M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

À la fin du dix-huitième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :

législation cadre

par le mot :

législation

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer les références au traité de Lisbonne, alors que celui-ci consacre la défense des services d’intérêt général. Le traité aborde en effet, dans son protocole n° 9, la question des « services d’intérêt général », auxquels il donne, pour la première fois, un fondement au niveau des traités européens. Rappelons qu’auparavant seuls les « services d’intérêt économique général » étaient mentionnés dans les traités.

J’ai donc du mal à comprendre pourquoi les auteurs de l’amendement, qui affirment leur attachement à la défense de ces services, souhaitent retirer cette mention. D’autant qu’il conviendrait au contraire, au moment où un vote du Sénat de la République tchèque va peut-être permettre la poursuite du processus de ratification, de réaffirmer notre attachement à ce traité.

Mme Annie David. Et l’Irlande ?

M. Pierre Hérisson, rapporteur. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 1.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Sur l’amendement n° 4, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

En ce qui concerne l’amendement n° 1, je voudrais faire deux remarques.

D’une part – et il s’agit là d’une différence considérable – nous sommes favorables au traité de Lisbonne. Je pense profondément que le fait de refuser ce traité est une erreur politique grave.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. En effet, à mon sens, cela revient à refuser l’Europe politique.

D’autre part, techniquement, l’appréciation que vous portez est inexacte, car vous ne citez qu’une partie du protocole n° 9 – son premier article, qui renvoie aux « services d’intérêt économique général » –, alors qu’il comporte aussi dans son article 2, comme l’a très bien dit le rapporteur, pour la première fois dans l’histoire des traités européens, une référence à des « services non économiques d’intérêt général ». De ce point de vue, ce texte constitue un progrès.

Quant à l’article 14 du traité, il est utile, puisqu’il autorise justement à faire ce que demande Mme Tasca. Or, une fois encore, je suis d’accord, sur le principe, avec ce qu’elle demande, autrement dit un encadrement juridique des services d’intérêt général, parce que nous pensons que cela est bénéfique pour l’Europe.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'amendement n°  4.

Mme Catherine Tasca. Je commencerai par remercier M. le rapporteur, ainsi que la commission, de l’attention qu’ils ont portée à notre texte.

Toutefois, nous ne sommes pas d’accord sur la rédaction proposée, en particulier par l’amendement n° 4, qui vise à supprimer la référence explicite à une législation-cadre.

Nous estimons qu’il n’y a rien d’anodin dans cette modification. En effet, si on ne parle que d’une simple législation, celle-ci peut être, par exemple, d’ordre sectoriel, alors que nous demandons une législation générale qui définisse et encadre les services publics et qui remette de l’ordre dans le monstre communautaire qui a été créé.

Nous souhaitons une législation-cadre qui permette justement de mettre fin aux différences d’interprétation sur le rôle, la marge de manœuvre et le champ d’action des services publics dans un marché fortement concurrentiel, qui n’a cessé de se développer et qui semble constituer le seul horizon de la Commission européenne présidée par M. Barroso.

Nous voulons que cette législation-cadre permette de mettre un terme à l’étouffement des services publics, malmenés par la superposition des directives sectorielles, comme l’a rappelé mon collègue Michel Teston.

Pour nous, un texte sectoriel ne serait pas une solution, car cet instrument n’a été, jusqu’à présent, que le jouet d’une libéralisation agressive.

J’entends bien l’objection formulée par certains orateurs et par M. le secrétaire d’État quant à la diversité des points de vue des Vingt-Sept sur une législation-cadre en la matière. Mais pourquoi renoncerait-on à tenter de les convaincre par une prise de position claire de la France ?

J’ai envie de vous demander, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, puisque vous faites la même analyse que nous sur le rôle des services d’intérêt général – M. le secrétaire d’État a d’ailleurs dit qu’il partageait cette analyse, et ce d’autant plus en cette période de crise – de faire encore un petit effort : rejoignez-nous et acceptez la notion de législation-cadre, faute de quoi nous ne pourrons voter la rédaction qui résultera de nos débats.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le seizième alinéa de la proposition de résolution :

Considérant les conclusions du Conseil européen de Barcelone par lesquelles les États membres de l'Union européenne ont demandé à la Commission de proposer une directive-cadre sur les principes relatifs aux services d'intérêt économique général,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

D’une part, il tend à supprimer la mention au Conseil européen de Laeken dans le cadre du présent considérant, car c'est au seul Conseil européen de Barcelone qu'a été formulée la demande d'une proposition d'une directive-cadre.

D’autre part, il convient d'être précis en notant que les États, selon les conclusions de la présidence du Conseil européen de Barcelone, ont « demandé à la Commission » de proposer une directive-cadre, mais ne se sont pas « engagés à adopter » une telle directive, même si, je vous l’accorde, la différence peut sembler ténue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

Mme Annie David. Le groupe CRC-SPG s’abstient !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer le vingt-et-unième, le vingt-deuxième et le vingt-troisième alinéas de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :

Considérant qu'une garantie accrue des services d'intérêt général contribuerait à renforcer la solidarité et la cohésion sociale dont les citoyens européens ont aujourd'hui besoin, notamment pour répondre aux conséquences des crises économique et sociale qui frappent aujourd'hui de plein fouet les citoyens européens,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Le présent amendement tend à retirer les mentions faites de la présidence française de l'Union européenne et de la supposée « insuffisance des mesures proposées par les États membres au nom de l'Union européenne ». Ces mots paraissent en effet injustes et ne correspondent pas exactement à l'objet de la présente proposition de résolution.

Il faut en effet rappeler les nombreuses actions menées par la présidence française en faveur d’une sécurisation des services sociaux d’intérêt général et noter que la présente proposition de résolution porte sur un document émanant de la Commission européenne.

Il paraît donc préférable, dans le cadre du texte que nous examinons aujourd’hui, de s’en tenir à des observations et des demandes relatives à la politique menée par cette institution.

J’ai toutefois estimé que la nécessité d’une réponse « aux conséquences des crises économique et sociale » méritait d’être conservée et je vous propose donc de déplacer cette formulation dans le considérant suivant, qui appelle à une garantie accrue des services d’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Favorable !

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote.

M. Michel Teston. J’évoquerai successivement les deux objets principaux de cet amendement.

Le premier est de supprimer la référence au bilan de la présidence française. Pourquoi tenons-nous à souligner le manque de volonté de cette présidence en faveur de l’élaboration d’un texte-cadre législatif sur les services publics ?

D’abord, parce que la présidence française s’est targuée de faire de l’année 2008 celle de l’Europe sociale. Il nous semblait donc tout naturel que les six mois passés à la tête de l’Union soient l’occasion de progresser dans le sens du renforcement du modèle social européen.

À ce titre, une initiative législative en faveur des services publics, ou même, tout simplement, de l’adoption d’un calendrier pour l’élaboration d’un texte, aurait été tout à fait opportune pour illustrer cette ambition.

Certes, la crise a bousculé le programme de la présidence française, mais ce projet, voire la simple perspective de l’engager, auraient pu tout à fait entrer dans le cadre d’un plan de relance européen, comme instrument indispensable au maintien de la cohésion économique et sociale des territoires touchés par la crise.

Ensuite, le Président de la République a demandé, me semble-t-il, de faire du bilan de la présidence française la ligne centrale de la campagne de l’UMP pour les élections européennes.

Or – excusez-moi de le dire –, dans le programme de cette formation politique, pas une seule ligne n’est consacrée à une meilleure protection des services publics, alors qu’elle revendique une « Europe qui protège », selon le slogan de la présidence française de l’Union, ou encore une « Europe rempart ».

Le respect du principe de subsidiarité semble suffire à certains, alors qu’il a été malmené et distendu par toutes les dispositions libérales qui ont été prises, de même que par l’absence de toute législation-cadre précisant le rôle et l’importance des services publics.

Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport de la commission sur notre proposition de résolution, la présidence en exercice de l’Union européenne dispose d’une grande latitude pour faire adopter ou progresser un texte législatif en en prenant l’initiative et en l’inscrivant dans son programme. Il revient ensuite à la Commission de le faire adopter.

Il en a bien été ainsi, à ma connaissance, s’agissant des premières réponses données à la crise ; la Commission a dû préparer les textes correspondants.

Cela aurait donc pu être le cas pour un texte législatif relatif aux services d’intérêt général. La défense des services publics aurait pourtant mérité un engagement très fort !

Une « Europe qui protège », c’est aussi une Europe qui protège ses services publics. Le rapport nous donne à penser qu’aucune leçon n’a été tirée en ce qui concerne le rôle des services publics dans la gestion de la crise, et, par conséquent, la nécessité de leur accorder toutes les garanties pour l’exercice de leurs missions.

Le groupe socialiste ne voit donc pas pourquoi il approuverait ce premier objet de l’amendement n° 5, présenté au nom de la commission des affaires économiques.

J’en viens au second objet de cet amendement, qui est de supprimer la référence à l’insuffisance de la réponse apportée par les États membres à la crise.

Le début du rapport nous offre une analyse sur l’importance de la sécurisation des services publics pour aider les citoyens à affronter la crise.

Il aura donc fallu que notre proposition de résolution soit examinée par la commission des affaires économiques pour que la majorité sénatoriale découvre l’importance des services publics en période de profonde crise économique et sociale ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Mieux vaut tard que jamais ! Toutefois, je le répète, le programme de l’UMP pour les élections européennes ne comporte pas une seule ligne sur ce sujet.

Oui, nous maintenons que les plans de relance européens sont insuffisants, parce qu’ils ne prévoient aucune action pour protéger et valoriser les services publics, alors même que des bassins d’emplois entiers sont touchés et déstabilisés par des licenciements massifs et des fermetures d’entreprises.

Nous considérons que, face à l’ampleur de la crise, les États membres doivent s’entendre pour une action commune visant à valoriser les services publics, en particulier ceux qui contribuent à renforcer la cohésion sociale.

Faut-il rappeler que ce sont les entreprises publiques, chargées de missions de service public, qui, en France, ont été largement mises à contribution pour financer le plan de relance ?

Il suffit de relire le rapport n° 162 de notre collègue Philippe Marini sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Le Gouvernement n’a pas hésité à leur demander d’investir 4 milliards d’euros : 2,5 milliards pour EDF, 500 millions pour la RATP, 300 millions pour la SNCF et 600 millions pour La Poste.

Heureusement – aurais-je tendance à dire – que nous avons des entreprises publiques qui n’ont pas encore été privatisées !

Pourtant peu avare en déclarations, le Président de la République est resté muet, au cours de la présidence française de l’Union européenne comme maintenant, sur l’importance des grandes entreprises publiques et des services publics dans la gestion de la crise économique et sociale.

Il nous paraît aujourd’hui indispensable que le futur Parlement européen et la nouvelle Commission européenne s’engagent à élaborer à court terme une proposition de législation-cadre visant à mieux protéger les services publics qui, comme le reconnaît le rapporteur de la commission des affaires économiques, deviennent aujourd’hui garants du maintien d’une certaine cohésion économique, sociale et territoriale dans une Europe dont les régions sont profondément touchées par la crise.

Monsieur le rapporteur,…

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Teston !

M. Michel Teston. … dans votre rapport, nous ne percevons aucune proposition de nature à garantir la préservation des services publics que vous défendez pourtant sur le papier. En conséquence, nous voterons contre l’amendement n° 5 que vous nous proposez d’adopter.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au vingt-cinquième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :

Regrette l'absence de proposition de directive cadre

par les mots :

Regrette l'insuffisance des propositions faites

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je vous propose de modifier le présent alinéa, en considérant que la directive-cadre n’est pas le seul outil juridique à la disposition de la Commission et des institutions européennes.

Il s’agit donc de regretter, dans leur ensemble, l’insuffisance des propositions faites par la Commission, aussi bien dans sa stratégie politique pour 2009 que dans son agenda social 2010-2015.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Je ne vais pas vous étonner en vous disant que notre groupe n’approuve pas cet amendement n° 6 de la commission.

La raison est simple : cette rédaction gomme l’absence de texte législatif juridiquement contraignant et de toute initiative de la Commission pour rééquilibrer le corpus juridique communautaire en faveur des services publics.

La Commission a décidé, à la fin de 2007, qu’il n’était pas utile de légiférer plus avant. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été incitée à le faire, et ce à de multiples reprises.

La nécessité d’une législation-cadre a été reconnue par les États membres réunis en Conseil européen, au moins à deux reprises.

D’abord au Conseil européen de Nice, au mois de décembre 2000. Les États membres ont pris « note de la communication de la Commission sur les services d’intérêt général, et approuve la déclaration adoptée par le Conseil. Il invite le Conseil et la Commission à poursuivre leurs travaux dans le cadre de ces orientations et des dispositions de l’article 16 du traité. Le Conseil européen prend note de l’intention de la Commission de considérer, en coopération étroite avec les États membres, les moyens d’assurer une plus grande prévisibilité et une sécurité juridique accrue dans l’application du droit de concurrence relatif aux services d’intérêt général. Le Conseil et la Commission lui feront rapport sur la mise en œuvre de ces orientations pour le Conseil européen de décembre 2001 ».

À la demande de la France, le Conseil européen des 15 et 16 mars 2002 a reconnu explicitement la nécessité d’une directive-cadre précisant « les principes relatifs aux services d’intérêt économique général qui sous-tendent l’article 16 du traité dans le respect des spécificités des différents secteurs concernés et compte tenu des dispositions de l’article 86 du traité ». La base juridique pour l’adoption d’un tel texte était ainsi créée.

Même la démonstration apportée en mai 2006 par les socialistes européens qu’il était possible d’élaborer un projet cohérent de directive-cadre pour les services publics n’a pas plus incité la Commission européenne à relever le défi et à prendre l’initiative.

La perspective du traité de Lisbonne ne semble pas non plus avoir ébranlé la foi néolibérale de la Commission, relayée par des commissaires européens dont la ligne de conduite est le « laisser-faire ».

On ne peut donc pas dire que les propositions sont insuffisantes ; il n’y en a tout simplement aucune ! Par conséquent, le groupe socialiste votera contre l’amendement présenté par la commission des affaires économiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Il s'agit, pour les raisons déjà évoquées précédemment, de retirer une mise en cause de la présidence française de l'Union européenne, PFUE, qui ne me paraît ni adaptée à l'objet de la présente proposition de résolution, ni justifiée sur le fond, compte tenu des actions menées par ladite présidence française.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer la référence au bilan de la présidence française de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de dénigrer globalement le bilan de cette présidence française au deuxième semestre 2008. Mais il est clair pour nous que, sur la question des services d’intérêt général, nous en sommes finalement encore au statu quo ante. Nous restons donc sur notre faim !

D’ailleurs, dans son rapport au nom de la commission des affaires économiques, M. Hérisson nous a rappelé combien le gouvernement français avait « mis l’accent sur les services sociaux d’intérêt général », pour positiver cette présidence.

Monsieur le rapporteur, les services sociaux d’intérêt général, ou SSIG, ne constituant qu’une partie des services d’intérêt général, vous reconnaissez donc implicitement que le Gouvernement ne s’est pas préoccupé des services d’intérêt général en tant que tels, mais qu’il a choisi délibérément de limiter son « champ d’action » aux seuls services sociaux d’intérêt général. C’est une façon de se libérer du problème général des services publics en Europe et de se donner bonne consciente à bas prix !

Selon nous, la présidence française se devait de mettre les services d’intérêt général, tous les services d’intérêt général, à l’ordre du jour de son programme, comme cela avait été annoncé. Les socialistes ne sauraient faire le service minimum sur cette question !

Même sur la question des services sociaux, il y a de quoi s’interroger sérieusement non seulement sur une forme d’opportunisme du Gouvernement, mais aussi sur l’efficacité de son action.

Opportunisme car, on le sait, le gouvernement français devait transposer la directive « services » d’ici au mois de décembre. Il n’y a donc rien de bien original dans le fait qu’il mette en place un groupe de travail sur cette question, ô combien épineuse ! Il se devait également, comme chaque État membre, de remettre un rapport à la Commission européenne, en décembre 2008, sur les règles de financement de ces services.

Il est donc particulièrement inexact de présenter ce rapport comme une initiative du gouvernement français durant sa présidence. Il s’agit en fait d’une demande de la Commission européenne à laquelle il a été répondu !

Ensuite, sur le fond, rien n’a vraiment avancé dans ce domaine sensible. Pensez-vous que l’organisation de forums soit à même de répondre aux interrogations et aux inquiétudes des milliers de prestataires de services sociaux qui voient aujourd’hui leur financement, comme leur mission, mis en péril par des règles communautaires incompréhensibles, sinon injustes ?

Dans la même logique politique, la Commission européenne se contente de promouvoir le site Internet interactif sur les services sociaux qu’elle a créé. Il apparaît extrêmement choquant, dans la période de crise actuelle et compte tenu des publics visés, de s’en remettre à de tels gadgets en lieu et place d’un véritable outil législatif !

Il n’est plus temps de réfléchir sur les services sociaux. Il faut agir et le faire rapidement. Tant que ces questions ne seront pas dans le programme de travail de la Commission européenne ou, à défaut, inscrites à l’ordre du jour d’un Conseil européen pour insuffler une dynamique politique sur le sujet, l’insécurité juridique restera entière ; cela a été dit à plusieurs reprises. Les différents groupes de travail, forums, sites Internet – que sais-je encore ? – n’y changeront rien.

En définitive, le Gouvernement a beau jeu de se vanter du bilan de sa présidence. Il ne suffit pas d’écrire quelques lignes ou d’organiser des conférences pour faire avancer le dossier. En fait, l’importance de la question ne peut se résumer à ces gadgets qui ne vont pas à l’essentiel, à savoir – Catherine Tasca l’a dit – la mise en place d’un véritable statut juridique pour préserver nos services publics.

Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, nous voterons contre cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au trentième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :

de l'examen d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général

par les mots :

d'une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt général

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. Je vous suggère de reprendre une formulation déjà présente dans une résolution adoptée par le Sénat le 23 mars 2005 et de demander à la Commission de proposer un « instrument juridique communautaire », sans se limiter au seul outil de la directive-cadre.

Je vous fais d’ailleurs observer que le Sénat, en votant cet amendement, irait plus loin que la résolution adoptée en 2005. Celle-ci ne prévoyait, en effet, que le cas des services d’intérêt économique général. Or la proposition que je vous fais, avec l’accord de la commission des affaires économiques, inclurait l’ensemble des services d’intérêt général, qu’ils soient ou non considérés comme marchands. Or, on le sait, la question de l’appartenance d’un service à la sphère marchande ou non marchande est cruciale, puisqu’elle détermine l’application ou non des règles relatives à la concurrence.

J’ai entendu des interrogations sur ce que recouvre cet « instrument juridique communautaire ». Il s’agit tout simplement d’ouvrir l’éventail des possibilités.

Ce pourrait être le règlement que le traité de Lisbonne introduit à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union, à condition de prendre garde à ce qu’un tel règlement se limite à des dispositions qui respectent les prérogatives des États dans la définition et l’exercice des services publics, conformément au principe de subsidiarité.

Ce pourrait aussi être un texte portant, par exemple, sur les services sociaux d’intérêt général ou sur certains d’entre eux. Un tel texte apporterait déjà un progrès important en sécurisant des services qui sont aujourd’hui parmi les plus menacés.

Voilà les raisons pour lesquelles il me semble préférable d’élargir le domaine prévu par la proposition de résolution, afin de renforcer ses chances d’être effectivement suivie à l’échelon communautaire et donc, par là même, d’améliorer son efficacité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement.

Il s’agit d’un point essentiel duquel dépend la crédibilité de la résolution.

L’objectif de cette dernière n’est pas simplement d’être purement déclaratoire ; il est d’avoir un effet opérationnel dans la législation européenne. En élargissant le cadre, comme le propose M. le rapporteur, on a plus de chances d’arriver à des résultats concrets à l’échelle européenne.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Mme Catherine Tasca. Comme vient de le dire M. le secrétaire d’État, nous touchons là au point crucial de la proposition de résolution.

Nous allons décevoir M. le rapporteur, mais pas autant qu’il nous a déçus lui-même !

Pourquoi l’expression d’instrument juridique communautaire ne nous paraît-elle pas aujourd’hui suffisante ?

Lors de l’examen, par le Sénat, en mars 2005, de la première version, dite Bolkestein, de la directive sur les services, la commission des affaires économiques avait accepté de demander à la Commission européenne de « formuler une proposition d’instrument juridique communautaire relative aux services d’intérêt économique général », ce qui ne répondait d’ailleurs pas complètement à nos souhaits, puisque nous demandions alors déjà une proposition englobant tous les services publics.

Depuis lors, avec les incertitudes juridiques engendrées par la superposition des directives sectorielles et la multiplication de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, avec le refus de la Commission européenne d’aller plus loin dans la sécurisation des services publics, il nous paraît indispensable d’affirmer que nous demandons une législation-cadre pour les services d’intérêt général dans leur ensemble.

Selon nous, il est important de lever toute ambiguïté sur la notion d’instrument juridique, afin qu’il soit bien clair que nous souhaitons une proposition législative qui soit soumise, comme cela est prévu par le traité de Lisbonne, à la procédure de codécision, et non un objet juridique non identifié que la Commission consentirait en fin de compte à présenter et qui prendrait, par exemple, la forme d’une charte.

La formulation vague que vous proposez, bien qu’elle définisse un champ plus large que celui qui avait été retenu en 2005, ne répond pas à l’ambition qui est la nôtre d’aboutir à une proposition législative générale pour tous les services d’intérêt général.

Nous voterons donc contre cet amendement.