M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Massion, rapporteur. Il serait en effet souhaitable que les observatoires des prix rendent régulièrement publiques ces comparaisons afin de permettre une évaluation effective du surcoût de la vie outre-mer.

La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à l’esprit de cet amendement, mais il se pose une question : faut-il introduire une telle disposition dans la loi ? En effet, comme je viens de le dire à l’instant au sujet de l’amendement n° 346, le fonctionnement et l’organisation des observatoires des prix sont de nature réglementaire.

Toutefois, la commission ayant émis un avis favorable, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er A.

L'amendement n° 424, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans les départements d'outre-mer, un accord régional interprofessionnel conclu selon les modalités prévues à l'article L. 2232-2 du code du travail et applicable dès 2009, peut permettre de verser un bonus exceptionnel d'un montant maximum de 1 500 euros par salarié et par an.

L'accord régional interprofessionnel peut prévoir de moduler le montant de ce bonus exceptionnel selon les salariés ; cette modulation ne peut s'effectuer qu'en fonction de la taille de l'entreprise, du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l'ancienneté ou de la durée de présence dans l'entreprise du salarié. Ce bonus ne peut se substituer à des augmentations de rémunération et à des primes conventionnelles prévues par la convention ou l'accord de branche, un accord salarial, antérieurs, ou par le contrat de travail. Il ne peut non plus se substituer à aucun des éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et de l'article L. 741.10 du code rural versés par l'employeur ou qui deviennent obligatoires en vertu de règles légales ou de clauses conventionnelles ou contractuelles.

L'accord régional interprofessionnel peut renvoyer à un accord de branche ou d'entreprise la fixation du montant du bonus exceptionnel, les critères de versement et de modulation, dans le respect des dispositions de l'alinéa précédent.

Le versement des sommes ainsi déterminées doit intervenir, au plus tard le 31 décembre de l'année civile au titre de laquelle les sommes sont dues, en application de l'accord régional interprofessionnel ou de l'accord de branche ou d'entreprise auquel il renvoie.

II. - Sous réserve du respect des conditions prévues au présent article, ce bonus exceptionnel est exclu de l'assiette de toutes cotisations ou contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi, à l'exception des contributions définies aux articles L. 136-2 et L. 137-15 du code de la sécurité sociale et 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale dès 2009 et pour une durée maximale de trois ans.

L'employeur notifie au plus tard le 31 décembre de l'année suivant le versement à l'organisme de recouvrement dont il relève le montant des sommes versées aux salariés en précisant le montant par salarié.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. En réponse à la crise et à la suite des accords qui ont été signés en Guadeloupe et en Martinique – j’espère qu’ils le seront bientôt à la Réunion et en Guyane –, le Président de la République a souhaité que les entreprises ultramarines puissent accorder des augmentations de salaires sans avoir à acquitter les charges patronales et les cotisations salariales, hormis la CSG et la CRDS.

La formule retenue est celle du bonus exceptionnel, qui avait déjà été appliqué dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Le Gouvernement souhaite que le Sénat apporte son soutien à cette mesure de hausse des revenus, qui permettrait d’offrir une base solide aux accords salariaux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Marc Massion, rapporteur. La commission n’a pris connaissance de cet amendement que ce matin, mais elle a bien conscience de son poids.

Nous avons donc émis un avis plutôt favorable, tout en nous interrogeant sur le coût de l’opération. Le Gouvernement peut-il nous en donner une estimation ?

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, êtes-vous en mesure d’apporter une réponse ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Il s’agit de charges non payées. Cette mesure ne coûte donc rien au budget de l’État.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Certes, il s’agit d’exonérations qui s’appliqueront dans le cadre d’un bonus qui n’existait pas jusqu’à présent. Il n’y aura donc pas de pertes de ressources.

Cela étant, des opérations d’optimisation sont possibles. Certaines augmentations de salaires pourraient en effet se transformer demain en bonus, ce qui aura naturellement un coût. Monsieur le secrétaire d’État, devons-nous comprendre que vous ne disposez pas d’estimation sur le coût possible de cette mesure ?

Quoi qu’il en soit, je veux vous rendre attentif au fait qu’il peut y avoir demain des effets d’aubaine qui seront forcément coûteux pour les finances publiques.

M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot, pour explication de vote.

M. Jacques Gillot. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que ce bonus ne se confond pas avec le RSTA ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Non, il n’y a aucune confusion possible : le RSTA, revenu supplémentaire temporaire d’activité, d’un montant de 100 euros, est la mise en œuvre du RSA dans les quatre DOM pour tous les salariés gagnant moins de 1,4 SMIC, tandis que le bonus est une possibilité laissée aux entreprises d’accorder des hausses de salaires d’un montant maximum de 1 500 euros par an et par salarié.

Je souhaite également répondre au président Arthuis. Il est effectivement difficile de chiffrer les effets d’aubaine pour une entreprise qui aurait déjà décidé d’accorder des hausses de salaires et qui, si j’ose dire, monterait ensuite dans le train du bonus. Pour autant, on voit bien que cette mesure entre parfaitement dans le cadre des accords salariaux signés en Guadeloupe et en Martinique.

Pour tenter de donner un chiffre, je dirai qu’une augmentation de salaire de 50 euros coûtera 55 euros à l’entreprise, au lieu de 80 euros.

M. Jacques Gillot. Et le bonus est-il cumulable avec le RSTA ?

M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Le RSTA sera versé automatiquement au bénéficiaire. Les hausses de salaires, quant à elles, sont décidées par l’entreprise à la suite d’accords salariaux. Il s’agit donc de deux mesures qui peuvent être complémentaires.

Si une entreprise décide d’accorder une augmentation de salaires dans la limite de 1 500 euros à un salarié qui touche par ailleurs le RSTA, celui-ci aura deux sources de revenus complémentaires.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je comprends le principe de votre proposition, monsieur le secrétaire d’État, mais ne craignez-vous pas qu’elle s’impose aux employeurs ? On le voit bien avec les négociations actuelles : l’augmentation de 200 euros a été appliquée à presque tout le monde.

Si votre mesure aboutissait à une décision prise dans le cadre d’une négociation calme et sereine entre patrons et salariés, elle me paraîtrait positive. Mais, dans le climat actuel, elle risque d’être perçue par les entreprises comme une nouvelle contrainte pour elles.

Après la dérive qui a mené à près de deux mois d’arrêt de travail en Guadeloupe, il est délicat de créer une telle faille. Tous les patrons n’ont pas forcément des bretelles assez solides pour faire face à de telles épreuves de force !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 424.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er A.

TITRE IER

MESURES DE SOUTIEN À L'ÉCONOMIE ET AUX ENTREPRISES

CHAPITRE IER

Régime applicable aux zones franches d'activités

Articles additionnels après l’article 1er A
Dossier législatif : projet de loi pour le développement économique des outre-mer
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

I. - Après l'article 44  terdecies du code général des impôts, il est inséré un article 44 quaterdecies ainsi rédigé :

« Art. 44 quaterdecies. - I. - Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique ou à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes :

« 1° Elles emploient moins de deux cent cinquante salariés et ont réalisé un chiffre d'affaires annuel inférieur à 50 millions d'euros ;

« 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ;

« 3° Elles sont soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition.

« Les conditions prévues aux 1° et 2° s'apprécient à la clôture de chaque exercice au titre duquel l'abattement prévu au premier alinéa est pratiqué. La condition prévue au 3° doit être satisfaite pour chaque exercice au titre duquel cet abattement est pratiqué.

« II. - Les bénéfices mentionnés au I, réalisés et déclarés selon les modalités prévues aux articles 53 A, 72 et 74 A, et 96 par les entreprises répondant aux conditions prévues au I, à l'exception des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actifs, font l'objet, dans la limite de 150 000 €, d'un abattement au titre de chaque exercice ouvert à compter du 1er janvier 2008.

« Le taux de l'abattement est fixé à 50 % au titre des exercices ouverts entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014, et respectivement à 40 %, 35 % et 30 % pour les exercices ouverts en 2015, 2016 et 2017.

« III. - La limite et le taux de l'abattement mentionné au II sont majorés dans les cas suivants :

« 1° Pour les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guyane, dans les îles des Saintes, à Marie-Galante, et à la Désirade ;

« 2° Pour les bénéfices provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion et qui exercent leur activité principale dans l'un des secteurs suivants :

« a) Recherche et développement ou technologies de l'information et de la communication ;

« b) Tourisme, environnement ou énergies renouvelables pour les exploitations situées en Martinique et en Guadeloupe ;

« c) Tourisme, agro-nutrition ou énergies renouvelables pour les exploitations situées à La Réunion ;

« 3° Pour les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées en Guadeloupe, en Martinique ou à La Réunion lorsque ces entreprises :

« a) Signent avec un organisme public de recherche ou une université une convention, agréée par l'autorité administrative, portant sur un programme de recherche dans le cadre d'un projet de développement sur l'un de ces territoires si les dépenses de recherche, définies aux a à g du II de l'article 244 quater B, engagées dans le cadre de cette convention représentent au moins 5 % des charges totales engagées par l'entreprise au titre de l'exercice au cours duquel l'abattement est pratiqué ;

« b) Ou réalisent des opérations sous le bénéfice du régime de transformation sous douane défini aux articles 130 à 136 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire si le chiffre d'affaires provenant de ces opérations représente au moins un tiers du chiffre d'affaires de l'exploitation au titre de l'exercice au cours duquel l'abattement est pratiqué.

« La limite de l'abattement est fixée à 300 000 €. Le taux de l'abattement est fixé à 80 % pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014, et respectivement à 70 %, 60 % et 50 % pour les exercices ouverts en 2015, 2016 et 2017.

« IV. - Le bénéfice des abattements mentionnés aux II et III est subordonné à la réalisation de dépenses de formation professionnelle en faveur du personnel de l'exploitation au titre de l'exercice qui suit celui au cours duquel les bénéfices ont fait l'objet d'un abattement. Ces dépenses doivent être exposées en faveur des salariés ou des dirigeants en activité dans l'exploitation à la date de clôture de l'exercice de leur engagement. Pour les entreprises soumises aux obligations prévues aux articles 235 ter D et 235 ter KA, les dépenses retenues sont celles exposées en sus de ces obligations.

« Les entreprises peuvent s'acquitter de l'obligation mentionnée au premier alinéa en réalisant les dépenses mentionnées à l'article L. 6331-19 du code du travail.

« Les dépenses de formation professionnelle définies au présent IV doivent représenter au moins 5 % de la quote-part des bénéfices exonérée en application des abattements mentionnés aux II et III. À défaut, cette quote-part exonérée est réintégrée au résultat imposable de l'exercice au cours duquel les dépenses auraient dû être exposées. Ces dépenses ne sont pas prises en compte pour l'application des articles 244 quater M et 244 quater P.

« Le présent IV n'est pas applicable lorsque la quote-part des bénéfices exonérée est inférieure à 500 €.

« V. - Lorsqu'elle répond aux conditions requises pour bénéficier du régime prévu aux articles 44 sexies, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 nonies ou 73 B et du régime prévu au présent article, l'entreprise peut opter pour ce dernier régime dans les six mois qui suivent la publication de la loi n°  du  pour le développement économique de l'outre-mer, si elle exerce déjà son activité ou, dans le cas contraire, dans les six mois suivant celui du début d'activité. L'option est irrévocable et emporte renonciation définitive aux autres régimes. Lorsque l'entreprise n'exerce pas cette option dans ce délai, elle bénéficie de plein droit, au terme de la période d'application de l'un de ces autres régimes dont elle bénéficiait, du régime prévu au présent article pour la période restant à courir jusqu'à son terme et selon les modalités qui la régissent.

« VI. - Les obligations déclaratives des entreprises sont fixées par décret. »

II. - Supprimé ...................................................................

III. - À la première phrase du dernier alinéa du II des articles 154 bis et 163 quatervicies, de l'avant-dernier alinéa du I de l'article 200 sexies et du I de l'article 220 quinquies du même code, après la référence : « 44 undecies », est insérée la référence : «, 44 quaterdecies ».

IV. - À la première phrase du second alinéa du a du I de l'article 154 bis-0 A du même code, les mots : « l'abattement prévu à l'article 73 B » sont remplacés par les mots : « les abattements prévus aux articles 44 quaterdecies et 73 B ».

V. - Le même code est ainsi modifié :

1° A la première phrase du I de l'article 244 quater B, les mots : « et 44 duodecies » sont remplacés par les mots : «, 44 duodecies et 44 quaterdecies » ;

2° Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, au premier alinéa du V de l'article 220 decies, au premier alinéa du I des articles 244 quater K, 244 quater N et 244 quater O et au b du IV de l'article 1417, les mots : « et 44 undecies » sont remplacés par les mots : «, 44 undecies et 44 quaterdecies ».

VI. - À la première phrase du premier alinéa du I de l'article 244 quater G, et au premier alinéa du I de l'article 244 quater H du même code, les mots : « et 44 decies » sont remplacés par les références : «, 44 decies et 44 quaterdecies ».

VII. - L'article 244 quater M du même code est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « et 44 decies » sont remplacés par les mots : «, 44 decies et 44 quaterdecies. » ;

2° Le II est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les heures de formation correspondant aux dépenses mentionnées au IV de l'article 44 quaterdecies ne sont pas prises en compte. »

VIII. - L'article 244 quater P du même code est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « et 44 undecies » sont remplacés par les mots : «, 44 undecies et 44 quaterdecies » ;

2° Le premier alinéa du III est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les dépenses mentionnées au IV de l'article 44 quaterdecies ne sont pas prises en compte. »

IX. - Au premier alinéa du 1 du I de l'article 244 quater Q du même code, les mots : « ou 44 decies » sont remplacés par les mots : «, 44 decies ou 44 quaterdecies ».

X. - À l'article 302 nonies du même code, après la référence : « 44 decies, », est insérée la référence : « 44 quaterdecies, ».

XI. - À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 131-6 et à la troisième phrase du troisième alinéa du I de l'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale, après la référence : « 44 undecies, », est insérée la référence : « 44 quaterdecies, ».

XII. - Le présent article s'applique aux exercices clos à compter du 1er janvier 2009. Il cesse de s'appliquer aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018.

M. le président. La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette, sur l'article.

M. Jean-Etienne Antoinette. Depuis la loi Pons de juillet 1986, la stratégie de soutien de l’État au développement économique de l’outre-mer consiste à compenser les handicaps structurels des territoires en termes de coût du travail et de coût de l’investissement. Il s’agit de les rendre un tant soit peu attractifs pour les entreprises et les investisseurs par des dispositifs dérogatoires aux règles appliquées dans l’Hexagone.

Aujourd’hui, on nous dit que le rattrapage est quasiment réussi et qu’il faut donc passer au développement endogène. Alors, avant d’évoquer plus précisément les zones franches d’activités, je souhaite faire un point sur les mots, afin que l’on ne confonde pas compensation et rattrapage.

Une véritable politique de rattrapage économique aboutirait à ce qu’un jour les territoires concernés n’aient plus autant besoin de dispositifs dérogatoires, tandis que, lorsqu’on réduit ou supprime des outils d’une politique de simple compensation, on renvoie ces territoires à leur fragilité et on réactive des handicaps qu’on aurait tendance à oublier quand on agite – parce que c’est si facile ! – les clichés sur l’assistanat.

Aujourd’hui, au-delà des mesures d’exonération et de défiscalisation, qui restent indispensables selon les orientations politiques et économiques retenues, car on ne sait pas compenser autrement les problèmes tenant à l’éloignement, à l’isolement, à l’insularité, à l’étroitesse du marché, au coût de la main-d’œuvre et donc à la compétitivité des pays voisins indépendants, il faut repenser le développement économique de l’outre-mer en dépassant ce schéma contraignant d’une relation bilatérale exclusive avec la métropole. Ce schéma bilatéral est anachronique et constitue à lui seul un handicap supplémentaire pour atteindre ce que le Gouvernement appelle de ses vœux, à savoir le développement endogène des territoires ultramarins.

S’agissant des zones franches d’activités, il y a une autre notion qui mériterait d’être précisée, afin que l’on sache bien de quoi on parle, c’est celle de « développement endogène », même si M. le secrétaire d’État préfère parler de « production locale ».

Si l’objectif des zones franches d’activités est bien le développement de la production locale, la stratégie devrait consister à soutenir et à conforter en premier lieu les dynamiques existantes, qui constituent le socle des économies locales. Je pense au commerce de proximité, aux services, à l’artisanat dans sa totalité, à la restauration, qui est au cœur de la consommation et à l’articulation de plusieurs secteurs, ou aux activités des structures d’insertion par l’économique, comme les services à la personne.

De plus, on oublie qu’en outre-mer, en particulier en Guyane, il y a une économie informelle de subsistance qui est importante, vitale même, et que l’on ne sait ni réduire ni intégrer dans l’économie de marché.

Toutes ces activités ne demandent qu’à se développer et sont potentiellement créatrices d’emplois pour les populations locales.

Or, au titre des zones franches d’activités, qui étaient annoncées comme globales durant la campagne présidentielle, on s’oriente en fait aujourd’hui vers des secteurs dits « porteurs » et à forte valeur ajoutée : recherche et développement, haute technologie, énergies renouvelables... Soit ! Mais où sont les dispositifs de formation qui permettront aux populations locales de travailler et de diriger des entreprises créant des activités dans ces domaines ?

Le développement de ces secteurs d’excellence sera-t-il endogène parce que ceux-ci seront implantés sur certains territoires, ou bien parce qu’ils feront effectivement travailler les populations locales ?

Vous le voyez, la doctrine, la finalité et les conséquences des zones franches d’activités mériteraient encore analyses et précisions, en tout cas au regard de l’objectif affiché par le texte, afin que les effets pervers ne soient pas plus importants que les avantages pour les territoires.

Par exemple, à qui profiteront réellement les réductions d’impôts sur les bénéfices lorsque, en contrepartie, seulement 5 % des quotes-parts exonérées doivent être consacrés à la formation des personnels, et sachant qu’il y a intérêt à ce que toutes les entreprises locales fassent également des bénéfices ?

Cela étant, malgré quelques incertitudes et malgré les incidences aléatoires du coût des mesures – 1,5 milliard d’euros –, le principe de base consistant à réduire au maximum les freins à la capacité d’entreprendre, d’investir et de créer des emplois dans des territoires extrêmement contraints est indispensable. Et, puisque c’est la logique adoptée, il faut l’appliquer largement, lorsque cela se justifie.

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. L’article 1er constitue l’une des mesures essentielles du projet de loi. Il s’agit en effet de procéder à une défiscalisation des bénéfices des entreprises, dans des limites variables, soit 150 000 euros pour les entreprises dites ordinaires et 300 000 euros pour les entreprises de secteurs prioritaires.

La mesure proposée dans cet article s’inspire assez fortement de dispositifs d’ores et déjà existants, et de même nature, visant à alléger l’impôt sur les sociétés ou l’impôt sur le revenu relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Ce dispositif appelle plusieurs observations.

L’article 1er est la mesure phare du programme Sarkozy pour l’outre-mer. Il en est attendu une amélioration de la compétitivité-prix des entreprises sur leurs marchés, par substitution à une partie des importations, et une augmentation de leur capacité d’exporter.

« La défiscalisation agit sur les coûts d’investissement, là où les zones franches agiront sur les coûts de fonctionnement. », explique le pouvoir. Encore faut-il que les marchés des DOM ne soient pas ouverts sans limite aux importations de France, d’Europe et de la Caraïbe, et que les accords de partenariat économique, les APE, permettent réellement d’exporter dans les pays voisins.

La baisse du coût du travail a des limites, vu le différentiel de coût du travail avec ces pays. Les entreprises ont besoin de débouchés. Par les exonérations d’impôts, la zone franche globale vise à augmenter l’excédent brut d’exploitation –  autrement dit les profits – des entreprises, en espérant que ces dernières vont baisser leur prix et/ou investir en accroissant la valeur ajoutée et créer des emplois. Cela en vertu du fameux théorème néolibéral de Schmidt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. »

Or, l’expérience le prouve, sans l’imposition de contreparties en termes de création d’activités ou d’emplois à l’octroi d’avantages fiscaux et sociaux, la baisse du coût du capital et du travail ne conduit pas obligatoirement à des investissements ni à des embauches. C’est ce qui a, hélas, été observé, notamment en Corse. Les entreprises recherchent le retour sur investissement maximum et le plus rapide, ce qui explique, par exemple, la spéculation foncière.

Quant au patronat des DOM, il observe que ces zones franches ne sont « ni franches ni globales » puisque les abattements d’impôts sont partiels et plafonnés. Au départ, le MEDEF local et la CGPME n’étaient pas favorables à une zone franche globale, mais plutôt à une zone franche d’activités limitée au tourisme et réservée aux entreprises locales, avec maintien de la loi Girardin de 2003, étendue aux PME.

La zone franche instaurée en Corse sur le même modèle n’a pas apporté les résultats escomptés, à en croire les élus corses et la chambre de commerce : en dépit d’une certaine progression de l’emploi salarié, due sans doute à la diminution de l’emploi clandestin, on constate peu d’entreprises nouvelles, peu d’investissements nouveaux et un faible dynamisme de l’économie corse.

La zone franche globale d’activités est prévue en principe pour dix ans, avec dégressivité des taux d’exonération à partir de sept ans. La loi de programme pour l’outre-mer, dite loi Girardin, devait, elle, s’appliquer quinze ans.

Ne sont éligibles à la zone franche globale d’activités que les entreprises relevant des secteurs éligibles à la défiscalisation. Donc, toutes les petites entreprises commerciales de moins de dix salariés qui étaient éligibles aux exonérations de cotisations sociales ne sont pas incluses. Ces entreprises seront soumises à un fort accroissement de leurs charges sociales en raison de la modification de la réglementation sur les exonérations de cotisations.

Manifestement, l’ensemble du dispositif de l’article 1er nécessite d’être profondément modifié, au-delà des interrogations qu’il suscite quant au sens d’une politique publique qui se contente de mettre en œuvre des allégements fiscaux.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.

M. Georges Patient. La Guyane, en raison de sa situation économique et sociale dégradée, appelle des mesures particulières afin de corriger ses nombreux handicaps. En effet, les inégalités y sont plus marquées que dans les autres DOM et, surtout, elles persistent.

Je l’ai déjà dit, le produit intérieur brut par habitant en Guyane régresse, se situant maintenant à moins de 50 % du PIB par habitant de la France. Il ne progresse volume que de 0,2 % par an, contre 2,1 % en Guadeloupe, 2,4 % en Martinique et 1,6 % en métropole. Dans l’ensemble des régions françaises, la Guyane occupe quasiment la dernière position. Le revenu des ménages s’éloigne de plus en plus du revenu moyen français, dont il ne représente que 47 %.

La croissance en Guyane est la plus faible des quatre DOM.

Le nombre d’allocataires du RMI est en forte progression. Il a augmenté de plus de 60 % en Guyane depuis 1998, contre 40 % en Guadeloupe et à la Réunion, et moins de 30 % à la Martinique. Sans les prestations sociales, le taux de pauvreté, qui s’élève déjà à 25 %, serait de 37 %.

Le taux de croissance de la population est par ailleurs le plus élevé de France, s’établissant à 3,9 % par an. Cela implique un doublement de la population en 2030 ; la Guyane comptera alors 424 000 habitants. Il faudra donc, en outre, créer chaque année plus de 5 000 emplois.

Compte tenu de cette évolution, il faut mettre en œuvre des mesures spécifiques à la Guyane. Ainsi, il conviendrait, pour la Guyane, d’ajouter un certain nombre de secteurs éligibles aux zones franches d’activités.

Je pense tout d’abord au secteur des services à l’entreprise et à la personne qui revêt une importance stratégique pour la structuration de l’économie guyanaise. Il n’est pas pensable que l’effet de levier de la zone franche globale soit privé d’environ 40 % de la production guyanaise. Son inclusion est indispensable aussi parce que l’économie est encore nettement tertiaire et parce que les acteurs économiques privés de ces secteurs sont susceptibles d’accompagner le développement de projets industriels.

Il faudrait également intégrer les commerces de moins de dix salariés. Cela favoriserait le développement du secteur commercial dans les zones rurales de l’ensemble du territoire. Ces zones sont très déficitaires en matière d’équipement commercial. Sur le littoral, le commerce de moins de dix salariés demande, lui aussi, à être structuré et professionnalisé.

En Guyane, le tourisme ne peut s’apparenter aux activités développées dans les autres DOM. La forêt et les fleuves restent les meilleurs atouts du département pour permettre au touriste de découvrir ses richesses culturelle, faunistique, floristique ou gastronomique. C’est pourquoi il convient de soutenir le secteur touristique sans exclusive. L’intégration dans le dispositif des activités de navigation de croisière et de transport touristique maritime et fluvial relève de cette logique.

La santé constitue un autre secteur à ajouter aux secteurs éligibles. En effet, elle figure au nombre des carences les plus criantes de la Guyane, que ce soit en termes d’infrastructures, d’équipement ou de présence médicale. La Guyane souffre, d’une manière générale, d’une couverture médicale insuffisante.

Parallèlement aux programmes publics d’investissements et à la déclinaison des orientations sanitaires nationales, il est impératif d’inscrire les professionnels soignants au nombre des bénéficiaires de la zone franche globale. Des études l’ont en effet démontré, l’accès à des équipements performants et à des plateaux techniques adaptés, conjugué à une pression fiscale et sociale minorée, constitue un facteur différenciant pour maintenir et attirer les professionnels en Guyane.

Le rééquilibrage territorial de la Guyane appelle enfin l’intégration, pour les zones rurales, d’un certain nombre de secteurs exclus susceptibles de constituer le lien économique et social de proximité qui leur fait encore défaut : les activités de restauration au sens large, la réparation automobile, effectuée en majorité par le secteur artisanal, les entreprises de moins de dix salariés et les activités postales relevant du secteur privé.