Sommaire

Présidence de M. Roland du Luart

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Paul Virapoullé.

1. Procès-verbal

2. Communication audiovisuelle. – Nomination des présidents de sociétés de l’audiovisuel public. –Suite de la discussion d’un projet de loi et d’un projet de loi organique déclarés d’urgence

Projet de loi organique

Exception d’irrecevabilité

Motion no 1 rectifiée de M. David Assouline. – MM. Jean-Pierre Sueur, Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 3 de M. Jack Ralite. – M. Jack Ralite, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; la ministre. – Rejet par scrutin public.

Mme la ministre.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 4 de M. M. Jack Ralite. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre. – Rejet par scrutin public.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Questions d'actualité au Gouvernement

situation à gaza

MM. Michel Mercier, François Fillon, Premier ministre.

fontionnement des institutions

MM. Jean-Pierre Bel, François Fillon, Premier ministre.

emploi et actionnariat

Mme Éliane Assassi, M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

réforme des juges d’instruction

Mmes Catherine Dumas, Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

suppression des juges d’instruction

MM. Jean-Michel Baylet, Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.

situation au proche-orient

Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

plan franco-égyptien pour la paix

M. Christian Cambon, Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.

Solidité du plan de relance

MM. Martial Bourquin, Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Risque de crise énergiétique pour la France

MM. André Dulait, Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.

Plan de lutte contre l'escroquerie

Mmes Jacqueline Panis, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

4. Décès d'un ancien sénateur

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

5. Communication audiovisuelle. – Nomination des présidents de sociétés de l’audiovisuel public. –Suite de la discussion d’un projet de loi et d’un projet de loi organique déclarés d’urgence

Projet de loi

Exception d’irrecevabilité

Motion no 1 rectifiée de M. David Assouline. – Mme Bernadette Bourzai, M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; M. David Assouline. – Rejet par scrutin public.

Question préalable

Motion no 78 de M. Jack Ralite. – M. Ivan Renar, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; la ministre, Catherine Tasca. – Rejet par scrutin public.

Demande de renvoi à la commission

Motion no 2 rectifiée bis de M. David Assouline. – MM. Yannick Bodin, Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre. – Rejet par scrutin public.

Projet de loi organique (suite)

Article unique

M. Jean-François Voguet, Mme Marie-Christine Blandin.

Amendements identiques nos 5 de M. David Assouline et 6 de M. Jack Ralite ; amendement no 2 de la commission. – M. David Assouline, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication ; MM. Jean-Pierre Bel, Gérard Longuet, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Hervé Maurey, Serge Lagauche. – Rejet, par scrutin public, des amendements nos 5 et 6 ; adoption de l’amendement no 2.

Vote sur l’article unique réservé jusqu’à l’adoption du projet de loi ordinaire.

Projet de loi (suite)

Articles additionnels avant l'article 1er A

Amendement n° 185 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo. – M. Hervé Maurey, Mmes Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. – Retrait.

Amendement n° 199 de M. Jack Ralite. – MM. Jack Ralite, Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme la ministre, M. Serge Lagauche. – Rejet par scrutin public.

Rappel au règlement

M. David Assouline.

Article 1er A 

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendements nos 241 de M. Hervé Maurey et 293 rectifié de Mme Bariza Khiari. – M. Hervé Maurey, Mme Bariza Khiari, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Retrait de l’amendement no 241 ; adoption de l’amendement no 293 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er

Amendements nos  109 de M. Jack Ralite et 294 de M. David Assouline. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. David Assouline, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Catherine Tasca. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos  110 de M. Jack Ralite et 295 de M. David Assouline. – MM. Jean-François Voguet, David Assouline, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Marie-Christine Blandin, M. Jack Ralite. – Rejet des deux amendements.

Suspension et reprise de la séance

6. Décision du Conseil constitutionnel

7. Communication audiovisuelle – Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence

Article 1er B

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendement n° 3 de la commission. – M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles ; Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 1er

Amendement n° 111 de M. Jack Ralite. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.

Article 1er

M. Jean-François Voguet, Mme Bariza Khiari.

MM. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles ; le président.

Amendement no 112 de M. Jack Ralite. – MM. Jack Ralite, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre, MM. Jean-Etienne Antoinette, David Assouline. – Rejet.

Amendements nos  113, 115 de M. Jack Ralite, 296, 310 de M. David Assouline, 4 de la commission et 288 de Mme Marie-Christine Blandin. – MM. Jack Ralite, Jean-Jacques Mirassou, Jean-François Voguet, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme Marie-Christine Blandin, M. David Assouline, Mme la ministre, MM. Jean-Pierre Sueur, Hugues Portelli. – Rejet des amendements nos 113, 296 et 115 ; adoption de l’amendement no 4, les amendements nos 288 et 310 devenant sans objet.

Amendement no 306 rectifié bis de M. David Assouline. – MM. David Assouline, Michel Thiollière, rapporteur ; Mmes la ministre, Catherine Tasca, MM. le président de la commission, Hugues Portelli. – Adoption.

Amendement no 114 de M. Jack Ralite. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.

Amendement no 297 de M. David Assouline. – MM. David Assouline, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre, M. Hugues Portelli. – Rejet.

Amendement no 298 de M. David Assouline. – Mme Bariza Khiari, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre, M. Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.

Amendement no 301 de M. David Assouline. – Mme Catherine Tasca, M. Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.

Amendement no 302 de M. David Assouline. – MM. Jean-Etienne Antoinette, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.

Amendement no 303 de M. David Assouline. – MM. Serge Lagauche, Michel Thiollière, rapporteur ; Mme la ministre. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaires :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga,

M. Jean-Paul Virapoullé.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication audiovisuelle

Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public

Suite de la discussion d’un projet de loi et d'un projet de loi organique déclarés d’urgence

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence (nos 144, 145, 150, 152 et 151).

Comme nous en sommes convenus hier, nous examinerons en premier lieu les trois motions portant sur le projet de loi organique et, en second lieu, les trois motions portant sur le projet de loi ordinaire.

projet de loi organique

Exception d’irrecevabilité

 
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Assouline et Bel, Mmes Blandin et Bourzai, M. Lagauche, Mmes Lepage, Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°1 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention a pour objet de démontrer, ce qui ne sera pas très ardu, que le texte du projet de loi organique est contraire à la Constitution de la République française.

Madame la ministre, je présenterai successivement trois arguments.

Le premier argument, c’est tout simplement la Constitution, telle qu’elle a été modifiée il y a peu de temps.

Au préalable, je rappellerai l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui nous inspire constamment : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme […] ».

Conformément à ce texte fondateur, notre Constitution prévoit, dans son article 34, récemment modifié, que la loi fixe les règles concernant « les droits civiques et les garanties fondamentales accordés au citoyen pour l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias […] ».

Or, madame la ministre, il ne vous a pas échappé - d’ailleurs, nous avons bien compris que vous aviez quelques difficultés à répondre sur ce point – que le texte du projet de loi organique était tout à fait contraire à l’article 34 de la Constitution puisqu’il porte atteinte au principe de l’indépendance des médias.

Dans tous les pays du monde, on comprend facilement qu’il y a contradiction absolue entre, d’une part, l’indépendance des médias et, d’autre part, la nomination des présidents des chaînes audiovisuelles publiques par décret du Président de la République. Cette contradiction est tellement évidente qu’on ne peut l’ignorer.

On mesure l’imprudence d’avoir présenté cette mesure ainsi que cela a été fait. D’ailleurs, lorsque M. Nicolas Sarkozy, président de la République, l’a annoncée, tout le monde a été surpris, abasourdi. Vous-même, madame la ministre, l’avez été, comme bon nombre de personnes présentes ici, les membres de l’UMP comme d’ailleurs ceux du groupe socialiste.

Personne n’imaginait que l’on pût revenir à cette règle du passé selon laquelle la télévision publique était sous la dépendance directe du pouvoir exécutif.

M. Alain Gournac. Cela a toujours existé !

M. Jean-Pierre Sueur. Voilà le premier argument, dont je dirai presque qu’il se suffit à lui-même, monsieur le président. Mais, comme j’ai à cœur d’occuper le temps qui m’a été imparti (Exclamations sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Non, ce n’est pas la peine !

M. Jean-Pierre Sueur. …- je vous remercie, mes chers collègues ! - j’en viens derechef au second argument, qui ressort de la décision du Conseil constitutionnel en date du 11 octobre 1984 sur la loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse.

Une remarque préalable s’impose à ce sujet. Vous pensez bien, mes chers collègues, qu’en octobre 1984 ce ne sont pas les membres de l’actuelle opposition qui ont saisi le Conseil constitutionnel sur un tel projet de loi.

M. Michel Mercier. Moi non plus !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous épargnerai l’énumération des brillants personnages - dont certains siègent d'ailleurs dans notre assemblée - qui ont signé ce recours.

Le Conseil constitutionnel, dans son considérant 37, qui est essentiel et qui depuis fait autorité, a déclaré : « S’agissant d’une liberté fondamentale, d’autant plus précieuse que son exercice est l’une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale, la loi ne peut en réglementer l’exercice qu’en vue de le rendre plus effectif ou de le concilier avec celui d’autres règles ou de principes de valeur constitutionnelle ».

Madame la ministre, ce projet de loi rend-il les garanties plus effectives qu’elles ne le sont en l’état actuel ? Vous connaissez, bien entendu, la réponse. On nous a répété à satiété toutes les considérations qui aboutissent, par un grand effort de dialectique, à prouver le contraire. Comme mes collègues, notamment Mmes Tasca et Blandin, ainsi que MM. Assouline et Lagauche, l’ont abondamment souligné hier, les conditions de nomination des membres du CSA sont telles que la consultation de cet organe et l’exigence de son avis conforme ne changeront rien, nous le savons tous très bien, au résultat du processus

En ce qui concerne l’idée, que nous avons combattue lors du débat sur la réforme constitutionnelle, selon laquelle il suffirait que 80 % des membres des commissions parlementaires concernées s’opposent à la nomination pour qu’elle ne puisse pas prendre effet, vous savez bien qu’il s’agit d’une garantie parfaitement illusoire !

Depuis le début de la Ve République, il ne s’est pas trouvé une seule occurrence de composition des commissions concernées des deux assemblées qui aurait conduit à désavouer dans ces proportions le pouvoir exécutif. Cette idée est totalement utopique, inenvisageable et n’apporte aucune garantie.

Nous avions proposé que la nomination à une fonction aussi importante que celle de président de France Télévisions fasse l’objet d’une décision positive prise par les trois cinquièmes des membres des deux commissions concernées. Dans ce cas, il aurait fallu que les groupes de la majorité, les groupes d’opposition et minoritaires trouvent un accord sur une personnalité incontestable. Comme nous avons pu le constater récemment, une telle possibilité est envisageable puisque la commission des lois du Sénat a donné un avis unanime sur la nomination de M. Jean-Marie Delarue comme contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous avons estimé que cette personnalité offrait toutes les garanties nécessaires. Une telle solution est donc possible, mais, reconnaissez-le, vous n’en voulez pas.

Nous ne tournons pas autour du pot. « Le Président de la République devient désormais l’initiateur et le titulaire du pouvoir de nomination », comme le soulignait M. Frédéric Allaire, maître de conférences à la faculté de droit de Nantes dans la revue AJDA.

Pour Mme Monique Dagnaud, qui est experte de ces sujets, le fait « que l’exécutif nomme directement le président de France Télévisions marque un recul par rapport aux libertés publiques ». Quoi qu’on puisse en dire, il est patent aujourd'hui que cette nomination est l’apanage exclusif d’une autorité indépendante. Ce projet de loi organique sera peut-être voté, mais je doute très sérieusement de sa conformité à la Constitution, puisque le président de France Télévisions, dont les responsabilités sont si importantes, sera nommé demain essentiellement, et dans les faits exclusivement, par décret du chef de l’État.

Mes chers collègues, dans ce cas, le Président de la République imposerait, révoquerait, instrumentaliserait. Il procède déjà ainsi puisque le pouvoir exécutif a obtenu de M. de Carolis qu’il mette en œuvre une telle disposition avant qu’elle soit votée, et même discutée, par le Sénat, ce qui a entraîné notre si légitime indignation.

Permettez-moi de vous lire ce qu’un observateur avisé a écrit en décembre dernier dans l’hebdomadaire Le Point : « Au moins les choses seront-elles claires, répètent, avec une intarissable jubilation, les thuriféraires du sarkozysme cathodique.

« Au moins sortira-t-on de l’hypocrisie qui faisait croire à l’indépendance d’une autorité de régulation dont chacun sait qu’elle était à notre botte.

« L’argument est insultant pour ceux qui, de la Haute Autorité de Michèle Cotta au CSA d’Hervé Bourges ou de Dominique Baudis ont été un peu mieux que des pantins et ont tenté de remplir leur mission avec probité.

« Mais il est surtout choquant par l’idée que l’on se fait du fonctionnement d’une société : quand une institution marche mal, faut-il la détruire ou l’amender ? […] Faut-il, sous prétexte que d’aucuns se conduisent comme des larbins, institutionnaliser le larbinat ? Fallait-il, en un mot, que le vice se prévalût de ses propres turpitudes ? » (Sourires.)

Comment ne pas s’insurger contre cette manière « d’arguer des failles d’un système pour le remplacer par un système ouvertement délinquant, cette façon de se gausser de la faillibilité des hommes pour décréter nul et non avenu l’effort lent, patient, parfois ingrat que l’on fait pour y remédier et qui est l’essence même de la démocratie » ?

Vous l’aurez reconnu, l’auteur de ces lignes est Bernard-Henri Lévy.

J’en viens maintenant à mon troisième argument. Madame la ministre, cela ne vous surprendra pas, j’ai quelques scrupules à l’aborder tant les deux premiers sont confondants par la clarté qui se dégage non pas de mes propos, mais de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la lettre même de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 26 juillet 1989 sur la loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, précise que, « s’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine qui lui est réservé par l’article 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, c’est à la condition que l’exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ».

Sur ce fondement, il a admis que le législateur dote d’un président commun les deux sociétés nationales de programme de télévision et prévoie que le Conseil supérieur de l’audiovisuel procède à une nouvelle nomination dans le mois suivant la publication de la loi, « considérant que les modifications ainsi apportées à la loi du 30 septembre 1986 n’affectent pas le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme ; que leur nomination relève toujours d’une autorité administrative indépendante » – ce membre de phrase est très important –, « et la durée de leur mandat reste fixée à trois ans ; que ces modifications n’aboutissent donc pas à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ».

Madame la ministre, il est patent que votre projet de loi organique est contraire à ces considérants du Conseil constitutionnel. J’ai d’ailleurs été très frappé par la lecture du rapport de notre collègue de l'Assemblée nationale, M. Christian Kert. Vous le savez bien, vous qui êtes une fine lettrée, il est très important de chercher la dimension subliminale des textes.

À la page 432 du rapport – je me suis donné la peine d’aller jusque-là ! –, il est indiqué que « des garanties équivalentes, ou des garanties suffisantes, peuvent donc permettre d’assurer la constitutionnalité d’une disposition législative, même lorsqu’elle peut sembler s’inscrire, sur certains points, en retrait par rapport à des dispositions législatives antérieures ».

Madame la ministre, la formulation qui a été employée et que je savoure : « même lorsqu’elle peut sembler s’inscrire […] en retrait » est un aveu subliminal. Le rapporteur de l'Assemblée nationale est très ennuyé, comme nous, comme vous, parce que ce mode de désignation est contraire à la Constitution.

À la page suivante de son rapport, M. Kert s’est surpassé et a atteint des sommets en ajoutant : « Il est donc possible de considérer que le dispositif qui est proposé […] est donc conforme aux exigences constitutionnelles. » Madame la ministre, vous rendez-vous compte de la portée de tels écrits ?

Cette formulation trahit l’embarras du rapporteur. Lorsqu’on entend vraiment défendre qu’un texte est conforme à la Constitution, lorsqu’on en est convaincu, on ne dit plus qu’il est « possible de considérer » qu’il est conforme à la Constitution ! (Sourires.) Madame la ministre, le rapporteur est aussi gêné que vous et nous !

Pour conclure, je voudrais citer de nouveau Bernard-Henri Lévy : « La France avait le choix entre plusieurs solutions pour non pas casser le système, mais le faire avancer.

« Il y avait le cas de l’Espagne, où les dirigeants des chaînes sont nommés par le Parlement.

« Celui de la ZDF allemande, qui les voit nommés par un collège issu de la société civile.

«  Il y avait le BBC Trust, modèle d’indépendance.

« [La France] a choisi la machine à remonter le temps.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. « Elle a opté, bien dans l’esprit de l’époque, pour le cynisme ricaneur de la toute-puissance assumée.

« Puissent les sénateurs prendre la mesure de cette inédite régression ! »

Mes chers collègues, j’espère que nous aurons tous à cœur de nous opposer à ce projet de loi organique, qui, à l’évidence, bafoue notre Constitution. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission est défavorable à cette motion, qui conteste dans son principe même le texte dont nous discutons.

La commission tient à le préciser, le projet de loi organique ne remet pas en cause les dispositions de l’article 34 de la Constitution, qui confie au législateur le soin de fixer les règles garantissant la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias. Le texte se contente de tirer les conclusions logiques de l’article 13 de la Constitution, qui, tel que modifié par la récente réforme constitutionnelle, vise précisément à apporter des garanties supplémentaires pour un certain nombre de nominations particulièrement essentielles pour la vie démocratique, économique et sociale de notre pays, parmi lesquelles figure la nomination du président de France Télévisions. La commission émet donc un avis défavorable sur cette motion.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un peu court !

M. Alain Gournac. Mais clair !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement émet bien évidemment un avis défavorable sur cette motion. Comme j’ai eu l’occasion de m’en expliquer hier soir à l’issue de la discussion générale, j’estime que le mode de nomination tel qu’il est prévu par le projet de loi organique représente une prise de responsabilité de la part de l’État actionnaire et s’inscrit dans le droit-fil d’une logique selon laquelle celui-ci fixe des missions et garantit des ressources, dans le contexte d’une vaste offre audiovisuelle.

Cette nomination est assortie de fortes précautions.

Il y a, tout d’abord, l’avis conforme du CSA. J’observe d’ailleurs que le CSA est tantôt présenté comme un fantoche, tantôt loué pour son indépendance. En l’espèce, son avis conforme représente une réelle garantie.

Il y a, ensuite, le débat public au Parlement devant les commissions compétentes, qui, j’en suis convaincue, sera dense. La personnalité à laquelle il sera fait appel et qui sera ensuite auditionnée sur son projet devra tenir la rampe et présenter de nombreuses garanties de compétences.

Voilà pourquoi cette mesure a toute sa légitimité. Le Conseil d’État, bien qu’il ne soit pas le Conseil constitutionnel, est aussi un juge de la constitutionnalité ; or il a approuvé le projet de loi organique.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1 rectifiée, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 71 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 143
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Demande de renvoi à la commission (début)

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 3.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jack Ralite, auteur de la motion.

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand j’étais ministre de la santé, j’ai acquis l’idée que la façon dont un État traite la psychiatrie, la folie, en sachant qu’« un fou est aussi quelqu’un qui dit des vérités que la société ne veut pas entendre », disait beaucoup sur sa politique. Je dirai la même chose de la télévision, que certains ont d’ailleurs appelée la « folle du logis ».

La télévision touche à tout, aux institutions – elle est une parmi les plus grandes –, à la politique, à l’information, à la création, aux divertissements, aux savoirs, à l’imaginaire, à toutes « les allures de la vie » privées et publiques quelles que soient les générations. On ne s’en préoccupe donc pas à la légère.

Le Président Sarkozy a une ambition : il veut une réforme « historique ». Il n’affabule pas. Ses projets de loi, nous devons donc les traiter à la même hauteur, non pas comme un sujet technique annexe, en discutant seulement de la suppression de la publicité ou de la soirée TV commençant à vingt heures. Si on se limitait à cela, on cacherait le fond des choses. Or c’est sur le fond des choses que nous devons réfléchir, débattre et décider.

Notre assemblée est bafouée de voir que le projet de loi est déjà appliqué depuis le 5 janvier, par décision imposée à la direction de France Télévisions, alors que nous avons commencé son examen hier, mercredi 7 janvier. Nous devons répliquer pour défendre notre dignité en posant les vraies questions.

La première, la plus importante, c’est le cadre politique. Il s’agit de la manière dont la réforme a été préparée et imposée en défiant notamment le Parlement.

Nicolas Sarkozy se considère comme le « manager » de la France, qu’il veut, à marche forcée, transformer en « entreprise France ».

M. Alain Gournac. Il a raison, là aussi !

M. Jack Ralite. S’il n’est pas l’inventeur de cette idée berlusconienne, il la porte dans une situation de crise, de concurrence exacerbée, rendue non libre et toujours faussée par un capitalisme financier devenu prédateur.

Selon cette vision, nous serions dans une « guerre économique » avec un « front avant » de compétiteurs, notamment les grands groupes audiovisuels qualifiés de « champions nationaux », et un « front arrière » assurant la logistique à l’aide des secteurs publics de la santé, de l’éducation, de la culture et des services à la personne. D’un côté, la compétitivité et, de l’autre, la cohésion sociale. Voilà cette philosophie libérale dangereuse et simpliste !

C’est pourquoi le Président de la République pense qu’il doit concentrer tous les pouvoirs, comme un P-DG, exigeant la performance et des obligations de résultats de chacun. Mais la France n’est pas une entreprise et sa stratégie ne se fait ni à la corbeille ni au CAC 40.

La forteresse élyséenne a un cabinet pléthorique et onéreux avec des relations extérieures choisies, le tout assurant une « expertise d’excellence », base d’une véritable « industrie politique » autoréférentielle, en interaction avec un MEDEF qui s’est délivré de toute considération humaine à l’égard des non ou peu solvables. Le tout est un ordre de contraintes, un véritable bloc historique où étatisme et affairisme sont entremêlés. Le Président Sarkozy fabrique un État de droit privé qui détricote au sécateur le droit public, un État privé de droit en quelque sorte ...

Nous, parlementaires, sénateurs ou députés, qu’avons-nous face à cette « démocrature » naissante mais déjà proliférante à travers une RGPP verticale s’ajoutant à une LOLF et à ses dérives que beaucoup de ses auteurs n’avaient pas prévues ?

Nous avons notre statut de représentants des citoyens et nos liens avec les collectivités locales. Mais soyons lucides, les problèmes sont de plus en plus complexes et volontairement techniques.

Nous avons les lobbies qui nous visitent avec leurs projets d’amendements tout prêts. Or l’intérêt général exige autre chose.

Nous avons une administration très compétente. Mais le Sénat devrait aussi bénéficier d’un service d’expertise et de recherche en relation étroite avec des universités. Le président Larcher devrait y songer vite dans son souci déclaré de favoriser notre travail. Autrement, nous risquons de devenir une représentation non représentante.

Nous menons un combat, surtout quand l’exécutif nous presse pour « alléger » nos travaux, écourter nos débats, et écorne à la machette notre droit d’amendement. Le terme « amendement » est d’origine rurale et signifie « modification dans le sens d’une amélioration de la fertilité du sol ». L’examen des projets de loi sur l’audiovisuel en est une expérimentation grandeur nature !

Le Président de la République instaure en fait un bougé constitutionnel. Il s’est arrogé le droit de nomination et de révocation des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Certes, cette nomination, qui demeure le fait du Prince manager, pourra être celle d’une personnalité d’ouverture. J’imagine même qu’il le fera, comme nous en avons l’expérience depuis son élection. Cependant, rien ne l’a empêché de muter M. Bockel, de bloquer Mme Amara, d’amoindrir M. Kouchner, de « caritativiser » M. Hirsch, de perdre M. Jouyet et d’absorber M. Besson.

M. Alain Gournac. Et ce n’est pas fini !

M. Jack Ralite. Cela touche même la majorité. Il n’a pas tenu compte de l’avis de M. Copé ni de sa commission, présentée publicitairement, puis ignorée péremptoirement. Il a même imposé à M. de Carolis de supprimer lui-même la publicité avec son conseil d’administration.

Il veut une télévision publique dont il rêve d’être le grand organisateur d’abord et le grand éducateur ensuite, en écho à la déclaration de Mme Parisot pour qui chaque chef d’entreprise devrait être comme un instituteur du « début du XXe siècle ».

La télévision n’est pas un pouvoir absolu, elle est un pouvoir important, surtout si l’on sait l’utiliser. À ce jour, Nicolas Sarkozy s’en sort bien : il maîtrise la TV du flot. Il utilise avec mépris la télévision à qui il fait faire tous les métiers ! Que sera-ce quand il aura les mains libres ? C’est ce que prévoit le projet de loi, malgré de faux freins : le CSA, qu’il a qualifié d’« hypocrite », et les commissions chargées des affaires culturelles des assemblées parlementaires. À cet égard, on a vu comment la nôtre, par exemple, a été traitée lorsqu’elle a osé proposer d’augmenter raisonnablement la redevance, le 19 décembre dernier.

Et puis quel vocabulaire présidentiel ! Le débat à l’Assemblée nationale, qui ne lui convient pas, c’est la pagaille, comme les jeunes de la banlieue qui ne lui reviennent pas, c’est la racaille. Triste attirail verbal ! Qu’il ne s’étonne pas d’avoir maille à partir avec beaucoup, y compris dans son sérail.

Nous ne voulons pas que les libertés constitutionnelles déraillent, et cela n’est pas un détail. La télé mérite notre travail.

M. Dominique Braye. Aïe aïe aïe !

M. Jack Ralite. Nous, parlementaires, ne devons pas être sages, nous devons être courageux, assumant même dans la circonstance d’être désobéissants, et je pèse mes mots.

Mes chers collègues, courage donc ! Les lois auxquelles nous sommes confrontés sont une coproduction à trois. Elles visent à relever des défis : le fleurissement des nouvelles technologies, notamment du numérique qui a plus de trente ans, la multiplication massive des supports de diffusion, le lancement de la TNT, la télévision numérique terrestre, et son succès, les nouveaux entrants à dimension industrielle comme Lagardère, Bolloré et France Télécom, une nouvelle répartition des ressources – la redevance qui baisse, la publicité qui recule, les abonnements qui progressent et même la gratuité qui combat – et enfin la suppression de l’analogique pour 2011.

Le premier coproducteur de ces lois est le Président Sarkozy. Il suffit de relire la lettre de mission qu’il a adressée à Mme Albanel le 1er aout 2007, les discours du 8 janvier 2008 sur la suppression de la publicité sur France Télévisions et du 25 juin 2008 sur la stratégie qu’il a arrêtée.

Le deuxième coproducteur est le groupe Bouygues, qui possède TF1 et qui a transmis, avant les vœux de 2007, un Livre blanc de multipropositions – je devrais dire d’injonctions –, dont quatre fondamentales structurent le présent projet de loi.

La première, c’est l’assouplissement des contraintes pesant sur les groupes d’édition, c’est-à-dire la suppression du dispositif anti-concentration plurimédia voté en juillet.

La deuxième, c’est l’assouplissement de l’accès à la ressource publicitaire, c’est-à-dire l’application intégrale de la directive européenne SMA, services de médias audiovisuels, ce qu’a fait, à un chouïa près, contrairement à tous les autres pays d’Europe, le gouvernement français.

La troisième, c’est le financement du service public exclusivement par des fonds publics, c’est ce que décide, sans y parvenir, le projet de loi qu’on veut nous imposer d’adopter.

La quatrième, c’est libérer la programmation de ses obligations de production, c’est-à-dire gommer la définition de l’œuvre audiovisuelle. Ah qu’il gênait le vote unanime des deux assemblées du 22 novembre 2006 sur cette définition qui attend toujours un décret gouvernemental ! Il ne viendra jamais, le Gouvernement ayant préféré remettre cette définition à la négociation des acteurs, qu’une partie d’entre eux ont signée avec une diminution des obligations de production pour TF1.

Le troisième coproducteur est la philosophie libérale du rapport Jouyet-Lévy sur l’économie de l’immatériel, élaboré par l’inspection des finances et la publicité réunies. Devenu feuille de route du Gouvernement, il impose une vision comptable et financière du savoir et de la culture, traités comme de simples actifs financiers.

Quand on a cette coproduction à l’esprit et qu’on en lit dans la loi le bégaiement servile, nous ne pouvons y répondre que par un « Non » majuscule de résistance. Avec le groupe CRC-SPG, nous allons faire notre devoir en pensant aux citoyens-téléspectateurs et à ceux qui exercent les métiers nécessaires à la télévision, des artistes aux techniciens et aux personnels administratifs. Nous ne jouerons pas au « non » parce que d’autres disent « oui », au « oui » parce que d’autres disent « non », nous essaierons d’être, comme le disait si finement Scott Fitzgerald, « la marque d’une intelligence de premier plan [...] capable de se fixer sur deux idées contradictoires sans pour autant perdre la possibilité de fonctionner ».

Nous voulons que la télévision de service public vive en France avec son héritage qui est grand, sans ses défauts qui ne sont pas petits, mais surtout avec un accomplissement que nous sentons voir venir. La loi Sarkozy est une loi fermée, une sorte d’« acte noir », dirait Hamlet, une déclinaison de la dogmatique managériale. On dirait que le Président veut conclure l’histoire de la télévision dans l’immédiat, en en pétrifiant le sens.

Quant à nous, nous proposons une Responsabilité publique de l’audiovisuel, de l’information et de la communication, la RESPAIC – qui est le féminin de respect –, locale, nationale et internationale. Dès 1987, les états généraux de la culture, avec des milliers d’artistes de toutes disciplines, sensibilités et esthétiques, ont avancé cette idée dans une Déclaration des droits de la culture qui fut traduite en quatorze langues – la japonaise, la chinoise, l’arabe.

Les médias et les moyens de communication électroniques sont devenus aujourd'hui un besoin essentiel pour la vie quotidienne de chacun, la société, l’économie, la démocratie et les échanges internationaux. Ce sont des biens communs, des biens publics mondiaux qui doivent être régulés à chaque niveau territorial de responsabilité. Ces biens publics doivent être reconnus dans un droit universel à la communication actualisé comme un droit de l’homme, conformément à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

Il est urgent de construire ce droit en France, en Europe et dans le monde : pour combattre les inégalités dans l’accès à l’information et à la communication et favoriser l’association humaine universelle, pour refuser la guerre économique fratricide des nations et développer les coopérations économiques et les échanges culturels, pour rejeter les enfermements dogmatiques et soutenir le développement de la culture, de la recherche, de la création et de l’innovation.

Pour se fassent la reconnaissance et la mise à jour de ce droit universel à la communication, nous avons besoin de cette RESPAIC, qui fixe les principes fondamentaux de la régulation et de l’éthique universelles.

Cette RESPAIC se définit par des missions, des droits et des obligations d’intérêt général appliqués à l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel et des communications électroniques, qu’ils soient privés ou publics, locaux, nationaux ou internationaux.

J’en profite pour vous dire que M. Meirieu a rédigé dans Le Monde un article de très grande qualité sur la responsabilité des médias, sur lequel nous devrions beaucoup réfléchir.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est vrai !

M. Jack Ralite. C’est une manière concrète d’aborder cette question.

Je rappelle que la loi du 1er août 2000, que Catherine Tasca connaît bien pour en avoir tenu la plume, comporte une définition des missions qui préfigure cette responsabilité, sur laquelle nous devrions également réfléchir.

Voici ce qu’il en est de ces missions.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Ralite.

M. Jack Ralite. J’en ai presque terminé, monsieur le président.

Premièrement, le respect du pluralisme de l’information et des esthétiques, de la diversité des expressions culturelles nationales et régionales en intégrant notamment une solide réglementation anti-concentration.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est très intéressant !

M. Jack Ralite. Ce pluralisme doit s’entendre comme le droit à être informé, mais aussi comme le droit d’informer. Cela conduit à permettre à un secteur associatif non-marchand à avoir droit de cité dans notre pays.

Deuxièmement, la recherche d’un large public pour les médias audiovisuels afin d’informer, de cultiver et de distraire, pour renforcer le lien social, notamment par des programmations généralistes de qualité.

Troisièmement, le soutien substantiel à la recherche, à la production de programmes et à la création audiovisuelle.

Quatrièmement, le développement massif d’éducation populaire aux technologies et aux nouveaux services, notamment la maîtrise de l’internet, la lecture critique des médias, l’apprentissage de l’image.

Cinquièmement, la maîtrise publique des réseaux et des infrastructures, en particulier de l’internet et des réseaux à très haut débit, qui doivent être reconnus comme des biens publics mondiaux et régulés de façon multinationale dans le cadre des instances de l’ONU.

Sixièmement, le développement rapide des infrastructures en fibre optique et la reconnaissance de l’internet à haut débit comme un service public universel accessible à tous.

Septièmement, le développement des coopérations internationales, notamment européennes, pour la diffusion et la production audiovisuelle, avec la création d’un pôle public européen des industries de l’audiovisuel et des communications électroniques.

Huitièmement, l’affectation de moyens financiers publics et privés, de prêts bancaires pour le développement des réseaux à haut débit, la recherche, la production et la création de services, de programmes et de logiciels innovants et éducatifs.

Récemment, au cours d’une réunion du Collège de France au lycée technique Le Corbusier à Aubervilliers, le conférencier Predrag Matvejevic, un Bosniaque professeur à l’université de Rome, a dit : « Nous avons tous un héritage et nous devons le défendre mais, dans un même mouvement, nous en défendre. Autrement, nous aurions des retards d’avenir, nous serions inaccomplis ».

C’est cela la responsabilité publique que ne prend nullement en compte la coproduction Sarkozy-Bouygues-Jouyet-Lévy.

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Ralite.

M. Jack Ralite. Je conclus, monsieur le président.

Cette responsabilité publique, cette RESPAIC ouvre, comme dirait l’anthropologue Georges Balandier, des « fenêtres sur un nouvel âge », tandis que la coproduction législative qu’on veut nous imposer, sur l’initiative arbitraire du Président de la République, tire les volets. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut ouvrir les fenêtres ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma réponse sera sobre.

La commission des affaires culturelles est bien évidemment défavorable à l’adoption de cette motion, pour les raisons évoquées précédemment par mon collègue Michel Thiollière.

J’ajoute, à l’attention de nos collègues socialistes éminents constitutionnalistes, que nous ne sommes pas là pour refaire le débat sur la réforme de la Constitution de l’été dernier. Je souligne au passage que celle-ci comporte un certain nombre d’avancées notables, au rang desquelles figure l’encadrement des nominations qui fait l’objet du présent projet de loi organique.

C’est pourquoi la commission ne saisit pas tout à fait les raisons pour lesquelles les conditions de son élaboration et de son inscription pourraient être de l’ordre du « coup de force ».

Il convient de bien distinguer les sujets. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il y a, d’un côté, les conséquences de la suppression de la publicité sur France Télévisions, qui relèvent du projet de loi ordinaire et dont nous allons largement débattre dans les jours et les semaines à venir et, de l’autre, la question de la nomination, qui est également formellement prévue à l’article 8 du projet de loi ordinaire.

Rappelons encore une fois que le présent projet de loi organique a simplement pour objet de préciser que cette nomination est soumise à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.

Nous aurons très largement l’occasion de débattre des deux sujets qui vous préoccupent au cours du débat qui va s’instaurer, mes chers collègues. Cette précision étant faite, votre commission est défavorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je formulerai simplement une remarque complémentaire. Je sais combien Jack Ralite est soucieux de promouvoir une société de culture, à l’opposé d’une société de « marchandisation ».

Le grand projet que nous portons ici va précisément dans ce sens. Nous assumons la responsabilité de créer une télévision publique encore plus différente, qui permette encore plus d’innovations, de productions, de créations, en la débarrassant de la contrainte forte qu’est la publicité – et nous ne détestons pas du tout la publicité, qui fait partie de la vie. En effet, on ne réalise pas exactement les mêmes programmes à vingt-deux heures ou à vingt-deux heures quinze s’ils sont suivis, ou non, d’un tunnel de publicité. L’absence de publicité permet de proposer aux téléspectateurs plus tôt dans la soirée des programmes de façon plus intéressante et innovante.

Pour le reste, en France, toutes les chaînes sont soumises à des obligations qui vont dans le sens de la création et de la production. Je me réjouis beaucoup que des accords interprofessionnels aient été signés entre les diffuseurs, les producteurs et les sociétés d’auteurs. Nous savons qu’ils sont très exigeants et que, s’ils ont signé ces accords, c’est parce qu’ils y voyaient un intérêt culturel, un intérêt pour les auteurs et les créateurs.

J’observe par exemple que M6 a signé un accord grâce auquel ses obligations en matière patrimoniale passent de 8,5 % à 10,5  % de son chiffre d’affaires. Les obligations patrimoniales de TF1 sont elles aussi renforcées. Au fond, l’ensemble de notre système va concourir à la culture, et c’est pourquoi nous avons intérêt à ce qu’il se porte bien. Je trouve que ces dispositions vont dans le bon sens et s’inscrivent bien dans les préoccupations que vient de défendre avec talent Jack Ralite.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion.

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 3, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 72 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l’adoption 142
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, je souhaite simplement informer le Sénat que je suis obligée de demander, de manière très exceptionnelle, une suspension de séance à midi. En effet, les conclusions des états généraux de la presse doivent m’être remises à midi quinze, sous la forme d’un « Livre vert ».

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 4.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France (n° 144, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, auteur de la motion.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à en croire les partisans de la dernière réforme de la Constitution, l’année 2009 devait être celle du renforcement des pouvoirs du Parlement !

Les deux projets de loi et les conditions de leur examen par notre assemblée en sont un criant démenti. Quelque chose de profond est en train de changer dans le caractère constitutionnel de notre pays.

En effet, nous débattons de deux textes, dont le projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France. Ce dernier étant directement issu de la révision constitutionnelle arrachée au forceps, à une voix près, au mois de juillet dernier, réforme pour laquelle la commission des lois du Sénat avait été saisie au fond, il paraît ahurissant que cette commission ne soit même pas saisie pour avis aujourd’hui ! Parmi les cinquante-sept députés membres de la commission spéciale instituée à l’Assemblée nationale pour examiner ces deux projets de loi, onze étaient issus de la commission des lois.

À lui seul, un tel élément pourrait justifier la motion tendant au renvoi à la commission, que je vous demande d’adopter.

Tout comme la justifiait l’ordre de nos débats. Sans le changement intervenu à la dernière minute, nous aurions d’abord examiné le projet de loi ordinaire.

Cela signifie que les articles 8 et 9 auraient été soumis au vote avant même l’adoption du projet de loi organique, dont l’article unique dispose ceci : « La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. » Il s’agit là non pas de détails de procédure, mais des règles et de l’ordonnancement qui rendent possible l’expression de la démocratie.

D’autant qu’une autre aberration, et de taille, vient s’ajouter à cela. Fait unique : la suppression de la publicité sur France Télévisions est déjà effective, alors qu’elle n’a même pas été examinée, et encore moins votée, par notre assemblée ! Quel bel exemple de renforcement des pouvoirs du Parlement !

L’exécutif ordonne la suppression de la publicité sur la télévision publique, et comme le Parlement ne s’exécute pas assez vite, on le zappe ! Et de quelle manière ! Pour inaugurer les nouveaux liens qui uniront le Président de la République au président de France Télévisions, ce dernier se voit sommer d’entériner lui-même la fin de la publicité.

Cette méthode humiliante est inadmissible et proprement antidémocratique, car elle réduit le Sénat au rôle de chambre d’enregistrement. Nous sommes loin de l’idée que l’on pourrait se faire d’un Parlement représentant du peuple, et non du chef d’un parti, d’un Parlement soucieux d’élaborer la loi pour l’intérêt général, et non au service d’intérêts très particuliers.

À moins que le respect de la séparation des pouvoirs ne soit désormais classé au rang des « immobilismes qui emprisonnent la France » évoqués par le Président de la République le 23 juillet 2008, au moment de sceller la loi constitutionnelle.

Encore une fois, le Gouvernement a imposé l’urgence, une urgence devenue la règle sur quasiment tous les textes. Et quand l’urgence n’existe pas, on la fabrique de toutes pièces, par exemple en décidant que la réforme entrera en vigueur au mois de janvier 2009, et non plus au mois de septembre.

Depuis son origine, cette réforme se fait à marche forcée. Décrétée le 8 janvier 2008, concrétisée par la présentation de deux projets de loi en conseil des ministres le 22 octobre, elle sera effective dans quelques semaines, sans que le « grand débat national » promis par Nicolas Sarkozy ait jamais eu lieu.

Mes collègues Jack Ralite et Ivan Renar ont participé à la commission pour la nouvelle télévision publique, dite « commission Copé ». Il ne devait pas, paraît-il, y avoir de tabous. Mais des interdits ont été immédiatement dressés par le Président de la République. Mes collègues ont dû se résoudre à la quitter, lorsque celle-ci a été de fait « démise » par le chef de l’État.

Alors que les travaux de la commission Copé n’avaient débuté que depuis deux mois, le Président de la République l’a désavouée par deux fois. La première fois, il s’est déclaré opposé à toute augmentation de la redevance, même si celle qui était envisagée par la commission était très raisonnable. La seconde fois, il a annoncé l’octroi d’une deuxième coupure de publicité aux chaînes de télévision privées. Tout aura donc été ficelé en à peine un an, alors que la dernière réforme de la BBC, réalisée en 2007, a été conduite après quatre années de débats !

Tout comme le coup de force réalisé sur la publicité, les conditions dans lesquelles ces textes sont examinés sont inadmissibles.

Le texte issu des débats à l’Assemblée nationale n’a été officiellement transmis à notre assemblée que le 17 décembre, soit quatre jours avant la suspension de nos travaux.

Cela impose de fait des délais très courts pour examiner en profondeur et amender ces projets de lois, dont l’un est passé de cinquante-six à quatre-vingt-quatre articles.

À tel point que le délai limite pour déposer les amendements a dû être repoussé jusqu’à l’ouverture de la discussion générale.

Et que dire du travail en commission, réduit – il faut bien le dire – à la portion congrue ?

Alors que l’examen de ce projet de loi a duré plus de quatre-vingts heures à l’Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles du sénat n’y a pour l’instant consacré que quatre heures ! Les travaux de nos rapporteurs, qui comportent 542 pages, ne sont consultables que depuis hier midi.

À l’heure où je vous parle, la commission des affaires culturelles n’a consacré qu’une toute petite heure à l’examen, il est vrai à vitesse TGV, des amendements déposés par les groupes.

Les conditions minimales nécessaires pour mener un travail législatif sérieux et de qualité sont donc déniées. Et je pense également aux conditions de travail des personnels du Sénat.

Si ce type et ce rythme de travail sont ceux qui prévaudront à l’issue de la réforme du travail parlementaire, c’est le droit d’élaboration et le droit d’amendement du législateur qui seront remis en cause.

Revenons au texte qui nous intéresse aujourd’hui. Il ne manque pas de chausse-trappes. Et je voudrais m’arrêter plus précisément sur le cas de France 3.

Telle que la suppression de la publicité est appliquée depuis lundi, elle a déjà fait une victime sur les antennes de France 3 : le décrochage local de 19 heures 57. Purement et simplement supprimé, ce décrochage a été remplacé – ironie du sort – par de la publicité, et ce trois minutes avant le couperet fatal de 20 heures. Un scandale doublé d’une incohérence totale, inexplicable aux yeux des téléspectateurs, pour une entreprise où l’on va supprimer la publicité !

Désormais, les journaux locaux ne seront plus diffusés qu’à 18 heures 40. Or, et les personnels qui se sont mis en grève lundi le savent bien, ce n’est pas à cette heure-là que les téléspectateurs sont les plus nombreux devant la télé.

Pourtant, ces journaux locaux réalisent de bons taux d’écoute.

À titre d’exemple, le journal local de neuf minutes qui couvre toute la Basse-Normandie réunissait 66 000 spectateurs et était l’un des plus regardés de la station.

Ce texte n’a donc même pas encore été voté qu’apparaissent déjà ses premiers effets pervers, en forme de « boomerang » pour les rédactions locales de France 3.

La programmation des décrochages locaux à une heure de moindre écoute laisse craindre aux personnels la disparition à terme de cette manière de faire de l’information, non pas exclusivement centrée sur la parole institutionnelle, mais privilégiant celles d’acteurs locaux et régionaux.

La disparition de la deuxième diffusion a aussi des conséquences sur la qualité de l’information : il ne sera plus possible de réactualiser les sujets entre deux diffusions.

Un horaire de diffusion avancé à 18 heures 40 signifie que les journalistes pourront couvrir moins de sujets et qu’ils auront moins de temps pour les fabriquer.

Un comble pour une entreprise dont le nouveau cahier des charges, rattaché à la loi, réaffirme que « France 3 s’attache à développer l’information régionale et locale et à accroître le nombre d’éditions de proximité. » C’est en effet l’inverse qui est en train de se produire.

Certes, il existe internet. Mais, à titre d’exemple, à Perpignan, le journal local réunit 67 000 personnes par jour sur le Premium, contre seulement 300 clics sur internet. Et les personnels ne sauraient tolérer que leur travail soit réduit à un produit d’appel pour la web TV.

La disparition de cette rediffusion est donc vécue par les personnels concernés, c'est-à-dire plus de 400 personnes, comme une mort à petit feu.

Ainsi fragilisés, ils craignent de s’entendre dire dans six mois ou un an que l’information locale coûte trop cher pour pas grand-chose, puisqu’on aura organisé la fuite du téléspectateur.

Cela revient de fait à les affaiblir face à la concurrence des télévisions locales privées. Or, derrière ces télévisions locales privées, ce sont les grands groupes de la presse quotidienne régionale qui sont aux manettes.

Alors que le Président, en inaugurant les états généraux de la presse, s’est clairement exprimé en faveur d’une plus grande concentration des médias, la pluralité de la presse se verrait un peu plus mise en danger.

On nous explique que France Télévisions n’a plus besoin de la publicité et que son financement sera garanti à l’euro près, sans toutefois nous le démontrer. On nous assure supprimer la publicité sur les chaînes publiques pour vouloir mettre fin à la « schizophrénie » dont souffre la télévision publique.

Ainsi, madame la ministre, lors de l’examen de ces deux textes à l’Assemblée nationale, vous avez déclaré ceci : « On ne peut pas demander à la télévision publique de proposer des programmes qui rassemblent quand la publicité oblige à viser des cibles, des segments de population. On ne peut pas lui demander de prendre des risques quand l’audimat impose ses règles. On ne peut pas lui demander d’offrir des programmes exigeants à des heures accessibles quand ces plages horaires – les plus rentables – sont supposées précisément accueillir de longs tunnels de publicité. »

Or, c’est très exactement ce qui se passe sur France 3 pour les décrochages locaux, du fait de l’application de la loi avant même son vote et sa promulgation : un programme d’informations locales diffusé à une heure de grande écoute et regardé par un large public est déprogrammé au profit de la publicité ! On marche sur la tête !

On ne peut pas continuer à tenir ce double langage sur la publicité. On ne peut, d’un côté, estimer qu’elle est nocive pour la qualité des programmes du service public et, de l’autre, prendre une décision qui mettra finalement en péril la qualité de ces mêmes programmes tout en contribuant, par le biais de ce projet de loi, au développement du parrainage et du placement de produits, c'est-à-dire à une publicité qui ne dit pas son nom.

Certes, la présence de publicité a des conséquences. Mais son absence en a tout autant !

Une publicité que vous n’avez eu de cesse de diaboliser depuis le 8 janvier 2008, alors que le candidat Sarkozy pendant la campagne pour l’élection présidentielle envisageait d’augmenter la part de publicité pour aider un service public sous-financé !

Ce texte aurait pu être, au contraire, l’occasion de réfléchir sur la notion même de publicité, sur sa forme, sa place et son rôle dans le service public. C’est là un débat que vous avez confisqué.

En raison de toutes ces confiscations qui entachent notre débat parlementaire, je vous demande instamment, mes chers collègues, de saisir cette porte de sortie honorable pour notre assemblée en soutenant notre motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je vous félicite, ma chère collègue, d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti. Les choses s’équilibrent !

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, j’ai eu un moment d’inquiétude en entendant Mme Gonthier-Maurin dénoncer, me semble-t-il, à juste titre, l’audimat et sa dictature : j’ai cru qu’elle prenait la parole pour soutenir le projet de loi que nous examinons…

Nous débattons d’une motion tendant au renvoi à la commission. Or j’avoue ne pas très bien comprendre ce qu’apporterait à notre assemblée le renvoi devant une commission qui a déjà beaucoup réfléchi et travaillé sur ce texte.

Mme Catherine Tasca et M. Jean-Jacques Mirassou. Pas assez !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Mes chers collègues, nos rapporteurs ont accompli un très gros travail dont je tiens à saluer la qualité. Ils ont procédé à des auditions, mené une réflexion approfondie sur ce texte qui était encore en débat au Palais-Bourbon et qui devait venir ici même en décembre. Nous l’avons attendu longtemps et impatiemment, jusqu’à ce que l’Assemblée nationale se décide enfin à statuer et à nous le transmettre, alors que votre commission des affaires culturelles et son président s’étaient battus, en conférence des présidents, afin de disposer d’un temps suffisant pour permettre un examen de fond dès le mois de décembre.

Nous disposons d’un épais rapport que j’ai entre les mains, qui a été mis en ligne hier matin et qui est donc disponible et consultable par tous.

Que nous apporterait de plus le fait que la commission se saisisse une nouvelle fois du texte, alors même que nous avons déjà été retardés par le déroulement des débats à l’Assemblée nationale, dont nous ne sommes pas responsables, et que le travail de la commission a été effectué ?

Cette demande de renvoi à la commission est également fondée sur le fait que, s’agissant d’un projet de loi organique, la commission des lois aurait dû se saisir du texte. Certes, elle pouvait s’en saisir, mais la décision lui appartenait. Elle a sans doute estimé que ce texte organique était une conséquence du travail de fond auquel nous allons nous livrer et que c’était bien la commission des affaires culturelles saisie au fond, dont vous êtes membre, madame Gonthier-Maurin, qui devait travailler sur ce point. Nous ne pouvons d’ailleurs que remercier une nouvelle fois cette dernière du travail qu’elle a accompli.

La commission ayant effectué un travail approfondi, les rapporteurs étant allés au fond des choses – le rapport en témoigne –, nous souhaitons que le débat puisse avoir lieu au sein de cet hémicycle sans plus tarder. Aussi, nous vous demandons, mes chers collègues, de rejeter cette motion de renvoi à la commission.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je rejoins naturellement les préconisations du président Legendre.

Je m’associe aux propos qu’il vient de tenir quant à l’excellence du travail accompli par les rapporteurs. C’était un travail lourd, extrêmement technique, très exigeant, dont je tiens à souligner le résultat tout à fait remarquable.

J’ajoute que ce projet de loi est issu d’un long travail, qui a démarré le 8 janvier 2008 et s’est poursuivi au sein de la commission pour la nouvelle télévision publique, qui a travaillé pendant des mois. Les parlementaires y ont été associés. Certes, ceux de gauche ont quitté cette commission, mais seulement trois semaines avant la fin des débats, ce qui montre une participation assez longue de leur part. La commission a ensuite présenté ses conclusions.

Comme vient de le rappeler le président de la commission, le débat parlementaire a été extrêmement long, du fait de l’obstruction qui a eu lieu à l’Assemblée nationale. Le texte aurait dû venir au Sénat en décembre et être normalement examiné à ce moment-là. Tout le monde s’y était préparé, les personnels de France Télévisions et, surtout, les annonceurs. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité que la publicité soit partiellement arrêtée par décision de ne plus commercialiser des espaces avant que la loi ne vienne apporter son éclat et sa force à cette décision.

En tout cas, compte tenu de l’énorme travail accompli, le renvoi à la commission ne s’impose pas.

Sur le point particulier de France 3, j’indique que cette chaîne diffusera à l’avenir plus d’informations régionales et locales que précédemment. Ainsi, l’édition du 19/20 consacrera cinq minutes supplémentaires à l’information régionale et trois minutes supplémentaires à l’information locale. En outre, Soir 3, le journal du soir de la chaîne, intégrera pour la première fois un décrochage régional.

La dimension régionale et locale est importante à nos yeux et figure d’ailleurs de façon forte dans le cahier des charges. France Télévisions de demain doit garder pleinement cette dimension, conformément à son obligation et à son engagement.

M. David Assouline. Je demande la parole pour explication de vote.

M. le président. Mon cher collègue, je ne peux vous donner la parole en cet instant. Le règlement du Sénat prévoit en effet de façon très précise qu’aucune explication de vote n’est admise sur une demande de renvoi à la commission. (M. David Assouline proteste.)

M. Dominique Braye. Très bien !

M. le président. Ce n’est pas vous, monsieur Assouline, qui allez me l’apprendre !

M. David Assouline. Je ne vous apprends rien !

M. le président. Je respecte le règlement, conformément à mon rôle.

M. David Assouline. Dans ces conditions, ce que j’ai à dire, je le dirai longuement tout à l’heure !

M. le président. Vous pourrez en effet vous exprimer à l’occasion de l’examen de la prochaine motion.

Je mets aux voix la motion n° 4, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 73 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l’adoption 142
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq,

est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Article unique (début)

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

situation à gaza

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Ma question s’adresse au Premier ministre et porte sur les efforts de la France en faveur de la paix au Proche-Orient.

C’est à un véritable drame humanitaire que l’on assiste à Gaza. Je ne reviendrai ni sur ses causes – elles sont connues – ni sur le partage des responsabilités entre les acteurs en présence.

La France a condamné les tirs de roquettes du Hamas sur Israël et la riposte disproportionnée de Tsahal. Mais lorsque ce sont des civils, des hommes, des femmes et des enfants, qui souffrent, l’heure n’est plus à ces questions : elle est à l’action.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons que saluer les efforts déterminés du Président de la République et du Gouvernement pour aboutir le plus vite possible à la mise en œuvre d’un cessez-le-feu total. Ces efforts marquent par ailleurs le retour de la diplomatie française et européenne dans le conflit israélo-arabe.

Ma question porte à la fois sur le court terme et sur le moyen terme.

Pour ce qui est du court terme, alors même que le chef de l’État était encore en déplacement entre Israël, la Palestine, l’Égypte et la Syrie, vous avez déclaré, monsieur le Premier ministre, qu’une voie très étroite vers un cessez-le-feu était possible. À l’issue de la série d’entretiens que Nicolas Sarkozy a eus hier après-midi sur le sujet, cette voie ouverte par le plan franco-égyptien se précise-t-elle ?

À moyen terme, avec l’installation du nouveau Président des États-Unis, la diplomatie américaine va reprendre le dossier israélo-palestinien, qui sera pour elle important, voire prioritaire. Il reste peu à négocier. Le problème concerne la reprise du dialogue pour déterminer les conditions de la mise en œuvre des accords de paix, le redémarrage du processus d’Annapolis, l’envoi par les Nations unies d’une force d’interposition dans la bande de Gaza, qui apparaît d’ores et déjà nécessaire.

Dans cette perspective, quelle place l’Europe, notamment la France, compte tenu de l’engagement de notre pays en faveur de l’Union pour la Méditerranée, peut-elle prendre pour résoudre ce conflit ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Fillon, Premier ministre. Tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite adresser mes vœux à chacun des membres de votre assemblée.

Monsieur Mercier, la situation humanitaire à Gaza est intolérable. La France a condamné dès le début du conflit les tirs de roquettes effectués à partir de Gaza sur le territoire israélien, comme elle condamne aujourd'hui les tirs de roquettes à partir du territoire libanais. En tout état de cause, rien ne justifie les souffrances actuellement imposées aux populations civiles qui vivent enfermées dans la bande de Gaza.

C'est la raison pour laquelle le gouvernement français ne ménage aucun de ses efforts pour essayer d’aider à la recherche d’une solution pacifique.

Nous avons d’abord, avec l’ensemble des acteurs de la région, fait pression sur Israël pour que soit acceptée – c’est vraiment le minimum ! – une trêve quotidienne afin de permettre l’évacuation des blessés et l’entrée des secours. Nous attendons maintenant l’ouverture d’un corridor humanitaire qui rende possible l’accès en continu des secours au territoire de Gaza.

Nous avons ensuite appuyé tous les efforts de l’Égypte pour obtenir un dialogue politique, dialogue qui s’ouvrira dans quelques instants au Caire avec une délégation israélienne. Je voudrais que chacun mesure le courage du gouvernement égyptien, qui a accepté, dans les circonstances actuelles, que soit engagé en Égypte un dialogue avec le gouvernement israélien sur les conditions de sécurisation de la frontière entre Gaza et l’Égypte.

Au fond, ce que nous demandons, c’est que les points de passage soient ouverts, que les marchandises, les hommes et les femmes puissent circuler, et que la contrebande d’armes soit interdite. Car c’est avec une telle mesure que nous pourrons aboutir à un accord s’agissant du cessez-le-feu.

Au-delà de ces efforts, le gouvernement français, qui préside actuellement le Conseil de sécurité des Nations unies, tente d’obtenir un accord de l’ensemble des membres du Conseil de sécurité – vous savez combien c’est difficile puisque l’unanimité est requise – pour mettre un terme aux combats.

Nous avons indiqué à l’ensemble des parties prenantes à ce conflit que nous étions disposés à mettre en place des moyens techniques, à envoyer des forces si cela était nécessaire, afin d’assurer les conditions de réalisation d’un cessez-le-feu.

Par ailleurs, nous appuyons les efforts de l’Égypte, qui a engagé un processus de réconciliation entre les Palestiniens. Car rien ne sera possible sans une telle réconciliation.

La France soutient les efforts du président Abbas et du président Moubarak pour obtenir le retour du dialogue. C’est dans cet esprit que Nicolas Sarkozy s’est rendu à Damas : la seule façon de nouer le dialogue avec le Hamas, compte tenu de qu’est ce mouvement et de son passé, c’est de parler avec ceux qui ont des contacts avec lui, c'est-à-dire avec la Syrie. Cela justifie les efforts que nous avons accomplis pour reprendre contact avec ce pays.

En outre, nous avons indiqué que la France et les Européens étaient prêts à fournir les forces nécessaires, le jour où un accord sera obtenu, pour assurer la sécurité du territoire palestinien. Chacun peut le constater, il n’est pas d’autre solution que la mise en œuvre du processus décidé voilà près de dix ans, lequel doit aboutir à la constitution d’un État palestinien libre, indépendant et démocratique.

Il n’y a pas lieu de réfléchir plus longtemps et d’engager des négociations complexes. La solution est sur la table ; il faut maintenant la mettre en œuvre. Pour ce faire, les combats doivent d’abord cesser. Lorsqu’ils auront pris fin, si le dialogue s’instaure, nous sommes disposés à mettre en place les forces nécessaires afin d’assurer la sécurité des territoires palestiniens. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

fontionnement des institutions

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le Premier ministre, de nombreuses questions se posent aujourd’hui concernant l’évolution de notre démocratie. Celles-ci sont légitimes : d’abord, les libertés publiques sont l’essence même des principes fondamentaux de notre République ; ensuite, notre rôle, notre responsabilité de parlementaires est de veiller à ce que ces libertés soient respectées et - qui pourrait s’en offusquer ? – de demander des comptes à ceux qui détiennent tous les leviers du pouvoir.

Je veux exprimer fortement aujourd’hui ces inquiétudes en m’appuyant sur trois principes pour nous essentiels en ce qui concerne la garantie des droits des citoyens : premièrement, la liberté d’expression, qui passe par celle de l’audiovisuel, donc des médias : deuxièmement, l’indépendance de la justice ; troisièmement, le respect des droits du Parlement.

Pour ce qui est des médias, vous décidez que le Président de la République imposera celui ou celle qui dirigera France Télévisions et Radio France. Plus encore, en le privant de ressources propres, vous placez le secteur public de l’audiovisuel en situation de dépendance face au pouvoir.

En ce qui concerne la justice, le chef de l’État décide, sans autre forme de procès, au mépris de toutes les instances d’expertise et de concertation, la suppression des juges d’instruction, avant même tout débat parlementaire.

S’agissant, justement, du Parlement, alors même que vous présentiez la réforme des institutions comme une avancée de ses droits, on a le sentiment que votre seule obsession, aujourd’hui, est de chercher à limiter le temps d’expression des parlementaires.

Comment pouvez-vous parler d’encadrer le droit d’amendement sans auparavant supprimer les procédures de passage en force du Gouvernement comme l’article 49-3, dont le recours n’est que limité, et le vote bloqué, ainsi que nous le proposions ? Pour nous, il y a des acquis qui sont précieux. Le temps de la discussion, c’est aussi celui de la démocratie.

Si vous brandissez le rapport que j’avais rédigé en 2007, ayez au moins l’honnêteté de le citer dans tous ses aspects, notamment sur ces deux derniers éléments.

Oui, monsieur le Premier ministre, la presse, la justice, le Parlement, y compris la confrontation avec l’opposition parlementaire, dans une démocratie digne de ce nom, c’est ce qui permet d’équilibrer les pouvoirs, donc de garantir les droits des citoyens.

Monsieur le Premier ministre, je veux être mesuré dans mes propos, mais je voudrais savoir si vous entendez ces inquiétudes et comment vous comptez agir pour garantir les libertés publiques dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président du groupe socialiste, oui j’entends ces inquiétudes et j’y répondrai avec la plus grande franchise.

Comment peut-on un seul instant accuser le Gouvernement et la majorité d’attenter aux libertés s’agissant de la réforme de l’audiovisuel public ?

On peut formuler telle ou telle critique sur cette réforme, mais, monsieur Bel, la nomination du président de France Télévisions fera désormais l’objet d’auditions publiques dans votre assemblée, ce qui n’a jamais été le cas ! Personne ne peut dire qu’il s’agit d’un système moins démocratique que celui qui consistait à faire nommer par le Président de la République le président du CSA, lequel, ensuite, désignait avec son collège le président de France Télévisions ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. David Assouline. Il est incroyable d’entendre cela !

M. François Fillon, Premier ministre. Par ailleurs, vous qui êtes des femmes et des hommes de gauche, comment pouvez-vous affirmer que l’audiovisuel public sera plus soumis avec le financement public qu’avec le financement de la publicité, c'est-à-dire le financement des entreprises privées ? (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. David Assouline. C’est une caricature !

M. François Fillon, Premier ministre. Nul ne pensera un seul instant que les libertés publiques sont menacées ! D’ailleurs, je suis prêt à en faire le pari : personne ne remettra jamais en cause la suppression de la publicité sur France Télévisions. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On gagnera le pari !

M. François Fillon, Premier ministre. Pour ce qui est de l’atteinte aux libertés publiques, la réforme proposée par le Président de la République, et dont nous allons naturellement débattre longuement, vise à mieux protéger les droits individuels dans notre pays. Voilà quelques semaines, plusieurs d’entre vous se sont émus, à juste titre, lorsqu’un journaliste a été placé en garde à vue dans des conditions inacceptables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. Il y a quelques jours encore, nombre d’entre vous se sont inquiétés parce qu’une infirmière a été placée, sans raison, en garde à vue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et tous les jeunes qui sont en garde à vue, vous ne vous en souciez pas !

M. François Fillon, Premier ministre. Notre système n’est pas satisfaisant ; il est d’ailleurs en contradiction avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

C’est pourquoi le Président de la République a annoncé l’ouverture d’un débat afin, premièrement, de séparer la fonction de juge d’instruction de celle de juge chargé de l’enquête, sans toucher à l’indépendance des juges chargés de cette enquête et, deuxièmement, de mettre en place un habeas corpus pour interdire, à l’avenir, les situations que vous avez dénoncées avec raison, et pour lesquelles il faut bien prendre des décisions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est comme le droit de grâce !

M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, j’en viens au Parlement. Il se trouve que j’ai une longue expérience parlementaire, plus ancienne que nombre d’entre vous, s’agissant de l’Assemblée nationale. Je me suis opposé à un gouvernement de gauche et j’ai déposé des amendements pour essayer de faire durer les débats.

Plusieurs sénateurs socialistes. Ah !

M. François Fillon, Premier ministre. Jamais, avant la dernière législature, on n’a autorisé les parlementaires à déposer des amendements strictement identiques, avec simplement des signataires différents, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale !

M. Jean-Pierre Michel. C’est faux ! Rappelez-vous les nationalisations, les lois Auroux, en 1982 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez la mémoire courte, monsieur Fillon !

M. François Fillon, Premier ministre. Permettez-moi de vous rappeler une époque où des parlementaires de l’opposition s’étaient vu supprimer leur indemnité par le pouvoir parce qu’ils avaient osé mal parler du Président de la République. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Tout à fait !

M. François Fillon, Premier ministre. Nous n’en sommes pas là aujourd’hui ! Ce que nous proposons, c’est une organisation des débats qui permette à chacun de s’exprimer dans le respect de la Constitution…

M. Jean-Pierre Michel. Vous mentez et vous le savez !

M. François Fillon, Premier ministre. … et qui garantisse, évidemment, le droit d’amendement des parlementaires. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Pierre Michel. Vous êtes un menteur !

M. David Assouline. C’était lapidaire et peu convaincant !

M. Alain Gournac. Il n’y a que la vérité qui blesse !

emploi et actionnariat

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Les fêtes de fin d’année viennent de s’achever. Mais, partout en France, ils ont été des milliers à ne pas faire la fête. « Ils », ce sont les salariés des entreprises Renault, mis au chômage partiel et qui subissent un prélèvement de 0,15 % sur leurs salaires de novembre et décembre pour financer leur propre indemnisation de janvier ; « ils », ce sont les salariés de l’usine PSA de Rennes qui subiront dans les trois mois à venir cinq jours de chômage partiel, ou encore les salariés de PSA à Sochaux, à Aulnay-sous-Bois, qui, par centaines, sont condamnés au chômage technique. « Ils », ce sont aussi les salariés du textile, de la métallurgie ou encore de l’industrie pharmaceutique.

Votre gouvernement, qui s’est montré si prompt à réagir et à médiatiser son action, dès lors qu’il s’agissait de sauver les banques à grand recours de quelque 360 milliards d’euros, fait profil bas lorsque des salariés sont concernés !

Ainsi, c’est en toute discrétion, presque en cachette, que Christine Lagarde a signé un arrêté, publié le 3 janvier dernier au Journal officiel, dont le seul objet est de faciliter à l’employeur le recours au chômage partiel. Votre réponse à la crise, aux difficultés grandissantes des salariés de notre pays, se limite donc à une réduction des revenus de ceux-ci.

Alors que les Français souffrent de cette situation, les actionnaires du CAC 40 ont vu croître leurs bénéfices de près de 12 %. Les salariés mis au chômage partiel subissent, quant à eux, une baisse de leurs revenus de 40 % en moyenne.

Quant à l’extension des conditions de mise en place de ce mécanisme, elle est exclusivement financée par les salariés de notre pays. Vous faites ainsi payer à tous les salariés, au monde du travail, les conséquences d’une économie assise sur la spéculation et dans laquelle les travailleurs sont constamment la variable d’ajustement. Les grands patrons, les actionnaires, les spéculateurs sont toujours gagnants !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui ! Mais les ministres n’écoutent pas : ils s’en moquent !

Mme Éliane Assassi. Il faut donc agir pour protéger enfin les salariés de notre pays. Ils n’ont pas à payer les erreurs commises par quelques spéculateurs ! Chez Renault, par exemple, 1 % des dividendes des actionnaires suffirait à maintenir le salaire des 20 000 employés du constructeur concernés par le chômage technique.

M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !

M. Alain Gournac. Assez de baratin ! (Marques d’indignation sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Vous ne vivez pas la réalité du terrain, monsieur Gournac !

Notre collègue Alain Bocquet, député du Nord, a déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale une proposition de loi, que nous présenterons à notre tour au Sénat, tendant à partager prioritairement avec les salariés concernés par le chômage partiel les dividendes existants.

Ma question est donc simple : entendez-vous appliquer cette proposition, qui est une mesure de justice sociale attendue par des milliers de salariés de notre pays et constitue, dans les faits, la reconnaissance de la valeur travail ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout pour les actionnaires, rien pour les salariés !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Madame Assassi, les chiffres publiés en décembre sur les demandeurs d’emplois ne sont effectivement pas bons.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Personne ne peut le nier. Mais cette situation n’est pas spécifique à notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Tous les pays sont frappés et la recrudescence du chômage est encore plus forte en Espagne ou en Grande-Bretagne, par exemple.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mêmes causes, mêmes effets !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Face à ce constat, vous avez raison, madame la sénatrice, il faut réagir. C’est ce que nous faisons !

Outre la relance de l’activité économique, pour créer ou maintenir l’emploi, nous devons assurer la protection de nos compatriotes qui sont frappés par le chômage, même partiel.

Je citerai quelques chiffres pour vous prouver notre réactivité. Tout d’abord, nous avons mis en place, à la demande du Président de la République et dès le 1er octobre 2008, un plan de financement des PME. Car ce sont les entreprises qui créent l’emploi ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi et M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sont les salariés qui créent la richesse !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas l’entreprise !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. C’est une loi universelle et reconnue !

Ensuite, le plan de relance d’un montant de 26 milliards d’euros qui a été annoncé et dont l’Assemblée nationale délibère en cet instant même produira ses effets, n’en doutons pas !

Enfin, il fallait assurer la nécessaire protection des salariés frappés par telle ou telle restructuration. Là aussi, nous avons agi rapidement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Répondez à la question ! On vous parle du chômage technique !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Pour ce qui est des mesures d’accompagnement, nous avons notamment étendu à vingt-cinq bassins d’emploi le contrat de transition professionnelle. Vous n’en avez pas parlé et je le regrette !

Mme Éliane Assassi. Cela ne marche pas !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous avez cité l’indemnisation de l’activité partielle. Pardonnez-moi, mais je ne suis pas d’accord avec vous : il s’agit d’une très bonne mesure puisque l’indemnisation des salariés concernés passera de 50 % à 60 % de la rémunération brute.

M. Jean-Pierre Godefroy. Pendant six semaines !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cette disposition sera financée dans le cadre du plan de relance. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Enfin, je ne peux pas vous laisser dire que rien n’est fait en ce qui concerne l’intéressement. Le Parlement a adopté, il y a quelques semaines – vous le savez, puisque vous avez voté contre – une loi en faveur du travail …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a rien à voir !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. … qui encourage la mise en place d’accords d’intéressement dans les entreprises, mais qui instaure une condition pour les allégements de charges sociales.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, veuillez conclure !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Vous le voyez, nous avons agi dans deux domaines : la relance de l’activité économique et la protection de nos compatriotes. Je regrette que vous ne vous soyez jamais associés à ce type de mesures positives ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

réforme des juges d’instruction

M. le président. La parole est à Mme Catherine Dumas. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Catherine Dumas. Ma question s’adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice.

Madame le ministre, permettez-moi tout d’abord de vous adresser, au nom du groupe UMP, nos plus chaleureuses félicitations pour la naissance de votre petite Zohra. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Permettez-moi également de vous renouveler notre soutien le plus total à l’action réformatrice que vous menez avec courage et détermination. (Mêmes mouvements.)

Mme Catherine Dumas. Madame le ministre, le Président de la République, à l’occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, a annoncé qu’il était temps que le juge d’instruction cède la place à un juge de l’instruction qui contrôlera le déroulement des enquêtes, mais ne les dirigera plus.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est scandaleux ! C’est la mainmise du pouvoir !

Mme Catherine Dumas. En effet, le juge d’instruction, actuellement chargé de l’enquête pour les affaires judiciaires les plus graves, ne peut raisonnablement veiller, dans le même temps, à la garantie des droits de la personne mise en examen.

Le chef de l’État a insisté, lors de cette rentrée solennelle, sur la nécessité de placer le contradictoire au cœur de notre système judiciaire, qui doit être plus soucieux des libertés et mieux adapté aux évolutions de la police technique et scientifique. La procédure pénale ne peut plus avoir pour seul socle le culte de l’aveu : elle doit avoir le culte de la preuve.

Pouvez-vous, madame le garde des sceaux, nous apporter plus de précisions sur vos intentions en la matière et nous indiquer les grandes lignes directrices de cette réforme profonde de notre procédure pénale afin que, demain, les droits individuels soient mieux protégés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle n’est pas encore faite, cette réforme !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Sarkozy a déjà tout décidé !

M. le président. Bien entendu, l’ensemble du Sénat s’associe aux félicitations qui viennent d’être adressées à Mme la ministre. Zohra signifiant « étoile du berger », puisse celle-ci la conduire tout au long de sa vie ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Je vous remercie, monsieur le président, de ces félicitations qui me touchent beaucoup. Je remercie également l’ensemble des sénatrices et sénateurs, sur toutes les travées de la Haute Assemblée – ce n’est pas un sujet partisan –, des messages que j’ai reçus. Cette naissance a été pour moi un immense bonheur et je suis très émue que vous l’ayez partagé avec moi.

Madame la sénatrice, la question que vous posez a suscité de nombreuses interrogations à la suite du discours de Nicolas Sarkozy.

Le Président de la République a été élu sur un mandat clair : conduire des réformes ambitieuses. La réforme de la justice, notamment celle du code de procédure pénale, s’inscrit dans cette dynamique.

On se focalise sur la mesure relative au juge d’instruction. Mais il faut savoir que ce n’est qu’un volet de la réforme du code de procédure pénale. Chaque fois que des faits divers ou des situations dramatiques ont marqué l’actualité, le caractère obsolète et inadapté de notre procédure pénale a été unanimement dénoncé.

Il est indispensable de réformer le code pénal et le code de procédure pénale, afin de rendre sa cohérence au système et redonner la place qu’il mérite au principe du contradictoire, devenu une exigence pour tous.

Qui peut dire aujourd’hui qu’il ne faut pas réfléchir à l’évolution de la procédure pénale ? Qui peut soutenir raisonnablement que l’on peut se satisfaire de la protection des libertés individuelle en France ?

Le 14 octobre dernier, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, j’ai installé une commission qui est présidée par M. Philippe Léger. Cette commission poursuit ses travaux et il lui appartiendra de faire des propositions ambitieuses pour une réforme en profondeur de notre code de procédure pénale. À partir de ces propositions – et cela répond à la question de M. le président Bel –, tout le monde sera associé à la concertation, y compris les parlementaires.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce sera comme pour l’audiovisuel au Sénat ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Un débat extrêmement large sera organisé sur les propositions issues de cette commission.

Dès lundi prochain, je recevrai Philippe Léger pour revoir le calendrier, la méthode de travail et les points abordés dans le cadre de cette réforme du code de procédure pénale ; je recevrai également l’ensemble des membres de la commission et tous les acteurs concernés par cette réforme.

L’intérêt général doit absolument prévaloir, car si ce sujet fait l’objet d’une polémique, nous n’avancerons pas et nous ne ferons pas progresser les libertés individuelles, qui sont vraiment une exigence pour chacun d’entre nous.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Dans les affaires pénales les plus graves, qui font encourir les peines les plus lourdes à nos concitoyens, il est primordial que l’on puisse, d’abord, répondre à l’exigence de protection des droits des personnes mises en cause, ensuite, accorder une plus grande place aux victimes, enfin, permettre aux enquêteurs et à la défense d’être beaucoup plus efficaces. Tel est le sens de cette réforme du code pénal et du code de procédure pénale. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

suppression des juges d’instruction

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Ma question s’adresse à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et elle porte sur le même thème que la précédente.

Vous avez rappelé, madame le ministre, que le Président de la République avait été élu pour mener des réformes. Il faut vraisemblablement réformer la justice : des dysfonctionnements récents et fameux l’ont montré.

Au début de l’été, le Président de la République nous a convoqués en Congrès à Versailles pour réformer la Constitution afin de renforcer les droits du Parlement. Or j’ai l’impression que c’est l’inverse qui se produit. Ainsi le Sénat est-il appelé à examiner depuis hier un texte sur l’audiovisuel, dont l’une des mesures phares, à savoir la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, est d’ores et déjà une réalité.

À l’évidence, l’heure n’est pas au renforcement des droits du Parlement, et encore moins au respect et à la réhabilitation du travail parlementaire dont on a pourtant beaucoup parlé.

La manière dont, hier, le Président de la République a annoncé devant la Cour de cassation la suppression du juge d’instruction procède du même mépris du Parlement.

Madame le ministre, nous aimerions donc avoir, tant sur le fond que sur la forme, un certain nombre d’éclaircissements. Il faut nous en dire plus !

Le juge d’instruction sera remplacé par un juge de l’instruction. Soit ! Mais quelles seront les compétences et les prérogatives de celui-ci ? Comment la politique pénale sera-t-elle menée ? Aujourd’hui, ce sont les procureurs généraux, sous votre autorité, qui appliquent une politique pénale cohérente et homogène.

On entend parler de l’indépendance du parquet. Mais quelle sera la politique pénale mise en place sous la responsabilité de la représentation nationale ? Qu’en sera-t-il de la garde à vue ? Continuera-t-on à recourir à cette espèce de torture des temps modernes qui consiste à mettre les personnes en prison pour essayer de les faire avouer ? Donnera-t-on enfin à la défense les droits qu’elle mérite ? Les avocats de la défense pourront-ils accéder rapidement à l’ensemble des dossiers ?

Voilà toute une série de questions qui méritent désormais d’être posées puisque la réforme a été annoncée à l’opinion publique, avant même que le Gouvernement vienne la présenter aux parlementaires. Cela aurait pourtant été la moindre des choses dans une démocratie, dans une République, notamment après la révision constitutionnelle que nous avons votée l’été dernier.

Madame le ministre, au-delà de ce que nous venons d’entendre, pouvez-vous nous donner les grandes orientations du texte à venir, si tant est que vous les connaissiez ? (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) Pouvez-nous nous garantir que le Parlement sera consulté et que le débat aura bien lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat, et non devant l’opinion publique ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

M. Alain Fouché. Elle vient de le dire !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, il n’y a aucun mépris du Parlement, puisque la réforme du code pénal et du code de procédure pénale sera menée dans la plus grande concertation. Je vous rappelle que cette réforme est attendue par tous les Français, et ce depuis fort longtemps.

Transcendant les clivages politiques, cette question a figuré dans tous les programmes des partis et des candidats aux différentes élections, y compris l’élection présidentielle. Une réforme de la justice, en particulier du code pénal et du code de procédure pénale, est en effet systématiquement annoncée.

Ce sujet a toujours fait débat, en particulier à gauche, mais aucun consensus ne s’est dégagé, notamment à propos de l’indépendance du parquet. Sur ce point, on n’a jamais abouti, parce que l’on n’a pas voulu débattre du fond, mettre tous les problèmes sur la table et reconnaître que le système actuel n’est pas satisfaisant.

Les réformes auxquelles il a été procédé ne sont donc que de simples ajustements. Le code de procédure pénale a été modifié à vingt reprises, mais sans aucune cohérence d’ensemble.

M. Paul Raoult. Qui a fait ces réformes ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela a finalement abouti, vous le savez très bien, à une multitude de régimes de garde à vue et de procédures d’instruction.

À chaque fois que l’on considère qu’une affaire ne se passe pas bien ou que le principe de proportionnalité risque de ne pas être respecté, on polémique, mais sans vraiment s’intéresser aux questions de fond.

M. Jean-Pierre Bel. La droite est au pouvoir depuis sept ans !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La réforme du code pénal et du code de procédure pénale figurait clairement dans le programme du Président de la République. Je vous y renvoie, car la volonté de Nicolas Sarkozy était de tout dire avant pour tout faire après !

Donc, le débat parlementaire aura bien lieu (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.).

M. Jean-Pierre Godefroy. Comme pour l’audiovisuel…

M. Simon Sutour. Vous n’aurez pas le choix !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est même obligatoire en pareille circonstance : cette réforme ne pourra se faire sans le Parlement !

M. Jean-Pierre Bel. Vous nous rassurez !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela étant, la concertation sera menée le plus largement et le plus en amont possible. Je l’ai dit, je procéderai aux premières consultations dès lundi prochain. Dans le même temps, la commission présidée par M. Philippe Léger continue à mener de nombreuses auditions, y compris de parlementaires. Vous pouvez tout à fait demander à être auditionné, monsieur Baylet ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

situation au proche-orient

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Aujourd’hui, les roquettes du Hamas continuent de tomber sur la population du sud d’Israël et celles du Hezbollah sur la population du Nord.

Aujourd’hui, les civils continuent d’être les victimes terriblement nombreuses des bombardements israéliens et de l’offensive terrestre à Gaza.

Au Proche-Orient, les gestes de la diplomatie internationale se heurtent à des réalités meurtrières.

Oui, il faut obtenir un cessez-le-feu ; oui, il faut créer, là, dans l’urgence, des couloirs humanitaires. Car jamais on n’a vu une guerre de cette intensité où 1,5 million d’êtres humains, dont 700 000 enfants, privés d’eau potable, d’électricité, de médicaments, de vivres ne peuvent fuir les bombes.

Mme Nathalie Goulet. Absolument !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je voudrais ici rendre hommage aux agents de l’ONU, de la Croix-Rouge et des ONG, qui secourent les victimes, et aux journalistes, qui bravent le blocus de l’information.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais l’urgence est aussi de sortir de cette spirale, qui, après chaque négociation en trompe-l’œil, après chacune des guerres qui suit, laisse les Israéliens plus inquiets de l’avenir de leur pays et les Palestiniens plus dominés, appauvris sur un territoire mité par les colonies ou soumis au blocus.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Madame la secrétaire d’État, la France préside actuellement le Conseil de sécurité des Nations unies. Elle doit obtenir une résolution de cessez-le-feu contraignante, j’y insiste, pour les deux parties, sous peine de sanctions. C’est ce que demande le parti socialiste.

Ensuite, le Conseil de sécurité doit s’attaquer au fond du problème : faire adopter une résolution destinée à définir les sanctions encourues par ceux qui, à l’avenir, viendraient à violer la légalité internationale construite par les résolutions des Nations unies, aussi bien celle qui a créé l’État d’Israël en 1948 que toutes celles qui devraient garantir les droits du peuple palestinien.

En effet, il n’y aura de paix que fondée à la fois sur la création d’un véritable État palestinien et sur la garantie de sécurité pour l’État d’Israël. La seule solution est politique.

Madame la secrétaire d’État, nous demandons que soit inscrit à l’ordre du jour du Sénat un débat sur cette guerre, et ce dès le début de la semaine prochaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Madame Cerisier-ben Guiga, vous avez raison, devant le drame humanitaire que connaît Gaza, la politique partisane n’a plus lieu d’être, et il est donc tout à fait légitime que la représentation nationale souhaite débattre d’un sujet qui touche tous les Français, quelles que soient leur sensibilité et leur appartenance.

Les chiffres sont, en effet, éloquents et tragiques : aux victimes israéliennes des tirs de roquette du Hamas, qui sont une menace quotidienne pour les populations, viennent s’ajouter, à ce jour, plus de 700 Palestiniens tués, dont 220 enfants, et plus de 3 000 blessés.

Je n’évoquerai même pas le bilan économique, alors que, nous le savons tous, la solution passera par l’édification d’un État palestinien viable.

Face à une réalité aussi dramatique, personne ne saurait détenir, à lui seul, les clés de la solution. Mais personne, non plus, ne saurait rester inactif et immobile, au risque de faillir à ses responsabilités.

Madame la sénatrice, vous en conviendrez avec moi, le Président de la République a su répondre à sa mission d’homme d’État et à l’attente des Français en faisant preuve d’un engagement de tous les instants pour tenter d’enrayer l’engrenage infernal de la violence et pour enclencher un processus de sortie de crise, comme le prouve le projet de plan de paix franco-égyptien.

Dans ces conditions, la contribution des représentants de la nation est évidemment essentielle. Un débat aura donc bien lieu au Parlement dans les prochains jours, ainsi que l’a souhaité hier soir la conférence des présidents de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mmes Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari, MM. Jean-Pierre Plancade et Hervé Maurey applaudissent également.)

M. le président. Le Sénat se tient en étroit contact avec le Gouvernement pour fixer la date de ce débat.

plan franco-égyptien pour la paix

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cambon. Depuis plus de douze jours, en réponse aux tirs de roquettes du Hamas contre les populations du sud d’Israël, les bombardements de la bande de Gaza par l’armée israélienne atteignent une rare intensité.

L’armée israélienne a lancé également sur Gaza une offensive terrestre, qui n’a fait qu’aggraver la situation des populations civiles.

En réplique, cette nuit même, des roquettes ont été tirées à partir du Liban sur le nord d’Israël, faisant craindre une escalade militaire, donc une extension du conflit.

Lundi et mardi, le Président de la République a effectué une mission très importante au Moyen-Orient pour contribuer au rétablissement du dialogue entre les deux parties, afin que cessent les combats et les violences de part et d’autre.

Cette initiative du Président de la République, saluée de manière unanime, bien au-delà de notre territoire national, a replacé sans conteste la France, donc l’Europe, au cœur du processus de négociations.

Concrètement, ce voyage a permis d’élaborer un plan de paix franco-égyptien, résultat d’une véritable coopération avec le président Moubarak, à qui il convient également de rendre hommage. Nous nous félicitons des premiers résultats concrets de ce plan de paix et de l’accueil positif qui lui a été réservé par l’Autorité palestinienne, par l’État hébreu, ainsi que par les États-Unis.

Nous espérons que le Gouvernement saura faire fructifier cette initiative de la France, tout en coopérant avec la nouvelle administration américaine. Néanmoins, l’inquiétude demeure.

Madame la secrétaire d’État, ne pensez-vous pas qu’il est maintenant nécessaire d’engager un processus de paix négocié avec tous les acteurs politiques de la zone ?

Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement quant à la participation éventuelle de la France au déploiement d’une force internationale de maintien de la paix et à la mise en œuvre d’un contrôle international de la frontière entre l’Égypte et la bande de Gaza, pour mettre un terme à la contrebande d’armes qui sévit dans cette zone ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme. Monsieur Cambon, comme vient de le faire le Premier ministre, je voudrais, tout d’abord, condamner très fermement les tirs de roquette depuis le Liban. Une escalade au sud Liban serait lourde de conséquences pour l’ensemble de la région.

Nous sommes également très préoccupés par la poursuite et l’élargissement des opérations militaires israéliennes dans le sud de la bande de Gaza. Nous rappelons l’urgence d’un arrêt total des tirs de roquette.

Comme vous l’avez indiqué, le Président de la République s’est mobilisé personnellement, sans relâche. Il a eu hier encore des entretiens téléphoniques avec ses homologues égyptien, tchèque, saoudien, qatarien et syrien, ainsi qu’avec les premiers ministres turc et israélien.

Par ailleurs, M. Bernard Kouchner préside aujourd’hui les discussions qui ont lieu au Conseil de sécurité des Nations unies.

Les efforts du Président de la République ont permis d’initier une dynamique, et ce sur plusieurs plans.

Sur le plan humanitaire, d’abord, Israël a donné son accord pour l’ouverture d’un corridor humanitaire et la mise en place d’une trêve de trois heures par jour.

Sur le plan politique, ensuite, la France se réjouit que le plan franco-égyptien ait été accueilli favorablement par les parties. Elle appuie, bien évidemment, les efforts de l’Égypte, qui accueillera sous peu une délégation israélienne pour définir les modalités de sécurisation de la frontière entre Gaza et l’Égypte, notamment la lutte contre la contrebande d’armes.

C’est le point de départ de l’initiative franco-égyptienne, qui doit déboucher sur un arrêt complet des hostilités et enclencher une dynamique de sortie de crise. Cela suppose donc la levée du blocus.

Quant au règlement durable du conflit, il sera le fruit d’une négociation entre toutes les parties qui souhaitent sincèrement la paix.

Monsieur le sénateur, vous posez la question de la participation de la France à des dispositifs permettant de garantir la sécurité. Notre pays a toujours dit qu’il était disposé à reprendre sa participation à la mission d’assistance frontalière de l’Union européenne à Rafah et, au besoin, à l’étendre aux autres points de passage. L’ouverture régulière et contrôlée de l’ensemble des points de passage est, en effet, une priorité pour assurer la normalisation de la situation et le passage des biens humanitaires et des personnels.

La France est également disposée à renforcer son concours aux arrangements de sécurité, selon des modalités qui dépendront de l’accord auquel parviendront l’Égypte, Israël et, bien sûr, l’Autorité palestinienne.

À plus long terme, enfin, et comme le Président de la République l’avait annoncé à la Knesset le 23 juin, la France est disposée à participer à une force internationale pour accompagner, dans le cadre d’un accord entre Israël et l’Autorité palestinienne, le retrait de l’armée israélienne des territoires palestiniens. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Solidité du plan de relance

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Martial Bourquin. Nous sommes nombreux, sur les travées de cette assemblée, à nous trouver aux premières loges s’agissant de la grave crise industrielle que nous vivons, crise aux conséquences humaines tragiques.

Ma collègue Mme Éliane Assassi a évoqué longuement ...

Un sénateur de l’UMP. Trop longuement !

M. Martial Bourquin. ... la situation de beaucoup entreprises. Je trouve pour le moins inopportun qu’elle ait été interrompue, alors qu’il existe dans notre pays une véritable angoisse et une urgence sociale que l’on ne peut négliger.

Des millions de Français sont dans une situation extrêmement préoccupante et on ne saurait sous-estimer cette réalité. Dans les entreprises, les suppressions d’emplois sont massives. Il est donc pour le moins déplacé de chahuter l’une de nos collègues lorsqu’elle évoque la conjoncture actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Nous ne pouvons, dans cet hémicycle, ignorer la réalité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas leur problème !

M. Martial Bourquin. Pour répondre à cette crise, vous avez érigé une succession de digues de sable, que vous avez baptisées « plan de relance ».

M. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l'industrie et de la consommation, a déclaré mardi dernier qu’ « acheter une voiture est un acte citoyen ». (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.) Cette formule illustre l’inadéquation de l’approche gouvernementale de la crise automobile actuelle, et de la crise en général. En d’autres temps, Marie-Antoinette suggérait aux affamés de manger de la brioche : c’est un peu la même chose !

Les chômeurs, celles et ceux qui craignent de perdre leur emploi, qui ont peur de l’avenir et qui ne peuvent pas acheter un véhicule sont-ils des demi-citoyens ?

Lorsqu’on garde une voiture plus de dix ans, c’est non pas par choix, mais parce que l’on ne peut pas en acquérir une neuve ! Si vous voulez que nos concitoyens puissent acheter un véhicule neuf, il faut leur donner du pouvoir d’achat. Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prévues pour relancer le pouvoir d’achat ? C’est la question essentielle !

M. Martial Bourquin. Que compte-t-il faire pour que les banques s’impliquent réellement et proposent des taux de crédit décents ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y en a que pour les actionnaires !

M. Martial Bourquin. Aujourd’hui, pour l’achat d’une automobile, les taux de crédit sont de 6 % à 8 % !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Martial Bourquin. Il faut également préparer l’avenir de l’industrie automobile en concevant le véhicule propre de demain, et aider beaucoup plus sensiblement les pôles de compétitivité.

La politique économique ne s’oppose pas à la politique sociale. Or j’ai l’impression que vous pensez l’économie contre le social.

Une sénatrice de l’UMP. Ce n’est pas une question !

M. Martial Bourquin. C’est au contraire avec une grande politique sociale que nous mènerons une grande politique économique.

Albert Camus disait : « La vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent ». Quand allez-vous redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens ? Quand allez-vous défendre nos territoires ? L’espoir et la confiance en l’avenir sont à ce prix ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui ne se préoccupent pas du pouvoir d’achat et, de l’autre, ceux qui ne pensent qu’à cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Lagarde a dit qu’il fallait acheter des manteaux ! Pour ce faire, il faut du pouvoir d’achat !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Je tiens à vous livrer quelques chiffres. Qui a décidé de verser une prime exceptionnelle de 220 euros pour les titulaires du RMI et de l’ASS ? Qui a décidé de verser dans trois mois, en avril prochain, une prime de solidarité active de 200 euros en anticipation du revenu de solidarité active, ce RSA qui n’a d’ailleurs pas été voté sur toutes les travées de cette assemblée ? Qui a décidé de revaloriser le minimum vieillesse et les pensions de réversion des plus modestes de près de 11 % ?

M. Jacques Mahéas. Et les 15 milliards d’euros pour le bouclier fiscal ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. J’en viens au cœur de votre question, monsieur le sénateur : le secteur automobile. Eh bien, parlons-en !

Vous le savez, la crise n’affecte pas uniquement la production automobile française : la récession a frappé le secteur automobile dans toute l’Europe.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La même politique produit les mêmes effets !

M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Cependant, le marché automobile français s’est mieux tenu au cours de l’année 2008 que les autres marchés européens.

M. Martial Bourquin. Tout va bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Non, mais telle est la réalité économique ! Faut-il s’en contenter ? Absolument pas, et vous avez raison, monsieur le sénateur, d’insister sur les inquiétudes de nos concitoyens.

Face à cette crise, le Gouvernement a réagi ! Si le secteur automobile français s’en est mieux sorti que d’autres, c’est parce que nous avons pris des mesures, notamment celle du bonus-malus. Le Président de la République a également annoncé, dès le 4 décembre, la mise en place d’une prime à la casse, qui produit de bons résultats et qui stimule la demande.

Il faut, bien sûr, aller plus loin, en prenant des mesures concernant l’offre. C’est précisément ce que nous avons fait ! Le Président de la République a confié à Luc Chatel – votre remarque à son endroit est très injuste ! – une mission dont les conclusions sur les mesures structurelles à prendre en matière d’offre automobile seront rendues publiques à la fin du mois de janvier. Par ailleurs, des états généraux se tiendront à Bercy sur ce point dès le 20 janvier.

Nous sommes conscients que nous devons adapter l’offre automobile. Nous allons réagir pour permettre à notre industrie automobile de surmonter les difficultés. Vous devez regarder ce que nous faisons et ne pas vous contenter de critiquer des mesures qui, pour l’instant, ont produit de bons résultats sur le marché automobile ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce n’est pas vrai !

Risque de crise énergiétique pour la France

M. le président. La parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait. Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Nous traversons actuellement une période hivernale difficile et tous les producteurs d’énergie sont extrêmement sollicités. Dans ce contexte, un conflit vient de naître entre la Russie et l’Ukraine à propos de l’approvisionnement en gaz : l’Ukraine a vu se fermer les robinets de la société Gazprom. Ce conflit, qui ne devait avoir qu’un impact local, retentit maintenant sur l’Europe de l’Est, et la France risque également d’être touchée. En effet, 40 % du gaz russe est exporté vers l’Europe, dont 80 % via l’Ukraine.

Monsieur le ministre, nous ne sommes peut-être pas concernés directement par ce conflit, compte tenu de la multiplicité de nos fournisseurs, mais pouvez-vous nous faire part des analyses du Gouvernement sur ce conflit s’agissant de la France, d’une part, et de l’Europe, d’autre part, sachant que certains pays de l’Est connaissent des situations extrêmement difficiles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, le Président de la République et le Premier ministre sont extrêmement vigilants sur ce sujet, qui comporte trois dimensions.

Tout d’abord, s’agissant de la situation énergétique de notre pays, nous pouvons rassurer nos concitoyens, les ménages comme les entreprises : grâce au mix énergétique français, qui est extrêmement diversifié, nous ne courons aucun risque au cours des mois à venir, 85 % de notre approvisionnement gazier provenant d’autres sources que celle de la Russie via l’Ukraine.

Une réunion s’est tenue hier avec le Premier ministre et Gérard Mestrallet : Suez–Gaz de France a accentué ses approvisionnements en provenance du nord de l’Europe, essentiellement de Norvège, et de l’Algérie. En outre, nous disposons de stocks extrêmement importants.

Ensuite, pour ce qui de la sécurité des contrats en Europe, qui englobe les rapports avec les différentes entreprises, dont Gazprom, le Premier ministre a exprimé hier la position française : le non-respect de ces contrats est inacceptable. Le Président de la République, lors d’une conférence de presse en présence de Mme Angela Merkel, a appelé aujourd’hui Gazprom et la compagnie ukrainienne à trouver un accord dans les plus brefs délais, nos contrats d’approvisionnement devant être honorés en tout état de cause.

Enfin, en ce qui concerne la solidarité européenne et la sécurité énergétique de l’Europe, la présidence française a commencé à travailler sur ce sujet. La présidence tchèque considère cette question comme une priorité, qui se décline en trois points : la capacité d’aider rapidement tel ou tel pays, dans la mesure où les situations énergétiques, donc les risques d’incidents, sont très variables ; les interconnexions de toute nature ; l’amélioration de l’efficacité énergétique, qui consiste globalement à réduire les besoins.

Nous réfléchissons à un développement des infrastructures respectueuses de l’environnement. Mais nous aurons besoin, en tout état de cause, d’infrastructures et d’interconnexions.

Il s’agit d’une question technique, commerciale, financière, politique, et de solidarité à l’égard des autres Européens.

Des observateurs devraient partir demain pour surveiller l’approvisionnement. Le comité des représentants permanents, ou COREPER, se réunit aujourd’hui à quinze heures pour définir les modalités pratiques. Et je me rendrai lundi prochain au Conseil européen de l’énergie convoqué en urgence par la République tchèque si, par extraordinaire, la situation n’était pas rétablie. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Plan de lutte contre l'escroquerie

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Panis.

Mme Jacqueline Panis. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

Madame la ministre, avec l’évolution de notre société, les faits de délinquance se multiplient et il ne se passe pas un jour sans que l’on découvre de nouvelles formes d’escroquerie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme Alliot-Marie nous a dit le contraire !

Mme Jacqueline Panis. La grande toile de l’internet, qui a entraîné une prolifération des échanges à l’échelle du globe, est un vecteur de ces nouvelles formes de délinquance ; nous sommes loin d’en connaître tous les aspects, et pouvons donc difficilement les maîtriser et les combattre efficacement.

J’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi visant à pénaliser l’usurpation d’identité numérique, pratique qui est l’une des sources de la délinquance financière lucrative. À ce jour, seules les conséquences de cette délinquance sont pénalisées. La multiplication des arnaques s’accroît donc.

Chacun a entendu parler de telle personne abusée, faute d’une vigilance suffisante, par des escrocs ayant récupéré ses coordonnées bancaires via le net, ou de telle autre, à laquelle on a fait miroiter un gain substantiel moyennant un petit « coup de pouce » pour récupérer une forte somme d’argent. Ces messages sont en général envoyés à partir de pays africains.

Par ailleurs, savez-vous qu’à ce jour 62 % des parents ne savent pas que leur enfant tient un blog ! Or, parmi les blogueurs se trouvent des adultes qui se font passer pour des enfants, ce qui représente un danger de détournement de mineurs et d’adolescents.

Lorsque vous nous avez annoncé avant-hier, madame la ministre, votre plan de lutte contre les escroqueries, je me suis réjouie de cette initiative d’État témoignant d’une réactivité salutaire pour nos concitoyens. Pouvez-vous le détailler et nous préciser l’ampleur que vous souhaitez donner à ces mesures ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la sénatrice, nous découvrons en effet, jour après jour, de fausses offres de participation à des successions, des captations d’identité, des récupérations de numéros de cartes bancaires, le tout au détriment d’un certain nombre de personnes trop généreuses ou naïves, en tout cas fragiles.

Alors que la tendance est à une baisse générale de la délinquance, notamment de la délinquance de proximité, on constate une explosion des escroqueries sur internet : sur un an, elles ont augmenté de près de 20 %.

Il convient donc de réagir, notamment parce que ce sont les plus fragiles qui sont visés, et tel est l’objet du plan que j’ai présenté.

Il importe, d’abord, de prévenir de tels actes en donnant des informations aux personnes et, ensuite, d’agir.

S’agissant de l’information, nous allons distribuer une plaquette qui sera disponible dans tous les services accueillant le public, tels les commissariats de police, les préfectures ou les bureaux de poste. En décrivant des exemples d’escroqueries, ce document permettra d’alerter toute personne qui se verra proposer sur internet de soutenir l’action pour la démocratie dans un pays africain, de participer à un héritage en aidant au paiement des droits de succession, voire d’acheter une voiture.

Á titre complémentaire, nous avons mis en place un numéro de téléphone accessible au prix d’un appel local et largement diffusé puisqu’il figure sur ladite plaquette. Ainsi, la personne qui craint d’être victime d’une escroquerie pourra contacter des policiers ou des gendarmes qui la guideront, lui donneront les renseignements, la mettront en garde et lui indiqueront les procédures à suivre pour se défendre.

Mais il faut aller au-delà ! C’est la raison pour laquelle j’ai créé une plateforme. Opérationnelle depuis le début de la semaine, elle permet de signaler immédiatement les tentatives d’escroqueries sur internet, que la personne soit directement visée ou qu’elle ait identifié un site sur lequel il lui semble qu’une escroquerie est en train de se mettre en place.

En agissant immédiatement, on peut bloquer une tentative dont la vocation pourrait être plus générale puisque les escroqueries ont souvent lieu en série ou au travers de réseaux.

Bien entendu, nous ne devons pas nous contenter d’agir au niveau national, car des sites trouvent leur origine à l’étranger, en Afrique et en Europe de l’Est, par exemple. J’ai donc proposé, voilà deux mois, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, la création d’une plateforme européenne destinée à signaler les sites illicites. Adossée à Europol, elle voit son financement partiellement assuré par la Commission européenne et nous permet d’étendre le champ de notre opération.

Nous disposons donc de toute une série de dispositifs visant à protéger contre les escroqueries et les abus de confiance nos concitoyens, notamment les plus fragiles parce que les moins informés.

M. le président. Nous en avons fini avec les questions d’actualité au Gouvernement.

4

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès brutal de notre ancien collègue Roger Besse, qui fut sénateur du Cantal de 1989 à 2008. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Nous gardons tous ici le souvenir d’un homme de cœur, d’un homme d’une grande courtoisie qui fut longtemps le rapporteur de la commission des finances pour les crédits de l’aménagement du territoire. Il fut également, pendant de nombreuses années, le représentant du département du Cantal au Sénat. Nous l’appréciions tous, sur l’ensemble des travées de cette assemblée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq,

est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Communication audiovisuelle

Nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public

Suite de la discussion d’un projet de loi et d'un projet de loi organique déclarés d’urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence.

projet de loi

Exception d’irrecevabilité

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Assouline et Bel, Mmes Blandin et Bourzai, M. Lagauche, Mmes Lepage, Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1 rectifiée.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).  

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la motion.

Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, la motion que je présente au nom du groupe socialiste, apparentés et rattachés est fondée sur les motifs d’irrecevabilité suivants.

D’abord, les dispositions des articles 20 et 21 instaurant de nouvelles taxes pour certaines catégories de citoyens sont intrinsèquement discriminatoires et contraires au principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant les charges publiques.

Ensuite, les dispositions de l’article 18 supprimant la publicité aux heures de grande écoute sur les antennes de France Télévisions font dépendre le financement de la télévision publique du budget de l’État et remettent en cause l’indépendance de ce secteur.

De même, les dispositions de l’article 8 prévoyant la nomination des présidents des sociétés du secteur public de l’audiovisuel sont contraires aux exigences posées par l’article 34 de la Constitution, qui confie au législateur le soin de fixer les règles garantissant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier.

Enfin, de nombreuses dispositions, telles que la suppression de la référence aux différentes chaînes et donc au maintien du périmètre de France Télévisions, remettent en cause le pluralisme.

Comment croire que nos médias du secteur public seront plus indépendants ?

Comment le croire, alors que l’on met fin au double système de financement dont bénéficiait France Télévisions, système qui lui permettait jusqu’à présent tout juste d’être en équilibre financier mais, hélas ! en sous-financement chronique par rapport aux ambitions affichées ?

Comment le croire alors que l’on laisse s’accumuler les déficits, qui ont atteint 100 millions d’euros l’année dernière depuis l’annonce de la suppression de la publicité et qui devraient, selon les prévisions, atteindre 130 millions d’euros pour 2009 ?

Comment le croire alors que l’on supprime aussi radicalement la publicité en début d’année et que l’on se prive donc d’une des ressources principales de la télévision publique sans que des alternatives de financement n’existent jusqu’à la mise en œuvre de la loi ?

Comment le croire alors que l’on lie complètement l’avenir de l’audiovisuel public à une compensation publique aléatoire selon les budgets annuels et les recettes perçues, recettes incertaines puisque les taxes proposées sont attaquables devant le Conseil constitutionnel ?

Pour notre part, nous n’y croyons pas !

En outre, il s’agit aussi, selon nous, d’une erreur économique grave, qui va bouleverser et déstabiliser tout le secteur de l’audiovisuel public.

Dans le contexte actuel de crise économique, il est incompréhensible que cette décision soit prise dans la précipitation, qui plus est sans que les règles élémentaires de la démocratie représentative soient respectées puisqu’une partie des mesures contenues dans le projet de loi ont été mises en œuvre avant même que le Sénat se prononce !

M. le Premier ministre et Mme la ministre de la culture et de la communication annoncent qu’ils mettront en place un financement pérenne assuré, d’une part, par le budget de l’État et, d’autre part, par l’institution d’une taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision ainsi que d’une taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques, tout en nous assurant que ce financement ne sera pas à la charge de l’usager.

Permettez-nous d’en douter !

Tous nos interlocuteurs que concernent ces taxes sont formels.

Dans le contexte économique de la publicité, qui est dépressif, si les chaînes de télévision privées sont taxées, elles financeront moins la création. Cela aura non seulement des conséquences sur la qualité du paysage audiovisuel mais aussi des effets graves sur le plan économique et social, car, derrière, il y a des femmes et des hommes qui se battent courageusement pour la création et pour conserver leur emploi.

Quant aux opérateurs de télécoms français, ils envisagent de diminuer les investissements ou alors d’augmenter directement la facture de l’abonné, en y faisant d’ailleurs figurer clairement la nouvelle taxe.

Du bluff, me direz-vous, mais je n’en suis pas si sûre : au final, c’est bien le client qui paiera la taxe !

Dans ce secteur fortement concurrentiel, cela aura d’importantes conséquences sur les capacités d’investissement dans la fibre optique, le haut débit mobile et la couverture numérique du territoire.

Ce sont les usagers qui souffriront de cette baisse des investissements, et notamment ceux qui habitent les zones les moins rentables, par exemple les zones rurales, les zones périphériques, comme l’a dit hier M. Virapoullé, ou les zones de montagne.

Cette situation va donc aggraver la fracture numérique entre nos territoires.

Il faut aussi reconnaître que, pour l’instant, la fourniture du service audiovisuel par des opérateurs de communications électroniques n’est que peu répandue.

Ainsi, ce service représente moins de 1 % de leur chiffre d’affaires. Ce secteur n’est donc pas complètement concerné par ce projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et pourtant on veut en faire l’un des principaux contributeurs.

De notre point de vue, il eut été plus intéressant, plus efficace et plus logique de leur demander de s’engager à réaliser les investissements nécessaires à la couverture numérique du territoire qu’ils laissent le plus souvent à la charge des collectivités territoriales que sont les départements et les régions. Cela aurait d’ailleurs pu faire partie du plan de relance de l’économie, qui ne comporte aucune mesure permettant de promouvoir l’économie numérique.

Des juristes indépendants et des professeurs renommés se sont déjà penchés sur la constitutionnalité des articles 20 et 21 du projet de loi qui nous est soumis et ils sont formels : ces taxes paraissent irrémédiablement contraires à la Constitution.

D’abord, ces taxes sont non affectées au financement de l’audiovisuel public et sont donc destinées au budget général. À ce titre, elles sont gravement attentatoires au principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques inscrit dans l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui impose que la contribution commune soit équitablement répartie entre tous les citoyens, à raison de leurs facultés.

Pourquoi, en effet, parmi toutes les entreprises qui acquittent déjà l’impôt sur les sociétés en isoler quelques-unes pour les soumettre à un impôt spécifique supplémentaire ? Ces taxes seraient donc intrinsèquement discriminatoires.

Et même si ces taxes étaient affectées, elles seraient contraires au principe d’égalité puisque de nombreuses sociétés visées n’ont aucun lien avec la diffusion de programmes audiovisuels, ce qui, de fait, devrait les exclure du périmètre de la taxe. D’autant plus qu’il y a rupture de l’égalité devant l’assiette de cette taxe qui est constituée, pour l’essentiel, par le chiffre d’affaires et non par la réelle capacité contributive de ces sociétés.

Un recours devant le Conseil constitutionnel aura donc toutes les chances d’aboutir. Dans ce cas, madame la ministre, quelles solutions proposerez-vous pour compenser les pertes de France Télévisions ?

M. David Assouline. Ce sera la publicité !

Mme Bernadette Bourzai. Peut-être la redevance que vous n’avez pas voulu augmenter jusque-là ?

Dans ces conditions d’insécurité juridique, on ne peut pas parler de financements pérennes pour l’audiovisuel public. C’est donc la remise en cause de son indépendance, voire de sa survie, contraire à l’article 34 de la Constitution révisée depuis le 23 juillet dernier.

D’autant que le montage financier du plan d’affaires met aussi en avant une économie à court terme de 100 millions d’euros. Du fait de la restructuration des services et des filiales de France Télévisions et de la création d’une entreprise unique, on ferait des économies d’échelle et on supprimerait des prétendus doublons. En fait, les audits montrent plutôt qu’il n’y aura pas de bénéfice immédiat et que dans un premier temps l’entreprise unique va coûter de l’argent du fait des modernisations qui sont nécessaires pour le projet de média global, notamment.

D’ailleurs, la commission Copé avait bien précisé que cette nouvelle ambition, en termes de service public de l’audiovisuel, devait « être associée aux moyens budgétaires nécessaires à sa mise en œuvre », ce qui comprend « la compensation des recettes publicitaires » ainsi que « la mobilisation des ressources nécessaires au développement et au rayonnement de France Télévisions ».

Or vous ne parlez plus de ressources supplémentaires. Quant à la simple compensation des recettes publicitaires, on ne sait pas si elle sera intégrale.

Permettez-moi de revenir un instant sur la taxe sur la publicité diffusée par les chaînes de télévision privées, qui permettrait de financer l’audiovisuel public. Selon moi, il est évident qu’elle sera contre-productive et qu’elle aurait dû être écartée d’emblée.

En effet, si nous raisonnons à plus long terme, le produit de cette taxe sera plus élevé si le chiffre d’affaires des chaînes privées progresse et donc si leur audience s’accroît ; cette constatation conduit à espérer que l’audience de TF1 et de M6 augmente pour que le financement des chaînes publiques soit suffisant et, par conséquent, que l’audience des chaînes publiques diminue, par l’effet des vases communicants ! On aura donc des chaînes publiques soit avec beaucoup d’audience mais peu de financement, soit avec peu d’audience et un financement important. Dans un cas comme dans l’autre, la tentation sera forte de privatiser une chaîne ou de la faire disparaître. Quelle logique !

Mais n’est-ce pas, au final, l’objectif à peine caché poursuivi depuis plus d’un an, à savoir favoriser les chaînes privées quitte à saborder le service public de la télévision et de la radio ?

Pour s’en sortir financièrement, l’audiovisuel public serait donc réduit à espérer perdre des spectateurs ! Telle n’est pas, heureusement, la volonté des dirigeants de France Télévisions, qui nous ont assuré avoir pour objectif d’atteindre l’audience la plus large possible. Encore faut-il leur en donner les moyens !

Par ailleurs, ce projet de loi ne nous donne aucune garantie que toutes les chaînes publiques seront maintenues et que les spectateurs continueront d’avoir un large choix de programmes à regarder puisqu’il ne comporte aucune référence aux différentes chaînes publiques – France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO – comme composantes de l’entreprise unique.

De ce fait, le périmètre de France Télévisions n’est pas du tout garanti dans le projet de loi. Le financement étant, comme nous l’avons vu, plus qu’incertain, nous avons toutes les raisons d’être inquiets quant au maintien de l’identité éditoriale de chaque chaîne. À terme, cela aura sans aucun doute des conséquences sur le pluralisme des médias et sur l’offre proposée aux téléspectateurs. Pour nous, c’est inacceptable !

Nous avons plus précisément des inquiétudes sur l’avenir de France 3, chaîne généraliste qui assure aussi une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux.

C’est vraisemblablement la chaîne qui a subi le plus de bouleversements dans sa grille de programmes d’information depuis le 5 janvier dernier, mais à moyens et effectifs constants. Le journal local est diffusé désormais à 18 heures 40 et n’est plus rediffusé à 19 heures 55, comme c’était le cas auparavant, afin de libérer du temps d’antenne pour la publicité avant 20 heures, puisque c’est le créneau qui se vend le plus cher ! Le journal régional est allongé d’environ cinq minutes mais sans moyens et sans équipe supplémentaires. Une nouvelle édition régionale de cinq minutes a été incluse dans le Soir 3 national à 22 heures 30 – c’est une bonne chose –, mais elle devra être bouclée à 20 heures 30, faute de moyens, d’où une incapacité à réagir si un événement se produit en début de soirée.

Cette tension sur les moyens budgétaires et humains disponibles va avoir des conséquences sur la qualité de l’offre d’information de proximité à laquelle les téléspectateurs régionaux sont pourtant très attachés. Marie-Christine Blandin en a parlé hier et j’aurais pu développer l’exemple de France 3 Limousin Poitou-Charentes dont l’édition régionale est la plus regardée en France.

Vous semblez sous-estimer, madame la ministre, cet attachement à une télévision régionale de proximité que les habitants et leurs élus ne se résigneront pas à voir disparaître.

Rappelons, à ce propos, que l’engagement initial du Président de la République n’a pas été tenu, puisque la publicité devait être maintenue sur France 3 régional afin de panacher les financements, d’assurer l’indépendance et de financer ces nouveautés de programmation.

Comme cela a déjà été indiqué, il y a de vrais aspects pervers de cette réforme depuis le 5 janvier.

La suppression, par exemple, de la rediffusion du journal local avant 20 heures sur France 3 est significative de la schizophrénie qui se développe à France Télévisions du fait de la suppression brutale de la publicité après 20 heures sans garantie, pour l’instant, d’une juste compensation.

Sur France Télévisions, le téléspectateur a désormais une « télé d’avant 20 heures » et une « télé d’après 20 heures ».

Le tunnel de quinze minutes de publicité existant jusque-là entre la fin du journal et le début du programme de première partie de soirée de 20 heures 35 est purement et simplement avancé entre 19 heures 45 et 20 heures !

Et les programmes destinés aux enfants diffusés dans l’après-midi risquent aussi d’être encore plus encombrés par la publicité, qui pourtant, nous le savons, provoque des dégâts sur les habitudes alimentaires des plus jeunes, nourrissant les risques d’obésité que Mme la ministre de la santé entend combattre par ailleurs. Quelle cohérence dans les politiques publiques !

Donc, France Télévisions sera amenée à prendre des décisions de grille avant 20 heures afin de faire le plus de recettes publicitaires possible tant que celles-ci existent encore. Il se peut que nous ayons désormais une télévision publique de moins bonne qualité avant 20 heures, alors que l’objectif affiché était précisément d’améliorer la qualité !

Alors que la télévision publique réussissait, jusqu’à présent, à faire des journaux d’information et des reportages de grande qualité, elle est aujourd'hui obligée de faire une gestion de précaution et de réduire ses frais, ce qui met en danger l’indépendance des rédactions, leurs marges de manœuvre et leur réactivité.

Je ne reviendrai pas sur l’exposé fait ce matin par notre collègue Jean-Pierre Sueur lorsqu’il a défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi organique concernant la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Nous sommes en complet désaccord avec vous sur ce point.

Les articles 47 et 48 du projet de loi, qui concernent le Centre national de la cinématographie ainsi que les relations entre les distributeurs et les programmateurs, mériteraient un véritable débat parlementaire, et non le recours aux ordonnances. En effet, eu égard aux délais annoncés, il n’y a aucune urgence. D’ailleurs, la dernière réforme constitutionnelle était censée limiter cette pratique qui prive le Parlement du plein exercice de ses pouvoirs.

En conclusion, les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés soutiennent que ce texte est irrecevable et estiment qu’il n’y a pas lieu d’en débattre car il contredit des principes constitutionnels tels que le pluralisme, l’indépendance des médias, l’égalité des citoyens devant les charges publiques et condamne à terme le service public de l’audiovisuel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Je veux aborder cinq points.

S’agissant des taxes prévues aux articles 20 et 21, la commission observe que les impositions visant des catégories particulières d’entreprises ou de particuliers sont nombreuses. Si un tel argument suffisait à rendre une imposition inconstitutionnelle, notre système fiscal tout entier aurait été déclaré non conforme à la Constitution.

Par ailleurs, ces deux taxes ne sont pas sans rapport avec le service public, qu’elles contribueront à financer indirectement. D’une manière évidente, la taxation des surplus de publicité attendus sur les chaînes privées a un lien avec la suppression de la publicité sur le service public.

Quant à la seconde taxe, elle n’a rien d’illégitime au moment où s’esquive la convergence et alors que, chacun le sait, un nombre important de fournisseurs d’accès ont aussi besoin de contenus, qui sont financés, au moins en partie, par le service public.

La commission conçoit que l’on puisse débattre de l’opportunité de cette taxation, voire de ses modalités et de son volume à l’avenir. Mais, à ses yeux, elle n’a rien d’inconstitutionnelle.

Concernant la suppression de la publicité, la commission constate qu’elle n’est pas de nature à remettre en cause l’indépendance de l’audiovisuel public à partir du moment où le financement de France Télévisions est garanti par le législateur. Il nous reviendra, quant à nous, de prendre nos responsabilités. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission a proposé que le CSA soit chargé de déterminer chaque année les besoins des sociétés de l’audiovisuel public, de façon à éclairer notre jugement et nos votes.

Si la suppression de la publicité était de nature à remettre en cause l’indépendance du service public, on pourrait s’interroger sur le nombre de parlementaires, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, qui ont milité depuis de nombreuses années en faveur de cette suppression dans le secteur audiovisuel public. Je me rappelle avoir lu, en de nombreuses occasions depuis vingt ou trente ans, des programmes électoraux de tous horizons vantant la suppression de la publicité.

Enfin, quant aux conditions de nomination des présidents des sociétés du secteur public de l’audiovisuel, la commission considère qu’elles ont vocation à figurer dans la loi parce que les nouvelles dispositions de l’article 34 de la Constitution donnent précisément compétence au législateur pour fixer les règles garantissant la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cette motion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour les raisons que vient d’évoquer M. le rapporteur.

Le système de financement, tel qu’il va figurer dans la loi, est extrêmement précis. L’engagement de compenser la perte de ressources publicitaires est inscrit dans la loi de finances et a donc déjà été adopté par le Parlement, à hauteur de 450 millions d’euros, montant estimé de ladite perte. Cette somme est assise sur deux taxes, dont l’une porte sur les ressources publicitaires des chaînes privées. Nous souhaitons que ces ressources publicitaires augmentent. Je l’ai indiqué à plusieurs reprises, nous avons intérêt à avoir des chaînes privées qui se portent bien, puisque les obligations de création et de production sont fonction de leur chiffre d’affaires. S’il y a des transferts de ressources, il est normal qu’il y ait une taxation. Il est également normal de tenir compte de l’ampleur de ces transferts. Il s’agit de taxer des surplus, ce qui est un bon principe.

Les opérateurs de télécommunications sont également taxés. Cela paraît logique, s’agissant d’un secteur producteur et consommateur d’images, et qui le sera toujours davantage, puisque contenant et contenu tendent de plus en plus à se rencontrer et à se fédérer. En outre, avec 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires et des marges bénéficiaires considérables, comprises entre 15 % et 20 %, ce secteur est extrêmement solide. D’ailleurs, seul un petit nombre d’opérateurs réalisent de telles marges bénéficiaires.

Nous avons donc fait le choix de la cohérence et de la simplicité, pour assurer des ressources pérennes et dynamiques. Bien entendu, nous allons examiner au cours du débat les modalités d’application future de tous ces principes.

En tout cas, on ne peut pas prétendre que la perte des ressources publicitaires n’est pas compensée.

Une réforme d’une telle importance suscite naturellement l’inquiétude des personnels et des interrogations. Nous abordons aujourd’hui le cœur même de cette réforme, dont la mise en place prendra des mois ; la création d’une nouvelle télévision nécessitera du temps.

Cependant, des engagements forts ont été pris. Les financements existent. Je pense que tous les moyens seront réunis pour que nous ayons une télévision publique de qualité. J’ai déjà déclaré que l’information locale et régionale avait été renforcée.

Il est normal que la publicité conserve une place. Car on ne peut pas priver France Télévisions de toutes les ressources publicitaires. C’est pourquoi il a été décidé de procéder à la suppression de la publicité par étapes et d’insérer une clause de revoyure avant l’échéance de 2011 concernant la suppression totale de la publicité.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Ce matin, nous n’avons pas pu nous exprimer sur la motion de renvoi à la commission puisque, aux termes du règlement, aucune explication de vote n’est admise. Cela étant, il a été indiqué que la présence du président de la commission des lois n’était pas requise et que l’examen du projet de loi par ladite commission n’était pas nécessaire puisque son président ne l’avait pas souhaité.

Cependant, qu’il s’agisse du projet de loi organique concernant la nomination des présidents des sociétés du secteur public de l'audiovisuel ou du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, un débat avec la commission des lois et un avis de cette dernière auraient été opportuns. Nous avons en effet constaté, y compris en commission des affaires culturelles, que la question de la constitutionnalité suscitait des interprétations politiques diverses.

Les arguments avancés ce matin pour accréditer l’idée que tout va bien sont un peu hypocrites. Bien entendu, les rapporteurs ont réalisé un travail extraordinaire –  personne ne le conteste ! –, d’autant qu’ils ont dû le mener à bien en quarante-huit heures. Ils ont travaillé jour et nuit, mais il est dommage, mes chers collègues, qu’aucun de nous n’ait pu lire ce rapport de 520 pages, lequel n’est donc en rien utile à nos travaux.

Certes, nous pourrons consulter ce document dans une semaine, dans un mois, ou dans un an, mais cette façon d’agir traduit un mépris du débat parlementaire. La commission n’a pas encore fini d’examiner les amendements, qui ne se comptaient pourtant pas par milliers au Sénat ! Deux réunions se sont déjà tenues, une troisième aura lieu mardi. Nous allons donc étudier le texte au fur et à mesure de l’avancement de nos travaux.

Ce n’est pas la faute de la commission ! C’est au Gouvernement qu’incombe cette responsabilité, qui a choisi, alors même qu’il a déjà décidé de mettre en œuvre l’essentiel de la réforme avant son adoption par le Sénat, de déclarer l’urgence et de prévoir un calendrier aussi serré.

Je comprends que le président de la commission des affaires culturelles nous dise que nous avons disposé du temps nécessaire, mais je sais qu’il ne le pense pas vraiment. Tous les sénateurs savent que, si cette loi avait été déposée en septembre à l’Assemblée nationale, elle aurait pu être examinée en trois semaines par celle-ci ; la commission Copé l’avait d’ailleurs prévu. Qu’on ne nous dise pas non plus, madame la ministre, qu’une commission a travaillé pendant des mois sur ce projet lancé par le président de la République en janvier 2008, car nous pourrions alors changer de braquet à propos des commissions que vous instaurez en amont des débats parlementaires !

La première condition que nous avions posée à notre participation à la commission Copé était que cette dernière ne devait pas remplacer le débat parlementaire. Nous avions dit clairement que, dans le cas contraire, nous ne marcherions pas dans la combine. Car nous sommes attachés avant tout à la démocratie parlementaire et au rôle du Parlement, auquel des commissions ne sauraient se substituer.

Une discussion très enrichissante avec des professionnels et des experts a porté, notamment, sur tous les contenus. Cependant, rendez-vous était pris au Parlement ! J’ai demandé personnellement à la commission Copé que le temps soit laissé au débat. Et lorsque la date du 5 janvier a été proposée, j’ai reçu à cet égard des assurances du président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, qui présidait cette commission. Il m’a demandé, globalement, de ne pas céder à la paranoïa et a admis que des délais devaient être prévus. Si la date du 5 janvier était retenue, nous serions saisis, disait-il, au début de la session parlementaire, voire en été.

N’imputez donc pas aux parlementaires socialistes et à l’opposition à l’Assemblée nationale la responsabilité de la précipitation actuelle ! Non seulement le Sénat doit délibérer après que la réforme est déjà partiellement appliquée, mais il doit en outre le faire dans l’urgence, alors qu’il aurait normalement dû avoir le temps de travailler.

Par conséquent, les éléments avancés en faveur de la taxe, selon lesquels la télévision produit de l’image et les fournisseurs d’accès à internet font véhiculer de l’image, sont dérisoires, sinon surfaits. Une argumentation plus élaborée serait nécessaire, madame la ministre, mais nous pourrons en débattre à l’occasion de l’examen des amendements.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1 rectifiée tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 74 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 144
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Demande de renvoi à la commission (début)

M. le président. Je suis saisi, par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n° 78.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Ivan Renar, auteur de la motion.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la suppression de la publicité sur les chaînes publiques peut paraître de prime abord une bonne idée. Pour mieux l’accréditer, on nous rappelle à l’envi qu’il s’agit d’une ancienne proposition de la gauche. Comme de nombreux téléspectateurs favorables à cette suppression, on serait spontanément tenté de dire : « pourquoi pas ? »

Le problème, c’est qu’au prétexte de la fin de la publicité le projet de loi prévoit une véritable mise sous tutelle économique, politique et éditoriale de France Télévisions. À la dictature de l’audimat va se substituer la mainmise du seul Président de la République, appelé à devenir simultanément directeur du budget, directeur des programmes et de l’information et directeur des ressources humaines. Cette triple tutelle met en danger non seulement le service public audiovisuel, mais aussi notre démocratie et l’expression du pluralisme.

Cette concentration des pouvoirs dans les mains d’un seul homme crée une situation inédite et dangereuse.

La présente motion de procédure est donc motivée par le fait que le projet de loi est inacceptable tant sur le fond que sur la forme, laquelle est caractérisée par la précipitation, l’improvisation et la politique du fait accompli.

Avec son annonce surprise, le Président de la République a pris tout le monde de court, y compris vous-même, madame la ministre, d’autant que vous aviez toujours défendu, à juste titre, un financement équilibré de l’audiovisuel public par la publicité et la redevance. Vous vous apprêtiez même à élargir la publicité à la radio publique.

Ensuite, si le Président de la République a mis en place une commission, c’est pour mieux faire passer ses idées, notamment en ce qui concerne la non-augmentation de la redevance et la révision de son assiette. On avait dit qu’il n’y aurait pas de tabous ; il n’y a eu que des interdits, et cela a conduit les parlementaires de gauche à quitter la commission.

Récemment de nombreux professionnels compétents et reconnus qui ont participé dans un esprit constructif à la commission Copé ont déclaré publiquement à quel point ils se sentaient trahis puisque tout concourt à priver France Télévisions de son indépendance vitale.

Comme cela a été dit ce matin, la BBC a consacré quatre années à sa refonte, en y associant les téléspectateurs et en organisant pas moins de vingt-six séminaires gouvernementaux. Le texte qui nous est soumis est au contraire examiné en urgence, ce qui ne permet aucune véritable concertation avec l’ensemble des intéressés

En outre, bien que ni votée ni promulguée, la suppression de la publicité est déjà effective avant même l’examen du projet de loi ! C’est un recul sans précédent, dans des conditions ubuesques et humiliantes, tant pour le Parlement que pour France Télévisions, contrainte d’entériner « à l’insu de son plein gré » la fin de la publicité.

Mon ami Jack Ralite a raison de parler de coup d’État. J’ajouterai que c’est aussi un coup bas, une manipulation particulièrement perverse.

Les parlementaires sont méprisés et aucune des conditions minimales requises pour mener un travail législatif de qualité n’est respectée. On impose l’urgence alors qu’il n’y en a pas. On exige des délais de plus en plus courts pour procéder à une expertise sérieuse et pour le dépôt des amendements. Il aurait pourtant été primordial de créer les conditions d’un vaste débat public.

Si la forme est le fond qui remonte à la surface, il faut prendre toute la mesure de la nocivité de ce projet de loi et le resituer dans son contexte, contexte où le savoir et la culture, comme les libertés, n’ont jamais été autant disqualifiés et maltraités.

Malgré des déclarations parfois lénifiantes sur la société de la connaissance, les crédits dévolus à la culture, à l’éducation et à la recherche n’ont jamais été aussi fragiles.

Quant aux libertés, elles sont de plus en plus menacées, qu’il s’agisse de la protection des sources, de la multiplication des fichiers de police, du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, qui vise à surveiller des milliers d’internautes, ou encore de la volonté de limiter le droit d’amendement du Parlement.

Alors que l’on vient de procéder à une révision constitutionnelle censée renforcer les pouvoirs du Parlement, ce projet de loi fait la démonstration qu’il n’en est rien, puisque tout se décide à l’Élysée, voire à TF1. Jack Ralite a encore une fois raison lorsqu’il dénonce le mariage de l’étatisme et de l’affairisme : l’esprit des affaires s’impose bien aux affaires de l’esprit !

Le contexte, ce sont aussi les états généraux de la presse, dont on constate qu’ils ont pour objet non pas de soutenir le pluralisme ou l’indépendance de l’information, mais de favoriser l’hyperconcentration des médias, dont on sait pourtant qu’elle conduit à toujours plus d’uniformisation des esprits.

Le contexte, c’est également la volonté de supprimer le droit d’auteur des journalistes et de remettre en cause le statut de l’AFP afin de mieux privatiser la seule agence mondiale d’information non-anglo-saxonne. Et que dire du temps de parole du Président de la République, qui n’est pas décompté parce que celui-ci – c’est bien connu ! – est au-dessus des partis ?

Le contexte, c’est aussi la crise qui frappe durement notre économie. Le moment est-il bien choisi pour supprimer les recettes issues de la publicité et les remplacer par des ressources d’ores et déjà insuffisantes et précaires ? N’y a-t-il pas d’autres priorités, alors que la récession s’installe ? Si un semblant de compensation semble assuré pour l’année 2009, qu’en sera-t-il les années suivantes ? On connaît l’argumentation du Gouvernement sur les déficits aggravés…

La plupart des nouveaux projets de loi, sous couvert de rupture et de modernité, sont en fait révélateurs d’une politique de régression sociale, culturelle et démocratique. Ce texte est, hélas ! emblématique de cette logique destructrice.

Pourquoi cette réforme inutile et coûteuse, alors que nous avons la chance de disposer de plusieurs chaînes publiques de grande qualité ? Sans doute parce que votre politique consiste, avec obstination, à casser le service public, qu’il s’agisse de l’école, de l’hôpital ou de la poste.

Faut-il le préciser ? La suppression de la publicité ne sert qu’à voiler une volonté d’affaiblir la télé publique et à masquer les privilèges accordés à TF1 et à M6. Le passage de six à neuf minutes de publicité par heure, la seconde coupure publicitaire dans les œuvres de fiction, le passage de l’heure d’horloge à l’heure glissante, le placement de produits : nous sommes l’un des rares pays à aller aussi loin dans la transposition de la directive européenne.

Le principe, on le constate, est bien d’assécher les chaînes publiques, de renforcer les chaînes privées, mais aussi d’accentuer la marchandisation de la culture. À cet égard, la seconde coupure publicitaire est particulièrement choquante et indécente. C’est un nouveau recul inadmissible du droit moral des auteurs.

Enfin, le contexte, c’est ne pas oublier que la télévision est la première pratique culturelle des Français. On ne répétera jamais assez que nos concitoyens passent trois heures trente par jour devant le petit écran, soit dix-sept minutes de plus qu’il y a dix ans, et ce malgré la concurrence accrue d’internet.

C’est la raison fondamentale pour laquelle le Parlement ne peut prendre ce projet de loi à la légère, ni le voter à la hussarde, puisqu’il porte sur un outil extrêmement prégnant dans la vie sociale, culturelle, artistique et intellectuelle de notre pays. Ce texte est tout à fait déterminant pour la culture, mais aussi pour les symboles d’émancipation et de liberté qui lui sont attachés et qui contribuent, depuis le siècle des Lumières, au rayonnement de la France dans le monde.

Dès lors, comment ne pas s’insurger contre un texte qui impose davantage d’obligations au service public sans lui offrir les moyens adéquats et qui, parallèlement, exonère les chaînes privées de toute responsabilité morale et culturelle ?

Certes, l’avènement de la télévision numérique est en train de modifier profondément le paysage audiovisuel, puisque nous sommes passés de cinq chaînes gratuites à dix-huit, avec une fragmentation de la publicité, qui migre de plus en plus sur le web, sans parler du câble et de l’ADSL.

Comment croire que vous voulez sauver la télévision publique quand, déjà, la précédente loi sur la télévision du futur visait avant tout à offrir des bonus aux chaînes privées historiques ? Comment penser que la suppression de la publicité sera compensée à l’euro près quand vous avez laissé France Télévisions en sous-financement chronique pendant des années, ainsi que l’ont souligné les organisations syndicales, mais aussi la Cour des comptes ?

Or la bonne santé de la télévision publique conditionne celle de la télévision tout court. La qualité des programmes de France Télévisions a un effet d’émulation des plus positifs sur les chaînes commerciales.

L’audiovisuel dans son ensemble relève bien d’une responsabilité et d’une ambition à la fois publiques et nationales. Fragiliser le service public audiovisuel, c’est menacer les contenus, la création et la qualité des nouvelles productions, c’est mettre en péril la capacité d’innovation et d’audace de l’ensemble des chaînes, que celles-ci soient publiques ou privées. Et pourquoi la publicité si nuisible sur France Télévisions ne le serait-elle pas sur les chaînes commerciales ?

Si les cadeaux exorbitants que vous offrez aux chaînes privées assurent à ces dernières une nouvelle manne financière et une rentabilité accrue, ce ne sera malheureusement pas au service de la création, de l’innovation et de ce que l’on appelait naguère le « mieux-disant culturel », ou plutôt, selon l’expression employée par la gauche, le « mieux-nuisant culturel ». (Sourires.)

Madame la ministre, loin d’inventer la télévision de service public du XXIe siècle, vous êtes en train de la dénaturer et de la marginaliser en vous en prenant à ses fondements mêmes. D’une part, vous vous attaquez à son autonomie financière, en remplaçant la ressource publicitaire par de très incertains crédits budgétaires non affectés, avec de nouvelles taxes déjà amputées de moitié par la majorité à l’Assemblée nationale. D’autre part, vous remettez en cause son indépendance politique, en plaçant la présidence du groupe France télévisions sous la tutelle directe du chef de l’État.

Il s'agit d’un recul des libertés publiques qui pose incontestablement un problème constitutionnel. Il ne faut pas confondre télévision publique et télévision d’État, comme le faisait justement remarquer il y a peu David Lévy, ancien directeur à la BBC, un déçu, parmi bien d’autres, de la commission Copé.

Enfin, vous vous attaquez à la liberté éditoriale de la télévision publique, puisque ce projet de loi excessivement prescriptif et contraignant tend presque à établir les programmes à la place des professionnels !

Alors qu’il est primordial de chercher à toujours mieux affranchir l’audiovisuel public du pouvoir politique, ou plutôt de l’exécutif, ce texte ose prévoir une régression démocratique inédite. Comment croire que la nomination et la révocation du président de France Télévisions, de Radio France et de l’audiovisuel extérieur par le Président de la République constituent un progrès ?

Certes, l’ancien dispositif n’était pas satisfaisant. Mais est-ce une raison pour faire pire ? Ce nouveau principe de nomination est franchement inacceptable, car c’est l’indépendance même de l’audiovisuel public et sa crédibilité qui sont bafouées. Les garde-fous proposés n’en sont pas, et je m’étonne que le président du CSA, bien qu’il soit privé de son pouvoir de nomination, ne trouve rien à y redire.

Quant à l’avis conforme des commissions parlementaires, il n’est que formel, puisqu’une confortable majorité des parlementaires de droite accepte de se conformer aux vœux du Président de la République. M. François Baroin, ancien ministre et membre de la majorité, n’a-t-il pas déclaré : « La nomination du président de France Télévisions par le chef de l’État jettera le soupçon sur le traitement audiovisuel d’une future campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy » ! En qualité d’ancien journaliste, il sait de quoi il parle !

Les chaînes privées sont déjà dirigées par les amis du Président de la République ; les chaînes publiques devraient l’être dorénavant par quelqu’un que celui-ci aura lui-même choisi. La télévision publique ne peut être la propriété de qui que ce soit, et encore moins du seul chef de l’État !

La télévision est un bien public : elle appartient à tous les Français ; elle est l’affaire de tous. Les téléspectateurs en sont le seul et véritable actionnaire unique. Le Président de la République n’a pas le droit de leur confisquer ce bien commun.

Comment les démocrates et les républicains de ce pays pourraient-ils rester insensibles au viol de ce principe essentiel qu’est la séparation des pouvoirs ? C’est aussi le pluralisme qui est remis en cause. Nous n’avons pas besoin de médias aux ordres, subordonnés à une pensée unique ou à une idéologie !

Outre la nomination et la révocation par le chef de l’État, pour faire bonne mesure, dans ce véritable système féodal, on instaure la vassalité financière.

Chaque année, France Télévisions devra quémander le montant de son budget, et cette société pourra être sanctionnée à loisir si elle n’a pas donné satisfaction à son commanditaire. Comme le soulignait Hervé Bourges, ancien PD-G de TF1 avant sa privatisation, puis de France Télévisions, mais aussi ex-président du CSA : « On sait très bien que si le Gouvernement n’est pas satisfait de la politique éditoriale du service public, il pourra décider de couper le financement. Je l’ai connu dans le passé ».

Mes chers collègues, soyons clairs : la menace la plus pernicieuse est bien celle du sous-financement, car il aboutira inexorablement au dépérissement des chaînes publiques. On nous répète en boucle que l’État compensera à l’euro près le manque à gagner lié à la suppression de la publicité. Cette affirmation est purement théorique et rien ne garantit qu’elle sera mise en pratique, d’autant que les promesses, c’est bien connu, n’engagent que ceux qui les écoutent !

Par ailleurs, les bases mêmes des calculs que vous mettez en avant pour la compensation sont délibérément sous-évaluées. Il ne faut être ni un spécialiste des finances ni un génie de la gestion pour constater que le compte n’y est pas : ce ne sont pas 450 millions d’euros qui feront défaut à France Télévisions, mais le double, à court terme ! Et ce n’est qu’un minimum pour assurer son indispensable développement, son approfondissement du média global, ses investissements dans la création et l’innovation, qui ne doivent pas devenir la variable d’ajustements des déficits que cette société ne manquera pas d’accumuler.

Contrairement à ce que vous déclarez, madame la ministre, ce projet de loi est non pas une chance, mais un coup de grâce pour France Télévisions. Cette société ne sera plus tributaire d’un marché publicitaire certes en baisse, mais elle aurait su s’adapter dans le temps à cette érosion, alors que, dorénavant, on lui demande l’impossible.

Chaque année, France Télévisions devra demander l’aumône, d’autant que les deux nouvelles taxes, déjà revues à la baisse de moitié et qui risquent de surcroît d’être désavouées par Bruxelles, ne lui sont pas affectées directement.

Aucun financement n’est prévu pour les nouveaux programmes en remplacement du temps d’antenne publicitaire. Bref, vous placez France Télévisions dans une situation de faillite annoncée et dans l’incapacité de relever les défis qui l’attendent en matière de haute définition ou de services délinéarisés.

Pourtant, des solutions simples existent : augmenter le montant de la redevance et revoir son assiette. Et puisque vous craignez que cette mesure ne soit impopulaire, instaurons une progressivité de la redevance en fonction des revenus de chaque foyer afin de la rendre plus juste !

Rappelons que, dans notre pays, la redevance s’élève à moins de dix euros par mois et qu’elle demeure l’une des plus faibles d’Europe. Si son indexation sur le coût de la vie va dans le bon sens, elle demeure tout à fait insuffisante.

Si la télévision a déjà beaucoup évolué depuis son avènement, ce projet de loi constitue une véritable régression. D’ailleurs, nos concitoyens ne s’y trompent pas et ne sont guère favorables, dans leur majorité, par exemple à la nomination du président de France Télévisions par le chef de l’État.

Comment ne pas entendre l’inquiétude, la déception et la colère d’une grande partie des professionnels de l’audiovisuel et des salariés de France Télévisions ? Ils ont raison, et nous sommes à leurs côtés !

Serons-nous encore en démocratie lorsque les médias seront concentrés entre les mains d’une poignée d’industriels dépendants ou proches du pouvoir ? Serons-nous encore en démocratie lorsque France Télévisions ne sera plus que le porte-voix d’un exécutif tout-puissant et omniprésent ?

Pour le devenir même de notre société et de nos libertés fondamentales, si chèrement acquises, au nom des principes démocratiques qui fondent la République, au nom du progrès même, il est indispensable de rejeter ce texte qui met en danger de mort l’indispensable indépendance et le nécessaire pluralisme de notre paysage audiovisuel.

C'est pourquoi, en conscience, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur Renar, la commission des affaires culturelles ne peut que partager votre sentiment d’être privés d’une partie du débat qui aurait dû être le nôtre, que nous soyons d'ailleurs favorables ou pas à la suppression de la publicité sur les chaînes publiques.

Madame la ministre, vous comprenez, j’en suis certaine, la frustration immense qui est la nôtre. Il est regrettable que le Gouvernement, qui, pour quelques mois encore, règne en maître sur l’ordre du jour de nos assemblées, n’ait pas été capable d’organiser les travaux de celles-ci de manière à prévoir l’examen de ce texte avant le 5 janvier dernier, car cela relevait de sa responsabilité.

Dans ces conditions, vous ne pourrez vous étonner, madame la ministre, que le Sénat accepte difficilement de voir ce débat sur la suppression de la publicité réduit à sa plus simple expression.

Toutefois, la commission veut également le souligner, si ce texte n’a pu être examiné par notre Haute Assemblée en temps utile, c’est aussi parce que les débats ont duré un temps excessif à l’Assemblée nationale.

Comprenez-moi bien, mes chers collègues : l’opposition doit se voir reconnaître le droit de discuter, point par point et jusqu’au bout de la nuit s’il le faut, sur le fond même des textes qui nous sont soumis. C’est notre rôle de parlementaires. C’est ce qui fait la dignité et la noblesse de notre fonction. Nul n’a le droit de remettre cette fonction en cause et nul ne peut reprocher à un parlementaire de l’exercer jusqu’au bout.

Mais fallait-il, mes chers collègues, que les députés de l’opposition déploient des trésors d’ingéniosité afin de déposer des centaines d’amendements vides sur le fond comme sur la forme ? Fallait-il égrener la liste des produits d’appellation d’origine contrôlée ? Fallait-il détourner ainsi ce principe sacré qu’est le droit d’amendement pour en faire un droit formel de blocage ?

Les députés de l’opposition ont aussi leur part de responsabilité dans la situation que nous connaissons aujourd'hui.

Toutefois, je tiens à le souligner, la commission se réjouit par avance de constater que les sénateurs, quelle que soit leur sensibilité politique, ont décidé de mener, à l’occasion de l’examen de ce texte, une véritable réflexion de fond sur l’audiovisuel public ; notre collègue David Assouline l’a affirmé de nouveau tout à l'heure. Nos échanges en commission de ces derniers jours l’ont montré, et ils présagent, mes chers collègues, un débat d’une très grande richesse. La commission des affaires culturelles ne peut que s’en réjouir, car cela répond à son souhait.

La suppression de la publicité sur les chaînes publiques a marqué le lancement d’un grand chantier, celui de la refondation du service public de l’audiovisuel.

J’ai eu l’occasion de vous présenter hier, avec Michel Thiollière, l’ensemble des dispositions de ce texte, et je crois que nous avons encore devant nous d’importantes questions à trancher. Nul ne peut sincèrement dire ou penser que ce projet de loi est une coquille vide.

Depuis 1986, aucun débat sur l’ensemble du service public de l’audiovisuel n’a eu lieu. Engageons-le donc sans tarder, avec le sens du détail, le souci de l’intérêt public et le recul qui font l’honneur du Sénat.

Permettez-moi de préciser, mes chers collègues, que la présence dans ce projet de loi des procédures de nominations ne constitue ni un scandale ni un cavalier. Voilà quelques mois, le Sénat a inscrit dans la Constitution le principe selon lequel la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias relèvent du domaine législatif. Il est donc légitime que nous puissions débattre ensemble de la nomination des présidents des sociétés nationales de programmes.

La commission est donc défavorable à l’adoption de cette motion.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion.

Mme le rapporteur a eu tout à fait raison de rappeler l’obstruction à laquelle s’est livrée l’opposition à l’Assemblée nationale et de souligner l’importance des débats qui vont avoir lieu ici même : le financement de la suppression de la publicité, le système des taxes, la création d’une société unique, en projet depuis très longtemps, les dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur, la transposition de la directive « Télévision sans frontières », la rénovation du code du cinéma, très technique, et la modernisation du Centre national de la cinématographie, sont des mesures tout à fait essentielles.

Monsieur. Renar, il s’agit d’une grande réforme. La solution de facilité consisterait, évidemment, à ne pas réformer l’audiovisuel public, à ne pas prendre nos responsabilités.

Les paysages culturels et audiovisuels évoluent à une vitesse extrême. Il importe de soutenir ce projet culturel tendant à une suppression partielle – puis, après de nouvelles études, totale – de la publicité, car il permet la mise en place de nouveaux horaires et de programmes grand public fédérateurs.

Le Gouvernement, désireux de promouvoir une télévision attractive, prend donc ses responsabilités en ce domaine, comme il les a prises s’agissant des droits d’auteurs et de la création sur internet – je suis d’ailleurs très reconnaissante à la Haute Assemblée de l’appui qu’elle a apporté, toutes tendances politiques confondues, à ce projet de loi, dont l’examen a été suivi avec la plus grande attention par le monde du cinéma et celui de la musique – ou encore de la presse, ainsi que M. Renar l’a rappelé.

J’ai reçu tout à l’heure le livre Vert issu des travaux des états généraux de la presse. De nombreux sujets ont été évoqués, qui ont donné lieu à un débat de grande ampleur : plus de soixante-dix réunions, quatre-vingt-treize préconisations, de multiples auditions. Les éditeurs et l’État prendront prochainement leurs responsabilités.

La modernisation des statuts de l’AFP a également été abordée : l’AFP se trouve dans la situation particulière de n’avoir ni actionnaires ni capital ; elle doit pourtant faire face à des mutations considérables. A l’évidence, sa totale autonomie, gage de sa crédibilité, doit être préservée.

Sur tous ces points, le Gouvernement engage des réformes ! S’il est plus simple de ne rien faire, il est plus courageux d’aller de l’avant. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, nous soutenons, vous n’en serez pas étonnée, la motion tendant à opposer la question préalable, défendue par notre collègue Ivan Renar, car nous approuvons totalement les arguments qu’il a développés.

Nous avons clairement dénoncé, depuis le début de ce débat, les objectifs qui sous-tendent cette réforme. Ils s’inscrivent, certes, dans votre logique, mais pas dans la nôtre.

Revenir constamment à la forme du débat pour vous exonérer du calendrier catastrophique selon lequel nous examinons ce texte, rappeler sans fin les conditions dans lesquelles s’est déroulé le débat à l’Assemblée nationale n’est qu’un faux-fuyant : l’opposition a usé librement et légitimement de ses droits. Au Sénat, nous entendons utiliser pleinement notre droit de débattre sur le fond.

Je veux, à ce moment de la discussion, madame la ministre, tenter de vous faire entendre notre refus de l’affaiblissement programmé de France Télévisions.

Prétendre qu’il n’y aurait pas un lien fort, évident, entre le financement et l’indépendance est une véritable tartufferie.

Depuis le début de l’examen du texte au Parlement, vous soulignez que la suppression de la publicité répond à un vœu très largement partagé, mais vous omettez de mentionner la condition expresse qui est posée, à savoir l’assurance d’un financement correspondant aux missions du service public.

La gauche a toujours pris soin de tenir les deux bouts du pari : diminuer la publicité autant que faire se peut, voire la supprimer si possible, mais augmenter les ressources propres de l’audiovisuel public par la redevance, par des dotations à l’entreprise.

Il ne sert à rien de tenir de grands discours sur le prétendu progrès démocratique ou, du moins, la meilleure transparence que permettra cette réforme, grâce, notamment, au nouveau mode de nomination des dirigeants de l’audiovisuel public, alors même que, par votre défaillance s’agissant du financement, vous passez au cou de France Télévisions le nœud coulant du sous-financement chronique aléatoire et d’une totale dépendance des décisions de l’État.

C’est pourquoi nous soutenons la motion de procédure qui vient d’être présentée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 78, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 75 :

Nombre de votants 333
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 143
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi, par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, M. Domeizel, Mme Khiari, MM. Lagauche et Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 2 rectifiée bis.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (n° 145, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la motion.

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, est-il utile de le rappeler une nouvelle fois – telle est pourtant la réalité ! – que les téléspectateurs ne comprennent pas le sens du débat qui s’est ouvert au Sénat dans la mesure où, depuis lundi soir, sont en place les nouveaux programmes des chaînes publiques sans publicité, alors que, ils le savent, la loi n’a pas été votée ?

Cette situation inédite est particulièrement humiliante à l’égard du Parlement. Nous n’aurons de cesse de dire et répéter notre indignation.

Je ne reprendrai pas l’argumentaire développé lors de la discussion générale. La véritable question qui se pose à nous est de savoir si, en tant que législateurs, nous disposons de tous les éléments pour nous prononcer dans les meilleures conditions.

La concertation a-t-elle été suffisante ? La commission des affaires culturelles est-elle allée jusqu’au bout de la réflexion ?

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Oui !

M. Yannick Bodin. À l’évidence, non ! Certes, et le président de la commission des affaires culturelles en a tiré argument ce matin, les rapporteurs ont bien travaillé. Cependant, la commission elle-même n’a fait qu’entendre ces rapports.

Un matin du 8 janvier 2008, soit voilà un an, le Président de la République annonça, à la surprise générale – ce fut effectivement une surprise, et tout d’abord pour vous, madame la ministre ! – la suppression de la publicité sur les chaînes publiques. Le prince décide, ensuite, débrouillez-vous !

Supprimer la publicité, après tout, pourquoi pas ? Mais quand on sait qu’une telle mesure met immédiatement en péril l’équilibre du budget des télévisions publiques, un minimum de réflexion s’impose. II faut prendre le temps de s’assurer que le remède proposé ne se révélera pas pire que le mal.

Cette question de financement nous préoccupe tous. Il y va de la stabilité, de la survie des chaînes publiques et, surtout, de la garantie de leur indépendance.

Notre seconde préoccupation, évoquée à plusieurs reprises lors de la discussion générale, tient, bien sûr, à la désignation du président des chaînes par le Président de la République. C’est là un bouleversement considérable, que nous combattons avec vigueur.

Certes, une commission a été créée sous la présidence de M. Copé. Celle-ci s’est attachée à transcrire la volonté du Président de la République de modifier les modes de financement et d’organisation du service public de l’audiovisuel, mais sans réelle marge de manœuvre du fait d’une feuille de route particulièrement bien cadrée, ce qui n’a pas manqué de provoquer malaise et grogne parmi les professionnels concernés et de nombreux parlementaires, même ceux qui, habituellement, soutiennent le Gouvernement.

Madame la ministre, les débats à l’Assemblée nationale ont duré trois semaines – trop longtemps aux yeux du Gouvernement ! –, mais n’était-il pas légitime de laisser le temps nécessaire à un grand débat comme celui-ci ?

Devant les réticences du Gouvernement – je précise que le Président de la République lui-même voulait que ce texte soit voté en urgence, avant la fin de l’année 2008 – seul le dépôt d’amendements par les élus socialistes pouvait assurer un échange sérieux sur un sujet capital pour la démocratie et l’épanouissement culturel de nos concitoyens.

Oui, madame la ministre, comme nos collègues députés socialistes, nous sommes et resterons mobilisés pour garantir le pluralisme dans les médias audiovisuels !

Je conçois aisément que, pour des gens pressés, la longueur des débats parlementaires soit difficile à supporter. Mais on en est aujourd’hui à saisir ce prétexte pour remettre en question le droit individuel de chaque parlementaire d’amender un texte et de disposer du temps nécessaire pour s’exprimer.

Notre demande de renvoi du texte à la commission se fonde sur deux motifs.

Premièrement, monsieur Legendre, la commission que vous présidez s’est réunie trois fois, entre le 18 novembre et le 2 décembre, pour auditionner Mme la ministre de la culture et de la communication, le PDG et la directrice générale déléguée de la société Audiovisuel extérieur de la France, ainsi que les représentants de l’intersyndicale de France Télévisions.

Cependant, depuis ces auditions, nous avons connu une situation inédite et une brutale accélération des choses. En effet, M. de Carolis, président de France Télévisions, a été instamment prié de faire voter par son conseil d’administration, avant la parution de la loi, la suppression partielle de la publicité. Sous la pression, les administrateurs avaient-ils réellement le choix ? Ne faisons pas semblant de le croire.

Devant cette méthode inadmissible, nous sommes en droit de demander des explications. Voilà en tout cas un exemple édifiant de la mainmise du Gouvernement sur le média audiovisuel, ainsi qu’une préfiguration, sans doute, de ce qui nous attend !

Après cet épisode surréaliste et humiliant pour le Parlement en général, et pour le Sénat en particulier, vous conviendrez, monsieur le président de la commission, qu’il serait judicieux que vous organisiez de nouvelles auditions, notamment de M. de Carolis, mais aussi des administrateurs ou des représentants de l’intersyndicale de France Télévisions.

Deuxièmement, notre demande de renvoi à la commission tient au calendrier plus que contraignant qui nous est imposé, bien cavalièrement.

Ainsi, le texte a été transmis au Sénat le 17 décembre dernier, et la commission des affaires culturelles n’a pu se réunir que le 6 janvier, à la veille de la reprise des travaux du Sénat.

Nous avons donc disposé de moins de vingt-quatre heures pour prendre connaissance des rapports et des propositions d’amendements. Ce n’est pas le travail des deux rapporteurs qui est en cause, bien sûr, mais le fait que nous avons manqué de temps pour lire leur rapport, qui n’est disponible au bureau de la distribution que depuis hier midi.

J’ai d’ailleurs apprécié que Mme le rapporteur ait exprimé tout à l’heure avec force le même regret et la même insatisfaction que moi sur ce point. Comprenez, madame la ministre, que nos capacités à réagir rapidement, aussi grandes soient-elles, puissent avoir des limites !

On nous dira que l’urgence a été déclarée pour ce texte. Mais de quelle urgence s’agit-il désormais ? Notre collègue Marie-Christine Blandin nous a brillamment rappelé hier soir quelles sont les véritables urgences ! Pourquoi nous presser, puisque le dispositif central de ce projet de loi est en application depuis trois jours ?

Le groupe socialiste considère que les délais extrêmement réduits accordés ne permettent pas au Sénat de discuter sérieusement, dans un esprit de concertation, des dispositions d’un projet de loi qui a d’ailleurs déjà fait une première victime : les rediffusions d’éditions locales sur France 3 !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons le renvoi du texte à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut croire que l’on travaille bien en commission,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mais à quelle vitesse !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. … puisque c’est la deuxième fois aujourd’hui que l’on nous demande d’y renvoyer un texte ! (Sourires.)

Je voudrais donc saluer cet intérêt pour les travaux de la commission des affaires culturelles,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’affaire est trop grave pour ironiser !

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. … mais aussi rappeler quelques faits.

L’Assemblée nationale a adopté le 16 décembre les deux projets de loi que nous examinons, c'est-à-dire beaucoup plus tard que nous ne nous y attendions.

En disant cela, j’exprime un regret concernant non pas la durée des débats, mais leur nature. En effet, quand l’échange est réel, il n’y a pas à regretter le temps passé à discuter, mais la multiplication des artifices de procédure et des amendements sans véritable objet porte atteinte à l’institution parlementaire, à laquelle nous sommes tous profondément attachés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

L’Assemblée nationale a vécu un tel épisode, qui n’est pas, fort heureusement, en train de se renouveler au Sénat. Il faut s’en réjouir et en remercier l’ensemble des membres de la Haute Assemblée : nous sommes, sur ce point, fidèles à notre tradition.

Il était nécessaire que le Sénat dispose d’un temps raisonnable pour débattre. Au mois de décembre, alors que le calendrier de nos travaux était élaboré dans l’attente de l’adoption du texte par l’Assemblée nationale, j’ai cru que nous ne l’aurions pas. Les présidents des différents groupes pourraient l’attester : en conférence des présidents, j’ai émis une protestation, considérant que le temps initialement prévu n’était pas suffisant et ne permettrait pas le débat auquel le Sénat avait droit.

Cependant, le Gouvernement n’a pas entendu nous imposer un calendrier trop contraint, deux semaines ayant finalement été prévues pour l’examen des deux textes.

Nous disposons en outre maintenant du rapport extrêmement consistant de Mme Morin-Desailly et de M. Thiollière, qui, il faut le souligner, ont commencé leur travail voilà déjà longtemps.

Par conséquent, je ne crois pas nécessaire de demander un examen supplémentaire du texte en commission. C’est ici, en séance plénière, que nous devons travailler, avec tous ceux de nos collègues qui se sentent concernés par le renouvellement profond de notre audiovisuel public, dont l’occasion historique nous est maintenant donnée.

Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cette motion tendant au renvoi du texte à la commission.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cette motion.

Je fais miens les propos que vient de tenir M. le président de la commission des affaires culturelles sur l’importance du débat que nous allons avoir sur les multiples dispositions de ce projet de loi tendant à réformer profondément l’ensemble de notre audiovisuel public.

Je me tiendrai naturellement à l’entière disposition de la Haute Assemblée, jour et nuit, pendant tout le temps nécessaire à la discussion, qui se déroulera, j’en suis persuadée, dans d’excellentes conditions.

Mme Catherine Tasca. On ne peut pas dire que le groupe UMP se soit beaucoup mobilisé pour la discussion de ce texte !

Mme Catherine Procaccia. Depuis ce matin, il n’y a que des motions ! Nous ne sommes pas encore au cœur du débat !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2 rectifié bis, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 76 :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l’adoption 144
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

projet de loi organique (suite)

Demande de renvoi à la commission (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Articles additionnels avant l'article 1er A

M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Article unique (interruption de la discussion)

Article unique

La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente est celle chargée des affaires culturelles. La nomination intervient après la publication au Journal officiel de l'avis des commissions parlementaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.

M. Jean-François Voguet. On ne sait toujours pas si la révision constitutionnelle, arrachée d’extrême justesse l’été dernier à un Parlement pour le moins dubitatif, trouvera dans les mois qui viennent sa pleine application. Le présent projet de loi organique permettra en tout cas de mettre en œuvre une partie de ses dispositions.

Ce lapidaire article unique a en effet pour objet de faire expressément figurer, parmi les emplois publics concernés par la procédure visée à l’article 13 de la Constitution, à savoir la nomination par le Président de la République après simple avis des commissions parlementaires compétentes, celui de président de France Télévisions.

Nous passons donc d’une nomination effectuée par l’autorité administrative indépendante jusqu’ici compétente, le CSA, à une nomination directement politique, assumée par l’exécutif.

Il est évident que, contrairement à ce que prétendent certains, le présent article ne règle en rien la question de l’indépendance des personnes susceptibles d’être investies des fonctions concernées. Il est tout aussi évident que les droits du Parlement n’ont aucunement été renforcés par l’adoption de la révision constitutionnelle.

S’il fallait trancher cette question, il suffirait de rappeler que les deux tiers des membres du CSA, jusqu’ici investi de la mission de choisir le PDG de France Télévisions, sont désignés par les présidents des deux assemblées parlementaires, tandis que, à l’avenir, la commission des affaires culturelles au Sénat et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales à l’Assemblée nationale se borneront à émettre un avis, qui ne sera pas nécessairement suivi, sur la proposition formulée par le seul Président de la République.

Cela nous rappelle le temps, qui n’est finalement pas si ancien, où le pouvoir politique en place pesait de tout son poids sur le service public de la télévision pour donner le « la ».

Je veux parler, mes chers collègues, de ce temps où Christian Fouchet, brièvement ministre délégué chargé de l’information durant l’automne 1962, s’invitait sur le plateau du journal télévisé de Léon Zitrone pour en présenter la nouvelle formule, ou encore de celui où Philippe Malaud, ministre de l’information qui devait préparer l’éclatement de l’ORTF en 1974-1975, se plaignait auprès d’Arthur Conte, ancien député gaulliste et président de l’Office, que l’on entendait trop souvent L’Internationale dans les feuilletons télévisés, notamment dans Le Pain noir, œuvre remarquable de Serge Moati !

Je pourrais également évoquer, à cet égard, le printemps 1968, quand un nombre important de journalistes, d’animateurs et de créateurs de télévision furent placés sur une liste noire ou purement et simplement licenciés, au seul motif qu’ils n’avaient pas été aussi serviles qu’ils auraient dû l’être lors du mouvement social qui s’est déroulé à cette époque.

Comment d’ailleurs interpréter comme une avancée pour les droits du Parlement le dispositif d’un article unique qui n’a même pas la portée que pouvait avoir l’antique statut de l’ORTF ? Rappelons d’ailleurs à ceux qui s’étonneraient de cette référence que l’Office créé par la loi de 1964 était doté d’un conseil d’administration comportant autant de représentants de l’État que de représentants de la société civile.

À voir la composition actuelle du conseil d’administration de France Télévisions, dont une large majorité est disposée à prendre en compte, par ses décisions, la moindre injonction présidentielle, avec la seule opposition des représentants du personnel, on n’est pas certain que le moindre progrès soit intervenu en la matière !

Cet article unique nous apparaît comme une véritable mise sous tutelle élyséenne de l’audiovisuel public, l’avis parlementaire s’apparentant à une simple aide à la décision, sans portée aucune. Tout se passera comme si la nomination du futur président de France Télévisions était le fait d’un roi qui, après avoir pris conseil de quelques ministres avisés, choisirait son fou, chargé de le distraire et de l’instruire en assurant par ailleurs l’édification de la masse de ses sujets…

Or une telle nomination ne saurait être réduite au fait du prince ! Je rappellerai que la loi de juin 1964 créant l’ORTF et celle d’août 1974 organisant sa dissolution, textes qui étaient tout de même assez éloignés d’une conception pluraliste de la télévision et de la radio, disposaient pourtant que le président de l’Office, pour la première, et ceux des sociétés de programme, pour la seconde, seraient nommés par le conseil des ministres, et non par le seul Président de la République. En outre, la pluralité des administrateurs de ces organismes pouvait constituer un utile contrepoids à la prédominance du pouvoir exécutif dans cette affaire.

Aux termes du présent projet de loi organique, le président de France Télévisions sera donc, en quelque sorte, organiquement lié à celui qui l’aura nommé.

Or la République, c’est la « chose publique » ; la télévision publique en fait partie et ne peut, par conséquent, être ainsi traitée. C’est pourquoi nous rejetons fermement et sans appel cet article unique du projet de loi organique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l’article.

Mme Marie-Christine Blandin. Je rappellerai tout d’abord au président de la commission des affaires culturelles que nous n’avons pas bien travaillé ! Nous qui avons toujours plaisir à entendre les subtiles argumentations de Mme Catherine Morin-Desailly ou de M. Michel Thiollière avons été frustrés ce matin : ce n’était plus le TGV, nous avons franchi le mur du son !

J’en viens au sujet qui nous occupe.

La nomination des présidents de l’audiovisuel public par le seul Président de la République n’est pas contrebalancée par les avis des commissions dans la mesure où la proportion de votes négatifs requise pour un veto condamne les éventuelles contestations de l’opposition à rester inopérantes.

Quant à l’argument selon lequel il faut en finir avec l’hypocrisie, le pouvoir influant de toute façon sur ce type de nomination, je ne doute pas, madame la ministre, que, même en l’absence de texte, il soit possible d’induire des choix de personnes. C’est une raison supplémentaire de profiter de ce débat législatif pour faire souffler une brise salutaire de déontologie et pour définir des procédures éthiques et garantes de l’indépendance des personnalités nommées.

Quand on constate une anomalie durable, l’alternative est la suivante : soit on la rectifie et l’on s’en protège – ce que nous appelons de nos vœux, notamment à travers nos amendements –, soit on l’officialise, on s’en accommode et même on en profite pour mieux asseoir un pouvoir – tel est le choix du Gouvernement.

On nous a enfin affirmé que, somme toute, cette affaire n’est pas grave et n’a qu’une portée symbolique. C’est faire peu de cas de la valeur symbolique des choses !

Madame la ministre, vous êtes ici assise au banc du Gouvernement, et les huissiers veillent scrupuleusement à ce qu’aucun membre du Gouvernement ne monte dans les travées réservées aux sénateurs.

Certes, cette distance physique entre l’exécutif et le législatif est purement symbolique, puisque nous savons que les rapporteurs ont amplement dialogué avec Matignon, mais les huissiers tiennent pourtant à cette dimension symbolique, et nous aussi. En effet, la ligne de partage reste intangible : dans une démocratie, le législatif et l’exécutif sont séparés, chacun demeure à sa place.

Voulez-vous un autre exemple de l’importance des symboles ? La Marseillaise, chant dont, personnellement, je réprouve les paroles sanguinaires,…

M. Gérard Longuet. Toutes les paroles ne sont pas sanguinaires, vous ne les connaissez pas !

Mme Marie-Christine Blandin. … ne définit pas les frontières de la France ; pourtant, que l’on y touche ou bien qu’on la siffle dans un stade, et c’est toute la représentation parlementaire, tous les élus, tous les sportifs, tous les journalistes qui s’indignent !

Il y a donc, madame la ministre, des symboles qui font sens et des attaques contre ces symboles qui font elles aussi sens.

En conséquence, rien ne tient dans l’argumentation que l’on avance pour justifier la nomination par le Président de la République des présidents de l’audiovisuel public : ni le prétendu encadrement du processus – la majorité est d’une docilité déconcertante –, ni sa simple portée symbolique – en politique, les symboles comptent –, ni enfin son caractère anodin allégué, car la séparation des pouvoirs et l’indépendance de l’audiovisuel public sont des piliers de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 5 est présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. David Assouline, pour présenter l’amendement n° 5.

M. David Assouline. L’examen de l’article unique du projet de loi organique sera sans doute bref, pourtant il va donner le ton à notre discussion et nous amener à mettre en évidence ce qui ne va pas.

Nous allons voir que la fragilisation de l’indépendance financière de l’audiovisuel public va porter atteinte à l’indépendance de ce dernier à l’égard du pouvoir politique.

À aucun moment, lorsque le Président de la République a annoncé, voilà un an, la fin de la publicité sur les chaînes de télévision publiques – quoi que l’on pense d’une telle mesure, qui a même pu être présentée, au sein de la majorité, comme une idée de gauche – ou au cours des travaux, qui ont duré plusieurs mois, de la commission Copé, n’a été évoqué le fait que le Président de la République nommerait le président de France Télévisions. Cela s’appelle charger la barque !

Madame la ministre, vous nous renvoyez aux merveilleux travaux de la commission Copé, mais celle-ci a indiqué, à propos de la gouvernance, que le projet de loi devrait absolument prévoir un mode de désignation du président de France Télévisions garantissant son autonomie de gestion. La commission Copé avait bien perçu que l’ancien système était certes quelque peu hypocrite, mais elle invitait à réfléchir à la manière de le réformer dans un sens plus démocratique.

Cela étant, comme tout le monde ici vous l’a dit, l’hypocrisie était relative, car ce n’est pas la même chose que le CSA s’efforce de ne pas procéder à une désignation qui heurterait l’exécutif ou que le Président de la République choisisse lui-même le patron de la télévision publique. En effet, dans le second cas, le cordon ombilical avec l’exécutif n’est pas tranché.

On semble parfois s’étonner que nous socialistes ne voulions pas que la puissance publique ait la haute main sur la désignation du président de la télévision publique alors que cette dernière vivra désormais essentiellement de l’argent public. Mais c’est faire mine d’oublier qu’il s’agit en l’occurrence d’un média représentant 35 % de l’audience et au travers duquel nos compatriotes accèdent à la culture, à l’art, à l’information, au débat citoyen et politique, mûrissant ainsi les choix qu’ils feront lors des élections : tout passe par lui ! Vous savez bien qu’il n’occupe plus la même place dans la vie des Français qu’il y a trente ou quarante ans. Il exerce une influence majeure qui rythme toute la vie de nos concitoyens.

Par conséquent, distendre autant que faire se peut, de façon symbolique mais aussi effective, le lien entre l’exécutif et les présidents de l’audiovisuel public répond à une exigence démocratique. Pour cela, nous devrions tout de même être capables, de loin en loin, de faire un petit pas vers davantage de démocratie. Avant, c’était l’ORTF, puis le CSA a été mis en place : puisque le résultat n’est pas parfaitement satisfaisant, allons aujourd’hui plus loin. C’est ainsi que l’on pourra lever l’hypocrisie !

Comment faire en sorte que le CSA soit réellement indépendant ? Nous ferons des propositions sur ce sujet lors de la discussion du projet de loi ordinaire, notamment celle consistant à prévoir que les membres du CSA soient nommés pour moitié par l’opposition et pour moitié par la majorité. C’est à mes yeux la seule façon de garantir l’indépendance de cette autorité. Par-delà les circonstances politiques, il faut désigner des personnalités qui fassent consensus et soient au-dessus de tout soupçon d’esprit partisan, à l’instar de M. Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Par ailleurs, puisque vous vantez l’esprit d’entreprise et que vous appelez de vos vœux la constitution d’un média global, je vous ferai observer qu’une entreprise a un conseil d’administration, qui élit en son sein le président. Dans le cas qui nous occupe, si les membres du conseil d’administration sont nommés par une autorité indépendante, cela permet de couper le cordon.

Cela ne veut pas dire pour autant que France Télévisions s’opposera au pouvoir politique. En effet, son président, qui devra régulièrement négocier les moyens que l’État lui accordera, n’ira pas s’enfermer dans une attitude d’opposition frontale.

Toutefois, il jouira d’une véritable indépendance d’esprit. Il pourra par exemple se permettre de ne pas décrocher le téléphone si le Président de la République l’appelle, parce que ce n’est pas ainsi qu’il convient de procéder.

En revanche, s’il est nommé par le Président de la République, cela signifie que le lien sera très fort. Il aura même intérêt, s’il ne veut pas être révoqué, à anticiper les désirs de l’exécutif. Il ne sera même plus besoin de lui téléphoner, comme on peut le constater dans de nombreux pays ! Quand on sait que l’on joue son poste, c’est dans la tête que se construisent les interdits.

Sur cette question fondamentale, nous aurions pu choisir la voie de la modernisation et d’une plus grande démocratisation pour lever ce que appelez une hypocrisie ; or cette hypocrisie, vous avez au contraire décidé de l’institutionnaliser et de revenir en arrière en plaçant l’audiovisuel public, et donc l’information, sous la tutelle directe du Gouvernement, au contraire de ce qui se pratique dans tous les pays démocratiques. Nous contestons résolument cette disposition, qui est emblématique de l’ensemble du texte. Nous sommes ici bien loin de l’arrêt de la publicité sur les chaînes publiques !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Lorsque nous avons débattu dans cet hémicycle, le 19 juin dernier, de la modification de l’article 13 de la Constitution, nous n’imaginions pas – mais peut-être était-ce un tort ! – que le Président de la République annoncerait une semaine plus tard son intention de recourir à ce dispositif pour la nomination des présidents de l’audiovisuel public.

La pratique institutionnelle a montré que les différents Présidents de la République qui se sont succédé, sans aucune exception, ont largement usé et abusé de ce pouvoir de nomination. Ils ont puisé dans un vivier de quelques milliers de managers publics et privés souvent coupés des réalités vivantes du pays, formés selon les mêmes références idéologiques, en sollicitant davantage leur allégeance que leur esprit de service public.

Or le clientélisme gangrène trop souvent la vie publique et discrédite dangereusement les institutions et le personnel politique aux yeux de nos concitoyens.

La procédure prévue à l’article 13 de la Constitution ne nous semblait déjà pas satisfaisante ; elle l’est encore moins s’agissant de la nomination des présidents-directeurs généraux des sociétés publiques de l’audiovisuel.

Il est effarant que le Président de la République lui-même ait qualifié d’« hypocrite » le fait de demander l’avis du CSA ! Quant à l’avis des commissions culturelles du Parlement, là encore, que d’hypocrisie ! On sait comment le pouvoir actuel traite les commissions parlementaires et ignore leurs décisions, fussent-elles unanimes !

C’est pourquoi nous proposerons, lors de l’examen de l’article 8 du projet de loi ordinaire, une autre solution, tendant à prévoir la création, par les assemblées, d’une commission permanente spécialisée en matière d’audiovisuel, de médias et de pluralisme.

Cette commission traiterait de toutes les questions concernant le domaine de l’image et du son. Elle proposerait une liste de cinq candidats à la présidence de France Télévisions, laquelle serait examinée par le CSA, lui-même reconfiguré. Ensuite, le conseil d’administration de France Télévisions, lui aussi recomposé afin d’être plus représentatif, procéderait à l’élection de son président.

Une telle formule apparaît plus logique et plus démocratique à qui veut respecter l’autonomie des entreprises publiques et garantir l’indépendance de ces sociétés à l’égard de l’exécutif national.

En effet, les garanties d’indépendance qu’on nous présente au travers de ce texte, qu’il s’agisse de l’avis conforme du CSA ou de l’intervention des commissions culturelles, sont purement illusoires.

Or il est légitime de considérer que l’indépendance des médias a valeur constitutionnelle, puisqu’elle a été inscrite de façon expresse à l’article 34 de la Constitution, par le biais de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 : le législateur est tenu de garantir la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias.

Nous sommes donc devant une profonde contradiction, ce qui justifie notre proposition de supprimer cet article.

Le présent projet de loi organique met en cause l’indépendance, le pluralisme et l’autonomie des chaînes publiques. Le chef de l’État n’est pas un patron, et l’État n’est pas seulement un actionnaire.

En l’occurrence, le Président de la République commet une confusion volontaire entre la notion d’État et celle de pouvoir exécutif de l’État. Cela aboutit à la mise en place d’une télévision d’État.

Or, si l’on veut bien admettre, d’une part, que « la télévision représente le centre de la production économique et symbolique de la société », comme le résume l’universitaire Carlo Freccero, ancien conseiller audiovisuel de Berlusconi, et, d’autre part, avec le sociologue Georges Balandier, que « le grand acteur politique commande le réel par l’imaginaire », on peut comprendre que cette réforme dite historique est dangereuse, en ce qu’elle impose aux sociétés d’audiovisuel la stratégie de l’État néolibéral, contre laquelle nous devrions au contraire les protéger.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase de cet article, après les mots :

chargée des affaires culturelles

insérer les mots :

, qui se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée

La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 5 et 6.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Par l'amendement n° 2, la commission propose d’améliorer encore la procédure de nomination des présidents de l’audiovisuel public en prévoyant notamment la possibilité d’organiser une audition publique du candidat dont la nomination est proposée.

Nous nous inspirons ainsi, par exemple, de la pratique du Sénat américain : des auditions publiques permettent de connaître à la fois la personnalité et le projet du candidat.

Par ailleurs, s’agissant des amendements identiques nos 5 et 6, j’observerai que, dans le système actuel, le CSA nomme le président de France Télévisions de manière confidentielle puisque, depuis une décision du Conseil constitutionnel de juillet 2000, il ne lui est pas permis de rendre publiques les raisons pour lesquelles telle ou telle personnalité a été nommée.

Je vous fais grâce, mes chers collègues, de la lecture de la brève argumentation du CSA relative à la nomination de l’actuel président de France Télévisions, mais je puis vous indiquer qu’elle ne permet pas d’éclairer suffisamment les parlementaires et l’opinion publique.

Nous pensons donc qu’il est judicieux de prévoir que la proposition de nomination de l’exécutif soit soumise au CSA et aux commissions chargées des affaires culturelles des deux assemblées, conformément au texte qui nous est soumis, mais en ouvrant la possibilité pour celles-ci d’organiser des auditions publiques qui permettront de connaître de manière approfondie la personnalité et le projet du candidat.

Sans faire de procès d’intention à quiconque ni préjuger de ce que seront les modalités pratiques de nomination, nous pouvons considérer que ce projet représente un net progrès par rapport à la procédure actuelle, qui reste confidentielle. Demain, le président de France Télévisions sera nommé au terme d’une procédure en trois étapes claire, transparente et publique.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 5 et 6 et propose au Sénat d’adopter l'amendement n° 2.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet bien sûr un avis défavorable sur les amendements identiques nos 5 et 6.

J’ai déjà eu longuement l’occasion de m’exprimer sur le fond. Il s’agit, je le répète, de procéder à une clarification : l’État actionnaire prendra ses responsabilités en choisissant la personnalité qui présidera aux destinées de l’entreprise unique de l’audiovisuel public, tout en s’entourant de la double garantie de l’avis conforme du CSA et d’un débat public au Parlement. Cette personnalité bénéficiera ainsi d'une triple légitimité.

Je souligne que le texte ne prévoit pas l’interruption des mandats en cours des différents présidents de l’audiovisuel public, qui ont vocation à exercer leurs fonctions jusqu’à leur terme.

L’audiovisuel public porte une grande ambition. Penser que les journalistes des rédactions des chaînes publiques pourraient être aux ordres serait gravement méconnaître leur esprit d’indépendance. On sait d’ailleurs qu’ils ont des opinions : une enquête réalisée par l’hebdomadaire Marianne montrait que les rédactions se situaient ouvertement à gauche. Aucune présidence n’a cherché à influer sur les rédactions ; il n’en ira pas autrement demain.

Il s’agit bien de choisir une personnalité qui viendra ensuite présenter son projet devant le Parlement lors d’un débat public permettant d’examiner sa personnalité et son parcours. C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 2.

Toutes les garanties seront réunies pour s’assurer de la compétence de la personnalité choisie pour présider aux destinées de l’audiovisuel public. Le fait que l’État actionnaire fasse un choix n’est en soi ni blâmable ni contradictoire. J’ai évoqué à cet égard le cas d’André Rousselet, qui a dirigé avec succès Canal Plus et dont personne n’a dit qu’il était à la tête d’une chaîne socialiste.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 5 et 6.

M. Jean-Pierre Bel. Cet après-midi, lors des questions d’actualité au Gouvernement, j’ai été quelque peu surpris par la réponse que m’a faite M. le Premier ministre concernant la défense des libertés publiques, s’agissant notamment de l’indépendance des médias, de celle de la justice et du rôle du Parlement.

En effet, M. le Premier ministre m’a indiqué – et Mme Albanel va bien évidemment tout à fait dans ce sens – que le présent projet constitue, en termes d’indépendance et de liberté, non pas une régression mais une avancée, sous prétexte que les assemblées seront consultées pour le choix des personnalités qui présideront aux destinées de France Télévisions et de Radio France.

Je suis extrêmement surpris, je l’avoue, que l’on puisse considérer aujourd'hui que l’indépendance des médias se trouve améliorée quand on confie au seul Président de la République la responsabilité de nommer les présidents de l’audiovisuel public, même si sa décision sera encadrée par diverses consultations !

L’État actionnaire doit certes prendre ses responsabilités, comme vous nous l’avez indiqué, madame la ministre, mais évitons de donner à cette discussion un tour trop technique.

Nos concitoyens sont ouverts, intelligents. Ils ont aujourd’hui accès à de nombreux médias et savent comment les choses se passent dans d’autres pays.

Lorsque l’on passe d’un système collégial de nomination à une procédure quelque peu autocratique où le Président de la République prend seul la responsabilité de choisir le président de la télévision publique, cela rappelle un temps dont M. Pasqua se souvient certainement,…

M. Charles Pasqua. Moi ? Je n’ai jamais nommé de président de France Télévisions ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Bel. … quand un certain Président de la République considérait que la télévision devait être la voix de la France !

Revenons-nous à cette conception centralisatrice qui me paraît complètement dépassée ou faisons-nous en sorte, dans une société en pleine mutation, que le Parlement, en particulier, puisse avoir son mot à dire dans une telle affaire ?

Quant au seuil des trois cinquièmes de votes négatifs qu’il faudra atteindre pour que le Parlement puisse s’opposer à une nomination par le Président de la République, il est quasiment inaccessible dans le contexte électoral et politique que nous connaissons depuis plusieurs législatures.

En outre, la pratique du pouvoir est également à prendre en considération. Quelle image donnera-t-on au monde lorsque le Président de la République, aujourd’hui Nicolas Sarkozy, décidera de qui dirigera la télévision publique française ? C’est là un véritable retour en arrière.

Si j’ai souhaité m’exprimer sur ce point, c’est parce que la réponse du Premier ministre, cet après-midi, me paraît aller à contre-courant de ce que l’opinion peut ressentir dans les circonstances actuelles.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je voterai contre les deux amendements de suppression de l’article unique, parce que la commission nous a présenté un amendement de nature à apaiser nos craintes.

Pour avoir rédigé avec François Fillon le programme de l’UMP pour les élections législatives de 2007, je dois dire que ce qui me gênait dans cette affaire, ce n’était pas tant la nomination du président de France Télévisions par le Président de la République que le fait que cette nomination puisse intervenir sans que l’on connaisse le projet, le programme et les objectifs de la personne choisie.

Nous étions paradoxalement dans cette situation en 1986 avant que François Léotard ne modifie singulièrement l’économie générale de l’audiovisuel, notamment en instituant la CNCL, qui est ensuite devenue le CSA.

J’avoue avoir trouvé quelque peu choquant que l’on ait pu juger que les décisions de ces institutions étaient hypocrites. En effet, leurs membres ont exercé avec honnêteté le mandat qui leur avait été confié par les présidents des assemblées et le Président de la République, en faisant preuve d’un maximum d’indépendance. L’histoire de l’audiovisuel public rendra justice à l’esprit de responsabilité de ces institutions. Le CSA n’a pas failli, et il est injuste d’affirmer que ses décisions étaient hypocrites.

Dire, pour justifier le changement, que la procédure en vigueur était hypocrite ne me paraît donc absolument pas suffisant. C’est pourquoi je suis heureux que la commission des affaires culturelles ait présenté un amendement tendant à prévoir que le candidat, s’il est effectivement pressenti par le Président de la République, sera tenu de présenter publiquement un projet devant les deux commissions compétentes du Parlement, dans une transparence totale. Ce sera une sorte de « grand oral », et cette procédure sera sans doute beaucoup plus convaincante que le recours à une sélection restreinte.

L’improbabilité de réunir une majorité négative des trois cinquièmes a été évoquée. À cela, j’opposerai l’improbabilité que le Président de la République choisisse un candidat qui ne soit ni compétent ni honnête. Nous ne sommes plus à l’époque où Caligula nommait son cheval consul ! L’intérêt bien compris d’un Président de la République est de nommer une personnalité compétente et honnête, capable de défendre un programme et de le présenter en toute transparence, ce qui n’était pas le cas antérieurement. Or cette transparence est apportée par l’amendement de la commission.

L’instauration du quinquennat est sans doute à l’origine du changement que nous connaissons aujourd’hui : en l’acceptant, on acceptait de facto toute une série de conséquences, et le candidat Nicolas Sarkozy nous avait annoncé ses intentions à cet égard au cours de la campagne pour l’élection présidentielle, prenant en particulier l’engagement que le Président de la République serait responsable de l’exécutif.

Nous assistons aujourd’hui à une mise en œuvre de cet engagement, qui permet un progrès démocratique puisque le candidat pressenti par le Président de la République aura l’obligation de présenter publiquement son programme. Cela renforcera sa légitimité, car il pourra s’appuyer sur ce programme pour asseoir son autorité et exercer sa présidence si certaines tentations d’affaiblir sa position par des voies politiques se font jour. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au fond, M. Longuet nous donne la clé.

M. Gérard Longuet. À tout pécheur miséricorde !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voyons tous les travers d’une évolution présidentialiste que nous n’avons pour notre part ni souhaitée ni approuvée.

Il ne s’agit pas de faire un procès d’intention, mais le Président de la République est maintenant à la fois le chef de l’État, le chef du Gouvernement, le chef de la majorité, le chef du parti majoritaire de la majorité. Qui dit mieux !

M. Gérard Longuet. Il a été élu pour ça !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous le regrettons !

À cet égard, la question qui nous occupe est tout à fait symbolique. Nous n’étions pas satisfaits des nominations faites par le CSA, instance qui manque singulièrement de pluralisme, mais il est franchement inique que le Président de la République nomme lui-même les présidents de Radio France et de France Télévisions. Bientôt, il décidera de tout et fera tout, comme il l’annonce d’ailleurs lui-même !

Quant à la nécessité de réunir une majorité des trois cinquièmes pour s’opposer à une nomination, nous avons déjà eu cette discussion au moment de la révision constitutionnelle : un tel seuil ne sera jamais atteint. Le Président de la République étant chef de la majorité, il est bien évident que cette même majorité ne refusera pas le candidat choisi par lui.

Le Président de la République est chef du pouvoir exécutif. Il pèse sur le pouvoir législatif à travers sa majorité, à laquelle il ne se prive pas de rappeler son autorité le cas échéant. Il intervient directement sur l’autorité judiciaire. Désormais, il sera aussi chef des médias ! C’est là une évolution tout à fait négative et inquiétante, et aucun argument ne saurait nous convaincre du contraire.

Dans quelle autre démocratie le Président est-il aussi le chef des médias ? Vous qui aimez tant vous référer aux démocraties européennes ou aux États-Unis, citez-nous un autre cas de cet ordre ? Il n’y en a aucun ! C’est donc une première, particulièrement symbolique et très grave ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 6.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 77 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 152
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La proposition que nous présentent aujourd’hui les rapporteurs au travers de cet amendement nous avait déjà été soumise par nos collègues Verts lors du débat sur la réforme des institutions.

Leur amendement avait alors été rejeté par le rapporteur, M. Hyest, qui considérait qu’une telle disposition n’avait pas à figurer dans la Constitution et qu’il n’était pas souhaitable d’envisager une publicité systématique des débats. La majorité l’avait suivi.

L’amendement qui nous est aujourd’hui présenté prévoit que la commission compétente, avant de se prononcer, doit entendre publiquement la personne dont la nomination est proposée avant d’émettre un avis, cela, nous dit-on, afin de « renforcer la transparence des nominations ».

Cette réforme peut paraître intéressante, en tout cas pour ceux qui veulent bien se contenter de déclarations de principe. En réalité, en prévoyant une simple consultation des deux commissions permanentes compétentes sans conférer le moindre caractère contraignant à l’avis émis, le texte vise à créer un droit sans véritable portée. Qu’elle s’accompagne ou non d’une audition publique, il ne s’agit que d’une garantie purement formelle.

En effet, qui peut imaginer que les trois cinquièmes des députés et des sénateurs puissent s’opposer à une proposition du Président de la République ? Un « grand oral » devant les commissions n’y changera rien, puisque le choix émane du Président de la République. Quelle assemblée osera lui dire que son candidat est incompétent et d’une indépendance discutable ?

L’essentiel se trouve donc non pas dans cette mesure, mais dans l’absence de portée contraignante de l’avis des commissions, qui d’ailleurs ne saurait se substituer à un véritable débat parlementaire en séance publique, lequel traduirait un authentique renforcement des pouvoirs du Parlement.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. J’ai eu l’occasion de m’exprimer hier sur le mode de désignation du président de France Télévisions proposé et de dire qu’il ne posait pas de problème à la grande majorité des membres de notre groupe.

En effet, il ne nous paraît pas anormal que le président de France Télévisions soit nommé par l’actionnaire unique, et il nous semble d’ailleurs que le projet de loi offre un certain nombre de garde-fous appréciables, avec l’avis conforme du CSA et l’avis des commissions parlementaires compétentes.

Je rappelle en outre que, dans le passé, les présidents de chaîne ont toujours eu l’aval du pouvoir, à une exception près qui, comme l’a souligné l’un de nos collègues hier soir, n’a malheureusement pas été très concluante, puisque l’intéressé fut très rapidement contraint à la démission par le pouvoir en place.

Le dispositif du projet de loi organique nous convient, et l’amendement de la commission des affaires culturelles vient encore l’améliorer en prévoyant que les auditions par les commissions soient publiques. C’est là un gage réel de transparence.

Le groupe de l’Union centriste votera donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous avons exprimé depuis le début de la discussion notre désaccord sur cette façon de procéder ; nous ne prendrons donc pas part au vote.

M. le président. J’ai été saisi d’une demande de scrutin public par la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Elle est retirée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le vote sur l’article unique, modifié, qui constitue l’ensemble de ce projet de loi organique est réservé jusqu’à l’adoption du projet de loi ordinaire.

projet de loi (suite)

Article unique (début)
Dossier législatif : projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France
Discussion générale

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AU SECTEUR PUBLIC DE LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

CHAPITRE IER

Des sociétés nationales de programme

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Rappel au règlement

Articles additionnels avant l'article 1er A

M. le président. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et Maurey, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sont fusionnés au sein d'un organisme unique, chargé de la double régulation : des contenus audiovisuels et des réseaux. 

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Cet amendement a pour objet de fusionner le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, en une seule et unique autorité de régulation.

L’objectif est d’harmoniser les attributions de fréquences pour l’ensemble de l’univers des communications, la convergence numérique impliquant une telle réorganisation des dispositions juridiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. On constate aujourd'hui une convergence des contenus et des contenants, et le maintien de deux autorités distinctes peut paraître inadapté, les frontières ayant tendance à s’effacer.

Michel Thiollière et moi-même avons réfléchi à la possibilité d’une fusion de ces deux autorités. Pour autant, nous nous sommes rapidement aperçus que la décision était lourde et les enjeux complexes. C’est un sujet tout à fait pertinent, qu’il va nous falloir approfondir dans les prochains mois, mais il ne nous semble pas souhaitable d’entreprendre ce travail dans le cadre de l’examen d’un texte déjà riche et complexe, d’autant qu’il nous manque encore quelques éléments.

Nous prenons acte de cette proposition, que nous souhaitons étudier en commission dans les mois à venir. C’est pourquoi nous émettons provisoirement un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je rejoins l’avis de Mme le rapporteur. La convergence entre les instances de régulation est une piste de réflexion tout à fait intéressante, surtout dans la perspective du plan « France numérique 2012 ». Toutefois, un travail préalable approfondi est nécessaire.

Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 185 rectifié est-il maintenu ?

M. Hervé Maurey. Compte tenu des assurances qui nous ont été données quant à un examen ultérieur de cette question, je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 185 rectifié est retiré.

L'amendement n° 199, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est institué une responsabilité publique pour l'audiovisuel, l'information et la communication qui fixe les missions de service public pour l'ensemble des entreprises publiques et privées du secteur de l'audiovisuel.

Ces missions sont définies par la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Nous tenons à ajouter un tel dispositif, parce qu’il nous semble que la question est posée depuis des années. La discussion que nous avons, celle qui a eu lieu à l’Assemblée nationale et l’étude des textes nous montrent que c’est une nécessité.

On ne peut pas, sur certaines questions, avoir une télévision publique qu’on domine et une télévision privée qu’on libère sans rivages. Les 98,5 % de Français qui regardent l’une ou l’autre constituent un fait de société ; la télévision a des rapports avec la population, avec la société, et on n’en discute nulle part autrement que partiellement.

Il est important de nommer cette responsabilité, qui a déjà une longue histoire. En vérité, elle est née à la Mutualité en 1985, au cours d’un meeting bourré d’artistes, où Michel Mitrani, un grand réalisateur de télévision aujourd’hui décédé, appelait à inventer une alternative française aux défis de l’audiovisuel.

Lors des États généraux de la culture, en 1987, qui ont réuni des milliers d’artistes – nous étions 7 000 au Zénith, et 3 000 dehors, mêlés au public –, a été lancée une déclaration des droits de la culture qui réclamait la mise en œuvre d’une responsabilité publique qui serait la loi du secteur public et qui constituerait des mesures d’intérêt général que devrait respecter le secteur privé.

Depuis, l’idée a cheminé. La loi de 1988 a été l’occasion d’un débat important au Sénat ; notre ancien collègue Charles Lederman en dressait l’alphabet. J’ai évoqué ce matin la loi de 2000 et les missions rédigées par Catherine Tasca, qui commençaient à mettre cette idée en forme.

Je voudrais citer de nouveau l’article intitulé « Pour une télévision responsable », paru avant-hier dans Le Monde et signé de Philippe Meirieu, professeur à l’université Lumière-Lyon II. Ce texte est soutenu par des organisations de parents d’élèves de l’école publique telles que la FCPE et la PEEP, par la Ligue de l’enseignement, par Éducation et devenir, par les Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active, les CEMEA, et par le SGEN-CFDT. Il indique qu’il est temps d’étudier le problème des relations entre la télévision et la société.

Quelle hypocrisie quand on donne tout au secteur privé, sans avoir le courage de créer des responsabilités ! Ils font ce qu’ils veulent. On dit aux acteurs de s’entendre, alors ils s’entendent, dans un document qui est d’ailleurs illisible, y compris pour la majorité des membres de ces organisations.

Il en résulte essentiellement plus d’obligations pour le secteur public et moins pour le secteur privé. Un arrangement de chiffres a permis d’obtenir la signature de M6, évoquée par Mme Albanel ce matin. C’est un texte de compromis au plus bas niveau, remettant en cause des choses qui étaient acquises.

Il est donc plus que temps de mettre en avant une responsabilité publique et nationale. C’est pourquoi nous proposons d’introduire cet article. Il aidera, nous l’espérons, à franchir cette nouvelle étape qui, elle seule, sera historique.

Pourquoi ne pas organiser au Sénat, au printemps, des états généraux de la télévision et de la société françaises, qui ne seraient coupés ni de l’Europe ni du monde, qui nous permettraient de pousser loin la réflexion et de revenir sur ce texte que l’on nous dit historique mais qui n’apporte que des déboires potentiels et d’ores et déjà visibles à l’œil nu ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission estime qu’un équilibre doit être préservé entre les chaînes privées et les chaînes publiques.

Nous considérons qu’il est du ressort du législateur d’affirmer les missions publiques des chaînes du service public. Quant aux chaînes privées, les autorisations qui leur sont données sont assorties de contraintes, notamment en matière de création.

Le système lui paraissant équilibré, la commission est défavorable à votre amendement, monsieur Ralite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je n’ai pas très bien compris ce qu’était cette « responsabilité publique » qu’il est proposé d’instituer. La responsabilité publique est à mon sens exercée par l’actionnaire, d’une part, et par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, d’autre part.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Je me suis peut-être mal fait comprendre.

Je ne parle pas d’une histoire de pacotille, d’une histoire de détails.

Quand notre pays et son mouvement populaire ont inventé la liberté, l’égalité et la fraternité, même si elles demandent encore tant d’efforts pour être totales pour tous les citoyens, surtout pour les non-solvables, on n’a pas dit qu’on traiterait, du point de vue de la loi, la liberté pour certains et qu’on laisserait les autres s’en moquer. On n’a pas dit autrement pour l’égalité. On n’a pas dit autrement pour la fraternité.

Cette responsabilité publique, c’est une nouvelle dimension du droit français, du droit européen et du droit mondial. On a besoin d’un droit sur l’imaginaire, et c’est cette question qui est posée. Il ne faut pas la rapetisser. Il faut au contraire la développer pour en comprendre la signification et la profondeur.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Afin que nous puissions discuter et voter dans de bonnes conditions, il serait préférable, me semble-t-il, que la majorité fasse un effort pour nous éviter le recours systématique au scrutin public. La présence d’un ou deux sénateurs de la majorité supplémentaires suffirait pour que l’on ne soit pas contraint de s’en tenir à des votes de principe.

En disant cela, je ne critique pas la majorité ; je dresse simplement un constat.

M. David Assouline. Cela nous permet d’aller à un train de sénateurs ! (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. Ça, c’est amusant !

Mme Catherine Tasca. La majorité vient d’inventer une nouvelle forme d’obstruction : l’obstruction par l’absence !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires culturelles.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 78 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 140
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au règlement

Articles additionnels avant l'article 1er A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 1er A

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

M. David Assouline. À mon sens, la remarque émise à l’instant par M. Lagauche mérite que l’on s’y arrête.

J’en appelle au sursaut. Il ne s’agit pas ici des points de vue différents que nous pouvons avoir sur ce projet de loi.

Nous ressentons tous l’affront que représente, pour le Sénat, le fait qu’un texte dont notre assemblée n’a même pas encore discuté soit déjà entré en vigueur.

Cependant, mes chers collègues, vous savez que cette volonté d’enterrer le Sénat risque de se trouver en quelque sorte confortée si nous continuons à examiner le présent projet de loi dans de telles conditions.

Personnellement, je comprends que des sénateurs de l’UMP que l’on a pris pour des « zozos », pour reprendre les propres termes de l’un d’entre eux, puissent protester en restant chez eux.

Néanmoins, il est fondamental que le peu de débat qui nous reste sur cette réforme ait véritablement lieu entre l’opposition et la majorité. Comme dans un match de tennis, il faut être deux. Sinon, nous nous plaçons dans une situation encore plus difficile. Si les médias s’intéressaient tant soit peu aux travaux parlementaires, l’effet serait destructeur.

La question de l’utilité du Sénat surgirait de nouveau, car ce débat est loin d’être clos ! Nous devons en permanence défendre le Sénat et expliquer son rôle. Nous le savons, certains fusils sont toujours braqués sur notre assemblée. Pour ma part, j’ai acquis la conviction qu’elle est utile, mais franchement, si nous offrons une telle image, je peux comprendre que certains observateurs s’interrogent.

Je profite donc de ce rappel au règlement pour appeler l’ensemble des groupes politiques du Sénat à prendre leurs responsabilités, afin que nous puissions avoir des débats sérieux.

M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er (début)

Article 1er A 

La dernière phrase du troisième alinéa de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigée :

« Il rend compte chaque année au Parlement des actions des éditeurs de services de télévision en matière de programmation reflétant la diversité de la société française et propose les mesures adaptées pour améliorer l'effectivité de cette diversité dans les programmes. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 1er A participe d’une forme d’amélioration de la présentation du projet, que l’on pourrait pratiquement qualifier d’« enrobage » de la réforme voulue et conçue par le Président de la République.

De quoi parlons-nous ici ?

Il s’agit de missionner le CSA – nous verrons plus loin quel sort est réservé à son fonctionnement et à ses compétences, ne serait-ce que pour la nomination du président de France Télévisions – pour mettre en musique et en images la « diversité », concept promu par M. Sarkozy.

Si le rapport de la commission ne revient pas sur le contenu de l’article, dont il propose l’adoption conforme, il indique tout de même clairement que ce dispositif a été inséré dans le projet de loi dans le droit fil du discours de l’École polytechnique.

Soyons clairs : la diversité véhiculée dans le discours présidentiel actuel n’est qu’un avatar de l’affirmative action appliquée aux États-Unis, concept que nous avons traduit dans notre langue par l’expression « discrimination positive ».

On attend donc du CSA qu’il veille à faire en sorte que les sociétés de programme, privées ou publiques, mettent en évidence la diversité des origines des habitants de notre pays. Au-delà du constat des réalités, l’instance devra être en mesure de formuler des propositions.

Au demeurant, sauf erreur de notre part, ces propositions ne seront assorties d’aucune sanction. En d’autres termes, les recommandations du CSA n’auront pas de caractère contraignant.

Venons-en cependant au fond.

Il est plus qu’évident que la diversité de la société française est aujourd’hui très imparfaitement perceptible à la télévision. Mais suffira-t-il de prévoir expressément un quota –il faut appeler les choses par leur nom – de candidats issus de l’immigration ou le recrutement d’un certain nombre d’animateurs de télévision présentant les mêmes caractéristiques pour remédier à cette situation ?

D’ailleurs, devons-nous, sans avoir l’air d’y toucher, favoriser par un tel biais une forme de communautarisation de la société, ce qui ne correspond aucunement à l’attente des habitants de notre pays, quelle que soit leur origine ?

Examinons le problème tel qu’il se pose : on peut bien prévoir qu’un certain nombre de présentateurs de journal télévisé appartiendront à de prétendues minorités visibles, on n’aura pas progressé d’un pouce tant que l’on traitera de la même manière l’actualité sociale, notamment les luttes menées par les travailleurs issus de l’immigration.

Quand on compare le temps d’antenne dédié à l’action de M. Brice Hortefeux dans sa quête permanente d’expulsions de sans-papiers à celui qui a été consacré aux associations de soutien aux familles ou au scandale permanent de Sangatte, on peut être amené à douter des intentions réelles qui sous-tendent le projet de loi.

À la vérité, c’est peut-être en commençant par la mise en œuvre de véritables missions de service public que l’on règlera une partie des questions que cet article pose de la plus mauvaise des manières.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 241, présenté par M. Maurey et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Après les mots :

la société française

supprimer la fin du second alinéa de cet article.

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Comme le souligne le rapport de la commission des affaires culturelles, il est indispensable que les sociétés nationales de programme prennent mieux en compte la diversité française, notamment dans leur programmation.

En janvier 2007, sur la proposition de son président, M. Michel Boyon, le CSA a créé un groupe de travail sur la diversité. Le 24 juillet 2007, cette même instance a décidé de créer un observatoire de la diversité, dont l’objet est de lui apporter un soutien en orientant ses recherches et en formulant des propositions sur toutes les questions relatives à la diversité dans les médias.

Il ressort de ces travaux que la représentation de la diversité sur les chaînes de télévision n’a que très peu progressé, à hauteur d’un point seulement en dix ans en ce qui concerne les journaux télévisés, la fiction et les animateurs.

C’est pourquoi l’Assemblée nationale a introduit dans le texte le présent article, qui va dans le bon sens.

Toutefois, nous proposons de supprimer la fin de son second alinéa, dans la mesure où il nous semble quelque peu excessif de conférer au CSA le pouvoir de proposer des dispositions adaptées pour améliorer l’effectivité de la diversité dans les programmes, c'est-à-dire de lui ouvrir la possibilité de faire des recommandations sur les programmes.

Il nous paraît en effet préférable de se borner à accorder au CSA un simple droit de contrôle et de constat, sans aller jusqu’à lui permettre de faire des suggestions en matière de programmation.

M. le président. L'amendement n° 293 rectifié, présenté par Mme Khiari, MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel, Fichet et Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

dans les programmes

par les mots :

dans toutes les catégories de programmes

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. La diversité est une chance pour notre pays, mais sa visibilité dans les programmes des médias demeure faible.

Cette situation prévaut en dépit des encouragements de chacun des acteurs, des beaux discours et envolées lyriques sur le thème du respect de la différence, de la promotion de la diversité, qui semble être à la fois un impératif républicain et celui d’une société qui intègre autour d’un idéal commun, sans nier ni saper les différences.

Il s’agit d’une exigence de principe : les médias doivent refléter la société plurielle qui forme le tissu de notre nation. Dans cette perspective, il incombe au CSA de contrôler le nécessaire respect par les médias du principe de promotion de la diversité de notre pays.

L’enquête qui a été réalisée sur ce sujet sous la houlette de Rachid Arhab révèle l’écart existant à cet égard entre les déclarations de principe et les faits, ainsi que le retard des médias en termes de promotion de la diversité.

Cette enquête est intéressante à plus d’un titre, car elle comporte une analyse fine de la diversité non pas dans les programmes de manière générale, mais dans chaque secteur de programmation.

On apprend ainsi que certains secteurs considérés comme « nobles » – les journaux et les magazines d’information – constituent encore des bastions que les femmes peinent à conquérir. En outre, les fictions restent encore peu ouvertes à la diversité, tandis que les émissions de variétés affichent, elles, une réelle efficacité dans ce domaine.

Dès lors, mes chers collègues, je souhaite que soient visées par le texte « toutes les catégories de programmes », formulation plus précise qui répond à la nécessité déjà soulignée par le CSA d’une analyse à la fois globale et sectorielle, conduisant à une réelle réflexion, au sein des chaînes, sur la promotion de la diversité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Le thème de la diversité a été largement évoqué en commission et nous souhaitons qu’elle soit représentée, autant que faire se peut, sur nos écrans de télévision, de manière que soit pleinement reflétée la diversité de la société française d’aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 241, qui tend à restreindre la possibilité, pour le CSA, d’apporter des améliorations par le biais de recommandations faites au service public de télévision.

En revanche, la commission est très favorable à l’amendement n° 293 rectifié de nos collègues du groupe socialiste, que je remercie d’avoir accepté, suite à notre discussion en commission, de modifier leur proposition.

M. Charles Pasqua. Formidable !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je crois, comme la commission, qu’il est souhaitable que le CSA puisse faire des recommandations ou des préconisations en vue d’améliorer le respect par les médias de la diversité de notre population.

Par conséquent, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable sur l’amendement n° 241. Il se déclare en outre favorable à l’amendement n° 293 rectifié.

M. le président. Monsieur Maurey, l'amendement n° 241 est-il maintenu ?

M. Hervé Maurey. Non, monsieur le président, je le retire.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 241 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 293 rectifié, sur lequel je ne suis saisi d’aucune demande de scrutin public ! (Sourires.)

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A, modifié.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 109, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« Art. 4. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend onze membres désignés selon la répartition suivante :

« - Cinq parlementaires désignés par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans le respect du pluralisme ;

« - Deux membres désignés par le Président de la République. Ces nominations sont faites sur la base de candidatures rendues publiques et sont soumises à la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution ;

« - Deux membres sont désignés par le président du Conseil économique, social et environnemental ;

« - Deux membres représentent les syndicats du secteur audiovisuel ;

« Le mode de désignation des quatre derniers membres est fixé par décret.

« Le président est élu par les membres du Conseil pour la durée de ses fonctions en tant que membre du conseil. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à rendre sa légitimité à l’autorité administrative garante du pluralisme qu’est le CSA.

La présente réforme, que nous appelons de nos vœux depuis des années et que nous n’avons cessé de proposer, est nécessaire, de l’aveu même du Président de la République.

Toutefois, ce dernier prend prétexte du dysfonctionnement de cette autorité pour décider de nommer lui-même le patron de France Télévisions. Puisque le CSA n’est pas indépendant et que la nomination du président de France Télévisions par cette instance est donc « hypocrite », M. Sarkozy propose que lui soit attribuée directement cette prérogative.

L’argument est fabuleux ! Plutôt que de pallier un dysfonctionnement démocratique, le Président prévoit de l’instaurer comme nouvelle règle : puisque cette nomination est déjà le fait indirect du prince, nous dit-il, qu’elle procède désormais directement de lui !

Pour qui est attaché à la démocratie et à la République, il est impensable de se résoudre à un tel sophisme !

Selon nous, si l’autorité de régulation et d’arbitrage n’est pas indépendante, il vaut mieux, plutôt que de la vider plus encore de son sens en lui retirant l’essentiel de ses compétences, la réformer, car la démocratie suppose l’existence de tiers indépendants du pouvoir pour statuer sur les éventuels conflits entre ce dernier et les citoyens.

Or, principalement du fait de sa composition, le CSA n’est effectivement pas indépendant à l’heure actuelle.

Les récentes déclarations dans la presse du président du CSA, M. Boyon, en ont donné une ultime preuve. Son affirmation selon laquelle la suppression du CSA représenterait une garantie d’indépendance supplémentaire pour l’audiovisuel public démontre sans aucun doute, de manière moins cocasse que très inquiétante, sa soumission au bon vouloir du Président.

Pour redonner sa légitimité au CSA, il faut assurer le pluralisme politique et social en son sein et rendre plus transparente la procédure de nomination de ses membres.

À cette fin, nous proposons d’accroître le nombre de parlementaires dans cette instance, pour que résonnent les voix des citoyens téléspectateurs, et de prévoir la présence en son sein de représentants des syndicats du secteur audiovisuel, comme c’est le cas au bureau de la chaîne allemande ZDF.

Nous proposons, en outre, que les désignations faites par le Gouvernement soient soumises à la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution.

Sans pluralisme ni transparence, il n’est pas de diversité, chacun en convient. Dans ces conditions, mes chers collègues, soyons conséquents et réformons le CSA !

M. le président. L'amendement n° 294, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Les cinq premiers alinéas de l'article 4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont ainsi rédigés :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel comprend huit membres. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité de l'Assemblée nationale, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité de l'Assemblée nationale. Deux sont désignés sur proposition conjointe des groupes appartenant à la majorité du Sénat, deux sur proposition conjointe des groupes n'appartenant pas à la majorité du Sénat.

« Ils ne peuvent être nommés au-delà de l'âge de soixante-cinq ans.

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel élit son président parmi ses membres. En cas d'empêchement du président, pour quelque cause que ce soit, la présidence est assurée par le membre du conseil le plus âgé.

« Le mandat des membres du conseil est de six ans. Il n'est ni révocable, ni renouvelable. Il n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicable aux intéressés.

« Le conseil est renouvelé complètement tous les six ans. »

II - Le septième alinéa du même code est ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne peut délibérer que si six au moins de ses membres sont présents. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a la mission, essentielle dans une société démocratique, de réguler le secteur de la communication audiovisuelle.

À ce titre, le CSA est constitué sous la forme d’une autorité administrative indépendante, qui n’a malheureusement d’indépendante que le mot. D’ailleurs, certains semblent entériner cet état de fait en disant que ce serait une hypocrisie si le CSA continuait à nommer le président de France Télévisions.

Pourtant, aux termes des projets de loi que nous examinons, le CSA sera amené à assumer la responsabilité considérable de donner un avis conforme aux nominations, par le Président de la République, des présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société chargée de l’audiovisuel extérieur de la France.

Autrement dit, dépossédés du droit de nommer les responsables de l’audiovisuel public, les membres du CSA pourront s’opposer à la volonté du chef de l’État, c’est-à-dire à l’autorité ayant choisi un tiers d’entre eux, ainsi que leur président.

La preuve est donc établie que la modification du régime de nomination des dirigeants des chaînes publiques ne permet pas de sortir de l’hypocrisie consistant à se satisfaire de la situation actuelle. En réalité, cette réforme institutionnalisera l’hypocrisie, en assujettissant encore un peu plus étroitement les membres du CSA aux désirs des autorités les ayant désignés.

C’est pourquoi il est essentiel d’assurer l’indépendance des membres du CSA en modifiant les conditions de leur nomination.

Cette exigence est d’autant plus importante que nous souhaitons, comme les rapporteurs de la commission, que le CSA, en tant qu’autorité devenue réellement indépendante du Gouvernement, puisse exercer de nouvelles prérogatives, notamment celle d’évaluer objectivement les besoins de financement des sociétés de l’audiovisuel public et les moyens d’y pourvoir, à l’instar de ce que font les Allemands, notamment.

Dès lors, notre proposition a pour objet d’éviter que puisse perdurer la situation actuelle, où la totalité des membres du CSA ont été désignés par trois autorités appartenant à la même famille politique. La droite ne devrait pas se satisfaire de cet état de choses, qui pourrait un jour se retourner contre elle. Il faut donc se garder d’adopter des positions partisanes dans cette affaire et s’efforcer simplement de rechercher ce qui est juste et démocratique.

Or le caractère politiquement monocolore de la composition du collège du CSA sera confirmé par les nouvelles nominations qui interviendront très prochainement, trois des titulaires actuels arrivant en fin de mandat. Autrement dit, la situation présente risque de perdurer !

Il s’agit donc de retirer aux trois autorités actuellement compétentes le pouvoir de nommer les membres du CSA, pour confier cette responsabilité paritairement à la majorité et à l’opposition, dans leur diversité, de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Après avoir longuement examiné, je peux vous l’assurer, différentes formules susceptibles d’assurer dans les faits une véritable indépendance à cette autorité, nous n’en avons pas trouvé d’autre qui soit à même de permettre de traverser les alternances et d’être validée sur toutes les travées de cette enceinte.

Quel que soit le gouvernement en place, tout le monde y trouverait son compte et la démocratie y gagnerait.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. C’est un vrai sujet qu’évoquent nos collègues par le biais des amendements nos 109 et 294.

La définition des modalités de composition du CSA remontant à 1989, on peut toujours estimer qu’il est temps de la changer.

Cela dit, le CSA, dans sa composition actuelle, a traversé plusieurs alternances, sans que son indépendance ait été à aucun moment remise en question.

Pour autant, comme l’a souligné Catherine Morin-Desailly, nous aurons sans doute à discuter du rapprochement de l’ARCEP et du CSA d’ici à 2012, ce qui nous permettra probablement de déterminer la composition de cette future autorité indépendante.

C'est la raison pour laquelle la commission souhaite aujourd'hui le maintien en l’état de la composition du CSA et est donc défavorable aux deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je m’associe à l’argumentation développée par M. le rapporteur.

Depuis 1989, différentes personnalités, y compris socialistes d’ailleurs – je pense à Jean-Jack Queyranne ou à Jack Lang –, se sont exprimées sur le bien-fondé des modalités de la composition du CSA.

Certes, du fait des réalités de la vie politique, le CSA a une certaine « couleur », mais celle-ci est souvent en fait difficile à déterminer dans la mesure où cette instance est souvent composée de personnalités très diverses.

En tout état de cause, la réforme du CSA n’est pas au cœur de ce projet de loi. Nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet à l’occasion de l’éventuel rapprochement des instances de régulation, comme vient de le signaler Michel Thiollière.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Nous touchons là à un sujet très important, et nous avons déjà déploré que le Gouvernement n’ait pas ouvert le dossier de la composition et des missions du CSA.

Il faudrait faire preuve d’un peu plus de cohérence, alors que l’on nous affirme depuis le 8 janvier 2008 qu’il s’agit de procéder à une véritable révolution, parce que le monde a changé : les techniques, le paysage audiovisuel et les forces économiques ne sont plus les mêmes.

La gauche a créé les premières instances de régulation indépendantes de l’audiovisuel. Notre réflexion chemine depuis maintenant une vingtaine d’années, car avant le CSA, madame la ministre, existait la Haute autorité de la communication audiovisuelle !

Nous avions sans doute adopté par conformisme, à l’époque, un schéma qui régit la nomination des membres du Conseil constitutionnel, les trois plus hautes autorités de l’État, à savoir le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale, désignant les membres de cette instance.

En ce temps, il semblait à chacun – peut-être était-on alors plus naïf qu’aujourd’hui – qu’un tel mode de nomination suffisait à garantir l’indépendance de l’instance de régulation.

Nous avons vécu avec ce système, qui a fait en partie ses preuves car, comme l’a dit tout à l’heure M. Longuet, on ne peut prétendre découvrir tout à coup que ces instances de régulation ne valent rien et n’ont rien fait !

Il n’empêche que l’autorité de régulation de l’audiovisuel n’a pas acquis la confiance de l’opinion, ni d’ailleurs celle des professionnels du secteur.

En effet, le caractère politique des nominations des membres du CSA est aujourd'hui trop visible, trop éclatant. Les alternances politiques ne sont pas suffisamment fréquentes dans notre pays pour rassurer les Français de ce point de vue.

Nous devons tirer les leçons de cette situation, car l’instance de régulation aura demain à prendre des décisions encore plus lourdes que durant les vingt dernières années. Nous avons donc tout intérêt à renforcer son crédit.

Or nous n’y parviendrons pas en maintenant le statu quo. Je suis très étonnée, madame la ministre, que vous qui défendez avec ardeur l’aspect novateur du projet de loi ne nous proposiez rien d’autre, sur ce point central de la nomination des membres du CSA, que de conserver le système en l’état !

La formule que notre groupe a retenue est tout à fait neuve. Nous pensons que si la révision constitutionnelle doit trouver une traduction dans ce domaine, c’est bien en changeant les rapports entre l’opposition et la majorité ! Nous avons ici l’occasion de procéder à un tel changement en décidant de confier de façon paritaire à l’opposition et à la majorité la responsabilité de la nomination des membres de l’autorité indépendante.

Je vous assure, madame la ministre, que le CSA rencontre à l’heure actuelle, alors qu’il est amené à faire des choix très importants, un très grand problème de crédibilité, du fait du mode de nomination de ses membres, quelle que soit la qualité de ceux-ci.

Ce projet de loi est l’occasion de prendre immédiatement un tournant à cet égard, et d’adopter une formule neuve.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 294.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)

Mme Catherine Tasca. C’est une occasion manquée !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 110, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Conseil supérieur de l'Audiovisuel veille à ce que les services de radio et télévision respectent, au sein de leurs programmes, la répartition suivante du temps de parole :

- un tiers du temps aux interventions du Président de la République, de ses collaborateurs, et des membres du Gouvernement ;

- deux tiers du temps aux représentants politiques en fonction de leur représentativité aux dernières élections nationales et locales selon des critères fixés par décret.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. L’objet de cet amendement est de comptabiliser les interventions audiovisuelles du Président de la République et de ses collaborateurs dans le temps de parole réservé à l’exécutif.

À l’heure où le Président de la République affirme vouloir donner un vrai statut à l’opposition et en promouvoir le rôle démocratique, cette réforme du décompte du temps de parole présidentiel est à nos yeux essentielle.

Plus que par un « hyper-président », notre pays est dirigé, pour reprendre les mots du député Noël Mamère, par un « télé-président » : cette réforme devient donc urgente !

Les chiffres, à ce sujet, sont éloquents : d’après les statistiques du CSA, le temps de parole du Président de la République entre 1989 et 2005 représentait, en moyenne, 7 % du temps global des interventions politiques.

Ces statistiques indiquent que, pour le second semestre de 2007, Nicolas Sarkozy a disposé de 13,3 % du temps de parole politique dans les journaux télévisés, les magazines d’information et les programmes de divertissement, voire de 15 % de ce même temps de parole si l’on prend en considération les interventions de ses collaborateurs.

Cette proportion atteint même 21,4 % du total du temps d’expression politique – 23 % avec les interventions de ses collaborateurs – si l’on ne prend en compte que les journaux télévisés, contre 3,5 % pour les partis non représentés au Parlement.

Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’il a proposé que les interventions du chef de l’État soient prises en compte dans le temps de parole de l’exécutif, pointant l’« anomalie » que représentait le décompte actuel des temps de parole et soulignant que « cette situation était la traduction d’une conception dépassée du rôle du chef de l’État ».

Une telle réforme ne ferait que rendre véritablement effectif l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que la liberté de communication doit respecter « l’expression pluraliste des courants d’opinion ». Elle permettrait, en outre, de palier l’imprécision de l’article 13 de la même loi et de travailler réellement à la mise en œuvre du pluralisme, pluralisme que le Conseil constitutionnel a qualifié dans sa décision du 18 septembre 1986 d’« objectif de valeur constitutionnelle ». Le Conseil constitutionnel a également précisé que « le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie », et ce aussi bien dans le cadre du secteur public de l’audiovisuel que dans celui du secteur privé.

C’est donc pour assurer le respect du pluralisme que nous demandons au Sénat d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 295, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le premier alinéa de l'article 13 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il veille à ce que les services de radio et de télévision respectent, au sein de leurs programmes, une répartition des temps d'intervention entre le Président de la République et les membres du gouvernement, pour un tiers du temps, les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, pour un tiers du temps et les personnalités appartenant à l'opposition parlementaire, pour un tiers du temps. »

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous tenons particulièrement à cet amendement, pour avoir déjà défendu une disposition similaire lors du débat sur la révision constitutionnelle et déposé l’an dernier une proposition de loi allant dans ce sens.

Conformément aux termes de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui confie au CSA la mission d’assurer le respect de l’expression pluraliste au sein des médias audiovisuels, l’instance de régulation a, depuis 1989, repris et adapté la règle des trois tiers héritée d’une ancienne directive du conseil d’administration de l’ORTF en date du 12 novembre 1969.

Cette directive posait le principe d’un équilibre de la présentation des points de vue sur les deux chaînes de l’ORTF entre les représentants des pouvoirs publics, ceux qui les approuvent et ceux qui les critiquent.

Le CSA, aménageant la règle des trois tiers en principe de référence, a défini un équilibre dans le secteur audiovisuel entre Gouvernement, majorité et opposition. L’article 13 de la loi du 30 septembre 1986, complétée par la loi du 1er février 1994, a ensuite octroyé au Parlement et aux partis politiques un droit de regard mensuel sur les temps d’intervention relevés par le CSA qui leur sont transmis.

La législation et la réglementation en vigueur pour le décompte des temps de parole des responsables politiques sur les antennes ont été établies compte tenu des caractéristiques propres de la Ve République.

Le CSA a toujours refusé de comptabiliser le temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement, considérant que la Constitution plaçait le Président de la République dans un rôle d’arbitre, au-dessus des partis politiques.

Le Conseil d’État, saisi de cette question, a confirmé, par sa décision n° 279259 du 13 mai 2005 relative à la campagne liée au référendum sur la ratification du traité européen, la position du CSA, estimant que « en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l’État dans l’organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s’exprime pas au nom d’un parti ou d’un groupement politique ».

Le Conseil d’État a estimé que l’instance de régulation avait exclu « à bon droit » les interventions du chef de l’État du décompte des présentations des positions des partis et groupements politiques dans les programmes des services audiovisuels.

Les institutions de la Ve République connaissent aujourd'hui une dérive accentuée vers une présidentialisation du régime. On assiste ainsi, depuis la dernière élection présidentielle, à une multiplication des interventions du chef de l’État dans les médias. Ses prises de position répétées influencent significativement le débat politique et contribuent à rompre l’équilibre des expressions politiques défini par le CSA. La révision constitutionnelle liée à l’adoption de loi du 23 juillet 2008 donne désormais la possibilité au Président de la République de s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès.

Le Président de la République est donc désormais le vrai chef de la majorité. La confusion des pouvoirs est accentuée.

C’est pourquoi l’expression du Président de la République sur les chaînes de télévision et à la radio doit être comptabilisée.

Il vous est donc proposé d’assimiler le temps de parole du Président de la République sur les antennes à celui du Gouvernement dans le décompte des temps d’antenne effectué par le CSA.

Notre amendement tend ainsi à compléter le premier alinéa de l’article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication, qui confie au CSA la mission de veiller au respect par les services de communication audiovisuelle de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes. L’ajout proposé consiste à préciser les modalités d’exercice de cette expression pluraliste par une référence à la règle des trois tiers ainsi définie : un tiers du temps pour le Président de la République et les membres du Gouvernement, un tiers du temps pour les personnalités appartenant à la majorité parlementaire, un tiers du temps pour les personnalités appartenant à l’opposition parlementaire.

Cet équilibre, dans le cadre de la présidentialisation du régime et du quinquennat, donne de toute façon à la majorité et au gouvernement de la même couleur les deux tiers du temps de parole : c’est bien suffisant !

Mme Catherine Tasca. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 110 et 295 ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission n’est pas favorable à ces amendements pour une raison simple, liée non à la personnalité de l’actuel Président de la République, mais à la nature de la fonction.

Tout le monde sait que la fonction de Président de la République engage son titulaire sur des champs étrangers à la politique intérieure et que sa mission ne peut pas être confondue avec le débat parlementaire ou le débat public en général. Par exemple, pendant six mois, le Président de la République a assuré, au nom de la France, la présidence du Conseil européen : on peut imaginer que toutes ses déclarations pendant cette période ont été faites au nom de l’Union européenne. De la même manière, le Président de la République revient du Proche-Orient : dans cette mission, il a représenté le pays et non pas une sensibilité politique. Il nous paraîtrait donc dangereux de nous engager dans la direction que l’on nous propose ici.

Je sais bien que les membres de l’opposition sont très jaloux de leurs droits. Cela dit, même sans parler de la majorité en général, le Président de la République a aussi le droit de jouir d’un certain nombre de prérogatives liées à sa fonction. Il s’agit d’envisager non pas la personne, son origine politique et les mandats qu’elle a pu détenir auparavant, mais bien la mission qu’elle exerce en qualité de chef de l’État et donc de représentant de notre pays.

C’est la raison pour laquelle l’avis de la commission n’est pas favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable pour les mêmes raisons que celles avancées par M. le rapporteur.

Il est vrai que nous avons connu au cours des derniers mois une activité internationale et économique particulièrement dense : on voit bien que le Président de la République s’est exprimé au nom de la présidence de l’Union européenne et au nom de l’intérêt supérieur de la nation. Il ne nous paraît pas souhaitable de sortir de la logique de la Ve République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, mon explication de vote vaudra pour les amendements nos 110 et 295, qui ont reçu un avis défavorable du Gouvernement. Je reprendrai la dernière phrase de Mme la ministre : il ne lui semble pas logique de sortir des principes qui ont présidé au fonctionnement des institutions de la Ve République. Mais ce n’est pas notre faute si l’actuel Président de la République s’est complètement affranchi de ces principes !

Nous n’avons jamais vu auparavant le Président de la République s’exprimer devant le Parlement – il a d’ailleurs dû faire modifier le texte de la Constitution dans ce sens –, nous n’avons jamais vu un Président aussi omniprésent dans les affaires du Gouvernement, au point que les journalistes ont raillé le Premier ministre, le déstabilisant, le plaçant dans une situation humiliante dont il n’est sorti que récemment, et encore, cahin-caha !

Alors, madame la ministre, vous ne pouvez pas dire que la Ve République fonctionne comme avant, cette loi en est la preuve ! Qui a déclaré, il y a un an : « Je supprime la publicité sur l’audiovisuel public » ? Qui a déclaré, il y a deux jours : « Je supprime les juges d’instruction » ? Aux ministres, ensuite, d’assurer tant bien que mal la mise en musique !

La moindre des choses, c’est que le temps de parole dans les médias de cet homme qui gouverne soit décompté avec celui du Gouvernement, tout en garantissant à l’opposition le respect d’un temps de parole calculé au prorata.

M. Serge Lagauche et M. Jean-François Voguet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. J’ajouterai un mot aux arguments que vient de défendre notre collègue.

Le rapporteur et la ministre viennent de nous donner une bien curieuse définition du travail d’un homme politique. Il s’agit du Président de la République, et je ne vois pas comment on pourrait « détricoter » son activité nationale de son activité internationale !

M. Jack Ralite. Il n’y a qu’une politique !

L’opposition a, elle aussi, une activité internationale ; elle aussi, fort heureusement, entretient des rapports avec les peuples étrangers ! Allez-vous distinguer, dans le décompte de son temps de parole, cette activité de son activité nationale ? Vous faites preuve d’une conception bien étriquée de la politique !

C’est en tant que Président de la République française que le chef de l’État intervient à l’étranger, comme il intervient dans le pays. Je pense qu’il faut tenir compte de nos deux amendements, des amendements de dignité et de vérité… et républicains ! J’allais dire « par-dessus le marché », mais vous en faites si peu de cas que je ne me permettrai pas ce mauvais jeu de mots !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il est dommage que nous ne puissions pas donner à ces débats une autre dimension que la simple suppression de la publicité sur la télévision publique afin d’exaucer le vœu du Président de la République – de toute façon, la mesure est déjà entrée en application.

J’avais cru aux perspectives ouvertes par la création de la commission Copé sur « la nouvelle télévision publique ». Nous pensions nous réunir avec des créateurs, pour évoquer avec eux les moyens d’aider la télévision publique à trouver sa place spécifique dans le nouveau paysage audiovisuel, la modernisation, les défis des dix ans qui viennent… Tout cela promettait d’être passionnant !

Or, chaque fois que nous essayons d’ouvrir ce débat – il est vrai que nous présentons la tare d’être l’opposition –, nous nous heurtons à un mur : Mme la ministre nous explique en trois phrases lapidaires qu’il convient de passer à un autre sujet !

Chaque fois que nous abordons des chantiers qui peuvent donner une autre dimension à cette réforme, en réfléchissant à la nécessaire adaptation de notre audiovisuel aux évolutions du monde, y compris des institutions et des pratiques politiques, le débat est évacué !

Pourtant, le Président de la République a changé la pratique présidentielle, il est donc légitime de se demander comment prendre en compte ce changement. Nous agissons pour une réforme qui s’inscrive dans le mouvement, contre la réforme-régression à laquelle vous nous avez habitués ! Nous voulons une réforme qui nous oriente vers le progrès et la démocratie !

Nous n’étions pas favorables à la transformation de la fonction présidentielle, mais le Président de la République, qui pouvait y renoncer, a fait ce qu’il avait dit qu’il ferait : il est le chef de l’exécutif, il le montre tous les jours. Et il ne déserte pas les médias, car, en homme moderne, il a compris que, dans le monde actuel, on ne peut pas communiquer avec les citoyens sans les médias dont on sait la place absolument fondamentale qu’ils occupent dans la société.

Le fait de légiférer en fonction de cette nouvelle pratique est fondamental ! À qui allez-vous faire croire que le Président de la République n’est pas tous les jours le chef de l’exécutif et que comptabiliser son temps avec celui du Gouvernement ne répond pas à une évidence ? Il aurait d’ailleurs dû proposer lui-même cette modification de la loi, puisqu’il a voulu cette modification de la fonction !

Auparavant, le Président de la République était un arbitre. L’actuel président ne veut plus être un arbitre, et se pose tous les jours en chef de l’exécutif. Oui, tous les jours, il donne les ordres dans ce sens ! Certains apprécient, d’autres moins, mais c’est un fait : en politique intérieure, en politique internationale, dans tous les domaines, c’est le Président de la République qui gouverne et, en plus, il le dit tous les jours dans les médias ! Il faut donc que son temps de parole soit décompté avec celui du Gouvernement.

Avec l’entrée en vigueur du quinquennat, nous sommes quasiment sûrs de ne plus connaître de ces cohabitations qui, pendant vingt ans, avaient permis de réaliser des équilibres même pour la composition du CSA ; ils étaient peut-être contre nature, mais ils existaient ! Maintenant, le Président, la majorité parlementaire, le Gouvernement sont tous de la même couleur politique. Le jour où la gauche gagnera l’élection présidentielle,…

M. Robert del Picchia. Il faudrait déjà qu’elle ait un candidat !

M. David Assouline. … je peux vous assurer que je serai très content d’entendre les démocrates de droite venir se plaindre de l’absence de pluralisme dans la composition du CSA et dans les nominations de l’audiovisuel, de l’absence de comptabilisation du temps de parole du Président de la République avec celui du Gouvernement…

Non, vraiment, il est dommage d’en arriver à évaluer la règle démocratique à l’aune des intérêts partisans ! Je vous donne rendez-vous dans quelques années : vous le regretterez ! N’oubliez pas que, aujourd'hui, nous nous battons non pas seulement pour nous, mais pour vous et pour nous, c'est-à-dire pour la démocratie !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 110.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 295.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante,

est reprise à vingt et une heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 1er B

6

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettres en date de ce jour, le texte des décisions rendues par le Conseil constitutionnel concernant la loi organique portant application de l’article 25 de la Constitution et la loi relative à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.

Acte est donné de ces décisions.

Elles seront publiées au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

7

Communication audiovisuelle

Suite de la discussion d’un projet de loi déclaré d’urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Dans la suite de l’examen des articles, nous en sommes parvenus à l’article 1er B.

Articles additionnels après l'article 1er A ou avant l'article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article additionnel avant l'article 1er

Article 1er B

Après l’avant-dernier alinéa de l’article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Avant le 31 décembre 2009, la haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique salariale et de recrutement menée par les sociétés nationales de programme visées à l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. Ce rapport propose, le cas échéant, des mesures pour améliorer l’action des sociétés nationales de programme en ce domaine. »

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l’article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les « séduisantes » déclarations d’intention du précédent article, nous entrons avec cet article 1er B dans le champ du cahier des charges de l’audiovisuel public.

Si l’on suit en effet les termes du projet de loi, cet article devrait inciter France Télévisions à faire un effort particulier de recrutement de personnels appartenant aux « minorités visibles » de la population.

C’est donc à une vaste entreprise de stigmatisation que nous assistons. Elle constitue, faut-il le souligner, une forme de « discrimination positive » appliquée à l’audiovisuel public, et à lui seul.

Il s’agit, en effet, de confier à la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la rédaction d’un rapport sur la politique salariale et de recrutement des sociétés nationales de programme, et ce au regard du paramètre de la « diversité ».

Une telle démarche ne peut manquer d’étonner, tant nous pouvons craindre que cela ne conduise précisément les sociétés nationales de programme, singulièrement France Télévisions, à réaliser au plus tôt d’importantes économies de structure conduisant à la suppression de plusieurs centaines d’emplois.

C’est donc au moment même où l’audiovisuel public est directement touché par la réduction de ses effectifs qu’il lui est demandé de faire un effort particulier pour le recrutement de personnels issus de la « diversité ».

On peut d’ailleurs se demander dans cette affaire s’il est forcément bienvenu de confier cette mission à la HALDE, alors même que la question de la gestion des effectifs des sociétés nationales de programme participe pleinement du dialogue social interne à ces sociétés.

À mon sens, le choix fait ici n’est pas forcément le bon, et je suis parfaitement consciente que les organisations syndicales de nos sociétés de programme sont plus qu’attentives à ces problématiques.

Dès la discussion de la loi pour l’égalité des chances, autre concept pour le moins sujet à caution, qui comportait plusieurs mesures relatives aux pouvoirs de la HALDE, nous avions notamment souligné ceci à propos de la HALDE : « Il conviendrait de renforcer ses missions dans le domaine de l’assistance aux victimes en termes de constitution du dossier, [en la dotant] des moyens de réaliser un travail de terrain effectif et d’agir au niveau des institutions et instances républicaines : l’école, le lieu de travail, l’habitat, etc. […] »

« En tout état de cause, cette Haute Autorité ne peut pas, à elle seule, "réparer" le mal causé par les politiques antisociales d’exclusion et de stigmatisation qui sont menées […] »

« Pour autant, nous estimons – et il semblerait que nous soyons suivis en cela par le Conseil d’État – que cette instance ne doit se substituer ni à l’action du pouvoir judiciaire, et nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen des amendements, ni à celle des pouvoirs publics, dont le rôle essentiel est de promouvoir et mettre en œuvre le principe d’égalité et de lutte contre les discriminations. »

Mes chers collègues, ce n’est donc pas à la HALDE de donner le ton au dialogue social à France Télévisions, un dialogue dont nous avons pu constater, à l’occasion de la dernière réunion du conseil d’administration de notre société nationale de programme, qu’il pouvait se trouver quelque peu « téléguidé » par une injonction présidentielle, au mépris des droits du Parlement.

C’est plutôt au pouvoir politique lui-même de faire en sorte que le secteur public de l’audiovisuel ait les moyens de son développement – ce projet de loi est pour le moins éloigné de cet objectif – et que le dialogue social, « naturel », logique, comme il est de règle dans une grande entreprise publique, et une grande entreprise tout court, se fixe des objectifs de création d’emplois précis et effectifs.

Cessons donc la stigmatisation des salariés, comme nous y invite cet article ! Cessons aussi de laisser penser que le secteur public de l’audiovisuel fait peu en matière de recrutement, notamment quand on se souvient de ce que sont RFO et RFI, avant qu’elles ne soient englouties par la société « chapeau » Audiovisuel extérieur de la France, ou encore des multiples démonstrations qu’a pu faire le service public en recrutant des journalistes et des animateurs issus de l’ensemble des composantes de la société française.

Doit-on, pour établir une égalité de traitement entre opérateurs de télévision, imposer les mêmes règles au cahier des charges de TF1 ?

En tout cas, rien ne permet à nos yeux de voter cet article en l’état.

M. le président. L’amendement n° 3, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Avant le 31 décembre 2009, la haute autorité remet un rapport au Parlement qui dresse le bilan de la politique de gestion des ressources humaines menée par les sociétés nationales de programme visées à l’article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication afin de lutter contre les discriminations et de mieux refléter la diversité de la société française. »

La parole est à M. Michel Thiollière, rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission, tout en partageant le souhait d’une meilleure connaissance des pratiques des sociétés de l’audiovisuel public dans le cadre de leur gestion des ressources humaines, propose néanmoins une nouvelle rédaction de cet article, et ce pour une triple raison.

Il s’agit, tout d’abord, d’introduire une disposition transitoire dans le présent texte sans modifier la loi du 30 décembre 2004, car cette dernière a une portée générale, alors que la modification proposée s’éteindra au 31 décembre 2009 et qu’elle ne concerne que le secteur de l’audiovisuel public.

Il s’agit, ensuite, d’évoquer la « politique de gestion des ressources humaines », plutôt que la « politique salariale et de recrutement ». En effet, une telle rédaction apparaît à la fois plus générale et plus adaptée au cadre réglementaire en vigueur en matière de politique salariale et de recrutement.

Il s’agit, enfin, de supprimer une disposition redondante avec la loi de 2004, dans la mesure où la HALDE dispose déjà d’un pouvoir de proposition : en application de l’article 11 de cette loi, elle peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu’elle estime être discriminatoire ou à en prévenir le renouvellement ; en outre, les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la Haute Autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. Il nous paraît donc inutile de rappeler ce pouvoir de proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Il paraît intéressant de substituer la notion de politique de ressources humaines, plus large, à celle de politique salariale.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er B, modifié.

(L’article 1er B est adopté.)

Article 1er B
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 1er (début)

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L’amendement n° 111, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précité est ainsi rédigé :

« Art. 3-1. - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel veille au strict respect du pluralisme inhérent à la définition du service public dans les différentes catégories de programmes : d'une part, pluralisme politique en matière d'information et de débats d'idées, d'autre part, pluralisme culturel, artistique, sociétal dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement, selon les critères avancés à l'article 44 de la présente loi. »

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Par cet amendement, nous souhaitons réaffirmer l’objectif cardinal qui doit être visé dans toute législation visant l’audiovisuel en général, et l’audiovisuel public en particulier : le pluralisme.

Objectif de valeur constitutionnelle, comme on peut le lire notamment dans la décision du Conseil constitutionnel du 18 septembre 1986, obligation explicitement mentionnée à l’article 13 de la Charte des droits fondamentaux, le pluralisme est l’élément essentiel de la garantie des libertés publiques dans une démocratie.

Les progrès techniques, la globalisation et le contexte national actuel accentuent encore le besoin de politique et, le cas échéant, de réglementations destinées à promouvoir ce principe.

Mais promouvoir réellement le pluralisme dans les médias impose au législateur d’adopter deux comportements essentiels.

Tout d’abord, il importe qu’il mette cette valeur au centre de sa réflexion. Or c’est loin d’être le cas dans ce projet de loi, qui ne prévoit aucune disposition qui puisse améliorer l’état de l’espace public français de ce point de vue. Au contraire ! Les scandaleuses dispositions de la loi organique, retranscrites ici aux articles 5 à 9, dont nous avons déjà discuté et sur lesquelles nous reviendrons, l’absence de propositions de réforme de l’instance chargée de veiller au respect de cette valeur, le CSA, et les diverses dispositions pro-concentrations prises par ailleurs, cet été, dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie, dite loi LME, constituent un réseau de dispositifs qui travaillent à fragiliser le pluralisme dans notre pays.

La seconde exigence d’un travail en direction du pluralisme médiatique est d’abandonner les positions incantatoires qui instrumentalisent cette valeur au profit d’une position déterminée et concrète. De ce point de vue, il importe de donner le contenu le plus précis possible à ce que l’on entend par « pluralisme ».

C’est l’objet de cet amendement, qui vise notamment à inscrire dans la loi une définition plus complète des diverses formes de pluralisme, à savoir les pluralismes politique et culturel. Cette précision affine la nature des missions confiées au Conseil supérieur de l’audiovisuel, participant ainsi à sa nécessaire réforme.

Cet amendement vise ainsi à inscrire dans la loi l’objectif de pluralisme culturel, brandi à l’envi par le Président de la République et le Gouvernement depuis le début de cette réforme, dans leurs déclarations orales et écrites, jusques et y compris dans l’exposé motifs du présent projet de loi.

Voter cet amendement tombe ainsi sous le sens, à condition, bien sûr, qu’il ne s’agisse pas là de déclarations incantatoires qui se serviraient des valeurs à d’autres fins ...

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986. La commission s’est étonnée, dans ces conditions, qu’il n’ait pas été déposé à l’article 1er A, qui concerne cet article et confie notamment au CSA des missions en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations.

Nous préférerions de surcroît la notion de « diversité de la société française » à celle de « pluralisme ». C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. En premier lieu, le respect du pluralisme par le service public de l’audiovisuel figure déjà dans la loi du 30 septembre 1986, en particulier aux articles 13 et 16, qui confient au CSA la mission d’assurer le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes de l’ensemble des services de radio et de télévision. De plus, des dispositions étaient insérées dans le projet de loi afin que le service public de l’audiovisuel garantisse, dans sa programmation, le pluralisme culturel.

En second lieu, la réécriture de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, à laquelle tend cet amendement, entraînerait la suppression de nombreuses missions dévolues aujourd’hui au CSA – défense de la langue française, respect de la concurrence dans le secteur audiovisuel, diversité de la langue française dans les programmes des services –, ce qui ne paraît pas souhaitable.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 111.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. - Le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigé :

« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, des émissions de radio ultramarines ainsi que tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

« L'ensemble des services de télévision qu'elle édite et diffuse assure la diversité et le pluralisme de ses programmes dans les conditions fixées par son cahier des charges.

« Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, dont les caractéristiques respectives sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales.

« Elle tient compte du développement des technologies numériques pour assurer l'accès de tous les publics à ses programmes.

« France Télévisions veille à ce que sa nouvelle organisation garantisse l'identité des lignes éditoriales de ses services. Cette organisation assure le pluralisme et la diversité de la création, de la production et de l'acquisition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression originale française et européenne.

« Elle reflète dans sa programmation la diversité, notamment ethnoculturelle, de la société française et veille à engager une action adaptée pour améliorer la présence de cette diversité dans les programmes. »

II. - Au premier alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « et les filiales mentionnées au dernier alinéa du I » sont supprimés. Au premier alinéa du II de l'article 57 de la même loi, les mots : « ou dans les sociétés mentionnées au dernier alinéa du I de l'article 44 » sont remplacés par les mots : « ou dans des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11 ».

III. - Au second alinéa du V de l'article 44 de la même loi, les mots : « d'une filiale, propre à chacune d'elles et » sont remplacés par les mots : « de filiales ».

IV. - France Télévisions diffuse dans les régions des programmes qui contribuent à la mise en valeur de la richesse de ces territoires.

Elle conçoit et diffuse à travers des décrochages spécifiques, y compris aux heures de grande écoute, des émissions et des programmes reflétant la diversité de la vie économique, sociale et culturelle régionale, les activités créatrices ainsi que l'information de proximité.

Au travers de sa grille de programmes, elle contribue fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues régionales.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l’article.

M. Jean-François Voguet. L’article 1er crée l’entreprise unique. Comment ne pas s’en étonner, alors que la droite a démantelé l’ORTF en 1974 ? Que cache donc ce revirement ?

Bien sûr, vous mettez en avant une meilleure rationalisation des moyens, tout comme la nécessité de favoriser les économies d’échelle et la mutualisation. Nous ne sommes pas contre des gains de productivité, mais n’est-ce pas ce que fait déjà le président de France Télévisions ?

Par ailleurs, compte tenu de l’asphyxie financière à laquelle vous condamnez le service public, celui-ci aura-t-il d’autres choix ? Sûrement pas ! Alors, pourquoi l’inscrire dans la loi ?

N’est-il pas étrange d’avoir contribué à multiplier le nombre de chaînes gratuites grâce à la TNT afin de renforcer la diversité de la télévision française, et de vouloir aujourd’hui homogénéiser le service public ?

C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article 1er dont nous pensons qu’il n’a pas lieu d’être. Il est trop évident que, sans ressources et sans moyens nouveaux à la hauteur des défis qui l’attendent, une telle réorganisation vise ni plus ni moins le démantèlement de l’audiovisuel public. Car ce type de nouvelle « gouvernance », comme vous aimez la qualifier, est une bombe à retardement tant pour le périmètre actuel de France Télévisions que pour l’emploi des salariés.

Aujourd’hui, c’est un sujet tabou. Pourtant, il est bien question de 900 départs volontaires, et le porte-parole de l’UMP prépare le terrain en évoquant un plan social intégrant 2 000 licenciements. L’entreprise unique aura inévitablement des conséquences sociales, juridiques et économiques majeures.

Comment les salariés pourraient-ils ne pas être inquiets face à la perspective d’un plan social, lequel n’est d’ailleurs pas financé, et face à la disparition programmée de leur convention collective ?

De plus, il est évident que cette fusion-absorption mettra en péril l’identité de chacune des chaînes et entraînera une centralisation des choix éditoriaux et artistiques, fatale au pluralisme comme à la diversité des programmes. Contrairement à la loi audiovisuelle de 1986, ce projet de loi ne fait jamais référence aux différentes sociétés de programme que sont France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô. On ouvre ainsi la porte à leur privatisation.

Bien sûr, vous vous défendez d’avoir de telles intentions. Mais que ferez-vous quand les 140 millions d’euros d’économies attendues de cette fusion-absorption ne suffiront pas à combler les déficits, puisque vous compensez seulement a minima la suppression de la publicité ?

De plus, comment accepter cette conception de l’entreprise unique, alors que la représentation nationale n’aura plus de droit de regard sur le périmètre du service public ? Une fois encore, on écarte le Parlement, alors même que l’exécutif non seulement tiendra les cordons de la bourse, mais fera également peser une épée de Damoclès sur la présidence de France Télévisions.

Déjà, certains rêvent à voix haute de voir disparaître la rédaction nationale de France 3 – comme s’il y avait trop d’informations et trop de pluralisme ! –, masquant à peine le projet de la vendre à la découpe à la presse régionale, qui s’en frotte déjà les mains.

Vous présentez ce regroupement comme un sésame magique pour le passage vers le média global. Bien sûr, France Télévisions doit relever les défis technologiques du XXIe siècle et se diversifier. Mais, heureusement, elle n’a pas attendu le Gouvernement pour le faire, même sans moyens adéquats.

Si France Télévisions est « unique » – j’approuve complètement ce terme ! –, elle n’est pas une simple entreprise. Elle n’est pas et ne sera jamais une entreprise comme une autre, car elle est avant tout une entreprise culturelle. Faire l’impasse sur cette dimension essentielle ne peut conduire qu’à affaiblir l’identité de France Télévisions, qui ne s’adresse ni à des clients ni à des consommateurs, mais à des citoyens.

Même le CSA redoute que les synergies entre les rédactions ne conduisent à une rédaction unique fournissant la même information standardisée et la même expression uniformisée à l’ensemble des chaînes. Ce serait très grave pour le traitement pluraliste de l’information.

Et comment ne pas relayer la légitime inquiétude des artistes et des créateurs ? L’entreprise unique telle qu’elle est conçue porte en elle le ferment du guichet unique, qui implique l’uniformisation des programmes, l’appauvrissement des contenus, le formatage des œuvres. Ce n’est pas rendre service à la diversité culturelle ; c’est même aller à l’encontre de la convention de l’UNESCO sur la promotion de la diversité culturelle et de son expression.

Demain, le guichet unique s’imposera, tout simplement parce que le sous-financement chronique de France Télévisions sera significativement aggravé. Quand l’argent manque, on sait bien que les salariés et la création servent de variables d’ajustement !

Le pluralisme ne se limite pas à l’information, mais concerne aussi l’imaginaire. La diversité des approches artistiques apporte une pluralité de regards, indispensable à la compréhension de notre monde. C’est pourquoi nous refusons le guichet unique, qui conduira progressivement à la chaîne unique !

Et, puisque votre préoccupation première consiste à faire des économies, le meilleur moyen n’est-il pas de permettre à France Télévisions d’exercer pleinement son cœur de métier, à savoir la production ? Elle en possède les compétences et les savoir-faire. De plus cette capacité de production facilitera concrètement la réussite de son passage au média global, car elle maîtrisera mieux ses droits de diffusion et d’exploitation.

Étant donné que le modèle économique que vous préconisez pour France Télévisions n’est pas viable, nous proposons la suppression pure et simple de cet article, qui est la porte ouverte à la privatisation, à la remise en cause des conventions collectives, à l’uniformisation des esprits et à l’aseptisation de la création.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la diversité est une chance pour notre pays, on ne le répétera jamais assez ! Elle met en lumière l’ouverture de notre nation et sa capacité à intégrer l’autre, en dépit de ses différences, autour d’un idéal commun. Notre République a toujours tenté de voir ce qui rassemblait, sans jamais, pourtant, occulter les différences.

Cette chance de la diversité en termes de rayonnement de notre pays, d’attractivité économique, de projection à l’étranger de nos valeurs et idéaux, force est de constater qu’on ne la voit pas assez sur nos écrans. La seule vision de la diversité, bien souvent, ce sont les banlieues, avec leurs cortèges de problèmes et d’angoisse, présentés à satiété par les journalistes, toutes chaînes confondues.

Parle-t-on de ceux qui réussissent, de ces modèles d’identification positifs, de ces talents des cités que nous accueillons chaque année au sein de notre Haute Assemblée ? Fort peu, je le crains.

La diversité, ne l’oublions pas, c’est aussi cela. Elle se décline sous deux formes.

La première, la plus évidente pour tous, c’est la visibilité à l’écran de toutes les composantes de notre société : hommes, femmes, ouvriers, cadres, artisans, agriculteurs, handicapés, jeunes, vieux, enfants, adultes, personnes issues de l’immigration, étrangers, Noirs, Blancs, etc. La diversité ne se résume donc pas au fait de voir plus de Noirs ou plus de Maghrébins à la télévision. C’est une question morale et de principe : montrer à l’écran tous ceux qui forment notre société, tous ceux qui « font société ».

Sur ce point, une enquête récente du CSA montre clairement que nous sommes loin du compte. La télévision actuelle est majoritairement blanche, bien portante, « cadre » et masculine. Cela n’est pas admissible dans une République soucieuse de mettre en avant toutes les couleurs de la France.

Mais la diversité, c’est aussi une forme qualitative. Si, dans une fiction, le rôle du voyou est joué par un Arabe ou un Noir, tandis que le bon médecin est blanc – alors que, dans la réalité de la vie quotidienne, le médecin des urgences, à l’hôpital, est plus souvent arabe ou noir ! –, on peut dire que les choses n’ont pas évolué.

L’enjeu est essentiel. La visibilité est le catalyseur partiel de l’intégration, dont il peut constituer de toute évidence l’un des principaux piliers. On se sent en effet moins exclu quand on a l’impression, en regardant son écran, que la société vous accepte.

Les médias jouent un grand rôle dans l’évolution des mentalités, dans la capacité de chacun à briser les stéréotypes de représentation de l’autre. On a dit, à raison, que le fait de voir dans une série américaine un président noir avait permis, entre autres, d’envisager la victoire possible de Barack Obama.

M. David Assouline. 24 heures chrono !

Mme Bariza Khiari. Dans ce cas précis, nous sommes passés non pas de la réalité à la fiction, mais bien de la fiction à la réalité.

Pour rapprocher les gens, pour briser ces frontières parfois indicibles, pour lutter contre les discriminations, il faut veiller non seulement à rendre visible la diversité mais aussi à la faire voir sous des formes un peu plus positives.

Je me contenterai, pour illustrer ce point, d’un exemple que j’ai choisi à dessein : le traitement de l’islam par les médias, je veux parler de l’islam non pas comme d’un sujet religieux mais comme du sujet politique qu’il est devenu, et c’est sous cet angle que je vais l’analyser.

Ainsi, madame la ministre, quand, à une heure de grande écoute, sur des chaînes du service public, on invite, pour parler de l’islam, des personnes qui ne parlent ni le français ni l’arabe, ceux que j’appelle des « analphabètes bilingues », semblant ne rien connaître aux sujets sur lesquelles elles doivent discourir ou bien des caricatures du wahhabisme intransigeant, sans recevoir sur le même plateau des intellectuels, musulmans ou pas, capables de s’exprimer sur le sujet dans un français de qualité, ou bien des gens simples pouvant parler le langage du cœur pour manifester leur engagement, on ne rend pas service à la diversité de notre pays ! On confirme et on renforce des stéréotypes au lieu de les effacer !

Pire, c’est m’insulter moi, qui suis censée me sentir représentée par ces personnes qui déforment les textes et donnent de la culture arabo-musulmane une image barbare. Cette pratique est trop courante pour être plus longtemps passée sous silence, et ce texte me donne l’occasion d’en parler. Bref, c’est de moi que l’on parle à travers mon héritage et c’est aussi le téléspectateur en moi que l’on méprise ! On insulte doublement mon intelligence !

Mon temps de parole étant limité, je ne puis que regretter que les promoteurs du projet de loi n’aient même pas daigné faire mention de cet aspect qualitatif dans la rédaction initiale et que le projet actuel soit si timoré.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, compte tenu du grand nombre d’amendements – trente-trois – déposés sur l’article 1er, la commission demande, pour la clarté des débats, la disjonction de l’amendement de suppression n° 112, ce qui nous permettra d’examiner les amendements au fur et à mesure, certaines discussions demeurant cependant communes.

M. le président. Je pense que tout le monde ici peut se rallier à cette proposition de la commission des affaires culturelles, que je remercie d’épargner ainsi au Sénat la traversée d’un long « tunnel ». (Sourires.)

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

L'amendement n° 112, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. L’article 1er du projet de loi redessine intégralement, à lui seul, le paysage audiovisuel public en retirant de l’article 44 de la loi du 30 septembre 1986 toute référence aux entités mêmes que sont et représentent les chaînes France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO.

Vous proposez ainsi de restaurer l’entreprise unique. C’est loin d’être une bonne nouvelle !

En effet, à y regarder de plus près, on voit que l’entreprise unique s’accompagne d’un guichet unique et, donc, d’une uniformisation entraînant, de fait, la disparition de la diversité des chaînes qui fait la qualité du service public. C’est aussi la politique éditoriale qui est en cause avec cette entreprise unique à guichet unique.

Dès l’article 1er de votre texte, on voit la volonté du Gouvernement et de sa majorité parlementaire de casser le service public en l’uniformisant, en annihilant sa diversité, en portant atteinte à la création audiovisuelle et aux émissions d’information.

C’est, là encore, une remise en cause du pluralisme et de la démocratie. Car un grand service public de l’audiovisuel – comme celui que nous appelons de nos vœux – est un élément constitutif du débat démocratique et de la confrontation des idées. Mais ce sont là des concepts que vous n’appréciez décidément pas, mes chers collègues !

En réalité, ce que vous proposez, c’est une télévision étriquée, uniforme, soumise à un président de France Télévisions nommé par le Président de la République lui-même, et donc révocable à tout moment, dès qu’un sujet, une rubrique, une investigation, ne seront pas traités comme le veut l’Élysée !

Ce que vous souhaitez, en matière d’audiovisuel, c’est tout faire pour qu’il y ait moins de chaînes, moins d’émetteurs, moins d’information. Nous refusons les principes de cette fusion-absorption ainsi que les conditions dans lesquelles elle s’effectue.

En effet, aucun dialogue social ni politique, aucune prise en compte des réalités financières engendrées par une telle réforme n’ont été respectés lors de la préparation de ce projet de loi pourtant attendu par beaucoup. Le financement pérenne de l’audiovisuel public est la question essentielle qui doit être au cœur de ce débat.

Nous devons permettre à l’audiovisuel public d’avoir les moyens d’assumer ses missions, d’être présent et de pouvoir diffuser ses contenus sur les différents supports numériques, c’est-à-dire dans la plus grande diversité. La fusion-absorption que vous nous proposez va vous permettre de faire des économies d’échelle et de mutualiser un certain nombre de métiers. Ces économies vont notamment passer par la suppression d’un millier d’emplois à France Télévisions.

Au-delà, le risque est de décourager le public de regarder les chaînes du service public qui débuteront à vingt heures trente-cinq et auxquelles vous voulez imposer la programmation d’émissions ennuyeuses. (Exclamations sur certaines travées de lUMP.)

À la lumière de ces observations, nous demandons la suppression pure et simple de cet article 1er.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Ces craintes et ces thèses, nous ne les partageons pas, car nous pensons, au contraire, que l’entreprise unique sera un vecteur permettant de dégager pour France Télévisions, une ambition nouvelle, un projet et des moyens nouveaux.

C’est d’autant plus vrai que les personnels de France Télévisions, notamment sa direction, parlent aujourd’hui d’entreprise commune. L’heure est donc au rassemblement des compétences et des énergies dans la direction fixée par le Parlement, par la loi, celle du service public que nous voulons pour cette entreprise publique.

Tout le monde se rappelle que le président actuel de France Télévisions, Patrick de Carolis, avait souhaité, avant même l’annonce de la réforme par le Président de la République, que soit retenue l’option d’une entreprise unique. Son objectif était de tirer le meilleur parti de toutes les chaînes existantes et d’optimiser toutes les compétences pour aller de l’avant.

Nullement inquiète quant au développement de cette entreprise commune, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 112.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 112. Le texte de l’article 1er est porteur d’une excellente évolution, au demeurant demandée à plusieurs reprises depuis l’été 2007 par l’actuel président de France Télévisions. Pratiquement toutes les tendances de l’échiquier politique se rejoignent pour la réclamer.

Cette évolution va permettre des synergies, des mutualisations entre différentes chaînes, tout en gardant une forte identité des antennes. Le projet, intéressant du point de vue des identités, du dynamisme et de la cohérence, s’inspire du modèle de Radio France, qui regroupe dans une société unique France Info, France Inter et le Mouv’. D’ailleurs, aujourd’hui, tout le monde connaît le président de France Télévisions, alors qu’en réalité personne ne connaît – ou en tout cas pas très bien – les directeurs généraux de France 2 ou de France 3.

Je le répète, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 112.

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Etienne Antoinette. L’article 1er de la loi sur l’audiovisuel public est conçu dans l’oubli de ces territoires lointains que constitue l’outre-mer français.

Ces territoires sont intégrés après coup, sans véritable réflexion, sans cohérence, avec les travers que l’on déplore souvent en termes d’inadaptation des textes aux réalités locales. Et c’est le cas pour la présente loi, dès cet article 1er.

En effet, en fusionnant les différentes chaînes dans une société unique, les auteurs de cet article ignorent ou feignent d’ignorer non seulement l’intérêt et l’importance des télévisions de proximité, cela pour toutes les régions françaises, mais plus encore les particularités des départements et territoires d’outre-mer et les contraintes qui leur sont propres et qui ont rendu nécessaire et pertinent un Réseau France Outre-mer suffisamment autonome pour s’adapter avec souplesse aux réalités des territoires qu’il dessert.

Permettez-moi, pour m’expliquer, de citer le cas particulier de la Guyane, où la fracture numérique est importante par rapport à la métropole et qui n’a pas encore résolu le problème de la couverture de l’ensemble de son territoire par la télévision par ondes hertziennes. Sa situation est en complet décalage avec le niveau de réforme que cette loi préconise.

Or, en Guyane, RFO, qui comprend à la fois la radio et la télévision, est non seulement un média de proximité, mais un véritable service public et démocratique, partout où la chaine est captée. Parfois, pour certaines populations et dans certaines parties du territoire, c’est le seul support éditorial de l’information, de l’éducation ou de la prévention sanitaire et sociale, notamment là où la population n’a pas accès à la lecture et aux médias imprimés.

En outre, sans même parler de la défense de l’expression des cultures et des langues régionales, la production d’émissions dans des langues très localisées est parfois une réelle nécessité pour la compréhension par toutes les populations de certains messages de prévention ou d’éducation à la santé, par exemple.

À l’inverse, et parce que l’outre-mer, c’est aussi la France, RFO, avec des moyens appropriés, pourrait également développer l’ambition de faire rayonner la langue et la culture françaises en émettant vers d’autres pays et, vice versa, en faisant connaître ces autres pays, historiquement ou culturellement proches des collectivités de l’outre-mer français.

C’est déjà le cas pour l’Afrique avec AITV, ce pourrait l’être tout autant dans l’océan Indien, la Caraïbe, ou l’Amérique latine. Il s’agit là d’une plus-value potentielle que ne saurait exploiter de la même manière Audiovisuel extérieur de la France telle qu’elle est conçue dans cette réforme. Qu’en adviendra-t-il dans la nouvelle société unique ? Comment seront opérés les arbitrages concernant les programmes régionaux et locaux ou encore les décrochages particuliers, alors que la tendance produite par cette loi est l’écrasement des spécificités ?

La fusion voulue par le Gouvernement pose donc plusieurs questions sur l’avenir même de RFO : celle de l’autonomie financière d’une chaîne qui a ses spécificités et ses contraintes en matière de production, de création, de programmation et de gestion des personnels – surcoûts des communications, décalages horaires, formations à adapter, caractéristiques des audiences – et dont le secrétaire d’État Yves Jégo prévoit de compenser les pertes de recettes publicitaires par le non-remplacement des départs à la retraite Ce sont donc les suppressions de postes – déjà 65 – qui permettent le développement d’une chaîne…

D’autres questions se posent, celle des modalités de maintien de la ligne éditoriale particulière de cette chaîne avec sa souplesse et sa capacité d’adaptation à la diversité des territoires et des populations qu’elle dessert, celle de son positionnement dans le contexte de diversification de l’offre audiovisuelle dont on annonce l’arrivée sur un marché extrêmement étroit, où la seule chaîne privée locale a déjà du mal à se développer.

Il est manifeste que c’est à partir du socle de RFO que la télévision publique va jouer ce rôle historique encore nécessaire pour assurer une offre télévisuelle garante tant de la diffusion informative, culturelle, de services et de loisirs, que de la restitution de la réalité profonde d’une région, si toutefois elle a les moyens adaptés aux nécessités de production documentaire, événementielle et de fiction qui en découlent.

L’enjeu devient même stratégique à l’échelle du bassin humain et culturel de l’Amazonie atlantique, avec ses 50 millions d’âmes et son potentiel considérable de développement audiovisuel et numérique, où l’on doit de façon prioritaire faire rayonner un espace télévisuel francophone.

Aussi, la prétendue égalité de traitement entre la métropole et l’outre-mer soutenue par le secrétaire d'État Yves Jégo aboutit en fait à un creusement des écarts et comporte un risque de démantèlement d’un outil précieux pour l’outre-mer.

Nous voulons une télévision moderne, plurielle, multimédia, mais respectueuse des identités locales.

Nous voulons un service public de l’audiovisuel adapté aux situations ultramarines et ayant les moyens nécessaires pour remplir ses missions.

Nous voulons un média public, gratuit et démocratique, capable de créer et de produire des programmes répondant aux besoins réels de toutes les populations ultramarines en matière d’éducation, d’accès à la culture, aux savoirs et aux nouvelles technologies.

Nous voulons enfin une société audiovisuelle ambitieuse, capable de rayonner et de donner au monde une image de l’outre-mer français positive et valorisante pour la France.

Il y a donc lieu aujourd’hui pour le Gouvernement de prendre la mesure des enjeux de sa réforme en outre-mer et de répondre aux questions légitimes que nous nous posons quant aux moyens qui seront donnés à RFO, dans le cadre de l’entreprise unique, pour poursuivre sa mission dans le respect de son identité et en tenant compte des caractéristiques de son audience et de son marché potentiel outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Je voudrais m’expliquer plus avant.

A priori, je ne suis pas contre une structure unique, mais, en soi, une structure unique ne signifie rien : tout dépend de ce que l’on en fait, de ce que l’on y met et des moyens qu’on lui donne.

Or, aujourd'hui, France Télévisions a un indéniable problème de sous-financement. Elle est traitée comme l’ensemble des équipements culturels, c'est-à-dire selon les règles de la révision générale des politiques publiques. On a même là un exemple de RGPP verticale massive, à la fois très large et très profonde. Je ne suis pas contre le fait de réviser, mais, révision, réduction, régression…c’est la même initiale !

Puis, au-delà des moyens, quand bien même on parle d’entreprise « unique », il ne faut pas négliger l’environnement : l’AFP, avec les menaces qui pèsent sur elle, les états généraux de la presse, avec les menaces qui pèsent sur les journalistes, le ministère de la culture, lui aussi assujetti à une RGPP qui ne fait pas sourire ses personnels, et, bien sûr, cette réforme…

N’oublions pas non plus l’expérience de l’histoire et notamment que M. Fillon, actuel Premier ministre mais ministre des PTT en 1996 qui assurait faire « bouger » les télécoms, curieusement, avait, comme aujourd'hui, fait deux lois : il n’y a donc pas seulement M. Sarkozy, mais aussi son environnement immédiat !

Je ne suis pas non plus sûr qu’avec une entreprise unique ne s’opère pas, durant les années qui viennent, dans l’esprit que je viens de fustiger, une sorte de nettoyage interne qui transformerait l’équipement en un lieu rentable que l’on pourrait brader en 2012 parce que l’on n’aurait pas les moyens de le financer publiquement. Il faut voir plus loin que le bout d’une fantaisie présidentielle !

Aujourd'hui, les termes qui ont cours sont « rationalisation » et « économies » ; on n’entend pas parler des rêves, des désirs et des possibilités nouvelles d’offres.

Bien évidemment, certains éléments doivent être coordonnés ou rapprochés. Mais il y a une holding : qu’est-ce qui empêche celle-ci, avec une société filiale pointant tel ou tel problème à régler, de le faire ?

Il y a donc des possibilités, et c’est pourquoi j’insiste beaucoup sur l’esprit de responsabilité qui doit nous conduire à regarder les choses, non pas dans l’instant, comme le veut la mode actuelle – fût-elle qualifiée d’historique –, mais en considération du futur. Or, à cet égard, nous pouvons avoir de grosses craintes pour France Télévisions service public.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Fréquemment, ceux qui veulent réformer et moderniser tentent dans le même temps de brader les acquis et les progrès. En conséquence, pour préserver ces acquis et ces progrès, on a souvent pour réflexe, y compris lorsqu’elles sont nécessaires, de s’opposer aux réformes en disant : on ne bouge pas ! On se fait alors traiter de « conservateur », mais force est de reconnaître que, pour se protéger contre les méthodes qu’emploie la droite pour réformer, il n’y a souvent que le conservatisme…

Eh bien, nous allons essayer aujourd'hui de sortir de cette nasse en montrant quelle est notre volonté !

Pour l’essentiel, nous partageons les préventions de nos collègues MM. Ralite et Antoinette. En particulier, le périmètre actuel de France Télévisions doit absolument être préservé.

Cela ne signifie pas qu’il ne faut rien bouger. Certes, on peut améliorer l’offre et il est même imaginable de proposer d’autres chaînes ou d’autres services, comme nous le faisions d’ailleurs dans certains de nos amendements qui ont « sauté » en commission, sujet sur lequel je reviendrai lundi, lorsque j’aurai repris les forces nécessaires pour dénoncer le scandale de l’utilisation qui est actuellement faite de l’article 40 de la Constitution.

Mais, souvenez-vous, madame Morin-Desailly, dans le cadre de la « commission Copé », à laquelle on ne fait référence que lorsque cela arrange, nous avons travaillé pendant des mois sur l’identité des chaînes…

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Vous, pas tout le temps !

M. David Assouline. Ce n’est que trois semaines avant l’« arrivée », lorsqu’il est apparu qu’il n’y avait pas de moyens pour financer France Télévisions, que nous sommes partis pour ne pas cautionner cette machine à défaire le service public, mais, quand on a parlé contenu, identité des chaînes, média global, modernisation, internet, nous étions là !

Or, nous étions tous d’accord pour dire que le périmètre de France Télévisions ne devait pas être touché, et j’ai encore chez moi des tonnes de documents écrits par des professionnels ou de synthèses signées de M. Copé qui en témoignent : France 2, chaîne généraliste, France 3, chaîne généraliste, nationale mais aussi régionale et locale, France 4, dont on a même essayé de mieux définir l’identité, pas toujours suffisamment perçue par les téléspectateurs, et France 5.

Tout cela doit, en effet, être préservé. Nous ne comprenons donc pas la détermination à ne viser dans la loi que l’entreprise unique. Pourquoi une telle volonté de ne pas mentionner les chaînes actuelles dans le corps du texte de loi ? Pourquoi ne les évoquer que dans le cahier des charges ?

On comprendrait si on nous disait que peut-être, dans deux ans, France 3 sera inadaptée et donc « liquidée », que France 4 devra être vendue à TF1…Au moins y aurait-il un vrai débat, pour ou contre le maintien de France 4 ! Comment comprendre, en revanche, que l’on nous dise qu’il faut préserver les chaînes mais pas les mentionner dans la loi ?

On déduit nécessairement de cette absence de mention qu’il existe un projet inavoué de se séparer d’un de ces services, d’une de ces chaînes, puisqu’il ne s’agirait plus de sociétés !

Pour notre part, nous sommes pour, absolument pour la réforme qui consiste à faire une entreprise commune pour rationaliser, pour mettre en commun les moyens, pour créer des synergies, pour permettre des reconversions, pour affronter la concurrence et relever les défis des dix ans à venir.

Voilà le message que nous avons voulu vous faire passer, madame la ministre, en ne déposant pas d’amendement de suppression. Il me semblait important de le préciser alors que l’amendement de M. Ralite va être mis aux voix.

En revanche, nous sommes contre l’entreprise commune pour raboter, pour casser la diversité, pour réduire le périmètre, et c’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à définir et à protéger le périmètre de France Télévisions.

Bien entendu, si aucun de nos amendements tendant à la sécurisation du périmètre n’était adopté, notre vote sur l’article serait négatif…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 113, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 par sept alinéas ainsi rédigés :

« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des filiales dont elle détient la totalité du capital :

« 1° La chaîne France 2 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère généraliste destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose une programmation de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale ;

« 2° La chaîne France 3 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux ;

« 3° La chaîne France 4 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle propose des programmes destinés à attirer et fidéliser les jeunes et les jeunes adultes en exposant les nouveaux talents des scènes actuelles - musique et spectacle. Elle agit en faveur de l'innovation et de la création par la mise à l'antenne de nouveaux formats ;

« 4° La chaîne France 5 est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ses programmes contribuent à la découverte et la compréhension du monde, s'attachant tout particulièrement aux registres des sciences et techniques, des sciences humaines, du développement durable. Elle favorise l'accessibilité individualisée et instantanée de ses contenus pédagogiques et de connaissances, à la demande sur les nouveaux supports, et développe la coopération avec les milieux éducatifs ;

« 5° La chaîne Réseau France Outre-mer est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Réseau France Outre-mer assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional. Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information.

« Les sociétés visées à l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle passent avec l'autorité administrative compétente des conventions prévoyant les conditions dans lesquelles les établissements d'enseignement et de formation sont autorisés à réaliser et à utiliser à des fins pédagogiques des copies de programmes diffusés par cette société. 

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Dans le cadre de la réforme en cours, le Président de la République s’est engagé à pérenniser le périmètre actuel de France Télévisons.

La meilleure façon de garantir la préservation de ce périmètre consiste à l’inscrire clairement dans la loi, comme ce fut d’ailleurs le cas dans la précédente loi audiovisuelle de septembre 1986. Alors pourquoi refuser de le faire ?

Il est vrai que cette garantie ne manquera pas d’avoir des conséquences financières que vous craignez sans doute de ne pouvoir assumer puisque le modèle économique de compensation de la publicité n’est pas viable.

Or nous ne voulons pas que le manque de moyens de France Télévisions conduise à terme l’exécutif à décider la suppression d’une ou de plusieurs chaînes.

Il est vrai que ce serait l’un des moyens les plus radicaux de faire des économies !

Néanmoins, rappelons que les cinq chaînes de France Télévisions forment l’un des bouquets publics les plus performants d’Europe. Bien qu’il soit l’un des plus restreints en nombre de chaînes, il parvient à obtenir le taux d’audience le plus important en étant l’un des moins coûteux.

Alors que ce bouquet est déjà modeste, il est inconcevable qu’il puisse être amoindri, rétréci et qu’il en sorte rabougri. Ce serait une grave atteinte à la diversité et au pluralisme, d’autant qu’on ne souffre guère de leur excès…

La simple évocation de ces chaînes dans un cahier des charges unique ne peut en aucun cas suffire, car ce cahier des charges n’a aucune valeur prescriptive et peut être modifié à tout moment.

C’est pourquoi nous proposons qu’il soit fait mention du nom des différentes entités que sont France 2, France 3, France 4, France 5 et France Ô dans le texte même de la loi et qu’y soient également précisées leurs missions spécifiques.

Ces chaînes ont toute une histoire différente et leur identité respective s’est forgée au fil du temps. Elles font partie de notre patrimoine tout en continuant de s’inscrire, chacune à leur façon, dans la vitalité de la création audiovisuelle contemporaine.

Nous ne voulons en aucun cas que cette richesse soit amputée, non plus que la voilure de France Télévisions soit réduite.

C’est pourquoi le respect de l’identité de chacune de ces cinq chaînes comme de la promotion de la diversité culturelle passe également par la nécessité d’inscrire noir sur blanc dans la loi leur capacité à concevoir et à programmer des productions propres qui concernent tant l’information et la création que le divertissement.

Le concept d’entreprise unique ne doit en aucun cas se traduire par une fusion-absorption des chaînes, de leur rédaction ou de leurs différents services. Le CSA, lui-même, insiste sur la diversification des programmes, sur la création, l’innovation et la prise de risque. Il préconise, par ailleurs, le respect de l’identité des chaînes, en particulier de France 3, la plus menacée aujourd’hui, certains parlementaires allant jusqu’à proposer la suppression du journal national de cette chaîne.

Dans ces conditions, il convient de confirmer sans ambiguïté le caractère à la fois national, régional et local de France 3 auquel sont très attachés les téléspectateurs.

Puisque vous nous assurez, madame la ministre, qu’aucune chaîne ne disparaîtra, nous vous invitons à vous prononcer en faveur de cet amendement qui, par ailleurs, n’interdit nullement la création de nouvelles chaînes ou de nouveaux services. Il est le meilleur rempart contre les pressions exercées par les chaînes privées sur le pouvoir politique. Comme nous constatons que ce dernier est très sensible au lobbying des chaînes commerciales, nous préférons nettement – et vous le comprendrez – une consécration législative à de vagues engagements vite oubliés !

M. le président. L'amendement n° 296, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

La société nationale de programme France Télévisions est chargée de coordonner l'action des services France 2, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national et généraliste, France 3, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, France 4, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création actuelle, France 5, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, Réseau-France outre-mer, chargé de concevoir et programmer des émissions de télévision et de radio, destinées à être diffusées dans les collectivités d'outre-mer ainsi que de tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes là au cœur du débat tendant à ne pas remettre en cause le périmètre actuel de l’audiovisuel public. Pour l’instant, rien dans le projet de loi ne permet de dire que la pérennité dudit périmètre sera préservée. J’observe d’ailleurs que France 2, France 3, France 4, France 5 ou RFO ne sont pas cités une seule fois dans ce texte.

Dans le cadre de ce qui a été appelé la « fusion-absorption », on est malheureusement tenté de penser qu’il pourrait s’agir, dans le meilleur des cas, d’une dilution de l’audiovisuel public tel qu’il s’articule actuellement autour des chaînes que j’ai évoquées et, dans le pire des cas, de sa disparition.

S’agit-il d’une forme de duplicité ? Quand on observe, comme l’a fait tout à l’heure notre collègue Bernadette  Bourzai, l’évolution stupéfiante depuis quelques jours de France 3, qui sacrifie au profit de la publicité une grande partie du programme dévolu à la tranche horaire du 19/20 à laquelle l’ensemble de nos concitoyens sont profondément attachés, on est en droit de se demander s’il n’existe pas une véritable volonté politique de mettre à mal le périmètre actuel de l’audiovisuel public.

De surcroît, si, comme l’ont dénoncé nombre de mes collègues, s’ajoute à cela un financement plus qu’aléatoire, l’autonomie éditoriale et l’identité de chacune des chaînes seront alors menacées. Je veux en cet instant citer particulièrement France 3, dénominateur commun de l’ensemble des territoires que nous représentons dans cette enceinte. L’autonomie éditoriale et la garantie du pluralisme sont l’expression, à l’échelon territorial, de faits politiques et de ce que j’appellerai la démocratie locale ou la démocratie tout court.

En précisant de nouveau les missions spécifiques de chacune des chaînes concernées – pour France 2, des émissions de télévision à caractère national et généraliste, pour France 3, des émissions de télévision à caractère généraliste, national, régional et local, pour France 4, des programmes et des émissions de télévision culturelles et de divertissement reflétant la création culturelle, pour France 5, des émissions de télévision à caractère éducatif favorisant l’accès au savoir, à la connaissance et à la formation, pour Réseau France Outre-mer, des missions spécifiques ayant été évoquées précédemment –, les auteurs de cet amendement ont voulu engager une démarche « prophylactique » afin de vérifier la volonté du Gouvernement de faire vivre les chaînes actuelles dans le cadre d’une seule et unique entité, France Télévisions, peut-être au prix d’une évolution mais dans le périmètre prévalant jusqu’à maintenant.

M. le président. L'amendement n° 115, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

« La société nationale de programme dénommée France Télévisions est chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de télévision et de radio ultra-marines. Elle édite, produit et fabrique des œuvres audiovisuelles, des programmes et des émissions d'information dans le respect de ses entités et de leurs identités éditoriales spécifiques. Elle participe à des accords de coproduction et passe des accords de commercialisation en France et à l'étranger.

La parole est à M. Jean-François Voguet.

M. Jean-François Voguet. Étant donné que la compensation de la disparition des recettes publicitaires ne sera pas à la hauteur des besoins et des défis de France Télévisions – nous le savons tous –, il est nécessaire de trouver des recettes nouvelles. C’est pourquoi il est indispensable que France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO puissent reconquérir la pleine faculté de produire et de fabriquer en interne des programmes dans tous les domaines et sur tous les supports sans, bien entendu, remettre totalement en cause leurs obligations de commande à des producteurs privés.

Pourquoi ce qui est possible au Royaume-Uni ne le serait-il pas dans notre pays ? La BBC produit, en effet, 60 % de ses programmes en interne sans que cela porte le moins du monde préjudice aux commandes auprès des producteurs indépendants. Au contraire, ces dernières sont bien plus importantes qu’en France.

L’une des forces de la BBC, souvent citée en exemple, est d’être détentrice de ces droits et de gagner beaucoup d’argent grâce à leur commercialisation.

Il est dommage que le statut de France Télévisions et que les décrets régissant la production et la création cantonnent le service public pour l’essentiel à un simple rôle de diffuseur et de centrale d’achat des programmes auprès des producteurs indépendants. Cela constitue un sérieux handicap et une singularité par rapport aux grandes chaînes publiques européennes.

Alors que France Télévisions finance de 70 % à 90 % du coût des productions par le double financement du devis de production et de la taxe de 5,5 % sur son chiffre d’affaires qui alimente le compte de soutien des programmes audiovisuels, elle n’obtient, en contrepartie, que le simple droit de diffuser deux ou trois fois ces programmes. N’est-ce pas une hérésie économique que de la déposséder des fruits de son investissement, d’autant que ces œuvres sont produites avec de l’argent public ? Ce sera d’autant plus vrai avec la disparition, à terme, de la publicité.

Vous connaissez notre attachement à la création et à tout ce qui favorise son plein épanouissement. Cette capacité de nos cinq antennes à produire en interne confortera et stimulera la création française, tout en permettant au service public d’enregistrer des recettes supplémentaires qui ne seront pas de trop au regard du sous-financement que vous organisez.

Si France Télévisions devenait propriétaire des œuvres qu’elle finance majoritairement, elle pourrait disposer de son patrimoine et de ses archives et les exploiter équitablement à son profit dans tous les usages dérivés. N’est-ce pas la meilleure façon de garantir la réussite de son passage au média global ?

Cet outil de production pourra s’appuyer sur la filière de production de France 3, et des moyens existant dans les autres sociétés du groupe pourront être mis au service de l’ensemble des chaînes du groupe. L’ancrage local et régional de France 3 auquel sont attachés les téléspectateurs sera réaffirmé.

Il n’y a donc aucune raison que les chaînes de la future entreprise unique ne puissent éditer, produire et fabriquer prioritairement les programmes qu’elles diffusent, d’autant qu’elles en possèdent les compétences et que leurs savoir-faire ne demandent qu’à être valorisés.

Il est par conséquent nécessaire d’assouplir le décret qui limite à 30 % le droit de production propre de cette société tout en veillant à ne pas déstabiliser la production indépendante qui doit continuer à contribuer à la vitalité de la création française.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Morin-Desailly et M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I de cet article :

« I. - La société nationale de programme France Télévisions est chargée de concevoir et programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local ainsi que des émissions de radio ultramarines. Elle édite et diffuse également plusieurs services de communication audiovisuelle, y compris des services de médias audiovisuels à la demande, répondant aux missions de service public définies à l'article 43-11 et dans son cahier des charges.

II. - Rédiger comme suit le quatrième alinéa du même I :

« Les caractéristiques respectives de ces services sont précisées par son cahier des charges. Elle peut les éditer par l'intermédiaire de filiales dont la totalité du capital est détenue, directement ou indirectement, par des personnes publiques.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. Cet amendement a pour objet de proposer une nouvelle rédaction du premier et du troisième alinéa du I de l’article 1er, qui définit les missions de France Télévisions. En effet, l’Assemblée nationale avait refondu cet article sans préciser explicitement que les services de communication audiovisuelle édités par France Télévisions entraient dans le champ des missions de service public définies à l’article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 et dans son cahier des charges. Tel était pourtant le cas dans la rédaction initiale du projet de loi qui doit être rétablie sur ce point.

Par ailleurs, aux termes de cet amendement, les filiales du service public du groupe France Télévisions sont détenues directement ou indirectement par des personnes publiques. S’agissant de filiales dont l’objet principal est d’exercer des missions de service public, la précision va de soi. Pour autant, ces dispositions ne feront pas obstacle à ce que plusieurs chaînes publiques mettent en commun leurs forces pour proposer, par exemple, un service de télévision de rattrapage commun.

Enfin, cette nouvelle rédaction de l’article 1er du projet de loi n’interdit pas au service public de nouer des partenariats avec des opérateurs privés, le cas échéant, pour mettre en œuvre, à titre principal ou accessoire, une mission de service public. Elle n’interdit que la constitution de filiales ayant pour objet principal l’exercice d’une mission de service public.

M. le président. L'amendement n° 288, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

est chargée de concevoir

insérer les mots :

produire, fabriquer

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement a pour objet d’apporter des précisions s’agissant des missions de France Télévisions. En effet, en l’état actuel, il est très réducteur de limiter à la conception et à la programmation le rôle de France Télévisions. Que ce soit dans les statuts ou dans les décrets, nous aspirons à ce que soit mentionné le mode possible de création.

Le service public est au service des téléspectateurs et ne se résume pas à se mettre au service des producteurs extérieurs : la fourniture de moyens humains et de matériels, le paiement des devis, la contribution au compte de soutien des programmations de l’audiovisuel, pourquoi pas ? Mais pas seulement !

De plus, malgré ses contributions importantes, la télévision publique reste souvent dépourvue d’une juste part des droits d’exploitation.

Les sociétés nationales de programme ont des talents en interne. Notre ambition est non pas de statuer simplement sur les « tuyaux », la constitution d’une firme de commandes et de diffusion, mais de soutenir tout le champ des missions audiovisuelles, y compris les plus nobles, les plus motivantes, à savoir celles de la création.

C’est à dessein que, dans notre amendement, nous avons employé le verbe « fabriquer », tout comme on évoque la « Fabrique de théâtre ». Là, se croisent le savoir conceptuel, l’art, les savoirs de médiation, les savoir-faire en matière de décors, d’éclairage, de sonorisation, de maîtrise du lieu et du temps, d’écriture. Cette mission de fabrication, France Télévisions doit la conserver, et elle en définira à sa façon la proportion dans ses activités. Mais il est nécessaire de la mentionner.

M. le président. L'amendement n° 310, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte prévu par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :

chargée de concevoir

insérer les mots :

, de produire

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement a pour objet de garantir que les entités de production à France 3 et RFO puissent poursuivre leurs missions. Il s’agit d’un enjeu très concret.

Le statut de France Télévisions et les décrets qui régissent la production et la création de télévision ont réduit le service public au simple rôle de diffuseur et de centrale d’achat de programmes auprès des producteurs privés dits « indépendants ». Ces derniers se sont vu octroyer un quasi-monopole de la production, tous genres confondus.

Alors que France Télévisions finance de 70 % à 90 % du coût des productions par le double financement du devis de production et de la taxe de 5,5 % sur son chiffre d’affaires qui alimente le compte de soutien des programmes audiovisuels des producteurs, elle n’obtient en contrepartie que le simple droit de diffuser deux ou trois fois ces programmes. C’est regrettable. Les producteurs privés restent seuls propriétaires des productions et des œuvres qu’ils exploitent librement. Cette situation, unique en Europe, est préoccupante.

La détention des droits des œuvres devrait pouvoir être partagée en fonction du niveau d’investissement initial. Ainsi, France Télévisions pourrait être propriétaire des œuvres qu’elle finance majoritairement, de façon à en disposer dans son patrimoine et à pouvoir les exploiter à son profit dans tous les usages dérivés. À titre d’exemple, la BBC dispose d’un département commercial qui lui apporte des financements complémentaires très importants.

Afin de permettre le développement quantitatif et qualitatif de la production et de la création de l’audiovisuel public, France Télévisions doit pouvoir développer et maintenir un outil de production interne. Cette demande a été fortement formulée, notamment par les personnels attristés de voir que leurs œuvres peuvent être rapidement mises à la disposition de la concurrence, alors que France Télévisions a réalisé un investissement énorme par le biais de l’argent public.

Le fait que des capacités de production puissent exister en interne est un enjeu pour l’indépendance et l’autonomie de France Télévisions. Je pense que cet amendement aurait pu recueillir une majorité dans notre hémicycle si la volonté de consolider le service public de l’audiovisuel était partagée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 113, je souhaiterais indiquer que, si la loi définit les missions de l’entreprise unique, c’est le cahier des charges de cette dernière qui détermine les lignes éditoriales de chacune des chaînes.

Nous ne voyons pas quelles craintes nous devrions éprouver à propos des missions confiées aux futures chaînes – qu’il s’agisse de celles que nous connaissons aujourd’hui dans le paysage audiovisuel actuel ou de chaînes qui pourraient être créées à l’avenir – ou à propos de l’évolution de certaines chaînes. Par exemple, les contenus proposés par France 4 ont déjà pu évoluer dans le passé. C’est toute la noblesse de l’entreprise unique que de pouvoir évoluer en fonction de la demande de nos concitoyens mais aussi de l’inventivité et de la créativité de ses différents personnels.

L’amendement nous paraît antinomique avec la création d’une entreprise unique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

L’amendement n° 296 vise également à figer dans la loi la présentation de France Télévisions telle qu’elle existe aujourd’hui. Or toute l’ambition du projet de loi est de dessiner l’avenir de France Télévisions tout en offrant aux personnels la possibilité de définir les contours de certaines réalités. Notre rôle nous paraît donc tenir à la définition des contenus de service public mais non à celle de la réalité quotidienne des lignes éditoriales, qui revient aux personnels de France Télévisions. Sinon, autant nous substituer à ces derniers !

S’agissant de l’amendement n° 115, rien ne fait obstacle, ni dans le droit ni dans le projet de loi, au maintien des capacités de production propres aux sociétés du groupe France Télévisions. Il en ira de même demain avec la constitution de l’entreprise unique. Rien ni personne n’interdit à France Télévisions de produire en interne ses propres programmes. L’amendement nous paraît donc satisfait tant par la rédaction actuelle du IV de l’article 1er que par l’amendement n° 7, déposé par la commission, qui sera examiné dans quelques instants. C’est pourquoi, si l’amendement n° 115 n’était pas retiré, la commission émettrait alors un avis défavorable.

L’amendement n° 288 ayant à peu près le même objet, j’invite également ses auteurs à le retirer, faute de quoi la commission émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 310 procède des mêmes préoccupations, que la commission partage d’ailleurs, comme elle a eu l’occasion de l’exprimer. Nous souhaitons en effet que France Télévisions puisse à la fois produire en interne ses propres programmes et recourir à des partenaires extérieurs, dans le cadre de la pluralité. Dans la mesure où ces deux possibilités existent déjà, il nous paraît superfétatoire d’y faire référence dans la loi. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Je partage les analyses développées par M. le rapporteur.

Le projet de loi prévoit en effet la création d’une société unique. Les amendements nos 113 et 296, qui tendent à réaffirmer l’existence d’entités juridiques – France 2, France 3, France 4,… – sont antinomiques avec le projet même d’une société unique, sachant que les identités de ces différentes chaînes, comme l’a rappelé M. Thiollière, sont clairement définies dans l’exposé des motifs de la loi et dans le cahier des charges fixé par décret. Tel était également le cas de Radio-France, dont les différentes antennes relèvent du domaine du décret. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Les amendements nos 115, 288 et 310 me paraissent concerner davantage les capacités de production de France Télévisions, auxquelles rien ne s’oppose. Ces dernières figurent déjà dans la loi du 30 septembre 1986, qui prévoit que « les sociétés nationales de programme […] peuvent produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des œuvres et documents audiovisuels et participent à des accords de coproduction ». L’idée est que France Télévisions puisse produire les œuvres qu’elle diffuse – 50 % de ses programmes sont d’ailleurs, aujourd’hui, produits en interne – et passer accord avec des producteurs indépendants. Tel était l’esprit des décrets Tasca. Tel est également, aujourd’hui, l’esprit des accords interprofessionnels qui ont été signés.

Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur ces amendements.

Il est en revanche favorable à l’amendement n° 4. Il paraît en effet intéressant de rappeler que les différentes filiales de France Télévisions sont détenues par des personnes publiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 113.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement, ainsi que l’amendement n° 296, est à nos yeux très important.

Il faut bien savoir de quoi l’on parle. Évoquant les chaînes de télévision, vous venez à l’instant de déclarer, madame la ministre, qu’il s’agissait d’entités juridiques.

Je n’ai cependant pas du tout le sentiment que ces chaînes se réduisent à des entités juridiques ! Nous sommes d’accord sur le fait que l’on crée une société nationale de télévision, mais cela n’est pas antinomique avec la reconnaissance de chacune des chaînes qui existent aujourd’hui ni avec l’inscription de cette reconnaissance dans la loi. Et si l’on nous dit que c’est une contrainte excessive, je répondrai que les chaînes de télévision ne sont pas seulement des entités juridiques. Ce sont avant tout des entités humaines.

Imaginez que l’on opère une comparaison avec la presse écrite. Les journalistes, techniciens, ouvriers et personnels administratifs d’un journal éprouvent un fort sentiment d’appartenance à ce dernier. Les lecteurs reconnaissent également une forte identité à ce qui est ainsi « leur » journal.

Imaginez donc le regroupement de quatre, cinq ou six journaux en une société nationale de presse. Vous diriez que les moyens seraient mis en commun, que tout – reportages, photographies, mises en page – pourrait être fait dans le cadre de cette société et que, les titres demeurant, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter. Une révolte s’ensuivrait !

Nous connaissons des personnels, des créateurs et des journalistes de France 2 et, dans nos régions, de France 3. Ils sont profondément attachés à l’identité humaine de leur chaîne. C’est mépriser ces personnes que rayer d’un trait de plume cette réalité humaine vécue par des millions de Français attachés à leurs chaînes de télévision. C’est mépriser une réalité vivante.

C’est pourquoi aucun argument sérieux ne peut être opposé à l’inscription dans la loi de ces chaînes qui existent si fortement – certaines, telles RFO,  France 3 et France 2 mais aussi France 4 et France 5, davantage que d’autres car elles sont plus anciennes –, à la reconnaissance par la loi de leur force, de leur existence, de leur impact et de leur personnalité. Cela n’est nullement antinomique avec la création d’une société nationale.

J’aimerais donc que l’on m’oppose un autre argument que celui selon lequel la création de la société unique n’empêche pas les chaînes de continuer à fonctionner ou de nouvelles organisations d’apparaître. Certes, c’est le cas, mais l’argument est un peu court.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Peut-être me suis-je mal exprimée, si j’en crois le propos tenu à l’instant par M. Sueur.

Nous ne méconnaissons pas les fortes identités de ces différentes chaînes ou antennes, auxquelles les personnels sont évidemment très attachés.

Prenez cependant le cas de France Inter : c’est aussi une entité humaine, une entité culturelle et même – on peut le dire – une entité démocratique. Pourtant, l’existence de France Inter est inscrite non pas dans la loi mais dans un cahier des charges fixé par décret. La réforme que nous proposons reprend précisément ce modèle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l'amendement n° 296.

M. David Assouline. À ce stade du débat, alors que nous essayons de convaincre, nous constatons que l’on nous répète de façon systématique et d’une manière peu susceptible d’emporter la conviction que la loi ne prévoit pas la reconnaissance de chacune des différentes chaînes parce qu’il en est ainsi, et qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Le seul fait que nous demandions une telle reconnaissance révèle pourtant un problème, à moins que nous ne soyons de totale mauvaise foi et ne demandions cela que pour que la loi soit un peu plus longue de quelques lignes !

Cependant, nous ne sommes pas seuls : les personnels, notamment les personnels de France 3 en régions, expriment notamment de fortes inquiétudes. Or vous pourriez les rassurer en inscrivant la reconnaissance de France 3 dans le texte de la loi ; cela ne vous coûterait rien ! Si vous ne le faites pas, cela cache quelque chose que vous ne pouvez admettre devant cette assemblée.

M. David Assouline. Je n’ai pas abordé le débat en intentant des procès d’intention, mais je dirai cependant que, lorsque vous en avez la possibilité, vous argumentez !

Au sein de la commission, j’ai entendu l’argument – cette fois, c’était bien un argument – selon lequel décliner l’existant dans la loi interdirait l’extension du périmètre du service public. Alors que nous invitions à ne pas réduire ce dernier, il nous était opposé le fait que nous étions en train d’empêcher son extension ! Je vous rassure donc : nous sommes d’accord pour préserver la possibilité d’une telle extension. Lisez donc l’amendement n° 296 : après avoir décliné l’identité des différentes chaînes, il mentionne « tout autre service de communication audiovisuelle répondant aux missions de service public ».

Voilà qui préserve la possibilité au sein de l’entreprise unique de mouvements concernant un secteur particulier et, par exemple, la création d’une chaîne d’information. Il serait formidable – du moins est-ce mon point de vue – que le service public ne laisse pas ce soin au seul secteur privé.

Comment ce débat sera-t-il interprété ? Pour ceux qui le liront, la rationalisation et la modernisation s’accompagneront inévitablement d’une réduction du périmètre.

Ce débat inspire deux craintes majeures.

Tout d’abord, nous savons que TF1 veut France 4 ; l’information est écrite, discutée, connue.

Dès lors que l’on nous affirme que France 4 peut disparaître et que nous savons que TF1 est souvent bien servie par le pouvoir, il n’est pas complètement absurde de considérer qu’il existe un lien avec ce projet de loi !

Ensuite, France 3 est elle aussi visée par certains appétits ; on a ainsi évoqué la PQR, la presse quotidienne régionale, entre autres.

Madame la ministre, vous pouvez immédiatement mettre fin à toutes ces spéculations en acceptant d’inscrire dans la loi la liste des différentes chaînes, ou même en répondant plus clairement à nos interrogations.

En effet, vous pouvez refuser de préciser dans la loi l’existence des entités qui composent France Télévisions mais vous engager, en tant que ministre, à préserver France 3 dans son périmètre actuel, parce que cette chaîne réalise un travail exceptionnel et doit être renforcée, ainsi qu’à empêcher la vente de France 4 tant que vous serez chargée de la culture !

Or vous refusez d’apporter de telles garanties, parce que – vous le savez très bien – en ne précisant pas dans la loi le périmètre de l’audiovisuel public, vous laissez la porte ouverte à sa modification !

Mes chers collègues, à ce stade de nos échanges, je me suis permis de m’exprimer franchement. Au départ, je cherchais à vous convaincre qu’il valait mieux inscrire cette disposition dans le projet de loi, même si vous ne la jugiez pas utile, afin de rassurer l’opposition, mais aussi les personnels.

Mais si le périmètre de l’audiovisuel public n’est pas fixé dans la loi, il nous restera la possibilité de le défendre dans les faits, aux côtés des personnels.

Ce débat et ce combat ne sont pas terminés !

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je suis désolé, mon cher collègue, mais j’estime pour ma part – et je ne crois pas être le seul dans ce cas – qu’il n’appartient pas au législateur de fixer le nombre des chaînes de télévision, qu’elles soient publiques ou privées d'ailleurs !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur. Tout à fait !

M. Hugues Portelli. Ce n’est pas du domaine de la loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est du domaine de M. Sarkozy, car il nomme le président de France Télévisions !

M. Hugues Portelli. Ce problème doit être traité par l’entreprise.

La télévision est une entreprise publique. C’est à elle de gérer cette question, en fonction de l’offre et de la demande, des choix du public, de ses moyens. Il ne revient pas au législateur de fixer le nombre des chaînes.

M. Hugues Portelli. Nous ne sommes pas là pour ça ! Notre rôle, c’est de décider, ou non, de l’existence du service public de l’audiovisuel et de prévoir que tels principes le régiront, de préférence à tels autres. Point à la ligne ! Le reste ne nous regarde pas.

Mme Catherine Tasca. Ça, alors !

M. Hugues Portelli. Si nous voulons nous occuper de la question du nombre des chaînes, nous devons siéger au conseil d’administration de France Télévisions, qui traitera de ce problème, car celui-ci est interne à l’entreprise et ne relève pas du législateur.

Personnellement, je me félicite donc que l’on n’inscrive pas dans la loi une mention qui n’a rien à y faire, je le répète, et je me battrai contre toute tentative de ce genre.

Mes chers collègues, cette disposition ne relève pas de la loi, ni même du règlement : elle est du domaine de l’entreprise !

M. Jean-Pierre Sueur. Elle est du domaine du Président de la République ! Si nous sommes mécontents, nous pouvons toujours aller voir M. Sarkozy…

M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.

M. Jack Ralite. Notre collègue se pare de vertus que la réalité dément !

Ce projet de loi entend définir les programmes et les sujets abordés par l’audiovisuel public, par exemple l’Europe. Nous n’en voulons pas ! Le Président de la République veut faire de France 2 une chaîne éducatrice, il se mêle directement de sa ligne éditoriale, et vous l’approuvez !

M. Jack Ralite. Et nous, quand nous traitons de la structure de France Télévisions, simplement pour la conserver d'ailleurs, comme l’a si finement expliqué notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous nous mêlerions de la vie de l’entreprise ? Soyons sérieux !

Pour ma part, je constate que l’opposition, dans sa diversité, n’a posé ce soir qu’une seule question, à laquelle le conglomérat de la majorité a décidé de répondre toujours par la négative, quels que soient nos arguments. Mais où est le débat ? Où est la démocratie ? Ah, si vous faisiez preuve de la même énergie pour refuser l’application d’une loi qui n’a pas été votée, ce qui vous touche tout de même de près !

En réalité, vous cédez devant le chef, et vous n’écoutez pas le monde du travail, de la création, et, ajouterai-je, de l’entreprise ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 296.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le rejet des amendements, lui aussi, est mécanique ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l’amendement n° 115.

Mme Marie-Christine Blandin. Mon intervention portera sur l’atmosphère globale de ce débat et sur l’amendement n° 115, mais j’en profiterai aussi pour m’exprimer sur les amendements nos 288 et 310, qui ont pour objet d’insérer dans le projet de loi les mots « produire » ou « produire, fabriquer ».

Loin de partager le point de vue de M. Portelli, qui a suscité la colère de M. Ralite, sur le droit qu’aurait le législateur d’intervenir, ou non, dans le fonctionnement des entreprises publiques, je constate que les termes utilisés dans ces amendements, c'est-à-dire « produire » et « fabriquer », portent non pas sur l’organisation de France Télévisions mais sur les missions de l’audiovisuel public, et nous sommes donc là au cœur du travail législatif !

Tout à l'heure, David Assouline a justifié la position du groupe socialiste : nous ne votons pas la suppression de cet article dans l’espoir que vous infléchirez votre point de vue à l’occasion de l’examen de nos amendements. Plusieurs charmantes dames siégeant sur les travées de l’UMP, sourire aux lèvres, n’ont alors eu d’yeux que pour lui, paraissant se dire : « Oh, voilà un garçon raisonnable ! Voilà la bonne attitude. Enfin quelqu’un qui ne fait pas d’obstruction ! ». (Exclamations amusées sur certaines travées de lUMP.)

Non, le groupe socialiste ne fait pas d’obstruction ! En revanche, les réponses de la majorité sont toujours aussi robotisées. Au « ce n’est pas la peine » des rapporteurs fait écho le « cela reste tout à fait possible » de Mme la ministre.

Mais justement, madame la ministre, s’il « reste possible » de « produire » et de « fabriquer », si tous les salariés de l’audiovisuel public, en cette période de crise, ont le moral en berne parce qu’ils ne voient pas ces missions figurer dans la loi, ne pouvez-vous pas, vous qui donnez des millions d’euros aux banques pour relever le moral de la nation, ajouter un mot dans ce projet de loi pour améliorer celui des salariés dont vous avez la charge ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 115.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 288 et 310 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 306 rectifié, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. À travers cet amendement, nous voulons de nouveau aborder le fond du débat.

Même si nous restons absolument opposés à l’équilibre de ce projet de loi, nous nous efforçons, à chaque fois, d’atténuer les dispositions qui, si elles étaient adoptées, pourraient remettre en cause le service public ou gêner l’action de ses personnels. C’est cette attitude constructive, que nous n’abandonnerons pas, qui nous a conduits à rectifier notre amendement, comme le souhaitait la commission.

Certes, cette nouvelle version ne nous satisfait pas totalement, puisque nous voulions mentionner dans le projet de loi les différentes entités qui composent France Télévisions, c'est-à-dire France 2, France 3 et RFO. Toutefois, comme nous avions déjà formulé cette demande à travers de précédents amendements, nous avons accepté de ne pas la réitérer.

Nous voulons que soit acté ici le principe selon lequel les services de la société France Télévisions, lorsqu’ils diffusent des journaux télévisés, disposent d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

Ce dernier point, qui apparemment pose problème à certains, nous semble une évidence. Il serait tout de même surprenant qu’une rédaction composée de journalistes soit dirigée par quelqu'un qui n’appartienne pas à cette profession !

Nous avons donc fait une concession. En effet, si la Haute Assemblée, dans sa majorité, décide que tout journal télévisé doit être adossé à une rédaction spécifique, tous ceux qui craignent que, demain, les rédactions de France 2 et de France 3 ne soient fusionnées, malgré l’existence de deux journaux télévisés distincts, et que l’on n’en profite pour raboter leurs moyens, voire pour licencier certains personnels, auront au moins une satisfaction.

Nous voulons non pas seulement nous opposer à ce texte, mais préserver tout ce qui peut l’être et nous montrer constructifs. J’espère que la commission et, surtout, le Gouvernement partageront cet esprit et que nous parviendrons à un consensus !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Tous les membres de la commission, me semble-t-il, souscrivent aux principes que vient d’évoquer notre collègue.

En effet, il est important que les rédactions des différentes chaînes du service public restent indépendantes, bénéficient d’une autonomie de fonctionnement et soient dirigées par des journalistes ; nous pouvons d'ailleurs imaginer que tel sera le cas.

C'est pourquoi, après discussion et après avoir proposé une rectification de l’amendement initialement déposé par nos collègues, la commission a émis un avis favorable.

Je tiens d'ailleurs à saluer le travail qui a été réalisé en commission et à remercier nos collègues du groupe socialiste d’avoir accepté d’améliorer la rédaction de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. À vrai dire, je ne suis pas certaine que ces dispositions aient leur place dans la loi. Je ne crois pas nécessaire de préciser que les rédactions des différentes chaînes composant la télévision publique devront avoir à leur tête des journalistes.

M. Jean-Jacques Mirassou. Qu’est-ce qui a sa place dans la loi, alors ?

Mme Christine Albanel, ministre. Si je n’en suis pas certaine, à vrai dire, c’est parce qu’il est évident que cette disposition n’est pas de niveau législatif !

Cela étant, le Gouvernement partage naturellement les sentiments des auteurs de cet amendement. Mais alors, il ne faudrait pas écrire « rédaction » au singulier, car la société France Télévisions compte autant de rédactions que de chaînes ! Cette précision est importante, faute de quoi le texte de cet amendement sous-tendrait une fusion des rédactions existantes…

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, nous touchons là à un point de désaccord fondamental, sur les perspectives, le développement et l’organisation de l’audiovisuel public, mais surtout sur la place que vous semblez accorder au travail du législateur, et qui suscite un malaise de plus en plus pesant, au moins dans nos rangs, ainsi qu’une véritable inquiétude.

M. Portelli a lancé tout à l'heure une petite bombe dans le débat. Quand on veut nous convaincre qu’une multitude de sujets ne peuvent faire l’objet d’un débat parlementaire parce qu’ils n’ont pas leur place dans la loi, je me demande vraiment à quoi sert le législateur !

Mes chers collègues, nous ne sommes pas seulement des notaires chargés de consigner la création de structures juridiques. Nous ne sommes pas là uniquement pour poser de grandes orientations très générales et qui, finalement, n’engagent personne.

Nous sommes comptables devant la nation de l’avenir que nous sommes en train de dessiner pour l’audiovisuel public et ses missions.

Lorsque nous tenons à rappeler la constitution actuelle du groupe en énonçant ses antennes, c’est non pas pour maintenir le statu quo, mais pour garder à la nation un capital qu’elle s’est acquis et travailler pour le développement de ce capital.

Lorsque nous citons comme un point important l’organisation des rédactions dans les entreprises audiovisuelles publiques, nous n’outrepassons pas la responsabilité du législateur. Au contraire, nous énonçons un principe fondamental dans le monde de la communication. Nous ne sommes pas en train de transporter du fret ou de vendre des petits pois ! Dans le monde de la communication, la responsabilité rédactionnelle est aux mains de professionnels, et nous tenons à le rappeler ici.

Mes chers collègues, il y a urgence à remettre les pendules à l’heure, s’agissant de la responsabilité du législateur dans notre pays. Nous étions déjà inquiets des procédures choisies par le Gouvernement à l’occasion de l’examen de ce texte. Or, certains des propos que vous avez tenus ce soir, madame la ministre, loin de calmer nos craintes, viennent les aggraver. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre. Je tiens à préciser à Mme Tasca que je ne veux nullement amoindrir le rôle du législateur.

L’amendement n° 306 rectifié est ainsi rédigé : « Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

Cette rédaction m’a incitée à faire remarquer que, dans les précédentes lois – celle de 1986 et celle de 2000 –, il n’est aucunement précisé que les sociétés de télévision doivent disposer « d’une rédaction propre, dirigée par un journaliste ».

Pourtant, ces rédactions existent, sont parfaitement indépendantes et le resteront à l’avenir.

Mme Catherine Tasca. Faisons du neuf !

Mme Christine Albanel, ministre. Je ne voulais rien dire d’autre que cela. Il n’y a pas de nécessité à inscrire cette précision dans la loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Grâce à nos débats, tout est désormais clair dans les esprits et aucune ambiguïté ne subsiste quant au sens de cet amendement.

J’y vois la preuve d’une volonté de rapprocher les points de vue, volonté qui s’est déjà manifestée en commission et transparaît maintenant en séance plénière. Je ne peux que m’en réjouir et souhaiter, par conséquent, l’adoption de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Mon explication de vote ne porte pas sur le fond, Mme Tasca ayant exprimé le point de vue de notre groupe, mais vise à obtenir de Mme la ministre qu’elle apaise l’inquiétude qu’a fait naître chez moi tout à l’heure sa première réponse.

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

Chacun de nous, ici, avait bien compris que chaque service de la société France Télévisions disposerait d'une rédaction propre, mais Mme la ministre, en fine lettrée, a fait remarquer que cette formulation pouvait laisser supposer qu’il y aurait une seule rédaction pour l’ensemble des journaux télévisés.

Nous ne sommes pas obligés de tout inscrire dans la loi, mais nous devons veiller à ce que les dispositions y figurant ne puissent être interprétées d’une façon contraire à ce que nous souhaitions.

Je rectifie donc l’amendement afin qu’il se lise de la façon suivante : « Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent chacun d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste. »

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 306 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'ils diffusent des journaux télévisés, les services de la société France Télévisions disposent chacun d'une rédaction propre, dirigée par un journaliste.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. M. Assouline ayant rectifié l’amendement de façon à lever toute ambiguïté, la commission y est donc favorable.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je rappelle que, dans la loi organique portant révision constitutionnelle adoptée au mois de juillet, il est écrit que nous devons être beaucoup plus intransigeants quant à notre façon de rédiger les textes législatifs et que nous devons éviter les lois bavardes, les lois qui contiennent des dispositions n’ayant rien à voir avec l’affirmation des principes fondamentaux devant figurer dans une loi.

Relisez, mes chers collègues, le discours préliminaire du premier projet de code civil prononcé par Portalis ! Il y rappelait que la loi n’est pas bavarde, qu’elle fixe des principes et qu’elle n’est pas là pour entrer dans les détails.

Nous sommes bien sûr favorables au fait que chaque entité de radiotélévision publique dispose de son propre service de rédaction – c’est une évidence : elle n’existerait pas sans cela ! – mais nous refusons de tout écrire noir sur blanc !

M. David Assouline. Il ne s’agirait plus d’un texte de loi !

Mme Catherine Tasca. C’est une question de confiance !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 306 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par M. Ralite, Mme Gonthier-Maurin, MM. Renar, Voguet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :

« Elle assure la diversité et le pluralisme de ses programmes. Ce pluralisme s'entend dans le domaine politique et assure notamment une juste répartition du temps de parole politique sur le fondement de la représentativité parlementaire des partis et de leur représentativité dans les assemblées des collectivités territoriales (régions, départements, communes de plus de 10 000 habitants), ce conformément aux exigences de l'article 1er de la Constitution qui proclame que l'organisation de la République est décentralisée. Les modalités de cette représentativité sont précisées par décret en Conseil d'État. Le pluralisme s'entend également dans l'ensemble des programmes de culture et de divertissement en termes culturels, artistiques et sociétaux afin d'élargir l'accès à l'antenne d'artistes, auteurs, interprètes, courants esthétiques et générationnels selon des modalités émancipées de la logique de l'audimat. En matière de fictions nationales et européennes, ce pluralisme s'apprécie notamment dans le choix des thématiques, des auteurs, des interprètes, indépendamment des logiques de formatage, de marketing et du star-system.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le pluralisme dans le domaine politique devrait aller de soi. Pourtant, et bien que cette pratique soit inscrite dans la Constitution, c’est loin d’être le cas.

Le pluralisme ne s’arrête pas à la seule politique. Il concerne l’ensemble des programmes de France Télévisions, quelle que soit leur nature. Cela concerne, bien sûr, l’information, mais aussi tous les programmes de divertissement et de culture.

Il est indispensable que cela soit affirmé sans ambages dans le texte.

Nous tenons particulièrement à cet amendement.

Voilà une dizaine d’années déjà, notre collègue Jack Ralite avait déposé une proposition de loi en vue d’instaurer le pluralisme dans toutes les catégories de programmes.

Puisque l’objet affiché du projet de loi consiste, par la suppression de la publicité, à libérer le service public de la dictature de l’audimat et du mercantilisme, il est d’autant plus légitime de donner plus d’audace à la création et à l’innovation, comme à l’ensemble des divers talents moins exposés et moins représentés dans le paysage audiovisuel.

La seule véritable opportunité qu’offre ce projet de loi est celle d’une émancipation du service public d’une certaine forme de censure qui conduit au formatage, à la « peopolisation » des émissions, qu’elles soient littéraires, musicales, cinématographiques ou patrimoniales : l’on a trop souvent l’impression qu’on prend les mêmes et qu’on recommence.

Cette mise en moyenne et ce conformisme aseptisent les imaginaires et contribuent à l’uniformisation des esprits.

Plutôt qu’une politique de la demande, il faut stimuler une politique de l’offre et du désir.

Il s’agit non pas de s’ingérer dans la programmation, qui n’appartient qu’aux professionnels de la télévision, mais de donner à l’ensemble de ses différents services toute latitude pour oser renouveler les formes esthétiques et les contenus en ne s’interdisant aucun sujet, que ce soit dans le domaine de la fiction, du documentaire, ou encore dans les émissions de flux.

Le partage des idées, la réflexion appartiennent à toutes les catégories de programmes.

Certains films, par exemple, amènent le spectateur à s’interroger bien plus profondément que ne le fait le journal télévisé.

Il s’agit non pas d’opposer les différents types d’émissions entre elles, d’autant qu’elles se complètent, mais de conforter le pluralisme éditorial de l’ensemble des programmes afin de n’écarter aucune forme d’expression et d’investigation, qu’elle soit artistique, scientifique ou journalistique.

L’enjeu consiste à faire en sorte que la télévision publique demeure un grand média populaire, y compris dans ses développements numériques.

Notre patrimoine audiovisuel nous démontre en permanence que les émissions cultes sont aussi celles qui ont su surprendre le téléspectateur par leur liberté de ton et leur innovation formelle.

Il s’agit donc tout à la fois de promouvoir la diversité culturelle et le pluralisme, qui ne sont pas synonymes, même s’ils se font souvent la courte échelle, si je puis dire.

Alors que nous vivons dans un monde de plus en plus complexe, les citoyens ont grand besoin de regards et de paroles pluriels pour le décrypter.

Aussi, ne nous privons pas de la qualité de regards singuliers, qu’il s’agisse d’œuvres audiovisuelles nationales, européennes, mais aussi d’œuvres qui restent trop confidentielles parce qu’elles sont issues de continents ou de pays qui n’ont pas la force de frappe nécessaire pour se promouvoir à l’étranger !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. On dit que la loi doit prévoir l’essentiel. Or, ma chère collègue, vous êtes entrée dans un luxe de détails qui devraient n’être énumérés que dans le cahier des charges !

Même si la commission est tout à fait sensible aux notions de diversité et de pluralisme d’expression, elle ne peut pas accepter que figure dans la loi un tel catalogue.

C’est la raison pour laquelle elle émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. En effet, la définition du pluralisme relève à n’en pas douter du cahier des charges. Je rappelle que toute modification de ce dernier intervient par voie de décret, après avis du CSA, et est soumise à une consultation publique lorsque les modifications sont importantes, à une consultation préalable des collectivités d’outre-mer pour toutes les dispositions qui leur sont particulières, et à une consultation des conseils d’administration des sociétés concernées, ainsi que leur statut le prévoit.

Je suis étonnée par les précisions contenues dans le texte de cet amendement et même par l’emploi de certains termes : « En matière de fictions nationales et européennes, ce pluralisme s’apprécie notamment dans le choix des thématiques, des auteurs, des interprètes, indépendamment des logiques de formatage, de marketing et du star-system. » Comment M. Ralite a-t-il pu envisager que les termes « marketing » et « star-system » figurent dans la loi ?

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. Cela m’avait choqué aussi !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 114.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 297, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 2 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste, de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous venons de nous exprimer sur les dangers de suppression de l’existence légale des différentes chaînes.

France 2 constitue aujourd’hui le vaisseau amiral de France Télévisions.

Dois-je rappeler que « la deuxième chaîne » de l’ORTF – c’est ainsi qu’elle était dénommée – a commencé à émettre le 21 décembre 1963, voilà donc quarante-cinq ans ?

Je me ferai l’écho des remarques que formulait tout à l’heure avec finesse M. Sueur : j’entends encore aujourd’hui parler de « la deuxième chaîne » ! Cela prouve à quel point l’attachement à ces identités est fort.

Nous devons à cette deuxième chaîne des moments de télévision inoubliables, reflétant la spécificité du service public audiovisuel.

Souvenez-vous, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues : Les Dossiers de l’Écran, les Shadoks, Le Grand Échiquier ! Toutes ces émissions sont regrettées. Des Chiffres et des Lettres existe encore ! 

Le début des années soixante-dix marque l’avènement de grandes séries : Arsène Lupin, les Rois Maudits, les Brigades du Tigre. Qui parmi vous ne s’en souvient pas ?

J’ai revu récemment les Rois Maudits dans la version de l’époque : cette première version, plus que la récente, qui a été réalisée à grand renfort de moyens techniques, m’a subjugué, je vous l’assure !

La société nationale de programmes Antenne 2 naquit le 1er janvier 1975. À cette époque apparurent Apostrophes mais aussi Champs Élysées ou Récré A2.

Antenne 2 fut ensuite la première chaîne à proposer un journal du matin, dans Télématin, en 1985. C’était alors une grande audace !

J’ajoute que la chaîne émet de la publicité depuis le 1er janvier 1971.

Ce résumé des grands moments des quarante-cinq années d’existence de la deuxième chaîne – ensuite nommée Antenne 2 et enfin France 2 – démontre, s’il en était besoin, l’importance de l’existence d’une télévision généraliste, diversifiée et ambitieuse, remplissant parfaitement sa mission de service public.

Et je précise, à l’intention de tous ceux qui ont parfois décrié les périmètres actuels en les considérant comme trop figés et ne permettant plus l’innovation, que l’histoire d’Antenne 2 – puis France 2 – est précisément une histoire d’innovation. J’ai égrené quelques-unes de ses audaces, y compris dans le domaine du journal d’information.

Le présent amendement a donc pour objet de pérenniser l’existence légale de ce qui constitue le « vaisseau amiral » de France Télévisions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Je ne réitérerai pas l’argumentaire que j’ai déjà proposé sur la question, même si celle-ci est maintenant déclinée pour chacune des chaînes du groupe France Télévisions.

Je comprends – et je partage – la pointe de nostalgie qui nous a envahis, sur toutes ces travées, à l’évocation de programmes que nous avons regardés étant enfants, adolescents ou étudiants ! (Sourires.)

Cela dit, nous sommes là pour préparer l’avenir de France Télévisions. Et, même si nous regrettons notre jeunesse, nous nous devons, en tant que législateurs, d’inventer cet avenir ! Telle est la raison pour laquelle, ne pouvant céder au culte du passé, aussi sympathique soit-il, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, même si je m’associe moi aussi à tous les souvenirs évoqués. J’ajouterai d’ailleurs à la liste de M. Assouline Les Gens de Mogador ! (Sourires.)

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles. C’est toute une génération qui s’exprime ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Un certain nombre d’amendements similaires ayant été déposés sur cet article, mon explication vaudra pour celui-ci et les suivants.

Nous ne sommes pas là pour légiférer en regardant dans le rétroviseur. Nous devons au contraire chercher à comprendre ce que sera demain, voire après-demain, l’état de la question sur laquelle nous travaillons.

Cela n’a donc pas de sens de légiférer en s’extasiant sur le côté sympathique de la télévision de papa et de grand-papa, et en prétendant la pérenniser.

Notre rôle est de décider si nous voulons ou non un service public, et si nous lui donnons les moyens d’exister. Quant à la manière dont il évoluera, ce n’est pas à nous d’en décider ; la vie de l’entreprise s’en chargera, en fonction des téléspectateurs et des auditeurs. Et cela, encore une fois, ce n’est pas notre travail !

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais si ! Les auditeurs et les téléspectateurs y tiennent aussi !

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Ce que je viens d’entendre m’amuse. En effet, en évoquant son parcours de quarante-cinq années, j’ai justement cité tout ce qui a fait que la deuxième chaîne a toujours été en avance. Il n’est donc pas question de rétroviseur !

Au contraire, cette chaîne va bien entendu continuer à évoluer. Et c’est précisément pourquoi nous ne voulons pas la sacrifier. Pour cela, elle peut bien changer de nom. Ce n’est d’ailleurs pas le problème, puisqu’elle a déjà eu trois noms différents. La vraie question est donc celle de la préservation de l’entité elle-même. De plus, notre position ne tient en rien du conservatisme.

Ce qui est en cause, c’est le périmètre de la chaîne. Je sais bien que nous faisons semblant de ne pas nous comprendre, mais tout le monde ici est conscient du fait que l’enjeu tient non pas au logo ou au nom, mais bien au périmètre et à la fonction que l’on donne à la chaîne.

Je vous le dis très sincèrement : je ne pense en aucune façon que regarder de l’avant et tendre vers la modernité, ce soit faire fi du passé. Je vous dirai même que j’ai beaucoup réfléchi à cette phrase que j’ai pourtant souvent scandée moi-même quand j’étais jeune : « Du passé faisons table rase ».

Je suis maintenant persuadé que, quand on commence à vouloir faire table rase du passé, on se débarrasse de beaucoup trop de choses, et qu’en général on ne prépare pas l’avenir. Il faut à la fois se souvenir d’où l’on vient et savoir accepter résolument la mutation et l’innovation.

C’est d’ailleurs ainsi que l’on peut réformer. En effet, je peux vous assurer que toutes les réformes qui sont aujourd’hui nécessaires à la modernisation de notre pays seraient beaucoup plus faciles à effectuer et à faire accepter aux gens si, en leur annonçant une réforme, on n’en profitait pas pour casser tout ce qui existe.

Il est amusant, monsieur Portelli, que ce soit vous qui parliez de modernité et moi qui défende le passé, alors même que je n’ai pas l’impression, dans le travail que j’accomplis à la commission des affaires culturelles, de ne m’attacher qu’à de vieilles choses. Ainsi, dans mon dernier rapport, j’ai étudié l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse.

Je réfléchis à tout ce qui est innovant. Quant à vous, c’est seulement maintenant que vous vous réveillez, pour vous énerver parce qu’on discute trop. Je regrette – car je connais votre point de vue et celui de vos collègues sur les autres aspects, beaucoup plus fondamentaux, de cette loi – que vous fassiez preuve de si peu d’énergie au regard du sentiment que nous avons tous, dans cet hémicycle, d’avoir été bafoués, compte tenu de la mise en œuvre de l’essentiel de ce projet de loi avant même que nous en discutions.

Arrêtez donc de vous énerver au motif que nous essayons de préciser un peu les choses, alors même que vous avez été méprisés pour ce qui relève du cœur de votre fonction de parlementaire. Or, sur la question que j’évoque, on n’a pas vu la droite exprimer la moindre colère dans cet hémicycle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 297.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 298, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 3 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Ce service propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux. Elle contribue à la mise en valeur de la richesse de ces territoires et contribue à favoriser l'expression des langues régionales.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Je rappellerai que c’est au moment de l’éclatement de l’ORTF, en 1974, qu’a été créée la Société nationale de programmes de télévision France Régions 3, ou FR3, chargée de gérer et de développer les centres régionaux de radio et de télévision. Elle comprenait alors vingt-deux stations régionales et vingt-neuf centres radiophoniques régis par onze directions.

On comptait à l’époque sur les productions de vingt-deux stations régionales, équivalant alors à trente-cinq minutes de télévision régionale !

La déstabilisation profonde que connaît aujourd’hui le service public de la télévision du fait de la réforme en cours met en danger, à terme, son existence même.

Le démantèlement de France Télévisions est en effet une menace bien réelle au regard du sous-financement structurel de la télévision publique qu’organise ce projet de loi. Cela a été dit et redit, et l’absence de réponse claire de Mme la ministre confirme nos préventions.

De ce point de vue, France 3 est la chaîne la plus exposée. Pourtant, ses rédactions nationale et européenne, ses vingt-quatre rédactions régionales, ses trente-cinq rédactions locales, ses cinquante-cinq bureaux décentralisés, ainsi que leurs moyens de production propres, forment un réseau unique en Europe.

Présente sur tous les supports de diffusion, avec notamment la diffusion de vingt-quatre décrochages régionaux sur la télévision numérique terrestre, ou TNT, France 3 met à disposition la totalité de ses programmes à la totalité de la population française, prouvant ainsi ce que l’innovation peut apporter à la proximité. C’est ce que Jean-Pierre Sueur entend par « identité humaine », alors que vous réduisez la question à une identité juridique.

Malheureusement, ce remarquable outil de fabrication d’une télévision de qualité, s’adressant à tous les Français en permettant par exemple la diffusion de programmes dans sept langues régionales différentes et la production de quatre cents reportages inédits chaque jour, pourrait bien être réduit au simple rôle de variable d’ajustement dans les restructurations que les responsables de France Télévisions devront conduire dans les années qui viennent afin d’éviter la faillite de leur entreprise.

En conséquence de la merveilleuse réforme dont nous débattons, les décrochages de sept minutes à 19 heures 55 viennent d’être supprimés pour diffuser les cinq dernières minutes de publicité avant 20 heures ! Désormais, seul le journal d’informations locales de 18 heures 38 subsiste, mais pour combien de temps encore, madame la ministre ?

La « vente à la découpe » de France 3 au bénéfice, par exemple, des acteurs de la presse quotidienne régionale constituerait une perte irréparable pour notre télévision publique, qui affecterait profondément les Français. Ces derniers placent en effet régulièrement la « chaîne des régions » en tête de leurs chaînes de télévision préférées.

Je n’ai l’intention d’évoquer ni le passé, comme M. Portelli nous a reproché de le faire, ni l’avenir, dont a parlé M. Assouline. Je parlerai du présent.

Vous le savez bien, le corollaire d’une mondialisation désincarnée, c’est l’attachement au niveau local, qui s’ancre dans des territoires, dont chacun a sa spécificité, fort bien valorisée par France 3.

Mais le présent, ce sont aussi, bien évidemment, tous les élus locaux de la nation, qui marquent dès aujourd’hui, en relayant les inquiétudes des personnels des directions régionales de France 3, leur attachement particulier à la continuité du service public de l’audiovisuel sur l’ensemble du territoire, que ne pourront assurer des opérateurs privés.

Il est donc essentiel que la loi garantisse la présence d’un service audiovisuel public de proximité, offrant à tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence, un accès à des programmes diversifiés et de qualité, ainsi qu’à une information pluraliste, couvrant l’ensemble de l’actualité, du local à l’international.

Tel est le sens de notre proposition d’amendement, qui prévoit la reconnaissance légale de France 3.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Vous ne serez pas surpris que la commission émette le même avis que celui qu’elle a précédemment exprimé au sujet de France 2.

En revanche, je tiens à souligner que, s’agissant de nos territoires, nos collègues sont particulièrement attachés à ce que la vitalité locale soit relayée, sous forme d’informations, par une chaîne de télévision du service public. Or, cela nous est garanti aussi bien par la loi que par le cahier des charges.

Cet aspect a été évoqué assez longuement hier lors de la discussion générale. De ce point de vue, nous sommes donc bien entendu satisfaits, ce qui ne nous empêche pas de veiller à ce que les services de France Télévisions disposent d’une telle chaîne permettant de témoigner de la vitalité de nos territoires à travers des documentaires, des émissions d’information et un ensemble de programmes qui leur seront dédiés.

Telles sont les raisons pour lesquelles, si concernés que nous soyons par ces problématiques, notre avis sur cet amendement est défavorable. Encore une fois, nous n’allons pas citer les chaînes les unes après les autres dans la loi, dont ce n’est pas le rôle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons.

Je voudrais simplement faire remarquer, puisqu’on ne cesse de répéter que France Télévisions souffre de sous-financement, que le groupe va disposer d’un budget de pratiquement 3 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien, dont près de 2,5 milliards d’euros de ressources publiques, ce qui n’est pas non plus négligeable. Qui plus est, en ces temps de crise, qui affectent également le marché publicitaire, avoir une garantie de ressources publiques de 2,5 milliards d’euros est une chose considérable.

Dans le projet que nous portons, la dimension régionale et locale est bien sûr extrêmement forte. Elle figure dans l’exposé des motifs, ainsi, bien entendu, que dans le cahier des charges. Il n’est donc nullement question de sacrifier cette dimension.

Sur ce sujet, beaucoup de fantasmes circulent. Toutes ces allégations n’ont rigoureusement aucune réalité. D’ailleurs, celle qui consiste à annoncer l’achat des antennes de France 3 par la PQR, la presse quotidienne régionale, est tout simplement ridicule, surtout quand on considère la situation réelle de la PQR aujourd’hui ! Tout cela est donc sans aucun fondement.

J’ajoute que l’information va se trouver accrue, plutôt que réduite, pour ce qui est de sa dimension locale et régionale, avec la création de programmes inédits qui proposeront cinq minutes d’informations régionales et trois minutes d’informations locales supplémentaires, sans compter également cinq minutes dans Soir 3.

Mme Catherine Tasca. Sans moyens !

Mme Christine Albanel, ministre. Voilà qui constitue précisément une affirmation de la dimension régionale et locale de France 3.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Mirassou. Vos propos sont loin de nous avoir convaincus. D’ailleurs, en dehors même de la représentation nationale, tout le monde peut s’apercevoir, pour peu d’ouvrir les yeux et les oreilles, que, dans les différentes régions, les salariés de France 3 ne sont guère convaincus non plus. Ils expriment depuis quelques semaines leurs inquiétudes au sujet de leur devenir et de celui de leur entreprise.

Par ailleurs, comment pouvez-vous affirmer que France 3 continue d’assurer son rôle, c'est-à-dire de garantir la pérennité de l’information, alors qu’il a été démontré tout à l’heure que, ne serait-ce que par la suppression de la rediffusion du journal local, telle qu’elle existait auparavant à 19 heures 50, la quantité d’information a subi de fait une amputation ? Les Françaises et les Français, fort attachés à France 3, désapprouvent bien entendu ce type de mesures.

Pour ces raisons, vous comprendrez, madame la ministre, que vous ne nous ayez pas convaincus. Tout au contraire, nous continuons à affirmer la nécessité et la pertinence de notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 298.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 301, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 5 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance et à la formation, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias. Ce service favorise la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d'autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d'enseignement et de formation. »

La parole est à Mme Catherine Tasca.

Mme Catherine Tasca. Au risque d’accroître l’impatience mais non, je l’espère, l’incompréhension, nous présentons un amendement qui a pour objet d’affirmer et de garantir l’existence de France 5 dans son périmètre actuel.

Cette série d’amendements d’ailleurs ne plaide pas en faveur d’un statu quo  cela semble être l’une de vos inquiétudes – mais constitue plutôt pour nous une clause de non-recul. Nous pensons que la nation a consacré à l’audiovisuel public et à ses différentes chaînes un effort considérable et qu’il est de notre devoir d’affermir ce socle et de garantir qu’il ne sera pas renié à l’avenir.

J’ai plaisir à parler de France 5 parce que c’est une chaîne encore toute jeune dans le panorama de l’audiovisuel public. Lorsque fut lancée, en décembre 1994, une chaîne publique de la connaissance et du savoir sur le cinquième réseau analogique, peu d’observateurs auraient parié que, près de quinze ans plus tard, celle-ci aurait pris une place incontournable dans le paysage audiovisuel français.

L’ambition était alors de rattraper le retard de la France sur les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, pays dans lesquels, depuis plusieurs décennies déjà, des chaînes comme l’américaine PBS ou la britannique Channel Four prouvent qu’il existe bien une audience, à la télévision, pour des programmes « éducatifs » au sens large du terme.

Sur l’ensemble de l’année 2008, et aux seules heures de sa diffusion sur le cinquième réseau hertzien analogique – de 6 heures 45 à 19 heures –, France 5 a réuni 5,5 % des téléspectateurs, ce qui la classe au cinquième rang des chaînes nationales, alors même que son espace à l’antenne est limité par le partage avec ARTE.

En s’inscrivant dans le paysage audiovisuel français à ce niveau déjà remarquable d’audience depuis le début des années 2000, en proposant au public des émissions qui sont devenues de vrais repères, comme C dans l’air, France 5 s’est affirmée, auprès des téléspectateurs, comme la chaîne du décryptage, programmant de nombreux magazines et documentaires dans des formats innovants et attractifs. Il faut noter aussi une réelle modernité de l’esthétique de cette antenne qui a su trouver, dans la forme comme sur le fond, sa propre identité.

Vous voyez comme certains acquis encore récents de l’audiovisuel public peuvent être de véritables promesses pour l’avenir.

Diffusée aussi vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur la TNT et dans une vingtaine de pays d’Afrique subsaharienne par l’intermédiaire du bouquet CanalSat Horizons, France 5 est, de fait, d’ores et déjà devenue une offre de média global.

Avec plus de vingt millions de pages vues, le site internet france5.fr reçoit plus de 3,5 millions de visites par mois. Ce succès public significatif est notamment lié à la possibilité, pour les internautes, d’accéder aux programmes de France 5 gratuitement pendant une semaine. Cela préfigure, madame la ministre, ce vers quoi doit aller France Télévisions si, véritablement, on veut en faire un média global.

D’ailleurs, France 5 a vu couronner ses efforts pour produire et diffuser une télévision éducative vraiment populaire et réellement de service public, avec la remise, en juin 2007, du prix de la « meilleure chaîne télévisée » à l’occasion de la neuvième édition du grand prix des médias organisé par CB News.

France 5 joue ainsi pleinement son rôle au sein du service public audiovisuel, en permettant aux Français de se cultiver et même de se former par une offre de programmes ambitieuse, exigeante et diversifiée.

Elle est aussi – on ne l’évoque pas assez souvent, et je tiens à le dire dans ce débat – un pont entre la télévision et le monde de l’éducation, qui en a grand besoin.

Il est donc très important, à nos yeux, que France 5 soit légalement reconnue et pérennisée avec sa « différence », laquelle en fera non pas un objet du passé mais, au contraire, un moteur pour l’ensemble France Télévisions.

Tout comme l’actuelle signalétique de France Télévisions fait apparaître le bouquet de ses chaînes liées mais distinctes, chacune avec sa propre couleur, il faut que cet article consacre, pour l’avenir, l’existence de France 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Je rejoins Mme Catherine Tasca sur toutes les qualités, qu’elle a parfaitement rappelées, de cette chaîne que nous sommes nombreux à apprécier. Cela étant, pour les raisons déjà exposées, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Pour les raisons précédemment évoquées, je suis défavorable à cet amendement, même si je m’associe effectivement à tout ce que Mme Catherine Tasca a dit de France 5, qui a su en effet trouver son identité en tant que chaîne de décryptage et de la connaissance, avec des émissions très emblématiques que nous aimons beaucoup, comme C dans l’air ou encore Ripostes.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 301.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 302, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé Réseau France Outre-mer, chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Ce service assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres services de France Télévisions sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'il produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole. Il assure la continuité territoriale des autres services de France Télévisions, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre mer ou de la collectivité départementale de Mayotte, selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges, après consultation de chaque conseil régional. Il conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information. »

La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.

M. Jean-Etienne Antoinette. Cet amendement a pour objet de garantir l'existence de RFO dans son périmètre actuel.

Regardée par 80 % des foyers ultramarins, la chaîne RFO propose 57 000 heures de programmes de proximité, dont 6 000 heures de production propre se déclinent en neuf télé-pays et radios.

France Ô propose sur la TNT, en Île-de-France, une déclinaison des programmes de RFO. Cette chaîne constitue à la fois un miroir de la France ultramarine en métropole mais aussi une vitrine de la France multiple.

RFO est tenue de s’équiper pour faire face à de nombreux besoins : caméras numériques, régies de production à renouveler – cela a été fait à la Réunion en 2007 –, installation dans les locaux de France Télévisions Interactive, charges de personnels lourdes amputant plus de 55 % du budget pour des personnels très nombreux – 1 500 salariés permanents et 400 salariés non permanents –, du fait de l’éclatement des sites.

RFO joue fréquemment, auprès de la population, un rôle d’assistance compte tenu des conditions climatiques difficiles dans de nombreuses collectivités d’outre-mer : ainsi, lors du cyclone Gamède, en février 2007, à la Réunion ou de la tempête Dean, en août 2007, à la Martinique et en Guadeloupe, qui ont entraîné de nombreuses dégradations matérielles dont les populations ont souffert, les différentes antennes de RFO ont joué un rôle primordial de service de proximité, informant les citoyens et leur prodiguant assistance et conseil.

II est primordial de maintenir l’ensemble des services de RFO. Notre amendement vise donc à sécuriser l’existence légale de cette ancienne société de France Télévisions, en tant que service.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour les raisons déjà précédemment indiquées, même si, là encore, nous reconnaissons tout l’intérêt de cette chaîne pour l’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 302.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 303, présenté par MM. Assouline, Bel et Bérit-Débat, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, MM. Boutant, Domeizel et Fichet, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, M. Sueur, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour le I de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle édite et diffuse un service dénommé France 4 chargé de concevoir et de programmer des émissions de télévision en direction des nouvelles générations avec notamment une offre de rendez-vous en direct sur des manifestations culturelles, sportives, musicales, théâtrales, évènementielles, et des programmes visant à promouvoir les nouveaux talents et reflétant la création actuelle. »

La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Alors que se profile à court terme le basculement de la diffusion de la télévision en « tout numérique », il est essentiel, au-delà des déclarations d’intention sur la transformation de France Télévisions en média global, de développer l’offre de chaînes numériques de la télévision publique.

Dans cette perspective, la loi doit prévoir que l’offre de programmes de France Télévisions s’appuie sur des chaînes numériques thématiques complémentaires des chaînes historiques diffusées aujourd’hui en analogique.

II s’agit donc de donner à la télévision publique la mission légale de diffuser des services proposant des offres répondant à des besoins spécifiques du public et, plus généralement, aux nouvelles formes de consommation de programmes audiovisuels, à l’heure d’internet où de plus en plus de Français sont équipés d’appareils numériques personnels très performants.

Cette perspective de développement de la télévision publique avait d’ailleurs fait l’objet, avant le lancement de la télévision numérique terrestre, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi « Trautmann-Tasca » d’août 2000, du projet numérique établi par M. Marc Tessier, alors président de France Télévisions, et par ses équipes.

II faut en effet garantir la présence du service public dans le panel des chaînes thématiques, pour permettre à celui-ci de s’adresser à tous les publics en contribuant ainsi de manière essentielle au pluralisme de l’offre de télévision numérique.

Cet amendement vise donc à inscrire dans la loi l’existence de France 4, diffusée gratuitement en numérique terrestre et ayant vocation à être la chaîne des personnes âgées de quinze ans à trente-quatre ans.

S’adressant à une génération qui revendique une liberté de ton et de pensée, les programmes de France 4 privilégient l’éclectisme, à travers le divertissement, la culture et les événements en direct, et participent ainsi à la diversité de l’offre de programmes de télévision proposée à un public actif et exigeant, …à l’instar de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement pour des raisons qui ont déjà été exposées.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Avis également défavorable, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 303.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision
Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 12 janvier 2009, à quinze heures et le soir :

- Suite de la discussion du projet de loi organique (n° 144, 2008 2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et du projet de loi (n° 145, 2008 2009), adopté par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence, relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Rapport (n° 150, 2008-2009) de Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, fait au nom de la commission des affaires culturelles.

Avis (n° 152, 2008-2009) de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Avis (n° 151, 2008-2009) de M. Joseph Kerguéris, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 9 janvier 2009, à zéro heure quinze.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD