Articles additionnels après l'article 19
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2008
Article 21

Article 20

I. - L'article L. 64 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :

1° Les quatre premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. » ;

2° Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

a) La première phrase est supprimée ;

b) Dans la deuxième phrase, les mots : « consultatif pour la répression des abus de droit » sont remplacés par les mots : « de l'abus de droit fiscal » ;

c) À la dernière phrase, les mots : « dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel » sont supprimés ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public. »

II. - L'article L. 64 A du même livre est abrogé.

III. - À l'article L. 64 B du même livre, les mots : « contrat ou d'une convention » sont remplacés par les mots : « ou plusieurs actes ».

IV. - L'article 1653 C du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « consultatif » est supprimé ;

2° Le c est ainsi rédigé :

« c) Un avocat ayant une compétence en droit fiscal ; »

3° Après le d, sont insérés des ef et ainsi rédigés :

« e) Un notaire ;

« f) Un expert-comptable ;

« g)  Un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques. » ;

4° Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les membres du comité sont nommés par le ministre chargé du budget sur proposition du Conseil national des barreaux pour la personne mentionnée au c, du Conseil supérieur du notariat pour la personne mentionnée au e et du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables pour la personne mentionnée au f

« Des suppléants sont nommés dans les mêmes conditions.

« Le ministre chargé du budget désigne en outre un ou plusieurs agents de catégorie A de la direction générale des finances publiques pour remplir les fonctions de rapporteur auprès du comité. »

V. - L'article 1729 du même code est ainsi modifié :

1° Le b est ainsi rédigé :

« b) 80 % en cas d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu'il n'est pas établi que le contribuable a eu l'initiative principale du ou des actes constitutifs de l'abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ; »

2° Il est ajouté un c ainsi rédigé :

« c) 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis. »

VI. - Au II de l'article 1740 B du même code, la référence : « au b » est remplacée par les références : « aux b et c  ».

VII. - Le 1 du V de l'article 1754 du même code est ainsi rédigé :

« 1. En cas d'abus de droit ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat, toutes les parties à l'acte ou à la convention sont tenues solidairement, avec le redevable de la cotisation d'impôt ou de la restitution d'une créance indue, au paiement de l'intérêt de retard et de la majoration prévue à l'article 1729. »

VIII. - Les I, II, III, V, VI et VII s'appliquent aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2009. Le IV s'applique à compter du 1er avril 2009.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 20 est le premier d’une série de dispositions tendant à assurer la sécurité juridique au sein des relations entre l’administration fiscale et les contribuables.

La traduction de cette notion de sécurité juridique est pour le moins surprenante : il s’agit en fait de mettre à la disposition des contribuables les plus informés de nouvelles voies de recours et, au passage, de disposer de nouveaux dispositifs d’incitation fiscale.

Le comité de l’abus de droit fiscal ou la « sécurisation » de l’usage du rescrit fiscal, prévu à l’article 22, ne visent manifestement pas les contribuables les plus ordinaires. L’ensemble de ces outils fiscaux nouveaux, de ces nouvelles procédures ne vise qu’à donner aux initiés, aux contribuables ouvertement conseillés par des spécialistes du droit, de nouveaux moyens de payer l’impôt à l’euro près, mais surtout d’en payer le moins possible.

Ce sont clairement les grandes entreprises, les contribuables disposant de revenus du capital et du patrimoine, ceux qui sont assujettis à l’impôt de solidarité sur la fortune, ceux qui utilisent toutes les ficelles de l’optimisation fiscale, qui sont directement intéressés par les procédures que l’on va ainsi créer.

Tout se passe, à bien y regarder, comme si l’on mettait le droit fiscal au service de relations privilégiées entre l’administration et ces contribuables, l’objectif étant de transiger sur la stricte application du droit, comme le montre, par exemple, l’application du rescrit. Il s’agit de transiger, bien sûr, et d’opérer par la voie de la compensation et de la transaction, comme nous le voyons sur d’autres articles.

De notre point de vue, une telle démarche est tout sauf une avancée démocratique et un progrès dans la relation entre l’administration fiscale et les contribuables. Elle s’inscrit même clairement dans la perspective d’une rupture du pacte républicain, où l’application du droit serait conditionnée par la capacité de chacun d’en tirer parti pour ses intérêts personnels.

Le montant de la participation de chacun à la charge publique serait conditionné non par la réalité de sa capacité contributive, mais par sa capacité à user des outils du droit.

Nous ne voterons donc aucune des dispositions législatives figurant aux articles 20 à 26 de ce collectif budgétaire.

M. le président. L'amendement n° 12, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 1° du I de cet article, supprimer les mots :

ou de décisions

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement essentiellement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa du 1° du I de cet article, supprimer le mot :

réelles

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. L’article 20 a pour objet de réformer la procédure de l’abus de droit telle qu’elle est définie par l’article L.64 du livre des procédures fiscales.

Il précise cette notion, élargit la composition du comité consultatif pour la répression de l’abus de droit, renommé « comité de l’abus de droit fiscal », et aménage le régime des pénalités qui assortit les rectifications d’impositions.

La présence de l'adjectif qualificatif « réelles » introduit une ambiguïté dans le champ d'application du dispositif.

En effet, ce terme semble renvoyer à une notion de « fictivité » qui n'apparaît pas dans la seconde branche de la définition de l'abus de droit, fondée sur le but exclusivement fiscal, à laquelle ce qualificatif se rapporte.

L’amendement n° 70 vise donc à clarifier la rédaction de cet alinéa afin de lever toute ambiguïté. Sans aller jusqu’à dire qu’il est rédactionnel, je considère cependant il s’apparente à cela.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L’amendement n° 70 porte sur l’aménagement de la définition de l’abus de droit. Il vise à modifier la seconde branche de la définition de l’abus de droit relative à la motivation exclusivement fiscale en supprimant la référence au caractère réel des activités ou de la situation du contribuable.

Pour moi, la définition proposée par l’article 20 suit en droite ligne les propositions de la commission Fouquet. Il ne me semble pas que l’on doive exagérer la portée de l’ambiguïté évoquée, même si le terme « réelles » renvoie effectivement à une notion de « fictivité ».

Pour apprécier l’existence d’une motivation exclusivement fiscale et, donc, les charges fiscales normalement dues, il paraît logique d’examiner l’activité réelle du contribuable plutôt qu’un objet social parfois imprécis. La notion d’abus de droit conduit à rechercher la réalité économique de l’opération.

Au surplus, il faut souligner que la définition de l’abus de droit retient la motivation « exclusivement fiscale », et non la motivation « essentiellement fiscale » que la jurisprudence non stabilisée de la Cour de justice des communautés européennes en matière de TVA a pu considérer dans certains arrêts, la motivation « exclusivement fiscale » étant, me semble-t-il, un facteur de plus grande sécurité juridique pour le contribuable. Il suffit en effet de prouver l’existence d’une motivation autre que fiscale pour que l’acte en cause soit considéré comme réel et non fictif et pour que la qualification d’abus de droit soit donc écartée.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission, sous réserve de l’avis du Gouvernement, incline en faveur du retrait de l’amendement n° 70.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. S’agissant de l’amendement n° 12, monsieur le rapporteur général, je préférerais le maintien de la rédaction initiale du Gouvernement. On évoque les décisions du ministre en matière fiscale. Très souvent, les cas sont compliqués, et une décision vaut, d’une certaine façon, jurisprudence. En matière fiscale, il est très important de pouvoir faire référence aux décisions pour éviter un détournement du droit.

Quant à l’amendement n° 70, je reprends à mon compte les arguments de M. le rapporteur général : on recherche bien la réalité d’une situation. C’est ainsi que l’on juge de l’abus de droit, et c’est même l’essence même de ce dernier. Cette rédaction, issue de la jurisprudence du Conseil d’État, a le mérite de bien caler les choses sur le plan juridique.

Le Conseil d’État n’a pas toujours tort. Cela ne veut pas dire que l’on doive systématiquement suivre ce qui résulte de ses travaux. Mais il se trouve que des juristes ont longuement réfléchi sur la question de l’abus de droit. Nous avons voulu coller à la rédaction, qui a été mûrement et longuement travaillée par la commission présidée par Olivier Fouquet, et qui me semble bonne.

Comme M. le rapporteur général, je serais enclin, monsieur Jégou, à vous proposer de retirer cet amendement qui n’est pas aussi rédactionnel que vous voulez bien le dire ! (M. Jean-Jacques Jégou sourit.)

M. le président. Monsieur Jégou, l’amendement n° 70 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. J’ai toujours tendance à préférer les chiffres au droit. J’ai apprécié les explications des experts en la matière que sont M. le ministre et M. le rapporteur général, car je butais sur la « réalité ». J’ai quand même noté que M. le rapporteur général parlait de « fictivité ».

Au bénéfice de ces explications, je retire l’amendement n° 70.

M. le président. L’amendement n° 70 est retiré.

Monsieur le rapporteur général, l’amendement n° 12 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 12 est retiré.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le IV de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV bis. - Après l'article 1653 C du même code, il est inséré un article 1653 D ainsi rédigé :

« Art. 1653 D. - I. Tout membre du comité de l'abus de droit fiscal doit informer le président :

« 1º Des intérêts qu'il a détenus au cours des deux ans précédant sa nomination, qu'il détient ou vient à détenir ;

« 2º Des fonctions dans une activité économique ou financière qu'il a exercées au cours des deux années précédant sa nomination, qu'il exerce ou vient à exercer ;

« 3º De tout mandat au sein d'une personne morale qu'il a détenu au cours des deux années précédant sa nomination, qu'il détient ou vient à détenir.

« Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres du comité.

« Aucun membre du comité ne peut délibérer dans une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a ou a eu un intérêt au cours de la même période. Il ne peut davantage participer à une délibération concernant une affaire dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il a, au cours des deux années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat, a représenté une des parties intéressées au cours de la même période.

« Le président du comité prend les mesures appropriées pour assurer le respect de ces obligations et interdictions.

« II. - Les membres et les personnels du comité de l'abus de droit fiscal sont tenus au respect des règles de secret professionnel définies à l'article L. 103 du livre des procédures fiscales.

« Ce secret n'est pas opposable à l'autorité judiciaire agissant dans le cadre d'une procédure pénale.

« III. - Nul ne peut être membre de ce comité s'il a été condamné au cours des cinq années passées, selon les modalités prévues à l'article 131-27 du code pénal, à une peine d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement vise à compléter le dispositif de l’article 20 pour y introduire une procédure de prévention des conflits d’intérêts. Dès lors que le comité de l’abus de droit fiscal intègre des professionnels, il me paraît nécessaire de prévoir un dispositif de ce genre. Nous nous sommes inspirés du dispositif applicable à la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement important. Il fallait préciser les choses.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après le IV de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV ter. - Après l'article 1653 C du même code, il est inséré un article 1653 E ainsi rédigé :

« Art. 1653 E. - Lorsque le comité de l'abus de droit fiscal est saisi, le contribuable et l'administration sont invités par le président à présenter leurs observations. »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous souhaitons, dans le cadre de la procédure devant le comité, faire explicitement référence au principe du contradictoire. Ainsi, en cas de saisine par l’administration ou par un particulier, ce dernier serait auditionné, de même qu’un représentant de l’administration.

La précision est utile pour que le comité de l’abus de droit fiscal entende les parties. Je propose ainsi, au nom de la commission des finances, d’aller au-delà du fonctionnement traditionnel des juridictions administratives et de dépasser la pure procédure écrite en autorisant les parties prenantes à s’exprimer de manière contradictoire devant le comité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il est important – c’est même le minimum ! – que le contribuable puisse répondre. On peut d’ailleurs s’étonner que tel n’ait pas été le cas jusqu’à présent. J’ajoute qu’une telle disposition participe d’une vision équilibrée des choses, d’autres amendements se situant davantage sous l’angle de la sanction.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je voterai cet amendement. Qu’il soit cependant bien entendu que l’administration s’explique comme elle veut, mais que le contribuable peut présenter ses observations lui-même ou par l’intermédiaire d’un avocat. On ne peut en effet pas exiger que le contribuable lui-même soit tenu de produire un mémoire ou de venir s’expliquer personnellement sans pouvoir être assisté d’un conseil !

Je ne demande pas que cela figure dans le texte, mais cela doit aller de soi.

M. le président. Compte tenu de la composition  de ce comité – « un avocat ayant une compétence en droit fiscal, un notaire, un expert-comptable, un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques » – le contribuable aurait en effet beaucoup de difficultés à se faire entendre, s’il n’est pas assisté !

Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Jégou et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le V de cet article :

V. - L'article 1729 du même code est ainsi modifié :

Dans le b. les mots : » ou d'abus de droit au sens de l'article L 64 du livre des procédures fiscales » sont supprimés.

II. - Après le V de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

V bis. - Après l'article 1729 A du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 1729-0 A. - En cas d'application de la procédure d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, une pénalité ne pouvant excéder 40 % de l'impôt ou droits éludés, peut être appliquée sur avis conforme du Comité de l'abus de droit fiscal. »

III. - Au VIII de cet article, après la référence :

V,

insérer la référence :

V bis,

IV. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour l'État de la modification de la procédure de l'abus de droit sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou La pratique actuelle de l'administration est la suivante : lorsque le contribuable accepte la rectification dans le cadre de la procédure de l'abus de droit, la pénalité qui est notifiée est fortement réduite et se situe à un niveau nettement inférieur au taux de 40 %.

Dès lors, cet amendement vise à fixer le taux de pénalité à 40 %, taux plus réaliste et adapté à la pratique actuelle de l'administration.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n’est pas convaincue, car l’abus de droit doit rester vraiment dissuasif. Diviser par deux le taux de pénalité va changer cette situation.

M. Jean-Jacques Jégou. Dans certains cas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je crains que cette proposition ne modifie la nature même de la notion.

Je vous invite à bien y réfléchir : nous avons besoin d’une notion d’abus de droit qui fonctionne bien. Sans ce moyen de requalifier des situations, on va nous demander sans cesse de légiférer pour entrer dans l’extrême détail des comportements, des plus pervers aux plus absurdes que l’on puisse imaginer dans la sphère fiscale !

Or l’abus de droit est là pour cela. Et il n’est efficace que s’il est puissamment dissuasif. En outre, vous posez tout à fait opportunément la question de savoir si l’avis du comité est simple ou conforme. Il serait utile que le ministre puisse nous préciser la bonne doctrine en la matière.

La commission n’est pas d’avis de transformer la nature du comité en lui confiant la vraie responsabilité de la décision. Or un avis conforme reviendrait à reporter sur le comité la pleine responsabilité de la décision.

Nous sommes dans une situation différente, plus équilibrée, et qui consiste, en fonction de l’avis du comité, à déplacer la charge de la preuve : si l’avis du comité n’est pas favorable à l’administration, il appartient, sauf erreur de ma part, à celle-ci d’apporter la preuve du bien-fondé de sa position.

Le comité, dont la composition sera élargie et au sein duquel le principe du contradictoire sera mieux respecté, aura une importance considérable puisque le sens de son avis déterminera toute la suite de la procédure. Si l’administration n’est pas suivie par le comité, il lui sera plus difficile d’avoir gain de cause, car elle devra faire la preuve, dans la suite de la procédure et, le cas échéant, au contentieux, du bien-fondé de la position qu’elle a prise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Pour compléter ce qu’a fort bien dit M. le rapporteur général, j’aimerais souligner que le texte est plutôt bénéfique aux contribuables.

Monsieur le sénateur, il est très important de conserver un taux de pénalité de 80 %. Celui-ci s’applique au fraudeur « actif », c’est-à-dire à celui qui a fomenté, organisé, provoqué la fraude. En revanche, le fraudeur « passif », si je puis dire, se verra appliquer un taux de pénalité de 40 %. Il faut donc bien faire la différence en conservant ces deux taux.

Le législateur que vous êtes ne sera d’ailleurs probablement pas choqué qu’un taux élevé de 80 % soit prévu pour ceux qui ont fraudé la loi. La lutte contre l’abus de droit ou la fraude à la loi doit en effet trouver un écho particulier dans cet hémicycle.

Par ailleurs, le comité consultatif pour la répression des abus de droit, qui sera remplacé par le comité de l’abus de droit fiscal, gère plutôt bien les choses, comme l’a rappelé Philippe Marini.

Bref, entre le respect des droits de la défense et les taux de sanction administrative dissuasifs et différenciés selon que la fraude a été active ou passive, le dispositif me semble équilibré.

M. le président. Monsieur Jégou, l’amendement n° 69 est-il maintenu.

M. Jean-Jacques Jégou. Après avoir entendu ces deux argumentations de qualité, je ne peux que le retirer, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 69 est retiré.

Je mets aux voix l'article 20, modifié.

(L'article 20 est adopté.)