M. le président. L'amendement n° 123, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

peuvent être mis aux voix sans discussion

par les mots :

sont discutés

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Il s’agit évidemment pour nous d’un amendement de repli.

S’il est un élément que nous jugeons totalement inacceptable dans cet article, c’est la non-discussion des amendements en séance publique.

En admettant que la conférence des présidents limite le temps d’examen d’un projet de loi – ce que nous refusons –, il paraît important de réaffirmer le principe de la discussion des amendements.

Nous avons déjà démontré, et M. le secrétaire d’État n’a répondu précisément à cette argumentation, que la Constitution et la jurisprudence du Conseil Constitutionnel imposent un examen « effectif » des amendements, ce que ne permet pas l’article 13 dans sa rédaction actuelle.

M. le président. L'amendement n° 122, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa de cet article, supprimer les mots :

sans discussion

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de repli vise à retirer du texte des mots qui devraient être bannis du vocabulaire du droit parlementaire : l’article 13 précise en effet que les amendements peuvent être adoptés « sans discussion ». Une telle radicalité dans la restriction du droit d’expression des parlementaires est pourtant contraire aux propos tenus par les principaux porte-parole du Gouvernement ou de la majorité, notamment à l’Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d’État, il y a quelques jours, en commission, vous avez souligné que « l’objectif [était] de mieux organiser les débats, non de réduire le temps d’examen des textes en séance ». Comment pouvez-vous affirmer cela et soutenir en même temps que les amendements peuvent être examinés sans discussion ?

Il suffit que la majorité de la conférence des présidents, votre majorité en l’occurrence, décide d’un temps global de discussion très court pour que les amendements, dans leur ensemble, ne puissent être présentés.

Vous nous avez d’ailleurs indiqué qu’il pourrait être décidé de fixer un « temps plus important pour les textes d’intérêt majeur ». Cette phrase est révélatrice d’une certaine conception des institutions. C’est le Gouvernement ou la majorité qui décide quels textes pourront bénéficier d’un temps de débat plus long. Là est bien le problème, car c’est le droit de chaque parlementaire, le droit de l’opposition, de faire porter le débat sur un point jugé important.

M. le président. L'amendement n° 126, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Cette procédure peut être engagée si elle ne fait pas l'objet d'une opposition du Gouvernement, de la commission saisie au fond ou d'un président de groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Bien que nous n’ayons pas encore examiné l’article 12 du projet de loi organique, nous avons pu noter que l’extension de la procédure simplifiée des projets de loi était soumise à la règle de l’unanimité. En effet, tout président de groupe pourra s’opposer à sa mise en œuvre.

Cette modification du texte intervenue à l’Assemblée nationale est un recul par rapport au texte originel, la majorité de l’Assemblée nationale souhaitant à tout prix, nous l’avons bien compris, l’adoption conforme de cet article 13. Pourquoi mettre un tel verrou démocratique sur la mise en œuvre de la procédure simplifiée et non sur l’organisation d’une discussion limitée dans le cadre du crédit-temps ?

La modification apportée à l’article 12 montre bien que le veto d’un groupe constitue une garantie démocratique. A contrario, le fait de ne pas modifier l’article 13 en ce sens accroît le caractère autoritaire de ce dernier et accentue l’expression du fait majoritaire.

Permettre à un président de groupe d’exiger une discussion pleine et entière, sans restriction, d’un projet, c’est reconnaître au Parlement son rôle politique, son statut de lieu de confrontation d’idées.

J’estime que le Sénat et son président s’honoreraient de proposer une nouvelle fois de placer les groupes politiques au cœur de l’institution parlementaire et, plus largement, au cœur des institutions. Je rappelle que le Sénat avait proposé un droit de saisine du Conseil constitutionnel pour les groupes politiques à l’occasion de la révision constitutionnelle, ce qui avait finalement été rejeté par l’Assemblée nationale.

Notre amendement se situe dans cet objectif de revalorisation du Parlement, en favorisant le rôle et la place des groupes politiques.

M. le président. L'amendement n° 128, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Deux groupes politiques peuvent s'opposer à la mise en œuvre de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent. Nous proposons que le droit de veto puisse être exercé par deux groupes politiques.

Comment imaginer, monsieur le secrétaire d’État, qu’un débat viole expressément le principe du droit d’amendement, alors que l’opposition rassemblée, par exemple, demande le débat ? Notre proposition est la garantie que le fait majoritaire n’entraîne pas une dérive autoritaire.

Vous aurez noté que nous puisons notre inspiration dans le projet de réforme du règlement actuellement discuté au Sénat qui permettrait à deux groupes de saisir la conférence des présidents.

Même si nous préférons la valorisation des groupes politiques eux-mêmes à la notion de statut de l’opposition, j’estime que notre proposition n’est pas excessive et qu’elle apporterait la garantie d’un bon fonctionnement de notre assemblée.

M. le président. L'amendement n° 127, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La décision par la Conférence des Présidents des assemblées de recourir à la procédure prévue par cet article doit être prise aux trois cinquièmes.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes toujours dans la même logique : nous estimons que la décision de la conférence des présidents d’une assemblée de recourir à la procédure du crédit-temps, telle qu’elle est prévue à l’article 13, doit être prise à la majorité des trois cinquièmes. La gravité d’une telle décision nécessite, à nos yeux, l’assentiment d’une majorité qualifiée.

Monsieur le secrétaire d’État, une telle disposition permettrait d’éviter les trop longs débats que vous avez évoqués et qui nuisent finalement à la clarté de la discussion. Pour autant, un consensus relatif entre une partie de la majorité et l’opposition serait nécessaire.

M. le président. L'amendement n° 125, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

des membres du Parlement

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article :

la procédure organisée par cet article cesse de s'appliquer, chaque amendement déposé pouvant être discuté.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit là d’un amendement de bon sens constitutionnel, si j’ose dire.

Le crédit-temps, qui est, selon moi, une sorte de « 49-3 » parlementaire, constitue une mise en cause radicale du droit des parlementaires. Nous l’avons dit et redit, et cette observation est même acceptée implicitement par la majorité sénatoriale puisqu’elle ne souhaite pas appliquer une telle faculté, ce crédit-temps bafouant quelque peu le principe d’imprescriptibilité du droit d’amendement, cher à M. le président du Sénat et à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je n’ai pas parlé d’imprescriptibilité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’inaliénabilité, si vous préférez, monsieur Hyest ! Je n’irais pas jusqu’à parler de « sacré », terme que vous-même ou d’autres avez déjà employé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On peut utiliser ce mot ! L’amour sacré de la patrie, c’est dans la Marseillaise !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si l’article 13, qui prévoit le crédit-temps, est adopté, le temps d’expression des parlementaires sera, quoi qu’on en dise, limité. Or le Gouvernement disposera toujours du droit de déposer des amendements à tout moment et, bien entendu, de les défendre et de les présenter en séance publique.

En ce qui nous concerne, nous avons toujours contesté ce droit qui permet au Gouvernement de modifier en profondeur un projet à la dernière minute, sans nous laisser le temps nécessaire pour examiner le contenu des textes ainsi que leurs conséquences juridiques et politiques.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez donc pas étonné : nous considérons qu’il s’agit d’un droit exorbitant du Gouvernement, qui reflète à l’évidence la prédominance de l’exécutif sur le législatif telle qu’elle ressort de nos institutions, c'est-à-dire de la Constitution de 1958, y compris dans sa dernière mouture.

Quand les parlementaires ne peuvent plus amender, le Gouvernement le peut toujours. La question des délais devra être rediscutée lors de la réforme du règlement. Mais l’avantage conféré au Gouvernement prend une dimension toute nouvelle dans le cadre de l’article 13.

Certes, des modalités d’intervention sur l’amendement gouvernemental sont prévues, mais elles ne nous paraissent pas suffisantes. Nous estimons que la procédure du crédit-temps doit être abandonnée lorsque le Gouvernement décide d’amender un texte en cours de débat, et c’est la moindre des choses pour quiconque souhaite défendre sincèrement les droits du Parlement, comme cela semble être votre cas, monsieur le secrétaire d’État. Il s’agit, en quelque sorte, de modifier le délai accordé aux uns et aux autres pour s’exprimer.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l'une des deux assemblées décide de ne pas appliquer cet article, l'autre ne peut, seule, le mettre en application.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Brouhaha sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos collègues ont l’air tout à fait intéressés par le débat ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Jean Bizet. Il y a certainement une raison !

M. Charles Revet. L’intérêt de vos propos les fait échanger entre eux ! (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Intéressez-vous plutôt aux droits du Parlement !

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez admis que cet article permettait une différenciation des règlements des assemblées. Cependant, vous n’avez pas tout à fait raison, car cette différenciation porte non pas sur leur fonctionnement propre ou leur « mode de vie », ce que l’on pourrait appeler leur règlement intérieur, mais bien sur le rôle institutionnel des assemblées, notamment leur rôle législatif et leurs rapports avec l’exécutif.

Ne confondons pas l’autonomie qui concerne les demandes de vérification du quorum, les demandes de suspension de séance, voire les explications de vote et celle qui a trait à la capacité des parlementaires d’amender un texte. Ainsi, les articles 44 et 45 de la Constitution disposent très clairement que le Parlement est une entité unique – les assemblées ne sont en effet pas différenciées – pour ce qui est du droit d’amendement ou de la navette parlementaire. Quel sens aura cette harmonie affichée si, dans l’une des chambres, le droit d’amendement s’exerce de façon pleine et entière alors que, dans l’autre, les amendements déposés sont mis aux voix sans discussion ?

Il m’a été rétorqué à plusieurs reprises que le règlement de l’Assemblée nationale sous la IVe République et sous la Ve République jusqu’en 1969, à la différence de celui de la Haute Assemblée, prévoyait une forme de débat global. Mais la IVe République avait un régime parlementaire, ce qui est tout de même assez différent.

M. Michel Charasse. Non, un régime d’assemblée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En outre, je rappelle que c’était inscrit dans le règlement de l’Assemblée nationale, et non dans une loi organique.

J’ajoute un argument de bon sens : si le règlement de l’Assemblée nationale a été modifié en 1969, c’est pour tenir compte du fait que la France n’avait plus un régime parlementaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur. Un régime d’assemblée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il aura semble-t-il fallu dix ans pour le constater. Il n’était évidemment alors plus nécessaire de limiter le temps global de parole des députés, car la Constitution de 1958 offrait tous les outils à l’exécutif pour arrêter un débat. Cet argument que l’on se plaît à nous opposer se retourne donc contre ses auteurs.

Enfin, je veux avancer un argument politique de poids : est-il concevable que les députés, élus au suffrage universel direct, aient moins de droits que les sénateurs, élus au suffrage universel indirect ? Ce n’est pas un point de détail que l’on peut balayer d’un revers de main !

Aujourd’hui, le Sénat doit prendre ses responsabilités, car nous légiférons pour l’ensemble du Parlement. Or, si vous ne voulez pas que l’article 13 s’applique ici, mes chers collègues, c’est parce que vous estimez qu’il est contraire aux principes constitutionnels régissant le droit d’amendement. Votre devoir est donc de signifier clairement à nos collègues députés le danger que représente une telle disposition pour la démocratie, soit en la supprimant, soit en empêchant sa mise en œuvre en ne votant pas ce texte conforme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Tout à l’heure, la commission a refusé de supprimer l’article 13. Elle ne peut donc qu’être défavorable aux amendements qui visent à instaurer des dispositions qui lui sont totalement contraires. C’est le cas de l’amendement n° 182, qui prévoit que « les règlements des assemblées ne peuvent instituer une procédure impartissant des délais pour l’examen d’un texte ». Ses auteurs auraient tout aussi bien pu écrire : « supprimer cet article ».

M. Michel Charasse. Cet amendement contredit l’article 13 !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Effectivement !

Mes chers collègues, je ne sais pas ce que veut dire « le droit d’amendement est imprescriptible », formulation qui est inscrite aux amendements nos 183 et 184. Est-ce à dire que celui qui n’a pas fait usage de son droit d’amendement pourrait l’invoquer dix ans après ?

M. Patrice Gélard, vice-président de la commission des lois. Ce serait ridicule !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Permettez-moi de vous dire qu’il y a des mots dont vous méconnaissez le sens. Je pense aussi au terme « inaliénable », qui ne figure pas dans ces amendements, mais que j’ai entendu prononcer tout à l’heure.

Quant à la phrase selon laquelle « Le droit d’amendement est consubstantiel aux principes républicains et démocratiques qui fondent l’activité parlementaire », c’est une déclaration de principe qui n’a pas sa place dans un texte législatif.

Puisque les amendements nos 182, 183, 184 et 185 visent à rédiger l’article 13 et donc à supprimer la possibilité d’établir un crédit-temps, ils sont en contradiction avec la position déjà exprimée par le Sénat.

Monsieur Frimat, c’est très bien d’écrire que « le droit d’amendement est individuel », mais c’est totalement inutile : cela figure déjà dans la Constitution. En outre, l’amendement n° 186 rectifié aurait pour effet de modifier l’article 13. Or, même si vous nous avez longuement expliqué qu’il fallait le modifier, vous aurez bien compris qu’il n’était pas question d’y toucher.

MM. Bernard Frimat et Daniel Raoul. Oh oui !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est de la petite tactique !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non, monsieur Sueur, c’est de la grande stratégie !

M. Jean-Pierre Sueur. De la médiocre stratégie !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais vous mélangez tout, ce qui ne me surprend pas. (Rires sur les travées de lUMP.)

Un sénateur de l’UMP. Ce n’est pas gentil ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quand on me cherche, on me trouve !

L’amendement n° 187 contredit explicitement l’objectif poursuivi avec la détermination d’un crédit-temps pour l’examen d’un texte. Je ferai les mêmes observations pour les amendements nos 188 et 189.

Je signale tout de même que, au lieu d’écrire « aucune disposition réglementaire », il eut mieux valu inscrire « aucune disposition du règlement des assemblées », tout comme il eut été préférable de parler de « l’auteur » – d’autant que vous ne cessez de dire que le droit d’amendement est individuel – plutôt que des « auteurs » ou du « premier signataire », notion qui a disparu.

M. Michel Mercier. Et en plus, c’est mal écrit ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Absolument !

La rédaction proposée par M. Charasse dans son amendement n° 42 rectifié est intéressante.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Toutefois, elle paraît moins protectrice pour le Parlement que le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale, qui renvoie la mise en œuvre du crédit-temps au règlement de chaque assemblée.

Vous avez parfaitement défendu votre point de vue, monsieur Charasse.

M. Charles Revet. Comme toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Néanmoins, cette disposition permettrait au Gouvernement de demander l’application d’un crédit-temps alors même que le règlement des assemblées ne le prévoirait pas, ce qui serait un paradoxe.

Vous nous avez expliqué pourquoi vous souhaitiez que l’on revienne à des règles permettant au Gouvernement d’agir plus efficacement, mais, en tout état de cause, malgré votre rédaction, votre amendement serait en contradiction avec l’objectif de l’article 13. Je vous invite donc, mon cher collègue, à le retirer.

J’en viens aux amendements du groupe CRC-SPG.

L’amendement n° 123, qui vise à remplacer les mots « peuvent être mis aux voix sans discussion » par les mots « sont discutés », et l’amendement n° 122, qui tend à supprimer les mots « sans discussion », sont contraires au sens de l’article 13.

En ce qui concerne l’amendement n° 126, les conditions prévues pour l’application du crédit-temps, en particulier le droit de veto d’un président de groupe, « neutraliseraient » la procédure. Je ferai les mêmes observations pour les amendements nos 128 et 127.

J’en viens à l’amendement n° 125, qui prévoit que le dépôt hors délai d’amendements par le Gouvernement ou par la commission aurait pour effet de mettre fin à la procédure du crédit-temps. Cette question est indépendante de l’article.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Parce que le crédit-temps est déjà fixé. Le fait que des amendements soient déposés ensuite ne change rien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Non ! Je vous rappelle, ma chère collègue, que l’Assemblée nationale a prévu la possibilité de déposer de nouveaux amendements si le Gouvernement propose des modifications au texte discuté en séance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ce que je disais !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais ce cas de figure doit être prévu par le règlement et non par la loi organique.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 124, je pense que vous avez une curieuse conception de l’autonomie des assemblées. (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Vous voulez absolument que le Sénat fasse comme l’Assemblée nationale. Certains députés en rêvent aussi. Je pense que c’est contraire à l’autonomie des assemblées, principe auquel je suis attaché.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme Éliane Assassi. C’est quand même tiré par les cheveux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Je ne vais pas reprendre les arguments qui ont été développés par M. le rapporteur ni revenir sur ce qui a été dit tout à l’heure, même si je comprends qu’un certain nombre d’amendements de repli aient été déposés.

Monsieur Frimat, vous le savez, l’amendement n° 182 contredit totalement l’article 13. Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’un amendement de suppression, son adoption reviendrait à gommer la rédaction initiale. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Dans le reste de la batterie d’amendements du groupe socialiste, certains reprennent des dispositions figurant déjà dans la Constitution, d’autres sont des affirmations de principe. Cela étant, je ne reviens pas sur les amendements nos 183 et 184 visant à ce que le droit d’amendement soit imprescriptible, car moi non plus je ne sais pas ce que cela veut dire.

M. Pierre-Yves Collombat. Je vous le dirai, monsieur le secrétaire d’État !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. À M. Hyest, qui ne souhaite pas que le Sénat modifie l’article 13, l’un des membres de votre groupe a répondu qu’il s’agissait d’une manœuvre. Permettez-moi de vous faire remarquer que le dispositif de votre amendement n° 186 rectifié, selon lequel le droit d’amendement est individuel, est déjà inscrit dans l’article 44 de la Constitution. Expliquez-moi donc pourquoi vous avez demandé un vote par scrutin public sur un tel amendement ? Dans le même ordre d’idée, vous auriez tout aussi bien pu présenter un amendement qui aurait dit que le Parlement est élu, puis arguer qu’il serait inconcevable de voter contre une telle disposition !

Reconnaissez-le, ce type d’amendement n’apporte rien. Le fait que le droit d’amendement est individuel est une évidence. Non seulement, cela a été dit dans tous les débats, mais c’est aussi inscrit dans la Constitution. Je pourrais dire la même chose sur des dispositions dont on a longuement débattu tout à l’heure concernant les amendements qui doivent être défendus en séance publique, des amendements qui doivent être suivis d’explication de vote, etc.

Dans ces conditions, vous comprendrez que le Gouvernement émette un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

J’en viens à l’amendement n° 42 rectifié.

Monsieur Charasse, si je me laissais aller,…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh non ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … mais je vais me contenir (Exclamations amusées sur les travées de lUMP) car je ne veux pas rouvrir le débat, je dirais que je n’aurais jamais osé rêver d’un tel amendement.

Je reconnais bien volontiers que votre logique se défend. Vous dites : n’imposons pas le temps global, n’introduisons pas cette limite dans les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat ; prévoyons que son application soit décidée non pas par les groupes, mais sur l’initiative du Gouvernement – c’est trop d’honneur ! Si l’article 13 avait prévu un tel dispositif, l’ensemble des groupes de gauche aurait poussé une belle bronca – ou de la conférence des présidents.

En fait, vous préconisez, comme dans le système anglais, que le Gouvernement, lorsqu’il considère que la chambre a été assez éclairée, demande un vote, ce qui met un terme au débat. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait lors de la révision constitutionnelle. Nous avons préféré faire confiance aux règlements des assemblées et au fait que l’ensemble des groupes à l’Assemblée nationale comme au Sénat puissent se mettre d’accord sur un mode de fonctionnement.

L’adoption de votre amendement modifierait donc l’équilibre de l’article 13, même si j’en comprends la logique. Quels que soient mes souhaits personnels, mes rêves secrets ou la facilité que cela donnerait au Gouvernement, je vous invite donc à le retirer. Je connais vos réserves, mais je pense que la rédaction actuelle est plus respectueuse des droits du Parlement et ménage mieux le consensus qui doit se dégager entre les groupes sur le règlement des deux assemblées.

Les amendements nos 123, 122, 126, 128, 127, 125 et 124 présentés par le groupe CRC-SPG sont des amendements de repli : la commission, un président de groupe, deux groupes politiques peuvent s’opposer à la procédure ; la décision est prise à la majorité des trois cinquièmes de la conférence des présidents ; elle est abandonnée en cas d’amendements du Gouvernement ; une assemblée ne peut, seule, la mettre en œuvre, etc.

Nous avons déjà longuement débattu sur le fond. L’article 13 doit être considéré dans sa globalité. Chacune des deux assemblées travaille à l’élaboration et à l’adoption d’un règlement.

Les règlements des deux assemblées sont d'ailleurs très différents sur bien des sujets. Ainsi, le règlement du Sénat prévoit que le Gouvernement n’est pas présent en commission au moment du vote sur les amendements,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est très bien, d'ailleurs !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. …ce qui n’est pas le cas à l’Assemblée nationale. Les règlements des assemblées peuvent donc différer sur une question aussi essentielle, et le Conseil constitutionnel n’a jamais invalidé l’un ou l’autre du fait de cette différence.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Laissons les deux assemblées rédiger leur règlement, laissons les groupes de chaque assemblée se mettre d’accord sur sa rédaction ! Ainsi, me semble-t-il, on trouvera une meilleure solution que celle qui serait imposée dans la loi organique.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

M. le président. Monsieur Charasse, l'amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. J’ai bien écouté ce qu’ont dit le président-rapporteur et le secrétaire d’État.