Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Jean-Pierre Godefroy.

1. Procès-verbal

2. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

Article 31

M. Robert Badinter.

Adoption de l’article.

Articles additionnels après l’article 31

Amendement n° 244 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; MM. Louis Mermaz, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Fourcade, Pierre Fauchon, Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Robert Badinter. – Rejet.

Amendement n° 149 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Robert Badinter, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Amendement n° 246 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 32

Amendement n° 150 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l’article.

Article additionnel après l’article 32

Amendement n° 207 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean Desessard, le président de la commission. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 207 rectifié par M. Alain Anziani. – Rejet.

Article 33

Amendement n° 151 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre Fauchon, le président de la commission. – Rejet.

Amendement n° 247 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur. – Retrait.

M. le président.

Amendement n° 46 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 152 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani. – Retrait.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 33

Amendement n° 153 de M. Alain Anziani. – MM. le président, Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 34 A 

Amendements nos 248 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 154 de M. Alain Anziani. – Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait de l’amendement no 248 ; adoption de l’amendement no 154.

Adoption de l'article modifié.

Article 34. – Adoption

Article 35

Amendement n° 249 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 36. – Adoption

Articles additionnels après l'article 36

Amendements nos 250 à 252, 245 et 253 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Pierre Fauchon. – Rejet des cinq amendements.

Article 37

M. Alain Anziani.

Adoption de l'article.

Articles 38 à 41. – Adoption

Articles additionnels après l'article 41

Amendement n° 157 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 254 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Article 42. – Adoption

Article 43

Amendements identiques nos 158 rectifié de M. Alain Anziani et 255 rectifié de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 44

Amendement n° 256 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 257 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Pierre Fauchon. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 45. – Adoption

Article 46

Amendement n° 258 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 259 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 47

Amendement n° 47 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Retrait.

Amendements nos 260 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 48 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 162 rectifié et 161 rectifié bis de M. Alain Anziani. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jean Desessard, Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 261 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 262 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 263 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 48

Amendements nos  163 de M. Alain Anziani, 264, 279, 280 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 49 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – M. Alain Anziani, Mme Éliane Assassi, MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait des amendements nos 163 et 49 rectifié ; rejet des amendements nos 264, 279 et 280.

Amendements nos 166 de M. Alain Anziani et 265 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Alain Anziani, Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 48

Amendement n° 165 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 48 bis. – Adoption

Suspension et reprise de la séance

Article 49 A. – Adoption

Article 49

MM. Alain Anziani, Jean Desessard, Jean-Patrick Courtois, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. le président de la commission.

Amendements nos 266 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 171 de M. Alain Anziani. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

M. Pierre Fauchon.

Adoption de l'article.

Article 50

Amendements nos 267 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 172 de M. Alain Anziani. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 51

M. Jean Desessard.

Amendements nos 173, 174 de M. Alain Anziani, 50 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 296 de la commission, sous-amendements nos 297 rectifié, 299 de Mme Alima Boumediene-Thiery et sous-amendements identiques nos 298 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 301 de M. Alain Anziani et 302 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 51 rectifié et 52 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements identiques nos 175 de M. Alain Anziani et 268 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendement no 291 (priorité) du Gouvernement et sous-amendement no 294 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – MM. Alain Anziani, Jean Desessard, le rapporteur, Mmes Éliane Assassi, le garde des sceaux, M. Louis Mermaz, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre Fauchon, le président de la commission, Jean-Patrick Courtois, Hugues Portelli. – Retrait des sous-amendements nos 299, 294 et de l’amendement no 51 rectifié ; rejet des amendements nos 173 et 174 ; adoption de l’amendement no 50 rectifié et du sous-amendement no 297 rectifié ; adoption, après une demande de priorité, de l’amendement no 291, l’amendement no 296 modifié et les sous-amendements nos 298, 301 et 302 devenant sans objet ; adoption de l’amendement no 52 rectifié ; rejet des amendements nos 175 et 268.

Adoption de l'article modifié.

Article 52

Amendement no 269 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Articles additionnels avant l’article 53

Amendement n° 181 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 182 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 53

Amendement n° 178 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. – Rejet.

Amendements nos 179 de M. Alain Anziani, 270, 271 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 286 du Gouvernement. – M. Alain Anziani, Mmes Éliane Assassi, le garde des sceaux, MM. le rapporteur, Louis Mermaz, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Hugues Portelli. – Retrait de l’amendement no 179 ; rejet des amendements nos 270, 271 et 286.

Amendement n° 53 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 92 rectifié de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. – Adoption.

Amendement n° 180 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Division additionnelle après l'article 53

Amendement n° 184 de M. Alain Anziani. – M. Alain Anziani. – Retrait.

Article 53 bis

Amendement n° 285 du Gouvernement. – Mme le garde des sceaux, MM. le président de la commission, le rapporteur. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 53 bis

Amendement n° 183 rectifié de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. – Rejet.

Article 54. – Adoption

Article 55

Amendements nos 185 rectifié de M. Alain Anziani et 272 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Retrait des deux amendements.

Adoption de l'article.

Articles 56 et 57. – Adoption

Division et articles additionnels après l'article 57

Amendements nos 273 à 276 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des quatre amendements.

Article additionnel avant l'article 58 A

Amendement n° 277 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 58 A 

Amendement n° 1 de Mme Catherine Troendle. – Mme Catherine Troendle, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 58

Amendement n° 54 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 59

Amendements identiques nos 55 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 278 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendement no 186 rectifié de M. Richard Tuheiava. – M. Jean Desessard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des amendements nos 55 rectifié, 278 et 186 rectifié.

Adoption de l'article.

Vote sur l’ensemble

MM. le rapporteur, Alain Anziani, Robert del Picchia, Mmes Anne-Marie Payet, Anne-Marie Escoffier, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre Fauchon, Jean Desessard, le président de la commission.

Adoption du projet de loi.

Mme le garde des sceaux.

3. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

4. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

5. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Jean-Pierre Godefroy.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article additionnel après l'article 30 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 31

Loi pénitentiaire

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).

Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’examen du titre II.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU PRONONCÉ DES PEINES, AUX ALTERNATIVES À LA DÉTENTION PROVISOIRE, AUX AMÉNAGEMENTS DES PEINES PRIVATIVES DE LIBERTÉ ET À LA DÉTENTION

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant le code pénal

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l’article 31

Article 31

Le code pénal est modifié conformément aux dispositions du présent chapitre.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l'article.

M. Robert Badinter. Nous abordons maintenant l’aménagement des peines, domaine tout à fait différent de ceux que nous avons évoqués jusqu’à présent, même s’ils sont liés.

Nous ne sommes plus dans le droit pénitentiaire, dans le droit des détenus. D’ailleurs, j’aurais souhaité que l’on évoquât également le statut des personnels dans le projet de loi. Quoi qu’il en soit, nous voici à présent dans le domaine procédural de l’exécution des peines.

À cet égard, j’ai relevé avec un certain étonnement l’extraordinaire discrétion qui a pesé sur ce volet du projet de loi. Les services de communication de la Chancellerie, fort efficaces, nous avaient d’ordinaire habitués à moins de réserve.

Pourtant, les dispositions dont il s’agit marquent une véritable rupture avec la politique qui a été menée jusqu’à présent.

D’abord, ces dispositions visent à réduire le champ de la détention provisoire en étendant celui du placement sous surveillance électronique. Il n’est rien de plus naturel ni de très original ; toutes les avancées en ce domaine sont positives.

Mais le plus intéressant, ce sont les possibilités qui sont ouvertes à tous les niveaux aux magistrats pour leur permettre de substituer des aménagements de peine ou des mesures alternatives à l’emprisonnement.

À y regarder de près, ce qui exige du temps et de la patience, on constate que le plafond des peines visé par l’aménagement des peines est porté de un an à deux ans. Or 60 % des condamnés le sont à des courtes peines. Dorénavant, les magistrats auront la possibilité de prononcer dès le départ des aménagements de peine. C’est dire l’importance d’une telle ouverture.

J’irai au-delà. Il résultera des modalités de procédure que nous allons examiner et qui n’appellent pas de critiques en soi, grâce à l’excellent travail, comme toujours, de la Direction des affaires criminelles, que, dans le cadre même de l’exécution de la peine, les mesures alternatives ou d’aménagement de peines permettront des libérations. En d’autres termes, cela signifie que l’on donne aux magistrats une très grande extension des possibilités de libérations.

J’ai parlé de rupture parce qu’il suffit de considérer l’accroissement constant de l’incarcération depuis 2002, tempéré très récemment avec le placement sous surveillance électronique, pour mesurer le changement intervenu.

Comme je l’ai évoqué, la philosophie qui a sous-tendu l’action pénale de ces deux dernières années a été celle de la peine ferme, certaine et presque automatique s’agissant des peines planchers.

À présent, nous retrouvons l’inverse, c'est-à-dire des dispositions auxquelles, pour ma part, je n’ai jamais cessé de croire : l’individualisation, la personnalisation et les possibilités d’aménagement des peines.

Selon le dernier document réalisé par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, le taux d’aménagement des peines n’est aujourd'hui que de 20 %.

Voilà donc des dispositions qui apporteront des changements, en ce sens qu’elles donnent aux magistrats les moyens de pallier la surpopulation pénale. En définitive, c’est la véritable raison. Comme on ne peut recourir ni aux grâces collectives ni à une loi d’amnistie, la seule possibilité de vider le « tonneau carcéral », qui est actuellement trop plein, est de s’y prendre à la petite cuillère ! C’est la seule issue, car bien d’autres problèmes que nous avons hélas trop connus par le passé pouvaient s’ajouter aux inconvénients humains majeurs de la surpopulation pénale !

Par conséquent, nous soutiendrons et voterons ces dispositions intéressantes. Par rapport à la politique et à la philosophie pénales qui ont marqué les deux dernières années, de telles mesures constituent un changement si radical que l’on ne peut que s’en étonner et, en même temps, en tirer tout le parti nécessaire.

En son temps, le grand Saint-Just déclarait : « La force des choses nous conduit peut-être à des résultats que nous n’avons pas pensés. »

Pour ma part, je constate avec satisfaction que le cours des événements redonne enfin à la démarche judiciaire en matière pénale toutes les capacités d’aménagement des peines que nous souhaitons Car, croyez-moi, sans aménagement des peines, nous ne pourrons avoir, en matière de récidive, que des lendemains qui déchantent !

M. le président. Je mets aux voix l'article 31.

(L'article 31 est adopté.)

Article 31
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 32

Articles additionnels après l’article 31

M. le président. L'amendement n° 244, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après les mots : « demeure punissable ; », la fin du deuxième alinéa de l'article 122-1 est ainsi rédigée : « toutefois, l'altération du discernement ou l'entrave au contrôle des actes entraîne l'atténuation systématique de la peine et un régime de sanction privilégiant l'orientation vers le circuit sanitaire plutôt que l'emprisonnement. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ma part, je constate également une évolution, même si j’ignore s’il s’agit d’un changement de cap ou peut-être d’une conséquence de la pression des réalités.

Quoi qu’il en soit, si tout le monde s’y met, ce texte nous permettra sans doute d’avancer et de nous attaquer aux causes de l’actuelle surpopulation carcérale.

Cela suppose de faire preuve de cohérence et de traiter l’ensemble des questions. Je pense notamment au nombre d’entrées en prison, aux courtes peines, à la durée de l’incarcération, aux sorties et aux aménagements de peines, qui viennent d’être excellemment évoqués par M. Robert Badinter.

Il faut également parler des malades. Comme il s’agit d’un champ immense, je m’en tiendrai aux seules pathologies mentales. Je sais que nous avons déjà abordé ce sujet, mais c’est seulement, me semble-t-il, à force d’en discuter que nous pourrons véritablement avancer.

Nous le savons, par une savante combinaison des problèmes psychiatriques et de l’aggravation des sanctions pénales, des personnes relevant de la psychiatrie sont actuellement incarcérées dans nos établissements pénitentiaires.

Par conséquent, nous devons, certes, envisager une évolution des dispositions pénales et agir sur la santé, mais commençons d’abord par décider que des personnes atteintes de pathologies mentales, surtout si elles sont graves, ne peuvent pas rester en milieu carcéral.

Je vous le rappelle, dans son avis sur le présent projet de loi pénitentiaire, la CNCDH recommande de prendre « toutes les mesures nécessaires afin qu’une procédure d’aménagement de peine adaptée soit organisée à l’égard de la population carcérale devant avoir accès à des soins psychiatriques ».

Je suis bien consciente qu’il y a un problème d’accueil dans les établissements psychiatriques. Mais c’est l’éternelle histoire de l’œuf et de la poule !

Pour ma part, je pense que nous devons prendre des décisions en ce sens et nous obliger à trouver des solutions dans le domaine sanitaire pour mettre fin à un tel scandale.

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur le fond, je rejoins totalement les propos de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

D’ailleurs, lors de la discussion générale, je m’étais moi-même exprimé en ce sens. Oui, je pense que le législateur a eu tort de distinguer l’abolition et l’altération du discernement lors de la réforme du code pénal ! Oui, je trouve scandaleux qu’en l’état actuel des choses l’altération du discernement – normalement, cela devrait être une circonstance atténuante –, conduise au contraire au prolongement des peines ! Mais je ne pense pas que nous puissions régler ce problème au détour d’un simple amendement dans le projet de loi pénitentiaire.

La commission des lois a créé un groupe de travail sur ce sujet extrêmement important et délicat. Notre collègue Jean-Pierre Michel et moi-même en sommes les rapporteurs.

Je demande que nous nous donnions le temps de la réflexion, d’autant que tout projet de réforme du code pénal suppose de s’interroger également sur les modalités de prise en charge psychiatrique des personnes atteintes de troubles mentaux.

On n’échappera pas, je le dis et je le répète, à la nécessité d’un texte justice-santé-intérieur, et le plus tôt sera le mieux. Je crois que l’idéal serait que ce groupe de travail s’élargisse à la commission des affaires sociales et que nous puissions avoir ensemble une initiative parlementaire d’envergure pour un texte prochain.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président Badinter, je rejoins vos observations, à quelques remarques près. C’est la première fois, c’est vrai, que nous avons une politique ambitieuse d’aménagement de peines. C’est la première fois aussi que nous avons une politique ambitieuse en termes de soins en prison.

Quel que soit d’ailleurs le gouvernement, vous savez que nous avons toujours rencontré des difficultés pour faire travailler ensemble la justice et la santé sur le terrain. Cette situation s’explique par des problèmes culturels, mais aussi par des problèmes d’adaptation et de connaissance de l’un et de l’autre métier.

C’est notamment le problème des établissements pénitentiaires pour mineurs, que nous avons évoqué hier. Les premières difficultés que nous avons rencontrées dans la mise en œuvre de ces établissements, c’est de pouvoir faire travailler ensemble des acteurs avec des cultures professionnelles différentes.

Par exemple, le fait de faire travailler des enseignants, des médecins et des psychologues avec l’administration pénitentiaire a été, je le reconnais, très compliqué au départ. Aujourd’hui, cela va beaucoup mieux. Néanmoins c’est important. C’est pour cela qu’hier je me suis vraiment battu pour que l’on ne puisse pas empêcher la pluridisciplinarité dans les établissements pénitentiaires.

C’est également ainsi qu’on lutte contre la récidive. Le taux d’aménagement des peines n’a jamais été aussi élevé que ces deux dernières années. Comme vous le savez, nous souhaitons qu’il n’y ait plus de grâces collectives. Elles n’ont pas de sens, et n’ont jamais eu d’effets positifs sur les personnes détenues. Il n’y a plus de caractère automatique de la réduction de peine, qui était un outil de régulation pénale, et de loi d’amnistie. Ainsi, en un an, entre 2007 et 2008, le nombre des aménagements de peines a triplé.

Vous dites qu’il y a une contradiction dans la politique pénale. Non, il y a complémentarité. Moi, j’assume complètement la fermeté de la politique pénale. Il faut plus de fermeté à l’égard des délinquants. S’ils ne sont pas poursuivis, s’ils ne sont pas sanctionnés, et si la peine n’est pas exécutée, c’est l’impunité. Nous sommes dans un État de droit ; je suis pour que la justice soit la même pour tout le monde et qu’il n’y ait pas de l’impunité. S’il y a de l’impunité, cela devient la loi du plus fort, l’arbitraire. Je suis totalement opposée à un tel système.

Vous affirmez que la peine ferme devient la règle et qu’elle devient automatique. Monsieur le président Badinter, vous avez été président du Conseil constitutionnel ; la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a été validée par le Conseil constitutionnel. Tous les principes constitutionnels ont été respectés dans ce texte. Non seulement la notion d’individualisation des peines, mais également le pouvoir d’appréciation des magistrats ont été préservés.

Les décisions de justice condamnant des délinquants, en particulier des délinquants récidivistes à des peines fermes, sont rendues par des magistrats indépendants. Les instructions de fermeté de politique pénale aux procureurs, je les assume, puisqu’elles font partie de mes prérogatives. Mais la décision ne revient pas au procureur, elle revient au juge. Le juge prononce des peines d’emprisonnement ferme en toute indépendance et en respectant le code pénal, en vertu duquel elles sont l’ultime sanction. Lorsque le juge prononce une telle peine, cela signifie que tout ce qui devait être fait avant a été fait.

J’assume donc totalement cette fermeté. Mais, pour lutter contre la récidive de manière ultime, il faut pouvoir réinsérer les personnes détenues, ce qui passe par l’aménagement des peines.

Voici quelques chiffres sur le taux d’aménagement des peines : il y a près de 7000 condamnés qui bénéficient d’un aménagement de peine, soit près de 13% de l’ensemble des condamnés. Il y a eu, depuis mai 2007 à ce jour, une augmentation des aménagements de peines de plus de 35%.

Vous avez raison, monsieur le président Badinter, cette hausse a été rendue possible notamment grâce au bracelet électronique, qui est une forme moderne de la privation de liberté. C’est donc pour cette raison que nous avons souhaité cette grande loi de modernisation du service pénitentiaire.

Pour les placements sous surveillance électronique, nous avons plus de 40% d’augmentation en un an. Les grandes lignes du projet de loi, c’est vraiment d’assumer la fermeté de la politique pénale, mais également de tout faire pour réinsérer les personnes détenues.

Vous ne pouvez pas nier que c’est notre gouvernement qui a souhaité cette grande loi pénitentiaire. Elle était attendue depuis très longtemps, puisque la dernière date de 1987. Vous ne pouvez pas nier qu’il a tout mis en œuvre pour lutter contre la récidive, non seulement par la fermeté de la politique pénale, mais également par la réinsertion des personnes détenues.

À propos de l’amendement n° 244, je reprendrai les arguments qui ont été évoqués par le rapporteur. Comme l’indique l’article 122-1 du code pénal, l’altération des facultés mentales d’une personne ne constitue pas une cause d’irresponsabilité pénale, mais elle doit être prise en compte pour le choix de la peine. Dès lors qu’il y a altération, il n’y a plus de responsabilité. La peine quand elle est prononcée s’accompagne souvent d’une obligation de soins.

Il n’est pas précisé dans cet article, qui a été adopté à l’unanimité lors de la réforme du code pénal en 1992, qu’une altération donne systématiquement lieu à une atténuation de la peine. C’est le principe même d’individualisation de la peine. On en tient compte dans le prononcé de la peine, mais cela n’est pas automatique.

Pour cette raison, l’objet de votre amendement ne correspond pas à l’esprit du texte et encore moins celui du code pénal. Le Gouvernement y est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Nous sommes frappés, chaque fois que nous visitons des prisons, de rencontrer des infirmières circulant avec une corbeille de médicaments. Aujourd’hui, pour les malades mentaux, la camisole chimique a remplacé la camisole de force. C’est dire l’état de déshérence de cette catégorie de personnes emprisonnées.

À un moment où le Président de la République évoque l’idée qu’il puisse demeurer une responsabilité pénale et des poursuites judiciaires classiques pour des personnes atteintes de maladie mentale, je pense que l’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et du groupe CRC-SPG a toute son importance. Nous le voterons donc.

Je ferai remarquer à Mme la garde des sceaux que les aménagements de peines sont bien sûr une bonne chose pour lutter contre la surpopulation carcérale. Mais il ne faut pas qu’ils aboutissent à une augmentation du nombre des personnes incarcérées.

Or la surpopulation carcérale a pour causes les comparutions immédiates, une justice « à la hache » faute de moyens pour la défense, l’encombrement des tribunaux, les nombreux prononcés de courtes peines. En d’autres termes, tous ceux qui sont condamnés à des peines d’emprisonnement de quelques semaines sont confrontés à un système carcéral dont on ne cesse de dénoncer les graves conséquences.

C’est bien de libérer les détenus plus tôt par des aménagements de leur peine. Mais, si cela a pour conséquence d’arrêter et d’emprisonner davantage de gens, qui seront confrontés à ce système, nous allons aggraver la situation sociale dans notre pays. Je crois donc que l’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat trouve ici toute sa place.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans le droit-fil des propos de Louis Mermaz, je dirai que la multiplication des peines de courte durée, la loi relative à la rétention de sûreté, les peines planchers, la comparution immédiate, ainsi que d’autres dispositifs dessinent la politique pénale qui est mise en œuvre par votre gouvernement, madame la ministre. Une telle politique pénale conduit au surpeuplement des prisons.

Nous avons toujours prôné une politique d’aménagement des peines pour réduire le nombre de personnes en détention et permettre ainsi au personnel pénitentiaire, ainsi qu’aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, d’assumer leur tâche dans les meilleures conditions possible.

Nous avons le sentiment, madame la ministre, qu’il y a dans votre propos un collage entre deux politiques.

L’une consiste à parier sur l’incarcération et aboutit au surpeuplement des prisons, ce qui rend très difficile le travail de réinsertion.

L’autre est de préparer la sortie de prison, pour que l’être humain qui est incarcéré puisse après avoir une vie normale et ne pas être amené à récidiver. Nous avons le sentiment que ces deux politiques sont l’une à côté de l’autre. Il y a là un problème.

Nous nous réjouissons néanmoins, monsieur Fauchon, de ce que vous apportiez aujourd’hui un volet très important sur l’aménagement des peines, et nous espérons que celui-ci l’emportera sur le premier volet. Mais nous constatons cette contradiction.

Enfin, l’autre soir, j’ai dénoncé l’urgence de convenance ou de confort. Personne n’a compris pourquoi l’accélération, sur un tel texte, a été imposée avec tant d’obstination. Il s’agit vraiment d’un texte sur lequel il y a lieu de travailler au fond, par le moyen des navettes.

En cet instant, je déplore que nous assistions à une demande de scrutin public de convenance ou de confort. Certains de nos collègues n’ont pas répondu à l’appel de la permanence qui, lorsqu’elle fonctionne, permet au groupe UMP d’exercer sa majorité relative. Je vois que M. Jean-Pierre Fourcade n’est pas content. C’est pourtant la vérité. Il arrive, mon cher collègue, que la situation soit inverse.

M. Pierre Fauchon. Avançons, avançons !

M. Jean-Pierre Sueur. Ne vous fâchez pas, monsieur Fauchon ! Moi, je reste calme. Je regrette cette attitude de convenance. C’est mon opinion, et nous sommes là pour nous exprimer.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il faut avancer !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. L’amendement présenté par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat nous paraît discutable et mauvais, parce qu’il prévoit une atténuation systématique de la peine. À partir du moment où l’on s’engage, comme l’a dit le président Badinter, dans une amélioration du système d’atténuation des peines, toute systématisation, même pour des motifs médicaux, me paraît mauvaise.

Par ailleurs, je ne peux pas laisser dire à mon ami Jean-Pierre Sueur, avec qui j’entretiens les meilleures relations, que nous sommes là par appel de permanence. Nous sommes là pour discuter d’un texte important.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’en doute pas !

M. Jean-Pierre Fourcade. Vous êtes cinq, nous sommes sept en comptant les rapporteurs. L’important, c’est d’essayer de faire une loi pénitentiaire qui soit correcte. Je ne peux pas laisser dire à Jean-Pierre Sueur que, sur le fond, le fait d’augmenter les comparutions immédiates remplit les prisons. Vous avez été maire, mon cher collègue, je l’ai été aussi pendant très longtemps. La comparution immédiate est un moyen essentiel de lutte contre un certain type de délinquance urbaine.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Sur le plan pédagogique même, c’est très important !

M. Jean-Pierre Fourcade. Se priver de ce système de comparution immédiate serait une erreur, qui développerait la délinquance urbaine dans nos grandes agglomérations. Par conséquent, le texte de la commission va dans le bon sens. L’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat apporte une systématisation qui nous paraît mauvaise. C’est la raison pour laquelle nous nous y opposons.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. J’ai été provoqué par M. Sueur qui, dans une intervention, dont nous avons pu apprécier tout à la fois l’intérêt et la longueur, a mis en évidence ce qu’il appelle une contradiction entre deux démarches, laquelle n’existe pas pour moi. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

La première démarche consiste à prendre au sérieux les problèmes de la sécurité, à répondre à une montée de la délinquance, ce que vous omettez constamment de prendre en compte dans vos propos et vos réflexions, mais qui est réelle, dans les rues des villes, dans les campagnes, partout !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne cesse de nous dire qu’on fait tout pour réduire la délinquance, et elle monte !

M. Pierre Fauchon. C’est un phénomène de notre temps, revêtant des formes nouvelles très surprenantes, auxquelles nos systèmes ont beaucoup de mal à s’adapter.

La seconde démarche est liée à la prise de conscience que nous avons de la nécessité de mieux gérer nos prisons et, comme Robert Badinter l’a rappelé très justement tout à l'heure, d’ériger la dignité humaine en une exigence qui conduit à prendre un certain nombre de mesures, voire à réviser tout notre système pénitentiaire.

Ces deux démarches ne sont pas contradictoires, mon cher collègue. Elles correspondent l’une et l’autre à deux aspects de notre responsabilité et, pour ma part, je félicite le Gouvernement de les assumer toutes les deux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. S’agissant de l’amendement n° 244, nous partageons le souci de ses auteurs de dénonciation des situations contestables, voire parfois révoltantes. Nous avons tous le sentiment qu’il faut agir.

Notre rapporteur, Jean-René Lecerf, puis le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, ont clairement dit que la commission des lois s’était engagée dans ce sens et souhaitait s’associer à d’autres commissions pour travailler sur ces sujets. C’est une bonne chose.

Jean-René Lecerf a également dénoncé, à juste titre, l’aggravation des peines qu’entraînait très souvent la perte du discernement, ce qui est paradoxal.

Il serait tout aussi paradoxal d’atténuer la peine. En cas d’altération du discernement, le problème n’est ni l’aggravation ni l’atténuation de la peine, mais bien la peine elle-même, puisqu’elle n’a plus de sens pour la personne à laquelle elle est appliquée. Dans ce cas, il n’y a plus de sanction ni de possibilité de réinsertion.

Par conséquent, ce n’est manifestement pas dans les établissements pénitentiaires qu’il faut envoyer les personnes concernées. Nous devons réfléchir à un parcours de prise en charge et d’encadrement des soins, permettant de protéger l’individu, mais aussi la société, et je partage à cet égard les propos tenus par M. Fauchon.

Les progrès faits à l’heure actuelle par les neurosciences vont démontrer, notamment, les limites du discernement, de la liberté de décision. Vous l’observerez, – personnellement j’ai passé l’âge où je pourrai les voir – les cinquante prochaines années seront fabuleuses sur le plan des découvertes dans le domaine des neurosciences.

Bizarrement, nous avons vécu la séparation de la psychiatrie et de la neurologie. Les neurosciences rapprochent à nouveau la neurologie de la psychiatrie et nous allons enfin comprendre mieux ce qui se passe.

J’ai assisté à des interventions extraordinaires où l’on observait qu’une électrode placée à un niveau un tout petit peu trop bas dans le cerveau provoquait une dépression brutale de la personne, qui se mettait à pleurer et souhaitait mourir, et qu’il suffisait de relever l’électrode d’un rien pour que soudain la vie redevienne belle à ses yeux.

On le voit, le cerveau humain est un ensemble extrêmement fragile et il nous faut donc aborder ce domaine avec prudence.

Nous nous devons donc d’approfondir notre réflexion sur un nouveau mode de prise en charge et d’encadrement, un nouveau système de soins apportés à ces personnes particulièrement fragiles souffrant d’une altération du discernement, tout en assurant cependant leur mise à l’écart tant qu’elles sont dangereuses afin de protéger l’ensemble de la société.

Je préférerais, pour ma part, que cet amendement soit retiré, parce qu’il ne répond pas correctement à la question, même s’il dénonce une situation contestable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je ferai deux observations préliminaires, puis une remarque plus importante qui me paraît au cœur du sujet.

D’abord, madame la garde des sceaux, je dirai non à l’impunité, non à la prison, sauf lorsque l’on ne peut faire autrement, ce que nous venons aujourd’hui de voter après tant de règles pénitentiaires.

Je n’ai jamais cru en l’impunité. Mais je connais trop les effets dévastateurs de la prison pour ne pas me réjouir que nous en arrivions enfin à ces possibilités redonnées aux magistrats, ou accrues, d’aménagement de la peine.

Ensuite, madame la garde des sceaux, vous avez évoqué les décisions du Conseil constitutionnel. Lorsque j’avais le privilège de présider cette juridiction, pour me convaincre moi-même que je n’étais plus législateur, j’avais mis sur mon bureau le motto suivant : « Une loi inconstitutionnelle est nécessairement mauvaise ; une mauvaise loi n’est pas nécessairement inconstitutionnelle. » (Sourires.)

J’en viens au problème clé qui nous occupe à présent.

En l’espace de vingt-cinq ans, c'est-à-dire depuis j’ai quitté la Chancellerie, le pourcentage de personnes atteintes de troubles psychiatriques dans les prisons françaises est passé de 7 % à 8 % environ à plus de 25 % aujourd'hui.

Nous savons tous que les jurés, parce qu’ils pensent non pas à l’acte ou à la personne, mais à sa dangerosité éventuelle, punissent de peines plus sévères lorsqu’ils ont affaire à une personne dont la responsabilité est atténuée.

C’est là non pas un paradoxe, mais l’effet de la crainte. À l’évidence, il sera très difficile de trouver un remède à ce phénomène.

Pour ma part, je suis convaincu que c’est seulement par une réflexion et une action conjointes des gens de justice, d’une part, et de ceux qui ont en charge les problèmes de troubles mentaux, d’autre part, que nous pourrons trouver des solutions.

En tout cas, la situation ne peut pas perdurer. La question de la pathologie mentale et de la peine est aujourd’hui prioritaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 244.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 149, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 132-19-1 du code pénal est abrogé.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je me félicite, mes chers collègues, que M. Badinter soit souvent cité dans cet hémicycle, mais vous devriez vous en inspirer davantage. Je pense, notamment, aux propos qu’il avait tenus, le 5 juillet 2007, lors des débats sur les peines planchers, à l’occasion desquels il avait qualifié le texte comme étant « inutile, implicitement vexant pour la magistrature et, plus grave encore, potentiellement dangereux. » Permettez-moi de commenter chacun de ces trois qualificatifs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est hors sujet !

M. Alain Anziani. D’abord, ce texte est inutile. L’intérêt d’une loi étant d’être efficace, les peines planchers ont-elles un effet dissuasif ? Aujourd’hui, rien ne l’établit et tout laisse penser le contraire.

Dans le Nord, un homme, récidiviste il est vrai, est poursuivi pour vol de figurines de bande dessinée et risque d’être condamné à une peine plancher pour de telles babioles. On peut se demander si ces dispositions semi-automatiques ne sont pas ubuesques.

Ensuite, le texte est implicitement vexant pour la magistrature. Avons-nous si peu confiance en nos magistrats pour les encadrer si fortement ?

Au surplus, comment ne pas noter le paradoxe suivant ? Jusqu’à présent, le magistrat devait justifier sa décision d’envoyer une personne en prison. Aujourd’hui, il doit justifier la raison pour laquelle il ne le fait pas. C’est là sans doute une décision contraire à nos principes.

Enfin, le texte est potentiellement dangereux. La forte augmentation de la population carcérale s’accompagne de la dégradation des conditions de détention dans les prisons. Nous sommes au cœur de l’esprit du texte.

Si nous voulons une grande loi pénitentiaire, il nous faut aussi nous attaquer aux causes de cette dégradation.

Quelle contradiction entre les peines planchers et le bel article 32, en vertu duquel l’emprisonnement doit être prononcé en dernier recours.

C’est un beau principe, mais il est mis à rude épreuve avec les peines planchers, qui sont quasi automatiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Une politique pénale doit faire place à la fois à la sécurité et au respect de la dignité.

Un certain nombre de textes vont dans ce sens, notamment la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la loi relative à la rétention de sûreté et la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté, ainsi que le présent projet de loi pénitentiaire.

Je ne vois pas personnellement de contradiction entre l’article 132-9-1 du code pénal, qui instaure des peines planchers pour les délits commis en état de récidive légale et le texte proposé par la commission pour l’article 132-24 du même code, qui pose le principe selon lequel une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

Je rappelle que l’article 132-19-1 du code pénal ne fait nullement obligation à la juridiction de jugement de prononcer une peine d’emprisonnement ferme, même pour les délits les plus graves, comme les violences volontaires, les délits commis avec la circonstance aggravante de violence, les agressions ou atteintes sexuelles, les délits punis de dix ans d’emprisonnement. Elle peut prononcer une peine d’emprisonnement avec sursis. Il n’y a donc là aucune contradiction.

Il serait temps, me semble-t-il, de se remettre à l’examen du présent projet de loi pénitentiaire et d’abandonner la discussion concernant des textes qui ont été adoptés dans le passé.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il n’y a pas aucune contradiction entre la sanction et la prévention.

Monsieur Anziani, nous avons réalisé de vraies avancées s’agissant notamment des droits des détenus, de la création du contrôleur général des lieux de privation de liberté, bien au-delà du simple contrôleur général des prisons, mais aussi des aménagements de peines qui ont atteint un taux record.

Vous auriez pu le faire avant, mais cela n’a pas été le cas. Nous, nous le faisons. Certes, le projet de loi pénitentiaire que nous proposons n’est pas parfait et ne résout pas tout. Mais ce gouvernement est en place depuis à peine deux ans et il a pris ces mesures qui sont attendues depuis vingt ans.

J’ai parfois le sentiment que nous ne vivons pas dans le même monde et que nous ne sommes pas confrontés aux mêmes réalités.

Les peines planchers ne s’appliquent pas à une personne qui vole des babioles. Elles sont prononcées pour des délits graves, à l’encontre de récidivistes.

Cessons donc de faire de l’angélisme, sous peine de faire exploser la délinquance, comme cela a été le cas entre 1997 et 2002 ! Je veux bien mettre un terme aux polémiques, mais il faut garder à l’esprit la réalité. Ainsi, des peines planchers ont été prononcées après 23 000 condamnations en récidive par des juges indépendants.

M. Jean-Pierre Sueur. Ils appliquent la loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Certes, ils appliquent la loi, mais avec un pouvoir d’appréciation en toute indépendance.

Voulons-nous remettre en cause l’indépendance des magistrats qui prononcent ces peines ?

Je suis très sensible à ces sujets. Les peines planchers sont prononcées, dans près de 70 % des cas, pour les violences sur conjoint, sexuelles ou autres.

Si ces peines planchers permettent d’écarter de la société, pendant un temps, pour mieux les réinsérer et pour éviter la récidive, ce type de délinquant, je suis fière d’avoir fait adopter la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs

Il convient de tenir compte de la réalité. Il ne faut pas tomber dans la caricature ni faire preuve de manichéisme. Ce texte sur les peines planchers protège les femmes.

Vous avez mis en cause, monsieur le sénateur, le principe de la comparution immédiate. Pour les violences conjugales, ce type de comparution est la procédure la plus adaptée : le conjoint violent est interpellé immédiatement, sorti du domicile et déféré aussitôt devant le tribunal.

Les violences faites aux femmes m’ont toujours scandalisée, et elles continueront de m’indigner. Si les peines planchers permettent d’éviter ces comportements, j’en suis fortement satisfaite.

C’est la raison pour laquelle je ne peux être favorable à l’abrogation de l’article relatif aux peines planchers. (Mme Catherine Procaccia applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Loin de moi, en cet instant, l’idée de reprendre la discussion sur les peines planchers. Elles sont votées.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Depuis 2000 !

M. Robert Badinter. Vous savez ce que j’en pense ; beaucoup s’en plaignent, je ne suis pas le seul.

À l’occasion de l’aménagement des peines, il est remarquable de constater que même les récidivistes pourront en bénéficier, ce qui n’est pas exactement l’esprit de la loi qui a été adoptée. Mais là n’est pas la question.

Je ferai deux observations.

Premièrement, le discours « avant moi, rien ; grâce à moi, tout » ne correspond pas à la réalité. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, madame la garde des sceaux, est une obligation internationale que nous aurions dû concrétiser depuis très longtemps.

Deuxièmement, dois-je vous rappeler qu’avant vous c’était la même majorité qui était au gouvernement ? D’ailleurs, l’actuel Président de la République a joué un rôle considérable dans un gouvernement antérieur en matière de sécurité et de justice.

Or, de 2002 à 2007, s’est-on jamais soucié d’un projet de loi pénitentiaire ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et avant ?

M. Robert Badinter. Qu’avant on ne l’ait pas fait, je le regrette. Mais vous passez sous grand silence l’absence de loi pénitentiaire durant les cinq années écoulées !

Après les si nombreuses incitations, critiques, rapports européens, il aura tout de même fallu attendre 2007-2008 pour que soit prise en compte cette nécessité au regard des obligations européennes.

Nous attendons depuis dix ans. Quel que soit le gouvernement, il est bien tard ! Il est heureux que nous en débattions enfin, mais ne nous dites pas que nous aurions été négligents et vous admirables. Car, dans notre pays, la loi pénitentiaire, on s’y est traîné !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nos débats ont été très intéressants, particulièrement celui que nous avons eu sur les problèmes des malades mentaux en prison. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, nous devons finir aujourd'hui l’examen de ce texte. Personne ne souhaite que la séance se prolonge trop tard.

Je n’aime pas trop que l’on se rejette mutuellement la responsabilité d’avoir bien ou mal fait. Cette responsabilité, dans le passé, est partagée. Certains avaient de très bonnes idées, qu’ils n’ont pas mises en œuvre. D’autres avaient des idées différentes, et ils les mettent en œuvre. Il fallait une loi de rénovation des prisons et y mettre d’importants moyens. Qui l’a fait ?

La proposition de loi sur le contrôleur général des prisons en 2001, monsieur Badinter, vous vous en souvenez fort bien. Puis la loi pénitentiaire, que nous espérions sous le gouvernement Jospin, nous ne l’avons pas eu, pour moult raisons. Nous examinons ce texte maintenant : réjouissons-nous en et avançons !

Vous avez salué l’importance de cette loi, monsieur Badinter. Concentrons-nous sur les sujets qui restent à examiner dans ce texte !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon intervention s’inscrit dans le droit-fil de ce que vient de dire M. Jean-Jacques Hyest.

Madame la ministre, si nous arrêtions les simplismes, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Montrez l’exemple !

M. Jean-Pierre Sueur. … nous pourrions débattre plus rapidement du sujet.

Personnellement, je suis pour la répression de la criminalité et de la délinquance. Je suis également horrifié par les violences faites aux femmes.

Cela étant, madame la ministre, vous ne pouvez pas dans le même temps dire que tout est formidable, que la criminalité diminue, que la sécurité augmente depuis que vous êtes au pouvoir, et affirmer que l’insécurité est telle qu’il faut adopter les mesures que vous nous proposez !

Par ailleurs, je souligne que l’ensemble des dispositions que vous avez prises depuis deux ans ont pour effet d’accroître la surpopulation carcérale. C’est un fait, et nous n’allons pas revenir sur les quatre textes de loi dont nous avons débattu au Sénat.

Nous ne sommes pas laxistes, nous ne le serons jamais, et nous ne voulons pas l’être. Mais, dès lors que les prisons sont surpeuplées en raison de la politique pénale qui est menée, comment mettre en œuvre l’éducation, la réinsertion, l’éducation et la lutte contre la récidive ? Les personnels pénitentiaires m’ont dit la semaine dernière à quel point les séjours en prison se traduisaient souvent par la récidive.

Il doit donc y avoir moins de monde en prison, plus d’aménagement de peines et il faut mener une autre politique pénale. L’opposition simpliste entre ceux qui seraient pour ou contre la répression n’est pas opportune.

Nous sommes pour la répression, l’éducation et la réinsertion !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes tous d’accord sur ce point !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes, mais il est important de le dire afin que l’on n’y revienne plus et que l’on puisse avancer !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens l’amendement de M. Anziani.

Je pourrais prendre à contre-pied M. About : tout ce qui est automatique est dangereux. Sauf qu’en matière d’enfermement, je suis contre l’incarcération automatique des malades mentaux.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je n’ai pas dit cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’y a pas de symétrie exacte, mais je suis résolument opposée à l’emprisonnement automatique.

J’ai dit d’emblée, lors de mon intervention liminaire, que la gauche n’avait pas eu le courage de proposer une loi pénitentiaire. Ma position est claire et je la maintiens.

Seulement, j’en ai assez que vous nous accusiez d’angélisme ! Depuis huit ans, l’aggravation de la politique pénale qui est menée s’accompagne d’une augmentation de la délinquance. Il n’est question que de cela à la une des journaux !

Il faut sanctionner. Pourtant la délinquance violente augmente. Chacun devrait donc se demander si l’emprisonnement règle les problèmes de violence que connaît notre société. Ce n’est pas le lieu de nous poser des questions sociétales, mais je souligne cet état de fait dans l’espoir de susciter une réaction autre que des accusations d’angélisme !

Aux États-Unis, 3 millions de personnes sont emprisonnées, avec des peines automatiques, des peines planchers, des cumuls de peines. Pourtant, la société américaine est de plus en plus violente, malgré des précautions maximales en termes de sécurité ; la police est même présente dans établissements scolaires !

Puisque nous traversons une période de grâce au cours de laquelle nous réfléchissons, nous devrions en profiter pour méditer ces chiffres afin de traiter au mieux le problème de la délinquance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 246, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 31, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 434-41 est abrogé.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 131-9 du code pénal prévoit que l’emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement avec une des peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6 du code pénal, ni avec la peine de travail d’intérêt général, le TIG.

L’article 434-41 du code pénal prévoit, quant à lui, qu’est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende la violation, par le condamné, des obligations ou interdictions résultant de divers types de peines, parmi lesquelles l’obligation d’accomplir un stage. Il crée donc un délit d’inexécution du TIG.

En conséquence de ces deux articles, la personne qui n’effectuera pas le TIG prononcé par le juge devra effectuer sa peine principale et s’acquitter d’une peine d’amende ou d’emprisonnement.

Il paraît donc logique d’abroger l’article 434-31 pour éviter la double peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous sommes très attachés au travail d’intérêt général.

Par voie d’amendement, la commission a d’ailleurs proposé d’inciter davantage les communes, les collectivités territoriales, les personnes privées chargées de la gestion d’un service public, de proposer des travaux d’intérêt général.

Si l’on suit l’amendement de notre collègue Catherine Troendle, les petites et moyennes communes rurales ne seront pas oubliées non plus.

Le travail d’intérêt général constitue une peine de substitution à l’emprisonnement. Il est donc légitime de prévoir que son inexécution constitue un délit, au même titre que l’évasion.

L’article 434-41 du code pénal érige, d’ailleurs, en délit la violation des obligations résultant d’autres peines de substitution, notamment des obligations et interdictions résultant des peines de suspension et d’annulation du permis de conduire.

La commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’abonde dans le sens de M. le rapporteur.

Le travail d’intérêt général est une peine de substitution à l’emprisonnement. Cependant, on demande l’accord de la personne avant de la condamner à une peine de travail d’intérêt général. La personne condamnée croit souvent échapper à la prison en acceptant le TIG et en ne remplissant pas ses obligations après !

On ne peut pas non plus tout avoir. La non-exécution de la peine de TIG doit être sanctionnée, d’autant que l’accord de la personne condamnée intervient avant le prononcé de la peine.

Il est donc important de maintenir le délit d’inexécution.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 1

Des aménagements de peines

Articles additionnels après l’article 31
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel après l’article 32

Article 32

L'article 132-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28. »

M. le président. L'amendement n° 150, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

La peine d'emprisonnement doit être spécialement motivée.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Pour nous, l’article 32 est un très bon article puisqu’il pose le principe maintes fois réaffirmé par les règles pénitentiaires européennes de l’emprisonnement comme dernier recours.

Néanmoins, nous devons aller jusqu’au bout du raisonnement. Je m’adresse à notre rapporteur, qui a beaucoup travaillé sur cette question.

Aller au bout du raisonnement revient à dire que, si l’on prévoit des dérogations à ce principe, posé par la loi, selon lequel l’emprisonnement doit être une peine de dernier recours, les décisions prises au titre de ces dérogations doivent être spécialement motivées. Tel est donc l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que cet amendement est largement satisfait par le droit en vigueur puisque, en application de l’article 132-19 du code pénal, « en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d’emprisonnement sans sursis qu’après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ».

Il est vrai que, depuis la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la juridiction est dispensée de cette obligation de motivation spéciale lorsque la personne prévenue est en état de récidive légale ; mais c’est la seule exception.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La peine d’emprisonnement est prononcée en ultime recours, ce que le code pénal et le code de procédure pénale prévoient déjà. De la même manière, les condamnations à des peines correctionnelles doivent être motivées, comme toutes les décisions de justice d’une manière générale. L’adoption de cet amendement serait donc inutile.

M. le président. Monsieur Anziani, l’amendement n° 150 est-il maintenu ?

M. Alain Anziani. Oui, monsieur le président.

Je souhaite cependant apporter une précision : bien sûr, les décisions de justice doivent être motivées. Heureusement ! Mais, nous le savons, dans de nombreux cas, cette motivation peut être extrêmement elliptique, pour ne pas dire lapidaire. Parfois même, il s’agit de formulaires sur lesquels le tribunal coche une case !

Nous demandons donc que les dérogations fassent l’objet d’une motivation spéciale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c’est déjà le cas !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens à préciser que les textes en vigueur prévoient déjà une motivation spéciale. Par conséquent, la préoccupation exprimée par l’auteur de l’amendement est satisfaite sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’ajoute que, quand la motivation peut paraître « lapidaire », pour reprendre le terme employé par M. Anziani, des voies de recours existent, qui permettent de revenir sur la motivation et de la préciser. Dans tous les cas, l’amendement est donc satisfait.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 150.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 32.

(L’article 32 est adopté.)

Article 32
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 33

Article additionnel après l’article 32

M. le président. L’amendement n° 207, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 32, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un détenu ne peut être incarcéré dans un établissement ayant un taux d’occupation supérieur de 20 % à ses capacités.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La surpopulation carcérale est au cœur du problème de la santé physique et mentale en prison, mais aussi de nombre de problèmes de sécurité ou d’hygiène : il faut donc promouvoir les alternatives à l’incarcération. Tel est l’objet de cet amendement, qui énonce la règle selon laquelle « un détenu ne peut être incarcéré dans un établissement ayant un taux d’occupation supérieur de 20 % à ses capacités ».

On peut penser qu’une telle règle serait difficile à respecter, mais elle l’est certainement moins que le principe de l’encellulement individuel que la commission des lois souhaite inscrire dans la loi.

En déposant cet amendement, la commission des affaires sociales demande que cessent les excès actuels. J’ai eu l’occasion de relever, lors de la discussion générale – comme M. le rapporteur, d’ailleurs –, les exagérations que nous observons : certains lieux de détention ont un taux d’occupation de 300 %, et beaucoup sont au-dessus de 140 % !

Si le taux de 120 % paraît trop faible, on peut imaginer de le relever légèrement ; mais il faut absolument mettre en place des peines alternatives pour ramener la densité d’occupation des prisons à un taux acceptable et permettre d’engager véritablement une politique de santé, d’hygiène et de sécurité dans nos prisons.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement revient à instaurer un numerus clausus dans l’ensemble des établissements pénitentiaires.

En pratique, un tel numerus clausus est appliqué aux établissements pour peines. Il est justifié par le fait qu’il ne serait pas admissible de maintenir des détenus pour de longues durées dans des conditions de surpopulation et de promiscuité. Aussi les maisons d’arrêt se trouvent-elles dans l’obligation d’accueillir pendant des mois, voire des années, des condamnés qui relèveraient d’une affectation pour peine.

Faut-il instaurer un numerus clausus dans les maisons d’arrêt ? Si nous le faisions, seules trois solutions pourraient être envisagées : la première consisterait à mettre à exécution la peine d’emprisonnement, mais à libérer le condamné détenu dans l’établissement dont le reliquat de peine est le plus faible – il s’agirait donc de libérations automatiques, « sèches » le plus souvent ; la deuxième solution serait de surseoir à la mise à exécution ; enfin, la troisième solution consisterait, en cas de détention provisoire antérieure, à aménager la peine restant à subir en milieu ouvert.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il y a une quatrième solution : construire de nouvelles maisons d’arrêt !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne suis pas sûr que cette solution soit la meilleure, car elle impliquerait l’embauche de personnels de surveillance supplémentaires, ce qui empêcherait le recrutement de personnels d’insertion et de probation en nombre suffisant.

Je me permets de reprendre ici une argumentation développée en son temps par Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, ministre de la justice : l’application du numerus clausus serait susceptible de conduire à de très fortes inégalités dans l’exécution des décisions de justice, selon un taux de densité carcérale très variable d’un établissement à l’autre sur le territoire national.

La commission, comme Mme Guigou en son temps, estime qu’un tel risque conduit à écarter une idée sans doute séduisante, mais dont le caractère systématique pourrait emporter pour le justiciable des effets plus nocifs que ceux qu’il entend combattre.

L’avis de la commission des lois est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’institution d’un numerus clausus créerait effectivement une inégalité face à la justice : ainsi, une personne condamnée dans une région connaissant une surpopulation carcérale ne verrait pas sa peine mise à exécution ; en revanche, dans les régions où les établissements pénitentiaires ne sont pas surpeuplés, les condamnés exécuteraient systématiquement leur peine. Je ne peux pas accepter que, dans notre pays, les justiciables n’aient pas droit à la même justice !

Cet amendement conduirait directement à une inégalité face à la justice ; l’avis du Gouvernement est donc totalement défavorable. (M. Jean Desessard s’exclame.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. L’amendement de M. About est intelligent…

M. le président. Ses amendements le sont généralement ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. C’est ce que je disais hier, monsieur le président, et je regrettais d’ailleurs que M. About retire tant d’amendements intelligents !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Merci, maître !

M. Alain Anziani. Mais, dans le cas présent, il maintient son amendement, et je l’en félicite !

MM. Jean Desessard et Louis Mermaz. Attendez de voir ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. Cet amendement est pertinent parce que, comme toujours, nous devons effectuer un choix : soit entasser les détenus sans pouvoir écarter les murs – et nous connaissons d’avance le résultat : la surpopulation va s’envoler –, soit trouver des solutions d’urgence. (M. Louis Mermaz approuve.)

Cet amendement représente une solution d’urgence qui me paraît adaptée si on ne la caricature pas : il ne s’agit évidemment pas de surseoir à incarcérer un meurtrier qui viendrait d’être arrêté, sous prétexte que la maison d’arrêt est surpeuplée. J’ai choisi un exemple en matière criminelle, mais le même raisonnement s’appliquerait également en matière délictuelle.

En revanche, puisque le taux de surpopulation de la prison est connu, il conviendrait peut-être de voir comment recourir aux aménagements de peine au sein de l’établissement afin de maintenir ce taux à un niveau acceptable. Cet amendement doit donc être lié à la politique d’amélioration et de généralisation des aménagements de peine que vous voulez développer, madame le garde des sceaux.

Cela signifie que chaque établissement pénitentiaire devra accueillir des détenus réunissant toutes les conditions pour bénéficier d’une libération conditionnelle…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c’est absurde ! S’ils réunissent les conditions pour être libérés, on les libère ! On ne peut pas les stocker !

M. Alain Anziani. Si cette condition est remplie, les libérations conditionnelles libéreront des places qui permettront d’accueillir les nouveaux arrivants dans des conditions humaines.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne voterai pas cet amendement de M. About, bien qu’il soit certainement très intelligent. En effet, son adoption reviendrait à accepter officiellement qu’un établissement pénitentiaire puisse accueillir un nombre de détenus supérieur de 20 % au nombre de places.

Quant à l’inégalité de traitement face à la justice, madame la ministre, on pourrait écrire un roman sur ce sujet ! Pensez au vol de l’œuf et au vol du bœuf…

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Je suis d’ailleurs étonné que vous ne l’ayez pas déjà prise, mon cher collègue ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. Je ne la prends qu’à bon escient, monsieur le président ! Par exemple, sur un amendement intelligent qui sera certainement maintenu par son auteur, tant il est pertinent !

La réponse de Mme le garde des sceaux sur l’amendement n° 207 est statique : si le taux d’occupation de 120 % est atteint, selon elle, les délinquants devront être relâchés ou il faudra surseoir à l’exécution des condamnations. Mais il ne s’agit pas de cela !

Il faut tenir le même raisonnement que pour le droit opposable au logement. Tout le monde connaît les difficultés rencontrées pour garantir à tous l’accès au logement. Si nous avons adopté une loi spécifique instaurant le droit opposable au logement, c’est pour anticiper ces difficultés : puisque la situation n’est pas normale, les pouvoirs publics doivent prendre des mesures pour éviter que des personnes sans logement n’intentent des recours avec succès.

De la même manière, il faut avoir une lecture dynamique de cet amendement : les personnes qui feront face à cette situation de surpopulation devront prendre des mesures pour anticiper l’arrivée de nouveaux détenus. Cet amendement me paraît très intelligent parce qu’il oblige l’administration pénitentiaire à anticiper les difficultés.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 207 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ai entendu tous les arguments que je souhaitais entendre.

J’ai entendu les raisons techniques pour lesquelles cet amendement serait mauvais. Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté que la démarche pouvait paraître inélégante et avoir des effets pervers. Pensez bien que j’avais imaginé toutes ces objections en rédigeant cet amendement !

J’ai également entendu les arguments que j’attendais de Mme le garde des sceaux – pardonnez-moi, madame ! –, m’invitant à retirer mon amendement, tout en reconnaissant l’urgence de la situation et en promettant de développer les peines alternatives.

J’ai entendu les arguments de nos collègues Alain Anziani et Jean Desessard, notamment sur la nécessité d’anticiper les difficultés. C’est là qu’est la vraie réponse ! Elle pourrait même m’inciter à retirer cet amendement.

Tout le monde a bien compris l’enjeu : cet amendement n’est pas mauvais simplement parce qu’il n’est pas tolérable d’admettre un taux de surpopulation de 120 %, même si je comprends tout à fait la position de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais, pardonnez-moi madame, votre argument me semble faire abstraction du fait que nous observons aujourd’hui des taux de surpopulation qui avoisinent les 300 % !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne l’oublie pas !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Placer la barre à 120 %, c’est tenir compte des flux et admettre que le nombre de détenus puisse légèrement dépasser le nombre de places.

Mais le débat n’est pas là aujourd’hui : il s’agit de savoir comment passer de taux d’occupation de 300 % à des taux de 100 %, et même à l’encellulement individuel proposé par la commission, ce qui supposerait de descendre bien en dessous du taux de 100 % !

Le Gouvernement n’est pas d’accord avec la commission des lois sur ce point…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Qu’en savez-vous ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous verrons !

J’ai donc essayé de faire preuve de mesure, même si je sais que le rapporteur et la commission des lois sont naturellement très mesurés, et de prendre en compte la situation actuelle.

Puisque Mme la ministre a raison sur le plan technique, M. Anziani sur les mesures de fond qui devront certainement être prises et Mme Borvo Cohen-Seat sur la notion d’affichage, je vais retirer mon amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme M. Robert Badinter, je n’aime pas les termes numerus clausus, qui, à bien des égards, ne me semblent pas les plus appropriés.

Monsieur Anziani, vos arguments sont extraordinaires ! Si des détenus sont en situation d’avoir des aménagements de peine, ils en bénéficieront. Il n’y a pas de « stock » en la matière ! J’apprécie souvent vos raisonnements, mais, parfois, vos plaidoiries vont tout de même trop loin !

Monsieur le rapporteur pour avis, la partie de ce texte relative aux aménagements de peine vise justement à diminuer la surpopulation carcérale, notamment pour les courtes peines. Nous avons abordé ce sujet lors de la discussion de l’article 32, que nous venons de voter. Le débat porte maintenant sur l’accueil dans les établissements pénitentiaires. En matière de lutte contre la surpopulation, l’ambition de la commission est bien plus grande que celle qui est portée par votre amendement. Nous devons agir à la fois sur les aménagements de peine et sur les alternatives à la prison.

Si vous aviez conditionné la mesure à un taux d’occupation supérieur de 120 % et non de 20 %, et ce pendant cinq ou dix ans, vous auriez pu avoir satisfaction. Mais ne prenez pas ma remarque comme une incitation à sous-amender votre amendement ! Finalement, seule la direction de l’administration pénitentiaire pourrait se réjouir de cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 207 est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 207 rectifié.

Je le mets aux voix.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC-SPG s’abstient !

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l’article 32
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel après l'article 33

Article 33

I. - L'article 132-25 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, elle peut décider que cette peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime de la semi-liberté à l'égard du condamné qui justifie :

« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement, à la recherche d'un emploi ou à une formation professionnelle ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « par l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « aux alinéas précédents » ;

3° Le dernier alinéa est supprimé.

II. - L'article 132-26 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : «, à la recherche d'un emploi » et les mots : « ou au traitement » sont remplacés par les mots : «, au traitement ou au projet d'insertion ou de réinsertion » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le condamné admis au bénéfice du placement à l'extérieur est astreint, sous le contrôle de l'administration, à effectuer des activités en dehors de l'établissement pénitentiaire. »

III. - L'article 132-26-1 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, elle peut décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous le régime du placement sous surveillance électronique à l'égard du condamné qui justifie :

« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de son assiduité à un enseignement, à la recherche d'un emploi ou à une formation professionnelle ;

« 2° Soit de sa participation essentielle à la vie de sa famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion.

« Ces dispositions sont également applicables en cas de prononcé d'un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis avec mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans. » ;

2° La dernière phrase du second alinéa est supprimée.

IV.- L'article 132-27 est modifié comme suit :

1° Le mot : « grave » est supprimé ;

2° Les mots : « d'un an » sont remplacés par les mots : « de deux ans » ;

3° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

M. le président. L'amendement n° 151, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Après les mots :

deux ans

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du 1° du I de cet article :

, cette peine est exécutée, en tout ou partie, sous le régime de la semi liberté ou du placement sous surveillance électronique à l'égard du condamné qui justifie :

II. - Procéder de même au deuxième alinéa du 1° du III de cet article.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Le texte de la commission marque un progrès substantiel, et notre objectif est non pas de le combattre, mais bien d’essayer de le rendre le plus effectif possible. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail fourni par la commission des lois et son rapporteur.

Dans son rapport de 2006 sur la gestion des prisons, la Cour des comptes déplore que les dispositifs d’alternative à l’incarcération soient peu utilisés, et de moins en moins depuis 2001.

Effectivement, si l’on examine les statistiques, on s’aperçoit que les aménagements de peine ne concernaient, en mars 2005, que 1,34 % de la population carcérale en mesure d’en bénéficier.

Le Conseil économique et social dresse le même constat dans un rapport de 2006 : « La méconnaissance des enjeux de la réinsertion et de ses résultats favorise la primauté accordée à la mission de garde sur celle de réinsertion des détenus. Cette situation, en dépit d’une forte augmentation, se traduit toujours par la faiblesse des moyens accordés aux services pénitentiaires d’insertion et de probation […] ».

De même, le rapport de la commission d’enquête de l'Assemblée nationale présidée par notre collègue Louis Mermaz faisait remarquer, en 2000 – c’est d’ailleurs toujours valable –, que les magistrats répugnent à recourir à l’insertion, tellement problématique, parce qu’ils pensent qu’elle ne réussira pas. Dès lors, ils préfèrent l’enfermement à des mesures alternatives.

Aux termes du texte, lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement, elle « peut » décider que la peine sera exécutée en tout ou partie sous un régime de semi-liberté. Si l’on veut vraiment que cette disposition soit effective, il faut remplacer la faculté donnée au juge par une obligation : dans le cadre de ce type de peines, il doit prononcer automatiquement une mesure d’aménagement de peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’aménagement ab initio, sous le régime de la semi-liberté, du placement à l’extérieur ou du placement sous surveillance électronique, d’une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à deux ans d’emprisonnement lorsque la personne condamnée justifie de diverses conditions.

Il est rare qu’une juridiction de jugement aménage elle-même la peine d’emprisonnement qu’elle prononce, et ce pour des raisons à la fois pratiques et de principe.

En pratique, la juridiction de jugement manque souvent d’éléments pour prononcer de tels aménagements de peine en connaissance de cause.

Sur le principe, les représentants de l’Union syndicale des magistrats, que j’ai entendus, ont estimé qu’il n’était « pas opportun de mélanger le temps du prononcé de la peine, avec son poids symbolique, et la phase de l’exécution, de l’application de la peine ».

Dès lors, prévoir une obligation plutôt qu’une possibilité d’aménagement des courtes peines d’emprisonnement par la juridiction de jugement n’a pas paru opportun à la commission des lois, qui a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Anziani, si votre amendement est adopté, toute personne condamnée à deux ans de prison bénéficiera automatiquement d’un aménagement de peine. Cela reviendrait à créer des peines automatiques, auxquelles, je vous le rappelle, vous êtes opposé !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Alain Anziani. Mais non, il s’agit d’aménagements de peine !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Par ailleurs, les aménagements de peine dépendent des gages de réinsertion : il faut par exemple avoir un contrat de travail ou une formation.

Si les aménagements de peine devenaient automatiques, on prononcerait des mesures de semi-liberté, de libération conditionnelle ou de port du bracelet électronique sans critères objectifs. Une personne qui n’aurait ni travail, ni formation, ni domicile bénéficierait automatiquement du bracelet électronique, pour lequel il faut une adresse, d’une semi-liberté, pour laquelle il faut un emploi, ou d’une libération conditionnelle pour laquelle il faut une activité minimale.

Votre proposition revient à remettre en cause les critères d’éligibilité à ces aménagements de peine, lesquels seraient accordés automatiquement ; cela créerait une nouvelle inégalité.

Pour ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Madame le garde des sceaux, mon amendement concerne l’exécution de peine, et non la peine elle-même, ce qui est une différence considérable.

Le point que vous venez d’évoquer est extrêmement délicat. À cet égard, il serait utile qu’une juridiction ait en sa possession, ab initio, les éléments d’appréciation lui permettant de décider des mesures d’aménagement de la peine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !

M. Alain Anziani. Actuellement, c’est bien le problème : la juridiction décide sans être tout à fait éclairée sur les possibilités qui s’offrent à elle.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais défendre cet amendement, car il tend non pas à supprimer les critères d’octroi des mesures d’aménagement des peines, mais à les examiner en amont. Si les critères sont réunis, la peine s’exécute alors automatiquement dans les conditions fixées.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Malgré tout le respect que je vous dois, monsieur Anziani, je n’arrive pas à comprendre le sens de votre amendement. Le juge va prononcer une peine, puis décider qu’elle ne s’appliquera pas. On aboutit à une situation complètement absurde !

La procédure se fait en deux temps. L’appréciation sur les modalités d’application de la peine vient dans un second temps, bien distinct du premier. L’adoption de votre amendement aboutirait à demander aux tribunaux de procéder, je le répète, dans l’absurdité la plus complète ! Je ne le voterai donc pas, et je suis surpris qu’un praticien puisse faire une telle proposition.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis également très étonné qu’un praticien fasse une telle proposition, qui, en confondant aménagements de peine et sanctions, établit une confusion totale.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 151.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 247, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter le 1° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« L'absence de domicile fixe ou de travail ne peut constituer un motif de refus d'application du régime de la semi-liberté. » ;

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la rédaction de cet amendement est quelque peu maladroite, car mieux aurait valu « recherche d’un emploi » plutôt que « travail ».

Je souhaite insister sur l’importante question de l'absence de domicile fixe. Nous le savons bien, le nombre de personnes pauvres emprisonnées est, malheureusement, très important et ne cesse de croître : 17 % des entrants en prison n’ont pas de protection sociale, 5 % sont sans abri et 10 % sont hébergés dans un domicile précaire. Il faut prévoir de façon explicite que l’absence de domicile fixe ne constitue pas un motif d'exclusion d'une mesure d’aménagement de peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur Anziani, tout comme vous, j’avais réfléchi, en tant que rapporteur, à la possibilité pour le ministère public qui requiert à l’audience une peine d’emprisonnement ferme de faire préalablement diligenter une enquête sociale rapide (M. Robert Badinter approuve.), de façon à pouvoir éventuellement décider plus facilement des aménagements ab initio. Les magistrats m’en ont dissuadé en me disant que « cela contribuerait à engorger les SPIP pour un bénéfice très restreint ». Je tenais à vous dire que j’avais mené une démarche intellectuelle similaire à la vôtre.

Sur l'amendement n° 247, la commission estime qu’il est totalement satisfait, puisque l’article 33 assouplit considérablement les conditions d’octroi d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur et de placement sous surveillance électronique en exigeant simplement désormais un projet sérieux d’insertion ou de réinsertion. L’exigence n’est plus celle du travail. Une telle mesure peut également être accordée pour suivre un traitement médical ou pour apporter une participation essentielle à la vie de sa famille. Dès lors, l’absence de travail ne peut constituer un motif de refus d’octroi d’une mesure de semi-liberté.

Par ailleurs, l’octroi d’une telle mesure ne suppose bien évidemment pas l’obtention d’un domicile fixe, puisque la personne qui en bénéficie doit réintégrer, le soir, le centre de semi-liberté ou le quartier de semi-liberté.

La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.

M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 247 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 247 est retiré.

Je vais vous faire sourire, mes chers collègues : un jour, la présidente du TGI des Bouches-du-Rhône a demandé à un élu de ce département, qui s’était fourvoyé pour arriver jusque-là : « mais, au fond, quelle est votre adresse lorsque vous n’êtes pas aux Baumettes ? » (Sourires.)

L'amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du 1° du III de cet article, après le mot :

temporaire

insérer les mots :

ou saisonnier

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 46 rectifié et 47 rectifié dans la mesure où ils posent le même principe, celui de la prise en compte du travail saisonnier dans les décisions de placement sous surveillance électronique ou de liberté conditionnelle. Le bénéfice de tels aménagements de peine doit être possible lorsque le détenu justifie d’une activité saisonnière.

Je souhaite à ce propos savoir si le travail saisonnier est englobé dans la notion de travail temporaire au même titre que le travail intérimaire. (Mme le garde des sceaux acquiesce.)

Si c’est le cas, je suis prêt à retirer mes amendements puisqu’ils seraient satisfaits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je confirme à notre collègue Jean Desessard que la notion d’« emploi temporaire » employée par le code pénal est une notion générique qui englobe les emplois saisonniers.

Son amendement est donc satisfait par le texte de la commission.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, même la formation professionnelle peut être incluse dans la notion de travail temporaire. Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’une notion très extensive.

M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 46 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, monsieur le président, et je retire également par avance l’amendement n° 47 rectifié, à l’article 47.

M. le président. L’amendement no 46 rectifié est retiré.

L'amendement n° 152, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Ces dispositions s'appliquent à la procédure de comparution immédiate.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je vais retirer cet amendement, car je sais que les arguments qui vont m’être opposés sont pertinents.

Je veux simplement souligner que la procédure d’aménagement de peine ab initio est le parent pauvre de la comparution immédiate. Ce ne sont pas les textes qui le disent, mais c’est la pratique. Je n’insiste donc pas.

M. le président. L’amendement n° 152 est retiré.

Je mets aux voix l'article 33.

(L'article 33 est adopté.)

Article 33
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 34 A

Article additionnel après l'article 33

M. le président. L'amendement n° 153, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dès l'entrée en détention, le juge de l'application des peines a la possibilité d'accorder une semi-liberté, un placement sous surveillance électronique ou un placement extérieur avec exécution provisoire, sans attendre le délai de dix jours lié au mandat de dépôt et au délai d'appel.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il nous semble souhaitable que le juge puisse directement prononcer une mesure d’aménagement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement paraît très intéressant. Cependant, la commission aimerait connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet d’offrir la possibilité au juge de l’application des peines de décider un aménagement de peine sans attendre la décision définitive. C’est une excellente idée !

Il s’agit d’une possibilité, ce qui laisse un pouvoir d’appréciation au juge, ce à quoi je tiens absolument. Si le juge estime qu’il y a un risque, il ne prendra pas la décision d’un aménagement dès le départ.

Reste qu’il faudra codifier cette disposition dans le code de procédure pénale, ce qui permettra d’ailleurs une application beaucoup plus large.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 33.

Section 2

Du travail d'intérêt général

Article additionnel après l'article 33
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 34

Article 34 A 

Au premier alinéa de l'article 131-8, les mots : « quarante à deux cent dix » sont remplacés par les mots : « vingt à quatre cents ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 248, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. La commission, suivant une préconisation du Comité d’orientation restreint, le COR, a étendu l’amplitude horaire du travail d’intérêt général, le TIG, en prévoyant que sa durée peut être comprise entre 20 et 400 heures, au lieu de 40 à 210 heures actuellement. Je rappelle simplement que c’est la loi Perben de mars 2004 qui a fait passer le plafond de la durée des TIG de 240 à 210 heures.

Aujourd’hui, le projet de loi prévoit d’aller jusqu’à 400 heures, ce qui soulève un certain nombre de problèmes. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation connaissent de nombreuses difficultés pour faire exécuter les travaux prononcés, en raison notamment du manque de postes réservés à ces TIG, et pas uniquement d’ailleurs dans les collectivités territoriales. Faire passer le nombre d’heures pouvant être prononcées à 400 ne ferait qu’accroître cette difficulté.

Par ailleurs, le TIG, par définition non rémunéré mais souvent effectué à plein temps, peut avoir lieu alors que la personne recherche un emploi ou une formation. L’allonger à 400 heures peut donc constituer un frein à cette insertion professionnelle et avoir finalement un résultat contreproductif au regard de l’objectif.

Nous avons déposé cet amendement de suppression en raison du plafond de 400 heures, l’abaissement du plancher à 20 heures ne constituant pas une difficulté pour nous. Mais nous nous rallions à l’amendement n° 154 de M. Anziani, qui vise à entériner le plancher de 20 heures tout en maintenant le plafond de 210 heures.

M. le président. L’amendement n° 248 est retiré.

L'amendement n° 154, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin de cet article, remplacer les mots :

vingt à quatre cents

par les mots :

vingt à deux cent dix

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. La rédaction de la commission ne nous semble pas réaliste sur le plan tant du volume d’heures disponibles que de l’intérêt du détenu. Nous préférons donc en rester au plafond de 210 heures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le COR estimait qu’abaisser le plancher de la durée du travail d’intérêt général de 40 à 20 heures pourrait être extrêmement utile pour les petits délits et lorsque le condamné préfère ce type de solution à une amende, et qu’il pourrait être intéressant de porter le plafond à 400 heures au maximum, même si les cas visés sont relativement rares.

La discussion parlementaire montre ici tout son intérêt, car les arguments des uns et des autres m’ont convaincu. Nous sommes désormais tous d’accord pour abaisser le plancher à 20 heures et pour maintenir le plafond à 210 heures. Je remercie d’ailleurs le groupe CRC-SPG d’avoir prévu un amendement de cohérence à l’article 35.

La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Abaisser le plancher à 20 heures est une très bonne idée.

Cela étant, si le plafond a été porté à 400 heures, c’est parce que le travail d’intérêt général est peu utilisé. Le quota d’heures étant restreint, le dispositif se révèle en effet d’application difficile. Pourtant, il est très bien adapté aux jeunes majeurs.

La loi relative à la prévention de la délinquance, adoptée en mars 2007, a ouvert ce dispositif à d’autres personnes morales. En élargissant le quota d’heures, nous pourrions également offrir beaucoup plus de postes aux personnes condamnées. Ce serait une souplesse, et cela donnerait une visibilité encore plus grande aux magistrats.

Pour ma part, je suis plutôt favorable à une fourchette qui aille de 20 à 400 heures, mais je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 34 A, modifié.

(L'article 34 A est adopté.)

Article 34 A
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 35

Article 34

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 131-22 est ainsi rédigée :

« Ce délai est suspendu pendant le temps où le condamné est assigné à résidence avec surveillance électronique, est placé en détention provisoire, exécute une peine privative de liberté ou accomplit les obligations du service national. Toutefois, le travail d'intérêt général peut être exécuté en même temps qu'une assignation à résidence avec surveillance électronique, qu'un placement à l'extérieur, qu'une semi-liberté ou qu'un placement sous surveillance électronique. » – (Adopté.)

Article 34
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 36

Article 35

I. - L'article 132-54 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La juridiction peut, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 132-40 et 132-41, prévoir que le condamné accomplira, pour une durée de vingt à quatre cents heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d'intérêt général. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« La juridiction peut en outre soumettre le condamné à tout ou partie des obligations prévues à l'article 132-45 pour une durée qui ne peut excéder dix-huit mois. L'exécution du travail d'intérêt général avant la fin de ce délai ne met pas fin à ces obligations. »

bis. - Au dernier alinéa de l'article 132-55, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « dix-huit ».

II. - L'article 132-57 est ainsi modifié :

1° Après les mots : « le condamné accomplira », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « , pour une durée de vingt à quatre cents heures, un travail d'intérêt général non rémunéré au profit soit d'une personne morale de droit public, soit d'une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public ou d'une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d'intérêt général. » ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Le présent article est applicable aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois. Dans ce cas, après l'exécution du travail d'intérêt général, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à six mois résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve.

« En cas d'exécution partielle d'un travail d'intérêt général, le juge de l'application des peines peut ordonner la conversion de la partie non exécutée en jours-amende. »

M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Dans le second alinéa du 1° du I de cet article, remplacer les mots :

quatre cents

par les mots :

deux cent dix

II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans le deuxième alinéa (1°) du II de cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Comme M. le rapporteur l’a indiqué, il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable également.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 249 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 35, modifié.

(L'article 35 est adopté.)

CHAPITRE II

Dispositions modifiant le code de procédure pénale

Article 35
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l'article 36

Article 36

Le code de procédure pénale est modifié conformément aux dispositions du présent chapitre. – (Adopté.)

Article 36
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 37

Articles additionnels après l'article 36

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 36.

L'amendement n° 250, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le troisième alinéa (2°) de l'article 143-1, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « cinq ».

II. - Le dernier alinéa (7°) de l'article 144 est supprimé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous convenons tous, je crois, que l’une des questions à laquelle il nous faut répondre dans ce débat est comment en finir avec la surpopulation carcérale en limitant l’emprisonnement.

M. le rapporteur fait état du chiffre de 26,4 % de prévenus au 1er novembre 2008 : autant donc de personnes présumées innocentes, mais emprisonnées jusqu’à leur jugement !

Prendre des mesures pour diminuer le nombre important de prévenus non seulement participerait d’une vision plus humaine, mais permettrait tout simplement aussi une amélioration de la vie carcérale.

Évidemment, la mesure la plus efficace à prendre serait de revenir sans attendre sur la politique pénale du Gouvernement et de sa majorité. Il faut en effet cesser de jeter le discrédit sur les juges en les qualifiant de « laxistes ». Il faut cesser d’instrumentaliser la souffrance des victimes, ce qui fait que l’institution judiciaire est sans cesse sommée de maintenir un innocent en prison plutôt que de laisser un coupable en liberté. Il faut cesser de faciliter le recours à la détention provisoire comme l’ont fait, hélas ! la loi Perben I avec le référé-détention au profit du ministère public ou la loi Perben II, qui permet au parquet de saisir directement le juge des libertés et de la détention d’un tel placement, dans l’hypothèse où le juge d’instruction considère qu’il n’est pas justifié.

À l’inverse, il nous faut formuler des propositions tendant à rendre moins systématique le recours à la détention provisoire. N’oublions pas que l’emprisonnement doit être le dernier recours !

L’amendement n° 250 contient donc deux propositions.

En vertu de l’article 143-1 du code de procédure pénale, la détention provisoire peut être ordonnée ou prolongée quand la personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement. Nous proposons de porter cette durée à cinq ans.

S’agissant des critères de placement en détention provisoire, nous proposons de supprimer en matière criminelle, comme cela a été fait en matière correctionnelle, le critère prévu par l’article 144-7 du code de procédure pénale, à savoir le trouble à l’ordre public, vague critère qui permet de tout couvrir et d’emprisonner tout le monde.

Je rappelle que la réparation de la détention provisoire injustifiée a donné lieu, en 2007, à 94 décisions de la Commission nationale de réparation des détentions, saisie en appel de décisions de premiers présidents de cour d’appel. C’est la preuve que l’on se trompe souvent ...

M. le président. L'amendement n° 251, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 145-1 est ainsi rédigé :

« Art. 145-1. - En matière correctionnelle, la détention provisoire ne peut excéder deux mois si la personne mise en examen n'a pas déjà été condamnée pour crime ou délit de droit commun soit à une peine criminelle, soit à une peine d'emprisonnement sans sursis d'une durée supérieure à un an et lorsqu'elle encourt une peine inférieure ou égale à cinq ans.

« Dans les autres cas, à titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut décider de prolonger la détention provisoire pour une durée qui ne peut excéder deux mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, la durée totale de la détention ne pouvant excéder six mois. Toutefois, cette durée est portée à un an lorsqu'un des faits constitutifs de l'infraction a été commis hors du territoire national ou lorsque la personne est poursuivie pour trafic de stupéfiants, terrorisme, association de malfaiteurs, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour une infraction commise en bande organisée et qu'elle encourt une peine égale à dix ans d'emprisonnement. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 251, de même que l’amendement n° 252, vise à réduire la durée maximale de la détention provisoire.

Selon la Commission de suivi de la détention provisoire, « la détention provisoire est la résultante de pratiques de toute la “chaîne pénale” ». Il faut donc « s’intéresser à tous les mécanismes de la répression qui ont des effets, directs et indirects, sur le volume des prévenus incarcérés ».

J’ajoute que cette commission propose, dans l’une de ses recommandations, de poser le principe de la limitation de la durée de la détention provisoire pour garantir le droit à être jugé dans un délai raisonnable, à savoir un an en matière correctionnelle, et deux ans en matière criminelle. J’ai moi-même proposé une telle limitation à de multiples reprises, lorsque des lois pénales nous étaient soumises. Dans la mesure où nous souhaitons réduire la détention, ce serait une bonne chose.

M. le président. L'amendement n° 252, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 145-2 est ainsi rédigé :

« Art. 145-2. - En matière criminelle, la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà de six mois. Toutefois, sous réserve des dispositions de l'article 145-3, le juge des libertés et de la détention peut, à l'expiration de ce délai, prolonger la détention pour une durée qui ne peut être supérieure à trois mois par une ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 137-3 et rendue après un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions du sixième alinéa de l'article 145, l'avocat ayant été convoqué conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 114. Cette décision peut être renouvelée selon la même procédure.

« La personne mise en examen ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà d'un an lorsque la peine encourue est inférieure à vingt ans de réclusion ou de détention criminelles et au-delà de deux ans dans les autres cas. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 245, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 148-1-1 et 187-3 sont abrogés.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à abroger le référé-détention qui, en raison de son caractère suspensif, proroge le maintien en détention provisoire d’une personne. Vous me rétorquerez que nous ne débattons pas d’une loi pénale ; mais si nous voulons participer activement à la diminution de la population carcérale, nous devons nous interroger sur la façon dont le référé-détention est appliqué.

À ce propos, je voudrais souligner que c’est du fait d’un référé-détention que le jeune Julien Coupat reste aujourd'hui en prison. Ce dernier a été accusé, dans des conditions suscitant de nombreuses critiques, d’être à la tête d’une association de malfaiteurs terroristes ayant dégradé des biens publics, ce dont on est loin d’avoir le début d’une preuve. Il présente toutes les caractéristiques pour être libéré dans l’attente de son jugement. Nous ne savons pas sur quels éléments le magistrat s’est fondé pour recourir à cette procédure d’exception ; sans doute était-il soumis à certaines pressions … Quoi qu’il en soit, cette procédure présente en réalité un caractère arbitraire, et nous proposons donc de la supprimer.

M. le président. L'amendement n° 253, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 36, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 465-1 est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à abroger l’obligation de décerner un mandat de dépôt en cas de récidive, introduite par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales. Or, je le répète, le respect de la présomption d’innocence, principe qui fait l’objet d’un large consensus, voudrait au contraire que le placement en détention provisoire soit le plus rare possible.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. À la suite de l’affaire d’Outreau, la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a déjà réformé le régime de la détention provisoire, avec des effets sensibles sur le nombre des prévenus, puisque celui-ci est passé de 18 223 au 1er janvier 2007 à 16 471 au 1er janvier 2009.

Le projet de loi pénitentiaire dont nous discutons devrait permettre une diminution significative du nombre de prévenus en favorisant l’alternative à l’incarcération qu’est l’assignation à résidence avec surveillance électronique. En revanche, il ne constitue pas le cadre idoine pour procéder à une nouvelle réforme de ce régime.

Les réflexions de la commission présidée par l’avocat général M. Philippe Léger éclaireront utilement les débats à venir.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission demande le retrait des amendements nos 250, 251 et 252 ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 245, qui vise à abroger le référé-détention. Les articles 148-1-1 et 187-3 du code de procédure pénale permettent au procureur de la République d’introduire un référé-détention contre une ordonnance de mise en liberté d’une personne placée en détention provisoire rendue par le juge des libertés et de la détention ou le juge d’instruction contrairement à ses réquisitions.

Ces articles existent depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002. À l’époque, la commission des lois avait approuvé ces dispositions, qui ne posent pas aujourd’hui de difficulté particulière.

C’est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.

S'agissant de l’amendement n° 253, tendant à abroger l’obligation de décerner un mandat de dépôt en cas de récidive, je rappelle que la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a permis au tribunal, lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, de décerner un mandat de dépôt ou un mandat d’arrêt contre le prévenu, par décision spéciale et motivée, quelle que soit la durée de la peine d’emprisonnement prononcée.

Auparavant, un juge pouvait prononcer un mandat de dépôt à l’audience s’il avait affaire à une personne en état de récidive qu’il venait de condamner à une peine d’emprisonnement au moins égale à douze mois.

Comme l’avait souligné notre collègue François Zocchetto, rapporteur de ce texte, les règles étaient dévoyées : « pour pouvoir placer en détention une personne à l’audience, des magistrats se retrouvaient dans la situation paradoxale de devoir prononcer une peine de douze mois d’emprisonnement, alors qu’en leur for intérieur ils estimaient qu’ils auraient dû prononcer une peine de quatre ou cinq mois. »

Cet amendement est donc contraire à la position de la commission des lois comme à celle du Sénat dans son ensemble en 2005. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’amendement n° 250 a pour objet de restreindre la possibilité de placement en détention provisoire, qui ne serait possible que lorsque les peines encourues sont supérieures ou égales à cinq ans, au lieu de trois ans actuellement.

Je vous rappelle que la peine encourue en cas de violence exercée sur un conjoint, une personne vulnérable ou mineure, de violence raciste ou de profanation de tombe, par exemple, est au maximum de trois ans d’emprisonnement. Il me paraît donc préférable de laisser à l’appréciation du magistrat la possibilité d’une détention provisoire.

Quant au critère de trouble à l’ordre public comme motif de placement en détention provisoire, il n’est plus possible, depuis la loi du 5 mars 2007, qu’en matière criminelle. Il convient donc de le maintenir.

Prenons le cas du jeune Valentin, tué d’une quarantaine de coups de couteau, cet été, dans un petit village, cas qui a ému un grand nombre de personnes. Je considère que le critère du trouble à l’ordre public doit s’imposer pour pouvoir placer en détention provisoire ce type de criminels. Le Gouvernement est par conséquent totalement défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 251 vise à restreindre la durée maximale de la détention provisoire en matière correctionnelle à deux mois renouvelables, dans la limite de six mois. La loi Guigou limitant la détention provisoire à quatre mois renouvelables en matière correctionnelle me paraît tout à fait équilibrée et proportionnée. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

L’amendement n° 252 a pour objet de restreindre la durée maximale de la détention provisoire en matière criminelle à six mois renouvelables, dans la limite d’un an, alors qu’elle est aujourd’hui de huit mois, dans la limite de deux ans. J’y suis défavorable pour les mêmes raisons.

S'agissant de l’amendement n° 245, tendant à abroger le référé-détention, il convient de rappeler que la détention provisoire demeure tout à fait exceptionnelle et qu’elle a fortement diminué au cours des cinq dernières années.

Par ce texte, nous introduisons la possibilité d’assigner des prévenus à résidence avec un bracelet électronique. Cette possibilité était jusqu’alors peu utilisée par le juge d’instruction, faute de pouvoir être imputée sur la peine. Les nouvelles dispositions introduites par ce texte représentent une avancée pour la détention provisoire.

Je rappelle également que la commission Léger réfléchit à ces questions et devrait formuler des propositions sur les modalités de la détention provisoire. Le texte que nous examinons traitant des aménagements de peine, je préfère attendre les conclusions de la commission Léger et le projet de loi qui les prendra en compte. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne l’amendement n° 253, enfin, le juge n’est pas obligé de décerner un mandat de dépôt en cas de récidive. Souvent, ce mandat de dépôt est prononcé, et la peine est aménagée dans la foulée. C’est donc une possibilité, et non une obligation, qui est offerte au juge. Le Gouvernement est par conséquent défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’espère aussi que la commission Léger formulera des propositions.

Madame le garde des sceaux, je voudrais vous faire observer que la personne ayant donné quarante coups de couteau n’était pas passible d’une peine inférieure à cinq ans d’emprisonnement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. J’ai rappelé hier dans quelles circonstances j’avais eu à défendre des détenus ; je suis donc tout à fait à mon aise pour signaler les dérives.

Je voudrais vous lire la lettre que j’ai reçue du maire de la petite commune de Theillay, dans le Loir-et-Cher, département particulièrement paisible en principe : « Monsieur le sénateur, depuis quelque temps, notre commune est victime de vols à répétition de tous genres, dans des proportions devenues insupportables. La population est très inquiète, la peur s’installe, les personnes vivent dans l’angoisse. […] Je suis désemparé. Je n’ai aucune solution à ma disposition pour agir contre ce fléau. La brigade de mon canton en a été informée. Quant à la révolte de mes administrés, elle est croissante, je ne peux la contenir. Il faut agir rapidement avant qu’il n’arrive le pire. J’ai peur que les victimes ne fassent justice elles-mêmes. Nous sommes dans une région de chasse, la plupart des ménages possèdent une arme. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut arrêter les chasseurs !

M. Pierre Fauchon. Madame Borvo Cohen-Seat, les habitants de la commune de Theillay sont aussi des êtres humains qui ont le droit de vivre en paix avec leurs enfants, leurs personnes âgées !

Je reprends ma lecture : « Monsieur le sénateur, je vous demande de mettre tout en œuvre pour faire cesser ce calvaire, afin que mes administrés puissent continuer à vivre tranquillement, en toute sécurité au quotidien, comme cela doit se faire en temps de paix. »

Cela se passe de commentaires !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu’est-ce que cela a à voir ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 252.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 245.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 253.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 1

De l'assignation à résidence avec surveillance électronique

Articles additionnels après l'article 36
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 38

Article 37

I. - L'intitulé de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier est ainsi rédigé : « Du contrôle judiciaire, de l'assignation à résidence et de la détention provisoire ».

II. - L'article 137 est ainsi rédigé :

« Art. 137. - Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

« Toutefois, en raison des nécessités de l'instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

« À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d'atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire. »

III. - Les sous-sections 2 et 3 de la section 7 du chapitre Ier du titre III du livre Ier deviennent respectivement les sous-sections 3 et 4, l'article 143 devient l'article 142-4 et, après cet article 142-4, il est rétabli une sous-section 2 ainsi rédigée :

« Sous-section 2

« De l'assignation à résidence avec surveillance électronique

« Art. 142-5. - L'assignation à résidence avec surveillance électronique peut être ordonnée, avec l'accord ou à la demande de l'intéressé, par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention si la personne mise en examen encourt une peine d'emprisonnement correctionnel d'au moins deux ans ou une peine plus grave.

« Cette mesure oblige la personne à demeurer à son domicile ou dans une résidence fixée par le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention et de ne s'en absenter qu'aux conditions et pour les motifs déterminés par ce magistrat.

« Cette obligation est exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique, à l'aide du procédé prévu par l'article 723-8. Elle peut également être exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile, à l'aide du procédé prévu par l'article 763-12, si la personne est mise en examen pour une infraction punie de plus de sept ans d'emprisonnement et pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Les articles 723-9 et 723-12 sont applicables et, le cas échéant les articles 763-12 et 763-13, le juge d'instruction exerçant les compétences attribuées au juge de l'application des peines.

« La personne peut être en outre astreinte aux obligations et interdictions prévues par l'article 138.

« Art. 142-6. - L'assignation à résidence avec surveillance électronique est décidée par ordonnance motivée du juge d'instruction ou du juge des libertés et de la détention, qui statue après un débat contradictoire conformément aux dispositions de l'article 145.

« Elle peut également être décidée, sans débat contradictoire, par ordonnance statuant sur une demande de mise en liberté.

« Art. 142-7. - L'assignation à résidence est ordonnée pour une durée qui ne peut excéder six mois. Elle peut être prolongée pour une même durée selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article 142-6, sans que la durée totale du placement dépasse deux ans.

« Art. 142-8. - Le deuxième alinéa de l'article 139 et les articles 140 et 141-3 sont applicables à l'assignation à résidence avec surveillance électronique.

« La personne qui ne respecte pas les obligations résultant de l'assignation à résidence avec surveillance électronique peut faire l'objet d'un mandat d'arrêt ou d'amener et être placée en détention provisoire, conformément à l'article 141-2.

« Art. 142-9. - Avec l'accord préalable du juge d'instruction, les horaires de présence au domicile ou dans les lieux d'assignation peuvent être modifiés par le chef d'établissement pénitentiaire lorsqu'il s'agit de modifications favorables à la personne mise en examen ne touchant pas à l'équilibre de la mesure de contrôle. Le chef d'établissement informe le juge d'instruction de ces modifications.

« Art. 142-10. - En cas de non-lieu, relaxe ou acquittement, la personne placée sous assignation à résidence avec surveillance électronique a droit à la réparation du préjudice subi selon les modalités prévues par les articles 149 à 150.

« Art. 142-11. - L'assignation à résidence avec surveillance électronique est assimilée à une détention provisoire pour son imputation sur une peine privative de liberté, conformément aux dispositions de l'article 716-4.

« Art. 142-12. - Les juridictions d'instruction et de jugement peuvent prononcer, comme mesure alternative à la détention provisoire, une assignation à résidence avec surveillance électronique dans les cas prévus par les articles 135-2, 145, 148, 201, 221-3, 272-1, 397-3, 695-34 et 696-19.

« Cette mesure peut être levée, maintenue, modifiée ou révoquée par les juridictions d'instruction et de jugement selon les mêmes modalités que le contrôle judiciaire en application des articles 148-2, 148-6, 213, 272-1, 695-35, 695-36, 696-20 et 696-21.

« Art. 142-13. - Un décret détermine, en tant que de besoin, les modalités d'application de la présente sous-section. »

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Tout ce qui limite la détention nous semble une bonne chose ; nous sommes donc favorables à cette assignation à résidence sous surveillance électronique. Pour autant, je voudrais attirer votre attention sur les précautions qui doivent accompagner le port du bracelet électronique.

Le texte fixe une durée de six mois, qui peut être prolongée une fois de la même durée sans toutefois pouvoir excéder deux ans. Or, d’après les témoignages et les documents que j’ai pu consulter, le bracelet électronique peut faire l’objet d’une intolérance au bout de six mois.

Mais tout cela est relatif. En effet, la détention fait sans doute davantage l’objet d’une intolérance que la surveillance électronique. Je nuance donc mes propos.

Je crois toutefois qu’il sera nécessaire d’assurer le suivi psychologique et socio-éducatif des personnes portant un bracelet électronique. Nous connaissons des cas, dans cette population fragile, de gens vivant mal le fait de sentir en permanence ce bracelet à leur bras ou à leur cheville.

M. le président. Je mets aux voix l'article 37.

(L'article 37 est adopté.)

Section 2

Des aménagements de peines

Sous-section 1

Du prononcé des aménagements de peines

Article 37
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 39

Article 38

La première phrase du dernier alinéa de l'article 707 est ainsi rédigée :

« À cette fin, les peines sont aménagées avant leur mise à exécution ou en cours d'exécution si la personnalité et la situation du condamné ou leur évolution le permettent. » – (Adopté.)

Article 38
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 40

Article 39

Le deuxième alinéa de l'article 708 est complété par les mots : «, quelle que soit sa nature ». – (Adopté.)

Article 39
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 41

Article 40

Après le deuxième alinéa de l'article 712-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge de l'application des peines peut également, si la complexité de l'affaire le justifie, décider, d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public, de renvoyer le jugement de l'affaire devant le tribunal de l'application des peines. Le juge ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition du tribunal qui statue conformément à l'article 712-7. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. » – (Adopté.)

Article 40
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l'article 41

Article 41

L'article 712-8 est ainsi modifié :

1° Le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, pour l'exécution d'une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur ou de placement sous surveillance électronique, ou pour l'exécution de permissions de sortir, le juge de l'application des peines peut, dans sa décision, autoriser le chef d'établissement ou le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation à modifier les horaires d'entrée ou de sortie du condamné de l'établissement pénitentiaire, ou de sa présence en un lieu déterminé, lorsqu'il s'agit de modifications favorables au condamné ne touchant pas à l'équilibre de la décision. Il est informé sans délai des modifications opérées et peut les annuler par ordonnance non susceptible de recours. » – (Adopté.)

Article 41
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 42

Articles additionnels après l'article 41

M. le président. L'amendement n° 157, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l'article 712-14 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Lorsque a été ordonné le placement ou le maintien en détention du condamné en application de l'article 397-4, le juge de l'application des peines peut ordonner l'exécution provisoire de la mesure d'aménagement de peine. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous demandons, par cet amendement, que le juge de l’application des peines puisse ordonner l’exécution provisoire de l’aménagement de la peine lorsque le placement ou le maintien en détention d’un condamné a été ordonné en application de l’article 397-4 du code de procédure pénale.

Il s’agit tout simplement de faire en sorte que cette mesure soit applicable dans le cas des comparutions immédiates.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’article 712-14 du code de procédure pénale dispose déjà que les décisions des juridictions de l’application des peines sont exécutoires par provision, sauf appel du ministère public. Dès lors, j’avoue ne pas bien voir l’utilité de l’amendement n° 157. La commission souhaite donc qu’il soit retiré.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le problème soulevé par cet amendement a déjà été réglé par l’adoption de l’amendement n° 153. Le Gouvernement demande donc le retrait de l’amendement n° 157.

M. le président. Monsieur Anziani, l’amendement n° 157 est-il maintenu ?

M. Alain Anziani. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 157 est retiré.

L'amendement n° 254, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l'article 712-14, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Lorsque le placement ou le maintien en détention du condamné a été ordonné en application de l'article 397-4, le juge de l'application des peines peut ordonner l'exécution provisoire de la mesure d'aménagement de peine. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Entre 2002 et 2007, le nombre de jugements rendus dans le cadre de la procédure accélérée a augmenté d’environ 43 %. Cette statistique a été retenue par M. le rapporteur lui-même.

L’urgence dans laquelle s’applique cette procédure ainsi que la pression exercée sur les juridictions pour qu’elles en garantissent une exécution rapide conduisent d’ailleurs le plus souvent ces dernières à prononcer des mandats de dépôt.

Aussi, un nombre très important de personnes entrent en maison d’arrêt pour effectuer des courtes peines d’emprisonnement, pour lesquelles aucune intervention du SPIP, le service pénitentiaire d’insertion et de probation, n’est d’ailleurs prévue.

L’intérêt de la société serait tout de même que ces personnes puissent bénéficier immédiatement d’aménagements de peine, qu’il s’agisse de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur. Nous demandons par conséquent que, dans le cadre de la procédure en question, les juges puissent aussi ordonner l’exécution provisoire d’aménagements de peine, même dans le cas où le prévenu a été condamné à un emprisonnement sans sursis et dans celui où ont été ordonnés à son encontre, quelle que soit la durée de la peine, le placement ou le maintien en détention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement diffère tellement du précédent que cela me fait penser au « Belle marquise, d’amour me font vos beaux yeux mourir » du maître de philosophie du Bourgeois gentilhomme ! (Sourires sur les travées du CRC-SPG.) On retrouve les mêmes mots dans un ordre différent ! En effet, alors que nous avions tout à l’heure la formulation suivante : « Lorsque a été ordonné le placement ou le maintien en détention », on nous propose maintenant : « Lorsque le placement ou le maintien en détention […] a été ordonné » ! (Sourires.)

Bien évidemment, la réponse de la commission ne peut être qu’identique : elle invite au retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je ferai la même réponse que précédemment : la question a été réglée par l’adoption de l’amendement n° 153.

M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 254 est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 254 est retiré.

Articles additionnels après l'article 41
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 43

Article 42

À l'article 712-19, après les mots : « suivi socio-judiciaire, », sont insérés les mots : « d'une surveillance judiciaire, ». – (Adopté.)

Article 42
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 44

Article 43

L'article 712-22 devient l'article 712-23 et, après l'article 712-21, il est rétabli un article 712-22 ainsi rédigé :

« Art. 712-22. - Lorsqu'elles se prononcent sur l'octroi d'une des mesures prévues aux articles 712-6 et 712-7, les juridictions de l'application des peines peuvent dans le même jugement, sur la demande du condamné, le relever en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, d'une interdiction résultant de plein droit d'une condamnation pénale ou prononcée à titre de peine complémentaire, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle ou sociale soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

« Cette décision peut également être prise par le juge de l'application des peines, statuant conformément aux dispositions de l'article 712-6, préalablement à l'octroi d'une mesure d'aménagement de la peine, afin de permettre ultérieurement son prononcé. Elle peut être prise par ordonnance sauf opposition du ministère public.

« Dans les mêmes conditions, les juridictions de l'application des peines peuvent également, dans les cas prévus par les deux premiers alinéas, exclure la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 158, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

exclure

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-22 du code de procédure pénale :

du bulletin n° 2 du casier judiciaire les condamnations qui font obstacle au projet d'aménagement des peines.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Le dernier alinéa de l’article 43, tel qu’il résulte des travaux de la commission, est ainsi rédigé : « Dans les mêmes conditions, les juridictions de l’application des peines peuvent également, dans les cas prévus par les deux premiers alinéas, exclure la condamnation du bulletin n° 2 du casier judiciaire. »

Nous proposons une formulation qui permette au juge de l’application des peines, pour les mêmes motifs, d’exclure l’ensemble des condamnations qui pourraient faire obstacle au projet de réinsertion.

M. le président. L'amendement n° 255, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après le mot :

exclure

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-22 du code de procédure pénale :

du bulletin n° 2 du casier judiciaire les condamnations qui font obstacle au projet d'aménagement de peine.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 43 prévoit que le juge d’application des peines peut relever un condamné d’une interdiction professionnelle résultant d’une condamnation pénale ou prononcée à titre complémentaire, et, dans un second temps, qu’il peut exclure du bulletin n° 2 du casier judiciaire l’inscription de la condamnation.

L’objectif est ici de faciliter la réinsertion du condamné. L’article 43 tend à supprimer l’obstacle que constitue l’inscription au casier. Il serait à mon avis bon d’aller plus loin dans cette logique afin de faciliter la réinsertion. Il conviendrait donc de permettre que le jugement puisse dispenser d’inscription sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire non seulement la condamnation en question, mais aussi toute condamnation faisant obstacle au projet d’aménagement de peine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que, tels qu’ils sont rédigés, c’est-à-dire de manière très précise, les amendements nos 158 et 255 sont tout à fait intéressants et ajoutent une précision fort utile.

La commission est donc favorable à ces deux amendements, à ceci près – ce n’est qu’un détail – que l’amendement du groupe CRC-SPG fait référence à l’« aménagement de peine », tandis que celui du groupe socialiste évoque l’« aménagement des peines ».

Je me demande donc si l’idéal ne serait pas de donner satisfaction à l’un comme à l’autre en écrivant « aménagement de peines ». (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’approuve la suggestion que vient de faire M. le rapporteur. Je tiens à dire qu’il s’agit sur le fond de bons amendements. En effet, d’habitude, pour faire supprimer une condamnation du casier judiciaire, il faut saisir de nouveau le juge de l’application des peines, en tenant compte d’un certain délai.

La disposition proposée peut favoriser la réinsertion. J’ajoute que demander simultanément au juge de l’application des peines l’aménagement de la peine et la suppression de l’inscription de la condamnation est à mon avis une très bonne idée.

M. le président. Monsieur Anziani, madame Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur a fait une suggestion quant à la rédaction de ces amendements. Qu’en pensez-vous ?

M. Alain Anziani. Je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi aussi, monsieur le président !

M. le président. Il s’agit donc des amendements identiques nos 158 rectifié et 255 rectifié, ainsi libellés :

Après le mot :

exclure

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-22 du code de procédure pénale :

du bulletin n° 2 du casier judiciaire les condamnations qui font obstacle au projet d'aménagement de peines.

Je les mets aux voix.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 43, modifié.

(L'article 43 est adopté.)

Article 43
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 45

Article 44

I.- La première phrase du premier alinéa de l'article 720-1 est modifiée comme suit :

1° Les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;

2° Le mot : « grave » est supprimé ;

3° Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

II. - Le deuxième alinéa de l'article 720-1-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, en cas d'urgence, lorsque le pronostic vital est engagé, la suspension peut être ordonnée au vu d'un certificat médical établi par le médecin responsable de la structure sanitaire dans laquelle est pris en charge le détenu ou son remplaçant. »

III. - Le second alinéa de l'article 712-22 est complété par les mots : «, soit en cas de délivrance du certificat médical visé à la seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 720-1-1 ».

M. le président. L'amendement n° 256, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 720-1 est supprimée.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons déposé deux amendements sur l’article 44, en vue de modifier les articles 720-1 et 720-1-1 du code de procédure pénale.

L’amendement n° 256 porte sur l’article 720-1. Le projet de loi initial proposait une amélioration de cet article relatif à la suspension ou au fractionnement de l’exécution d’une peine, en faisant porter le reliquat de peine à effectuer à deux ans, au lieu d’un an actuellement.

M. le rapporteur est allé un peu plus loin, en supprimant le caractère de gravité du motif d’ordre médical, familial, professionnel ou social justifiant une suspension de peine.

S’il convient de saluer ces avancées, nous avons néanmoins souhaité supprimer une contrainte pesant sur la personne condamnée bénéficiant de la suspension de peine.

En effet, depuis la loi Perben II du 9 mars 2004, le juge peut soumettre cette personne à des interdictions et obligations, par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal. Il peut s’agir de mesures de contrôle – par exemple, répondre aux convocations du travailleur social ou le prévenir d’un changement d’adresse ou d’emploi –, mais aussi de l’obligation d’établir sa résidence dans un lieu déterminé ou encore de justifier d’une contribution aux charges familiales.

Assortir la suspension de peine de ces contraintes tend à laisser planer l’idée qu’il s’agirait d’une faveur accordée au condamné, ce qui n’est pas le cas. Cela est encore moins vrai si la suspension de peine est accordée au motif que le pronostic vital du détenu est engagé. Nous aborderons ce sujet à l’occasion du prochain amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le maintien de la possibilité de soumettre le condamné qui bénéficie d’une suspension de peine pour motif d’ordre médical, familial, professionnel ou social – la commission a d’ailleurs décidé de supprimer l’exigence selon laquelle ce motif devait être grave – à diverses obligations et interdictions paraît pleinement justifié à la commission.

Les obligations en question peuvent consister, par exemple, à prévenir le travailleur social de ses changements de résidence ou de tout déplacement dont la durée excéderait quinze jours et à rendre compte de son retour, à suivre un traitement médical ou encore à réparer en tout ou partie, en fonction de ses facultés contributives, les dommages causés par l’infraction.

Quant aux interdictions, elles peuvent consister à s’abstenir de paraître en certains lieux ou d’entrer en relation avec certaines personnes, notamment la victime de l’infraction.

Il n’y a là vraiment rien de choquant. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 256.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable, et ce pour les mêmes raisons. En effet, la possibilité d’assortir les suspensions de peine d’obligations et d’interdictions répond à une demande des praticiens, car elle favorise précisément le recours aux mesures de suspension.

Le fait de pouvoir suivre un traitement, exercer une activité professionnelle ou s’occuper d’un membre de sa famille en difficulté est évidemment important. La suspension de peine ne signifie pas pour autant que la personne n’est plus condamnée et qu’elle n’aurait plus à être contrôlée, notamment afin d’éviter la récidive. C’est une suspension, mais sous contrôle.

Il en va, une fois encore, du principe d’égalité, qui doit s’appliquer à tous, y compris dans le domaine judiciaire.

Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 256.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 256.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 257, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

I. - Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au début du premier alinéa de l'article 720-1-1, les mots : « Sauf s'il existe un risque grave de renouvellement de l'infraction, » sont supprimés.

II. - Après le II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

.. - Les cinquième et septième alinéas du même article sont supprimés.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je me demande bien si vous allez me faire la même réponse que précédemment ! (Sourires.)

Les restrictions imposées sont particulièrement choquantes lorsque la personne concernée est atteinte d’une maladie tellement grave que son maintien en détention est incompatible avec son état de santé. En effet, les personnes bénéficiant d’une suspension de peine au motif que leur état de santé est incompatible avec l’incarcération sont en général, hélas ! des personnes en fin de vie. Dès lors, elles doivent pouvoir finir leur vie dans la dignité.

Quel est, de surcroît, le risque de renouvellement de l’infraction lorsque la mort est inéluctable et que l’état de santé de la personne ne laisse pas envisager de guérison ?

Les restrictions introduites par la loi de 2005 nous avaient particulièrement scandalisés à l’époque. Elles suscitent aujourd’hui encore notre incompréhension.

Avant ces modifications, l’article 720-1-1 du code de procédure pénale n’avait pourtant pas eu pour effet de libérer des centaines de détenus ! Il avait simplement permis d’introduire un peu d’humanité, ainsi que le principe de respect de la dignité humaine, auquel les personnes ayant été emprisonnées et se trouvant en fin de vie ont droit elles aussi.

Nous demandons donc la suppression des restrictions apportées par la loi du 12 décembre 2005 en ce qui concerne la suspension de peine dans le cas où le pronostic vital du détenu est engagé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je rappellerai tout d’abord que l’article 720-1-1, dont nous parlons ici, est dû à une initiative de notre collègue Pierre Fauchon.

Les deux « contraintes » imposées par la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales aux personnes condamnées qui bénéficient d’une suspension médicale de peine, en raison, soit d’une « pathologie engageant le pronostic vital », soit d’un « état de santé […] durablement incompatible avec le maintien en détention » – ce n’est pas tout à fait pareil –,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui ! Ce n’est pas la même chose.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … paraissent toujours justifiées.

Il n’y a rien de choquant non plus à systématiser les expertises, intervenant tous les six mois, auxquelles la personne bénéficiant d’une suspension de peine peut être soumise afin de s’assurer que les conditions de suspension restent vérifiées. Je ne pense pas que ce soit attentatoire à la dignité de ces personnes.

Enfin, la suppression de la faculté donnée au juge de refuser d’accorder une suspension de peine pour motif médical en cas de risque grave de renouvellement de l’infraction ne paraît pas non plus justifiée. Cette faculté a été introduite, je le rappelle, par la loi du 12 décembre 2005, conformément au vœu de notre commission des lois et du Sénat. Je cite notre collègue François Zocchetto, rapporteur de ce texte, qui avait souligné « le risque qu’une personne, même diminuée physiquement, puisse reprendre ses activités criminelles si elle fait l’objet d’une libération ; tel pourrait être en particulier le cas du dirigeant d’une organisation criminelle ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En conformité avec la position exprimée par notre commission des lois et par le Sénat en 2005, la commission est défavorable à l’amendement n° 257.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La possibilité de suspendre une peine criminelle pour des raisons médicales graves a été incontestablement une avancée notable dans notre droit. Mais, M. le rapporteur l’a rappelé, il faut aussi tenir compte de la réalité. Je pourrais citer le cas de certaines personnes ayant participé à des activités terroristes extrêmement graves et qui, une fois remises en liberté, ont de nouveau fait l’apologie de telles activités.

Il paraît donc tout à fait logique, légitime et juste de laisser au juge la possibilité, d'une part, d’imposer un certain nombre d’interdictions, au premier rang desquelles celle de rencontrer la victime, et, d'autre part, de maintenir le principe d’expertises médicales régulières pour vérifier que les conditions de la suspension de peine sont toujours réunies.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je suis effectivement à l’origine du texte auquel Mme Borvo Cohen-Seat s’est référée tout à l’heure. L’article en question prévoit la mise en liberté des détenus, mais dans deux cas extrêmement précis, que nous avions clairement indiqués et auxquels il faut rester fidèle.

À l’époque, on m’avait d’ailleurs dit qu’il pouvait suffire d’être très âgé – on discutait alors du cas de Maurice Papon – pour bénéficier de la libération. J’avais répondu par la négative au motif qu’on peut tout à fait être très âgé sans pour autant se trouver en fin de vie ou être dans l’impossibilité de se voir administrer des soins en détention.

Il faut par conséquent s’en tenir à ces deux cas prévus et ne pas étendre la mesure. Je souscris donc totalement aux propos de M. le rapporteur.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 257.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 44.

(L’article 44 est adopté.)

Article 44
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 46

Article 45

L’article 720-5 est ainsi modifié :

1° La première phrase, est complétée par les mots : « ou du placement sous surveillance électronique » ;

2° À la seconde phrase, après les mots : « semi-liberté », sont insérés les mots : « ou le placement sous surveillance électronique ». – (Adopté.)

Article 45
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 47

Article 46

I. - Le premier alinéa de l’article 723 est ainsi rédigé :

« Le condamné admis au bénéfice du placement à l’extérieur est astreint, sous le contrôle de l’administration, à exercer des activités en dehors de l’établissement pénitentiaire. »

II. - L’article 723-1 est ainsi rédigé :

« Art. 723-1. - Le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur, soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans.

« Le juge de l’application des peines peut également subordonner la libération conditionnelle du condamné à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur, pour une durée n’excédant pas un an. La mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur peut être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729. »

III. - Le premier alinéa de l’article 723-7 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 723-7. - Le juge de l’application des peines peut prévoir que la peine s’exécutera sous le régime du placement sous surveillance électronique défini par l’article 132-26-1 du code pénal, soit en cas de condamnation à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans, soit lorsqu’il reste à subir par le condamné une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans.

« Le juge de l’application des peines peut également subordonner la libération conditionnelle du condamné à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de placement sous surveillance électronique, pour une durée n’excédant pas un an. La mesure de placement sous surveillance électronique peut être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729. »

M. le président. L’amendement n° 258, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l’article 723-1 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

un an

par les mots :

deux ans

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame le garde des sceaux, vous avez notamment fait allusion à une personne – vous n’avez pas cité de nom, je ferai de même – qui aurait fait l’apologie d’actes terroristes après sa libération. Permettez-moi tout de même de corriger votre propos, car vous savez très bien que ce n’est pas tout à fait exact ! (M. Jean-Pierre Fourcade manifeste son désaccord.) Nous combattons tous le terrorisme, bien évidemment, mais il convient d’être précis dans les termes employés : il y a certes eu des déclarations, mais il n’y a jamais eu d’apologie des actes terroristes !

J’en viens maintenant à l’amendement n° 258. Créée par la loi du 14 août 1885, la libération conditionnelle est une mesure à laquelle il est de moins en moins fait recours aujourd’hui. Vous nous avez expliqué qu’elle était pourtant, depuis peu, en progression. Cela ne doit pourtant pas occulter le fait que les décisions d’octroi de cette libération conditionnelle ont diminué de moitié depuis trente ans. Il n’est donc pas du tout certain que l’on rattrape le temps perdu !

Cela a été démontré, les personnes libérées dans le cadre d’une libération conditionnelle récidivent moins que celles qui ont été libérées en fin de peine. Il y a donc une grande contradiction entre la théorie et la pratique en matière de récidive.

Contrairement à nombre d’idées reçues, la mise en liberté sous condition n’est pas un acte de clémence ou de pardon de la part d’un gouvernement, et elle ne remet pas en question la décision du juge. Il s’agit d’une mesure d’application de la sentence d’emprisonnement, parce qu’elle intervient au cours de celle-ci et qu’elle peut en modifier les modalités d’application. Elle constitue en fait le complément et le prolongement de cette décision.

La mise en liberté sous condition favorise la réévaluation de la situation du criminel, ainsi que la détermination du meilleur moment pour modifier son statut et lui permettre ainsi de compléter sa sentence dans la communauté, tout en s’assurant que les buts visés par la libération conditionnelle sont atteints. Par rapport à la prison, le système de la libération conditionnelle permet au détenu d’être davantage réinséré socialement, et ce de façon progressive et surveillée pour mieux protéger la société.

Dans certains cas, la libération conditionnelle peut être subordonnée à l’exécution, à titre probatoire, d’une mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur. Le projet de loi clarifie cette situation, en précisant que ces mesures peuvent être exécutées un an avant la fin du temps d’épreuve prévu à l’article 729 du code de procédure pénale, qui réglemente la libération conditionnelle.

Afin de favoriser les mesures alternatives, nous proposons d’aller plus loin et de porter ce délai à deux ans, comme le prévoyait d’ailleurs le texte initial du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, il y a manifestement une incompréhension entre nous, car, sur ce sujet, le groupe CRC-SPG et la commission des lois sont d’accord sur l’essentiel.

C’est la commission qui, par l’adoption d’un amendement, a prévu que la mesure de semi-liberté ou de placement à l’extérieur puisse être exécutée un an avant la fin du temps d’épreuve. Il s’agit, effectivement, d’une avancée.

On ne voit pas très bien l'intérêt de permettre l’octroi, deux ans avant la fin du temps d’épreuve nécessaire pour pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle, d’une mesure probatoire de semi-liberté, de placement à l’extérieur ou de placement sous surveillance électronique d’une durée maximale d’un an.

Que se passera-t-il en effet pendant l’année précédant la fin du temps d’épreuve ? La personne condamnée devra être de nouveau écrouée, ce qui ruinera les effets bénéfiques de la mesure d’aménagement de peine.

La disposition proposée dans cet amendement s’avère moins favorable aux intérêts des personnes condamnées que le texte de la commission. Je suis sûr que telle n’est pas du tout votre intention, ni celle de vos collègues, madame Borvo Cohen-Seat. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Madame Nicole Borvo Cohen-Seat, l’amendement n° 258 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, nous ne sommes d’accord qu’en apparence. Nous proposons bien que le détenu puisse bénéficier d’une telle mesure deux ans avant et qu’il ne soit pas réincarcéré si celle-ci s’avère concluante.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, la durée du temps d’épreuve n’est pas modifiée. Par conséquent, même si ces mesures sont octroyées deux ans avant, elles cesseront au bout d’un an, ce qui créera une période de vide. Or, en l’état actuel du droit, il n'y aura pas d’autre solution que de remettre les personnes concernées en prison. Cela n’a pas de sens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 259, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 723-7 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

un an

par les mots :

deux ans

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le rapporteur, contrairement à ce que vous allez sans doute nous dire, nous ne nous enferrons pas dans l’erreur, car nous ne sommes pas favorables à ce que les mesures de placement sous surveillance électronique excèdent un an.

Dans un premier temps, le bracelet électronique a été présenté comme une solution alternative efficace. Après maintenant douze années d’application, les questions à son propos se multiplient.

Je formule donc une nouvelle fois la même demande : l’utilisation du bracelet électronique mérite vraiment une évaluation sérieuse de ses conséquences sur la personne, d’autant que – les chiffres le prouvent – il est de plus en plus fait recours à ce dispositif.

Nous défendons l’idée de pouvoir prendre des mesures de placement deux ans avant la fin du temps d’épreuve prévu, afin de permettre aux magistrats et aux détenus d’anticiper le mieux possible le moment de la liberté conditionnelle. Il faut mener une réflexion sur ces mesures de placement et évaluer le plus finement possible celles qui sont les plus pertinentes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Madame Borvo Cohen-Seat, il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement précédent. Comme vous, nous ne souhaitons pas que la mesure de placement sous surveillance électronique puisse durer plus d’un an. Pour le moment, il règne toujours une certaine incompréhension entre nous, mais nous arriverons certainement à la dissiper. Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 259.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 46.

(L'article 46 est adopté.)

Article 46
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 48

Article 47

L'article 729 est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par six alinéas ainsi rédigés :

« Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle lorsqu'ils justifient :

« 1° Soit de l'exercice d'une activité professionnelle, d'un stage ou d'un emploi temporaire ou de leur assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ;

« 2° Soit de leur participation essentielle à la vie de leur famille ;

« 3° Soit de la nécessité de suivre un traitement médical ;

« 4° Soit de leurs efforts en vue d'indemniser leurs victimes ;

« 5° Soit de tout autre projet sérieux d'insertion ou de réinsertion. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le condamné est âgé de plus de soixante-dix ans, les durées de peines accomplies prévues par le présent article ne sont pas applicables et la libération conditionnelle peut être accordée dès lors que l'insertion ou la réinsertion du condamné est assurée, en particulier s'il fait l'objet d'une prise en charge adaptée à sa situation à sa sortie de l'établissement pénitentiaire ou s'il justifie d'un hébergement, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public. »

M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du 1° de cet article, après le mot :

temporaire

insérer les mots :

ou saisonnier

Cet amendement a été précédemment retiré.

Je suis maintenant saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 260, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve des dispositions de l'article 132-23 du code pénal, la libération conditionnelle peut être accordée lorsque la durée de la peine accomplie par le condamné est au moins égale à la durée de la peine lui restant à subir.

« Sauf en cas de refus, les condamnés sont soumis de droit à une mesure de libération conditionnelle lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. Les modalités pratiques de la mesure et les obligations particulières sont fixées par ordonnance du juge de l'application des peines selon la procédure prévue à l'article 712-8. » ;

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. S’il est évidemment positif que l’octroi de la libération conditionnelle soit élargi, il faut, me semble-t-il, aller plus loin. Je ne suis pas seule à penser ainsi, puisqu’une dizaine d’organisations directement concernées sont de cet avis.

Hormis pour les détenus de plus de soixante-dix ans – âge fixé par la commission des lois au travers d’un amendement –, pour lesquels la libération conditionnelle peut intervenir à tout moment, sauf risque de trouble à l’ordre public, l’article 47 ne prévoit aucune modification des délais d’exécution de peine permettant d’accéder à une mesure de libération conditionnelle.

Nous souhaitons introduire en droit français un système de libération conditionnelle mixte : discrétionnaire à mi-peine et d’office aux deux tiers de la peine.

Les mesures de libération conditionnelle représentaient 13,1 % en 2001 et sont tombées depuis à moins de 10 %. Comme l’a souligné la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou CNCDH, dans son avis du 14 décembre 2006 sur les alternatives à la détention, « la pression sociale fait peser sur les juridictions de l’application des peines une exigence de "risque zéro" qui paralyse le système d’octroi des libérations conditionnelles. » Ajoutons que cette pression est orchestrée et relayée largement par les médias.

La CNCDH a alors demandé au ministère de la justice d’envisager la mise en place d’un système de libération conditionnelle d’office, s’inspirant de celui de la Suède ou du Canada.

Une telle mesure continuerait de participer de la peine, puisqu’elle en reste constitutive et, d’ailleurs, assortie de multiples obligations et d’un contrôle, et non d’une quelconque réduction de la peine. Mais elle s’effectuerait en milieu ouvert.

Tout le monde s’accorde à considérer que, par rapport aux « sorties sèches », la libération conditionnelle contribue mieux à la réinsertion – mais il n’en est pas beaucoup tenu compte ! – et à lutter contre la récidive.

La mesure que nous proposons permettrait de répondre au double objectif de la peine : sanctionner et réintégrer.

Elle contribuerait aussi à réduire la surpopulation carcérale, améliorant les conditions de détention. Ajoutons qu’elle favoriserait un changement nécessaire dans l’organisation et le fonctionnement des établissements pénitentiaires, en permettant à l’administration pénitentiaire de dépasser sa mission de surveillance pour placer au cœur de son fonctionnement celle de préparation à la sortie et à la réinsertion. Permettez-moi de rappeler une réalité : les détenus sortent de toute façon de prison un jour ou l’autre, sauf, bien sûr, ceux qui, en vertu des nouvelles dispositions prises, quitteront une prison pour aller dans une autre !

Évidemment, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, cela suppose des moyens humains et budgétaires, notamment une augmentation importante des juges de l’application des peines et des personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Mes chers collègues, si vous souhaitez vraiment améliorer les choses, soyez conséquents avec vous-mêmes et adoptez notre proposition, soutenue, je le rappelle, par nombre d’associations.

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Avant le 2° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Les deux dernières phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf en cas de refus, les condamnés sont soumis de droit à une mesure de libération conditionnelle lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. Les modalités pratiques de la mesure et les obligations particulières sont fixées par ordonnance du juge de l'application des peines selon la procédure prévue à l'article 712-8. » ;

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de compléter le premier alinéa de l’article 729 du code de procédure pénale, en créant les conditions d’un système de libération conditionnelle automatique aux deux tiers de la peine, qui vient s’ajouter à la liberté conditionnelle discrétionnaire à mi-peine prévue par la première phrase du second alinéa de ce même article. Ce système a d’ailleurs été préconisé par de nombreux rapports, notamment celui de la CNCDH.

Il faut aujourd’hui en finir avec le système des sorties sèches, qui ont un effet désastreux sur les possibilités de réinsertion du détenu. La libération conditionnelle d’office a pour avantage d’externaliser le temps de détention et de permettre justement de créer un sas entre la détention et la liberté.

Nous devons absolument favoriser le recours à la liberté conditionnelle : elle est aujourd’hui sous-exploitée en tant qu’alternative à l’emprisonnement.

Alors que la libération conditionnelle devrait être la mesure centrale d’aménagement des peines, elle n’a pas cessé, après les lois Perben II de 2004 et Clément de 2005, d’être réduite à néant. Nous devons donc la restaurer, et c’est d’ailleurs ce que nous propose M. le rapporteur.

Mais il faut aller plus loin, en créant un dispositif de liberté conditionnelle d’office aux deux tiers de la peine, sans distinction entre récidivistes et non-récidivistes.

Je vous renvoie, mes chers collègues, aux études particulièrement instructives de Pierre-Victor Tournier, directeur de recherche au CNRS, et corédacteur de la recommandation du Conseil de l’Europe sur la liberté conditionnelle. Ce célèbre démographe prône une généralisation de la libération conditionnelle discrétionnaire à mi-peine et son évolution graduelle vers un système de libération conditionnelle d’office, pour les non-récidivistes comme pour les récidivistes, en fonction des progrès réalisés dans l’avenir en matière d’aménagement de peine.

La suppression de la distinction entre récidivistes et non-récidivistes se justifie pleinement dans la mesure où l’état de récidive est déjà pris en compte au niveau du quantum de la peine prononcée par la juridiction de jugement. L’état de récidive ne doit donc pas justifier le report d’une libération conditionnelle. Seuls les efforts de réinsertion et les garanties apportées par le détenu doivent entrer en ligne de compte. C’est d’ailleurs la position qu’avait adoptée le comité d’orientation restreint mis en place par la Chancellerie et qui n’a pas été retenue dans le projet de loi.

C’est donc une innovation majeure que nous vous proposons aujourd’hui, innovation qui profite et au détenu et à l’administration pénitentiaire en ce qu’elle permettra à cette dernière de mieux assurer sa fonction de réinsertion.

M. le président. L’amendement n° 162 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa sont supprimées ;

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement tend à aligner le régime applicable aux récidivistes pour le bénéfice de la libération conditionnelle sur le régime de droit commun.

Notre raisonnement est simple : la libération conditionnelle n’est pas une mesure de faveur. Elle comporte d’ailleurs des mesures d’interdiction, des obligations, des contrôles et des sanctions, dont la principale est une nouvelle incarcération. Il s’agit selon nous d’un outil de réinsertion qui doit, à ce titre, bénéficier aux récidivistes encore plus qu’aux autres détenus. Nous ne voyons donc pas pourquoi ces derniers seraient soumis à un régime dérogatoire, et nous demandons l’application du droit commun.

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. L’amendement n° 161 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant le 2° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf en cas de refus, les condamnés sont soumis de droit à une mesure de libération conditionnelle lorsque la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir. Les modalités pratiques de la mesure et les obligations particulières sont fixées par ordonnance du juge de l'application des peines selon la procédure prévue à l'article 712-8. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement, qui ressemble fortement à l’amendement n° 48 rectifié de M. Jean Desessard, a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 260 a pour objet de prévoir la libération conditionnelle automatique des condamnés ayant purgé les deux tiers de leur peine, y compris s’il s’agit de récidivistes.

Pour la commission des lois, les juridictions de l’application des peines doivent pouvoir refuser l’octroi d’une mesure d’aménagement de peine, singulièrement d’une libération conditionnelle, pour des motifs autres que le seul refus de la personne condamnée.

La commission estime que la libération conditionnelle constitue la mesure d’aménagement de peine qui contribue le plus efficacement à la prévention de la récidive, notamment parce que son octroi est entouré de précautions suffisantes. Évitons d’introduire le risque de la discréditer en la rendant systématique sans tenir compte de la situation et de la personnalité des intéressés ! J’ajoute qu’il paraît toujours aussi légitime de soumettre à un régime plus sévère les récidivistes par rapport aux primo-délinquants.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 48 rectifié, 162 rectifié et 161 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces amendements tendent à instaurer, d’une part, une libération conditionnelle automatique, à mi-peine ou aux deux tiers de la peine, et, d’autre part, un régime unique en matière de quantums de peine pour l’octroi de cette mesure.

La libération conditionnelle est, à mon sens, le meilleur outil de réinsertion et de lutte contre la récidive. Mais si elle devient automatique, pourquoi un condamné sachant qu’il sera automatiquement libéré à mi-peine ferait-il des efforts de réinsertion au cours de sa détention ? Telle est la réalité !

Je prendrai l’exemple de l’affaire Evrard. Francis Evrard, qui est toujours présumé innocent, avait été condamné à vingt-sept ans d’incarcération et en a effectué dix-neuf. Il a ensuite bénéficié d’une libération conditionnelle, alors qu’il n’avait fourni aucun effort de réinsertion au cours de sa détention.

Pour que la libération conditionnelle produise pleinement ses effets, il faut tout de même qu’un certain nombre de critères de bonne conduite soient remplis et qu’aient été accomplies des démarches en termes d’apprentissage, d’éducation, de formation ou de suivi de soins. Sinon, cela n’aurait aucun sens ! Ainsi l’octroi de mesures de libération conditionnelle pour les délinquants sexuels est-il subordonné à une obligation de soins.

La libération automatique, au terme de dix ans d’incarcération, d’un détenu condamné à vingt ans d’emprisonnement serait totalement injuste et dépourvue d’effet sur le plan de la réinsertion. Nous devons donc prévoir des critères objectifs de réinsertion permettant de bénéficier d’une mesure de libération conditionnelle. Je suis, pour ma part, totalement défavorable à l’automaticité de cet aménagement de peine.

Le nombre de libérations conditionnelles a augmenté de plus de 10 % entre 2007 et 2008, après avoir stagné lors des années précédentes. Il faut que les détenus donnent des gages de réinsertion pour pouvoir bénéficier de cette mesure. J’ajoute qu’il est d’autant moins question de rendre la libération conditionnelle automatique que cette mesure concerne souvent des cas très lourds.

Quant à la différence faite entre les détenus en termes de quantums applicables pour l’octroi de la libération conditionnelle – mi-peine pour les primo-délinquants, deux tiers de peine pour les récidivistes –, elle est tout à fait légitime : les récidivistes ont déjà bénéficié de plusieurs chances de réinsertion, mais n’en ont pas profité ; le fait d’être soumis à un quantum de peine plus important avant de pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle les incitera peut-être à donner davantage de gages de réinsertion.

Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Nous avons une divergence de fond avec Mme le garde des sceaux. Selon nous, la libération conditionnelle est moins une récompense pour le détenu qui s’est bien conduit pendant sa détention qu’une possibilité de réapprentissage de la liberté, ...

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Alain Anziani. ... c’est-à-dire une possibilité de réapprendre à vivre dans le monde normal, en respectant des règles, de revoir un certain nombre de personnes, d’assumer des obligations, etc. Il s’agit donc d’abord d’un outil de réinsertion.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage le point de vue de M. Anziani.

Si encore vous nous disiez, madame le garde des sceaux, que l’on ne peut pas accorder automatiquement la libération conditionnelle, car certains détenus ne font aucun effort – encore faudrait-il s’interroger sur leurs raisons ; mais c’est un autre sujet ! – et ont des comportements répréhensibles, mais que vous êtes au moins d’accord avec nous pour qu’une demande de libération conditionnelle soit automatiquement examinée après un nombre précis d’années de détention, je pourrais le comprendre ! Or vous refusez même d’envisager cette possibilité.

Pourtant, il ne s’agit pas d’une idée farfelue ! Cela fait des années qu’elle fait l’objet d’une large réflexion tendant à donner tout son sens à la réinsertion et à la rendre possible. En effet, pour de nombreux détenus condamnés à de longues peines, la réinsertion est devenue impossible. Certes, il fut un temps où ces détenus mouraient avant leur libération, ce qui est heureusement moins le cas aujourd’hui. Mais lorsque des détenus en viennent à dire qu’ils préfèrent la peine de mort à la prison, il convient tout de même de se poser la question des longues peines !

Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens l’amendement n° 260. On ne peut pas refuser indéfiniment de s’interroger sur les longues peines et d’envisager la réinsertion de façon humaine.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 260.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 48 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 162 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 161 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 261, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après le 1° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, le temps d'épreuve est de quinze années. » ;

...° Le quatrième alinéa est supprimé ;

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a modifié l’article 729 du code de procédure pénale relatif à la libération conditionnelle, en allongeant le délai maximal d’épreuve pendant lequel il ne peut être accordé de mesures d’aménagement de peine. Ce délai a été porté de quinze ans à vingt ans pour les récidivistes condamnés à une peine à temps, de quinze ans à dix-huit ans pour les condamnés à perpétuité non récidivistes, et de quinze ans à vingt-deux ans pour les récidivistes.

Il s’agit ici, une fois de plus, d’une incompatibilité entre la politique gouvernementale antérieure et le texte que nous examinons aujourd’hui. Comment peut-on vouloir privilégier les peines alternatives et l’accompagnement du détenu en vue de sa réinsertion après avoir considérablement durci les conditions d’obtention d’une libération conditionnelle, dont l’utilité sociale a pourtant été maintes fois prouvée ?

En somme, il faut faire un choix : soit vous décidez de donner les moyens d’améliorer l’accompagnement des détenus en préparant leur sortie de prison, ce que nous appuyons, soit vous refusez de revenir sur une politique répressive ayant pour conséquence une désocialisation accrue des détenus.

Pour notre part, nous considérons que l’allongement de la durée d’emprisonnement nécessaire pour obtenir une libération conditionnelle n’a pas prouvé son effet dissuasif. C’est pourquoi nous vous demandons de revenir sur la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales, ainsi que sur les dispositions relatives aux peines plancher et à la rétention de sûreté.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je rappelle que l’article 47 assouplit considérablement les conditions d’octroi de la libération conditionnelle, ce qui me paraît très important.

La durée d’incarcération exigée pour demander à bénéficier de la libération conditionnelle, communément appelée « temps d’épreuve », diffère, depuis la loi du 16 décembre 1992, suivant que le condamné est en état de récidive légale ou non ! Si je puis me permettre cette lapalissade, 1992, c’était avant 1993 !

La loi du 12 décembre 2005 a simplement introduit de la cohérence dans l’échelle des sanctions, en prévoyant que, pour un condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, la libération conditionnelle ne peut intervenir avant l’expiration d’un temps d’épreuve de dix-huit ans, contre quinze ans auparavant, porté à vingt-deux ans en cas de récidive. Il s’agissait d’éviter de traiter de la même manière le récidiviste condamné à une peine « à temps » et celui condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette explication reste pertinente.

Quant à la loi du 10 août 2007, elle a subordonné la libération conditionnelle d’une personne condamnée pour un crime ou un délit pour lequel le suivi socio-judiciaire est encouru à l’acceptation d’un traitement pendant son incarcération et à l’engagement de suivre un traitement après sa libération.

Il ne paraît pas souhaitable de revenir sur ces modifications moins de quatre ans après leur adoption, pour l’une de ces lois, et moins de deux ans après leur adoption, pour l’autre loi.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 261.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 262, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :

soixante-dix

par les mots :

soixante-cinq

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. « En France, il n’existe pas de limite d’âge pour effectuer une condamnation » : c’est ainsi que commence le rapport de législation comparée du Sénat, de novembre 2001, sur les détenus âgés.

Les dispositions en vigueur en Allemagne, en Angleterre, au Pays de Galles, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en Italie ont ainsi été analysées. Contrairement aux autres pays, seules l’Espagne et l’Italie ont adopté des mesures prenant en compte l’âge des détenus. En Espagne, à partir de soixante-dix ans, les détenus peuvent obtenir leur libération conditionnelle plus facilement que les détenus plus jeunes. Les condamnés âgés de plus de soixante ans, s’ils sont handicapés, même partiellement, peuvent exécuter leur peine à domicile ou dans un établissement de soins.

En France, la prise en compte de l’âge des détenus pour le bénéfice d’une libération conditionnelle constitue un progrès, à condition bien sûr que l’âge retenu ne soit pas trop élevé. Or le projet de loi initial prévoyait que la libération conditionnelle pouvait être accordée aux condamnés âgés de plus de soixante-quinze ans. Nous avions proposé en commission, et alors que le rapporteur prévoyait d’abaisser cet âge à soixante-dix ans, de l’abaisser encore davantage pour le ramener à soixante-cinq ans, ce qui est toujours plus qu’en Espagne en cas de handicap, même partiel, du détenu.

Abaisser cet âge est essentiel alors que les détenus âgés sont de plus en plus nombreux dans des établissements pénitentiaires de surcroît inadaptés à leur grand âge.

Le rapport de la commission d’enquête du Sénat sur les prisons, rendu en 2000, faisait déjà le constat que, « en vingt ans, le nombre de détenus âgés de plus de soixante ans avait été multiplié par cinq ».

Le vieillissement de la population pénitentiaire est dû à l’augmentation des longues peines, au faible taux d’aménagement de peine, à la pression de l’opinion publique, et peut-être aussi au fait que, sur une très longue période, la durée de vie augmente et les détenus sont un peu mieux traités. Cela étant dit, ces derniers meurent tout de même plus tôt que le reste de la population. Certains détenus – certes, ils sont peu nombreux – sont derrière les barreaux depuis quarante ans !

C'est la raison pour laquelle nous avons à nouveau déposé cet amendement, qui n’a pas été adopté en commission, dont l’objet est d’abaisser à soixante-cinq ans l’âge à partir duquel une personne détenue peut obtenir une libération conditionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a déjà décidé de permettre la libération conditionnelle sans condition de délai des personnes condamnées incarcérées de plus de soixante-dix ans, et pas seulement de celles de plus de soixante-quinze ans, tout en subordonnant l’octroi de cette mesure à l’absence de risque grave de renouvellement de l’infraction.

Abaisser encore ce seuil, en le fixant à soixante-cinq ans, pourrait se révéler excessif, et une telle mesure risquerait l’inconstitutionnalité. En effet, l’inégalité de traitement entre les condamnés qui resteraient contraints d’exécuter un temps d’épreuve pour pouvoir bénéficier d’une libération conditionnelle et ceux qui en seraient dispensés ne peut se justifier, au regard des exigences constitutionnelles, que par une différence objective de situation.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Plus le seuil est abaissé, moins cette différence paraît justifiée.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de l’amendement n° 262 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement a souhaité que ce projet de loi prévoie une avancée pour les détenus âgés. La population carcérale étant de plus en plus vieillissante, il importe de faire bénéficier les détenus âgés de mesures d’aménagement de peine.

Initialement, la libération conditionnelle était conditionnée à la formation et à l’activité. Cette disposition était donc destinée prioritairement aux détenus jeunes, en âge d’exercer une activité.

La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a étendu cette mesure aux détenus exerçant l’autorité parentale, ce qui facilitait la réinsertion, en favorisant la responsabilité et le retour à l’activité.

Aujourd'hui, vous souhaitez aller plus loin encore, en assouplissant les critères d’application de la libération conditionnelle, pour permettre aux personnes âgées d’en bénéficier. Mais abaisser ce seuil à soixante-cinq ans aboutirait à gommer toute distinction entre les détenus, et donc à faire perdre du sens à la mesure.

Le texte de la commission ramène cette limite à soixante-dix ans. Or je rappelle que certains détenus âgés, condamnés souvent pour des affaires de mœurs très graves et ayant bénéficié d’une libération conditionnelle, ont récidivé ; nous en avons eu l’exemple récemment. Il faut donc faire très attention et ne pas octroyer ce type de mesure de manière automatique.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 262.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 263, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

d'un hébergement

supprimer la fin du second alinéa du 2° de cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à lever les restrictions liées à la libération conditionnelle.

Madame le garde des sceaux, vous me répondez que le Gouvernement en fait déjà beaucoup et ne peut faire plus !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Faisons déjà avec cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’appréhende pas la situation ainsi.

Sous prétexte que la libération conditionnelle a été étendue aux détenus exerçant l’autorité parentale sur un enfant âgé de moins de dix ans, il n’est pas possible d’abaisser l’âge des détenus qui pourraient également en bénéficier. Ce ne sont pas les mêmes. Le problème de l’âge est spécifique !

Pourquoi la France ne prendrait-elle pas exemple sur les pays qui ont mis en place des mesures différentes, notamment en abaissant ce seuil à soixante ans ? Penser que ces pays sont laxistes est une aberration !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Elle considère que, jusqu’à soixante-dix ans, les risques de renouvellement de l’infraction demeurent, notamment en matière de criminalité organisée, où l’âge est loin de constituer un obstacle !

Quant au trouble à l’ordre public, il suffit d’évoquer le cas de Maurice Papon pour comprendre l’intérêt de cette restriction.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Papon n’est pas resté en prison très longtemps, lui !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable pour les mêmes raisons. Soixante ans, c’est encore jeune…Mieux vaut laisser le seuil à soixante-dix ans.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 263.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 47.

(L'article 47 est adopté.)

Sous-section 2

Des procédures simplifiées d'aménagement des peines

Article 47
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel après l'article 48

Article 48

I. - L'article 723-14 devient l'article 723-13-1, et l'intitulé de la section 7 du chapitre II du titre II du livre V ainsi que l'article 723-15 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Section 7

« Des procédures simplifiées d'aménagement des peines

« Art. 723-14. - Les personnes condamnées à de courtes peines d'emprisonnement, qu'elles soient libres ou incarcérées, peuvent bénéficier de procédures simplifiées d'aménagement de ces peines dans les conditions et suivant les modalités prévues aux articles 723-15 à 723-27.

« Ces procédures ne sont pas exclusives de l'application des articles 712-4 et 712-6.

« Un décret détermine en tant que de besoin les modalités et les conditions d'application de la présente section.

« Paragraphe 1

« Dispositions applicables aux condamnés libres

« Art. 723-15. - Les personnes non incarcérées, condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement, ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, ou pour lesquelles, en cas de cumul de condamnations, le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à deux ans bénéficient dans la mesure du possible, suivant la procédure prévue au présent paragraphe, d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique, d'un fractionnement ou d'une suspension de peines, d'une libération conditionnelle ou de la conversion prévue à l'article 132-57 du code pénal.

« Préalablement à la mise à exécution de la ou des condamnations, le ministère public informe le juge de l'application des peines ainsi que le service pénitentiaire d'insertion et de probation de cette ou de ces décisions en leur adressant toutes les pièces utiles, parmi lesquelles une copie de la ou des décisions et le bulletin n° 1 du casier judiciaire de l'intéressé.

« Sauf s'il a déjà été avisé de ces convocations à l'issue de l'audience de jugement, en application de l'article 474, le condamné est alors convoqué devant le juge de l'application des peines et devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation, dans des délais qui ne sauraient être respectivement supérieurs à trente et à quarante-cinq jours à compter de leur information par le ministère public, afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine en considération de sa situation matérielle, familiale et sociale et de sa personnalité.

« Art. 723-15-1. - Si, à l'issue de la convocation, une mesure d'aménagement ou la conversion de la peine lui paraît possible et si l'intéressé en est d'accord, le juge de l'application des peines ordonne cette mesure ou cette conversion selon les modalités prévues au premier ou au deuxième alinéa de l'article 712-6. À défaut, il charge le service pénitentiaire d'insertion et de probation d'examiner les modalités d'exécution de la décision qu'il envisage de prendre et, le cas échéant, de lui présenter une autre proposition d'aménagement ou de conversion, dans un délai de deux mois à compter de cette saisine. Au vu du rapport motivé du service pénitentiaire d'insertion et de probation, il peut ordonner l'aménagement ou la conversion de la peine du condamné selon les modalités prévues aux premier ou deuxième alinéas de l'article 712-6.

« Art. 723-15-2. - Si le condamné ne souhaite pas bénéficier d'un aménagement ou d'une conversion de sa peine ou si, au vu du rapport motivé du service pénitentiaire d'insertion et de probation, un tel aménagement ou une telle conversion ne lui paraît pas possible, le juge de l'application des peines peut fixer la date d'incarcération.

« À défaut de décision du juge de l'application des peines dans les quatre mois suivant la communication de la copie de la décision, ainsi que dans les cas prévus par l'article 723-16, le ministère public peut ramener la peine à exécution.

« Si, sauf motif légitime ou exercice des voies de recours, la personne ne se présente pas aux convocations, le juge de l'application des peines en informe le ministère public qui ramène la peine à exécution. »

II. - L'article 723-16 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « procédure, », sont insérés les mots : « soit d'un risque avéré de fuite du condamné », et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Il en est de même si la personne a été condamnée par un jugement contradictoire à signifier à une peine de plus d'un an d'emprisonnement pour des faits commis en récidive. » ;

2° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« Il en informe immédiatement le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation si ceux-ci avaient été saisis en application du premier alinéa de l'article 723-15. »

III. - La division section 8 du chapitre II du titre II du livre V est remplacée par une division paragraphe 2 insérée après l'article 723-18, intitulée : « Dispositions applicables aux condamnés incarcérés » et les articles 723-19 à 723-21 sont ainsi rédigés :

« Art. 723-19. - Les détenus condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à deux ans ou condamnés à une ou des peines d'emprisonnement dont le cumul est inférieur ou égal à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à deux ans bénéficient, sauf impossibilité matérielle, d'une semi-liberté, d'un placement à l'extérieur, d'un placement sous surveillance électronique ou d'une libération conditionnelle, conformément à la procédure prévue par le présent paragraphe.

« Art. 723-20. - Le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant de l'article 723-19, afin de déterminer, après avis du chef d'établissement pénitentiaire, la mesure d'aménagement de la peine la mieux adaptée à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Sauf en cas d'absence de projet sérieux d'insertion ou de réinsertion ou d'impossibilité matérielle de mettre en place une mesure d'aménagement, le directeur, après avoir obtenu l'accord du condamné à la mesure qui lui est proposée, adresse au procureur de la République, en vue de la saisine du juge de l'application des peines, une proposition d'aménagement comprenant le cas échéant une ou plusieurs des obligations et interdictions énumérées à l'article 132-45 du code pénal. À défaut, il lui adresse, ainsi qu'au juge de l'application des peines, un rapport motivé expliquant les raisons pour lesquelles un aménagement de peine ne peut être proposé et en informe le condamné.

« S'il estime la proposition justifiée, le procureur de la République transmet celle-ci pour homologation au juge de l'application des peines. Celui-ci dispose alors d'un délai de trois semaines à compter de la réception de la requête le saisissant pour décider par ordonnance d'homologuer ou de refuser d'homologuer la proposition.

« S'il n'estime pas la proposition justifiée, le procureur de la République en informe le juge de l'application des peines en lui transmettant cette proposition. Il avise également le condamné de sa position. Le juge de l'application des peines peut alors ordonner un aménagement de peine, d'office ou à la demande du condamné, à la suite d'un débat contradictoire conformément aux dispositions de l'article 712-6. Il peut également le faire après avoir reçu le rapport prévu au deuxième alinéa.

« Art. 723-21. - Si aucune mesure d'aménagement n'a été ordonnée un an après l'envoi de la proposition ou du rapport prévus au deuxième alinéa de l'article 723-20 et au plus tard six mois avant la date d'expiration de la peine, la situation du condamné est réexaminée par le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation, selon les modalités prévues au deuxième alinéa de l'article 723-20.

« S'il reste quatre mois d'emprisonnement à exécuter ou si, pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois, il reste les deux tiers de la peine à exécuter, le condamné qui ne fait toujours pas l'objet d'une autre mesure d'aménagement de peine est placé de droit sous surveillance électronique. Cette mesure est constatée par ordonnance du juge de l'application des peines, selon la procédure prévue par le présent paragraphe, sauf en cas d'impossibilité matérielle, de refus du condamné, d'incompatibilité entre sa personnalité et la nature de la mesure ou de risque de récidive. L'ordonnance fixe les mesures de contrôle et les obligations énumérées aux articles 132-44 et 132-45 du code pénal auxquelles il devra se soumettre. »

V. - L'article 723-23 est abrogé.

VI. - L'article 723-24 est ainsi rédigé :

« Art. 723-24. - À défaut de réponse du juge de l'application des peines dans le délai de trois semaines, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut, sur instruction du procureur de la République, ramener à exécution la mesure d'aménagement. Cette décision constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. Elle est préalablement notifiée au juge de l'application des peines. »

VII. - À la première phrase de l'article 723-25, la référence : « 723-21 » est remplacée par les références : « 723-20 ou de l'article 723-23 » et la référence : « 723-20 » est remplacée par la référence : « 723-19 ».

VIII. - L'article 723-27 est ainsi rédigé :

« Art. 723-27. - Pour les condamnés mentionnés à l'article 723-19 et afin de préparer une mesure de semi-liberté, de placement à l'extérieur, de placement sous surveillance électronique ou de libération conditionnelle selon les modalités prévues par le présent paragraphe, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation peut adresser au procureur de la République, aux fins de saisine du juge de l'application des peines, une proposition de permission de sortir, selon les modalités prévues par les articles 723-19 à 723-24. »

IX. - L'article 723-28 est abrogé.

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 163, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Dans le premier alinéa de l'article 723-15 du code de procédure pénale, les mots : « un an » sont remplacés (trois fois) par les mots : « deux ans ».

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 163 est retiré.

L'amendement n° 264, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 723-15 du code de procédure pénale :

« Art. 723-15 - Préalablement à la mise à exécution, à l'encontre d'une personne non incarcérée, d'une condamnation à une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement, ou pour laquelle la durée de la détention restant à subir est inférieure ou égale à deux ans, ou en cas de cumul de condamnations concernant la même personne si le total des peines prononcées ou restant à subir est inférieur ou égal à deux ans, le ministère public communique au juge de l'application des peines, afin de déterminer les modalités d'exécution de la peine, un extrait de la décision accompagné, le cas échéant, de toutes informations utiles. Cette procédure s'applique également aux sursis révoqués, en matière de jours-amende et de contrainte judiciaire.

« Le juge de l'application des peines convoque alors le condamné, sauf si celui-ci a déjà été avisé à l'issue de l'audience de jugement qu'il était convoqué devant ce magistrat, afin de déterminer les modalités d'exécution de sa peine en considération de sa situation personnelle. À cette fin, le juge de l'application des peines peut charger le service pénitentiaire d'insertion et de probation de vérifier sa situation matérielle, familiale et sociale. Le juge de l'application des peines peut alors, d'office, à la demande de l'intéressé ou sur réquisitions du procureur de la République, et selon la procédure prévue par l'article 712-6, ordonner l'une des mesures mentionnées à cet article.

« Si le condamné ne souhaite pas faire l'objet d'une de ces mesures, le juge de l'application des peines peut fixer la date d'incarcération. Si le juge de l'application des peines constate, lors de la première convocation du condamné, que celui-ci ne remplit pas les conditions légales lui permettant de bénéficier d'une mesure particulière d'aménagement de l'exécution de sa peine, il l'informe des modifications à apporter à sa situation pour être en mesure d'en bénéficier et le convoque à nouveau.

« À défaut de décision du juge de l'application des peines dans les quatre mois suivant la communication de l'extrait de la décision ou dans le cas prévu par l'article 723-16, le ministère public ramène la peine à exécution par l'incarcération en établissement pénitentiaire.

« Si, sauf motif légitime ou exercice des voies de recours, la personne ne se présente pas à la convocation, le juge de l'application des peines en informe le ministère public qui ramène la peine à exécution par l'incarcération en établissement pénitentiaire. »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons conserver les dispositions en vigueur à l’article 723-15 du code de procédure pénale, en apportant deux modifications.

Il s’agit de permettre l’application de cet article, d’une part, aux personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à deux ans, contre un an actuellement, ou pour lesquelles la durée de la détention restant à subir est inférieure à deux ans, contre un an actuellement, et, d’autre part, aux sursis révoqués, en matière de jours-amende et de contrainte judiciaire.

L’article 48, combiné à l’article 55 modifiant l’article 474 du code de procédure pénale, bouleverse l’équilibre qui est aujourd’hui trouvé entre le juge de l’application des peines, le JAP, et les services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, et qui a permis une augmentation importante des aménagements de peine. Il laisse au JAP la possibilité de prendre une décision avant l’intervention des conseillers d’insertion et de probation.

La nouvelle procédure pourrait aboutir à la convocation de la personne condamnée devant le service pénitentiaire d’insertion et de probation avant le juge de l’application des peines, ce qui alourdirait considérablement la charge de travail des SPIP.

Je rappelle que chaque conseiller d’insertion et de probation traite en moyenne de 120 à 140 dossiers, et non 80 comme nous l’entendons trop couramment.

Actuellement, un grand nombre d’aménagements de peine sont accordés ou refusés sur le fondement de l’article 723-15, sans saisine du SPIP.

Il est étrange d’encourager les juridictions à prononcer des aménagements de peine ab initio, tout en ne permettant pas que le juge de l’application des peines puisse faire de même, à savoir sans passer par le service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Nous demandons par conséquent que soient maintenues les dispositions de l’article 723-15, sous réserve des propositions que j’ai énoncées.

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 723-15 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Le ministère public informe également, dans les conditions prévues au deuxième alinéa, le juge de l'application des peines et le service pénitentiaire d'insertion et de probation de toute décision de révocation d'un sursis simple, ou assorti d'une mise à l'épreuve, ou de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet d’étendre l’obligation qui s’impose au ministère public d’informer le juge de l’application des peines et le service pénitentiaire d’insertion et de probation de toute décision de révocation d’un sursis simple, ou assorti d’une mise à l’épreuve, ou de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général.

Cette extension se justifie dans la mesure où la procédure instituée par la loi du 9 mars 2004 ne visait que les décisions de condamnation.

Il est proposé de faciliter la circulation de toute décision de révocation d’un sursis simple, ou assorti d’une mise à l’épreuve, ou de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général, de manière à assurer une convocation rapide par le juge d’application des peines et le SPIP, ainsi qu’un examen diligent de la situation du condamné.

M. le président. L'amendement n° 279, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article 723-15-1 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit d’un amendement de coordination.

M. le président. L'amendement n° 280, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article 723-15-2 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Il s’agit également d’un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le texte de la commission assouplit, précise et facilite la mise en œuvre des règles du code de procédure pénale permettant aux personnes qui ont été condamnées à une courte peine privative de liberté mais qui n’ont pas été immédiatement incarcérées à la suite de l’audience de bénéficier d’un aménagement de leur peine avant même sa mise à exécution et d’éviter ainsi d’être écrouées.

L’amendement n° 264 remet en cause ces avancées, notamment la possibilité, et non l’obligation, pour le service pénitentiaire d’insertion et de probation de recevoir la personne condamnée avant le juge de l’application des peines, si celui-ci est débordé, afin d’examiner sa situation et, le cas échéant, d’étudier avec elle les mesures d’aménagement susceptibles d’être proposées au magistrat.

Je rappelle que les modifications introduites par la commission des lois ne remettent nullement en cause l’autorité du juge de l’application des peines par rapport au personnel d’insertion et de probation. Bien au contraire ! La commission a affirmé que c’était réellement le juge de l’application des peines qui, sur ce point, tenait le rôle essentiel et qui pouvait apporter une souplesse aux services pénitentiaires d’insertion et de probation. Cette modification n’a pas du tout pour objet de remettre en cause la juridictionnalisation de l’application des peines.

Dans la mesure où l'adoption de l'amendement n° 264 introduirait une rigidité dans cette procédure, la commission émet un avis défavorable.

La commission a déjà cherché à alléger la rédaction de l’article 723-15 du code de procédure pénale. En outre, les dispositions prévues par l'amendement n° 49 rectifié ne relèvent pas du domaine de la loi. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Enfin, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 279 et 280, qui sont des amendements de coordination.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L'adoption de l’amendement n° 264, loin de simplifier l’exécution ou l’aménagement de la peine, compliquerait ces procédures.

Cet amendement a également pour objet d’étendre la procédure de convocation des condamnés libres devant le juge de l’application des peines, en cas de révocation de sursis de jours-amende ou de travail d’intérêt général. Cela supposerait une nouvelle convocation devant le juge de l’application des peines, ce qui serait inopportun.

Il vaut mieux conserver la disposition telle qu’elle est prévue à l'article 48 : elle offre une certaine souplesse et permet un aménagement de la peine beaucoup plus rapide. Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable sur l'amendement n° 264.

Par ailleurs, si l’objet de l'amendement n° 49 rectifié est tout à fait louable, la disposition proposée ne relève absolument pas de la loi. Le Gouvernement y est donc également défavorable, ainsi qu’aux amendements nos 279 et 280.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 264.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 49 rectifié.

M. Jean Desessard. La commission et le Gouvernement ont reconnu l’intérêt de cet amendement, mais ont considéré que la mesure qu’il visait à introduire relevait du domaine réglementaire et non du domaine législatif.

Mme le garde des sceaux a même souligné que son objet était « louable ». Certes, c’est un motif de satisfaction, mais je préférerais qu’elle m’assure qu’un décret sera publié en ce sens. Ce serait plus concret. Ainsi, cet amendement aurait des chances de trouver un aboutissement.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’objet de cet amendement relève vraiment de la circulaire d’application. Je m’engage à la demander à mes services à l’issue de l’adoption de ce texte.

M. le président. Monsieur Desessard, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean Desessard. Mme le garde des sceaux s’engageant à ce que les modalités figurant dans cet amendement soient mises en place, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 49 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 279.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 280.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 208, présenté par M. About, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 723–20 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il nomme un agent responsable du suivi du détenu et de sa famille jusqu'à la fin de la détention et pendant le premier mois suivant la libération.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 166, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 723-21 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

le condamné qui ne fait toujours pas l'objet d'une autre mesure d'aménagement de peine est placé de droit sous surveillance électronique. Cette mesure est constatée par ordonnance du juge de l'application des peines, selon la procédure prévue par le présent paragraphe

par les mots :

s'il reste quatre mois d'emprisonnement à exécuter ou, si pour les peines d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à six mois, il reste les deux tiers de la peine à exécuter, le condamné est soumis de plein droit à une mesure d'aménagement de peine. Cette mesure est accordée par ordonnance du juge de l'application des peines.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Le texte de la commission prévoit que « le condamné qui ne fait toujours pas l’objet d’une autre mesure d’aménagement de peine est placé de droit sous surveillance électronique ». Nous pensons qu’il convient plutôt de lui permettre de bénéficier d’une mesure d’aménagement de peine, quelle qu’elle soit.

M. le président. L'amendement n° 265, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du second alinéa du texte proposé par le III de cet article pour l'article 723-21 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

le condamné qui ne fait toujours pas l'objet d'une autre mesure d'aménagement de peine est placé de droit sous surveillance électronique

par les mots :

le condamné est soumis de plein droit à une mesure d'aménagement de peine

II. - Dans la deuxième phrase du même texte, remplacer le mot :

constatée

par le mot :

accordée

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L’article 48 prévoit le placement de droit sous surveillance électronique de condamnés à une très courte peine d’emprisonnement ou en fin de détention. Il s’agit de prévenir les « sorties sèches », objectif que nous partageons.

Mais pourquoi s’en tenir au seul placement sous surveillance électronique et ne pas laisser au juge le soin de décider du type d’aménagement de peine le mieux adapté à chaque détenu concerné, comme nous le proposons par cet amendement ? C’est d’ailleurs aussi le souhait de l’Association nationale des juges de l’application des peines.

Quelques années d’utilisation du bracelet électronique, en France comme dans d’autres pays, ont montré que ce n’est pas la panacée, le remède miracle applicable à tout détenu. Nous l’avons déjà indiqué.

En l’occurrence, ce système visera, pour l’essentiel, un public fragile, « désinséré » ou encore en voie de réinsertion. Or la technologie seule ne peut pas prendre en charge le comportement des délinquants. À défaut de soutien par un encadrement socioéducatif étroit, tant dans la préparation de la mesure que dans son suivi, le risque d’échec sera grand.

Là encore, l’expérience montre que, si le placement sous surveillance électronique a bien fonctionné au début, alors qu’il était rare et concernait des personnes choisies, sa généralisation conduit aujourd’hui à des échecs.

Ce placement sous surveillance électronique exige une stabilité familiale et sociale et ne convient pas à de nombreux délinquants condamnés à de courtes peines.

Le placement sous surveillance électronique n’est pas, comme on l’entend parfois, « la prison chez soi, peinard, au milieu des siens », si je puis me permettre cette expression. C’est une véritable prison à domicile, au vu de la famille, comportant, de fait, des obligations pesant sur la famille elle-même.

Si l’on ne tient pas compte du caractère humain, ce placement revient, en quelque sorte, à une mise en prison sans barreaux.

Dans la mesure où il sert à sécuriser l’aménagement de peine, il accroît la contrainte pénale. Par déplacement de son utilisation, il devient un simple outil de contrôle et de surveillance, au détriment de la prévention sociale.

Le nombre de bracelets électroniques est passé de 679 en 2004 à 3 431 au 1er janvier 2009. Plusieurs réformes successives ont visé à développer le placement sous surveillance électronique.

Madame le garde des sceaux, je sais que vous avez souvent les yeux rivés sur la Grande-Bretagne, où environ 57 000 personnes sont équipées d’un bracelet électronique.

Avec l’article 48, on risque de transformer le juge en un « distributeur automatique » de bracelets électroniques, avec finalement, pour nombre de condamnés, le retour à la prison.

Les États-Unis montrent l’exemple d’un marché de la sécurité en pleine expansion ; des sociétés privées gèrent les placements sous surveillance électronique, réalisant des profits croissants. De surcroît, les applications techniques sont de plus en plus larges, à l’image de ce bracelet qui mesure en permanence le taux d’alcoolémie des personnes condamnées pour un acte lié à leur alcoolisme. Charge à elles de rester sobres sous peine de repasser par la case prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, les positions tant de la commission que de M.  Anziani ou de Mme Assassi ne sont pas très éloignées. La commission a absolument voulu que le placement sous surveillance électronique quatre mois avant la libération, c'est-à-dire en fin de peine, ne prenne pas les apparences de ce que l’on pourrait appeler « une grâce électronique ». Sinon, pourquoi avoir supprimé la grâce du 14 juillet du Président de la République ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a pris toutes les précautions utiles pour éviter le risque que ce placement ne soit qu’un mode de gestion des flux, permettant de limiter le nombre de personnes incarcérées, afin de donner un peu d’oxygène aux prisons.

Je veux rappeler en cet instant les modifications introduites par la commission, instaurant notamment des garanties supplémentaires. Je suis sûr que le Gouvernement a estimé que c’était implicite, mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant ! La commission a donc précisé que le placement sous surveillance électronique devra faire l’objet d’une ordonnance du juge fixant les mesures de contrôle et les obligations auxquelles le condamné devra se soumettre afin de bénéficier d’un accompagnement après sa sortie de prison. Elle a supprimé les dispositions prévoyant que la neutralisation du bracelet par le condamné ne sera pas assimilée à une évasion. Elle a enfin décidé que cette procédure de placement automatique sous surveillance électronique n’aura vocation à s’appliquer qu’à défaut de tout autre aménagement de peine.

Je rappelle aussi que même dans l’étude d’impact est prévu le recrutement de 1 000 personnels d’insertion et de probation.

À supposer que l’on ait pu craindre une quelconque grâce électronique, toutes les précautions ont été prises pour qu’un tel risque n’existe plus dans le texte qui vous est soumis, mes chers collègues.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 166 et 265.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Une expérimentation menée depuis 2005 montre que le placement sous bracelet électronique fixe a une certaine efficacité, notamment à l’égard de la réinsertion et de la récidive. Ainsi, il n’y a pratiquement pas eu de récidive, même pour des cas très lourds. C’est pourquoi le Gouvernement a souhaité mettre en place cette mesure d’aménagement de fin de peine, qui offre une certaine souplesse.

Cela pourrait être étendu à d’autres types d’aménagement de peine – semi-liberté, libération conditionnelle, reliquat de peine –, mais ce serait très contraignant, les mesures de surveillance étant alors beaucoup plus nombreuses.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique n’est pas automatique. Le juge de l’application des peines conserve la faculté de ne pas y soumettre le délinquant pendant les quatre derniers mois de sa peine.

Le bracelet électronique est surtout un outil de bonne réinsertion. En fin de peine, il est aussi important et utile que la libération conditionnelle.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 265.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 48.

(L'article 48 est adopté.)

Article 48
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 48 bis

Article additionnel après l'article 48

M. le président. L'amendement n° 165, présenté par MM. Anziani, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 48, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La situation des détenus au regard du droit au séjour ne fait pas obstacle à l'obtention d'un aménagement de peine ou d'une permission de sortie.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement a pour objet de préciser que la situation des détenus au regard du droit de séjour ne fait pas obstacle à l’obtention d’un aménagement de peine ou d’une permission de sortie.

La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a déjà ouvert les aménagements de peine aux détenus étrangers. La Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou CNCDH, dans son avis du 6 novembre dernier, a rappelé que cette peine d’interdiction du territoire complémentaire d’une peine d’emprisonnement n’empêche pas de prononcer de telles mesures.

Dans la pratique, selon la CNCDH, les détenus étrangers n’accèdent pas à ces aménagements pour des motifs qui tiennent parfois à leur méconnaissance de ces aménagements, ou au fait qu’on ne leur donne pas les informations suffisantes, ce qui revient au même. Il existe donc un décalage entre la norme et la pratique. Il serait plus simple, plus clair et plus conforme au droit de l’information d’introduire les dispositions de l’amendement n° 165 dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La précision est inutile puisque rien n’interdit, en droit, l’aménagement de la peine d’un détenu dépourvu de titre de séjour. Monsieur Anziani, vous avez donc satisfaction.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est tout l’intérêt de ne pas faire de distinction entre telle ou telle catégorie de personnes, pour répondre à l’intervention de M. Yung hier, qu’il s’agisse des femmes ou des étrangers. Si l’on instaurait des droits différents selon les catégories, un gouvernement pourrait, un jour, faire reculer les droits de l’une ou l’autre catégorie.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 48
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 49 A

Article 48 bis

À l'article 723-29, le mot : « juge » est remplacé par le mot : « tribunal ». – (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 49 A.

Section 3

Des régimes de détention

Article 48 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 49

Article 49 A 

L'article 728 est ainsi rédigé :

« Art. 728. - Des règlements intérieurs-types, prévus par décret en Conseil d'État, déterminent les dispositions prises pour le fonctionnement de chacune des catégories d'établissements pénitentiaires. » – (Adopté.)

Article 49 A
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 50

Article 49

I. - Le dernier alinéa de l'article 716 devient l'article 715–1.

II. - L'article 716 est ainsi rédigé :

« Art. 716. - Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

« 1° Si les intéressés en font la demande ;

« 2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;

« 3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent.

« Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placées en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter et leur sécurité doit être assurée. »

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, j’aurai des mots agréables. En effet, je constate en lisant le nouveau dérouleur de séance que l’amendement n° 290 du Gouvernement a été retiré. Je voudrais en féliciter Mme le garde des sceaux !

Honnêtement, personne ne pouvait comprendre cette obstination à refuser le texte excellemment rédigé par la commission des lois et qui, d'ailleurs, était susceptible de recueillir une large majorité, du moins je l’espère, dans cette assemblée.

A fortiori, personne ne pouvait comprendre les motifs de cet amendement. Comme il était nécessaire de le défendre, on avait trouvé, sans doute avec de grandes difficultés, un argument qui frisait le ridicule : pour faire accepter l’idée que l’encellulement collectif et l’encellulement individuel seraient mis au même niveau, on développait la notion majeure de « libre choix du détenu », ce dernier pouvant choisir entre les deux modes d’incarcération !

On voit bien le ridicule de cet amendement : une prison n’est pas un hôtel, qui aurait plus ou moins d’étoiles. Le détenu, à son arrivée, ne visite pas les lieux avec un surveillant avant de choisir entre une cellule individuelle et une cellule collective ! Bien plutôt, on le « colle » dans une cellule sans lui demander son avis ! Quel est d'ailleurs le libre arbitre d’un homme qui vient de vivre le traumatisme de l’arrestation et de la détention ?

L’abandon de cet amendement relève soit de la sagesse – j’espère qu’il en est ainsi ! – soit du réalisme. Il s’explique aussi, je tiens à le souligner, par la très forte volonté exprimée par le Sénat. Il est positif que, de temps en temps, les sénateurs soient écoutés par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, mon intervention n’aura pas la teneur que j’avais prévu de lui donner, car le Gouvernement a retiré un amendement que je combattais avec force et pour lequel j’aurais eu des mots très durs, qui sont désormais inutiles.

Comme notre collègue Alain Anziani, je remercie Mme le garde des sceaux d’avoir eu la sagesse de retirer cet amendement.

De la même façon, je tiens à saluer la démarche courageuse de M. le rapporteur, qui a tenu bon sur le principe de l’encellulement individuel. Qu’il en soit également remercié !

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, sur l'article.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l’administration pénitentiaire est tenue d’héberger en cellule individuelle tout détenu, en le laissant seul dans sa cellule, en maison d’arrêt comme en établissement pour peines.

L’article 716 du code de procédure pénale prévoit toutefois un certain nombre de dérogations :

« 1° Si les intéressés en font la demande ;

2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu’ils ne soient pas laissés seuls ;

3°S’ils ont été autorisés à travailler, ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d’organisation l’imposent ».

Le dernier moratoire, qui s’inscrivait dans la continuité du projet adopté en 2000, est venu à expiration le 12 juin 2008. Il permettait de déroger à l’encellulement individuel pour des raisons tenant à la structure de l’établissement.

La commission des lois souhaite maintenir le principe de l’encellulement individuel des personnes prévenues en maison d’arrêt. Il s'agit, en effet, d’un objectif essentiel pour garantir des conditions de détention respectueuses.

Notre groupe entend suivre la position de M. le rapporteur : l’encellulement individuel constitue un principe fondamental inscrit depuis 1875 dans le code de procédure pénale, et nous ne souhaitons pas le remettre en cause.

Toutefois, je mesure bien que, sur le terrain, cet objectif ne peut aujourd'hui être concrétisé. L’adoption de l’article 49 du projet de loi ne doit pas empêcher une réflexion commune visant à assurer la mise en œuvre de ce principe essentiel.

Nous adopterons donc en l’état le texte de la commission des lois, mais nous savons que le débat reste ouvert.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je pense qu’il s'agit là d’une question importante qui mérite quelques explications, notamment en ce qui concerne l’attitude de la commission et sa volonté de préserver le principe de l’encellulement individuel.

Certaines des raisons de la commission tiennent à la vie quotidienne dans les prisons, telle que j’ai pu l’observer, au moins partiellement, en multipliant les visites dans ces établissements.

En effet, certains directeurs de prison – de plus en plus nombreux, serais-je tenté de dire, au fur et à mesure que l’inflation carcérale s’est développée –, au cours des visites que j’ai effectuées dans leur établissement avec nos collègues de la commission des lois, m’ont confié qu’ils étaient de plus en plus souvent confrontés à des détenus refusant de réintégrer leur cellule, par exemple à la fin de la promenade.

Ces réactions n’exprimaient en rien un défi à l’autorité pénitentiaire, mais simplement le refus de retourner en cellule collective. Même s’ils devaient payer cette fronde du quartier disciplinaire, les détenus préféraient encore ce dernier, avec les contraintes qu’il implique, plutôt que l’encellulement collectif qui leur était imposé.

Il est vrai également que des drames se sont produits en encellulement collectif, des violences, parfois des meurtres – nous avons tous en mémoire des cas particulièrement tragiques.

Sans aller jusqu’à ces extrémités, et pour nous limiter à la vie quotidienne de la prison, rappelons combien les détenus peuvent manifester d’irritation à l’égard de la télévision, qui constitue pourtant une amélioration importante de leur cadre de vie.

Il est vrai que, comme la langue d’Ésope, la télévision peut être la meilleure et la pire des choses. Elle fonctionne parfois, sinon vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du moins depuis très tôt le matin jusqu’à très tard le soir. Quand plusieurs détenus cohabitent dans une cellule, le choix des programmes, déjà un motif de discorde en soi, se fait généralement sur le plus petit dénominateur commun. Et ce n’est pas nécessairement la chaîne Arte qui est choisie, si je puis me permettre cette remarque…

Que pouvons-nous répondre, nous, parlementaires, quand nous visitons les prisons, au détenu qui nous dit : « Monsieur le sénateur, j’en ai marre, je souhaiterais dormir, lire, travailler, me former, et je dois supporter cette musique, ce bruit de fond incessant. » ?

La commission a voulu maintenir l’objectif de l’encellulement individuel, pour trois raisons principales.

Tout d'abord, parce que ce principe a valeur d’objectif essentiel de la politique pénitentiaire, parce qu’il garantit des conditions de détention plus respectueuses de la dignité de la personne et parce qu’il implique de lutter contre la surpopulation carcérale, qui se trouve à l’origine de bien des difficultés des établissements pénitentiaires dans notre pays.

L’objectif de l’encellulement individuel doit donc continuer de guider la politique pénitentiaire, ce qui, pardonnez-moi de le préciser, ne serait pas le cas si l’encellulement collectif était admis au même titre que l’encellulement individuel.

En outre, je trouve qu’il serait véritablement paradoxal de remettre en cause, à l'occasion d’une loi pénitentiaire que le Gouvernement veut, à juste titre, ambitieuse, et qui l’est – M. Badinter nous disait que c’était une « grande loi » –, un principe inscrit dans notre droit depuis 1875.

Par ailleurs, cet objectif est également conforme aux règles pénitentiaires européennes, qui constituent un socle de principes minimaux communs à l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe.

Sans doute la règle 18.6 rappelle-t-elle qu’ « une cellule doit être partagée uniquement si elle est adaptée à un usage collectif et doit être occupée par des détenus reconnus aptes à cohabiter ».

Toutefois, cette disposition n’est qu’une exception énoncée au principe de la règle 18.5, selon laquelle « chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle, sauf lorsqu’il est considéré comme préférable pour lui qu’il cohabite avec d’autres détenus ».

Enfin, il est apparu nécessaire, pour un troisième motif, de conserver la rédaction actuelle du code de procédure pénale ; pour la première fois peut-être, l’objectif de l’encellulement individuel n’apparaît plus hors de portée.

Grâce à l’effort engagé dans le cadre des constructions du « programme Perben », 16 466 places devraient être créées, portant la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires à quelque 62 500 places, ce qui correspond à peu près, mes chers collègues, au nombre actuel des détenus.

Comme l’avait indiqué Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, lors de son audition par la commission des lois du Sénat du 26 novembre dernier, un peu plus de 30 % des cellules des maisons d’arrêt du programme « 13 200 » sont doubles, ce qui pourrait correspondre, peu ou prou, à la proportion du nombre de détenus couverts par les régimes dérogatoires prévus par l’article 716 du code de procédure pénale, dans sa rédaction actuelle, que la commission entend maintenir. Jean-Patrick Courtois énonçait d'ailleurs voilà quelques instants ces dérogations.

Pour toutes ces raisons, la commission a jugé indispensable de conserver les principes actuels de notre droit, qui font de l’encellulement individuel le principe et de l’encellulement collectif l’exception.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant que nous n’engagions ce débat sur la question, essentielle, de l’encellulement individuel, je souhaite faire le point sur la position du Gouvernement.

Je rappelle que cette « grande loi », comme l’a appelée Robert Badinter, correspond à un engagement du Président de la République et découle d’une initiative du Gouvernement, ce qui mérite tout de même d’être souligné.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai pris connaissance avec intérêt des débats et des positions de votre commission, qui a enrichi ce texte.

Je comprends parfaitement le souci de M. le rapporteur et de votre commission de trouver une solution pérenne. Ce débat est ancien et anime le Parlement depuis plus d’un siècle. Vous avez raison de souhaiter légiférer pour l’avenir. C’est aussi la volonté du Gouvernement.

Ce qui nous interpelle, c’est bien la situation des maisons d’arrêt, car, je le rappelle, le problème ne se pose absolument pas dans les établissements pour peines.

La situation des maisons d’arrêt pose un problème dans trois cas : premièrement, lorsque le détenu peut être placé dans des conditions de détention qui sont matériellement indignes ; deuxièmement, lorsque les détenus sont contraints d’être placés en encellulement collectif avec des codétenus non souhaités ; troisièmement, quand des dortoirs existent encore, et ce parce que l’effort de rénovation consacré par la Nation a longtemps été insuffisant, pour ne pas dire inexistant.

Le Gouvernement a, sur ce dossier, une approche pragmatique et réaliste. Cette position n’est pas isolée : elle est largement partagée par les gouvernements de la plupart des pays de l’Union européenne.

Ainsi, je rappelle que nos voisins espagnols ou hollandais, notamment, ne connaissent pas le principe de l’encellulement individuel. Dans ces pays, le temps passé en cellule est plus limité qu’en France puisque plus d’activités collectives sont offertes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela résulte aussi, sans doute, d’une vie communautaire plus développée. Nous sommes d’accord pour dire que cette gestion plus collective facilite grandement une meilleure réinsertion, voire une meilleure organisation.

Je vois dans le positionnement retenu sur l’encellulement individuel un présupposé et un paradoxe : le présupposé, qui renvoie d’ailleurs très directement aux origines de notre culture, c’est l’idée du « retour sur soi » grâce à la solitude ; le paradoxe, c’est que, d’une certaine manière, plus on insiste sur l’encellulement individuel, plus on peut freiner, par le confinement du détenu seul dans sa cellule, une évolution nécessaire vers la réinsertion.

Je ne pense pas, par conséquent, que l’encellulement individuel soit la panacée et la réponse unique à toutes les situations qui se présentent.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis d’accord !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En fait, il me semble que deux vraies questions se posent.

Comment assurer une prise en charge adaptée à la personnalité et à la vulnérabilité des détenus ?

C’est toute la question de l’évaluation du détenu,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … à savoir de l’évaluation de sa vulnérabilité, de sa dangerosité, du risque suicidaire. C’est pour cela que le Gouvernement veille à ce que soient créés des quartiers réservés aux arrivants dans tous les établissements et que soient mises en place des commissions pluridisciplinaires – auxquelles je suis très attachée – afin que le diagnostic soit le plus fiable et le plus rigoureux possible.

C’est aussi pour cela que doivent être développés des régimes différenciés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous sommes d’accord !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ils permettent d’adapter le régime de détention à la personne détenue et sont loin d’être des « systèmes arbitraires », comme je l’ai entendu dire.

La seconde question est la suivante : une fois cette évaluation faite, quel est le régime de détention qui convient le mieux à la personne détenue ? De surcroît, cette personne souhaite-t-elle être seule en cellule ou non ?

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, et comme vous avez pu le constater lors de vos visites dans les établissements pénitentiaires, beaucoup de détenus préfèrent partager une cellule avec un détenu qu’ils connaissent…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … ou avec lequel ils ont des affinités, plutôt que d’être seuls, tandis que d’autres préfèrent être seuls de manière systématique.

C’est pourquoi je ne crois pas qu’il faille priver les détenus de cette possibilité de cohabitation, si elle correspond à un souhait.

À l’occasion du traumatisme de l’incarcération, l’affectation avec un détenu avec lequel on peut partager et échanger est incontestablement préférable, dans beaucoup de cas, à un isolement. (M. le président de la commission des lois fait un signe d’assentiment.)

Le Gouvernement prône donc le libre choix.

Pourtant, ne vous y trompez pas ! Il n’est pas partisan du statu quo. Sa position marque une évolution profonde par rapport à la situation actuelle, puisqu’elle place la volonté du détenu au cœur même du dispositif. J’ai toujours souhaité qu’il en aille ainsi. D’ailleurs, c’est dans cet esprit que j’ai pris, en juin 2008, un décret visant à ce que les souhaits des détenus d’être en cellule individuelle soient exaucés. Depuis, toutes les demandes d’incarcération en cellule individuelle ont été satisfaites.

Les débats de ces jours derniers nous conduisent même à considérer que le libre choix entre cellule individuelle et collective pourrait, à l’issue d’une période de moratoire, devenir celui du libre choix entre cellule individuelle et cellule double. (M. le président de la commission des lois fait un signe d’assentiment.) Il s’agirait là d’une évolution majeure, respectueuse de la dignité du détenu, qui passe aussi par le respect de sa volonté.

Par ailleurs, le Gouvernement souhaite indiquer très clairement à la représentation nationale que notre parc immobilier ne nous permet pas aujourd’hui – il ne le permettra pas davantage demain – de mettre en œuvre le dispositif actuellement proposé dans le texte issu des travaux de la commission. Il faut être très clair.

En effet, en 2012, les 64 000 places seront réparties entre 45 500 cellules individuelles et 8 500 cellules collectives. Ces chiffres montrent à quel point la marge de manœuvre est réduite.

À cet égard, le dispositif prévu par la commission paraît des plus difficiles à mettre en œuvre de manière effective, je tiens à le dire.

En effet, les propositions de la commission ne permettront pas à cette échéance de répondre aux souhaits d’encellulement individuel des prévenus et des condamnés car il va de soi que le principe systématique, sauf exception, de l’encellulement individuel conduira nécessairement à contraindre, en le prédéterminant, le choix du détenu. Le nombre de cellules individuelles sera insuffisant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces raisons de principe, qui renvoient au respect de la volonté du détenu, mais aussi des raisons pratiques conduisent le Gouvernement à vouloir poursuivre la réflexion engagée sur la question de l’encellulement individuel. À aucun moment, monsieur Anziani, ma position n’a été une position irréaliste, voire surréaliste.

Je suis donc persuadée que, sur ce point, nous devons poursuivre notre réflexion commune pour aboutir à un dispositif respectueux des droits des détenus, certes, mais aussi conforme aux nécessités de la réinsertion et compatible avec les conditions matérielles de notre parc pénitentiaire. Tel est l’objectif que nous devons chercher à atteindre ensemble. Le Gouvernement est – croyez-moi ! – très attaché à ce que les demandes des détenus d’être en cellule individuelle soient satisfaites.

J’espère que nos débats parviendront à vous convaincre que l’encellulement individuel n’est pas le seul moyen de respecter la dignité des détenus, à laquelle je suis extrêmement attachée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la garde des sceaux, nous avons le même objectif que vous.

Tout d’abord – plus encore que d’autres – nous sommes persuadés que cette réforme sera couronnée de succès, grâce, notamment, aux aménagements de peine : ils devraient faire diminuer le nombre de détenus, notamment le nombre de ceux qui sont condamnés à de courtes peines. Ce sont les maisons d’arrêt qui seront concernées.

Ensuite, il faut continuer à œuvrer dans le sens d’une diminution de la détention provisoire. Le Gouvernement a pris des mesures à cette fin, mesures dont les effets se font d’ores et déjà sentir, puisque le nombre de personnes incarcérées en détention provisoire est en diminution même s’il reste encore trop élevé.

Je l’affirme, nous croyons en la réussite de la réforme.

Madame la garde des sceaux, selon vous, l’encellulement doit être individuel ou collectif, sauf demande expresse ; selon nous, il doit être par principe individuel, sachant que, bien entendu, il peut y avoir des dérogations.

Demander un encellulement collectif est possible. Je suis convaincu qu’à partir du moment où les cellules de deux places offriront des conditions de détention dignes, aucun problème ne se posera : les détenus seront nombreux à opter pour cette formule. Il est de notoriété publique que, dans les établissements qui ne souffrent pas de problèmes liés à la surpopulation carcérale, notamment les établissements réservés aux femmes, l’encellulement individuel est souvent moins demandé.

La demande d’encellulement collectif augmentera à partir du moment où, grâce à la réalisation des programmes immobiliers pénitentiaires, le nombre des cellules accueillant deux détenus augmentera et où il n’y aura plus de cellules collectives de neuf mètres carrés dans lesquelles s’entassent cinq personnes. En effet, il existe encore aujourd’hui trop de cellules de ce type.

Madame la garde des sceaux, la commission des lois n’est pas irréaliste ! Si nous abordons le problème sous un angle différent de celui par lequel vous l’abordez, nous n’en aboutissons pas moins au même résultat.

Si la personnalité du détenu justifie qu’il ne soit pas laissé seul – pour ceux qui sont très fragiles psychologiquement, l’isolement n’est pas une bonne chose – ou si le travail et la formation professionnelle qu’il pratique justifient que l’encellulement ne soit pas individuel, nous sommes d’accord, mais il faut que les cellules collectives soient adaptées et qu’il ne s’agisse pas de dortoirs fourre-tout. Cela existe, nous en avons tous vu. Comme M. le rapporteur, peut-être moins que lui, j’ai moi aussi visité des prisons et j’ai vu des choses assez curieuses – c’est le moins qu’on puisse dire – notamment dans certaines petites maisons d’arrêt. Certes, de telles cellules tendent à se raréfier, ce qui traduit un certain progrès. Mais il existe encore des dortoirs qui peuvent rendre l’incarcération insupportable.

Je le répète, il n’y a pas d’opposition entre nous, j’en suis convaincu. La situation actuelle est ce qu’elle est actuellement. Mais je pense qu’elle aura évolué dans cinq ans, sinon cela reviendrait à dire que cette réforme pénitentiaire devrait échouer et je suis convaincu du contraire. C’est pourquoi nous souhaitons affirmer que l’encellulement individuel est un droit, sachant que, pour diverses raisons, il pourra ne pas être choisi obligatoirement. Un équilibre entre les deux modes d’encellulement peut être trouvé. Mais il est important de donner ce signal.

Certes, on m’objectera que, dans cinq ans, il manquera encore 500 places ou 1 000 places.

Madame le garde des sceaux, nous devons garder à l’esprit le fait que, depuis des dizaines d’années, les détenus sont incarcérés dans des conditions indignes. Si nous réussissons à rendre effective cette réforme à 90 % ou à 95 %, je suis sincèrement persuadé que vous resterez dans l’histoire de la justice comme le garde des sceaux qui aura le plus fait pour l’amélioration de la vie carcérale, et ce concrètement, pas seulement en paroles. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 266, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les premier à cinquième alinéas de l'article 716 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés au régime de l'emprisonnement individuel de jour et de nuit. Il ne peut être dérogé à ce principe qu'à leur demande ou si les intéressés sont autorisés à travailler, en raison des nécessités d'organisation du travail. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sens un enthousiasme général…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Participez-y, madame Borvo Cohen-Seat !

M. Jean Desessard. Vous allez le rabattre ! (Sourires.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si je dois me réjouir, c’est du fait que vous ayez retiré votre amendement, madame la garde des sceaux, quelles que soient les raisons de ce retrait. Peut-être l’avez-vous retiré parce que vous voulez attacher votre nom à quelque chose de positif… Mais, finalement, dans votre intervention, vous avez plutôt essayé de nous rallier à votre position : vous acceptez que le droit à un encellulement individuel soit inscrit dans le texte, mais vous nous dites que ce sera loin d’être la panacée.

Je vous l’indique d’emblée, le problème n’est absolument pas là. Il se pose en ces termes : l’encellulement individuel est-il un droit ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est un principe !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Hyest, je sens que vous êtes d’accord avec moi ! (Rires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est écrit dans le texte !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mme la garde des sceaux, pour des raisons que nous ne connaissons pas, a donc retiré son amendement, mais, en même temps, elle nous dit que nous avons tort.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’y a pas que cela !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne sais pas ce que l’avenir nous réserve. En tout cas, ce que je voudrais, c’est qu’un détenu qui demande l’encellulement individuel voie son vœu exaucé,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … sous réserve des raisons très précises qui sont inscrites dans la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Voilà !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela pose beaucoup de problèmes : celui de la rédaction du texte et celui des moyens que nous nous donnerons d’atteindre cet objectif.

On peut démontrer que l’encellulement individuel offert à tous ceux qui le souhaitent ne pourra jamais être atteint et continuer de remplir les prisons tout en prétendant que l’encellulement collectif facilite le travail de l’administration pénitentiaire. Dans ce cas, permette-moi de le dire, on sera tout à fait « à côté de la plaque ».

Il faut, au contraire, affirmer le droit à un encellulement individuel. Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement et préférons en revenir à la rédaction de l’article 716 du code de procédure pénale issue de la loi du 15 juin 2000, conformément à la recommandation du comité d’orientation restreint, qui « préconise donc la mise en œuvre de toutes mesures propres à rendre effective, dans le délai le plus rapproché possible et sans nouveau moratoire, l’application du principe posé par l’article 716 du code de procédure pénale. »

Je souhaite donc qu’il en soit ainsi, sans qu’un nouveau délai vienne différer l’application de ce principe.

Les conditions de détention en cellule collective sont unanimement déplorées. Elles sont pires que ce que l’on peut imaginer.

Par ailleurs, la capacité des détenus à demeurer seuls n’est pas simple, malheureusement, à appréhender : elle suppose la mise en œuvre d’un suivi médical et d’une surveillance des détenus, notamment de leur état psychique.

On peut parfaitement avoir l’impression qu’une personne ne peut pas être placée en cellule individuelle et se tromper. A contrario, on peut imaginer qu’elle se trouve bien avec quelqu’un d’autre alors que finalement cela ne conviendra absolument pas à cette autre personne.

Je préfère donc que nous échappions à cette subjectivité en établissant que celui qui en fait la demande a droit à une cellule individuelle. Je le répète, il ne s’agit pas d’un séjour à l’hôtel, pour lequel on pourrait choisir une chambre à deux ou une chambre seule !

M. le président. L'amendement n° 171, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Remplacer la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 716 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :

Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité, leur hygiène et leur intimité doivent être assurées.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous sommes favorables au texte proposé par l’article 49. Toutefois, nous pensons qu’il peut être amélioré sur un petit point, celui-ci allant, d’ailleurs, dans le sens des propos que M. le président Hyest vient de tenir.

L’article 49 prévoit effectivement que : « Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placées en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés. Ceux-ci doivent être aptes à cohabiter et leur sécurité doit être assurée. » C’est bien !

Mais, à mon sens, il serait bon de préciser qu’elles doivent l’être sur les points précis de l’hygiène et de l’intimité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va de soi !

M. Alain Anziani. Certes, mais cela irait encore mieux en le disant !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 266, je voudrais d’abord rassurer Mme Borvo Cohen-Seat, qui nous demande si l’encellulement individuel est un droit, en lui lisant le texte prévu à l’article 49 : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placés en cellule individuelle. »

Nous n’allons pas reprendre le débat d’hier sur l’utilisation du présent de l’indicatif ou du verbe devoir : l’indicatif vaut impératif ! Par conséquent, nous pouvons être totalement rassurés au niveau des principes.

Nous nous situons au niveau des principes, parce qu’il ne faut tout de même pas oublier la situation actuelle.

Mme le garde des sceaux n’y est strictement pour rien, mais, quand nous évoquons aujourd’hui la surpopulation carcérale, nous confrontons le chiffre du nombre des détenus, avoisinant 62 000 ou 63 000 personnes, et le nombre de places de prison disponibles, soit 51 000 ou 52 000 places et nous oublions parfois que, sur ce dernier total, environ 35 000 places sont des places individuelles.

Donc, si nous devions effectivement nous interroger sur la proportion de détenus placés en cellule individuelle – je crois d’ailleurs qu’il n’existe aucun chiffre officiel en la matière – nous constaterions certainement qu’elle ne dépasse pas le seuil de 50 %. Or, l’emprisonnement individuel est prévu par la loi depuis 1875.

Alors, mes chers collègues, commençons par battre notre coulpe ! Nous avons vu les gouvernements se succéder depuis 1958 et, en particulier, depuis 1981. Nous sommes tous coupables ! Certains ont été « responsables, mais pas coupables », mais, sur cette question, nous sommes tous responsables et coupables !

À cet égard, Mme le garde des sceaux ne porte pas de responsabilité particulière. J’incline d’ailleurs à penser que, si nous nous approchons de l’objectif, même à la fin du moratoire fixé, nous aurons tout de même fait un très bon travail.

Je souscris donc totalement aux propos de M. le président Hyest lorsqu’il déclarait que, si nous aboutissons, à quelques milliers de places près, à la réalisation du principe d’encellulement individuel, nous aurons effectivement fait un grand pas en avant.

Je voudrais maintenant revenir sur l’amendement n° 266. En le lisant, je constate que Mme Borvo Cohen-Seat reprend les exceptions au principe de l’encellulement individuel fixées par l’article 49 en en retirant une.

Il s’agit de la deuxième exception : les personnes concernées sont placées en cellule individuelle sauf si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'elles ne soient pas laissées seules. D’après moi, cette hypothèse est vraiment la moins discutable : les individus dont il est question souffrent d’une grande fragilité psychologique, ils encourent un risque suicidaire et nécessitent qu’on tente de les conforter davantage.

Certes, on ne peut en faire supporter systématiquement la charge au codétenu, sur lequel nous faisons parfois peser une lourde responsabilité. Le codétenu n’est pas forcément formé pour cette mission. Peut-être d’ailleurs faudrait-il réfléchir à un dispositif permettant de considérer l’aide apportée dans ce cas comme une responsabilité entrant dans l’obligation d’activité que nous venons de créer. C’était, je crois, l’objet d’un des amendements du président About.

En tout cas, s’il est une exception à l’encellulement individuel que je ne souhaite pas retirer, c’est bien celle-là ! C’est pourquoi l’avis de la commission sur l’amendement n° 266 est défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 171 de notre collègue Alain Anziani, nous allons retrouver un débat que nous avons eu à de très nombreuses reprises au cours de la discussion des amendements.

Sur le principe, nous sommes totalement d’accord ! Qui pourrait contester que, en matière d’encellulement collectif, l’hygiène et l’intimité des personnes doivent être assurées ?

Pour ma part, je me réjouis que le Gouvernement ait inscrit dans le projet de loi pénitentiaire des dispositions selon lesquelles les cellules collectives doivent être adaptées au nombre des détenus qui y sont hébergés.

J’ai eu l’occasion de discuter du problème de l’encellulement individuel ou collectif, avec des aumôniers par exemple. Pour ceux-ci, le fait d’adopter le principe « une place pour chacun » constituerait déjà un tel progrès que même un partisan de l’encellulement individuel aurait du mal à s’y opposer.

J’ajouterai enfin que les principes relatifs à l’hygiène et à l’intimité des personnes, donc les principes relatifs à leur dignité, sont déjà posés par trois articles du projet de loi pénitentiaire tel que rédigé à l’issue des travaux de la commission : l’article 1er, l’article 10 et l’article 20.

Puisque nous sommes d’accord, la commission ne peut émettre un avis défavorable sur cet amendement. Mais elle en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souscris aux arguments exprimés par M. le rapporteur sur l’amendement n° 266. L’administration pénitentiaire doit pouvoir, dans l’intérêt d’un détenu, décider de le placer dans une cellule collective. De telles décisions sont d’ailleurs prises en cas de risque suicidaire.

Mme Borvo Cohen-Seat, votre amendement, tel qu’il est rédigé, me semble aller à l’encontre de l’objectif que vous souhaitez. Pour vous le démontrer, je vais simplement vous donner quelques chiffres : 79 des 109 détenus qui se sont suicidés pendant l’année 2008 étaient seuls en cellule, ce qui représente pratiquement 73 % des cas ; sur les 30 détenus qui étaient placés en cellule collective, 23 ont profité de l’absence de leur codétenu pour passer à l’acte.

Il est donc absolument indispensable de prévoir un dispositif permettant au chef d’établissement de prendre une mesure d’encellulement collectif dans l’intérêt du détenu. Je crains fort que, en supprimant cette restriction, nous ne favorisions pas l’atteinte de l’objectif fixé.

Le maintien de cette phrase est donc absolument nécessaire dans l’intérêt des détenus.

Pour répondre aux questions concernant les demandes de cellules individuelles, je rappellerai que les deux tiers des demandes ont été satisfaites depuis le décret du 10 juin 2008 relatif au régime de détention. Le tiers restant concerne des demandes qui ont été rejetées, car elles n’étaient pas liées à un souhait d’encellulement individuel, mais à d’autres raisons, comme le souhait de rejoindre un autre établissement ou un autre détenu. Certains détenus reviennent également sur leur décision. Ils demandent un encellulement individuel, puis ils changent de codétenu en cours de détention et préfèrent alors rester en cellule collective.

En tout cas, les deux tiers des demandes ont bien été satisfaites grâce au décret et le principe de l’encellulement individuel, qui est bien inscrit dans le projet de loi pénitentiaire, tel que rédigé, est donc tout à fait respecté.

Nous émettons donc un avis défavorable sur l’amendement n° 266, qui, selon nous, ne remplira pas l’objectif fixé.

S’agissant de l’amendement n° 171, je rappellerai que l’article 20 du projet de loi pénitentiaire prévoit que l’administration pénitentiaire assure, à tous les détenus, indépendamment de leur situation, l’accès à l’hygiène propice à la prévention des infections. L’article 49, quant à lui, prévoit que les détenus affectés dans les cellules collectives doivent être aptes à cohabiter.

Enfin, le respect de la dignité, dont on a systématiquement parlé depuis le début de ces débats, est établi dans l’article 1er et dans l’article 10. Ce principe, fixé dans une rédaction claire, s’applique à l’ensemble du texte.

Nous sommes donc également défavorables à l’amendement n° 171.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 266.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l'article.

M. Pierre Fauchon. Je suis tout à fait favorable aux propositions de la commission. Nous devons effectivement être conscients des inconvénients de l’encellulement collectif, dont Mme Borvo Cohen-Seat a très justement dit tout à l’heure qu’il est probablement pire que tout ce que nous pouvons imaginer.

Je n’en dirai pas plus, d’autant que je suis chargé d’une mission par notre collègue Mme Morin-Desailly, qui aurait vivement souhaité être ici pour exprimer son point de vue dans une affaire qui lui tient à cœur. Elle est effectivement élue de la ville de Rouen, dans laquelle s’est récemment produit un événement dramatique : dans un cas d’encellulement à deux, il se trouve que l’un des deux détenus a assassiné l’autre !

Mme Morin-Desailly m’a donc chargé, en son nom, d’exprimer les quelques réflexions suivantes.

Au cœur de ce projet de loi attendu depuis tant d’années, se trouve la question fondamentale de l’encellulement et de ses modalités, dont nous allons débattre.

La commission des lois a tenu à réaffirmer le principe de l’encellulement individuel. Nous l’en remercions et saluons le souci d’humanisme de nos collègues rapporteurs Jean-René Lecerf et Nicolas About, qui s’opposent ainsi à la banalisation juridique de l’encellulement collectif.

Les drames que nous avons vécus ces derniers temps confirment que l’affirmation de ce principe dans la loi est indispensable, d’une part, au nom du respect de la dignité de la personne humaine et de son intégrité physique et psychique et, d’autre part, afin d’être en conformité avec les normes européennes.

Même si nous savons tous qu’en pratique et qu’au regard de l’état des prisons françaises ce principe du droit à l’encellulement individuel ne peut être pleinement respecté, il n’en demeure pas moins que le législateur doit l’affirmer et que les pouvoirs publics doivent prendre les mesures nécessaires pour tendre vers cet objectif.

Ce n’est pas le droit qu’il faut aligner sur la pratique, mais la pratique qui doit se conformer aux règles de droit. Au demeurant, comme nous le savons, un moratoire permet de gagner encore quelques années.

À cet égard, le nombre de cellules collectives nouvelles rénovées ou créées ne doit pas être exagérément important par rapport à celui des cellules individuelles – il faut y prendre garde dans les programmes – et les affectations ne doivent pas être éloignées du milieu familial.

Ainsi, à la prison de Rouen – cela doit probablement être pareil ailleurs –, les demandes d’encellulement individuel sont faibles, car les détenus savent qu’ils seront envoyés à Bordeaux ou à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Ils n’exercent donc pas ce droit qui reste, par ses modalités d’application, assez virtuel.

Bien sûr, ce principe ne doit pas être une règle absolue et il peut y être dérogé dans un certain nombre de cas expressément prévus.

Nous avons d’ailleurs fait allusion à ces cas précédemment.

Enfin, au-delà de la question de l’encellulement individuel ou collectif, celle des conditions de détention insuffisamment respectueuses de la dignité de la personne humaine est fondamentale.

Ayant ainsi rempli ma mission, vous comprendrez, mes chers collègues, que, en plein accord avec Mme Catherine Morin-Desailly et tous les membres de mon groupe, je voterai la solution très sagement proposée par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 49.

(L'article 49 est adopté.)

Article 49
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 51

Article 50

Le second alinéa de l'article 717 est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;

2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées :

« Toute personne condamnée détenue en maison d'arrêt à laquelle il reste à subir une peine d'une durée supérieure à deux ans peut, à sa demande, obtenir son transfèrement dans un établissement pour peines dans un délai de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive. Cependant, elle peut être maintenue en maison d'arrêt lorsqu'elle bénéficie d'aménagement de peine ou est susceptible d'en bénéficier rapidement. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 267, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En, la commission d’enquête de MM. Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, avait réalisé un travail – je suis heureuse de l’affirmer encore une fois – objectif, chiffré et particulièrement critique à l’égard des maisons d’arrêt.

Les conclusions étaient sans appel : selon le rapport issu de cette commission, « les présumés innocents sont les détenus les moins bien traités de France ».

Initialement, les maisons d’arrêt ont été prévues pour accueillir les prévenus, afin que ceux-ci se trouvent à proximité immédiate du magistrat instructeur ou des juridictions.

Ainsi, l’article 717 du code de procédure pénale prévoit que « les condamnés à l’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un an peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d’arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d’arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d’une durée inférieure à un an. »

Or l’exception est devenue la règle : toutes les maisons d’arrêt comptent aujourd’hui des condamnés en leur sein et l’emprisonnement des prévenus et des condamnés dans un quartier distinct n’est en aucun cas respecté.

De plus, les conditions de détention y sont bien souvent effroyables. Les maisons d’arrêt sont surpeuplées, les locaux sont bien souvent dégradés, l’encellulement individuel n’existe pas et la confusion entre condamnés et prévenus a des conséquences dramatiques.

Selon le rapport de la commission d’enquête, 35 % des personnes qui se trouvent en maison d’arrêt n’auraient « rien à y faire ». En outre, les maisons d’arrêt accueillent de plus en plus de populations « à risque », comme des malades relevant de la psychiatrie et des toxicomanes, qui nécessiteraient en principe une prise en charge particulière, le plus souvent médicale.

Aux termes du présent article, les condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans pourront désormais être maintenus en maison d’arrêt.

Une telle disposition constitue un recul. À mon sens, tous ceux qui souhaitent faire progresser la situation devraient se montrer cohérents. Pour notre part, nous sommes opposés à cet article.

M. le président. L'amendement n° 172, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

ou est susceptible d'en bénéficier rapidement

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. L’article 50 permet le transfèrement à la demande du détenu, sauf si ce dernier bénéficie d’un aménagement de peine ou est susceptible d’en bénéficier rapidement.

Une telle disposition constitue une source de litiges à n’en plus finir. En effet, nous introduisons ici un élément subjectif et aléatoire. Que signifie l’expression « est susceptible » ? Qui sera chargé de déterminer la probabilité de ce « susceptible » ? L’adjectif « susceptible » n’est pas un terme objectif ; c’est le genre de formulations que nous serions bien inspirés de bannir du vocabulaire juridique.

Il en va de même pour l’adverbe « rapidement ». Qu’est-ce qui sera considéré comme « rapide » ? Quelques jours ? Quelques mois ?

À mon sens, une telle rédaction est un véritable nid à procès ! Il nous paraît donc plus simple de rédiger ainsi la dernière phrase de l’article : « Cependant, elle peut être maintenue en maison d’arrêt lorsqu’elle bénéficie d’aménagement de peine. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 267 vise à supprimer l’article 50, qui, il est vrai, assouplit les conditions de maintien d’un condamné en maison d’arrêt.

Mais le maintien des personnes condamnées en maison d’arrêt peut également se justifier au regard du maintien des liens familiaux ou de la préparation d’un aménagement de peine. Et si nous proposons de porter de un an à deux ans le critère relatif au quantum ou au reliquat de peine, c’est parce que le projet de loi développe par ailleurs les possibilités d’aménagement de peine, en les étendant aux condamnations ou aux reliquats de peine de deux ans, et non plus simplement d’un an, comme c’était le cas jusqu’à présent. C’est donc en cohérence avec les autres dispositions du texte.

En outre, comme nous avons nous-mêmes estimé qu’une telle mesure présentait une certaine forme de risque, la commission a, avec votre appui, mes chers collègues, déjà modifié le dispositif proposé par le Gouvernement pour reconnaître le droit pour toute personne condamnée à une peine supérieure à deux ans de bénéficier, à sa demande, d’un transfèrement en établissement pour peines dans un délai maximum de neuf mois à compter du jour où sa condamnation est devenue définitive.

Par conséquent, nous avons au moins une échéance. Nous savons qu’il sera systématiquement fait droit, à l’issue d’un délai de neuf mois, à la demande de toute personne désireuse de quitter effectivement la maison d’arrêt pour l’établissement pour peines.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Selon l’objet de l’amendement n° 172, le risque serait qu’il soit plus intéressant pour les condamnés de ne pas s’engager dans un projet d’aménagement de peine tant qu’ils ne sont pas affectés dans un établissement pour peines.

La commission n’a pas réellement cru à un tel risque. De notre point de vue, la difficulté évoquée par les auteurs de cet amendement est excessive. Pour nous, un détenu ne devrait pas hésiter entre la possibilité d’obtenir un aménagement de peine et le souhait de poursuivre son incarcération dans un établissement pour peines. Il devrait toujours préférer la première option.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je souhaite insister sur deux éléments.

Premièrement, la disposition introduite par l’article 50 existait déjà en pratique pour les personnes condamnées pour une durée supérieure à un an qui souhaitaient rester en maison d’arrêt, dans la mesure où cela permet de maintenir les liens familiaux, ce qui est d’autant plus nécessaire que les courtes peines concernent souvent, nous le savons bien, des personnes très jeunes. C'est la raison pour laquelle nous n’avions pas inséré ce dispositif dans la version initiale du projet de loi.

Deuxièmement, les mesures que nous consacrons dans la loi pour favoriser les aménagements de peines existaient déjà également en pratique. Comme vous le savez, lorsqu’une personne condamnée change d’établissement pénitentiaire, le juge de l’application des peines qui la suit peut, lui aussi, être amené à changer. Cela suppose un délai à la fois pour que le dossier soit transmis à un autre magistrat et pour que celui-ci en prenne connaissance. Ce ne sera pas forcément rapide, car il faut laisser au nouveau juge de l’application des peines le temps d’étudier l’ensemble des éléments, notamment la procédure qui a été suivie.

Ainsi, les dispositions qui figurent aujourd'hui dans le projet de loi – il s’agit d’une véritable avancée, car ces règles auront désormais une base législative – existaient déjà en pratique.

Par conséquent, les amendements nos 267 et 172 vont, encore une fois, à l’encontre des objectifs visés par leurs auteurs, c'est-à-dire faciliter la réinsertion des personnes détenues.

Cela rejoint ce que nous évoquions tout à l’heure à propos du casier judiciaire. L’amendement visant à donner au juge de l’application des peines la possibilité de supprimer du casier judiciaire la condamnation faisant obstacle à un aménagement de peine me paraissait excellent.

En l’occurrence, le dispositif institué par l’article 50 est une mesure pratique destinée à favoriser la réinsertion. Et, compte tenu de leur rédaction, adopter ces deux amendements aurait pour effet de compliquer la réinsertion des personnes détenues. Le processus d’aménagement des peines pourrait être interrompu et le maintien des liens familiaux, notamment dans le cadre des visites, pourrait également être compromis.

Aujourd'hui, nous consacrons dans la loi ce que l’administration pénitentiaire pratiquait déjà dans les faits, et cela va plutôt dans l’intérêt des détenus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 267.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 50.

(L'article 50 est adopté.)

Article 50
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 52

Article 51

L'article 717-1 est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire et à l'issue d'une période d'observation pluridisciplinaire, les détenus font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive.  Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines. » ;

2° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Leur régime de détention est déterminé en prenant en compte leur personnalité, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale. Le placement d'une personne détenue sous un régime de détention plus sévère doit être spécialement motivé. »

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous sommes en présence d’une question de la plus haute importance.

Le placement en régime différencié ne se limite pas à une entrave à la liberté de circulation du détenu, comme l’a annoncé Mme le garde des sceaux lors de la discussion générale. C’est là une interprétation très restrictive de la réalité carcérale.

Comme vous le savez, les conséquences du régime différencié sont plus graves que cela. Une telle décision a des conséquences sur la situation juridique des détenus : elle marque le détenu tout au long de la détention. Celui-ci est entravé non seulement dans sa liberté de circulation, mais également dans son accès aux activités, par exemple à la bibliothèque.

Je souhaite vous dire que nous sommes opposés à ces régimes différenciés. Ils n’ont aucune justification et entraînent de graves atteintes aux droits des détenus, que nous avons pourtant proclamés avec force depuis mardi.

Sans aller jusqu’à la suppression des régimes, le texte de la commission a proposé, à bon droit, que de telles décisions de placement soient motivées. Cela entraîne une conséquence simple : la possibilité, de droit, pour le détenu de contester la décision devant le juge de l’excès de pouvoir. Et c’est pourquoi, madame le garde des sceaux, vous souhaitez supprimer la motivation spéciale et avez déposé un amendement en ce sens.

En l’état actuel, vous savez que de telles mesures sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur par le Conseil d’État, même si les juges du fond ont tendance à les considérer comme des décisions administratives individuelles défavorables, au sens de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.

Le texte ouvre une brèche indispensable. Il s’agit de mettre un terme à une immunité juridictionnelle dont dispose aujourd’hui l’administration pénitentiaire, ce qui lui permet de sanctionner les détenus sans contrôle extérieur.

L’objet du présent projet de loi est de faire entrer le droit dans nos prisons. Cela implique également que les décisions prises à l’encontre des détenus puissent être contrôlées.

Je regrette donc que le Gouvernement maintienne un amendement visant à supprimer la motivation de ces décisions.

C’est la raison pour laquelle nous avons sous-amendé votre amendement, madame le garde des sceaux. Nous souhaitons préciser que ces décisions constituent des décisions individuelles défavorables qui doivent être motivées.

Pour autant, ce qui vaut pour l’amendement du Gouvernement vaut également pour le nouvel amendement qui a été déposé par la commission. Même si cet amendement vise à supprimer la référence aux régimes différenciés et à encadrer le champ de telles mesures, il reste muet sur la motivation de ces décisions.

Nous soutiendrons donc l’amendement de M. le rapporteur si nous avons la garantie que ces décisions peuvent être considérées comme des décisions faisant grief, donc susceptibles de faire l’objet d’un recours.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 173, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L'article 717-1 est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès leur accueil dans l'établissement pénitentiaire, les détenus sont placés, sans distinction, dans un quartier arrivant. Ils font l'objet d'un bilan de personnalité. Un parcours d'exécution de la peine est élaboré par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation pour les condamnés, en concertation avec ces derniers, dès que leur condamnation est devenue définitive. Le projet initial et ses modifications ultérieures sont portés à la connaissance du juge de l'application des peines. » ;

2° Après le premier alinéa sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Après le passage en quartier arrivant, si l'établissement pénitentiaire comporte différents régimes de vie, le détenu est placé dans le quartier de détention commun.

« Si le comportement du détenu se révèle incompatible avec le régime de droit commun, il peut être placé dans un régime dérogatoire par décision spécialement motivée du chef d'établissement, après avis du juge de l'application des peines. Un tel placement est pris pour une durée de trois mois, renouvelable selon la même procédure. Le détenu peut faire parvenir au juge de l'application des peines toutes observations concernant la décision prise à son égard.

« Les détenus qui sont soumis à un régime dérogatoire conservent l'accès aux promenades et aux activités collectives et de travail dans les mêmes conditions que les autres détenus. Le régime dérogatoire ne porte que sur les possibilités de déplacements libres des détenus au sein de l'unité de vie durant la journée. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je souscris à ce que vient de souligner M. Desessard et cet amendement est d’inspiration voisine.

En matière de régimes différenciés – et ce n’est pas faire un mauvais procès que de le constater –, il y a la théorie et la pratique.

En théorie il y a, d’un côté, des portes closes et, de l’autre, des portes ouvertes. Et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles de l’univers carcéral…

Mais, en pratique, il y a plusieurs prisons en une seule, avec des effets particuliers dont j’aimerais d’ailleurs en développer deux.

Le premier effet est un effet stigmatisant. Je relisais récemment un rapport rédigé par M. Jean-Marie Delarue, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, après une visite à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. M. Delarue écrivait ceci : « L’illusion du “parcours” peut donc se traduire en définitive par une pure et simple ségrégation entre les différents bâtiments ou étages de l’établissement, avec les détenus susceptibles d’évolution au cours de leur incarcération et ceux qui seront laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de détention, dans une coursive réputée difficile pour eux comme pour le personnel pénitentiaire. » C’est une première dérive.

Le deuxième effet, je le qualifierai de « pervers ». Je ne dis pas que cela correspond à une volonté, mais c’est tout de même la réalité. Dans les faits, les personnes concernées bénéficieront de solutions plus ou moins accommodantes selon l’endroit où elles se trouveront. Ce sera notamment le cas pour toutes les décisions de classement, en particulier pour le travail. Voilà la réalité des régimes différenciés.

Dans mon amendement, je mentionne également la nécessité de motivation, qui figure dans le texte de la commission.

Toutefois, je suis disposé à faire une concession. J’entends bien l’objection qui nous est adressée, notamment par Mme la garde des sceaux. On nous demande pourquoi nous réclamons une telle disposition alors qu’elle figure déjà dans la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, qui oblige à motiver les décisions, en particulier les décisions défavorables.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à regarder la réalité, notamment les contentieux devant le Conseil d'État. Le ministère de la justice s’est récemment pourvu en cassation contre un arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes, en arguant du fait que de telles décisions, dans la mesure où elles sont d’ordre intérieur, échappent à l’obligation de motivation.

Pour ma part, je veux bien faire un effort si on me dit que ces décisions sont nécessairement motivées et que le ministère de la justice abandonnera le moyen qui est aujourd'hui le sien dans l’ensemble de ses recours !

M. Jean Desessard. Très bien ! Très clair !

M. le président. L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du second alinéa du 1° de cet article par les mots :

et de santé

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. L’article 51 est certainement l’un des plus importants du titre II du projet de loi.

Le 1° de cet article vient utilement déterminer les conditions de prise en charge du détenu par une équipe pluridisciplinaire ayant pour objectif une meilleure individualisation de la peine dans le cadre du parcours d’exécution de la peine.

Il est ainsi fait référence à un « bilan de personnalité », dont l’objectif est connu : évaluer la dangerosité du détenu. Si l’expression est absente, nous savons qu’il s’agit bien de cela.

D’ailleurs, c’est bien ce bilan de personnalité qui a été créé dans le cadre de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, bilan qui est effectué par une équipe pluridisciplinaire.

Chacun peut comprendre que la dangerosité du détenu soit évaluée à son incarcération. En revanche, je suis stupéfait qu’aucune mesure relative à la santé du détenu et à son évaluation lors de l’incarcération ne soit prévue.

Nos prisons ont connu ces derniers mois une hécatombe ; je veux parler des nombreux suicides. Or ce sont justement les dispositifs de détection et d’évaluation des risques suicidaires lors de l’incarcération qui sont aujourd’hui pointés du doigt.

C’est la raison pour laquelle les sénatrices et sénateurs verts ont déposé une demande de commission d’enquête sur les outils d’évaluation du risque suicidaire en prison. Il s’agit de faire la lumière sur les méthodes utilisées et leur évaluation.

Nous attendons toujours, madame la ministre, les conclusions du rapport Albran sur l’évaluation du risque suicidaire, qui aurait pu nous éclairer dans ce débat. Nous regrettons profondément que cette question ne soit pas traitée par le projet de loi, ni même évoquée de manière indirecte.

L’objet de cet amendement est de réintroduire une préoccupation majeure : la santé des détenus.

Nous proposons de mettre en place, au côté du bilan de personnalité, un véritable bilan de santé permettant d’évaluer, de manière précise, le risque suicidaire et les troubles psychologiques du détenu entrant.

C’est un impératif moral catégorique. Nous ne pouvons plus nous permettre de laisser des détenus malades ou vulnérables subir un régime de détention inadapté à leur condition. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur la particulière fragilité et vulnérabilité de certains détenus. Le principe du respect de la dignité humaine de la personne nous l’interdit.

Ce bilan de santé aurait un impact immédiat sur les modalités d’individualisation de la peine : le plan d’action qui serait alors élaboré serait adapté non seulement à la personnalité du détenu, mais également à sa santé mentale.

Ce serait un pas important vers l’éradication des suicides en prison.

M. le président. L'amendement n° 174, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Les arguments que je vais développer vaudront aussi pour le sous-amendement n° 301 et l’amendement n°  175.

Nous demandons que la référence à la dangerosité soit supprimée dans l’ensemble du texte. Si, sous l’impulsion de M. le rapporteur, la commission des lois a renoncé à cette notion pour certains articles, elle demeure cependant dans l’article 51.

Pourquoi supprimer cette référence ?

La notion de dangerosité est vague. Qui est dangereux ? Pour qui ? Pour quoi ? En fonction de quels critères ? Tout cela est bien flou.

Cela dit, plutôt que de développer ce point, je citerai la lettre du 19 septembre 2008 adressée par le syndicat national des cadres pénitentiaires au Président de la République. Les auteurs me paraissent avoir parfaitement compris ce qu’il fallait comprendre à ce sujet : « Que la dangerosité du détenu soit manifeste ou plus invisible, elle constitue déjà pour le chef d’établissement comme pour tout fonctionnaire pénitentiaire un véritable enjeu. Mais elle ne doit pas se transformer en principe d’individualisation de la peine. » Voilà une excellente analyse, faite par des professionnels à l’œuvre chaque jour dans nos prisons !

Ils ajoutent : « Cette logique a conduit notre administration en d’autres temps à créer des QHS. Nous savons que ces dispositifs ne fonctionnent pas et sont voués à l’échec, nous n’en voulons pas. »

Le syndicat précise encore que ces dispositifs sont « contreproductifs » et ne font que « crée[r] de la haine, du désespoir, et de la violence là où il faut au contraire introduire de la justice et de la cohérence. »

M. le président. L'amendement n° 296, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit les deux derniers alinéas de cet article :

2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : 

"Au sein de ces établissements, la différenciation des conditions de détention, déterminée en fonction de la personnalité, de la dangerosité ou des efforts en matière de réinsertion sociale de la personne condamnée, ne peut concerner que la liberté de circulation à l'exclusion de toute autre restriction."

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a été voté par la commission des lois à l’issue d’un dialogue avec Mme le garde des sceaux à propos du problème des régimes différenciés. Ceux-ci n’étaient pas appréhendés de la même manière par les uns et par les autres. Peut-être leur réalité suscitait-elle certains fantasmes.

D’une manière un peu caricaturale, nous nous étions arrêtés à l’idée que la différence de régime se bornait à un régime « porte ouverte » et un régime « porte fermée ». Dès lors qu’il était expressément mentionné que le régime différencié n’entraînait aucune restriction dans l’exercice des droits, nous avions accepté de retirer la motivation spéciale. J’avais d’ailleurs un peu l’impression d’acter un accord passé entre les uns et les autres.

Cela dit, en tant que rapporteur, je crois être autorisé par l’ensemble de la commission des lois à préciser que cet amendement a été rédigé pour accéder à une demande du Gouvernement. Si ce dernier souhaite finalement revenir au texte initial, cela ne me semble pas devoir soulever l’ombre d’une difficulté.

M. le président. Le sous-amendement n° 297 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, après les mots :

la personnalité,

insérer les mots :

de l'état de santé,

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le sous-amendement n° 297 rectifié est absolument identique à l’amendement n° 52 rectifié que nous avons déposé sur le texte de la commission. Je les défends donc tous les deux en même temps.

Il s’agit de poser un principe fondamental : un détenu malade doit bénéficier de conditions de détention différenciées, non pas en raison de sa dangerosité ou de sa personnalité, mais en fonction de son état de santé ou de dépendance.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est constante sur ce point : le régime de détention imposé au détenu doit tenir compte de son état de santé ou de dépendance. La France a d’ailleurs récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Rivière, en raison du maintien en détention d’un détenu atteint de troubles psychiatriques.

Cela fait des années que nous revendiquons le droit pour un détenu malade d’être pris en charge par un service spécifique. Les malades mentaux ou les détenus présentant des troubles mentaux graves ont leur place non pas en prison mais dans un établissement pouvant leur prodiguer les soins que nécessitent leur état et leur prise en charge.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé permet en théorie de suspendre la peine d’un détenu dont l’état de santé est incompatible avec la détention. En pratique, cette loi ne s’est appliquée qu’aux détenus à l’article de la mort. Pour les autres détenus, qui nécessitent pourtant une prise en charge spécifique, rien n’est prévu. Le taux de suicide en prison ne me semble pas étranger à cette carence.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire ce principe : le régime de détention tient compte de la santé du détenu.

Ainsi, les détenus malades ou en état de dépendance ne devront plus subir le traitement inhumain qui consiste à les maintenir à tout prix en détention alors que leur place est ailleurs, dans un hôpital ou une unité de soins spécifique.

Ce sous-amendement permettra enfin à la loi pénitentiaire de se conformer à la règle pénitentiaire européenne n° 12.2, selon laquelle « des règles spéciales » doivent régir la situation des « personnes détenues souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison. »

M. le président. Le sous-amendement n° 299, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, après les mots :

la personnalité,

insérer les mots :

le handicap,

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je ne reviendrai pas sur la question des régimes différenciés : l’amendement de M. Lecerf apporte à cet égard des clarifications importantes. J’en ai déjà parlé en prenant la parole sur l’article 51.

Le sous-amendement n° 299 est identique à l’amendement n° 51 que nous avions déposé sur le texte de la commission concernant un problème qui nous semble extrêmement important, celui de l’adaptation des conditions de détention au handicap du détenu. Vous comprendrez, monsieur le président, qu’en défendant cet amendement je défends également l’amendement n° 51 rectifié.

Je souhaite vous rappeler, chers collègues, que la France a fait l’objet d’une condamnation retentissante par la Cour européenne des droits de l’homme en raison du traitement subi par un détenu handicapé à la maison d’arrêt de Fresnes.

Nos prisons comptent plus de 5 000 détenus handicapés, dont plus de 200 handicapés moteurs.

Cette catégorie de détenus subit une double peine permanente en raison des difficultés de circulation et de l’inadaptation des locaux à leur handicap. L’absence de rampes d’accès et d’ascenseurs, l’inadaptation des soins médicaux et les difficultés à accéder aux sanitaires et aux douches sont autant de problèmes qui rendent la détention encore plus difficile. Cette question ne semble pourtant pas intéresser le ministère. En effet, cette catégorie de détenus ne fait l’objet d’aucune étude régulière.

Les détenus handicapés nécessitent une prise en charge spécifique, et donc des conditions de détention spécifiques, tenant davantage compte des besoins de ces personnes.

Selon l’administration pénitentiaire, 123 cellules ont été aménagées pour les détenus handicapés dans nos 195 établissements pénitentiaires et 130 sont en construction.

Est-il normal qu’un détenu de Tarascon n’ait pas pris de douche durant trois mois en raison de sa paraplégie qui l’empêche d’accéder aux douches ? C’est tout simplement intolérable !

La question doit aujourd’hui être prise au sérieux par l’administration pénitentiaire. C’est la raison pour laquelle nous proposons d’intégrer la prise en compte du handicap du détenu dans le régime de détention qui lui sera applicable.

M. le président. Les sous-amendements nos 298, 301 et 302 sont identiques.

Le sous-amendement n° 298 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Le sous-amendement n° 301 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Le sous-amendement n° 302 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces trois sous-amendements sont ainsi libellés :

Dans le troisième alinéa de l'amendement n° 296, supprimer les mots :

la dangerosité

La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre le sous-amendement n° 298.

M. Jean Desessard. En dépit des avancées proposées par l’amendement, la possibilité de placer un détenu dans des conditions de détention différenciées en raison de sa personnalité demeure.

Depuis le début de la semaine, nous nous acharnons à donner aux détenus des droits dont ils bénéficieront en toute circonstance. Or la possibilité de modifier les conditions de détention d’un détenu sur la base d’un critère aussi flou que celui de la dangerosité nous semble aller à l’encontre du principe de l’égalité de traitement et d’accès au droit que nous avons posé à l’article 10 du projet de loi.

Cette notion de dangerosité est en réalité un critère fourre-tout, qui va justifier des conditions de détention plus sévères en l’absence de tout acte contraire au règlement.

Vous souhaitez marquer certains détenus tout au long de la détention, à l’image des détenus particulièrement signalés. Or ce marquage affecte gravement la vie en détention. Pointant du doigt un détenu, vous le stigmatisez.

Nous refusons ce critère, puisque, à notre sens, il entraînera des abus de la part d’agents.

Que des conditions de détention différenciées soient prévues pour un détenu malade ou handicapé – tel était d’ailleurs l’objet de l’amendement et des sous-amendements que je viens de présenter – cela se comprend ; il ne s’agit d’ailleurs pas d’une sanction mais d’une adaptation de la détention à son état. En revanche, le détenu considéré comme dangereux et placé en régime différencié fera l’objet d’une sanction permanente déguisée.

Il subira une surveillance rapprochée et sa liberté de circulation sera entravée. Il lui sera impossible de travailler et courra le risque d’un déclassement. Il éprouvera le sentiment permanent d’être un paria qui doit être traité comme tel.

Mes chers collègues, celui qui viole le règlement doit être puni, mais que celui qui n’est même pas encore entré en détention soit d’emblée soumis à un régime différencié est intolérable !

Je vous rappelle qu’un détenu est là pour purger une peine, et ce type de différenciation constitue une peine dans la peine.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de la référence à la dangerosité.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani pour défendre le sous-amendement n° 301.

M. Alain Anziani. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre le sous-amendement n° 302.

Mme Éliane Assassi. Ce sous-amendement a le même objet que l’amendement n° 268.

L’article 51 a pour ambition de subordonner le régime de détention à l’évaluation – entre autres – de la « dangerosité » de la personne détenue. Revenons quelques instants sur cette notion.

Disposant d’une faculté d’auto-saisine, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou CNCDH, a adressé le 4 janvier 2008 une note sur le projet de loi relatif à la rétention de sûreté à M. le Premier ministre, à Mme la garde des sceaux, à Mme la ministre de la santé et à MM. les présidents des assemblées. La CNCDH s’inquiétait alors très clairement « de l’introduction au cœur de la procédure pénale du concept flou de dangerosité, notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique ». Elle rappelait à cette occasion que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ».

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Éliane Assassi. Comme la CNCDH, de nombreuses personnes et des institutions se sont inquiétées de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur un fondement aussi incertain.

Depuis, des études ont aussi démontré le caractère extrêmement aléatoire de la prédiction du comportement futur. Des professionnels – des psychiatres, des médecins et des personnels de l’administration pénitentiaire – ont pétitionné, s’élevant ainsi publiquement contre cette nouvelle approche de la détention, pour le moins répressive.

Le Conseil constitutionnel lui-même s’est opposé à la rétroactivité de la loi et a tenté de proposer un encadrement à l’évaluation de la dangerosité, point sur lequel la loi était, et reste toujours, floue.

En somme, un an plus tard, le concept de dangerosité n’a toujours pas été clairement défini et encadré par le Gouvernement qui l’a mis en place.

Au contraire, de nouveaux arguments sont venus s’ajouter à la longue liste de critiques à l’égard de ce concept injuste et arbitraire.

Nous demandons que l’article 51, qui a vocation à encadrer l’évaluation par le système pénitentiaire judiciaire du régime de détention des personnes incarcérées, ne fasse plus référence à ce concept flou qui, au lieu de fournir de nouvelles grilles ou méthodes d’analyses, accroît encore, nous semble-t-il, l’opacité des critères déterminant le régime de détention.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, après les mots :

leur personnalité,

insérer les mots :

leur handicap,

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, après les mots :

leur personnalité,

insérer les mots :

leur santé,

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Il est également défendu.

M. le président. Les amendements nos°175 et 268 sont identiques.

L'amendement n° 175 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 268 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la première phrase du second alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots :

, leur dangerosité

La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 175.

M. Alain Anziani. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 268.

Mme Éliane Assassi. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 291, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du second alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :

doit être spécialement motivé

par les mots :

ne saurait porter atteinte aux droits des détenus visés à l'article 10 de la loi pénitentiaire n° ... du ...

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement estime nécessaire d’adapter les régimes de détention à la personnalité et à la dangerosité du détenu, ainsi qu’aux efforts manifestés par ce dernier pour sa réinsertion.

Comme l’ont fait nos voisins européens, l’administration pénitentiaire a mis en place des régimes de détention différenciés dans cinquante établissements pénitentiaires.

En effet, ainsi que M. Lecerf l’a noté dans son rapport, les détenus sont loin de constituer une population homogène. De ce fait, il est nécessaire et logique que certains établissements développent des programmes comprenant des dispositifs adaptés aux problématiques spécifiques de certains détenus, notamment les délinquants sexuels, et que, au sein d’un même établissement, des règles de prise en charge soient adaptées à la personnalité des détenus.

Ce système permet de ne pas appliquer à l’ensemble des détenus des règles qui ne sont pas justifiées ou qui ne le sont que pour une minorité d’entre eux.

Je rappelle, à cet égard, que l’instauration des régimes différenciés à l’intérieur d’un même établissement ne comporte aucune conséquence sur les droits des détenus.

M. Anziani affirmait tout à l’heure qu’une même prison comportait plusieurs prisons. Telle n’est pas la définition du régime différencié.

La différenciation porte non pas sur les droits des détenus, mais uniquement sur les modalités concrètes de prise en charge de chaque détenu en fonction du degré d’autonomie qui peut lui être accordé, ainsi que de sa capacité à vivre en collectivité.

Par exemple, l’accès des détenus à l’ensemble des activités de chaque établissement n’est pas remis en cause par le programme des régimes différenciés. Seules les conditions de cet accès sont modulables, selon que le détenu nécessite ou non d’être accompagné à l’intérieur du lieu de détention par un agent de l’administration pénitentiaire. Il en va de même pour l’accès au téléphone.

Il ne s’agit en aucun cas – et je tiens à le confirmer à M. le rapporteur – d’un régime disciplinaire destiné à priver le détenu de l’exercice effectif d’un droit, qu’il s’agisse de l’activité, du travail, de la formation, des relations avec l’extérieur, notamment de l’accès aux parloirs.

Le placement d’un détenu dans l’un de ces régimes est décidé par le directeur de l’établissement après examen du cas du détenu devant la commission pluridisciplinaire de l’établissement, d’où l’importance de ces commissions, je le souligne une nouvelle fois.

À l’évidence, toutes les explications seront données au détenu sur son affectation, mais il convient de rester extrêmement pragmatique et de ne pas complexifier par une procédure trop lourde un dispositif qui ne touche pas à l’exercice des droits.

Il a paru opportun au Gouvernement d’inscrire dans la loi cette possibilité, qui sera encadrée par les règlements pour chaque catégorie d’établissement.

D’ailleurs, les établissements pénitentiaires qui ont adopté des régimes de détention différenciés ont enregistré une forte diminution du nombre de violences, d’actes de violence et d’incivilité en leur sein, et donc du nombre de sanctions disciplinaires. Ainsi, dans l’établissement pénitentiaire de Châteaudun, les sanctions disciplinaires ont diminué de plus de moitié à la suite de la mise en place de ces régimes de détention différenciés.

J’indique également que les quartiers « arrivants » ont favorisé une meilleure réinsertion des personnes détenues par la prise en compte des difficultés de ces dernières grâce à l’évaluation qui est faite dès leur arrivée en prison de l’ensemble de leurs carences et de leurs besoins.

Auparavant, l’évaluation du détenu se fondait sur l’infraction commise ou sur la condamnation dont il faisait l’objet. Par exemple, une personne condamnée pour violences conjugales n’était évaluée qu’à l’aune de ses actes, sans que l’on se demande si elle avait agi sous l’emprise de l’alcool, sans que l’on cherche à évaluer ses addictions.

Par conséquent, les différentes difficultés des détenus seront désormais mieux prises en compte grâce aux programmes mis en place dès leur arrivée en prison et aux régimes différenciés de détention.

J’espère, monsieur le rapporteur, madame Borvo Cohen-Seat, que ces explications vous auront rassurés et convaincus de la nécessité de ne pas alourdir inutilement un dispositif qui ne porte pas atteinte aux droits des détenus.

M. le président. Le sous-amendement n° 294, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Au début du dernier alinéa de l'amendement n° 291, insérer les mots :

constitue une décision administrative individuelle défavorable au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Chacun l’a bien compris, nous sommes opposés à l’amendement n° 291 mais, pour le cas où ce dernier serait adopté, nous proposons ce sous-amendement de repli.

L’amendement du Gouvernement vise à supprimer, dans l’article 51, la référence à la motivation spéciale des décisions de placement dans un régime différencié.

Cet amendement a pour objet, en réalité, d’asseoir une pratique réglementaire tendant à considérer de telles décisions comme des mesures d’ordre intérieur, qui ne peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge de l’excès de pouvoir.

Pourtant, une décision de placement en régime différencié n’est pas sans incidence sur la situation juridique du détenu.

L’amendement entretient l’arbitraire puisque, en ne reconnaissant pas que la décision de placement en régime différencié est un acte faisant grief, il empêche tout recours devant le juge de l’excès de pouvoir. L’administration pourra donc prendre des mesures arbitraires sans qu’un juge puisse vérifier leur conformité au droit, notamment à la loi pénitentiaire.

Mes chers collègues, si nous décidons de faire entrer le droit dans les prisons, donnons au détenu la possibilité de former un recours contre une décision de placement en régime différencié !

Je le répète, les décisions de placement en régime différencié sont considérées comme des mesures d’ordre intérieur, parce que l’administration l’a souhaité.

Pourtant, elles ont une incidence sur les droits des détenus : elles modifient leur situation juridique. Les détenus placés sous un régime différencié sont surveillés de manière plus stricte ; ils doivent prendre leurs repas dans leur cellule, qui ne dispose pas de porte ouverte ; ils n’ont pas accès aux ateliers et ne peuvent se rendre à la bibliothèque que dans le cadre d’un créneau horaire réservé.

Ces exemples ne suffisent-ils pas à démontrer qu’il s’agit d’une décision faisant grief ?

Les tribunaux administratifs eux-mêmes le reconnaissent, et je vous renvoie à cet égard à la décision de la cour administrative d’appel de Nantes du 21 février 2008.

Ce que nous proposons est en réalité une évolution naturelle. Les décisions de placement en isolement ont connu le même sort. D’abord considérées comme des mesures d’ordre intérieur, elles ont été transformées, par un revirement de jurisprudence, le 30 juillet 2003, en décisions administratives individuelles défavorables, susceptibles de recours devant le juge de l’excès de pouvoir.

Je vous propose, par ce sous-amendement, mes chers collègues, de mettre un terme à l’immunité juridictionnelle dont bénéficie l’administration pénitentiaire dans le placement en régime différencié des détenus, en soumettant ses décisions au contrôle du juge administratif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l’amendement n° 173, la commission émet un avis défavorable pour deux raisons.

En premier lieu, le 1° de cet amendement ne fait plus référence à une période d’observation pluridisciplinaire qui pourra s’effectuer dans le quartier « arrivants », ce qui paraît extrêmement gênant.

En effet, nous sommes très favorables à l’évaluation, dont nous avons même élargi les hypothèses en étendant aux prévenus la disposition qui visait uniquement les condamnés, tout en convenant cependant de la nécessité de l’adapter selon qu’il s’agit des prévenus ou des condamnés.

Il s’agit d’ailleurs là d’une espèce de rendez-vous que nous nous étions fixé avec Mme la garde des sceaux lors de la discussion du texte relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, puisque nous avions introduit à cette occasion, avec la collaboration précieuse de Robert Badinter, une disposition visant à mettre en place une évaluation pour les personnes condamnées à des peines pouvant amener à la rétention de sûreté. Il s’agissait d’une évaluation très ambitieuse, fondée sur une période d’observation de six semaines minimum au Centre national d’observation, de façon que la qualité du travail soit à la hauteur des implications éventuelles du risque de placement en rétention de sûreté.

Nous avions prévenu Mme la garde des sceaux que nous reviendrions à la charge lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire pour obtenir l’évaluation au moins pour toutes les longues peines.

En l’occurrence, nous sommes allés plus loin – et le Gouvernement ne tente pas de revenir sur ce point – en redemandant une évaluation pluridisciplinaire  – espérons que l’adoption de l’amendement de M. About n’empêchera pas la réalisation de cette dernière – car, pour nous, cette évaluation est nécessaire à l’élaboration du parcours d’exécution de la peine, afin que le temps de peine soit un temps utile et non pas un temps mort.

Telle est donc la première raison de l’hostilité de la commission à l’amendement n° 173.

En second lieu, cet amendement encadre très strictement la mise en œuvre des régimes différenciés. Il ajoute l’avis du juge de l’application des peines et il prévoit le renouvellement de la procédure tous les trois mois, ce qui nous paraît excessivement lourd.

L’amendement n° 50 rectifié vise à prendre en compte les préoccupations relatives à la santé dans le bilan d’observation des détenus arrivants. Cette précision est apparue utile à la commission, qui émet donc un avis favorable.

M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’en viens à l’amendement n° 174.

La référence aux trois critères relatifs à la personnalité, la dangerosité et les efforts en matière de réinsertion pour la détermination du régime de détention permet, selon nous, d’encadrer de manière précise l’appréciation du chef d’établissement.

En outre, il faut rappeler que cette décision est considérée par la jurisprudence administrative comme faisant grief et, donc, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Sur ce point, je suis en total désaccord avec MM. Anziani et Desessard.

En effet, je ne sais pas ce qu’en pensera notre collègue Hugues Portelli, et je peux me tromper, mais, à mes yeux, toute l’évolution de la jurisprudence administrative, depuis déjà de nombreuses années, va dans le sens de l’extension de la notion de l’intérêt à agir et donc des cas où l’on admet le recours pour excès de pouvoir, la catégorie des mesures d’ordre intérieur, c'est-à-dire celles qui sont considérées comme n’ayant pas suffisamment d’importance pour que le juge s’en préoccupe, se réduisant comme peau de chagrin.

À ma connaissance, toutes les décisions défavorables, par exemple de déclassement ou de sanction disciplinaire, qui étaient des mesures d’ordre intérieur sont désormais considérées comme des mesures susceptibles de recours et faisant grief, tout comme le classement dans une catégorie de régime différencié moins favorable.

Souvenez-vous de cette jurisprudence du juge administratif, quelque peu subtile, mais dont on peut comprendre aisément les raisons, consistant à dire que, si une mesure est plus défavorable, par exemple dans le cas d’un déclassement au niveau du travail, elle fait grief et est susceptible de recours, mais que, si la mesure n’est pas plus défavorable – par exemple, un changement d’affectation dans l’emploi –, elle ne fait pas grief et le recours n’est pas autorisé.

Par conséquent, en l’état actuel de la jurisprudence du Conseil d’État, qui l’emporte sur celle des tribunaux administratifs, la disposition proposée est considérée, à mon sens, comme une mesure faisant grief.

La commission n’a pas eu connaissance des sous-amendements à son amendement n° 296.

Au demeurant, sachant qu’elle avait donné un avis favorable à plusieurs amendements de Mme Boumediene-Thiery allant dans le même sens, à titre personnel, je suis plutôt favorable au sous-amendement n° 297 rectifié.

Quant au sous-amendement n° 299, avec les mêmes réserves puisqu’il n’a pas été examiné par la commission, j’en demande le retrait dans la mesure où la notion de handicap me semble incluse dans celle de santé.

Il en va de même pour l’amendement n° 51 rectifié, qui a le même objet que le sous-amendement n° 299.

Je ne peux suivre les auteurs des sous-amendements identiques nos 298, 301 et 302, selon qui la dangerosité ne saurait constituer un critère permettant de mettre en place des conditions de détention différenciées, car il s’agit, à mes yeux, d’un critère absolument fondamental à cet égard.

Tous ceux qui ont visité des établissements de détention ont entendu les personnels de surveillance leur dire que, sur 500 détenus, 450 ne posaient pas de problème, mais que 50, parfois beaucoup moins, créaient des conditions extrêmement difficiles aux uns et aux autres. Ainsi, à cause de cette poignée de personnes, on est obligé d’imposer des conditions de sécurité communes aux 500 détenus !

C’est pourquoi nous devons essayer de mettre en place un régime différencié, qui permette à 450 détenus de vivre dans des conditions plus sereines et plus agréables, et de réserver l’hypothèse, par exemple, des « portes fermées », à ceux qui, de fait, posent problème.

Franchement, je ne vois pas comment on pourrait envisager d’éliminer la notion de dangerosité des critères permettant de mettre en place des conditions de détention différenciées. La commission est donc défavorable à ces trois sous-amendements.

La commission est favorable à l’amendement n° 52 rectifié, qui prévoit la prise en compte de la notion de santé.

La commission est défavorable aux amendements nos 175 et 268 puisqu’ils tendent à supprimer le critère de dangerosité.

Je ne peux être favorable à l’amendement n° 291 du Gouvernement dans la mesure où il n’est pas compatible avec l’amendement n° 296 de la commission.

J’ai écouté Mme le ministre avec beaucoup d’attention et je reconnais que ses arguments, sur bien des points, sont marqués au coin du bon sens, mais, en tant que rapporteur de la commission des lois, je suis contraint de m’en tenir à ce que celle-ci a décidé.

Par voie de conséquence, la commission est également défavorable au sous-amendement n° 294.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ainsi que je l’ai souligné lorsque j’ai présenté l’amendement n° 291, le dispositif prévu par l’article 51 ne correspond pas à un régime disciplinaire. Il garantit le respect des droits fondamentaux des détenus et n’entraîne aucune restriction quant au régime de détention de droit commun.

Il est donc inutile de rappeler, comme le fait l’amendement n° 173, que le détenu soumis à un régime différent conserve ses droits à la promenade, ainsi qu’aux activités collectives et au travail. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 50 rectifié, qui vise à prévoir un bilan de santé en complément du bilan de la personnalité. C'est d’ailleurs la raison pour laquelle je tenais à ce que le médecin ne soit pas exclu des commissions pluridisciplinaires, car son avis peut être important dans le cadre de ce bilan. L’amendement qui a été adopté hier risque d’être source de difficultés pour l’évaluation du nouveau détenu dans la mesure où il n’y a pas d’acte médical stricto sensu.

Le Gouvernement est tout à fait favorable à la prise en compte de l’état de santé dans la détermination du régime de détention et pourrait, dès lors, accepter le sous-amendement n° 297 rectifié, s’il n’était défavorable à l’amendement n° 296 de la commission, qui n’est pas compatible avec l’amendement n° 291.

Le sous-amendement n°299 vise à inclure le handicap parmi les critères à prendre en compte dans la détermination du régime de détention. Le handicap est pris en compte dans l’affectation des cellules, et tous les nouveaux établissements pénitentiaires ont des cellules adaptées aux personnes handicapées, mais il ne s’agit pas d’un critère de personnalité. Le Gouvernement est donc défavorable à ce sous-amendement.

Le Gouvernement est également aux sous-amendements nos 298, 301 et 302, qui visent à supprimer le critère de la dangerosité.

Je répondrai à Mme Assassi que la dangerosité n’est pas une notion nouvelle, créée avec la rétention de sûreté : elle existait dans le code pénal bien avant la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Dans la loi de 2005, les commissions pluridisciplinaires doivent évaluer la dangerosité d’un détenu avant sa sortie. Ce critère figure aussi dans le code de la santé publique, en relation avec le trouble à l’ordre public, notamment pour les hospitalisations d’office.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 174, ainsi qu’aux amendements identiques nos 175 et 298.

J’ai déjà répondu sur la question du handicap, soulevée par l’amendement n° 51 rectifié, auquel le Gouvernement est défavorable.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 52 rectifié puisqu’il vise à inclure la santé parmi les critères de détermination du régime de détention.

Enfin, le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 294.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote sur l'amendement n° 173.

M. Alain Anziani. M. le rapporteur s’étonne de ce que nous insistions pour faire explicitement figurer dans le texte que les décisions de placement en régime différencié sont motivées alors que la jurisprudence administrative serait déjà plutôt encline à accepter une telle motivation.

Monsieur le rapporteur, c’est vrai, globalement, la jurisprudence administrative va dans ce sens. Cependant, la raison du Conseil d’État n’atteint pas la Place Vendôme ! (Sourires.) C’est pour cela que j’éprouve quelque inquiétude.

J’ai sous les yeux un pourvoi en cassation du garde des sceaux contre un arrêt rendu par la cour administrative d’appel de Nantes du 21 février 2008. La cour administrative d’appel a confirmé un jugement du tribunal administratif et a annulé un placement en régime de détention, notamment pour un problème de défaut de motivation.

Dès lors, je ne comprends pas pourquoi les services juridiques du ministère de la justice s’acharnent dans presque tous les recours à soutenir la position contraire !

Permettez-moi de lire un extrait du recours signé par la personne habilitée à le faire au nom de Mme la garde des sceaux : « En tant que mesure d’ordre intérieur, la décision de placement d’un détenu en régime différencié… » – la décision de placement est donc qualifiée de mesure d’ordre intérieur – « …n’entre pas dans le champ d’application de la loi du 11 juillet 1979… » – il s’agit de la loi relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public – « …ni dans celui de la loi du 12 avril 2000, qui ne s’appliquent qu’aux décisions faisant grief. »

On nous explique à longueur de contentieux que ces décisions n’ont pas à être motivées et qu’elles ne font pas grief, contrairement à ce qu’indique la jurisprudence du Conseil d’État. Il est peut-être temps de se rallier à cette dernière !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 297 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 299 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

.M. le président. Le sous-amendement n° 299 est retiré.

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur les sous-amendements identiques nos 298, 301 et 302.

M. Louis Mermaz. Cette notion de dangerosité, même si elle figure déjà dans des textes, est de plus en plus a-scientifique. Dans quelques années, si elle ne fait pas sourire, elle suscitera au moins un franc scepticisme !

Il s’agit en effet d’une notion de totalement floue et, faute de critères permettant de la cerner, elle ne signifie absolument rien. Autrement dit, si le texte est laissé en l’état, l’évaluation de la dangerosité sera laissée à la libre appréciation de la personne qui réalisera l’expertise.

Il est triste que, en ce début de xxie siècle, on en soit encore à manier des concepts médiévaux !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette affaire de dangerosité pose véritablement un problème.

Madame la garde des sceaux, ce n’est pas parce que le concept figure dans d’autres textes qu’il est pertinent ! Beaucoup d’idées existent depuis longtemps qui ne sont malheureusement pas bonnes ! Sur cette question, je rejoins totalement ce qu’a dit M. Mermaz et je n’ai pas besoin d’insister.

Par ailleurs, de nombreuses personnes dont l’avis n’est tout de même pas négligeable considèrent que le fait de laisser à l’administration pénitentiaire le soin de décider l’application de tel ou tel régime de détention introduit des inégalités à l’intérieur de chaque établissement et entre les établissements, et qu’il n’est donc pas de nature à favoriser le meilleur fonctionnement possible des établissements.

Les arguments qui ont été avancés n’emportent pas la conviction.

Je note aussi que l’Observatoire international des prisons critique également les régimes différenciés.

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, que nous avons tous choisi et qui ne peut être soupçonné de fomenter l’agitation, a relevé, dès sa prise de fonctions, que ces régimes posaient des problèmes.

Je suis donc très sceptique, d’autant que vous refusez d’inscrire dans le texte les garanties que nous proposons.

Il me paraît dommage de ne pas prendre davantage en compte des remarques qui émanent non de naïfs ou de laxistes, mais de personnes bénéficiant d’une certaine expérience et passant beaucoup de temps à s’interroger sur la prison.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Ce débat sur la dangerosité a un côté purement intellectuel qui me choque. Nous sommes dans le domaine du réel. Nous touchons à des problèmes concrets, très difficiles à analyser et à exprimer en termes précis.

Il faut admettre que des termes généraux laissent une marge à l’interprétation. Toute action humaine exige ce genre de termes. Si vous avez un autre mot que celui de dangerosité à nous proposer, faites-le ! Mais, pour le moment, c’est de celui-là que nous disposons !

Il est possible que ce terme vous gêne, mais il se trouve qu’il y a des gens qui sont dangereux, comme il y a des choses qui sont dangereuses. Ce terme recouvre donc une réalité !

Je vous renvoie à un autre concept, celui du principe de précaution, que nous avons d’ailleurs sacralisé. En vertu de ce principe, il faut se méfier de ce qui est dangereux, y compris des gens qui sont dangereux.

Il faut prévoir cette éventualité, avec la marge d’interprétation qui caractérise toute action humaine, marge que nous ne pouvons cerner uniquement avec des mots. Ce serait un exercice tout à fait vain et purement intellectuel, mais malheureusement typiquement parlementaire !

M. Louis Mermaz. Voilà des propos dangereux ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous venons d’avoir un débat sur les régimes différenciés : nous avons pris connaissance de l’amendement n° 296 de la commission et de l’amendement n° 291 du Gouvernement, éclairé par les déclarations de Mme le garde des sceaux sur les droits auxquels il ne serait pas dérogé en régime différencié.

La discussion porte sur le degré de souplesse que l’on accorde à l’administration pénitentiaire. Il est difficile de se satisfaire d’une alternative du type « ouvert-fermé », car les régimes carcéraux se distinguent par diverses caractéristiques.

Monsieur le président, je demande donc le vote par priorité sur l’amendement n° 291, ainsi, bien sûr, que sur le sous-amendement n° 294 dont il est assorti. Si l’amendement du Gouvernement n’est pas adopté, celui de la commission recueillera certainement une large approbation dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La priorité est de droit.

Monsieur Desessard, le sous-amendement n° 294 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n° 294 est retiré.

La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote sur l’amendement n° 291.

M. Jean-Patrick Courtois. Le projet de loi permet d’adapter les régimes de détention à la personnalité des détenus. Ces dispositions nous paraissent particulièrement pertinentes. En effet, tous les détenus ne se ressemblent pas : ils constituent une population extrêmement hétérogène. Certains peuvent être très sociables et s’inscrire dans une démarche de réinsertion. D’autres supportent beaucoup plus difficilement la vie en collectivité. Enfin, une petite partie peut adopter un comportement dangereux pour les personnels et les codétenus si l’on ne met pas en place des mesures adaptées.

Cette approche évite de faire peser sur l’ensemble des détenus des dispositions qui ne se justifient pas. La plupart des pays d’Europe ont adopté des dispositifs similaires.

Il nous paraît donc particulièrement opportun d’inscrire cette possibilité dans la loi, comme le souhaite le Gouvernement, afin de pouvoir généraliser les expérimentations mises en place dans certains établissements pénitentiaires français. Ces dispositions ne touchant pas à l’exercice effectif des droits des détenus, elles doivent alors pouvoir être mises en œuvre sans formalisme excessif.

Telles sont les raisons qui nous conduiront à voter l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je souhaiterais obtenir une précision.

Si j’ai bien compris, la commission est normalement opposée à l’amendement du Gouvernement puisqu’elle souhaite voir adopter son propre amendement. Monsieur le rapporteur, vous souhaitez donc que nous votions contre l’amendement du Gouvernement pour que votre amendement puisse être adopté à une large majorité, voire à l’unanimité. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Je suis membre de la commission des lois et, comme presque tous mes collègues commissaires, j’ai voté l’amendement de notre collègue et ami Jean-René Lecerf, que je trouve personnellement tout à fait fondé.

Je souhaiterais cependant revenir sur le sens des articles dont nous débattons en ce moment. Cet après-midi, nous allons examiner une série de dispositions de caractère vraiment juridique, relatives aux procédures que l’administration pénitentiaire doit respecter. Nous aborderons tout à l’heure les recours qui pourront, ou non, selon le vœu du législateur, être intentés devant le juge administratif : il s’agira donc de décider quelles seront les libertés reconnues, comment les décisions seront motivées, si des procédures d’urgence peuvent être instituées, etc. Ce ne sont pas des questions subalternes !

Nous devons avoir une vue très concrète et réaliste de la situation, j’en conviens, et nous efforcer d’adapter le droit aux réalités humaines et sociales. Mais la commission des lois n’a pas travaillé par hasard ni par erreur : lorsque nous avons approuvé l’amendement de notre collègue Jean-René Lecerf, nous l’avons fait en toute connaissance de cause. C’est pour cette raison que je le soutiens, contre tout amendement qui viserait à le rendre sans objet.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À quoi sert le débat ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le rapporteur de la commission des lois n’est pas schizophrène : il défendra donc l’amendement de la commission des lois, s’il peut encore être soumis au vote, et il ne pourra pas voter en faveur de l’amendement du Gouvernement.

Cela dit, j’ai reconnu tout à l’heure que le contenu de l’amendement du Gouvernement ne me choquait pas outre mesure et qu’il représentait un progrès considérable par rapport à son texte initial.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les lois sont votées en séance plénière, pas avant ni ailleurs ! Le dialogue que nous avons eu pendant trois jours sur un certain nombre de sujets a fait progresser les points de vue des uns et des autres. Permettez-moi de dire qu’il n’y aurait rien de plus dangereux qu’un législateur qui arriverait dans l’hémicycle avec des idées toutes faites et fermement décidé à ne rien changer à ses résolutions initiales.

C’est le dialogue entre la majorité et l’opposition, entre le Gouvernement et le Parlement qui fait la grandeur de notre débat. Depuis trois jours, celui-ci a été très ouvert. Aussi bien, éclairés par le dialogue avec le Gouvernement, pouvons-nous très légitimement faire évoluer notre position.

Monsieur Portelli, je n’aurais pas voté le texte initial du Gouvernement. Toutefois, je dois reconnaître que, à partir du moment où toutes les garanties sont données, les régimes différenciés n’auront rien de choquant. Je ne vois donc plus d’objection, compte tenu des déclarations du Gouvernement, à laisser prévaloir un certain pragmatisme.

Il est très facile pour des gens assis dans leur bureau d’estimer que toutes les décisions relatives à la vie quotidienne dans les prisons doivent être motivées. Mais les responsables des établissements pénitentiaires pourront-ils vraiment faire leur travail et veiller à ce que la vie en détention se passe bien ? Vont-ils se déplacer avec un calepin pour noter tout ce qui ne va pas et dire aux détenus qui exagèrent qu’ils n’auront plus de permissions de sortie ? C’est totalement irréaliste !

En revanche, si des abus sont commis, le juge administratif en aura connaissance, puisqu’il s’agira de décisions faisant grief, même si elles ne sont pas écrites.

En tout état de cause, c’est en séance publique que l’on vote la loi.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Nous avons souvent remarqué, lors de la discussion de ce projet de loi – mais également à l’occasion d’autres débats –, qu’une affirmation valait mieux qu’une négation.

Si l’on écrit que « le placement d’une personne détenue sous un régime de détention plus sévère doit être spécialement motivé », tout le monde comprend de quoi il s’agit et cette rédaction permet d’exercer éventuellement un recours…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas recommencer le débat !

M. Louis Mermaz. En revanche, lorsqu’on écrit, de façon beaucoup plus floue, qu’une telle décision « ne saurait porter atteinte aux droits des détenus », on tombe à nouveau dans la subjectivité, donc dans le risque d’arbitraire.

M. Louis Mermaz. Je préférais de loin le texte clair et limpide qu’avait initialement adopté la commission des lois.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 291.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 296, précédemment modifié par le sous-amendement n° 297 rectifié, ainsi que les sous-amendements nos 298, 301 et 302 n’ont plus d’objet.

M. Jean Desessard. C’est incroyable, le président de la commission met son rapporteur en minorité !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je souhaite seulement préciser que le retrait du sous-amendement n° 294 ne change rien à la nature juridique de la décision de placement sous un régime de détention donné. En effet, c’est la juridiction administrative qui apprécie la nature de ces actes et, en l’état actuel de la jurisprudence du Conseil d’État, la décision de placement dans un régime plus sévère s’analyse comme une décision administrative individuelle défavorable, qui, à ce titre, doit être motivée.

M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 51 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 51 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’amendement n° 52 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 175 et 268.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 51, modifié.

(L’article 51 est adopté.)

Article 51
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels avant l’article 53

Article 52

Le second alinéa de l’article 717-2 est ainsi rédigé :

« Il ne peut être dérogé à ce principe que si les intéressés en font la demande ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls, ou en raison des nécessités d’organisation du travail. »

M. le président. L’amendement n° 269, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou si leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 52 introduit des dérogations au principe de l’encellulement individuel pour les personnes condamnées, qu’elles se trouvent en maison d’arrêt ou en établissement pour peines.

Il crée deux nouvelles dérogations : lorsque les intéressés le demandent et lorsque leur personnalité justifie que, dans leur intérêt, ils ne soient pas laissés seuls. L’article 52 procède néanmoins à la suppression d’une actuelle dérogation au principe de l’encellulement individuel, relative à la distribution intérieure des locaux.

Si cette suppression s’avère justifiée s’agissant des établissements pour peines, puisque ceux-ci sont en mesure d’appliquer ce principe, la suppression de la dérogation, s’agissant des maisons d’arrêt, suppose qu’il soit rapidement fin à la préoccupante surpopulation qu’elles connaissent actuellement.

Nous désapprouvons totalement, je le répète, le fait que l’encellulement individuel en maison d’arrêt soit inclus dans le moratoire, comme le propose le rapporteur. Nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 59.

L’encellulement individuel des condamnés doit être un objectif prioritaire, au même titre que celui des prévenus. Est-il nécessaire de répéter les arguments développés lors de la discussion de l’article 49 ? Ces assouplissements sont d’autant plus préoccupants que l’article 50 prévoit la possibilité de maintenir en maison d’arrêt les condamnés dont la peine à subir est de deux ans, et non plus d’un an seulement.

La situation de tension extrême dans les cellules des maisons d’arrêt, en raison de la surpopulation carcérale, aurait dû, depuis longtemps, faire entrer en application le principe de l’encellulement individuel.

C’est pourquoi nous considérons que seule la demande expresse de la personne détenue peut permettre d’y déroger. Encore une fois, nous ne souhaitons pas que, par le biais de diverses dérogations, toute une série de décisions soit laissée à la seule appréciation de l’administration pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission avait déjà supprimé la possibilité de déroger au principe de l’encellulement individuel pour les personnes condamnées au titre de « l’encombrement temporaire des locaux ». Cette suppression lui paraissait effectivement importante parce que les établissements pour peines ne connaissent pas de surpopulation.

En revanche, il paraît utile à la commission de maintenir une dérogation à ce principe justifiée par la personnalité de l’intéressé ; je pense notamment au problème du risque suicidaire.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette question a été abordée lorsque nous avons évoqué les maisons d’arrêt. Sous le bénéfice des mêmes observations, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 269.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 52.

(L’article 52 est adopté.)

Article 52
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 53

Articles additionnels avant l’article 53

M. le président. L'amendement n° 181, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les sanctions disciplinaires sont prononcées par la commission de discipline régionale des établissements pénitentiaires.

Peuvent être nommés aux fonctions de membre de la commission :

1° les anciens magistrats de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire ;

2° les anciens personnels gradés de l'administration pénitentiaire ;

3° les personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d'activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d'encadrement dans le domaine juridique.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement vise à instaurer une commission de discipline régionale des établissements pénitentiaires, le but étant évidemment de mettre une certaine distance entre le lieu de commission de l’infraction présumée et le lieu où cette infraction va faire l’objet d’une décision éventuelle de sanction, de manière à assurer une plus grande neutralité dans cette décision.

Nous proposons que puissent être membres de cette commission d’anciens magistrats de l’ordre administratif ou de l’ordre judiciaire, d’anciens personnels gradés de l’administration pénitentiaire ou des personnes justifiant de vingt-cinq années au moins d’activité dans des fonctions impliquant des responsabilités de direction ou d’encadrement dans le domaine juridique, c'est-à-dire, en fait, les catégories de personnes qui peuvent être désignées comme juges de proximité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a déjà apporté un progrès sensible en prévoyant que la commission disciplinaire doit comprendre au moins un membre extérieur à l’administration pénitentiaire.

L’amendement vise à instaurer un système très différent du dispositif actuel et il appelle deux réserves de notre part.

En premier lieu, la sanction disciplinaire doit être appliquée rapidement ; la réunion de cette commission régionale ne permettra pas nécessairement une telle réactivité.

En second lieu, l’information de cette commission restera en principe dépendante de rapports internes. De ce point de vue, une commission disciplinaire présidée par le chef d’établissement aura peut-être une appréhension plus juste des faits, ce qui n’est d’ailleurs pas forcément moins favorable à la personne détenue.

La commission souhaite donc le rejet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Prévoir une personnalité extérieure dans la commission disciplinaire représente déjà une avancée importante. L’objectif recherché par M. Anziani étant satisfait, nous sommes défavorables à son amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 181.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 182, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 53, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Seul un comportement susceptible de faire peser une menace sur le bon ordre, la sûreté et la sécurité peut être défini comme une infraction disciplinaire.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il s’agit, là aussi, de « sécuriser », si je puis dire, la notion d’infraction disciplinaire, en s’inspirant de la règle pénitentiaire européenne 57.1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est vrai que les faits constitutifs d’une faute disciplinaire ne sont pas définis dans le code de procédure pénale. Il est d’ailleurs quasi impossible qu’ils le soient. La meilleure protection consiste à laisser le juge apprécier, au cas par cas, s’il y a eu effectivement faute disciplinaire.

J’ajoute que la rédaction proposée ouvre une très large marge d’appréciation à l’administration pénitentiaire en visant un comportement « susceptible de faire peser une menace ». Je ne suis pas certain qu’une telle disposition serait très protectrice des détenus.

Pour ces différentes raisons, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 182.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 53
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Division additionnelle après l'article 53

Article 53

L'article 726 est ainsi rédigé :

« Art. 726. - Le régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté est déterminé par un décret en Conseil d'État.

« Ce décret précise notamment :

« 1° Le contenu des fautes disciplinaires qui sont classées selon leur nature et leur gravité ;

« 2° Les différentes sanctions disciplinaires encourues selon le degré de gravité des fautes commises. Le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes ;

« 2° bis  La composition de la commission disciplinaire qui doit comprendre au moins un membre extérieur à l'administration pénitentiaire ;

« 3° La procédure disciplinaire applicable, au cours de laquelle la personne peut être assistée par un avocat choisi ou commis d'office, en bénéficiant le cas échéant de l'aide de l'État pour l'intervention de cet avocat ;

« 4°  Les conditions dans lesquelles la personne placée en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle exerce son droit à un parloir hebdomadaire.

« Le placement, à titre exceptionnel, des détenus mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire ne peut excéder sept jours.

« En cas d'urgence, les détenus majeurs et les détenus mineurs de plus de seize ans peuvent faire l'objet, à titre préventif, d'un placement en cellule disciplinaire ou d'un confinement en cellule individuelle. Cette mesure ne peut excéder deux jours ouvrables. »

M. le président. L'amendement n° 178, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Au début de la seconde phrase du 2° du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale, supprimer les mots :

Le placement en cellule disciplinaire ou

II. - Dans le 4° du même texte, supprimer les mots :

en cellule disciplinaire ou

III. - Supprimer l'avant-dernier alinéa du même texte.

IV. - Dans le dernier alinéa du même texte, supprimer les mots :

d'un placement en cellule disciplinaire ou

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. La durée maximale d’un placement en cellule disciplinaire est aujourd'hui de quarante-cinq jours. Dans le texte initial du Gouvernement, cette durée était réduite à quarante jours. M. le rapporteur, avec sa ferveur habituelle, a estimé qu’une durée de trente jours était suffisante.

En réalité, permettez-moi de vous le dire, il n’y a pas de chiffre sacré !

En 2000, le rapport de la commission d’enquête présidée par M. Jean-Jacques Hyest avait proposé, si je ne me trompe, d’abaisser cette durée à vingt jours.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exact !

M. Alain Anziani. Si, en 2000, le président Hyest avait estimé que vingt était le bon chiffre, je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, il faudrait retenir trente ou rester à quarante ! Je pense donc que le président Hyest soutiendra aujourd'hui la même thèse qu’en 2000…

Du reste, on ne voit pas à quoi correspondent ces durées de trente ou de quarante jours. Je rappelle que la durée d’un placement en cellule disciplinaire est de trois jours en Irlande, de neuf jours en Belgique, de quatorze jours au Royaume-Uni, de vingt-huit jours en Allemagne. Ces durées moindres bafouent-elles la sécurité publique de ces pays, ou je ne sais quel autre impératif ?

J’irai même plus loin : à quoi sert la cellule disciplinaire ? On ne le sait pas très bien ! On en voit les effets négatifs : l’incompréhension entraîne le désespoir et la haine, qui produisent à leur tour des résultats d’une redoutable évidence.

S’agissant du désespoir, on ne répétera jamais assez qu’il y a sept fois plus de suicides au « mitard » que dans les autres cellules.

Pour ce qui est de la haine, on constate que les individus qui sortent de la cellule disciplinaire ne sont nullement pacifiés : ils sont au contraire enragés par la condition qui leur a été faite, ce qui les rend porteurs de davantage de violence encore.

Je ne vois pas l’utilité de la cellule disciplinaire, qui, à mon avis, est d’un autre âge et qui pourrait tout à fait être remplacée par d’autres moyens, notamment des confinements individuels.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement supprime toute possibilité de placement en régime disciplinaire, ce qui apparaît évidemment excessif. La commission y est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le placement en cellule disciplinaire est une sanction à caractère préventif, mais également dissuasif. Nous sommes défavorables à sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Puisqu’il est patent que le placement en cellule disciplinaire entraîne des suicides, pourquoi maintenir des durées aussi longues ? J’ai eu à saisir récemment la Commission nationale de déontologie de la sécurité sur la situation d’un détenu placé en cellule disciplinaire à Saint-Quentin-Fallavier, dans l’Isère. La commission a fait des recommandations, compte tenu d’une situation que je ne décrirai pas en détail pour ne pas abuser de votre temps.

Il s’agit là d’un problème terrible. M. Anziani a eu raison de rappeler les conclusions du célèbre rapport Prisons : une humiliation pour la République, fait par la commission d’enquête sénatoriale de 2000, qui a en effet proposé de réduire la durée à vingt jours. Je ne vois pas pourquoi on porterait maintenant cette durée à trente jours et, a fortiori, à quarante jours !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Anziani, je voudrais rappeler que l’administration pénitentiaire n’est pas là pour rendre les détenus plus « enragés ».

M. Alain Anziani. Certes non ! C’est la cellule disciplinaire qui est en cause !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quoi qu'il en soit, l’administration pénitentiaire n’est pas là pour « casser du détenu ».

Je voudrais le dire ici solennellement, je souhaite que la dignité du personnel pénitentiaire, leur dévouement et leur engagement soient respectés.

Monsieur Mermaz, il n’y a pas plus de suicides dans les quartiers disciplinaires. Le taux est d’à peine 8 %, et a été réduit de moitié en l’espace de trois ans.

Je profite de cette occasion pour rappeler que j’ai autorisé les parloirs pour les quartiers disciplinaires. C’est une avancée en faveur du respect de la dignité des détenus.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 179, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du 2° du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale, remplacer le mot :

vingt

par le mot :

sept

et le mot :

trente

par le mot :

quatorze

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je préfère renoncer à cet amendement de repli, qui tendait à diminuer les durées de placement en cellule disciplinaire. Sachant que, de toute façon, il sera rejeté, je préfère m’en tenir au principe plutôt que de « chipoter » sur l’arithmétique en une telle matière.

M. le président. L'amendement n° 179 est retiré.

L'amendement n° 270, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale, remplacer le mot :

vingt

par le mot :

quatorze

et le mot :

trente

par le mot :

vingt

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Le comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire, le COR, a préconisé de réduire les durées de placement en cellule disciplinaire : « Dans la logique de la réduction du quantum maximum de la durée du placement en cellule disciplinaire encourue par les mineurs – de quinze à sept jours pour les fautes les plus graves –, opérée par le décret n° 2007-814 du 11 mai 2007, est proposée la fixation à sept, quatorze ou vingt et un jours de la durée maximum du placement en cellule disciplinaire encourue par les majeurs, selon le degré de la faute sanctionnée. »

Dans ces conditions, la proposition initiale du Gouvernement de faire passer la durée maximale de quarante-cinq jours à quarante jours était profondément décevante. Nous prenons acte de ce que la commission des lois propose de l’abaisser à trente jours, ce que refuse obstinément le Gouvernement, qui a déposé un amendement pour en revenir à une durée de quarante jours.

Monsieur le rapporteur, vous avez pourtant présenté un tableau comparatif de la situation chez nos voisins européens et constaté que le choix du Gouvernement « se situe très au-delà des durées maximales retenues par nos voisins européens », un maximum de vingt-huit jours étant relevé en Allemagne. Partout ailleurs, la durée maximum ne dépasse pas quinze jours. Pourquoi donc prévoir trente jours dans les cas de violences exercées à l’encontre des personnels ?

Nous proposons, par conséquent, de reprendre les préconisations du COR, qui sont largement suffisantes.

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

vingt jours

supprimer la fin de la seconde phrase du quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Puisque l'amendement n° 270 ne sera vraisemblablement pas adopté, nous avons présenté un amendement de repli tendant à prévoir que le placement en cellule disciplinaire ne peut en aucun cas dépasser vingt jours, que les faits à l’origine du placement consistent ou non en des violences à l’encontre du personnel.

M. le président. L'amendement n° 286, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du quatrième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale, remplacer le mot :

trente

par le mot :

quarante

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 53 du texte de la commission des lois réduit la durée maximale de placement des majeurs en cellule disciplinaire à vingt jours pour les fautes graves, cette durée pouvant être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes.

Les fautes disciplinaires sont actuellement classées en trois degrés, en fonction de leur gravité, et sont définies au code de procédure pénale.

Afin que le placement en cellule disciplinaire demeure suffisamment dissuasif, il convient de maintenir son quantum maximum à un niveau assez élevé pour les fautes les plus graves, en particulier pour les violences physiques. Ces faits sont absolument inacceptables pour les personnes victimes d’actes d’agression physique et sont facteurs de véritables troubles en détention. En 2008, on a déploré 512 agressions contre les personnels et 464 entre codétenus.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable au quantum de quarante jours.

Je rappelle que, dans l’avant-projet de loi qui avait été présenté par Mme Lebranchu, alors garde des sceaux, le quantum était de quarante-cinq jours pour le quartier disciplinaire en cas de violences. Par ailleurs, une proposition de loi socialiste qui date de 2007 proposait une durée de quarante jours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, nous abordons là l’un des derniers points importants du texte.

Actuellement, je le rappelle, la durée du placement en cellule disciplinaire ou de confinement en cellule individuelle est fixée à quarante-cinq jours au maximum. Dans le projet de loi qu’il a déposé, le Gouvernement avait proposé de la ramener à vingt et un jours, mais à quarante jours pour tout acte de violence physique contre les personnes.

La commission a proposé, pour sa part, de maintenir le principe d’un régime exceptionnel pour les violences contre les personnes en ramenant cependant la durée du placement disciplinaire de quarante à trente jours. Le Gouvernement propose de revenir de nouveau à une durée de quarante jours.

Dans la mesure où, actuellement, la durée maximale de quarante-cinq jours n’est généralement appliquée que pour de telles violences, l’abaissement à quarante jours représente un changement très limité. En outre, ce choix se situe très au-delà des durées maximales retenues par nos voisins européens, que notre collègue Alain Anziani a rappelées : trois jours en Irlande, première de la classe, contre vingt-huit jours en Allemagne, avant-dernière. Nous sommes bons derniers, et resterons à cette place même en ramenant la durée à trente jours.

Par ailleurs, les faits susceptibles de donner lieu à un placement en cellule disciplinaire sont également constitutifs d’infractions pénales pour lesquelles le parquet engage systématiquement des poursuites.

De plus, le placement en cellule disciplinaire pour une longue durée ne constitue pas toujours une réponse adaptée. Il est lui-même générateur de violence contre les personnels de surveillance. En outre, le taux de suicide est plus élevé lors du placement en cellule disciplinaire que lors des autres moments de la détention, même si ce n’est pas dans les proportions qu’indiquait M. Anziani. Dès lors, en pratique, les médecins mettent souvent un terme au régime disciplinaire afin de ne prendre aucun risque vis-à-vis des détenus qui menacent de se suicider, ce qui crée d’ailleurs, je l’ai constaté à diverses reprises, des situations parfois un peu difficiles avec le personnel pénitentiaire.

La commission d’enquête sénatoriale avait recommandé de ramener à vingt jours la durée maximale du placement en quartier disciplinaire. Le comité d’orientation restreint avait suggéré de la fixer à vingt et un jour, soit la durée maximale de droit commun proposée par l’article 53 du projet de loi.

Après de très longues discussions, la commission propose d’en rester à sa proposition fixant à trente jours la durée maximale du placement disciplinaire en cas de violence contre les personnes et à vingt jours dans les autres cas. Nous n’allons pas nous faire beaucoup d’amis, mais je crois que c’est la meilleure solution !

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 270, 271 et 286.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est, bien entendu, défavorable aux amendements nos 270 et 271, qui contredisent son amendement n° 286.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Je veux rendre hommage à M. Lecerf, qui, en s’opposant à une proposition du Gouvernement, nous permet de faire valoir les droits du Parlement. C’est ce qui se passe en Grande-Bretagne – qui a eu un Parlement bien avant nous – ou aux États-Unis. Cela s’appelle la démocratie ! Le Parlement n’est pas obligé de s’incliner chaque fois devant les souhaits du Gouvernement. Nous ne sommes pas tout à fait dans un régime consulaire !

J’ajoute que les instances européennes ne cessent de mettre en demeure la France dans ce domaine. M. Lecerf l’a indiqué très clairement : l’Irlande est « première de la classe ». Pour autant, les Irlandais ne sont pas laxistes. Nous avons autant que d’autres le respect du personnel pénitentiaire, mais, comme l’a dit M. le rapporteur, ce n’est pas en exerçant des contraintes excessives sur les détenus que l’on obtient forcément des comportements plus raisonnables.

Je souhaite vraiment que le Parlement se montre digne de la défense de ses droits en soutenant le texte de la commission.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Il s’agit là d’une question véritablement très difficile.

Se placer du point de vue de la victime, c'est-à-dire la personne qui a été agressée physiquement – en l’occurrence, ce ne peut être, par définition, qu’un détenu ou un membre du personnel pénitentiaire, et nul ne veut que cela advienne –, c’est méconnaître un autre aspect, celui auquel s’attache le plus la Cour européenne des droits l’homme, à savoir, non pas la dangerosité, mais l’état mental du détenu soumis à ce traitement de longue durée.

Je veux citer deux arrêts récents.

Dans l’arrêt Keenan contre Royaume-Uni, au sujet de cet homme qui s’est suicidé en cellule disciplinaire, la Cour a rappelé que le cas d’un prisonnier qui souffre de troubles mentaux et qui présente des risques suicidaires appelait des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité avec cet état. Le plus important est que la Cour a considéré que le fait d’infliger à Mark Keenan une sanction disciplinaire qualifiée de lourde – sept jours d’isolement dans le quartier disciplinaire, puis vingt-huit jours supplémentaires – constituait un traitement contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans l’arrêt Renolde contre France, qui nous touche directement et qui concerne également un suicide, en date du 16 octobre 2008 – c’est dire à quel point nous sommes dans l’actualité de la jurisprudence européenne en matière disciplinaire –, la Cour aborde la question des délais.

Joselito Renolde s’est vu infliger une sanction nettement plus lourde, à savoir quarante-cinq jours de cellule disciplinaire, ce qui a été jugé comme susceptible d’ébranler sa résistance physique et morale. La Cour a estimé qu’une telle sanction n’était pas compatible avec le niveau de traitement exigé à l’égard d’un malade mental et que cette sanction constituait un traitement et une peine inhumains et dégradants. La Cour a rappelé ensuite sa jurisprudence antérieure.

Il est important d’adapter la durée du placement en cellule disciplinaire à l’état mental du détenu. Il n’est pas concevable d’infliger des sanctions disciplinaires aussi sévères, qui sont effectivement inhumaines et dégradantes, comme les qualifie la Cour.

Cela étant, ce débat n’est pas clos et il faudrait pourvoir y consacrer du temps. C’est pourquoi une seconde lecture aurait été nécessaire. Durant la navette, on a le temps d’observer, de réfléchir, de rectifier.

Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut soutenir la position de la commission, tout en continuant à réfléchir. Faisons un peu plus de droit comparé, y compris en tenant compte de la jurisprudence.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nos amendements suivent les préconisations du COR, qui se situent en deçà de la durée proposée par la commission. Néanmoins, nous soutiendrons notre rapporteur, qui s’est vraiment efforcé de trouver une solution acceptable.

Madame la garde des sceaux, vous nous indiquez qu’il faut des sanctions proportionnées. Personne ne dit le contraire. Vous nous précisez qu’agresser un membre du personnel ou un autre détenu, c’est très grave. Nous sommes tout à fait d’accord avec vous. Mais, vous le savez, ces actes sont sanctionnés.

Nous devons avant tout nous préoccuper de l’utilité de la sanction et de ce qui résulte du placement en quartier disciplinaire.

Les observations faites à la suite d’un très long séjour en quartier disciplinaire, les comparaisons avec les pays européens, les rapports, notamment celui de Louis Albrand – qui n’a malheureusement pas encore été rendu public, alors qu’il vous a été remis, madame la garde des sceaux –, invitent à réduire la durée de placement en cellule disciplinaire. Tous ceux qui préconisent cette solution ne sont pas des irresponsables !

Chacun sait que ces séjours en quartier disciplinaire sont particulièrement propices au suicide, alors qu’on se suicide déjà beaucoup dans nos prisons.

Ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin nous a parlé hier du cas d’un jeune homme de Nanterre très violent, au sujet duquel M. Mermaz a saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Comme ce jeune homme avait déjà fait une tentative de suicide, on savait qu’il avait de sérieux problèmes. Or, pour avoir agressé un surveillant, il s’est retrouvé en quartier disciplinaire où il a fini par se suicider.

Vous le voyez, il y a une espèce de spirale de la violence, qui relève bien souvent de la maladie mentale ou en tout cas d’un trouble très grave.

Tout le monde sait que le maintien en cellule disciplinaire pendant quarante jours – imaginez-vous ce que cela représente ! On en parle comme s’il s’agissait de quelques heures ! – aggrave considérablement le cas de la personne en question.

Quant au personnel, je le respecte infiniment. Je connais d’ailleurs un certain nombre de membres de l’administration pénitentiaire qui sont très combatifs et qui cherchent à améliorer la situation des détenus. Figurez-vous que c’est ceux-là que je fréquente le plus ! En général, ils demandent à travailler dans de meilleures conditions et pas du tout à ce qu’on envoie les détenus en quartier disciplinaire parce qu’on ne sait pas quoi en faire. (MM. Robert Badinter et Louis Mermaz applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. J’avais demandé la parole parce que je voulais évoquer la jurisprudence européenne. M. Badinter l’ayant fort éloquemment rappelée, je n’ai rien à ajouter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 286.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le septième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 5° Les conditions dans lesquelles le maintien d'une mesure de placement en cellule disciplinaire ou en confinement dans une cellule individuelle est incompatible avec l'état de santé de la personne détenue.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement concerne la prise en compte de l’état de santé du détenu lorsqu’il fait l’objet d’une mesure disciplinaire.

Toute décision de placement en cellule disciplinaire doit naturellement prendre en compte la santé du détenu : le détenu malade est un détenu plus vulnérable que les autres. Sa résistance physique et mentale n’a rien à voir avec celle d’un détenu en bonne santé.

La Cour européenne des droits de l’homme a lourdement sanctionné la France dans son arrêt Renolde contre France précisément en raison d’une décision de placement en cellule disciplinaire à l’encontre d’un détenu malade. Selon la Cour, « l’état d’un prisonnier dont il est avéré qu’il souffre de graves problèmes mentaux et présente des risques suicidaires appelle des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité de cet état avec les exigences d’un traitement humain ».

Je tiens à préciser que, dans cette affaire, la France a été condamnée non seulement pour traitement inhumain et dégradant, mais également pour atteinte au droit à la vie du détenu. En effet, ce détenu était connu pour présenter des risques suicidaires. Le fait de le mettre en cellule disciplinaire dans ces circonstances a ébranlé sa résistance physique et psychique et a entraîné son suicide.

Le fait de prononcer une mesure disciplinaire à l’égard d’un détenu malade ou souffrant de troubles mentaux a une incidence directe et immédiate sur le passage à l’acte de suicide.

Nous proposons donc d’inscrire dans l’article 726 du code de procédure pénale le fait que le décret devra préciser les conditions dans lesquelles le maintien d’une mesure de placement en cellule disciplinaire ou en isolement est incompatible avec l’état de santé du détenu. Cela aura pour effet d’instaurer un système d’évaluation de la santé du détenu en fixant un seuil à partir duquel la santé du détenu exclut toute mesure disciplinaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement – et pas nécessairement tout ce que vient de dire M. Desessard – apporte une garantie utile en précisant que le placement en quartier disciplinaire doit tenir compte de l’état de santé de la personne. C’est également une façon de répondre aux préoccupations exprimées par Robert Badinter et Hugues Portelli.

La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est la même discussion que tout à l’heure pour le placement en régime de détention différenciée.

Le Gouvernement émet également un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 92 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

 Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un détenu est placé en quartier disciplinaire, ou en confinement, il peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ces mesures constituant une situation d'urgence susceptible de porter une atteinte grave à ses droits fondamentaux. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous avons déjà longuement débattu de cette possibilité de recours rapide contre une décision de placement en quartier disciplinaire. Il faut être réaliste : si nous ne prévoyons pas un recours effectif dans de brefs délais, la procédure ne servira à rien. Les tribunaux se demandent souvent si la condition d’urgence est remplie. Pour nous, elle est évidente. Le législateur doit donc donner son sentiment sur cette évidence.

Pour autant, je le rappelle, le juge des référés du tribunal administratif conservera une marge d’appréciation puisqu’il y a bien d’autres conditions que l’urgence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission, à l’initiative de M. Hugues Portelli, a prévu que la condition liée à l’urgence serait satisfaite de droit pour les recours concernant les mesures d’isolement. Il est par conséquent assez logique, comme le proposent les auteurs de cet amendement, de retenir également ce principe pour le placement en quartier disciplinaire.

La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le placement en quartier disciplinaire est d’ores et déjà entouré de multiples garanties procédurales. Il s’agit d’une procédure contradictoire devant une commission de discipline, avec l’assistance d’un avocat. Il est prévu un recours administratif préalable dans de brefs délais et la possibilité d’un recours contentieux. Le régime du quartier disciplinaire est également entouré de garanties, notamment la visite d’un médecin au moins deux fois par semaine. Par conséquent, il est tout à fait inexact de prétendre que le placement en quartier disciplinaire est en soi une situation d’urgence.

Contrairement à ce que vous laissez entendre, le détenu a déjà la possibilité d’exercer des recours en référé contre les décisions de l’administration pénitentiaire, qu’il s’agisse du placement en quartier disciplinaire ou à l’isolement. Le juge peut déjà, dans le droit actuel, suspendre de telles mesures. Il lui appartient donc d’apprécier au cas par cas si l’urgence existe.

Je vous donne un exemple : un détenu ayant été condamné pour avoir participé à une tentative d’évasion au cours de laquelle un surveillant a été grièvement blessé a été placé en quartier disciplinaire ; il a saisi le tribunal administratif en référé-suspension, qui a suspendu la mesure en estimant que la situation était urgente ; le détenu a donc réintégré la détention ordinaire, en dépit de son lourd profil pénal et pénitentiaire.

Pour savoir si l’urgence est établie, le juge procède en effet à une mise en balance entre l’urgence alléguée par le détenu et l’urgence attachée à l’exécution de la décision de placement en quartier disciplinaire. Ainsi, un état médical sévère du détenu pourrait conduire à reconnaître une situation d’urgence, mais il faut que le juge puisse continuer à prendre en compte l’urgence attachée au placement en quartier disciplinaire.

Par exemple, lorsqu’un détenu est placé en quartier disciplinaire en raison de l’agression d’un détenu ou d’un agent, dans telle situation de crise, l’urgence qui s’impose à l’administration pour agir ne doit pas s’effacer par principe devant l’urgence invoquée par le détenu au seul motif qu’il serait placé en quartier disciplinaire.

Il importe donc que le juge garde la faculté d’appréciation de l’urgence au cas par cas. Le Gouvernement émet, en conséquence, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Au xixe siècle, Émile de Girardin a créé la presse à gros tirage à partir des événements suscitant beaucoup d’émotion : ce fut le début de ce qu’on appelle « le sang à la une ».

Eh bien, je ne pense pas que l’on puisse délibérer sous le coup de l’émotion et du sang à la une. Il se produit toujours, dans un pays de 63 millions d’habitants, des faits divers horribles. Nous ne saurions légiférer de manière universelle à partir de tels faits ; il faut garder son sang-froid.

Il est parfaitement normal, dans un État de droit – et j’espère que c’est toujours le cas chez nous –, qu’une personne placée en quartier disciplinaire puisse saisir le juge des référés. Bien sûr, il ne sera pas donné forcément raison à ce justiciable-là.

En tout cas, il me paraît très important de ne pas légiférer sous l’empire de l’émotion. Les médias, bien souvent, notamment le journal de 20 heures, mobilisent l’opinion publique sur des actes très gravement répréhensibles ; il s’ensuit des déclarations politiques des uns ou des autres qui, s’appuyant sur ces faits qui, pour être graves, n’en sont pas moins singuliers, réclament qu’on bouleverse la législation française. Non, nous devons conserver notre sang-froid et ne pas procéder ainsi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cela n’a rien à voir avec l’amendement !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 726 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune sanction ne peut être prononcée sans respect de la procédure disciplinaire. »

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous proposons qu’aucune sanction ne puisse être prononcée sans respect de la procédure disciplinaire. Cela va de soi, mais c’est encore mieux si la loi consacre ce principe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous ne pouvons pas passer notre temps à écrire tout ce qui va de soi : la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53, modifié.

(L'article 53 est adopté.)

Article 53
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 53 bis

Division additionnelle après l'article 53

M. le président. L'amendement n° 184, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 53, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Des sanctions disciplinaires

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n°184 est retiré.

Division additionnelle après l'article 53
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel après l'article 53 bis

Article 53 bis

Après l'article 726, il est inséré un article 726-1 ainsi rédigé :

« Art. 726-1. - Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité, soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire.

« Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits de la personne concernée, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité.

« Lorsqu'un détenu est placé à l'isolement, il peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, le placement à l'isolement constituant une situation d'urgence susceptible de porter une atteinte grave à ses droits fondamentaux.

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. »

M. le président. L'amendement n° 285, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 726-1 du code de procédure pénale.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le régime de l’isolement a été profondément remanié par deux décrets du 21 mars 2006, qui ont été soumis au Conseil d’État. La réforme a permis un meilleur encadrement de ce régime et une augmentation des garanties procédurales pour les détenus. On constate une diminution des décisions de placement à l’isolement, qui sont passées de 602 au 1er janvier 2005 à 399 au 1er janvier 2008. D’ailleurs, depuis 2003, le juge administratif accepte de contrôler la légalité des décisions de placement à l’isolement.

La commission des lois a introduit une nouvelle disposition. Lorsque le détenu saisit le juge administratif en référé sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative – c’est le référé-liberté –, la condition d’urgence nécessaire à la recevabilité de ce recours serait présumée du seul fait de son placement à l’isolement.

Le Gouvernement souhaite la suppression du troisième alinéa du texte proposé pour l’article 726-1 du code de procédure pénale. En pratique, la situation des détenus ne relève pas d’emblée de l’urgence ; c’est au cas par cas qu’il convient d’apprécier si la condition d’urgence est remplie. Je rappelle que le juge procède sur ce point à une mise en balance entre l’urgence alléguée par le détenu et l’urgence attachée à l’exécution des décisions de mise à l’isolement.

Ainsi, un état médical sévère du détenu peut conduire à reconnaître une situation d’urgence, mais il faut que le juge puisse continuer à prendre en compte l’urgence attachée à la mise à l’isolement, par exemple lorsqu’un détenu est placé à l’isolement en raison d’un risque d’agression sur un codétenu.

Dans de telles situations de crise, l’urgence qui s’impose à l’administration pour agir ne doit pas s’effacer, par principe, devant l’urgence invoquée par le détenu au seul motif qu’il serait mis à l’isolement. Et cela, monsieur Mermaz, ce n’est pas du sang à la une, c’est la réalité !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les arguments du Gouvernement sont pertinents. Nous manquerions néanmoins de cohérence en approuvant cet amendement après avoir adopté celui de M. Anziani. L’amendement du Gouvernement est également contraire à la position de la commission des lois sur l’isolement.

Nous avons, certes, déjà laissé passer deux légères incohérences au cours de la discussion, mais celles-ci portaient sur des points secondaires.

À partir du moment où l’on a considéré que le fait d’être placé en quartier disciplinaire constituait une situation d’urgence, il ne serait pas cohérent d’adopter une position différente pour les mesures d’isolement.

M. le président. Puis-je en conclure, monsieur le rapporteur, que la commission émet un avis défavorable ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 285.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 53 bis.

(L'article 53 bis est adopté.)

Article 53 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 54

Article additionnel après l'article 53 bis

M. le président. L'amendement n° 183 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 53 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un fait susceptible d'une sanction disciplinaire ne peut donner lieu qu'à une seule condamnation. Il ne peut notamment donner lieu à d'autres mesures relatives à la formation, au travail ou la réduction de la peine ayant fait l'objet de la décision ayant placé la personne en détention.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Nous proposons qu’un fait susceptible d’une sanction disciplinaire ne puisse donner lieu qu’à une seule condamnation de type disciplinaire, étant entendu que ce même fait peut, bien entendu, faire l’objet d’une condamnation pénale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

En effet, une sanction disciplinaire n’est jamais exclusive d’une sanction pénale si les faits sont constitutifs d’une infraction : cela est vrai pour un détenu comme pour une personne libre.

En outre, sur la forme, la rédaction est inadaptée, le terme « condamnation » ne pouvant viser qu’une sanction pénale et non une sanction disciplinaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Nous sommes dans un dialogue de sourds : je viens justement de préciser qu’il s’agit de faire en sorte qu’il n’y ait qu’une seule condamnation disciplinaire.

Sur la forme, nous admettons que les termes de « sanction » ou de « mesure » disciplinaire soient plus appropriés. Nous posons cependant une vraie question de fond : est-il acceptable qu’une même infraction disciplinaire puisse donner lieu à plusieurs sanctions disciplinaires ?

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Que les choses soient claires : ainsi que M. Anziani l’a très bien expliqué tout à l'heure, il ne s’agit en aucun cas, monsieur le rapporteur, de dire qu’une sanction disciplinaire est exclusive de toute sanction pénale ; ce serait absurde ! Il est évident, par exemple, que des violences à l’encontre d’un membre du personnel ou d’un codétenu constituent un délit passible de poursuites devant les juridictions pénales.

M. Anziani, par cet amendement, entendait légitimement s’opposer au cumul de sanctions disciplinaires pour un même fait, dans l’unique champ des sanctions disciplinaires. Il faudrait simplement préciser : « Un fait ne peut donner lieu qu’à une seule sanction disciplinaire. »

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je comprends parfaitement les arguments de MM Anziani et Badinter, mais je ne puis me prononcer que sur l’amendement tel qu’il est rédigé. Or une condamnation correspond à une sanction pénale.

Sur le fond, il est clair qu’une faute disciplinaire appelle une sanction disciplinaire, et non plusieurs.

M. Pierre Fauchon. C’est une évidence !

M. Robert Badinter. La preuve que non !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 183 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Section 4

Dispositions diverses et de coordination

Article additionnel après l'article 53 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 55

Article 54

I. - À l'article 113-5, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

II. - L'article 138 est ainsi modifié :

1° Supprimé ................................................................

2° L'avant-dernier alinéa est supprimé ;

3° Au dernier alinéa, les mots : « et au placement sous surveillance électronique » sont supprimés.

III. - Le dernier alinéa de l'article 143-1 est complété par les mots : « ou d'une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

IV. - Le premier alinéa de l'article 144 est complété par les mots : « ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

V. - L'article 179 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « détention », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

VI. - L'article 181 est ainsi modifié :

1° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :

« Le contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence avec surveillance électronique dont fait l'objet l'accusé continuent à produire leurs effets. » ;

2° À la première phrase du sixième alinéa, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

VII. - Au premier alinéa de l'article 186, après la référence : « 137-3 », sont insérées les références : «, 142-6, 142-7 ».

VIII. - À la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l'article 207, les mots : « un contrôle judiciaire ou en modifie les modalités » sont remplacés par les mots : « ou modifie un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

IX. - La seconde phrase du second alinéa de l'article 212 est complétée par les mots : « ou à une assignation à résidence avec surveillance électronique ».

X. - Le troisième alinéa de l'article 394 est ainsi modifié :

1° À la première phrase du troisième alinéa, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou de le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

3° La deuxième phrase est ainsi rédigée :

« Ce magistrat peut, après audition du prévenu, son avocat ayant été avisé et entendu en ses observations, s'il le demande, prononcer l'une de ces mesures dans les conditions et suivant les modalités prévues par les articles 138, 139, 142-5 et 142-6. »

XI. - Le dernier alinéa de l'article 396 est ainsi modifié :

1° La première phrase est complétée par les mots : « ou le placer sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XII. - À la première phrase de l'article 397-7, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XIII. - Aux première et dernière phrases de l'article 495-10, après les mots : « contrôle judiciaire », sont insérés les mots : «, à l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XIV. - À l'article 501, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XV. - À la première phrase du deuxième alinéa de l'article 569, les mots : « prend fin » sont remplacés par les mots : « et l'assignation à résidence avec surveillance électronique prennent fin ».

XVI. - Au 5° de l'article 706-53-2, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XVII. - La seconde phrase du dernier alinéa de l'article 706-53-4 est complétée par les mots : « ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique ».

XVIII. - À la seconde phrase de l'article 706-64, après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : «, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ». – (Adopté.)

Article 54
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 56

Article 55

I. - Le quatrième alinéa de l'article 471 est ainsi modifié :

1° La référence : « 131-6 » est remplacée par la référence : « 131-5 » ;

2° Après la référence : « 131-11 », sont insérés les mots : « et 132-25 à 132-70 ».

II. - L'article 474 est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « un an » sont, deux fois, remplacés par les mots : « deux ans », et les mots : « être inférieur à dix jours ni » sont supprimés ;

b) Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Le condamné est également avisé qu'il est convoqué aux mêmes fins devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation dans un délai qui ne saurait être supérieur à quarante-cinq jours. » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « Cet avis » sont remplacés par les mots : « L'avis de convocation devant le juge de l'application des peines » et les mots : « à cette convocation » sont remplacés par les mots : « devant ce magistrat » ;

3° À la seconde phrase du troisième alinéa, les mots : « est convoqué devant » sont remplacés par les mots : « n'est convoqué que devant ».

III. - L'article 702-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent article, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »

IV. - L'article 710 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'application du présent article, sauf en matière de confusion de peine, le tribunal correctionnel est composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs du président. Il en est de même de la chambre des appels correctionnels ou de la chambre de l'instruction, qui est composée de son seul président, siégeant à juge unique. Ce magistrat peut toutefois, si la complexité du dossier le justifie, décider d'office ou à la demande du condamné ou du ministère public de renvoyer le jugement du dossier devant la formation collégiale de la juridiction. Le magistrat ayant ordonné ce renvoi fait alors partie de la composition de cette juridiction. La décision de renvoi constitue une mesure d'administration judiciaire qui n'est pas susceptible de recours. »

V. - L'article 712-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la durée de la peine prononcée ou restant à subir le permet, ces mesures peuvent également être accordées selon les procédures simplifiées prévues par les articles 723-14 à 723-27. »

VI. - L'article 733-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette décision peut également intervenir à la suite de l'exécution partielle du travail d'intérêt général. »

VII. - Le premier alinéa de l'article 747-2 est complété par les mots : « ou de l'article 723-15 ».

VIII. - Le premier alinéa de l'article 775-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les juridictions compétentes sont alors composées conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 702-1. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 185 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Supprimer le b) du 1° du II de cet article.

II. - Supprimer les 2° et 3° du même II.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. À l’exception de la modification de la durée, qui passe d’un an à deux ans, nous proposons de maintenir l’article 474 du code de procédure pénale dans sa rédaction actuelle. Mais je crains que, par coordination, cet amendement ne puisse être adopté.

M. le président. L'amendement n° 272, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du b) du 1° du II de cet article, après le mot :

probation

insérer les mots :

à une date ultérieure,

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de coordination avec celui que nous avons déposé à l’article 48 et dont vous n’avez pas voulu !

M. le président. Je suppose donc, madame Borvo Cohen-Seat, que vous retirez votre amendement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, monsieur le président, je le retire.

M. le président. En va-t-il de même du vôtre, monsieur Anziani ?

M. Alain Anziani. Oui, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 185 rectifié et 272 sont retirés.

Je mets aux voix l'article 55.

(L'article 55 est adopté.)

Article 55
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 57

Article 56

I. - L'article 709-2 est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « le premier jour ouvrable du mois de mai » sont remplacés par les mots : « au plus tard le premier jour ouvrable du mois de mars » ;

2° Supprimé ................................................................

II. - L'article 716-5 est ainsi modifié :

1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Afin d'assurer l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de réclusion, le procureur de la République et le procureur général peuvent autoriser les agents de la force publique à pénétrer au domicile de la personne condamnée afin de se saisir de celle-ci. Cependant, les agents ne peuvent s'introduire au domicile de la personne avant 6 heures et après 21 heures. » ;

2° Au deuxième alinéa, à la première phrase du quatrième alinéa et au cinquième alinéa, après les mots : « procureur de la République », sont insérés les mots : «, ou le procureur général, ».

III. - À l'article 719, après les mots : « Les députés et les sénateurs », sont insérés les mots : « ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France ».

IV. - 1. Les trois derniers alinéas de l'article 727 sont supprimés.

2. La suppression du deuxième alinéa prend effet à compter de l'entrée en vigueur du décret prévu par le deuxième alinéa de l'article 28. –  (Adopté.)

Article 56
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Division et articles additionnels après l'article 57

Article 57

I. - L'article 804 est ainsi rédigé :

« Art. 804. - À l'exception du cinquième alinéa de l'article 398 et des articles 529-3 à 529-9, le présent code est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre. Les articles 52-1, 83-1, 83-2, 723-14 à 723-16, 723-20 à 723-24 et 723-27 ne sont pas applicables dans les îles Wallis et Futuna. »

II. - Après l'article 844, sont insérés deux articles 844-1 et 844-2 ainsi rédigés :

« Art. 844-1. - Pour l'application de l'article 474 en Nouvelle-Calédonie, lorsque le condamné est mineur, le service chargé de la protection judiciaire de l'enfance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation.

« Art. 844-2. - Pour l'application de l'article 474 dans les îles Wallis et Futuna, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation. »

III. - Après l'article 868-1, il est inséré un article 868-2 ainsi rédigé :

« Art. 868-2. - En Nouvelle-Calédonie, lorsque le condamné est mineur, le service chargé de la protection judiciaire de l'enfance ou son directeur exerce les fonctions dévolues, selon les cas, au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à son directeur. »

IV. - À l'article 877, les références : « 399, 510, 717 à 719 » sont remplacées par les mots : « et 399 et 510 ».

V. - Après l'article 926, il est inséré un article 926-1 ainsi rédigé :

« Art. 926-1. - Pour l'application de l'article 474 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions dévolues au service pénitentiaire d'insertion et de probation. »

VI. - Après l'article 934, sont insérés deux articles 934-1 et 934-2 ainsi rédigés :

« Art. 934-1. - Pour l'application des articles 723-15, 723-24 et 723-27 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le chef d'établissement pénitentiaire exerce les fonctions dévolues, selon les cas, au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à son directeur.

« Art. 934-2. - Pour l'application de l'article 723-20 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le premier alinéa de cet article est ainsi rédigé :

« Le chef d'établissement pénitentiaire examine en temps utile le dossier de chacun des condamnés relevant des dispositions de l'article 723-19 afin de déterminer la mesure d'aménagement de la peine la mieux adaptée à leur personnalité. »  – (Adopté.)

Article 57
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel avant l'article 58 A

Division et articles additionnels après l'article 57

M. le président. L'amendement n° 273, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 57, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre...

Dispositions modifiant l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serai brève, monsieur le président, afin de ne pas vous faire rater votre avion ! (Sourires.)

Mme Éliane Assassi. Trop tard, c’est déjà fait ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Ne vous inquiétez pas, j’ai tout mon temps ! (Mêmes mouvements.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l’avons dit dès le départ : ce projet de loi fait très peu de place aux mineurs. Seuls une section et trois articles leur sont consacrés !

L’ensemble du texte leur est pourtant applicable par défaut, « sauf dispositions spécifiques », selon les termes de l’exposé des motifs du projet de loi sur l’article 25. Ainsi, les mineurs détenus se voient globalement appliquer le régime prévu pour les majeurs.

En parallèle, la plupart des textes venus depuis 2002 réformer l’ordonnance de 1945 ont opéré des rapprochements entre mineurs et majeurs, y compris sur le plan de l’enfermement.

De plus, se profile – je ne sais pas si elle verra le jour – une nouvelle réforme de l’ordonnance sur la jeunesse délinquante. Nous en avons déjà eu un aperçu, qui nous permet de penser que cette réforme ne va pas dans le sens que nous souhaitons !

Je regrette – et je ne suis pas la seule – que ce projet de loi ne permette pas de clarifier la situation des mineurs et de la rendre compatible avec les textes internationaux que la France a pourtant signés, telle la Convention internationale des droits de l’enfant, ou encore l’ensemble de règles minima des Nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs.

Nous souhaitons donc ajouter une division au texte issu des travaux de la commission, afin d’y intégrer un ensemble de dispositions que vous présentera ma collègue Éliane Assassi lors de la défense des amendements suivants.

M. le président. L'amendement n° 274, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le deuxième alinéa du 2° du III de l'article 10-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimé.

II. - À la fin du troisième alinéa du même 2°, les mots : «, placement dont le non-respect pourra entraîner sa mise en détention provisoire » sont supprimés.

L'amendement n° 275, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le huitième alinéa (2°) de l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimé.

II. - Dans la première phrase du neuvième alinéa du même article, les mots : «, autant que possible, » sont supprimés.

L'amendement n° 276, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Art. 20-2. - Le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Si la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, ils ne peuvent prononcer une peine supérieure à vingt ans de réclusion criminelle.

« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent, à titre exceptionnel, et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, décider qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions du premier alinéa. Cette décision ne peut être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée.

« Les dispositions de l'article 132-23 du code pénal relatives à la période de sûreté ne sont pas applicables aux mineurs.

« L'emprisonnement est subi par les mineurs dans les conditions définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter ces trois amendements.

Mme Éliane Assassi. En ce qui concerne l’amendement n° 274, la loi du 7 mars 2007, qui ne s’intéresse guère à la « prévention de la délinquance » que dans son intitulé, a, parmi ses nombreuses dispositions répressives, élargi les possibilités de placement sous contrôle judiciaire, et, corrélativement, celles de la détention provisoire, pour les mineurs de treize à seize ans.

À moins que notre Parlement ait la lucidité de refuser un nouvel accroissement de l’enfermement des enfants, la détention provisoire pourrait devenir possible dès douze ans.

L’article 37 de la loi de mars 2007, intégré dans l’ordonnance de 1945, prévoit qu’un mineur de moins de seize ans ne respectant pas les obligations qui lui ont été imposées pourra voir les modalités de son contrôle judiciaire modifiées et être placé en centre éducatif fermé. S’il ne respecte pas les conditions de son placement en centre fermé, il pourra être mis en détention provisoire.

Nous avions fait remarquer, lors de la discussion de ce texte, que ces dispositions étaient en rupture avec la philosophie et les objectifs de l’ordonnance de 1945, puisque, une fois de plus, on confondait éducation et sanction, au lieu de donner la primauté à la première.

En effet, avec cette disposition, on a fait du contrôle du respect des obligations une fin en soi. Il est pourtant avéré que, s’agissant de mineurs – qui plus est âgés seulement de treize à seize ans –, il est nécessaire de conserver la perspective d’un changement possible et donc de laisser un espace pour négocier et obtenir l’adhésion de la personne.

L’instauration d’une sanction automatique rend inexistante toute relation de confiance, même limitée ; elle supprime l’examen des circonstances du passage à l’acte, ce qui rend beaucoup plus difficile toute tentative d’évolution future, alors qu’il s’agit pourtant de l’objectif essentiel.

Évidemment, faire le choix inverse suppose de parier sur la sortie de la délinquance de ces jeunes, sur leur avenir, en y consacrant les moyens et le temps nécessaires.

Il n’est pas trop tard pour revenir sur des dispositions dont on connaît l’effet négatif !

L’amendement n° 275 a un double objet. Il s’agit, d’une part, de procéder à une abrogation en cohérence avec l'amendement précédent : les mineurs de treize ans à seize ans ne doivent pas pouvoir être placés en détention provisoire simplement parce qu'ils se sont soustraits aux obligations du contrôle judiciaire. Il s’agit, d’autre part, de garantir que les mineurs placés en détention provisoire sont obligatoirement soumis à l'isolement de nuit.

Quant à l’amendement n° 276, je rappelle que nous sommes fermement opposés aux remises en cause du principe de l'atténuation de responsabilité pénale des mineurs opérées par la loi du 5 mars 2007 de prévention de la délinquance et par la loi du 10 août 2007 relative aux peines plancher. Par conséquent, nous proposons de laisser à la seule appréciation du juge la possibilité de déroger à l'atténuation de responsabilité pénale pour les mineurs âgés de plus de seize ans.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Un projet de loi de refonte de l’ordonnance de 1945 est en préparation, à partir des travaux de la commission présidée par André Varinard. Il devrait être bientôt soumis au Parlement. Ce texte constituera le support idoine pour examiner les objectifs visés au travers des amendements nos 273, 274, 275 et 276. En l’état actuel des choses, la commission est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est lui aussi défavorable à ces amendements.

J’ajoute que nous n’allons pas revenir sur la loi du 10 août 2007,…

Mme Éliane Assassi. C’est dommage !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. …notamment sur les peines minimales, qui sont elles aussi applicables aux mineurs, et sur l’atténuation de responsabilité qui a été introduite par ce texte, dont on a pu mesurer l’efficacité pour la prise en charge des mineurs délinquants.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 275.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE III

DISPOSITIONS FINALES

Division et articles additionnels après l'article 57
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 58 A

Article additionnel avant l'article 58 A

M. le président. L'amendement n° 277, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 58 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les articles L. 621-1, L. 621-2 et L. 622-1 à L. 622-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.

II. – Le 4° de l'article L. 282-1 du code de l'aviation civile est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Nous avons déjà évoqué hier la situation des étrangers détenus. Actuellement, la loi prévoit jusqu’à un an d’emprisonnement pour l’entrée ou le séjour irrégulier sur le territoire français. C’est un délit des plus fréquents, qui est le plus souvent frappé d’une peine de prison ferme.

Pire encore, les étrangers qui essaient d’échapper à une expulsion, à un refoulement – par exemple en cachant leur identité ou leur nationalité –, ou qui reviennent clandestinement en France après en avoir été expulsés, peuvent être condamnés à trois ans d’emprisonnement.

Enfin, toute personne qui voudrait, face à de tels dénis de droit et d’humanité, exercer ses droits de citoyen en cherchant à entraver l’expulsion d’une personne n’ayant pas la nationalité française est susceptible de poursuites pénales. Nous connaissons des cas, dont un s’est produit dernièrement, le 19 février dernier, dans mon département.

En conséquence, si le Gouvernement a réellement l’ambition de désengorger les prisons, il serait plus que nécessaire de libérer les gens qui n’ont rien à y faire. Le fait de se retrouver en prison parce que l’on a essayé de vivre en France est, de mon point de vue, scandaleux ; s’y retrouver parce qu’on a refusé de rester muet face à une injustice flagrante l’est tout autant.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, d’abroger les délits de séjour irrégulier, d’aide au séjour irrégulier et d’entrave à la navigation ou à la circulation des aéronefs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est sans lien avec l’objet du projet de loi. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si l’objectif de cet amendement est de désengorger les prisons par l’abrogation de délits, je voudrais juste vous signaler qu’en 2007 ceux-ci ont donné lieu à 286 condamnations à des peines fermes. Ce n’est pas cela qui va résoudre le problème ! De plus, la durée moyenne d’emprisonnement pour ces délits est de 2,8 mois. Il ne s’agit donc pas de longues peines.

En outre, abroger ces délits reviendrait à donner un signe absolument désastreux. Cela risquerait de favoriser notamment les filières criminelles et les passeurs, ce que nous ne souhaitons pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pourtant pas ça qui empêche les étrangers de venir !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 58 A
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 58

Article 58 A 

Avant l'avant-dernier alinéa de l'article 5 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les actions conduites par l'État, les communes de 10 000 habitants et plus, les établissements publics de coopération intercommunale de 10 000 habitants et plus, les départements, les régions ainsi que les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ne sont éligibles au fonds interministériel pour la prévention de la délinquance que s'ils proposent des travaux d'intérêt général destinés aux personnes condamnées. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Troendle, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, supprimer (deux fois) les mots :

de 10 000 habitants et plus

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Mme Catherine Troendle. L’un des objectifs majeurs de ce projet de loi est de promouvoir les solutions alternatives à l’enfermement, dont les travaux d’intérêt général.

Ce dispositif, je le « plébiscite », car il permet indéniablement d’offrir aux personnes condamnées – très souvent des jeunes majeurs – une seconde chance.

Ces jeunes sont généralement à la recherche de limites et de repères. Ainsi pris en charge dans un contexte nouveau, encadrés et contraints de réaliser ces travaux d’intérêt général, certains trouvent la chance d’acquérir une première expérience professionnelle, aussi petite qu’elle soit. C’est notamment vrai dans le cas des peines les plus lourdes. Je regrette d’ailleurs que l’extension de la possibilité de condamner ces personnes à quatre cents heures n’ait pas été retenue.

Afin de promouvoir notamment l’accueil des personnes condamnées à des travaux d’intérêt général, un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance a été créé. Néanmoins, force est de constater que les collectivités ou autres structures bénéficiaires de ce fonds ne répondent pas systématiquement aux demandes des SPIP, les services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui cherchent à placer les personnes condamnées à des travaux d’intérêt général.

C’est sans aucun doute pour cette raison que le rapporteur M. Jean-René Lecerf a introduit le présent article 58 A, qui contraint les collectivités de plus de 10 000 habitants à proposer des travaux d’intérêt général si elles souhaitent bénéficier du fonds de compensation.

Par ailleurs, les SPIP recherchent régulièrement des solutions d’accueil de proximité, notamment en zone rurale, afin de permettre aux personnes condamnées qui sont domiciliées loin des pôles urbains d’effectuer les travaux d’intérêt général près de leur domicile, ce qui lève ainsi rapidement les contraintes, celles-ci étant généralement liées au transport.

Il est important de signaler que, actuellement, des communes plus petites que le seuil retenu ont signé des conventions avec les juges de l’application des peines, et qu’elles accueillent, à la demande des SPIP, des jeunes condamnés. Nous pouvons parler sans détour de volontariat, et très souvent l’accueil et le suivi y sont très personnalisés.

Or, le traitement qui est réservé à ces collectivités pourtant vertueuses est inéquitable. En effet, ces petites collectivités ne sont pas prises en considération dans le cadre du fonds de prévention de la délinquance. Elles n’en bénéficient pas du tout, alors que d’autres communes en bénéficient sans proposer de travaux d’intérêt général !

Aussi, je propose tout simplement de supprimer les mots « de 10 000 habitants ou plus » dans l’article 58 A, ce qui permettra ainsi à toute collectivité, quelle que soit sa taille, de pouvoir bénéficier du fonds interministériel de prévention de la délinquance si elle propose effectivement des travaux d’intérêt général aux personnes condamnées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le seuil de 10 000 habitants retenu par la commission avait une double justification. D’une part, nous avions le souci de ne pas pénaliser les petites communes en les obligeant à proposer des travaux d’intérêt général aux personnes condamnées afin de pouvoir solliciter un financement du fonds interministériel de prévention de la délinquance. D’autre part, un souci de cohérence, puisque seules les communes de 10 000 habitants et plus sont tenues de créer des CLSPD, ou conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Pour autant, il est effectivement souhaitable d’inciter l’ensemble des communes et des établissements publics de coopération intercommunale à développer les travaux d’intérêt général. À cet égard, si nous n’adoptons pas l’amendement que nous soumet notre collègue Catherine Troendle, il est évident que les petites communes faisant l’effort de mettre des travaux d’intérêt général à disposition seront doublement pénalisées.

C’est pourquoi la commission s’en remet, sur cet amendement, à la sagesse de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hugues Portelli. Article 40 ! (Rires.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis gênée pour répondre, car, au moment de la création du fonds interministériel de prévention de la délinquance, je me suis beaucoup battue avec M. Lecerf ! Jean-Patrick Courtois travaillait lui aussi sur ce texte. Nous avons souhaité élargir la possibilité pour d’autres organismes d’accueillir des travaux d’intérêt général. Ce faisant, nous avons incité à créer de tels travaux.

Les arguments avancés par M. le rapporteur sont intéressants. J’ai moi-même eu l’occasion de le souligner au cours des débats, les travaux d’intérêt général sont un moyen efficace de réinsérer les jeunes majeurs, voire les mineurs de plus de seize ans. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Madame Troendle, je suis très sensible à votre amendement, car je considère que tout ce qui est de nature à contribuer à l’extension des travaux d’intérêt général, dont je suis le père lointain – cela fait tout de même vingt-cinq ans ! –, est bienvenu. Nous avons eu les plus grandes difficultés à les mettre en pratique, mais il s’agit là, à n’en point douter, de l’une des meilleures armes pour prévenir la récidive. Je soutiens donc votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 58 A, modifié.

(L’article 58 A est adopté.)

Article 58 A
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 59

Article 58

I. - La présente loi est applicable :

1° En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, à l’exception des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 et du second alinéa de l’article 14 ;

2° Dans les îles Wallis et Futuna, à l’exception de l’article 2, des deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 et du second alinéa de l’article 14.

II. - Pour l’application des articles 2 et 2 sexies, la Nouvelle-Calédonie est regardée comme une collectivité territoriale.

III. - En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, à l’article 23, pour le dépôt des biens abandonnés par les détenus à leur libération, la Caisse des dépôts est remplacée par le Trésor public.

IV. - L’État peut conclure avec les autorités compétentes des îles Wallis et Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie une convention afin de définir les modalités d’application de l’article 20.

V. - Les deuxième à quatrième alinéas de l’article 9 sont applicables à Mayotte.

M. le président. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. La commission a supprimé l’article 23, relatif aux biens abandonnés par les détenus à leur libération, mais elle a oublié de supprimer par coordination les dispositions d’adaptation de cet article en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna figurant au III du présent article. Cet amendement vise donc à réparer cette omission.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’adoption de cet amendement, très opportun, permettra en effet la réparation d’un oubli. La commission y est donc favorable et remercie M. Desessard de son initiative.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 54 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 58, modifié.

(L’article 58 est adopté.)

Article 58
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 59

Dans la limite de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, il peut être dérogé au placement en cellule individuelle dans les maisons d’arrêt au motif tiré de ce que la distribution intérieure des locaux ou le nombre de personnes détenues présentes ne permet pas leur application.

Cependant, la personne condamnée ou, sous réserve de l’accord du magistrat chargé de l’information, la personne prévenue peut demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 55 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

L’amendement n° 278 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.

M. Jean Desessard. La surpopulation carcérale est devenue le cancer de nos prisons, qui conduit certains détenus à vivre aujourd’hui dans des conditions d’hygiène et d’insalubrité portant atteinte à leur dignité.

Je souhaite avant tout vous rappeler un chiffre : au 1er février dernier, le nombre de personnes détenues était de 62 744, soit une surpopulation carcérale de 12 654 détenus. Rendez-vous compte, 12 654 détenus en surnombre !

Depuis 1958, le code de procédure pénale prévoit l’emprisonnement individuel de jour comme de nuit. Cela fait plus de cinquante ans que ce principe est inscrit dans notre droit, et il n’a pourtant jamais été respecté. La dérogation à ce principe, supposée exceptionnelle et provisoire, est devenue la règle.

Dans ces conditions, les questions qui se posent sont simples. Allons-nous continuer ainsi longtemps ? Allons-nous encore éternellement repousser l’échéance de cinq ans en cinq ans, trouvant, à chaque fois, une raison de ne pas respecter nos engagements ? Allons-nous encore longtemps laisser des prévenus entassés à quatre par cellule sans réagir ? Allons-nous encore attendre que des détenus se suicident pour décider de mettre enfin un terme à cette mascarade ?

Nous avons, aujourd’hui, une responsabilité historique : nous devons la saisir !

De deux choses l’une : soit nous maintenons le principe de l’encellulement individuel et, dans ce cas, nous devons l’appliquer dès aujourd’hui ; soit nous mettons un terme à l’hypocrisie, et nous supprimons ce principe de notre droit.

Sans l’éradication de la surpopulation carcérale, nous aurons beau donner aux détenus tous les droits, nous ne réussirons jamais à faire respecter leur droit élémentaire à la dignité.

Mes chers collègues, la dignité de milliers de détenus est aujourd’hui entre nos mains.

Nous devons refuser de cautionner, pour cinq années supplémentaires, cette situation qui représente une véritable honte pour notre République.

Nous devons refuser de cautionner un moratoire qui transforme nos prisons en mouroir de la République.

Depuis le 12 juin 2008, ce moratoire est caduc. Pourquoi ne pas en profiter pour améliorer le décret du 10 juin 2008 et créer, enfin, les conditions du respect de la dignité des détenus ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 278.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je rappellerai que le Comité d’orientation restreint, le COR, a lui-même préconisé le maintien du principe de l’encellulement individuel et la suppression du moratoire. Nous ne pouvons pas en effet énoncer un principe tout en nous donnant les moyens de ne pas l’appliquer !

Nous nous sommes bien sûr félicités de la réaffirmation du principe de l’encellulement individuel proposée par M. le rapporteur. Nous avons donc voté son amendement, même si nous avons émis un certain nombre de réserves.

À l’évidence, l’instauration d’un nouveau moratoire de cinq ans ne manquera pas de rendre la situation très incertaine. En la matière, nous avons une longue pratique des moratoires, et cette disposition gâche quelque peu les choses. Je le répète, cessons de nous donner, encore une fois, l’occasion de déroger à nos principes et affirmons notre volonté de les appliquer le plus rapidement possible !

Pour ce faire, il importe d’adopter notre proposition, de nous mettre l’épée dans les reins, si je puis dire, ce qui nous incitera à agir. Madame la ministre, construire des prisons supplémentaires ne servira à rien s’il s’agit uniquement, comme vous le laissez entendre, d’envoyer encore plus de personnes en prison. Il est temps de mettre en œuvre tout ce que nous exprimons, plus ou moins timidement d’ailleurs, pour diminuer le nombre des personnes derrière les barreaux.

M. le président. L’amendement n° 186 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement, dont le premier signataire est mon collègue Richard Tuheiava, s’inscrit dans le même esprit que celui des deux amendements précédents. Instaurer un nouveau moratoire de cinq ans nous paraît excessif, surtout qu’il vient à la suite de deux autres qui n’ont pas permis d’aboutir. Pour mettre fin à la période de non droit dans laquelle nous sommes aujourd’hui, nous souhaitons que la durée du nouveau moratoire soit réduite à trois années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il convient de le rappeler, l’article 59 introduit également, grâce à une décision récente de Mme le garde des sceaux, la possibilité pour la personne prévenue de « demander son transfert dans la maison d’arrêt la plus proche permettant un placement en cellule individuelle ». Il s’agit tout de même d’un point positif.

On compte, aujourd’hui, environ 63 000 détenus et 35 000 cellules individuelles. Autrement dit, si le moratoire était supprimé, il faudrait, pour respecter le principe de l’encellulement individuel, libérer près de 30 000 personnes. Cela n’a pas beaucoup de sens !

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 55 rectifié et 278.

Par ailleurs, la commission est également défavorable à l’amendement n° 186 rectifié, qui tend à réduire la durée du moratoire à trois années. En effet, compte tenu des délais d’achèvement du programme de construction lancé par la loi Perben II, il est plus réaliste de maintenir une durée de cinq ans.

Je forme le vœu que, à l’issue de cette période, et contrairement à ce qui s’est passé pour les moratoires précédents, nous soyons enfin réellement « dans les clous » ou, à tout le moins, que nous nous soyons largement rapprochés de l’objectif fixé.

Mme Éliane Assassi. Vœu pieux !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Un vœu pieux ? Oui, si ces amendements sont acceptés ! Nous y sommes totalement défavorables, car les dispositions proposées sont irréalisables, pour ne pas dire irréalistes. Il convient d’être raisonnables, en nous donnant une marge de cinq années : si nous réussissons dans ce laps de temps, nous aurons tous contribué à apporter plus de dignité dans nos prisons.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 278.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 186 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 59.

(L’article 59 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Article 59
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, puisque c’est la première fois que nous délibérons avec la nouvelle procédure, je tiens à vous donner quelques indications statistiques à l’issue de nos travaux.

La commission des lois avait intégré dans son texte un peu plus d’une centaine d’amendements : 96 amendements que j’ai présentés, mais aussi 11 amendements proposés par les autres membres de la commission, notamment ceux du groupe CRC-SPG et de notre collègue Hugues Portelli.

Lors de la discussion en séance publique, le Sénat a adopté une quarantaine d’amendements, présentés aussi bien par la commission des affaires sociales, par nos collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés, par ceux du groupe CRC-SPG, par la commission des lois elle-même, pour tenir compte des observations des uns et des autres, par Mme Troendle que par le Gouvernement.

Au-delà de ces chiffres, mes chers collègues, seule compte la substance des modifications que nous avons introduites, et force est de constater qu’elle est d’importance.

Ainsi, les droits des personnes détenues ont été renforcés, le principe de leur encellulement individuel a été maintenu, le développement des alternatives à l’incarcération a été facilité, ainsi que celui des aménagements de peines, et le statut des personnels pénitentiaires a été amélioré. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, depuis quatre jours et trois nuits, nous avons tous effectué un travail important. Ce fut même une véritable œuvre partagée, puisque, M. le rapporteur vient de le rappeler, ce ne sont pas moins de cent quarante amendements qui, au total, ont été adoptés. Le débat a permis à chacun d’exprimer ses convictions.

Monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à vous féliciter. Peut-être que rien n’aurait été possible si vous n’aviez pas fait preuve d’humanisme. Vous saviez du reste qu’une telle attitude trouverait un écho favorable auprès de vos collègues, tant l’humanisme est une valeur largement partagée sur les travées de cet hémicycle, au-delà même des divergences politiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

M. Alain Anziani. Il était d’autant plus important de faire preuve d’humanisme que la prison souffre justement d’un manque d’humanité. À l’issue de l’examen de ce texte, d’aucuns diront que l’on y a mis une certaine dose d’humanité : un peu, beaucoup, ou pas assez, les avis divergent ; pour ma part, je penche pour « un peu ».

Pour autant, vous connaissez nos positions, nous ne les cachons pas. En fait, nous étions saisis de deux textes : d’un côté, le texte initial du Gouvernement, de l’autre, le texte revu par la commission des lois et soumis à la commission des affaires sociales, avec, parfois, des inspirations différentes.

Sur plusieurs points, c’est l’inspiration initiale qui est restée le socle du texte. Je le redis, même si cela peut paraître aux yeux de certains polémique ou, ce qui serait plus triste, anecdotique, voire hors sujet, nous ne pouvons pas délier la politique pénitentiaire de la politique pénale.

Au cours de ces quatre jours de discussion, nous aurons concentré tous nos efforts pour tenter, finalement, sur de nombreuses dispositions, d’ouvrir les portes que le Gouvernement s’était évertué à fermer, mû par la volonté de faire entrer le maximum de détenus dans les cellules des prisons. Il y a là une véritable contradiction, que nous avons soulevée à maintes reprises : rien ne sert de remplir à ras bord les prisons si, ensuite, on s’efforce de les vider, en empruntant, de surcroît, des voies plus secrètes, notamment aux yeux de l’opinion publique.

Nous avons eu essentiellement trois vrais points de désaccord entre nous.

Il s’agit, tout d’abord, de la question des fouilles corporelles, qui, loin d’être accessoire, est véritablement symbolique.

Nous ne sommes en effet pas parvenus à faire adopter un bon dispositif à ce sujet, qui restera comme l’un des points noirs du texte et, partant, de la condition pénitentiaire. Certes, je le reconnais, des améliorations ont été apportées, mais, le plus souvent, elles en sont restées au stade des promesses, par exemple en ce qui concerne la mise à disposition de moyens de détection électronique. Au final, nous avons entendu beaucoup de bonnes intentions, mais peu d’engagements. Les fouilles sont véritablement une atteinte à la dignité humaine. Nous ne pouvons donc qu’être déçus par les dispositions adoptées en la matière.

Il s’agit, ensuite, de la cellule disciplinaire.

En l’occurrence, plutôt que de renvoyer dos à dos les présumés laxistes et les supposés répressifs, nous aurions pu, tous ensemble, partager ce même objectif de la réinsertion du détenu et de sa préparation à la liberté. Il faut effectivement faire en sorte que celui-ci, en sortant, n’ait pas plus de haine qu’à son entrée en prison.

Il s’agit, enfin, des régimes différenciés de détention.

Des avancées ont tout de même été obtenues. Monsieur le rapporteur, l’amendement que vous avez fait adopter aura, je le redis une nouvelle fois, une portée considérable.

J’ai bien perçu la teneur des débats. À cet égard, je voudrais inviter non seulement Mme le garde des sceaux, mais aussi l’administration pénitentiaire dans son ensemble à toujours se dire que, dans les prisons, la réalité n’est pas toujours celle qu’ils présentent. Souvent, malheureusement, elle est bien différente. Je ne vous fais pas un procès d’intention, je fais simplement un constat.

Une autre question doit être évoquée : pourquoi ne pas procéder à une deuxième lecture ? Si vous aviez renoncé à votre procédure d’urgence, le travail que nous avons accompli pendant ces quelques jours et qui va se poursuivre à l’Assemblée nationale aurait pu porter davantage de fruits. Peut-être nos points de vue auraient-ils pu se rapprocher. Vous nous privez d’un vrai consensus sur cette loi pénitentiaire. Nous le regrettons et pour cette raison, nous ne pouvons que nous abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Desessard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd’hui sur un grand texte fondateur dans le domaine pénitentiaire. En le votant, nous saisissons aujourd’hui une occasion unique, je dirais presque historique, de refonder notre politique pénitentiaire, de la rendre plus humaine afin que nos prisons ne soient plus « une humiliation pour la République ». J’ai récemment visité des Français et des Françaises détenus dans des prisons à Saint-Domingue Certains d’entre vous devraient peut-être faire une telle expérience.

Le travail accompli ici, mes chers collègues, ainsi que vos propositions, madame le garde des sceaux, vont dans la bonne direction.

Au nom du groupe UMP tout entier, je souhaiterais rendre un hommage appuyé à Mme le garde des sceaux.

Depuis votre prise de fonction au sein du Gouvernement, madame, vous avez mis en œuvre une politique déterminée pour améliorer le fonctionnement de notre justice.

Afin de renforcer l’état de droit en prison, vous avez instauré un contrôle indépendant de la détention. Pour lutter contre la surpopulation carcérale et améliorer les conditions de détention, vous avez construit de nouvelles places de prison, rénové les établissements pénitentiaires et créé des emplois pour le suivi des détenus.

Tous vos engagements ont été tenus et ce projet de loi est à la hauteur de vos ambitions.

Grâce à l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-René Lecerf, sous la haute responsabilité du président Hyest, certaines dispositions du texte d’origine ont été considérablement améliorées.

Des propositions innovantes ont pu être adoptées, en ce qui concerne tant les droits des détenus que l’obligation d’activité.

Nous avons fait aujourd’hui œuvre utile, en donnant à la présente loi toute sa portée et en améliorant de façon significative les conditions de détention.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera sans réserve en faveur du texte de la commission des lois sur ce projet de loi majeur, qui doit permettre à la société tout entière de porter un regard nouveau sur les prisons. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous abordions ce texte avec un état d’esprit favorable.

Cette loi n’avait pas pour objet de régler le problème des moyens, qui est sans doute l’un des points les plus sensibles du débat sur le monde carcéral. Le cœur de la question est en effet la construction des prisons, ainsi que les moyens humains et financiers dont disposent ces établissements. Or tel n’est pas l’objet de la loi pénitentiaire.

De même, la politique carcérale définie par la loi pénitentiaire n’est pas une branche de la politique de santé publique. Or, le rapport de notre commission des lois le souligne, les prisons accueillent de plus en plus de personnes atteintes de troubles mentaux du fait de la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques. La prison se substitue à l’hôpital, en raison des carences de ce dernier. M. le président About a d’ailleurs exprimé à plusieurs reprises, lors des débats, ses regrets au regard de cette évolution, qui apparaît fort dommageable.

Dans ce contexte, quelles réformes pouvait-on souhaiter voir initiées par ce texte pénitentiaire, attendu depuis si longtemps ?

Tout d’abord, il était nécessaire qu’il comporte des avancées en matière d’aménagement des peines : cette exigence est globalement satisfaite par le texte.

Ensuite, on attendait qu’il crée plus de droits pour l’ensemble des détenus : cette exigence était sans aucun doute remplie par le texte issu de la commission des lois, et elle l’est d’autant plus au terme de nos débats en séance plénière.

Le projet de loi avait comme objectif fondamental de renforcer les droits des personnes détenues. Dès la discussion générale, nous avons salué le travail d’enrichissement profond effectué par la commission des lois du Sénat sur l’ensemble du texte proposé par le Gouvernement.

Le Sénat a renforcé les droits et garanties déjà reconnus par le texte. Il a introduit également de nouveaux droits et libertés tels que la liberté de conscience, le droit à la confidentialité ou le droit à la sécurité pour les personnes détenues. De plus, l’adoption de certains amendements en séance, notamment concernant les aspects sociaux et sanitaires défendus par ma collègue Mme Muguette Dini, dès la discussion générale, mais aussi par M. Nicolas About, a permis de diversifier les avancées en faveur de la condition carcérale.

Le groupe de l’Union centriste se réjouit que plusieurs de ces amendements aient été votés par la Haute Assemblée.

Le projet de loi tente aussi de répondre au malaise des professionnels de l’administration pénitentiaire en leur accordant la reconnaissance qu’ils attendent. Plusieurs de mes collègues ont rappelé, à de nombreuses reprises, les attentes mais aussi les craintes de ces fonctionnaires qui exercent un métier difficile et souvent dangereux.

On rappellera également que ce texte a l’immense mérite de procéder à une clarification des missions du service public pénitentiaire, en prenant en compte son rôle d’insertion et de probation ainsi que de lutte contre la récidive. Il met ainsi en phase objectifs pénaux et carcéraux.

Nous nous sommes montrés particulièrement attachés au maintien du principe de l’encellulement individuel des prévenus. En effet, le texte initial semblait s’éloigner quelque peu de ce principe : il prévoyait que les prévenus, et non les condamnés, pourraient être placés soit en cellule individuelle, soit en cellule collective, et donc pas nécessairement en cellules individuelles.

Sur ce point fondamental, nous avons affirmé la nécessité de maintenir la rédaction actuelle du code de procédure pénale, datant de 1875. En effet, l’encellulement individuel, tant pour les prévenus en détention provisoire que pour les condamnés, permet la reconnaissance de deux droits fondamentaux : le droit au respect de la dignité et le droit à l’intimité.

Le respect de la dignité a réellement été un leitmotiv tout au long des débats : abordée dès l’article 1er du projet de loi, mais également lors de l’examen des articles relatifs aux fouilles corporelles, c’est sans doute au sujet de l’encellulement individuel que la dignité devait avant tout être défendue.

Ainsi, nous nous félicitons de l’adoption en l’état du texte présenté par la commission, ce qui sauvegarde un principe fondamental de notre droit pénitentiaire.

Nous regrettons que le texte n’aborde pas le problème du transfèrement des prisonniers, en vue de favoriser le reclassement familial des détenus à leur libération, maintenir et améliorer leurs relations avec leurs proches, comme l’a rappelé récemment l’Observatoire international des prisons, à la suite de la demande d’un Réunionnais détenu dans l’Oise.

En conclusion, nous saluons encore une fois l’excellent travail réalisé par la commission des lois, en particulier par son rapporteur M. Jean-René Lecerf, et très utilement complété par celui de M. Nicolas About, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les questions relatives à la santé en prison.

Nous remarquerons également que, si ce texte fut le premier à être étudié selon la procédure prévue par la réforme constitutionnelle issue de la loi du 23 juillet 2008, cette expérience semble encourageante. En effet, le Gouvernement a tenu compte des travaux des commissions en ne proposant que des amendements qui respectaient les orientations initiées par celles-ci, et qui n’ont en rien altéré le jeu des débats en séance publique. Le rôle du Parlement en sort donc réaffirmé et renforcé, ce dont on doit se féliciter.

Pour l’ensemble de ces motifs, le texte tel qu’il a été modifié nous semble maintenant équilibré et nous le voterons, tout en veillant à ce que les futures orientations budgétaires permettent sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord rendre hommage à la sagesse de MM. Hyest et About, respectivement président de la commission des lois et président de la commission des affaires sociales, et à notre rapporteur M. Jean-René Lecerf, dont je souhaiterais relever la courtoisie, la mesure, l’intelligence et l’humanisme. Ils ont fait preuve d’excellence dans la préparation de leurs avis.

Nous avons été sensibles aux efforts faits par le Gouvernement pour rejoindre les positions de notre assemblée ou au moins s’en rapprocher.

Je voudrais enfin relever la haute tenue de nos débats, à la mesure de l’enjeu qui concerne des milliers d’hommes et de femmes que la vie a conduit à une certaine forme d’exclusion.

S’agissant du fond, notre groupe doit s’engager sur un texte essentiel pour notre pays et qui présente de véritables avancées par rapport à une politique pénale à laquelle, en son temps, nous n’avions pas pu dire notre totale adhésion. Nous mesurons aujourd’hui, à travers la loi pénitentiaire qui, en réalité, fait partie intégrante de la politique pénale, la volonté du Gouvernement de réviser le droit des détenus et le droit de l’exécution des peines.

Nous voulons, ensemble, saluer l’inscription dans la loi du principe du respect de la dignité des détenus, et des mesures qui en découlent, celles-ci concernant aussi bien le quotidien que les conditions d’activité et, surtout, le traitement sanitaire. Je veux relever en particulier les amendements qui ont été adoptés sur les articles 1er, 10 et 20.

De la même façon, nous ne pouvons que nous accorder sur le principe de l’aménagement des peines et de leur individualisation. Il ne faut pas se leurrer : ce principe a pour objet de combattre les effets d’une politique pénale qui a empli nos prisons plus que de raison. Parmi ces mesures, je pense notamment à la surveillance électronique dont Guy-Pierre Cabanel, ancien président de notre groupe, a été l’initiateur.

Nous voulons dire notre vive satisfaction face à la sagesse du Gouvernement qui s’est rangé derrière le texte de la commission des lois pour préserver le principe de l’encellulement individuel, lequel est présent dans notre droit depuis plus d’un siècle.

En revanche, nous avons regretté la frilosité du Gouvernement sur certaines propositions, telles que l’extension des droits d’expression des personnels pénitentiaires, les fouilles, la facilitation des mesures de réinsertion, les régimes différenciés de détention ou le régime disciplinaire. Ces attitudes ne manqueront pas, dans la réalité, d’amenuiser les effets de la réforme.

Nous avons regretté notamment que la pression du concept sécuritaire ait globalement pesé sur notre débat. À ce propos, je voudrais d’ailleurs m’étonner d’informations contradictoires sur l’évolution statistique de la délinquance qui nous ont été données, ici par Mme le garde des sceaux, et très récemment par Mme la ministre de l’intérieur. Ces résultats se sont-ils aggravés, ou à l’inverse se sont-ils améliorés ? Il faudrait bien, un jour, que les membres du Gouvernement s’entendent sur des estimations communes.

Nous aurions enfin tous apprécié que ce texte pût être examiné selon la procédure normale, et non pas sous l’empire d’une déclaration d’urgence. Les débats conduits cette semaine ont apporté la preuve de l’enrichissement d’un texte grâce à la confrontation d’analyses différentes. Il est dommage, pour un sujet aussi grave, d’avoir brûlé les étapes.

Pour toutes ces raisons, notre groupe, dans la diversité de ses sensibilités, notant le caractère équilibré du texte mais regrettant certaines de ses faiblesses, pourra dire, pour certains d’entre nous, son accord en votant en faveur de ce texte et, pour les autres, le plus grand nombre, exprimer ses réserves en s’abstenant.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons en effet travaillé jour et nuit pendant une semaine, mais nous aurions pu faire encore plus.

Je souhaite d’emblée vous faire part de mon regret que ce texte ait été déclaré en urgence, à un moment inopportun, d’ailleurs, puisque cela est intervenu bien après qu’il a été déposé sur le bureau de notre assemblée. Nous nous demandons quelle raison a motivé le recours à cette procédure. Nous qui avons travaillé en première lecture sur le texte, vous nous privez ainsi d’une deuxième lecture qui nous aurait permis d’évaluer sereinement l’évolution du texte après son passage à l’Assemblée nationale. Cela est tout à fait regrettable.

Je voudrais évoquer deux problèmes majeurs. D’abord, contrairement à ce que vous affirmez, madame le garde des sceaux, ce texte n’a pas la densité d’un texte fondamentale. En effet, ni les principes qui devraient guider une loi pénitentiaire, ni les droits fondamentaux qui doivent être reconnus à des sujets de droit, ne sont ici énoncés.

Vous avez donné l’impression, madame le garde des sceaux, de vous résigner à vous mettre en conformité avec les règles européennes parce que la France, qui ne se conformait pas à ces règles, avait été montrée du doigt à plusieurs reprises. Mais, ce faisant, vous avez également semblé très réticente, puisque vous nous avez souvent taxés, au cours de vos interventions, de naïveté et de laxisme.

Vous nous avez dit que les délinquants étaient des délinquants, que les coupables étaient des coupables, et que l’opinion publique voulait que les coupables soient punis. Tout cela est sans doute vrai, mais ces réflexions ne nous éclairent guère en matière de loi pénitentiaire.

En conséquence, les principes qui sont inscrits dans le projet de loi et dont nous pouvons nous réjouir sont immédiatement assortis de renvois au règlement, aux décrets, et donc à l’administration pénitentiaire, ou de restrictions. Cela fut le cas pour les dispositions relatives aux régimes différenciés de détention, aux fouilles et aux quartiers disciplinaires, ce dernier sujet n’étant pas la meilleure façon d’achever l’examen de ce texte.

On peut certes se réjouir de voir enfin votée une loi pénitentiaire. Mais ce texte répond-il pleinement aux attentes de tous ceux qui sont attachés aux droits des personnes détenues et au respect des personnels ? Je ne le crois pas !

Il est vrai que notre rapporteur a accompli un travail considérable en modifiant le texte initial et en défendant ces modifications, et qu’il nous a permis de travailler dans de bonnes conditions.

Je ne peux qu’exprimer ma satisfaction devant l’adoption en commission, sous la houlette de M. le rapporteur, selon la nouvelle procédure parlementaire, de certains amendements déposés par mon groupe. Ce fut notamment le cas de nos amendements relatifs au respect de l’intégrité physique des détenus, à l’individualisation des peines, à l’autorisation du parloir pour tous les détenus, y compris ceux qui sont placés en quartier disciplinaire, ainsi qu’à la continuité des soins et à l’état psychologique.

Nous regrettons en revanche que d’autres amendements, déposés et défendus en séance par notre groupe ou par d’autres collègues, et qui nous paraissaient conformes à l’idée que nous nous faisons des droits des détenus, n’aient pas été retenus, en raison des limites que vous avez posées à la reconnaissance de ces droits. Je pense aux amendements relatifs à l’encellulement individuel, dont le principe est certes maintenu, mais connaît des dérogations. Le moratoire est, en effet, toujours en vigueur ; or, de moratoire en moratoire, on n’avance pas !

Nous ne pouvons que saluer les avancées obtenues en matière d’aménagement de peine, car nous y tenons beaucoup. Malheureusement, vous avez refusé de considérer que le principe de l’aménagement des peines était acquis. L’absence de moyens ne manquera pas de se faire sentir en la matière.

Bien entendu, je regrette que l’idée même d’une programmation des moyens nécessaires en vue d’une réelle amélioration des prisons n’ait été ni inscrite ni même évoquée dans la loi.

La notion de moyens est vaste. Il ne suffit pas de dire que l’on va construire des cellules supplémentaires ! Il faut aussi des moyens pour les juges, pour les SPIP, pour la réinsertion, etc.

J’ai eu l’occasion de dire tout le bien que je pensais des personnels qui militent pour une amélioration de la condition pénitentiaire. Les personnels travaillent durement, c’est évident, et méritent d’être mieux considérés, mieux rémunérés et de travailler dans des conditions acceptables : voilà qui serait vraiment les respecter, plutôt que de les évoquer sans cesse afin de justifier le recul des droits des détenus !

Comment, enfin, ne pas voir une contradiction profonde entre la volonté affichée – il ne s’agirait donc que d’affichage ? – et le durcissement de la loi pénale. Ce durcissement n’a certes pas commencé avec votre entrée en fonctions, madame le garde des sceaux, mais vous l’avez considérablement aggravé en défendant des dispositions qui ont toutes été votées par la majorité, mes chers collègues. Cette contradiction, qui est assumée par la majorité parlementaire, hypothèque la sincérité de ce texte, car le durcissement de la loi pénale aggrave les conditions pénitentiaires.

Des pas en avant ont cependant été faits, et tout pas en avant nous agrée ; mon groupe s’abstiendra donc. Mais nous nous réservons le droit de voter contre ce texte en fonction de ce qu’il en adviendra lors de son examen à l’Assemblée nationale, et notamment si les avancées obtenues n’y figurent plus au moment du vote final.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je ferai trois réflexions pour compléter l’excellent propos tenu, au nom de mon groupe, par Mme Anne-Marie Payet.

Je tiens tout d’abord à vous dire bravo, madame la ministre, d’avoir su mener en quelques mois deux démarches : l’une qui va dans le sens de la sécurité, parce qu’elle est nécessaire, parce que les délinquants sont effectivement des délinquants – il y en a de plus en plus ! –, parce que les dangers sont effectivement des dangers, quel que soit le qualificatif dont on les affuble, et qu’ils sont également de plus en plus nombreux ; l’autre qui consiste à faire sortir nos prisons de l’état pitoyable dans lequel elles se trouvent. Et même si nous avons pu améliorer ce texte, ces améliorations sont greffées sur le porte-greffe de votre projet de loi.

Bravo, donc, à ce gouvernement ! Je suis fier de soutenir un gouvernement qui a pu mener ces deux démarches. Dans le passé, les uns se préoccupaient d’un seul de ces deux aspects en omettant le second, et les autres faisaient de même à l’inverse. En assumant ces deux démarches, vous défendez une idée plus complète, plus satisfaisante et plus stimulante de la justice : une justice démocratique et humaniste, mais également protectrice de la sécurité de nos concitoyens.

Je tiens, ensuite, à dire bravo à la commission des lois, sans toutefois trop insister, car j’en fais partie ! (Sourires.)

Ce que nous venons de vivre, mes chers amis, est très intéressant ! Nous avons été les premiers à expérimenter la nouvelle procédure parlementaire, dont nous avons surtout vu les avantages. Peut-être comporte-t-elle quelques inconvénients,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Surtout pour le Gouvernement ! (Nouveaux sourires.)

M. Pierre Fauchon. ...mais elle a tout de même remarquablement fonctionné. Le mérite en revient à la commission, à son président et à M. le rapporteur, que je tiens à mon tour à féliciter.

Le mérite en revient également au Gouvernement, qui a eu la sagesse de ne pas chercher, comme on pouvait l’imaginer et le craindre, à reprendre la main – tentation somme toute bien naturelle ! – en mobilisant ses troupes ou en menant des combats quelque peu formels. C’est ainsi que cela doit se passer dans un véritable régime démocratique fondé sur la séparation des pouvoirs : le Gouvernement propose et le Parlement dispose.

Pour autant, le Gouvernement n’a pas été battu : il a fait ses propositions et nous avons assumé nos responsabilités. Il ne faut y voir aucun climat d’opposition : chacun joue son rôle, et cela me paraît pleinement satisfaisant.

Je suis de ceux qui regrettaient que ce texte soit examiné en urgence, et je continue de penser que l’urgence ne s’imposait pas juridiquement : nous l’avions attendu pendant dix ans ; nous pouvions l’attendre encore un mois ou deux ! Pour autant, je ne vois pas bien ce qu’apporterait une lecture supplémentaire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, ce n’est pas la peine d’en parler ! (Sourires.)

M. Pierre Fauchon. Tout de même, madame Borvo Cohen-Seat, j’ai le droit d’avoir mon avis !

Sur le plan technique, nous avons exploré tous les aspects du texte et dit tout ce que nous avions à dire, sauf peut-être M. Sueur, qui est intarissable (Nouveaux sourires), tant est grande son intelligence des problèmes. Nous avons envisagé les différentes hypothèses. Le texte va désormais être examiné par l’Assemblée nationale, puis par la commission mixte paritaire. L’absence de deuxième lecture ne me semble donc pas constituer un réel inconvénient.

Enfin, je crois que nous avons fait au mieux de ce que nous pouvions. Mais l’essentiel reste à venir, c’est-à-dire ce qui va se passer sur le terrain : le programme de constructions et l’action des hommes, à laquelle Mme Borvo Cohen-Seat faisait allusion tout à l’heure.

Je souhaite que le programme de constructions soit activement poursuivi. Et puisque le Gouvernement a pris l’engagement de lancer des mesures destinées à stimuler l’activité économique, j’espère que les équipements pénitentiaires en bénéficieront. La situation pénitentiaire y gagnera, de même que ceux qui tiennent à la réactivation et au soutien de l’activité économique.

Je tiens également à rendre hommage aux personnels de l’administration pénitentiaire qui consacrent leur vie aux détenus, assumant ainsi une tâche infiniment difficile et délicate, et notamment aux cadres, lesquels pourraient faire d’autres métiers. Ils ont opté pour celui-là, par vocation ; ils méritent que nous leur exprimions notre confiance.

Le Parlement a donc achevé sa mission. Il appartient désormais au Gouvernement, dont c’est la responsabilité, de mettre en œuvre ce texte. Je lance, madame le garde des sceaux, un appel aux membres de votre équipe, et notamment à votre directeur des affaires pénitentiaires,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les affaires pénitentiaires, il vaut mieux qu’il n’y en ait pas trop ! (Sourires.)

M. Pierre Fauchon. …afin qu’ils stimulent, motivent et aident les personnels pénitentiaires et que cette loi porte tous ses fruits.

Quant à nous, parlementaires, nous ressentons une petite pointe de fierté, celle d’avoir fait en sorte que la France n’ait plus à rougir, au moins au niveau de sa législation, de son système pénitentiaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous avons abordé ce texte avec optimisme et conviction. Telle fut l’attitude positive adoptée à l’égard de ce projet de loi par ma collègue Alima Boumediene-Thiery tout au long de cette semaine de débat.

Le texte sur lequel nous allons nous prononcer dans quelques instants est bien loin, et c’est heureux, du projet indigent qui nous a été soumis par le Gouvernement, et nous sommes conscients des améliorations qui ont été apportées. Cependant, mes chers collègues, pourquoi sommes-nous restés à mi-chemin, alors que nous aurions pu, enfin, donner à notre pays une loi pénitentiaire digne de ce nom ?

Malgré tout le respect que nous devons à l’excellent travail de M. le rapporteur, Jean-René Lecerf, nous ne pouvons adhérer complètement à ce texte. En effet, si, sur de nombreux points, il nous apporte satisfaction, en revanche, sur d’autres, il est en retrait par rapport à nos attentes. Ces attentes n’étaient pourtant ni irréalistes ni impossibles à satisfaire ! Nous regrettons que notre optimisme ait désormais le goût amer de la déception et de la frustration.

Nous ne voterons pas contre ce texte, parce qu’il porte en lui des avancées que nous ne pouvons pas ignorer. Mais nous ne voterons pas pour non plus, en raison de son caractère incomplet, et finalement timide sur des aspects qui nous semblaient pourtant fondamentaux. En conséquence, les sénatrices et sénateurs Verts s’abstiendront.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pierre Fauchon a insisté sur les excellentes conditions dans lesquelles nous avons travaillé, dans le cadre de la nouvelle donne constitutionnelle. Je crois que ce projet de loi, le premier examiné selon cette procédure inédite, était assez adapté à ce type de débat.

Les quatre jours consacrés à l’examen de ce texte ont représenté, si j’en crois les propos que j’entends à l’extérieur, un grand moment de la vie parlementaire, car nous avons examiné au fond tous les aspects de la vie carcérale et bien rempli notre mission de parlementaires.

Nous avons défendu, les uns et les autres – et nous aussi ! –, la dignité des personnes détenues.

Il ne faut jamais oublier non plus que l’univers carcéral est également composé de détenus qui présentent un caractère de dangerosité, même si certains n’aiment pas ce terme. La sécurité en prison doit reposer sur un équilibre, tout en garantissant aux détenus le plus grand nombre possible de droits afin de favoriser leur réinsertion.

C’est ce à quoi nous avons tendu au cours de ce débat.

Pierre Fauchon l’a souligné, ce projet de loi pénitentiaire n’aurait aucun sens sans la poursuite du programme de rénovation des établissements pénitentiaires, qui constitue pour nous la condition de la réussite de ce texte.

Madame le garde des sceaux, je tiens à vous remercier de l’ouverture d’esprit dont vous avez fait montre à l’égard des propositions du Parlement. Je remercie également tous vos collaborateurs et les services du ministère de la justice, avec lesquels nous avons l’habitude de travailler. Je ne les citerai pas, ils diffèrent selon la nature des textes qui nous sont soumis.

Le rapporteur et la commission des lois ont pu élaborer ce texte dans un parfait dialogue avec le ministère de justice. Ainsi, très peu d’amendements du Gouvernement ont été déposés, ce qui démontre bien l’efficacité de la procédure parlementaire.

Cet hommage s’adresse tout à la fois aux services de votre ministère, qui ont su favoriser nos échanges, et au Parlement, qui sait élaborer les lois.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté. – Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je vous remercie d’avoir adopté ce projet de loi.

Présenter ce projet de loi pénitentiaire devant la Haute Assemblée a été pour moi un privilège d’autant plus grand que ce texte inaugure une nouvelle « ère » dans les relations entre le Gouvernement et le Parlement, qui font l’honneur de la démocratie.

Ce débat a permis des avancées fondamentales pour notre démocratie : plus d’aménagements des peines, plus de droits et de dignité pour les détenus, plus de moyens pour améliorer les conditions de travail de l'administration pénitentiaire.

C’est tous ensemble que nous faisons progresser la démocratie en modernisant notre système pénitentiaire.

Depuis trop longtemps, il est question de la prison. Avec la discussion de ce projet de loi devant votre assemblée, nous venons de franchir une étape décisive.

Je tiens à vous remercier et à saluer la qualité du travail que le Sénat a accompli.

L’adoption de ce projet de loi doit beaucoup à l’implication de la commission des lois, notamment de son président et de son rapporteur, et, plus globalement, à celle du Sénat.

Je tiens à vous remercier de la qualité de nos échanges, lors de l’examen des amendements. Nous avons pu débattre de toutes les questions, en profondeur, sans tabou aucun. La participation de membres de tous les groupes a permis d’enrichir le texte.

Par votre vote, vous témoignez ainsi une nouvelle fois de votre attachement à la protection des droits et au respect de la dignité humaine.

De nombreux sénateurs ont salué l’humanisme du rapporteur Jean-René Lecerf. Je m’y associe et souhaite également rendre hommage à l’humanisme du Président de la République, qui a voulu cette loi. Sans son engagement, nous aurions attendu longtemps un tel texte, comme nous aurions attendu longtemps la loi instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et sa nomination, auquel il a été fait référence de nombreuses fois au cours de ce débat.

Nous avons tous eu la volonté d’améliorer non seulement les conditions de détention des personnes détenues, mais également les conditions de travail des personnels pénitentiaires, auxquels je souhaite encore une fois rendre hommage.

Malgré un ordre du jour très chargé, vous avez montré beaucoup d’exigence, en discutant et en adoptant ce texte nécessaire.

En adoptant aujourd’hui ce projet de loi, vous venez de vous prononcer sur un texte fondamental, qui fera entrer notre système pénitentiaire dans le XXIe siècle.

Cette loi est attendue depuis près de vingt ans. C’est une avancée inestimable pour les personnels pénitentiaires, pour la sécurité des Français et pour les détenus. C’était une question d’honneur et de responsabilité. Je suis fière d’avoir porté ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
 

3

Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 6 mars 2009, l’informant de l’adoption définitive des quarante-sept textes soumis en application de l’article 88-4 de la Constitution suivants :

E-3044Proposition de règlement du Conseil relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3253Proposition de règlement du Conseil concernant l’exportation de biens culturels (Version codifiée).

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3482Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion du protocole à l’accord de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part, pour tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3488Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion du protocole à l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Ouzbékistan, d’autre part, pour tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3496Proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion du protocole à l’accord de partenariat et de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d’une part, et la République kirghize, d’autre part, pour tenir compte de l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3557Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des consommateurs en ce qui concerne certains aspects de l’utilisation des biens à temps partagé, des produits de vacances à long terme et des systèmes d’échange et de revente.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-3649Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1338/2001 définissant des mesures nécessaires à la protection de l’euro contre le faux monnayage.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3653Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des piétons et autres usagers vulnérables de la route.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-3655Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’homologation des véhicules à moteur fonctionnant à l’hydrogène et modifiant la directive 2007/46/EC.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-3704Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instaurant un code de conduite pour l’utilisation de systèmes informatisés de réservation.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-3770-8 Avant-projet de budget rectificatif n° 8 au budget général 2008. État des dépenses par section. Section III. Commission.

(Adopté le 20 novembre 2008)

E-3770-10 Avant-projet de budget rectificatif n° 10 au budget général 2008. État des dépenses par section. Section III. Commission.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3770-11 Avant-projet de budget rectificatif n° 11 au budget général 2008. État des dépenses par section. Section III. Commission.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-3771Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.

(Adopté le 19 novembre 2008)

E-3779Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux dénominations textiles (Refonte).

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-3798Proposition de directive du Conseil relative au régime général d’accise (présentée par la Commission).

(Adopté le 16 décembre 2008)

E-3819Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires.

Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1798/2003 en vue de lutter contre la fraude fiscale liée aux opérations intracommunautaires.

(Adopté le 16 décembre 2008)

E-3866Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE, Euratom) nº 1150/2000 portant application de la décision 2000/597/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés.

(Adopté le 26 janvier 2009)

E-3878Proposition de règlement du Conseil établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.

Proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 320/2006, (CE) n° 1234/2007, (CE) n° 3/2008 et (CE) n° …/2008 en vue d’adapter la politique agricole commune.

Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Proposition de décision du Conseil modifiant la décision 2006/144/CE relative aux orientations stratégiques de la Communauté pour le développement rural (période de programmation 2007-2013). Bilan de santé.

(Adopté le 19 janvier 2009)

E-3960- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2182/2004 concernant les médailles et les jetons similaires aux pièces en euros

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2183/2004 étendant aux États membres non participants l’application du règlement (CE) n° 2182/2004 concernant les médailles et les jetons similaires aux pièces en euros.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4016Proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières de la Méditerranée (convention sur la protection du milieu marin et du littoral méditerranéen).

(Adopté le 4 décembre 2008)

E-4049Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord entre la Communauté européenne et l’Australie sur le commerce du vin.

(Adopté le 28 novembre 2008)

E-4054Projet de directive de la Commission modifiant la directive 2006/87/CE du Parlement européen et du Conseil établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure.

(Adopté le 19 décembre 2008)

E-4056Projet de règlement (CE) n° …/.. de la Commission du portant application du règlement (CE) n° 453/2008 du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques trimestrielles sur les emplois vacants dans la Communauté, en ce qui concerne la définition de l’emploi vacant, les dates de référence pour la collecte des données, les spécifications de la transmission des données et les études de faisabilité.

(Adopté le 13 janvier 2009)

E-4070Proposition de règlement du Conseil portant application du règlement (CE) n° 853/2004 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’utilisation de substances antimicrobiennes pour éliminer la contamination de la surface des carcasses de volaille.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4075Modification du règlement de procédure de la Cour de justice.

(Adopté le 13 janvier 2009)

E-4076Modification du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-4077Modification du règlement de procédure du Tribunal de la Fonction publique de l’Union européenne.

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-4086Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation du Fonds de solidarité de l’Union européenne.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4091Proposition de Règlement du Conseil établissant, pour 2009, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture.

(Adopté le 16 janvier 2009)

E-4129Proposition de règlement du Conseil fixant, pour la campagne de pêche 2009, les prix d’orientation et les prix à la production communautaire pour certains produits de la pêche conformément au règlement. (CE) n° 104/2000.

(Adopté le 9 décembre 2008)

E-4134Proposition de décision du Conseil autorisant la République tchèque et la République fédérale d’Allemagne à appliquer des mesures dérogeant à l’article 5 de la directive 2006/112/CE du Conseil relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée.

(Adopté le 10 février 2009)

E-4144Règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1083/2006 sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, en ce qui concerne certaines dispositions relatives à la gestion financière.

(Adopté le 19 janvier 2009)

E-4149Projet de règlement (CE) n° …/.. de la Commission portant application de la directive 2005/32/CE du Conseil et du Parlement européen concernant les exigences relatives à l’écoconception des décodeurs numériques simples.

(Adopté le 4 février 2009)

E-4151Projet de règlement (CE) nº .../.. de la Commission du [..] modifiant le règlement (CE) nº .../2008 de la Commission portant adoption de certaines normales comptables internationales conformément au règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, concernant des modifications à la norme internationale d’information financière IFRS 1 et à la norme comptable internationale IAS 27. Amendements de IFRS 1 Première adoption des normes internationales d’information financière et de IAS 27 États financiers consolidés et individuels. Coût d’une participation dans une filiale, une entité contrôlée conjointement ou une entreprise associée. (Note de transmission de la Commission).

(Adopté le 23 janvier 2009)

E-4152Projet de règlement (CE) n° .../.. de la Commission du […] modifiant le règlement (CE) nº .../2008 de la Commission portant adoption de certaines normes comptables internationales conformément au règlement (CE) nº 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, pour ce qui concerne des améliorations aux normes internationales d’information financière (IFRS) (Note de transmission de la Commission européenne).

(Adopté le 23 janvier 2009)

E-4158Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4160Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation de l’instrument de flexibilité.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4162Projet de décision du Conseil portant nomination des membres du comité prévu à l’article 3, paragraphe 3, de l’annexe I du protocole sur le statut de la Cour de justice. (Note du Secrétariat général du Conseil).

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4178Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 367/2006 du Conseil instituant un droit compensateur définitif sur les importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l’Inde et modifiant le règlement (CE) n° 1292/2007 du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de feuilles en polyéthylène téréphtalate (PET) originaires de l’Inde.

(Adopté le 8 janvier 2009)

E-4194Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative à la mobilisation de l’instrument de flexibilité.

(Adopté le 18 décembre 2008)

E-4208Décision du Conseil portant nomination de deux membres allemands au Comité économique et social européen.

(Adopté le 19 janvier 2009)

E-4209Décision du Conseil portant nomination d’un membre espagnol du Comité économique et social européen.

(Adopté le 19 janvier 2009)

E-4210Décision du Parlement européen et du Conseil portant nomination du contrôleur européen de la protection des données et du contrôleur adjoint. (Actes législatifs et autres instruments).

(Adopté le 14 janvier 2009)

E-4211Proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains éléments de fixation en fer ou en acier originaires de la République populaire de Chine.

(Adopté le 26 janvier 2009)

E-4213Décision du Conseil portant nomination d’un membre et de deux suppléants danois du Comité des régions.

(Adopté le 21 janvier 2009)

E-4214Décision du Conseil portant nomination d’un membre autrichien au Comité des régions. (Actes législatifs et autres instruments).

(Adopté le 21 janvier 2009)

4

Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Nomination des trois membres du conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4319 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Recommandation de la Commission au Conseil visant à autoriser la Commission à ouvrir des négociations avec la Confédération suisse sur la libéralisation des échanges de produits agricoles transformés en vue d’une libéralisation complète du commerce bilatéral dans le secteur agroalimentaire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4320 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil abrogeant la directive 83/515/CEE et onze décisions obsolètes dans le domaine de la politique commune de la pêche.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4321 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant la convention d’application de l’Accord de Schengen et le règlement (CE) n° 562/2006 en ce qui concerne la circulation des personnes titulaires d’un visa de long séjour.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4322 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil relative à un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4323 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la signature par la Communauté européenne du protocole portant sur les questions spécifiques au matériel roulant ferroviaire à la convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d’équipement mobiles, adopté à Luxembourg le 23 février 2007.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4324 et distribué.

J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

- Recommandation de la Commission au Conseil en vue d’autoriser la Commission à ouvrir des négociations avec les États-Unis d’Amérique en vue de la conclusion d’un accord de coopération dans le domaine de l’application de la législation en matière de protection des consommateurs.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-4325 et distribué.

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 9 mars 2009, à quinze heures et le soir :

- Suite du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée) (n° 501, 2007 2008).

Rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 184, 2008-2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD