gauche dans la conquête de la majorité de l’Assemblée nationale. Quand la gauche, pour assurer sa victoire, doit l’emporter dans plus de 40 % des circonscriptions flottantes, il suffit à la droite d’en conquérir nettement moins de 20 %.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C’est parce que la France est de droite !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Vous avez eu dix ans pour changer !

M. Bernard Frimat. Certes, on peut m’opposer les réalités sociologiques et la géographie contrastée des différents quartiers de nos agglomérations.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Bernard Frimat. Je n’en nie pas l’existence. Il sera, en effet, toujours plus facile pour Olivier Besancenot d’être facteur à Neuilly-sur-Seine que d’en être le député ! Je vous le concède. Mais la valeur de cette argumentation fondée sur les réalités sociologiques, économiques et démographiques ne peut suffire à expliquer cette différence. Il n’est pas admissible que les élections législatives s’apparentent, dans une « démocratie irréprochable », à une course hippique à handicap dans laquelle les concurrents auraient des poids différents.

Monsieur le secrétaire d'État, vous demandez au Parlement d’autoriser le Gouvernement à procéder à ces opérations, dont je viens de vous démontrer le caractère pour le moins délicat, par voie d’ordonnances. Nous ne pouvons vous suivre sur ce point pour plusieurs raisons.

La première raison qui nous conduit à rejeter la voie des ordonnances tient à l’histoire récente.

Pour valider le découpage actuellement en vigueur, le président François Mitterrand avait refusé de signer les ordonnances préparées par le gouvernement de l’époque car il estimait qu’il ne fallait pas dessaisir le Parlement du pouvoir de délibérer publiquement et complètement sur la délimitation des circonscriptions. En conséquence, le gouvernement de Jacques Chirac, ne pouvant franchir cet obstacle, avait utilisé la voie parlementaire normale et déposé un projet de loi.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Il n’y avait pas eu de débat !

M. Bernard Frimat. La preuve a donc été faite qu’il était possible de procéder à une délimitation des circonscriptions sans recourir à la voie des ordonnances. Ce qui était possible hier doit l’être aujourd’hui.

La seconde raison qui nous amène à refuser la voie que vous proposez tient au champ couvert par la loi d’habilitation. Laisser en effet au Gouvernement le pouvoir de déterminer, par ordonnance, la répartition des députés entre départements, collectivités d’outre-mer et circonscriptions des Français résidant hors de France est une novation. Cette dernière nous paraît contraire à la tradition républicaine selon laquelle l’Assemblée nationale détermine elle-même les modalités de l’élection des députés.

On peut à la limite se demander si nous ne nous trouvons pas dans un cas d’incompétence négative. En effet, il me semble possible de soutenir que le législateur ne saurait, sans méconnaître sa compétence, habiliter le Gouvernement à déterminer le nombre de députés par département, collectivité d’outre-mer et pour les Français de l’étranger. En refusant au législateur de procéder lui-même à cette répartition, le projet de loi prive ce dernier de la compétence qu’il tire de l’article 34 de la Constitution.

Par ailleurs, si l’obligation de découpage est impérative et indiscutable, il n’y a aucun impératif d’urgence à voter, à la va-vite, une habilitation d’une telle ampleur. En effet, les prochaines élections n’auront lieu qu’au mois de mars 2012, sauf dissolution, peu probable, de l’Assemblée nationale.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. On ne peut écarter cette hypothèse !

M. Bernard Frimat. Les résultats définitifs du recensement ne sont pas encore connus : bagatelle ! Ils le seront très prochainement ; il était donc peu coûteux en temps d’attendre leur publication.

La commission indépendante n’est pas créée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pour cela qu’il faut la créer tout de suite !

M. Bernard Frimat. Or, il était dans l’esprit de la révision constitutionnelle de lui permettre de jouer un rôle dès le début du processus en recueillant son avis sur le contenu de la loi d’habilitation. Cela ne pourra être le cas.

La démarche qui nous semblait s’imposer pour respecter les exigences de neutralité, de transparence et d’équité consistait d’abord à créer une commission véritablement indépendante, ensuite à soumettre au Parlement un projet de loi fixant le nombre de circonscriptions par département, par collectivité d’outre-mer et pour les Français établis hors de France, ainsi que les critères utilisés pour ce découpage. Vous avez préféré, en demandant l’habilitation la plus large jamais pratiquée, vous donner les mains libres pour concocter, dans la plus grande tranquillité et dans la plus faible transparence, un découpage qui sera forcément suspecté de grande partialité.

Enfin, il n’est pas convenable que le Gouvernement s’arroge le droit d’utiliser une méthode de répartition des sièges dans laquelle, commençant par déterminer à sa guise le nombre de députés représentant les Français établis hors de France, puis celui des députés représentant les collectivités d’outre-mer, il fasse du nombre de députés des départements métropolitains et d’outre-mer le solde de ces calculs antérieurs. Cela aboutira à la sous-représentation des départements les plus peuplés. Qu’en est-il alors du respect de l’égalité du suffrage ?

Nous nous opposerons donc, monsieur le secrétaire d'État, aux deux projets de loi que vous nous soumettez, qui ne sont pas conformes à l’idée que nous nous faisons d’une république exemplaire au regard de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.

M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, il ne me semble pas qu’une intervention solennelle à la tribune soit nécessaire pour formuler les quelques réflexions qui traduiront le soutien de mon groupe aux textes qui nous sont proposés.

M. Jean-Pierre Sueur. Grande modestie !

M. Pierre Fauchon. Mon cher collègue, il convient d’être modeste, sans toutefois en abuser ! À cet égard, aucun soupçon ne pèse sur vous ! (Sourires.)

Ne reprenons pas le débat que nous avons déjà eu l’année dernière, ce à quoi vous avez tendance, monsieur Frimat…

M. Bernard Frimat. C’est absolument faux !

M. Pierre Fauchon. Vous le faites avec la mesure qui caractérise vos propos et que nous apprécions toujours !

Quoi qu’il en soit, les membres du groupe de l’Union centriste approuvent les conclusions de la commission des lois et les suivront.

Monsieur Fortassin, s’agissant des règles constitutionnelles qui régissent l’organisation de l’Assemblée nationale, je n’affirmerai pas que nous ne devons pas nous en préoccuper – rien ne doit nous échapper –, mais nous ne devons pas nous en mêler d’une manière normative, respectant ainsi un bon usage. Ces questions intéressent tous les citoyens et, a fortiori, tous les parlementaires. Mais il est sage que nous ne prétendions pas intervenir de manière normative pour ce qui concerne l’organisation de l’autre assemblée, sous réserve, bien entendu, de réciprocité. (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Pierre Fauchon. Relevons quelques avancées, car il y en a tout de même, cher Bernard Frimat !

S’agissant de la commission indépendante, qui a déjà existé et qui est maintenant institutionnalisée, elle présente de véritables garanties. Certes, mon cher collègue, vous êtes sceptique, mais cette attitude est due à votre position.

La question des nominations, qui va relever d’un processus de type un peu américain est intéressante. L’année dernière, nous avons adopté sur ce point une mesure correspondant à une grande avancée de la démocratie. Mes chers collègues, je vous donne rendez-vous dans quelques années. Nous verrons alors de quelle manière se passent les nominations. À cet égard, les commissions des lois de chaque assemblée doivent donner leur avis sur la nomination de la personnalité qualifiée qu’il s’agit de désigner. Lesdites commissions font librement part de leurs interrogations, de leurs commentaires et se prononcent également en toute liberté.

M. Pierre Fauchon. Cet exercice n’est pas si facile. N’importe qui ne peut pas s’y soumettre. Cette façon de procéder permet d’éliminer tous les phénomènes de népotisme, de clientélisme. On est à peu près sûr que tous les candidats tiendront la route, si je puis dire.

Je salue cette avancée qui apparaîtra de plus en plus importante, comme je salue le fait que le recours aux ordonnances, que vous avez critiqué, est assez adapté à une question aussi complexe, qui comporte des aspects relevant plutôt du pittoresque. Dès lors que nous avons décidé que les ordonnances devraient être validées expressément, nous les avons réintégrées, en quelque sorte, dans un processus démocratique normal.

Toutes ces avancées méritent d’être saluées.

Un sujet m’embarrasse davantage. Il s’agit de la question de la récupération de leur siège de parlementaire par les membres du Gouvernement qui quittent leurs fonctions ministérielles.

M. Pierre Fauchon. Cette mesure éviterait des élections partielles. Cette préoccupation, certes assez légitime, n’est pas suffisante. Cette disposition correspond à une évolution de notre système.

Nous sommes là confrontés sinon à la banalisation de la fonction ministérielle, du moins à sa désacralisation en profondeur.

J’y ai souscrit parce que, comme mon groupe, j’ai d’une manière générale une préférence pour l’évolution vers un régime présidentiel : elle ne me choque pas, car nous sommes très loin aujourd’hui de la IIIe République et de la sacralisation qui la caractérisait, du jeu savant qui précédait la composition du Gouvernement par le choix des différentes personnalités appelées chacune à peser dans son sens et à tenir le rôle qu’elle entendait tenir, avec les arrière-plans que cela impliquait. Nous sommes désormais en présence d’une conception nouvelle du Gouvernement qui correspond à une évolution vers le régime présidentiel.

Au demeurant, cette évolution est en partie obérée par l’aspect inabouti de la réforme constitutionnelle de l’année dernière, je l’avais alors souligné. M. Balladur avait souhaité, à titre personnel, aller jusqu’au bout de la logique, et je partageais son point de vue. La mesure qui nous est ici proposée facilitera la transformation dans ce sens et, pour ma part, je n’y vois pas d’inconvénient : j’y vois même une bonne évolution.

Ce qui est fâcheux, néanmoins, c’est la part de rétroactivité, même si celle-ci n’est que partielle, qu’elle comporte : moi qui suis libre de mon propos, monsieur le rapporteur, je prononce le mot !

Certaines personnes se sont engagées comme suppléants et ont pris leurs dispositions pour pouvoir assumer leur mandat jusqu’à son terme dès lors que leur titulaire devenait ministre. Ils auront peut-être renoncé à des mandats, éventuellement à l’exercice de leur profession, ils pourront par exemple avoir transféré leur activité à des associés… Toutes les hypothèses peuvent être imaginées ! Ils seront victimes de cette mesure, et c’est franchement regrettable.

La disposition est votée, il n’est pas question de rouvrir le débat ; pour autant, ce vote est regrettable parce qu’il introduit le problème de la rétroactivité. Il ne me reste plus qu’à espérer vivement que les ministres qui seront concernés prendront les mesures qui s’imposent. Vous avez fait allusion, monsieur le rapporteur, à celles que pourront prendre les assemblées. Mais elles ne pourront pas résoudre toutes les difficultés qui surgiront !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Patrice Gélard, rapporteur. Si !

M. Pierre Fauchon. C’est donc aux ministres qu’il reviendra d’essayer, en conscience, de corriger autant que faire se peut les conséquences fâcheuses que pourra entraîner cette rétroactivité, qui est, en effet, tout à fait contraire à des principes infiniment respectables.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Un ministre qui est viré, il ne pourra plus rien faire !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’a plus de pouvoir !

M. Pierre Fauchon. Il est vrai cependant qu’elle ne constitue qu’un aspect très partiel et très ponctuel de l’ensemble et, puisqu’elle a été votée, nous ne reviendrons pas dessus : la démarche est essentiellement technique, il faut bien le reconnaître, et, en tant que telle, nous paraît raisonnable ; notre excellent rapporteur l’a d’ailleurs très bien expliquée.

C’est donc avec confiance que mon groupe apportera son soutien aux conclusions de la commission. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)