compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

Mme Christiane Demontès,

M. Marc Massion.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Hommage aux victimes d’une catastrophe aérienne

M. le président. Mes chers collègues, chacun d’entre vous comprendra que nous ne puissions ouvrir cette séance sans évoquer la terrible catastrophe aérienne ayant entraîné la disparition d’un Airbus A 330 de la compagnie Air France avec, à son bord, douze membres d’équipage et deux cent seize passagers de plusieurs nationalités. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Au nom du Sénat, je voudrais assurer tous les proches des victimes de notre sympathie en formant le souhait qu’elles aient le courage et la force nécessaires pour surmonter cette épreuve.

J’ai la conviction que tout est mis en œuvre pour rechercher les causes exactes de cet accident sans précédent dans l’histoire de l’aviation commerciale française.

Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

3

Candidature à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit en qualité de suppléant.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Gisèle Printz pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

 
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat
Discussion générale (suite)

Modification du Règlement du Sénat

Discussion d'une proposition de résolution

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat (nos 377, 428 et 427).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat
Article 1er

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. On connaissait le texte de la chanson, il fallait le mettre en musique… Nous allons nous y atteler aujourd’hui en examinant la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail de notre assemblée.

Cette proposition de résolution est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois menée au sein d’un groupe de travail animé par le président Gérard Larcher et deux rapporteurs, Bernard Frimat, vice-président du Sénat, et Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, à qui il convient de rendre hommage pour le travail remarquable qu’ils ont accompli entre le mois d’octobre et le mois de mars.

Le consensus, s’il a été recherché, n’a cependant pu être véritablement atteint faute de l’assentiment du groupe CRC-SPG. Ce dernier, après s’être opposé à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et à la loi organique du 15 avril 2009, s’est naturellement élevé contre la modification du règlement, qui en est l’application. Cette position logique a été défendue en commission et s’exprime de nouveau à travers le dépôt d’une vingtaine d’amendements. La commission émettra un avis défavorable sur ces derniers, d’abord parce qu’elle ne partage pas la position du groupe CRC-SPG sur cette question, ensuite parce qu’un grand nombre de ces amendements entrent en contradiction avec les textes de la Constitution ou de la loi organique.

La recherche d’un accord minimum a conduit votre rapporteur à estimer que seuls les amendements retenus par le groupe de travail et défendus par les deux rapporteurs pourront être maintenus. Ces amendements devront par ailleurs concerner exclusivement l’application de la loi organique. Dès lors, ceux qui n’ont pas de lien direct avec la révision constitutionnelle et la loi organique recevront un avis défavorable de la commission, quel que soit par ailleurs leur intérêt. Le rendez-vous fixé l’année prochaine permettra éventuellement de remettre en question d’autres dispositions de notre règlement qui seraient devenues obsolètes ou inappropriées.

La présente proposition de résolution respecte naturellement la révision constitutionnelle et la loi organique. Elle emporte également un grand nombre de conséquences pour notre assemblée.

En premier lieu, le nouveau règlement vise à ce que les droits des parlementaires et des groupes parlementaires soient mieux respectés. On peut ainsi mentionner, s’agissant du respect des droits de l’opposition et des minorités, la nouvelle composition du bureau du Sénat, prévue à l’article 1er de la proposition de résolution, le droit pour les groupes minoritaires ou d’opposition de demander chaque année la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information – c’est l’article 2 –, la prise en compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes pour la désignation des représentants du Sénat au sein des organismes extraparlementaires – c’est l’article 5 – et des membres du bureau des commissions permanentes – c’est l’article 6 –, enfin, la place faite aux groupes parlementaires dans les débats thématiques de l’article 20, les débats sur les propositions de résolution de l’article 25, les débats d’initiative sénatoriale de l’article 29 ou les questions cribles de l’article 30.

Mme Nicole Bricq. Bla, bla, bla !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je n’entrerai pas dans le détail de ces différentes institutions et vous renvoie donc pour le reste à mon rapport écrit.

En deuxième lieu, cette proposition de résolution tend à un renforcement assez considérable du rôle de la conférence des présidents, notamment aux termes des articles 14, 15, 16 et 17.

Au cours des débats à venir, la commission émettra un avis favorable sur l’amendement présenté par notre collègue Hugues Portelli. L’article 17 du texte de la commission prévoit en effet que la fixation de l’ordre du jour appartient à la seule conférence des présidents, sans mentionner le Gouvernement qui maîtrise tout de même l’ordre du jour de deux semaines de débats sur quatre. Afin de nous prémunir contre une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, nous vous proposerons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Le renforcement du rôle de la conférence des présidents passe également par le renouvellement de l’institution de la clôture des débats, qui existait déjà dans notre ancien règlement selon d’autres modalités.

Désormais, si le débat risque de s’enliser, la conférence des présidents sera immédiatement saisie et tentera de trouver une solution. Si elle n’y arrive pas, la clôture s’appliquera naturellement et, en cas de deuxième clôture, le temps de parole des uns et des autres sera limité, seul un représentant de chaque groupe pouvant s’exprimer. C’est un progrès, et cela nous évite d’opter pour un temps de parole limité ou « global ». Cette procédure nous permettra peut-être de ne pas prolonger excessivement nos débats, même si son efficacité devra être mesurée à l’épreuve du temps.

En troisième lieu, cette proposition de résolution vise à l’efficacité, à la souplesse, à l’adaptabilité et à la transparence. Cela apparaîtra naturellement dans l’organisation du travail des commissions, prévue à l’article 14.

À cet égard, signalons que nous avons été contraints, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, d’accepter la présence du Gouvernement en commission, y compris au moment des votes. Nous avons dû modifier le projet de résolution en conséquence. Cette contrainte soulève un certain nombre de problèmes, et c’est pourquoi il sera sans doute nécessaire que, en complément du règlement du Sénat, nous adoptions des règlements de commissions précisant dans quelles conditions le ministre pourra se faire assister par ses collaborateurs.

Dans le même ordre d’idées, certains présidents de groupe ont demandé que leurs collaborateurs puissent également participer au travail des commissions. À notre avis, cela relève non pas du règlement, mais des instructions générales du bureau, qui pourront effectivement prévoir les conditions dans lesquelles les commissions pourraient s’ouvrir aux collaborateurs des ministres ou des groupes, ou à d’autres personnes,…

M. Michel Charasse. Il faudra aussi pousser les murs ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. …voire faire l’objet d’une diffusion à la télévision.

L’article 4 de la proposition de résolution tend à modifier la dénomination de trois des six commissions permanentes ; l’article 10 prévoit les modalités par lesquelles une commission exprime son avis sur un projet de nomination ; l’article 11 définit les fonctions de contrôle et d’évaluation des commissions permanentes ; l’article 12 modernise la procédure d’enregistrement et de diffusion des projets et des propositions de loi déposés ou transmis au Sénat ; enfin, l’article 13 précise le délai dans lequel le Gouvernement informe le président du Sénat de sa décision d’engager la procédure accélérée.

J’en viens à la procédure d’irrecevabilité prévue aux articles 40 et 41 de la Constitution, sur laquelle nous aurons un débat tout à l’heure.

Nous avons été amenés à étendre l’irrecevabilité de l’article 40 s’agissant non seulement des projets de loi de finances, mais également des projets de loi de financement de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté les amendements déposés par MM. Vasselle et About tendant à compléter le règlement en ce qui concerne les projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Dorénavant, et c’est un progrès, le président de la commission saisie au fond pourra déclarer l’irrecevabilité de dispositions portant atteinte à l’article 40 de la Constitution. En cas de doute, celui-ci pourra saisir la commission des finances et lui demander de se prononcer. Certes, il pourrait arriver qu’un désaccord subsiste, en séance publique, entre la commission saisie au fond et la commission des finances. Néanmoins, cette divergence pourra être aisément résolue selon les règles en vigueur aujourd’hui.

S’agissant de l’article 41, on observe peu de changements : le président de l’assemblée ou le Gouvernement pourront décider de l’irrecevabilité, et, en cas de désaccord entre les deux, le Conseil constitutionnel sera alors saisi.

L’adaptation du calendrier et des horaires constitue un autre élément de souplesse, d’efficacité et de transparence.

La proposition de résolution prévoit un certain nombre d’horaires, mais ce sont des horaires de principe.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Toujours !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il n’est pas question de poser une règle pérenne dans la mesure où les réunions des commissions et des groupes de travail ainsi que la séance plénière se chevauchent en permanence. C’est la raison pour laquelle l’article 3 consacre, en principe, le mardi matin aux réunions du bureau et des groupes. L’article 8 prévoit que les commissions se réunissent quant à elles en principe le mercredi matin. La commission des affaires européennes et, ce qui est une nouveauté par rapport au texte initial, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes se réuniront en dehors des heures de séance plénière.

L’organisation de l’ordre du jour, ainsi que l’organisation des débats, est fixée à l’article 16,…

M. Michel Mercier. En principe ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … tandis que l’article 17 détermine les modalités d’organisation de la discussion générale.

L’article 18 fixe les horaires de séance du Sénat au mardi matin et après-midi, au mercredi après-midi et au jeudi matin et après-midi. Il n’est pas question de siéger le lundi ou le vendredi. Comme c’est le cas actuellement, il appartiendra à la conférence des présidents d’en décider.

Cet article prévoit également que le Sénat peut décider de siéger le soir, sur proposition de la conférence des présidents, du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. À cet égard, bien que je n’aie pas déposé d’amendement à ce sujet, je me pose une question : quand prend fin la séance du soir ? Au moment de la fermeture des grilles du jardin du Luxembourg ? À minuit ou au-delà ? (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Jusqu’au lever du jour ! (Nouveaux sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je laisse cette question à votre appréciation.

Le temps de présentation des amendements est prévu à l’article 24. Désormais, et c’est une grande innovation, les sénateurs disposeront, pour présenter un amendement, non pas de cinq minutes, comme c’est le cas actuellement, mais de trois minutes. En revanche, l’intervention sur un article, sur un amendement ou une explication de vote continuera d’être autorisée durant cinq minutes.

M. Guy Fischer. Heureusement !

M. Patrice Gélard, rapporteur. La discussion par priorité sur le texte de la commission ne s’applique pas à certaines catégories de projets de loi, à savoir les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. S’agissant de ces derniers, la discussion en séance porte sur le texte présenté par le Gouvernement.

En matière de transparence et d’efficacité, l’article 27 adapte les procédures actuelles d’autorisation prévues par le règlement du Sénat – déclaration de guerre, état de siège – et prévoit un dispositif spécifique pour la mise en œuvre de l’information et de l’autorisation du Parlement pour les interventions des forces armées à l’étranger.

L’article 28, quant à lui, permet d’intégrer les nouvelles compétences de la commission des affaires européennes et prévoit les modalités d’adoption des résolutions européennes.

Enfin, l’article 32 insère dans le règlement un chapitre consacré au budget et aux comptes du Sénat. Nous aurons à examiner un amendement important à cet égard.

Le projet de règlement que je vous soumets est d’essence très libérale. Il pourrait parfaitement satisfaire nos voisins britanniques. Néanmoins, pour être pleinement efficace, il devra être correctement appliqué. Il faudra en permanence que les responsables des différents groupes politiques et les parlementaires eux-mêmes respectent leurs adversaires et fassent preuve d’un minimum de fair play dans le déroulement et l’organisation des débats. Si nous ne voulons pas que ceux-ci s’enlisent et soient des contre-exemples, nous devrons nous autodiscipliner. Il faudra que le Gouvernement se discipline lui aussi…

M. Patrice Gélard, rapporteur. … et qu’il évite de nous soumettre des projets de loi fourre-tout, trop longs, pour se limiter à des textes courts. On compte en moyenne dix amendements par article. Cela signifie que, sur un texte de cent articles, au moins mille amendements sont déposés.

Lors du rendez-vous que nous nous sommes fixé pour l’année prochaine, sous l’autorité du président du Sénat, nous devrons envisager dans quelle mesure la commission pourrait devenir davantage encore le lieu où seraient discutées en profondeur les modifications législatives, tandis que la séance publique verrait son action et son importance quelque peu réduites. À cette fin, peut-être faudra-t-il repenser la manière dont nos salles de réunion se répartissent. Il faudra aussi sans doute revoir totalement les modalités de publicité des travaux de nos commissions.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Un important travail nous attend dans les années à venir.

J’avais commencé mon intervention en déclarant qu’il nous fallait composer une musique sur les paroles d’une chanson. Vous connaissez maintenant cette musique. Tout dépendra désormais des interprètes, c'est-à-dire de nous-mêmes ! Ou bien la musique que nous aurons composée sera harmonieuse,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une musique symphonique ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. …ou bien ce sera une abominable cacophonie.

M. Jean-Pierre Michel. Cela dépend du chef d’orchestre !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Encore faudra-t-il qu’elle soit audible par la population française, par le Gouvernement et par tous ceux qui suivent nos travaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La proposition de résolution que nous examinons sur votre initiative, monsieur le président, fait suite à une réflexion approfondie menée au sein d’un groupe de travail dans lequel tous les groupes politiques de notre assemblée étaient représentés. Un large consensus s’en est dégagé, même si l’opposition de certains d’entre nous à la révision constitutionnelle ne leur permettra pas d’approuver totalement notre démarche.

Notre excellent collègue Bernard Frimat, qui a participé autant que moi à l’élaboration de ce texte, et moi-même avons eu le plaisir d’être les rapporteurs de ce groupe de travail.

M. Michel Mercier. C’est un enfant de Hyest et de Frimat ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Mercier, vous avez pris vous-même une grande part à nos travaux !

Tous les groupes politiques étaient représentés au sein de ce groupe de travail, et chacun a contribué à ce consensus, même si Nicole Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC-SPG en sont restés à l’écart.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il s’agit aujourd’hui de mettre en œuvre la révision constitutionnelle,…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … de conforter le pluralisme sénatorial et de rénover nos méthodes de travail. À cet égard, nos pratiques actuelles étant satisfaisantes, le règlement n’a pas été modifié dans sa totalité, même si nous avons rendez-vous dans un an pour évaluer les conséquences de la révision constitutionnelle. Je pense à la loi organique et aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel, par ses considérants, indique au législateur la manière dont il doit appliquer la Constitution. Il y aurait d’ailleurs une thèse à faire sur le Conseil constitutionnel véritable constituant…

M. Michel Mercier. En effet !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr, nous serons peut-être conduits à modifier d’autres dispositions que celles qui nous sont soumises aujourd’hui.

S’agissant de la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, il faut rappeler le rôle central de la conférence des présidents dans l’organisation de nos travaux.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est pourquoi, comme l’indiquait M. le rapporteur, le règlement doit rester un cadre souple et adaptable. Je pense en particulier à la nouvelle procédure de clôture des débats, qui est précédé, et c’est heureux, d’un dialogue au sein de la conférence des présidents.

S’agissant du pluralisme sénatorial, la proposition de résolution entend bien affirmer les droits des groupes parlementaires ainsi que les droits spécifiques des groupes d’opposition et, monsieur Mercier, des groupes minoritaires.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’article 51-1 de la Constitution ! Et l’article 48 y fait aussi référence ! Le groupe CRC-SPG profite de cette disposition, mais, monsieur Mercier, c’est vous qui en avez été le promoteur ! (M. Jean-Louis Carrère s’exclame.)

La composition du bureau du Sénat, le respect du pluralisme dans la désignation des représentants du Sénat au sein des organismes extraparlementaires, la désignation des membres des commissions mixtes paritaires, le droit de tirage pour les commissions d’enquête et les missions d’information illustrent cette volonté de permettre à tous de participer à la vie de notre assemblée et d’affirmer les droits de l’opposition et des groupes minoritaires, à condition que leur nombre soit significatif.

Comme le dit d’ailleurs un éminent président, il n’y a ici que des groupes minoritaires !

MM. Josselin de Rohan et Henri de Raincourt. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Reste la question de l’organisation de nos débats, qu’il s’agisse de la séance publique ou des commissions.

Il était apparu – vision naïve, sans doute – que le fait de délibérer en séance sur le texte de la commission allait dans le sens de la rationalisation du travail parlementaire. Cela devait contribuer à concentrer sur l’essentiel le débat en séance publique, surtout si l’examen d’un texte était précédé d’un débat préalable d’orientation, prévu par notre règlement et vivement souhaité par M. Henri de Raincourt.

À la lumière des premières expériences, et sachant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission, peut-être n’avons-nous pas trouvé l’équilibre souhaité.

Une meilleure publicité des travaux des commissions, ce qui ne signifie pas leur caractère public systématique – publicité ne signifie pas séance publique –, et la mise à disposition plus rapide et plus complète de ces travaux sont certainement l’un des enjeux de la réforme. Monsieur le président, je suis persuadé que, avec le bureau, vous prendrez toutes les dispositions à même d’améliorer la qualité du travail des commissions.

La présence des ministres en commission, dont le principe a été établi par le Conseil constitutionnel compte tenu du fait que la discussion porte, en séance, sur le texte de la commission, nous oblige à modifier l’article 8 du règlement.

Je ne suis pas persuadé que la présence permanente des ministres lors de l’élaboration du texte de la commission – hors cette circonstance, les ministres n’ont pas à être présents, sauf si nous souhaitons les entendre – soit de nature à simplifier nos débats. Heureuse commission des finances, monsieur Arthuis, heureuse commission des affaires sociales, monsieur About, qui n’ont pas l’obligation d’accueillir un ministre lors de l’examen des projets de budget ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale ! La commission des lois souhaiterait profiter d’une telle possibilité, mais une nouvelle révision constitutionnelle ne me semble pas pour demain !

Au-delà de la réforme de notre règlement, nous pouvons nous interroger sur la revalorisation affirmée du rôle du Parlement, que nombre d’entre nous ont soutenue, notamment en ce qui concerne l’ordre du jour partagé et, bien entendu, la volonté de mettre en œuvre des réformes sur lesquelles le Président de la République et la majorité parlementaire se sont engagés. Avouez qu’empêcher une majorité de conduire les réformes sur lesquelles elle s’est engagée relèverait d’un curieux fonctionnement de la démocratie.

Nous avions indiqué que cela risquait de conduire à une impasse, sauf engagement systématique de la procédure d’urgence, dite désormais « procédure accélérée ». Il nous reste encore à trouver une pratique plus équilibrée dans ce domaine, comme nous pouvons le constater depuis quelques semaines.

Certes, la fonction de contrôle du Parlement sur l’action gouvernementale, tradition du Sénat confortée par la révision constitutionnelle, doit continuer à se développer – le Sénat réalise d’ailleurs de nombreux travaux à cet égard sans vraiment les faire connaître –, à condition que cela ne devienne pas un rite vide de réels contenus et fasse l’objet d’une réelle préparation en amont. La force de proposition des commissions et des groupes est essentielle dans ce domaine.

L’initiative législative doit aussi, hors les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires que j’ai rappelés tout à l’heure, s’inscrire dans la durée pour éviter d’être anecdotique.

Monsieur le président, mes chers collègues, la sécurité juridique, la saine application des articles 34 et 37 de la Constitution, qui devraient être le souci permanent tant du Gouvernement que du Parlement, sont quelque peu absentes de nos travaux. L’inflation législative, tant par le nombre de textes que par leur longueur, même si l’importance d’un texte ne se mesure pas toujours au nombre d’articles qu’il comporte, pèse en effet lourdement sur le fonctionnement du Parlement. Mais, en fait, ce n’est pas nouveau. Songeons à ce que disaient Montesquieu – « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – et Portalis – « la loi permet, ordonne ou interdit ». Quant à Montaigne, il écrivait dans les Essais ce texte très beau : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure… Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et y attacher cent mille lois ? […] Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales. »

Puissions-nous, à l’avenir, nous référer à ces grands auteurs ! (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Monsieur le président, mes chers collègues, revaloriser le Parlement, le doter de pouvoirs nouveaux, tels étaient, selon son auteur, l’objet et l’ambition de la révision constitutionnelle.

À grands renforts de communication, ce message a été martelé pour qu’il entre bien dans la tête de nos concitoyens. Que n’a-t-on entendu de la bouche de constitutionnalistes, forcément éminents, et de commentateurs, naturellement avisés, pour condamner l’attitude de ces parlementaires qui avaient l’outrecuidance de ne pas joindre leur voix au concert de louanges organisé pour célébrer cette grande réforme institutionnelle ?

Qu’en est-il de cette supposée modernisation de nos institutions ? (M. Michel Mercier s’exclame.) Qui peut prétendre que, dans la pratique de son fonctionnement quotidien, le Parlement a été revalorisé et que les parlementaires disposent de nouveaux pouvoirs ?

Nous avions dénoncé l’avènement d’une monocratie, la poursuite du renforcement de l’exécutif, le caractère trompeur et illusoire des pouvoirs donnés au Parlement. Les faits nous donnent indiscutablement raison.

M. Bernard Frimat. Les lois organiques, révélatrices des intentions réelles du Gouvernement, simple porte-voix de la volonté présidentielle, sont venues confirmer le caractère fondé de nos craintes.

Avant toute chose, il fallait – ce fut l’objet de la première loi organique votée conforme par le Sénat – mettre en œuvre les facilités dont le Gouvernement avait besoin.

D’abord, il fallait, en cas de cessation de fonctions d’un ministre ancien parlementaire, organiser le retour de ce dernier dans son assemblée d’origine. La nomination au secrétariat général de l’UMP de Xavier Bertrand exigeait que s’appliquât rapidement cette grande avancée démocratique ; ce fut fait !

Ensuite, il fallait arrêter la composition de la commission chargée d’émettre un avis public sur le découpage des circonscriptions pour l’élection des députés. Aucune garantie de pluralisme n’a été mise en place à cette occasion. Au contraire, la nomination de son président par le Président de la République renforce les doutes sur la réalité de son indépendance.

Enfin, il fallait rapidement autoriser le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à ce découpage afin de permettre à M. Marleix de montrer l’étendue de ses talents.

Mes chers collègues, il faut beaucoup d’optimisme pour qualifier le recours aux ordonnances d’extension des pouvoirs du Parlement. Il faut beaucoup de naïveté pour voir la manifestation d’une démocratie irréprochable dans un découpage dont le caractère injuste et partisan, de plus en plus patent, semble au demeurant faire peu de cas des réserves émises par le Conseil constitutionnel, lequel insistait sur la priorité à donner à l’équilibre démographique.