compte rendu intégral

Présidence de M. Roland du Luart

vice-président

Secrétaire :

M. Marc Massion.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Candidatures à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des deux sénateurs appelés à siéger au sein du Haut Conseil de la famille.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures de Mme Claire-Lise Campion et M. André Lardeux pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

3

Première application de la journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires

M. le président. Mes chers collègues, nous abordons notre première journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires en application des nouvelles dispositions de l’article 48 de la Constitution entrées en vigueur le 1er mars.

Quatre groupes bénéficient de cette journée : les deux groupes qui se sont déclarés d’opposition, les groupes socialiste et CRC-SPG, et les deux groupes qui se sont déclarés minoritaires, les groupes Union centriste et RDSE.

La conférence des présidents a réparti entre ces groupes quatre sujets par séance jusqu’au 30 juin.

Pour cette première journée, nous aurons deux questions orales avec débat, proposées par le groupe socialiste, et deux propositions de loi inscrites respectivement à la demande du groupe CRC-SPG et du groupe RDSE.

Pour la discussion de ces propositions de loi, dans l’esprit des nouvelles dispositions constitutionnelles, les présidents de groupe et de commission se sont accordés au sein de la conférence des présidents pour ne pas adopter de « conclusions négatives » qui couperaient court à la discussion des articles.

Ils ont ainsi souhaité garantir au mieux la priorité constitutionnelle reconnue aux groupes bénéficiaires de cette journée réservée.

Pour autant, afin de respecter les droits de l’ensemble des groupes, il conviendra qu’aucun sujet ne dépasse significativement le module de deux heures sur lequel la conférence des présidents s’est arrêtée.

L’expérience nous dira si la formule retenue est bien de nature à faire vivre harmonieusement le pluralisme dans notre assemblée.

4

Avenir des sous-traitants et équipementiers du secteur automobile

Discussion d’une question orale avec débat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 28 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur à Mme la ministre de l’industrie, de l’économie et de l’emploi sur l’avenir des sous-traitants et équipementiers du secteur automobile.

Cette question est ainsi libellée.

« M. Jean-Pierre Sueur interroge Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur l’avenir de la filière automobile. Depuis octobre 2008, une succession de mesures destinées à la filière automobile ont été annoncées, que ce soit sur le plan national ou sur le plan européen.

« Le Gouvernement vient de présenter un nouveau plan de relance dont un volet serait consacré à la mise en œuvre du “pacte automobile” annoncé le 9 février dernier. Celui-ci se traduit notamment par l’octroi de 6,5 milliards d’euros aux constructeurs automobiles afin de leur permettre de financer leurs projets stratégiques et par une subvention de 240 millions d’euros à OSEO afin de garantir un milliard d’euros de prêts supplémentaires aux sous-traitants automobiles.

« On peut se féliciter de ce que le Gouvernement prenne enfin la mesure de la gravité de la crise du secteur et du risque qui pèse sur l’ensemble de cette filière industrielle essentielle au développement économique de nos territoires.

« Mais, force est de s’interroger sur les contreparties en termes notamment de maintien des sites et de préservation de l’emploi, de conditions de travail et de salaires ainsi qu’en termes de formation professionnelle qui seront exigées des constructeurs bénéficiaires du plan de relance. La crise de la filière automobile est en effet à la croisée de questions essentielles, celle de la préservation des emplois, celle d’une meilleure indemnisation du chômage, et celle non moins fondamentale de la formation continue.

« Dans le prolongement de ces questions, il convient également de s’interroger sur la stratégie industrielle qui sous-tend toutes ces mesures du plan de relance. Car cette crise qui concerne la préservation des bassins industriels des territoires questionne également sur les mutations profondes qu’il convient d’initier et d’accompagner dès aujourd’hui. Les constructeurs mais surtout les équipementiers et sous-traitants, acteurs essentiels de la filière automobile, souffrent énormément avec des risques de délocalisations qui deviennent chaque jour plus réels.

« Pour toutes ces raisons, il l’interroge sur les contreparties sociales que le Gouvernement pourrait exiger des constructeurs automobiles bénéficiaires des aides. Il lui semble également nécessaire d’effectuer un premier bilan de toutes les aides et de leur destination afin de pouvoir mesurer leur traçabilité et leur efficacité en termes de maintien de l’emploi et de préservation de l’ensemble de la filière automobile.

« Enfin, il souhaite également obtenir des précisions sur la stratégie industrielle pour l’ensemble de la filière automobile française et européenne qui sous-tend les plans de relance. Et, au-delà, comment le Gouvernement envisage l’avenir du secteur automobile sur le moyen et le long terme ?

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, avant d’aborder la question de l’avenir des sous-traitants et équipementiers automobiles, vous me permettrez d’évoquer la situation de l’entreprise 3M Santé, à Pithiviers.

Je tiens à dire ici, à la tribune du Sénat, à quel point l’exaspération des salariés de 3M Santé doit être comprise.

En 2008, cette entreprise mondiale a eu un résultat net de 3,46 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires de 25,269 milliards de dollars. Le bénéfice de chaque action est de 4,89 dollars.

Ce sont 110 licenciements et 44 transferts qui ont été décidés. Les salariés concernés ont vingt ans, vingt-cinq ans, voire trente ans d’ancienneté et sont très attachés à leur entreprise.

Les habitants de Pithiviers, tout comme les salariés, sont des gens calmes. Ces mouvements de désespoir et d’exaspération sont une réponse à l’incompréhension que suscitent ces licenciements dans une entreprise qui est prospère, dont les produits se vendent, qui a acquis encore très récemment d’autres structures en France et qui dégage un bénéfice considérable.

Monsieur le secrétaire d'État, je remercie M. Philippe Gustin, directeur adjoint de votre cabinet, de m’avoir reçu avec Mme le maire de Pithiviers et des représentants des salariés. Il nous a indiqué que Mme Lagarde avait écrit à la direction de cette entreprise aux États-Unis. J’espère que les efforts de Mme la ministre seront suivis d’effet. Je vous remercie de m’en tenir informé.

Il revient aux pouvoirs publics d’aider à trouver des solutions pour empêcher la fermeture de cette entreprise. Ces solutions existent. De plus, cette entreprise a les moyens financiers de revenir sur sa décision. Si cette dernière était malheureusement maintenue, il faudrait refuser les conditions indigentes aujourd’hui proposées pour le plan social : les salariés se sentent méprisés et la population est solidaire.

Cette entreprise ne constitue qu’un cas parmi beaucoup d’autres.

J’en viens maintenant à la question orale avec débat portant sur l’avenir des sous-traitants et équipementiers du secteur automobile.

Voici une liste d’une partie des équipementiers et sous-traitants du secteur automobile du Loiret, département que je connais bien pour en être l’élu : Deutsch à Saint-Jean-de-la-Ruelle, Federal Mogul dans la même commune, Faurecia à Nogent-sur-Vernisson, Hutchinson à Châlette-sur-Loing, Proma France à Gien, Sifa à Orléans, TRW à Orléans-La Source, Trouillet à Neuville-aux-Bois, Steco à Outarville, Fog à Briare, Ibiden à Courtenay, ThyssenKrupp à Amilly, etc.

Toutes ces entreprises, qui vivent de l’automobile, sont frappées par le chômage partiel ou éprouvent des inquiétudes pour leur avenir ou ont décidé de procéder à des licenciements ou même sont, pour deux d’entre elles, l’objet de décisions de fermeture.

Ce qui vaut pour le Loiret, département français moyen, vaut pour un grand nombre d’autres départements.

M. le président. La Sarthe !

M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement, monsieur le président.

Mes collègues Martial Bourquin et Jean-Pierre Bel le confirmeront d’ailleurs au cours de leurs interventions.

Faurecia a annoncé la suppression de 1 215 emplois sur le site d’Auchel, de 219 emplois pour Plastic Omnium, de 620 emplois pour Tyco Electronics, de 300 emplois pour Key Plastics, de 300 emplois pour Molex, de 300 emplois pour Timken.

Je rappelle que, à Clairoix, Continental prévoit de licencier 1 100 salariés, alors même que les ouvriers avaient accepté de revenir à une durée de travail hebdomadaire de 40 heures, pour sauver l’emploi.

Hutchinson annonce la suppression de postes à Vierzon et à Châteaudun.

Je pourrais évoquer la situation de Mefro à La-Chapelle-Saint-Luc, celle de Bridgestone à Béthune, où 1 200 salariés ont été mis au chômage technique. Des mises au chômage technique ont également été décidées dans les usines Michelin de Clermont-Ferrand, Tours et Roanne.

Je ne poursuis pas plus avant cette énumération.

Mme Annie David. Ce serait trop long !

M. Jean-Pierre Sueur. Le sinistre qui affecte le secteur automobile est considérable. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de vous interroger, monsieur le secrétaire d'État : il faut des mesures à la hauteur de la situation.

Je poserai trois questions.

Premièrement, nous estimons que les fonds publics, comme ceux qui ne sont pas publics, affectés à la crise que traversent les sous-traitants et équipementiers du secteur automobile ne sont pas à la hauteur du problème. (M. Jean-Paul Emorine s’exclame.)

Mme Annie David. C’est sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. La France compte 300 équipementiers ; 75 % des pièces qui composent une voiture sont fabriquées par des sous-traitants.

Mme Annie David. C’est exact !

M. Jean-Pierre Sueur. Si le prêt consenti à PSA et Renault s’élève à 6,5 milliards d'euros, les sommes qui sont affectées à l’ensemble des équipementiers atteignent seulement 600 millions d'euros.

Dans de très nombreux départements français, les équipementiers automobiles constituent un facteur considérable de l’économie. Car il faut aussi mesurer les effets induits à l’échelon local ! Il n’est pas un sénateur qui ne puisse citer des exemples tirés du département qu’il représente.

Le montant accordé aux sous-traitants et équipementiers est trop faible par rapport à celui qui a été octroyé aux entreprises automobiles ; il ne permettra pas d’apporter les réponses aux questions qui se posent aujourd'hui.

Monsieur le secrétaire d'État, face à l’ampleur de la crise et aux nouvelles que nous apprenons chaque jour par le journal ou la radio, alors même que l’action publique doit se fixer des priorités et le Gouvernement procéder à des choix financiers, ne pensez-vous pas que la première des priorités consiste aujourd'hui à dégager plus de moyens pour les équipementiers du secteur automobile ?

Deuxièmement, quelles contreparties en termes d’emplois exige l’État en échange des aides qu’il attribue et qui, à notre sens, doivent être beaucoup élevées ? Nous avons posé cette question pour Renault et PSA, nous la posons aujourd'hui pour les équipementiers. Par ailleurs, une entreprise, c’est bien sûr un président et des dirigeants, mais c’est aussi et d’abord des salariés !

Il faut associer les représentants des salariés et les partenaires sociaux aux plans qui sont mis en œuvre. C’est pourquoi nous ne pouvons accepter un certain nombre de procédures et de méthodes, qui provoquent la colère et l’exaspération.

Mme Annie David. La désespérance !

M. Jean-Pierre Sueur. Troisièmement, dans quelles conditions sera mis en œuvre le pacte automobile pour les sous-traitants et les équipementiers ?

Je citerai plusieurs déclarations pour appuyer mes propos. Je commencerai par l’une de vos interventions à l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'État. Je trouve que vous avez bien parlé ! (Sourires.)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation. Merci !

M. Daniel Raoul. Cela commence mal ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. « La sous-traitance est en quelque sorte victime d’une double peine : le ralentissement du marché et le déstockage des constructeurs » [...] « Là où le marché [des constructeurs] est à environ moins 10 %, les sous-traitants sont plutôt autour de 30 % à 40 %. »

Cette analyse est juste. Il faut en tirer les conclusions par rapport aux deux premiers points que j’ai mentionnés et par rapport à la question des procédures.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le secrétaire d'État, je crains que les procédures que vous avez mises en place pour le plan équipementier et sous-traitant ne soient pas adaptées, en dépit des efforts qui sont déployés.

Pour ce qui est des crédits d’OSEO, « la garantie ne pourra être accordée – je cite les termes du pacte automobile – qu’aux entreprises fondamentalement saines et qui en tout état de cause n’étaient pas en difficulté financière avant l’été 2008 [...] Cette condition vise à garantir l’efficacité de la dépense publique et à ne pas retarder les éventuelles restructurations nécessaires pour consolider la filière. » N’est-ce pas trop restrictif ?

M. Gilles Michel, directeur général du fonds stratégique d’investissement, affirme que le fonds interviendra auprès des entreprises « qui ont le meilleur potentiel technique – malheur à celles qui n’ont pas le meilleur potentiel technique ! –, le meilleur potentiel de croissance, d’exportation, de savoir-faire pour émerger à la sortie de la crise comme des entreprises de référence dans leur segment ». « L’objectif est d’accompagner les entreprises de la filière automobile dans la restructuration, la réorganisation inévitable. Nous choisirons celles qui ont la meilleure chance d’être viables et rentables. Dans le choix de ses investissements, le fonds aura la préoccupation de leur activité industrielle en France et de leur gouvernance. »

En d’autres termes, la priorité sera accordée aux entreprises qui bénéficient d’une lisibilité à cinq ans quant à leur développement. Or, les dirigeants et les salariés d’un grand nombre de ces entreprises qu’on interroge dans mon département ou ailleurs s’avouent bien incapables de prévoir la situation de leur entreprise dans trois, quatre ou cinq ans, quelquefois même dans un an ou dans six mois !

Si les critères établis sont trop sophistiqués ou trop sélectifs, les entreprises qui aujourd'hui vont mal ne pourront pas aller mieux !

Le directeur adjoint du fonds de modernisation des équipementiers automobiles, que j’ai rencontré la semaine dernière à la préfecture du Loiret, m’a affirmé que trente dossiers avaient été recueillis et étaient actuellement en cours d’examen. Peut-être me confirmerez-vous ce chiffre, monsieur le secrétaire d'État. Toujours est-il que trente dossiers, cela représente 0,3 dossier par département !

M. Jean-Pierre Sueur. Or tous les départements sont touchés par ce problème : si on examine seulement 0,3 dossier par département, on est loin du compte !

Sur le site Le Monde du jeudi 26 mars, à la rubrique Économie, un article intitulé « Un fonds pour aider les sous-traitants » apporte l’information suivante : « Dossiers sélectionnés. Un seul dossier a été instruit. [...] Deux autres dossiers d’équipementiers seront étudiés prochainement. »

Il est urgent, monsieur le secrétaire d'État, premièrement, d’augmenter le fonds, deuxièmement, d’associer l’ensemble des partenaires, troisièmement, de mettre en place des critères beaucoup moins sélectifs, afin de passer le très difficile cap actuel.

Pour ce faire, je vous incite à mettre en œuvre un circuit très court, qui permettrait d’aider les entreprises à présenter leurs dossiers dans les préfectures de nos départements et de nos régions. Il faut également que l’examen des dossiers par votre ministère ait lieu très rapidement. Ainsi, sera engagée l’indispensable mobilisation des pouvoirs publics face aux difficultés et aux drames si préoccupants pour ce secteur et pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mes propos vont dans le prolongement de l’intervention de M. Sueur et, si je puis dire, dans un prolongement géographique.

Comme notre collègue l’a rappelé, les difficultés des équipementiers automobiles sont visibles sur le terrain, et l’annonce de la baisse des ventes par les constructeurs automobiles de 13 % au mois de février ne fait que renforcer notre crainte.

Par ailleurs, vous savez, mes chers collègues, que le grand salon automobile de Londres, qui devait se tenir en 2010, vient d’être annulé. La conjoncture est donc de plus en plus angoissante.

Monsieur le secrétaire d’État, le pacte automobile, présenté par le Président de la République le 9 février dernier, prévoit que le fonds stratégique d’investissement portera sa contribution au fonds de modernisation des équipementiers automobiles à 200 millions d’euros, au même titre que les deux constructeurs Renault et PSA. Comme l’a rappelé M. Sueur, le fonds s’élèvera ainsi à 600 millions d’euros.

Par ailleurs, PSA et Renault ont annoncé leur intention de sécuriser les approvisionnements et de soutenir leurs fournisseurs.

Par conséquent, des efforts sont réalisés, nous le savons. Cependant, lors de la manifestation du 19 mars dernier, j’ai été frappée, dans mon département, par le nombre de banderoles qui portaient le nom des entreprises des équipementiers automobiles. Loin de moi l’idée, mes chers collègues, de vous en donner toute la liste.

Monsieur le secrétaire d’État, nous nous étions rencontrés à Vendôme, en Loir-et-Cher, lorsque vous étiez venu chez ThyssenKrupp, alors que ce groupe avait pris la décision de se retirer de cette région. Par ailleurs, je lisais ce matin dans La Nouvelle République du Centre-Ouest que 80 licenciements chez Ranger, à Theillay, sont annoncés dans le bassin de Salbris-Romorantin, où se situaient auparavant le GIAT ainsi que Matra. Les catastrophes industrielles arrivent les unes après les autres.

À Blois se trouvent les entreprises Valéo, HPI et Delphi. Cette dernière, spécialisée dans l’injecteur automobile pour les moteurs diesel, vient de mettre au point, grâce au laboratoire de recherche et développement situé également à Blois, un nouvel injecteur, le piézo. M. Devedjian, ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, a visité récemment le site de cette entreprise et a souligné l’importance du laboratoire susvisé et les espoirs fondés sur cet injecteur.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons des inquiétudes. La société Delphi a utilisé toutes les mesures mises à sa disposition ; elle a mis fin aux contrats provisoires et à l’emploi d’intérimaires, a eu recours au chômage partiel et elle a même demandé à certains salariés de prendre leurs vacances à une période donnée. Cependant, la mise en place des nouvelles lignes de production du nouvel injecteur se heurte à certaines difficultés. Selon certaines rumeurs, cette production pourrait être délocalisée, d’autant que certains équipementiers ont tendance à rejoindre des constructeurs installés depuis quelques années en Europe centrale ou orientale. Plus de 2 500 salariés sont concernés dans l’agglomération blésoise.

Le fonds stratégique d’investissement, mis en place par le Gouvernement, concernera-t-il cette entreprise ? Nous n’avons que peu d’informations sur ce point. Monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré de me donner des précisions à ce sujet.

Je souhaite maintenant me faire le porte-parole de M. Yves Détraigne. Ne pouvant être présent ce matin, il m’a chargé de vous poser une question, qu’il avait déjà formulée au mois de mars en séance publique. À cette époque, il n’avait pas, semble-t-il, obtenu de réponse précise. Son interrogation concerne l’inadéquation des délais de livraison des véhicules français par rapport à la concurrence étrangère. En effet, lorsque vous commandez une voiture étrangère, vous pouvez en disposer trois ou quatre semaines après. En revanche, lorsque vous commandez un véhicule français, vous l’obtenez quatre ou cinq mois plus tard.

M. Gérard Cornu. Cela dépend du stock !

Mme Jacqueline Gourault. Dans le même temps, des émissions de télévision montrent des parkings immenses sur lesquels sont stationnées de très nombreuses voitures. Cette situation est incompréhensible. De surcroît, les derniers chiffres publiés sur l’activité du secteur automobile en France montrent le tassement de l’effet « prime à la casse ». Pourquoi existe-t-il une telle inadéquation entre les délais de livraison et les achats ? Cette question est importante.

Le pacte automobile – plan ambitieux – sera inopérant si les délais de livraison des véhicules français restent aussi longs et supérieurs à ceux des marques étrangères.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré de bien vouloir m’indiquer comment le Gouvernement explique cette différence entre les faits et les discours et ce qu’il entend faire pour remédier à un comportement qui encourage les Français à acheter des véhicules de marque étrangère, au détriment des constructeurs nationaux. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, 6 milliards d’euros attribués à Renault et à PSA, l’activation des fonds de garantie lancés par OSEO pour les prêts alloués aux équipementiers et aux sous-traitants, 600 millions d’euros affectés au fonds de modernisation des équipementiers : une fois de plus, les aides publiques sont accordées sans contrôle, sans exiger de contreparties et sans légiférer.

Il s’agit, selon le Gouvernement, de faire croire aux travailleurs et aux populations concernés qu’il faut faire confiance aux actionnaires et aux dirigeants des groupes qui, bien entendu, auront le souci de garantir la pérennité des sites industriels et s’abstiendront de percevoir leur bonus. L’appel à la moralité des entreprises devrait donc suffire pour sauver l’industrie automobile en France.

On sait ce qu’il en est puisque, dès le lendemain de l’annonce de ce plan de sauvetage par le Président de la République, PSA annonçait la suppression de 6 000 emplois en France.

M. Jean-Claude Danglot. Renault, pour sa part, confirmait ses bons résultats financiers, 830 millions d’euros de profits, dont la moitié est reversée aux actionnaires.

En termes d’emplois industriels, l’hémorragie n’est pas stoppée. Il serait trop long d’énumérer les entreprises qui licencient ou qui recourent au chômage partiel.

Toutes les régions sont touchées et la filière automobile paie le prix fort, notamment en Seine-Maritime, dans le Nord-Pas-de-Calais, l’Oise, le Rhône.

Certes, nous ne manquons pas de communication sur ce plan rebaptisé « pacte automobile ». Mais les effets d’annonce ne résistent pas à l’examen de la réalité, surtout quand des centaines de milliers de salariés, qui ne peuvent compter que sur leur travail pour vivre, sont confrontés à cette crise du système capitaliste.

Pour traiter plus concrètement du pacte qui nous est présenté, je reviendrai sur quelques arguments que vous avez développés, monsieur le secrétaire d’État.

En premier lieu, la suppression de la taxe professionnelle garantirait une meilleure compétitivité de nos entreprises. Cette taxe serait de 250 euros par modèle. Soit ! Mais l’entreprise Toyota s’est implantée à Valenciennes voilà quelques années et la taxe professionnelle n’a pas pesé sur sa décision, sinon elle aurait pu franchir la frontière et s’installer en Belgique.

L’équipementier Faurecia, implanté dans tout l’Hexagone, a décidé de fermer son entreprise d’Auchel, dans le Pas-de-Calais ; 600 salariés sont concernés. Pourtant, cette entreprise a bénéficié, voilà quelques années, de fonds publics pour agrandir son site. De plus, elle ne verse que 930 000 euros de taxe professionnelle à la collectivité, trois fois moins que la prime d’encouragement à la casse industrielle perçue par l’ex-P-DG de Valéo. Le rapport d’un cabinet d’expert-comptable a d’ailleurs démontré que l’usine d’Auchel est viable.

En fait, bien avant la grande crise structurelle que nous vivons aujourd’hui, comme hier la sidérurgie, le textile et le charbon, le secteur automobile se trouvait déjà, en quelque sorte, au banc d’essai des politiques européennes fondées sur le traité de Lisbonne vantant la concurrence libre et non faussée. Cette politique s’accompagne d’un dumping social, qui frappe en premier lieu les équipementiers, notamment depuis l’ouverture de l’Europe à l’Est.

Selon un autre argument, en France, le secteur de la recherche et du développement privé connaîtrait un déficit. Renault a baissé ses investissements en matière de recherche et de développement.

J’évoquerai, en cet instant, l’exemple de l’entreprise Sintertech implantée en Isère. Cet équipementier est le seul en France à produire et à développer la technologie révolutionnaire du métal fritté, issue de recherches très poussées. La fermeture de son site entraînera la suppression de 120 emplois et aura aussi pour conséquence la disparition pure et simple de cette technologie de pointe dans le paysage industriel français.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, je mentionnerai votre souci d’aider les PME à améliorer leur gestion. Lors de votre récente venue dans ma région, à Douai, pour promouvoir votre plan, vous avez déclaré : « Le but du fonds de modernisation des équipementiers est d’abord d’atténuer la crise ». Puis vous avez ajouté : « Nous n’interviendrons en fonds propres que dans les cas que nous considérons comme stratégiques ». Mais qu’est-ce qu’un équipementier stratégique ?

On comprend donc mieux les intentions du Président de la République qui ne souhaite pas légiférer, mais qui attend, en toute confiance les résultats de son plan automobile.

Cette attente est douloureuse, car on continue à supprimer des milliers d’emplois, au nom de cette nouvelle compétitivité que vous appelez de vos vœux et qui satisfait bien les projets du MEDEF.

Si vous êtes aussi sûr de votre plan de relance, pourquoi ne pas décider un moratoire suspensif des plans sociaux en cours ?

La majorité présidentielle a tenté de nous faire croire que cette crise était due à un capitalisme financier amoral auquel elle opposait un capitalisme industriel vertueux. Les milliards d’euros que vous distribuez aux grands groupes industriels pour améliorer leur compétitivité n’ont qu’un seul objet : restructurer l’appareil productif, afin de rechercher la rentabilité maximale et d’augmenter les profits de demain.

Voilà deux ans déjà, les parlementaires communistes ont proposé une charte de défense et de développement de l’industrie automobile ; ils ont donc anticipé cette crise. La reprise de quelques-unes de leurs propositions aurait permis de limiter fortement la casse industrielle et la destruction massive d’emplois que nous connaissons actuellement. Il n’est toutefois pas trop tard.

Nous réclamons – je réitère les demandes formulées ici même, naguère, par mon collègue Thierry Foucaud – que les plans de licenciement soient arrêtés et que les dividendes versés aux actionnaires soient gelés.