M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur le banc de la commission.)

Mlle Sophie Joissains. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Le 9 avril dernier, nous avions adopté ce texte après que la commission mixte paritaire en eut pesé les termes et se fut mise d’accord sur un texte mesuré. Nous ne pouvons que regretter qu’un travail si bien accompli ait été remis en cause à l'Assemblée nationale à la suite d’un incident au moment du vote.

Des artistes ont déploré publiquement ce lamentable épisode, mais aussi l’attitude de la gauche. Ce ne sont pas simplement quelques voix qui se sont élevées : les professionnels de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et les fournisseurs d’accès qui ont conclu les accords de l’Élysée, ainsi que les 10 000 signataires d’une pétition, se sont indignés que le fruit de leur concertation soit remis en cause.

Je rappelle que les conséquences du « piratage de masse » sont désastreuses pour l’économie des industries culturelles et, par conséquent, pour la création et les artistes qui en vivent. Les industries culturelles ne sont pas constituées que de majors, et les artistes ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche !

Les chiffres publiés la semaine dernière par le syndicat national de l’édition phonographique sont révélateurs : les ventes de CD et DVD ont connu une chute de 18,5 % au premier trimestre. Depuis le début de la crise du disque, voilà sept ans, ce marché a été divisé par trois. Cette baisse est loin d’être compensée par les ventes numériques légales – internet et téléphonie mobile –, qui ne représentent que 15 % du total des ventes de musique.

Si l’on veut que les offres légales progressent, il faut stopper le piratage. À cette fin, le projet de loi adopte une nouvelle approche, préventive, graduée et, surtout, pédagogique. C’est là l’un des axes majeurs du texte.

Un certain nombre de préjugés et d’idées reçues ont été énoncés à l’occasion de l’examen de ce projet de loi.

D’aucuns ont soutenu que la loi violerait la vie privée et que l’internaute serait mis sous surveillance. Or la HADOPI n’exercera aucune surveillance généralisée ou a priori.

La sanction encourue – la suspension de l’abonnement – serait trop lourde. Au contraire, les dispositions contenues dans ce projet de loi permettront d’éviter la voie pénale, qui représente pour le moment le seul recours des créateurs dont les œuvres sont piratées. La loi DADVSI autorise en effet ces derniers à invoquer devant le juge le délit de contrefaçon, qui peut entraîner des sanctions lourdes : jusqu’à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Cette voie a été empruntée par certains de nos voisins.

Dorénavant, la qualification de délit de contrefaçon est réservée aux actes en série représentant un véritable commerce. Pour les autres téléchargements, à usage personnel et par conséquent moins graves, c'est-à-dire ceux qui constituent le piratage de masse, la sanction retenue est administrative : c’est la suspension de la connexion, qui, encore une fois, ne pose pas de problèmes dans d’autres pays européens, ni même outre-Atlantique.

Avec ce projet de loi, la lutte sera essentiellement préventive et pédagogique. Deux avertissements précéderont la sanction. Un sondage IPSOS réalisé en 2008 et une étude du même type au Royaume-Uni ont fait apparaître que 90 % des personnes interrogées cesseraient de pirater après deux avertissements.

La HADOPI présente toutes les garanties d’impartialité et d’indépendance. Elle sera seule à pouvoir se procurer les renseignements sur l’abonné qui sont nécessaires à l’envoi des messages d’avertissement. Cette Haute Autorité marque d’ailleurs l’originalité de l’approche française, plus protectrice de la vie privée ; dans d’autres pays, les internautes sont directement aux prises avec les ayants droit ou les fournisseurs d’accès.

Certains ont qualifié cette loi de liberticide. La suspension temporaire de l’accès à internet ne porte, en elle-même, atteinte à aucune liberté fondamentale.

Loin d’être liberticide, ce texte restaure l’équilibre actuellement rompu entre deux séries de droits fondamentaux : le droit au respect de la vie privée des internautes, d’une part, et le droit de propriété, le droit moral des créateurs sur leur œuvre, d’autre part. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la liberté ne consiste-t-elle pas à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ? La seule liberté à laquelle il est mis fin est celle de se servir dans le répertoire de nos artistes sans leur rendre des comptes.

D’autres ont également soutenu que, les techniques évoluant en permanence, des internautes pourraient passer entre les mailles du filet, en dissimulant leur adresse électronique. Cela sera sans doute possible. Est-ce néanmoins une raison pour ne pas légiférer ? Ne peut-on imaginer que les moyens d’identification progresseront également de leur côté ?

Aux partisans de la licence globale je rappellerai que celle-ci est aujourd'hui difficilement évaluable, tant sur le plan de son montant que sur celui de la répartition entre les ayants droit. De plus, il serait injuste de faire payer une contribution à l’ensemble des internautes quand seulement 30 % d’entre eux téléchargent.

Enfin, je souligne que le débat que nous avons eu au Sénat, dans un climat constructif, a amélioré et enrichi le texte. Il a notamment permis de consolider les attributions de la HADOPI et de veiller à son indépendance. La situation des internautes a en outre été sécurisée par une information renforcée.

Notre assemblée a également souhaité contribuer au développement de l’offre légale, notamment par la création d’un label. Nous continuerons dans ce sens ainsi que dans celui de la pédagogie.

Le texte issu de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale reprend la plupart des dispositions votées par le Sénat. Il est quasiment identique au texte issu de la commission mixte paritaire.

J’ajoute qu’il est chaque jour plus urgent de légiférer en la matière.

Au nom du groupe UMP, je souhaite exprimer notre gratitude au rapporteur (M. Jean-Claude Carle manifeste son approbation), Michel Thiollière, et au président de la commission des affaires culturelles, Jacques Legendre, qui se sont considérablement investis dans l’étude du projet de loi, son amélioration et la recherche permanente d’un juste équilibre.

Je remercie également Mme la ministre de la ténacité, de la disponibilité et du courage dont elle a fait preuve durant les péripéties qu’a connues le texte. (M. Jean-Pierre Plancade acquiesce.)

Le groupe UMP votera ce projet de loi, qui répond à une attente forte. N’oublions pas que l’enjeu essentiel qui nous rassemble tous aujourd'hui, quelles que soient nos convictions politiques, est avant tout la protection des artistes et des auteurs, par la préservation de la création culturelle à l’ère du numérique.

Mlle Sophie Joissains. Pour la première fois, la gauche cesse de protéger les artistes et est en train, par démagogie, de les mettre en danger de mort. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur le banc de la commission. – M. Hervé Maurey applaudit également.)

M. Michel Billout. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis un mercredi matin pour marquer une nouvelle étape – car, au vu des arbitrages européens, ce ne sera qu’une étape – dans ce qui constitue l’incapacité de tous les gouvernements successifs à inventer des soutiens à la création et aux créateurs prenant en compte, sans les réprimer, l’évolution des pratiques culturelles de la société.

Aujourd’hui, ceux-là mêmes qui vantaient la DADVSI et ne l’ont jamais appliquée, qui célébraient des dispositifs de cryptage idéaux et n’ont jamais pu les mettre en pratique, ont repris leur bâton de pèlerin pour promouvoir un autre texte et des solutions techniques assez bancales, tant il est vrai que faire reposer la défense de l’internaute de bonne foi sur la maîtrise de logiciels anti-espion et pare-feu, alors que les plus grandes entreprises n’y parviennent pas, est un pari sur la société de connaissance dont même les plumes les plus ambitieuses du traité de Lisbonne n’auraient osé rêver !

C’est surtout faire peu de cas de ceux qui ne sont pas « Microsoft-dépendants » (Sourires), les usagers du logiciel libre, pour lesquels ce genre d’artifice est inutile et, de toute façon, impossible.

C’est ne pas entendre les opérateurs, qui rappellent le coût des coupures partielles, et les millions de clients dont les connexions ne permettent pas de séparer l’accès à internet, à leur messagerie électronique et au téléphone, voire à la télévision.

Ceux-là mêmes qui nous promettaient une création resplendissante avec la DAVSI – loi au demeurant très répressive et, rappelons-le, toujours en vigueur – en appelleraient presque aux valeurs de gauche pour défendre l’instruction du dossier par le privé, l’inversion de la charge de la preuve et la fin de la présomption d’innocence. Manque de dialogue entre générations ou survol superficiel du texte ?...

De toute manière, on mesure bien la force des intermédiaires dans le débat, ceux qui ne créent pas mais s’enrichissent de la création, tout comme on perçoit la proximité des décisions que l’on veut faire prendre et des aspirations des majors de l’audiovisuel.

Quand un citoyen accomplit son devoir dans sa sphère privée en interrogeant sa députée, il ne se doute pas qu’il sera puni de licenciement pour délit d’opinion et qu’il donnera ainsi une traçabilité publique à certaines proximités.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme Marie-Christine Blandin. Et ceux-là qui nous promettent la société numérique – avec la e-consommation, le télétravail, la e-administration, la e-justice… – regardent comme des délinquants ceux qui se sont adaptés bien plus vite que les adultes, mais qui ont été éduqués par la société marchande dans les leurres du gratuit, et qui ont considéré l’accès aux œuvres comme une opportunité, sans se sentir liés aux difficultés des secteurs de la musique ou du cinéma, suivant en cela les publicités des opérateurs de l’époque et nourris par le capitalisme qui veut à tout prix leur vendre des produits…(Exclamations sur les travées de lUMP.) Capitalisme de droite… (Sourires.)

Faute d’un travail important sur le sujet, sur la place de la culture dans la société en mutation, nous allons de replâtrage en replâtrage, de lecture en urgence en conclusions de commission mixte paritaire repoussées, pour terminer par une lecture au Sénat. Or nous savons tous que cette dernière est tellement verrouillée qu’aucune modification ne sera acceptée. Et si, par mégarde, une bonne idée passait les mailles du filet, elle ne serait finalement pas retenue, le dernier mot étant laissé à l’Assemblée nationale.

Mesdames, messieurs, vous êtes vraiment très courageux de siéger aujourd'hui sur ces travées…

M. Jean-Patrick Courtois. De vous écouter ! (Rires sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-Christine Blandin. …pour pas grand-chose !

Vraiment, on perçoit bien, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, que le changement constitutionnel donne beaucoup d’autonomie aux parlementaires !

Puisque nous savons tous que ce texte sera, dans quelques instants, validé à l’issue de nos travaux, je souhaite simplement reprendre les slogans qui étaient destinés à en assurer la promotion : « sauver la création et les créateurs » – objectif que nous partageons tous dans cette enceinte –, « protéger les droits d’auteur » – que l’on approuve ou désapprouve les méthodes retenues, le souci de protection de ces droits nous rassemble tous, membres de la majorité, de l’opposition ou du Gouvernement.

Mlle Sophie Joissains. Merci de le reconnaître !

M. Michel Bécot. Alors, votez le texte !

Mme Marie-Christine Blandin. Alors, je ne doute pas que vous accueillerez avec soulagement et enthousiasme l’amendement déposé par les Verts et tendant à supprimer une mesure incohérente, introduite sous forme de cavalier par le député Christian Kert, mesure qui priverait les journalistes d’une partie significative de leurs droits d’auteur – que vous défendez tous, chers collègues – si elle était maintenue dans ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Henri de Raincourt. Il ne faut pas rêver !

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles, président de la commission. Monsieur le président, je sollicite une suspension de séance d’une quinzaine de minutes, afin que la commission puisse examiner les amendements qui viennent d’être déposés.

M. le président. Nous allons donc interrompre nos travaux quelques instants pour permettre à la commission de se réunir.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je vous rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Articles additionnels avant l'article 1er

Article 1er A

L'article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les organisations représentatives des producteurs, les organisations professionnelles d'auteurs et les sociétés de perception et de répartition des droits mentionnées au titre II du livre III peuvent établir conjointement un recueil des usages de la profession. »

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er A.

(L'article 1er A est adopté.)

Article 1er A
Dossier législatif : projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'accès à l'Internet est reconnu comme un droit fondamental qui doit être garanti à tous les citoyens de manière égalitaire sur l'ensemble du territoire.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Il s’agit, par le présent amendement, de garantir solennellement l’accès de tous à internet dans les mêmes conditions et, par là même, de reconnaître le caractère essentiel qu’a pris l’accès au réseau dans notre société, que d’aucuns qualifient de « société de l’information ».

Une telle proposition a déjà été examinée et rejetée à la demande du Gouvernement lors de la première discussion du texte à l’Assemblée nationale. Or nous estimons, et nous ne sommes pas les seuls, que ce refus est un défi au bon sens : voilà seulement quelques jours, le Parlement européen a, pour la deuxième fois, affirmé la nature fondamentale de l’accès à internet en adoptant une résolution dans laquelle il était notamment indiqué que « garantir l’accès de tous les citoyens à internet équivaut à garantir l’accès de tous les citoyens à l’éducation ». Ce texte, qui porte plus globalement sur le « renforcement de la sécurité et des libertés fondamentales sur internet » a été voté à une très large majorité. Son adoption ne peut être ignorée dans une discussion législative relative à internet.

Pourquoi déclarer que l’accès à internet constitue un droit fondamental ?

Tout d'abord, l’usage administratif et juridique de cette technologie ainsi que son rôle de médiatrice des savoirs sont devenus incontournables, chacun le reconnaît. C’est là, sans doute, ce qui a poussé le député européen Stavros Lambrinidis à déclarer que « l’illettrisme informatique sera l’illettrisme du XXIe siècle ».

En outre, si, en ces temps de nouvelles technologies de l’information et de la communication, le citoyen a gagné le triste privilège d’être « fiché » de multiples manières, sans toujours pouvoir se défendre, il devrait au moins avoir le droit de connaître l’autre versant, positif, de ces nouvelles technologies. En particulier, il devrait pouvoir accéder aux informations numériques de son choix, à l’ensemble des services publics sur internet et à toutes les procédures administratives en ligne, dans le respect de la confidentialité et avec toutes les garanties d’authentification et d’intégrité des données transmises.

Chers collègues de l’UMP, ne vous en déplaise, l’accès à internet doit devenir un droit fondamental ! Si vous le refusez aujourd'hui, vous serez contraint de l’accepter demain : c’est le sens même de l’histoire !

Dans ces conditions, porter atteinte à ce droit comme vous souhaitez le faire à travers ce projet de loi est véritablement liberticide. Car il s’agit non pas seulement de garantir l’accès de tous à internet, mais aussi de protéger le citoyen dans sa vie privée. C’est précisément la force des droits fondamentaux que d’offrir un potentiel d’accomplissement à l’être humain.

Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. L’accès à internet est certes extrêmement important, nous le savons tous, mais il ne s’agit pas d’un droit fondamental ! À l’évidence, il n’est pas au même niveau que la liberté de croyance ou d’expression, par exemple. D'ailleurs, ceux qui ne paient pas leurs factures peuvent se voir couper l’accès à internet, ce qui arrive couramment.

Aujourd'hui, je le répète, il est essentiel de concilier les droits entre eux. La liberté d’utiliser internet doit se combiner avec le droit des auteurs et le droit de propriété en général.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un alinéa rédigé : « Ce droit est un droit fondamental, un droit de l'homme. Il s'applique à toutes les œuvres de l'esprit, ainsi qu'à leurs reproductions, quel que soit le support matériel qui les accueille. »

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. À travers cet amendement, nous souhaitons réaffirmer solennellement la nature fondamentale du droit d’auteur.

Mes chers collègues, aucune loi ayant pour objet de protéger ce droit ne peut s’abstenir de clarifier la place qu’elle donne à la valeur au nom de laquelle elle est adoptée. C’est par là, sans doute, qu’il eût fallu commencer, et que nous vous proposons de clore, temporairement, en manière de préambule, un débat qui ne manquera pas de reprendre très bientôt.

En outre, il faut reconnaître la nature fondamentale du droit d’auteur dans toutes ses dimensions : patrimoniale, certes, et il en a été beaucoup question au cours de nos débats, mais également morale, et cette dimension-là a été à peine évoquée. Or c’est cette dernière qui éclaire pleinement la nature d’un principe qui, en réalité, est un droit de l’homme à part entière.

Le droit moral permet à l’auteur de jouir du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre, aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle. Il s’agit d’un droit imprescriptible, c’est-à-dire d’une durée illimitée, inaliénable, car il ne peut être cédé à un tiers, et perpétuel, puisqu’il est transmissible aux héritiers. Il réfère au créateur en tant que sujet.

Par sa dimension morale, le droit d’auteur se révèle avant tout une prérogative du créateur : il est accordé parce que la création est primordiale et ne peut avoir lieu sans un auteur. En ce sens, c’est bien un droit de l’homme.

De plus, aborder le droit auteur sous cet angle permet à la fois de le recentrer sur ses vraies valeurs, c'est-à-dire la reconnaissance du rôle essentiel du créateur, et d’éviter tout conflit avec d’autres intérêts fondamentaux, tels que la liberté d’expression et l’intérêt culturel du public, entre autres.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’approuver cet amendement qui, lui aussi, est fondamental.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Il est défavorable, car est déjà réaffirmée de façon très précise dans le code de la propriété intellectuelle la nécessité de respecter le droit d’auteur : cet amendement serait donc redondant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Également défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.

M. Serge Lagauche. Nous ne voterons pas l’amendement n° 2, mais nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 3.

En effet, si le droit d’auteur est certes un droit fondamental, aller jusqu’à dire qu’il relève des droits de l’homme nous semble excessif : gardons-nous de tout mélanger et d’invoquer les droits de l’homme à tout propos ! Les droits de l’homme sont autrement plus importants, ont une autre dimension et méritent un autre niveau de discussion, même si, c’est vrai, le droit d’auteur est un droit fondamental.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Mme Catherine Morin-Desailly. Sur ces deux amendements, je partage l’avis de M. Serge Lagauche.

Il conviendrait d’ailleurs, à l’heure où nous débattons de la réforme de l’hôpital, que nous nous interrogions sur ce qu’est un droit fondamental.

Le droit à la santé, à l’information, à l’éducation, la liberté de culte, la liberté d’expression, notamment, me semblent être des droits fondamentaux dans notre société, des droits que nous devons défendre.

Revendiquer un libre accès à internet me paraît logique. C’est en ce sens que, dans cette enceinte, nous avons toujours légiféré : qu’il s’agisse d’internet, de la TNT, de la haute définition ou des nouvelles technologies en général, nous avons toujours le souci de déposer des amendements visant à ce que soit préservé l’égal accès de tous à ces outils, cet accès pouvant effectivement être considéré comme un droit.

Pour autant, comme l’a dit M. Lagauche, il ne faut pas tout mélanger : les droits de l’homme doivent concerner des aspirations véritablement essentielles.

Nous ne voterons donc pas cet amendement. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous mesurons bien l’intérêt que pourrait avoir cet amendement, qui, s’il était adopté, ferait figurer dans le projet de loi un véritable appel à la mise en œuvre de l’amendement Bono-Cohn Bendit : si cette règle figure noir sur blanc dans le texte, un droit fondamental ne pouvant être supprimé, la HADOPI ne pourra pas prononcer la suspension d’un accès à internet.

Je m’abstiendrai, à titre personnel, pour une raison très simple : s’il est tentant d’assimiler le droit d’auteur à un droit fondamental, nous aimerions toutefois que ce droit soit opposable sur l’ensemble du territoire, de sorte que chacun puisse revendiquer son accès à internet. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui dans les territoires ruraux, voire dans certains quartiers urbains.

Madame Morin-Desailly, vous avez évoqué la santé ; moi, j’évoquerai l’accès à l’eau potable sur l’ensemble du territoire français : nous ne devons pas oublier que les Amérindiens de Guyane ne jouissent même pas de ce droit fondamental !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)