compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Marc Massion.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Communication relative à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009 est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

3

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du jeudi 2 avril prennent effet.

4

Désignation d’un sénateur en mission

Mme la présidente. Par courrier en date du 2 avril 2009, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Pierre André, sénateur de l’Aisne, en mission temporaire auprès de M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, et Mme Fadela Amara, secrétaire d’État chargée de la politique de la ville.

Cette mission consistera à proposer une méthode opérationnelle de révision de la géographie des zones urbaines sensibles et des contrats urbains de cohésion sociale.

Acte est donné de cette communication.

5

Dépôt d’un rapport du gouvernement

Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 13 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, le rapport relatif au bilan des retours durant les années 2006 et 2007 des contribuables redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune précédemment délocalisés.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

6

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Saisie le 3 avril 2009 par le président du Sénat, en application de l’article L 567-1 du code électoral, la commission des lois a émis un avis favorable au projet de désignation par le président du Sénat de M. Bernard Castagnède aux fonctions de membre de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

Acte est donné de cette communication.

7

Demande d’un avis sur un projet de nomination

Mme la présidente. Par lettre en date du 3 avril 2009, M. le Premier ministre a demandé au président du Sénat de lui faire connaître, conformément à l’article L.O. 567-9 du code électoral, l’avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Yves Guéna aux fonctions de président de la commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.

Acte est donné de cette communication.

8

Message de solidarité aux victimes d’un séisme en Italie

Mme la présidente. Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, M. le président du Sénat m’a demandé de vous donner lecture de la lettre qu’il a adressée à M. Renato Schifani, président du Sénat de la République italienne, à la suite du séisme qui a frappé l’Italie et la ville de L’Aquila.

« Paris, le 6 avril 2009

« Monsieur le Président, cher collègue,

« Les Sénateurs français, comme l’ensemble de nos compatriotes, sont tous profondément bouleversés par le terrible drame qui a frappé ce matin votre pays et la ville de L’Aquila.

« Au nom du Sénat et en mon nom personnel, je tenais à vous exprimer, dans ces heures difficiles, toute la solidarité de la France à l’égard de l’Italie. J’ai une pensée particulière pour les familles et les proches des victimes, ainsi que pour tous les sinistrés qui affrontent avec courage cette terrible épreuve.

« En vous renouvelant ma compassion et ma solidarité, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

« Avec mes sentiments de solidarité,

« Signé : Gérard LARCHER »

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, pour témoigner de notre émotion et de notre solidarité à l’égard des familles et des proches des victimes, je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mme la secrétaire d'État, M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)

9

Conventions internationales

Adoption de sept projets de loi en procédure d’examen simplifiée (textes de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen de sept projets de loi tendant à autoriser l’approbation ou la ratification de conventions internationales.

Pour ces sept projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

accord avec l’organisation internationale de police criminelle-interpol

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OIPC-Interpol) relatif au siège de l'organisation sur le territoire français (ensemble une annexe), signé à Lyon le 14 avril 2008 et à Paris le 24 avril 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OIPC-Interpol) relatif au siège de l’organisation sur le territoire français (projet de loi n° 193, texte de la commission n° 272, rapport n° 241 de M. Bernard Piras, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté définitivement, à l’unanimité des suffrages exprimés.)

accord-cadre avec l’espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d'Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l'enseignement scolaire des deux États, signé à Madrid le 16 mai 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume d’Espagne sur les dispositifs éducatifs, linguistiques et culturels dans les établissements de l’enseignement scolaire des deux États (projet de loi n° 498, 2007-2008, texte de la commission n° 273, rapport n° 261 de M. Robert del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.)

protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement (ensemble quatre annexes), fait à Kiev le 21 mai 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public à la prise de décision et l’accès à la justice dans le domaine de l’environnement (projet de loi n° 175, texte de la commission n° 274, rapport n° 262 de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.)

accord avec l’uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l'Uruguay sur l'emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles, signé à Montevideo le 9 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay sur l’emploi salarié des personnes à charge des membres des missions officielles (projet de loi n° 81, texte de la commission n° 276, rapport n° 275 de Mme Gisèle Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.)

accord avec le kenya sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé le 4 décembre 2007 à Nairobi, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (projet de loi n° 190, texte de la commission n° 278, rapport n° 277 de Mme Gisèle Gautier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté définitivement, à l’unanimité des suffrages exprimés.)

traité de singapour sur le droit des marques

Article unique

Est autorisée la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (ensemble le règlement d'exécution et la résolution), adopté à Singapour le 27 mars 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité de Singapour sur le droit des marques (projet de loi n° 159, texte de la commission n° 280, rapport n° 279 de M. Jean Milhau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.)

traité sur le droit des brevets

Article unique

Est autorisée la ratification du traité de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit des brevets (ensemble le règlement d'exécution du traité et les déclarations communes), signé à Genève le 14 septembre 2000 et dont le texte est annexé à la présente loi.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur le droit des brevets (projet de loi n° 160, texte de la commission n° 282, rapport n° 281 de M. Rachel Mazuir, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).

M. Robert Hue. Le groupe CRC-SPG s’abstient !

M. Charles Revet. Il faut bien se démarquer !

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés.)

10

Accord avec la Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements

Adoption définitive d'un projet de loi (texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 191, texte de la commission n° 271, rapport n° 242).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements
Article unique (début)

Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements.

Cet accord s’inscrit dans un contexte à la fois international et national.

Il s’inscrit tout d’abord dans un contexte international. La crise financière mondiale conduit à une diminution des flux étrangers d’investissements directs à destination des pays du Sud.

Ces flux constituent pourtant une ressource internationale importante pour les pays en développement.

La crise rappelle également l’impératif d’une régulation financière mondiale et l’importance de règles du jeu claires, stables et équitables.

En matière d’aide au développement, la réunion du G20 a permis de réaffirmer l’attachement aux objectifs du Millénaire et l’accroissement de facilités financières accordées, notamment par le Fonds monétaire international, le FMI, aux pays les plus pauvres.

L’accord s’inscrit ensuite dans un contexte national, car il apporte un certain nombre de garanties à destination de nos entreprises et investisseurs en Guinée.

Tout d’abord, il garantit nos entreprises contre le risque politique : il interdit toute expropriation arbitraire et assure une indemnisation prompte et adéquate de toute dépossession.

Ensuite, il comporte la clause de traitement de la nation la plus favorisée et la clause de traitement national, gages d’une compétition économique équitable.

Ce texte comprend, en outre, la clause de libre transfert, essentielle pour que les entreprises françaises actives en Guinée tirent les pleins bénéfices de leur implantation.

Enfin, cet accord avec la Guinée ouvre des voies de recours juridique aux investisseurs français – y compris en matière d’arbitrage international –, en cas de différend avec le pays d’accueil de leur investissement.

La période récente a été marquée par des changements politiques importants en Guinée. Le président Lansana Conté est décédé le 22 décembre 2008, après avoir été vingt-quatre années à la tête de ce pays. Dès le lendemain, le capitaine Moussa Dadis Camara a annoncé la suspension des institutions et de la Constitution, ainsi que la création du Conseil national pour la démocratie et le développement, le CNDD. Il a ensuite pris l’engagement d’organiser des élections avant la fin de l’année 2009 et a assuré que ni lui, ni les autres membres du CNDD, ni le Premier ministre ne s’y présenteraient. Il s’est aussi engagé à confier la transition à un gouvernement civil, dirigé par le Premier ministre, M. Kabiné Komara. Le 14 janvier dernier, un gouvernement a été nommé.

Comme le réclamaient les forces vives – partis politiques, syndicats, société civile – et la communauté internationale, les restrictions aux libertés politiques et syndicales ont été levées.

Un retour vers la démocratie semble donc se profiler à l’heure actuelle en Guinée. Il s’accompagnera sans nul doute d’une intensification des flux commerciaux et des investissements entre la Guinée et ses partenaires. Ce sera probablement le cas pour les investissements français, la France comptant parmi les premiers investisseurs en Guinée.

Troisième fournisseur commercial de la Guinée après la Chine et la Côte d’Ivoire, notre pays est également le deuxième client de la Guinée. Nos ventes vers la Guinée – biens d’équipements professionnels, biens intermédiaires, produits agricoles et industrie alimentaire, produits pharmaceutiques –représentaient 160 millions d’euros sur les dix premiers mois de l’année 2008, contre 115 millions d’euros pour l’ensemble de l’année 2007. Nos achats s’élevaient à 50 millions d’euros sur la même période.

Les implantations françaises comptent une trentaine de filiales et une quarantaine d’implantations locales créées par des Français, avec ou sans partenaire local.

L’importance de nos échanges rend donc plus que jamais nécessaire la mise en place d’un cadre juridique à même de sécuriser ces échanges.

Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir approuver les termes du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jacques Berthou, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France et la Guinée ont signé à Conakry, le 10 juillet 2007, un accord sur la promotion et la protection réciproques des investissements.

Il s’agit d’un accord type, conçu pour pallier l’absence de système multilatéral de protection des investissements en dehors de la zone de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE. Notre pays a signé de tels accords avec plus de quatre-vingt-dix pays et, récemment, avec une quinzaine d’États africains.

La commission des affaires étrangères souscrit bien évidemment à l’objectif de protection des intérêts de nos investisseurs à l’étranger, singulièrement en Guinée, pays dont le potentiel économique est considérable.

Elle s’interroge cependant, madame la secrétaire d’État, sur le signal que ne manquerait pas d’envoyer la ratification par la France de cet accord aux autorités de fait actuellement au pouvoir à Conakry.

Je rappelle qu’à la suite du décès du président Lansana Conté, le 22 décembre 2008, au pouvoir pendant vingt-quatre ans, le pays a connu un coup d’État militaire, certes, sans effusion de sang ni beaucoup de nostalgie de la part des Guinéens pour le régime précédent, mais sans que se dessine non plus, pour le moment, une transition démocratique rapide.

La Guinée dispose d’un potentiel économique indéniable, du fait des richesses de son sol et de son sous-sol. Ses différentes ressources en font une puissance agricole, un exportateur de minerai, potentiellement, l’un des pays les plus riches d’Afrique.

Cette richesse potentielle contraste pourtant avec l’état calamiteux du pays, résultat de décennies de gestion désastreuse sur fond de violences sociales. Croissance faible, forte inflation, assèchement des réserves de change, dépréciation de la monnaie, dette publique totalement insoutenable : tous les indicateurs sont au rouge.

Cette situation s’est traduite par un mécontentement social croissant, emmené par les forces syndicales du pays.

Au cours des dernières années, la Guinée a été paralysée à plusieurs reprises par des grèves et des manifestations. La répression particulièrement brutale des hommes de troupe, qui constituaient l’assise du régime, a fait plus de 200 morts au début de l’année 2007.

La gravité de la situation a conduit le président Conté, le 26 février 2007, à nommer un premier ministre dit « de consensus », M. Lansana Kouyaté.

C’est à la suite de cette nomination que l’accord aujourd’hui soumis à l’examen du Sénat a été signé. Il avait alors pour objet de conforter le gouvernement de consensus en affirmant la confiance de la France dans le processus engagé et sa disponibilité à envoyer un signal positif aux investisseurs.

M. Kouyaté n’a pas été en mesure d’imposer son autorité, ni de répondre aux attentes concrètes de la population. Limogé le 20 mars 2008, il n’a pas permis la nécessaire transition démocratique dans le pays, bien qu’ayant réussi à restaurer la confiance des bailleurs.

Le 22 décembre dernier, la mort du président Lansana Conté, qui aurait dû se traduire par l’intérim du président de l’Assemblée nationale, a été suivie par la prise du pouvoir du capitaine Dadis Camara. Ce dernier s’est autoproclamé président de la République, a nommé un premier ministre et un gouvernement au sein duquel les militaires tiennent les postes clés. Le mouvement dont il a pris la tête s’appelle le Conseil national pour la démocratie et le développement, le CNDD.

Sous la pression de la communauté internationale, le pouvoir a pris un certain nombre d’engagements, parmi lesquels l’organisation d’élections dans le courant de l’année 2009.

Trois mois après le coup d’État, la situation est très incertaine. Les signaux envoyés par le nouveau pouvoir ne semblent pas très encourageants, même s’il est encore trop tôt pour se prononcer.

Compte tenu de cette situation, la commission s’interroge sur le signal que ne manquera pas de donner la ratification de cet accord par la France au pouvoir en place à Conakry. Dans le contexte dans lequel il a été signé, il constituait un soutien politique à un premier ministre de transition. Le contexte n’est plus le même aujourd’hui.

Madame la secrétaire d’État, si le sort de la Guinée préoccupe notre commission, c’est que l’évolution de l’Afrique de l’Ouest, fragilisée par les conflits successifs du Liberia, de la Sierra Leone, de la Côte d’Ivoire, nous paraît mériter une attention particulière. Les événements récents de Guinée-Bissau en attestent.

Aussi, tout en suggérant au Sénat d’adopter ce projet de loi, la commission demande au Gouvernement d’en retarder la notification aux autorités guinéennes jusqu’à ce que des garanties suffisantes aient été obtenues quant au retour à l’ordre constitutionnel dans ce pays.

M. Yannick Bodin. Très bien !

M. Jacques Berthou, rapporteur. La Guinée n’ayant, pour sa part, pas encore procédé à la ratification de ce texte, un tel retard ne serait pas de nature à nuire aux intérêts de nos investisseurs, qui doivent également se situer dans une position d’attente.

La commission souhaite recueillir votre appréciation, madame la secrétaire d’État, sur les perspectives politiques en Guinée et sur le sort que le Gouvernement réserve à cet accord. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien qu’il ne vise que des investissements privés, ce projet de loi de ratification d’un accord entre la France et la Guinée sur les investissements soulève quelques questions qui touchent aux difficultés de développement des pays d’Afrique et à la nature des aides que peut leur apporter notre pays.

En effet, l’investissement privé, s’il est réalisé de façon équitable, c’est-à-dire dans le cadre d’accords préservant les intérêts réciproques des investisseurs et du pays d’accueil, peut aussi contribuer au développement économique d’un pays aux côtés de l’aide publique. C’est malheureusement rarement le cas.

Je me prononcerai donc non pas directement sur la nature des investissements qui peuvent être garantis ici, mais plutôt sur l’opportunité de ratifier ou non cet accord dans le contexte politique actuel de la Guinée.

Cette convention est tout à fait classique et elle est identique à celles qui ont été signées avec une centaine d’autres pays, dont vingt-trois pays africains.

Toutefois, elle mérite l’actuelle discussion en séance publique, parce qu’elle illustre l’importance de ce type d’accords bilatéraux pour garantir un cadre juridique stable aux investisseurs et pour les prémunir contre certains risques, lorsque la situation intérieure de l’un des pays signataires est troublée.

J’émettrai cependant une réserve sur l’article 5 de l’accord, qui exclut toute possibilité de nationalisation ou d’expropriation par des personnes publiques. Je comprends tout à fait la légitimité de prévoir des indemnisations dans ces cas, mais je comprends moins bien la portée d’une telle interdiction auprès d’un État souverain.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, cet accord a été signé au début de l’année 2007, au moment où existait un timide espoir de mettre fin à la corruption et de démocratiser le régime du président Lansana Conté.

La nomination d’un nouveau premier ministre semblait alors pouvoir rendre confiance aux bailleurs de fonds internationaux et mettre fin à la suspension, pour cause de détournement, de l’accès à cette aide par le Fonds monétaire international.

Cet espoir a été balayé par la mort du président Conté et par le coup d’État militaire qui s’est ensuivi au mois de décembre 2008.

Nous touchons là au principal problème posé par cet accord. Il est donc nécessaire de créer les conditions pour que le peuple guinéen puisse à nouveau bénéficier des crédits internationaux, sans que cette aide soit détournée et gaspillée, et de favoriser l’annulation rapide de la dette publique de ce pays.

Notre pays, en raison des liens historiques étroits noués depuis plus d’un siècle avec la Guinée, pays francophone, doit naturellement jouer un rôle de premier plan dans ce sens.

Dans l’immédiat, en liaison avec la communauté internationale et les organisations régionales que sont l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, notre priorité doit être d’intervenir pour permettre l’établissement d’un ordre constitutionnel et démocratique normal.

Plus généralement, j’estime que ce type d’accord portant sur des investissements privés est d’une nature particulière et ne saurait en aucun cas pallier les insuffisances de l’indispensable aide publique au développement.

Il ne doit pas non plus faire oublier que la France se classait au onzième rang des contributeurs mondiaux en 2008, avec 0,39 % de son produit national brut, en net recul par rapport aux années antérieures. Nous sommes loin de l’objectif des 0,7 % fixé en 2005 par le G8 de l’époque.

J'ajoute que la crise actuelle risque d’avoir de terribles conséquences sur cette aide, qu’elle soit nationale ou internationale d'ailleurs, comme le directeur général du FMI s’en est fait l’écho il y a peu lors de sa venue en France.

Alors que le Président de la République, à la suite de son récent voyage en Afrique, a déclaré vouloir refonder nos relations avec ce continent, nous veillerons à ce que la signature de prochains accords avec d’autres pays soit conforme aux engagements pris.

En Guinée, les investissements privés concernent essentiellement le secteur bancaire, le bâtiment, les services portuaires et aéroportuaires et la téléphonie mobile, des activités qui, certes, sont utiles au développement économique, mais qui sont aussi soumises aux exigences d’une rentabilité financière immédiate, souvent difficilement compatible avec la satisfaction des besoins des populations.

Pour sa part, notre coopération à travers l’aide publique a plus particulièrement vocation à développer l’appui à la société civile, la culture, l’enseignement supérieur et la recherche, l’agriculture et la sécurité alimentaire, des activités qui, elles, bénéficient toutes directement à la population.

À cet égard, j’espère que notre pays mettra tout en œuvre pour contribuer à la stabilisation politique de la Guinée, afin de permettre la reprise du partenariat et de l’aide budgétaire interrompus par les récents événements.

Toutefois, la question de l’efficacité de notre politique d’aide publique envers les pays les plus pauvres reste entièrement posée.

Le groupe CRC-SPG votera donc ce projet de loi de ratification, mais il partage les réserves émises par notre rapporteur et invite le Gouvernement à en différer la notification aux autorités guinéennes tant qu’un régime démocratique n’aura pas été établi dans ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)