M. Didier Boulaud. Ouh la la !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Nous avons pris acte, monsieur le ministre, des indications que vous avez données à la commission le 1er juillet dernier tant en ce qui concerne la mise en place à l’automne de la structure nécessaire à la cession des immeubles parisiens du ministère qu’au sujet des procédures budgétaires d’avances permettant de pallier le retard prévisible de la réalisation des ventes immobilières et des cessions de fréquences.

Nous comprenons les délais qu’imposent des démarches de ce type. Il ne faut pas en surestimer les incidences, dès lors que le volume global des ressources exceptionnelles sur la première partie de la programmation n’est pas remis en cause : c’est bien ce point qui est essentiel à nos yeux, et nous y serons particulièrement attentifs au cours des mois à venir.

Le troisième défi est celui de la réussite de la réorganisation du ministère et de la déflation des effectifs. Les objectifs du projet de loi se fondent sur l’utilisation des marges dégagées par cette opération, délicate non seulement parce quelle implique des déflations d’effectifs, mais également parce que celles-ci doivent principalement résulter de la réorganisation de l’administration et du soutien. Cette réorganisation tout comme la mise en œuvre des mesures d’incitation au départ exigeront une forte mobilisation, faute de quoi le recrutement des militaires engagés servira de variable d’ajustement, avec des conséquences dommageables pour nos capacités opérationnelles. (M. Didier Boulaud s’exclame.)

Enfin, le quatrième défi consistera à maîtriser d’éventuels surcoûts qui, survenant en cours de programmation, pourraient en déséquilibrer l’exécution.

S’agissant des programmes d’armement, des dispositions ont été prises pour mieux en évaluer les coûts et la soutenabilité, avec la création d’un comité ministériel d’investissement et d’un comité financier.

On peut observer néanmoins que, sur plusieurs programmes majeurs, la programmation est établie sur la base de nouvelles cibles et cadences de livraison qui n’ont pas encore été totalement consolidées. Je pense en tout premier lieu au plus important de nos programmes en termes financiers, le programme Rafale, dont l’équilibre économique sera étroitement conditionné par les résultats à l’exportation. Nous savons qu’il y a sur ce point une mobilisation au plus haut niveau, mais il n’en reste pas moins que cet aléa n’est pas encore levé.

La poursuite du programme A400M est une autre incertitude.

M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’enveloppe prévue en programmation devra couvrir à la fois son financement tel qu’il sera défini à l’issue des négociations – elles seront, nous l’espérons, positives –, mais également une large gamme de mesures palliatives destinées à atténuer l’aggravation du déficit en transport aérien.

Le maintien en condition opérationnelle des équipements constituera lui aussi un enjeu majeur pour les années à venir. Les coûts constatés ces dernières années ont suivi une progression très rapide. Or leur maîtrise est indispensable au respect des équilibres financiers prévus dans le projet de loi.

M. Didier Boulaud. Quelle lucidité !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Enfin, je voudrais mentionner une dernière source de surcoût qui est peut-être moins significative mais n’est en rien négligeable. À l’issue de la revue en cours de la structure de commandement de l’OTAN, et en cohérence avec les postes de responsabilité importants que la France a obtenus, nous devrons dégager un effectif supérieur à celui qui a été initialement envisagé pour servir dans les états-majors alliés. Il n’y a pas de raison, à mon sens, que ce surcoût soit entièrement supporté par l’enveloppe inscrite dans la loi de programmation militaire, dans laquelle il n’avait pas été prévu. Des financements complémentaires me paraissent nécessaires afin de ne pas pénaliser les effectifs nationaux.

Je souhaiterais, pour terminer, évoquer les dispositions législatives les plus importantes figurant dans le projet de loi.

L’assouplissement des conditions de création de filiales par DCNS répond à une nécessité pour cette société,…

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas ce qu’ils ont dit en 2007 !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. … qui voit s’ouvrir devant elle aujourd’hui, après bien des efforts, de réelles perspectives de développement. L’Assemblée nationale a amélioré le texte en apportant des garanties sur le maintien des droits sociaux des personnels transférés dans les filiales. Il est souhaitable que DCNS puisse rapidement bénéficier, en matière de création de filiales, de conditions identiques à celles que connaissent toutes les autres entreprises publiques.

Avec l’article 11, qui pose le principe de l’inscription de la Société nationale des poudres et explosifs, la SNPE, au rang des entreprises privatisables, il s’agit une fois encore de permettre l’évolution d’une société du secteur de la défense en consolidant ses activités dans le domaine essentiel de la propulsion et dans celui des poudres et explosifs. La commission a approuvé le principe de la privatisation, même s’il appartient au Gouvernement d’apprécier le moment et les modalités selon lesquelles celle-ci pourrait intervenir.

Enfin, il a beaucoup été question des dispositions relatives à la protection du secret de la défense nationale, sur lesquelles, à mon sens, s’est créé un vrai malentendu. Contrairement à ce qui a été le plus souvent dit ou écrit, il s’agit bien de permettre – et non de limiter – des perquisitions pouvant toucher au secret de la défense nationale en leur donnant le cadre juridique qui leur fait aujourd’hui totalement défaut. Ce dernier se greffera très logiquement sur la procédure de déclassification actuellement en vigueur, qui repose sur l’intervention de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

Dans son avis du 5 avril 2007, le Conseil d’État a très clairement souligné les raisons qui font obstacle à la conduite normale de perquisitions lorsque sont en jeu des documents classifiés. Il a également mis en évidence l’impossibilité pour le juge d’accéder à certains lieux, dans lesquels sa présence même est incompatible avec la protection du secret de la défense nationale.

Il était légitime, comme l’avait préconisé la commission du Livre blanc, d’établir un cadre juridique clair. L’Assemblée nationale, après de longs débats, est parvenue à un texte conciliant la législation sur le secret de la défense nationale et les préoccupations relatives à l’efficacité des perquisitions. Cet équilibre nous a paru globalement satisfaisant, même si, à notre sens, le rôle clef, dans la procédure, du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale aurait gagné à mieux être mis en évidence. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Absolument !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Tout comme la commission des lois, nous avons cependant jugé préférable de nous en tenir au texte de l’Assemblée nationale et à l’équilibre atteint.

M. Didier Boulaud. Vote conforme !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a approuvé ces dispositions législatives, tout comme elle a approuvé les orientations générales du projet de loi.

Elle a considéré que, à ce stade de la procédure législative, des modifications de détail prolongeraient inutilement la navette, alors que ce projet de loi, déposé en octobre 2008, est fortement attendu dans la mesure où il permet la traduction concrète des orientations et des engagements définis dans le Livre blanc concernant la politique de défense et de sécurité nationale de notre pays.

L’adoption définitive du projet de loi nous a paru particulièrement nécessaire, au moment où s’élabore le projet de budget pour 2010, que nous souhaitons bien entendu conforme au niveau prévu par la programmation.

En permettant la promulgation d’un texte qui programme pour les six prochaines années une augmentation des moyens alloués à la défense, nous adresserons également aux membres de la communauté de la défense, militaires et civils, un signe clair. Cet engagement financier important de la nation donne en effet tout leur sens aux efforts considérables de réorganisation et d’adaptation qui leur sont demandés et qu’ils accomplissent avec la résolution et la discipline que nous leur connaissons. C’est également un signe important pour tous nos personnels engagés quotidiennement sur les théâtres d’opérations, dans des missions souvent difficiles, auxquels nous nous devons tous aujourd’hui de rendre hommage. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Trucy, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François Trucy, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, si l’intégrité d’un territoire, la liberté et l’indépendance d’une nation sont des biens d’une valeur fondamentale, alors les lois de programmation militaire et les budgets consacrés à la défense nationale sont des textes essentiels.

Si, conformément à son histoire et comme le souhaitent la majorité d’entre nous, la France doit conserver son rang dans le concert des grandes nations, avec des capacités réelles à contribuer au maintien d’une paix mondiale plus que jamais menacée, alors notre programmation militaire doit comporter tous les moyens nécessaires à ce positionnement et à des interventions chaque jour plus difficiles, plus lointaines et plus coûteuses.

Si la France doit préserver la sécurité intérieure sur son propre territoire, métropolitain ou ultramarin, et apporter cette même sécurité partout dans le monde à nos compatriotes qui, par centaines de milliers, vivent et travaillent à l’étranger, alors nos armées de terre, de mer et de l’air – sans oublier la gendarmerie nationale, qui n’est plus dans le champ de cette programmation – doivent conserver une condition opérationnelle jusqu’ici digne d’éloge.

Partant du principe que Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et rapporteur au fond, a remarquablement exprimé tout ce que l’on doit penser de cette loi de programmation militaire, je limiterai mes propos, comme le fera sans doute après moi Charles Guené, aux aspects financiers les plus importants à nos yeux de ce texte énorme et primordial, sans vous faire perdre de votre temps précieux, mes chers collègues, en énumérant des chiffres qui se trouvent de toute façon dans l’avis de la commission des finances. (M. Didier Boulaud sourit.)

Le projet de loi de programmation militaire 2009-2014 constitue un dispositif doté de plusieurs qualités essentielles. Sa première caractéristique est d’être issu de plusieurs textes et réformes majeurs en matière de défense : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ; révision des programmes de défense ; révision générale des politiques publiques ; réorganisation générale des armées, tout à fait remarquable, lancée par le ministère de la défense.

Il s’accompagne d’un rapport annexé qui est en lui-même une pièce majeure apportant une connaissance approfondie et complète de l’ensemble des questions.

Le rapport reprend en effet les conclusions du Livre blanc concernant les orientations majeures de la politique de défense, les nouveaux contrats opérationnels et les nouveaux formats : tout est chiffré, les crédits sont là ! Il décrit également toute la programmation des équipements militaires. Il apporte les précisions sur la décomposition de l’enveloppe financière. C’est un travail énorme, qui a été particulièrement apprécié par la commission des finances.

Le projet de loi s’appuie sur un important volet de dispositions législatives que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vient d’analyser. Je me contenterai donc de citer la révision de l’ordonnance de janvier 1959 portant organisation générale de la défense, la création du Conseil de défense et de sécurité nationale, chargé de cette politique élargie aux problèmes de la sécurité nationale – c’est là une très importante nouveauté –, et la mise en place en son sein du Conseil national du renseignement.

Si elle couvre une période de six ans, la loi n’en sera pas moins souple et évolutive puisque le texte prévoit un rapport d’étape en 2010, une révision au terme de quatre ans et l’adoption d’une nouvelle loi de programmation pour 2013-2018.

Cette caractéristique est d’un grand réalisme, car elle permettra, lorsque cela deviendra nécessaire, d’adapter la loi de programmation militaire aux évolutions stratégiques, politiques et économiques qui ne manqueront pas de se produire. Elle mécontentera ceux qui croient encore viable le modèle d’armée 2015, mais elle satisfera ceux qui sont réalistes. Elle convient au Sénat, qui ne se paye pas de mots.

Le projet de loi de programmation militaire est cohérent avec les études qui l’ont précédé et qui, toutes, ont préconisé une meilleure gouvernance, mieux adaptée aux moyens financiers qu’exigent les stratégies modernes. Il est cohérent avec les analyses et les leçons tirées de l’exécution peu satisfaisante, sur le plan financier, de certaines lois de programmation militaire précédentes. Il est cohérent, bien sûr, avec les priorités du Livre blanc.

Il trace les perspectives du financement des équipements militaires à l’horizon 2020 et garantit ce faisant la cohérence entre cette programmation 2009-2014 et la poursuite des programmes au-delà de 2014. Par ailleurs, les crédits de la masse salariale, hors pensions, concorde avec la diminution des effectifs.

Enfin, le projet de loi est cohérent avec le plan de relance et l’objectif prioritaire de relance économique.

Monsieur le ministre, cette concordance entre la loi d’un côté et les finances de l’autre est une bonne chose. Elle représente une vraie première en la matière.

M. Didier Boulaud. Mais qu’a donc fait Mme Alliot-Marie ?

M. François Trucy, rapporteur pour avis. Elle est le résultat d’un excellent travail commun entre les deux ministères.

Le projet de loi de programmation militaire est sincère dans l’exposition qui y est faite des ressources humaines et financières.

Cela étant, il faut être réaliste : cette programmation représente globalement un défi véritablement très difficile à relever, car il faudra en respecter les engagements financiers de même que la déflation des effectifs qui y est prévue – et non pas celle que pourront le cas échéant dicter les difficultés budgétaires du moment.

M. François Trucy, rapporteur pour avis. Il faudra une très grande rigueur dans la gestion des programmes d’équipement,…

M. François Trucy, rapporteur pour avis. … ce qui implique d’imposer effectivement aux industriels le respect d’une bonne exécution des contrats. Mais il faudra également, comme vous l’avez vous-même souligné à la fin de votre propos, monsieur le ministre, gager les surcoûts de financement indispensables à la modernisation des équipements militaires, notion difficile à appréhender dès le départ.

Je dirai un mot du plan de relance, car il le mérite.

La moitié des crédits prévus par l’État dans ce plan concerne le secteur de la défense. C’était, monsieur le ministre, un sacré pari. C’est aussi une remarquable performance et un puissant stimulant, un fort encouragement, une manifestation très substantielle de la volonté du Président de la République de soutenir votre budget.

Regroupés dans une mission spécifique nouvelle, créée pour deux ans, ces crédits ne pourront pas être consacrés à des dépenses courantes ; ils seront réservés à un programme exceptionnel d’investissement public.

L’avantage supplémentaire de ce processus est de générer une charge de travail intégralement engagée sur le territoire national, sans risque qu’elle soit détournée vers des importations.

Le plan représente 1,755 milliard d’euros, dont 985 millions pour 2009 et 770 millions pour 2010. Je ne le détaillerai pas, car, monsieur le ministre, vous le connaissez mieux que nous. Ainsi, vous avez évoqué tout à l’heure la commande du troisième bâtiment de projection et de commandement, ou BPC, dont la construction est en cours ; l’acquisition d’engins de débarquement amphibie ; l’anticipation de la livraison des VBCI, les véhicules blindés de combat d'infanterie, dont nous avons vu les images hier ; enfin, l’accélération du programme du petit véhicule protégé.

Je vous pose simplement une question, monsieur le ministre : si vous avez cité tout à l’heure les renforts humains de 700 personnes pour la recherche et le renseignement, quid des équipements de la direction du renseignement militaire, la DRM qui, semble-t-il, en auraient besoin ?

Monsieur le ministre, je conclurai par les réflexions de la commission des finances du Sénat sur les problèmes liés aux effectifs.

Ces problèmes ont, bien entendu, des fondements financiers, mais si vous me le permettez et si M. de Rohan pardonne cette intrusion dans son domaine au « vieux » rapporteur du budget de fonctionnement des armées que je suis, j’insisterai sur les points suivants.

La gestion des effectifs de nos armées comporte cinq axes déterminants : une inéluctable réduction des effectifs, un maintien rigoureux des recrutements, un soutien à la condition militaire et à l’action sociale des armées, une fidélisation indispensable des contrats et, enfin, des reclassements honnêtes et efficaces en sortie de contrat.

Charles Guené traitera pour nous les problèmes majeurs de la réduction des effectifs.

Mais il y a, dans le projet de loi de programmation militaire, l’ardente obligation d’un équilibre entre la déflation et les recrutements car il n’y aura, dans la déflation, aucune autorisation pour dépasser la marge prudentielle fixée à 1 000 équivalents temps plein.

Or, pour une armée qui accueille chaque année entre 20 000 et 30 000 militaires et civils, une politique de recrutements de qualité est plus que jamais nécessaire et pour garantir une qualité maximale de ces embauches, il faut absolument maintenir l’attractivité des contrats.

Il ne suffit pas de dire – même si la communication des armées le dit fort bien – que les armées offrent des centaines de métiers passionnants, il faut que cela reste réel et vous savez bien, monsieur le ministre, que la réduction de certains crédits de fonctionnement en cours d’année peut restreindre sensiblement les activités qui conditionnent une notable partie de l’attractivité de ces métiers.

Un soutien constant à la condition militaire et à l’action sociale des armées est tout aussi nécessaire, puisqu’il s’agit d’une armée professionnelle et que le poids des familles est souvent aussi lourd que celui des militaires eux-mêmes. C’est un point essentiel, d’ailleurs assez bien soutenu et pourvu dans les budgets de ces dernières années.

Cette politique devra être poursuivie si l’on veut fidéliser les contrats souscrits et continuer à améliorer une condition militaire sur le sort de laquelle les militaires engagés se posent beaucoup de questions et éprouvent bien des inquiétudes. Même si ce n’est pas la première fois dans l’histoire de la France, c’est chaque fois relativement important.

Enfin, les armées doivent offrir des perspectives équitables de fin de carrière et de sortie de contrats.

Bien sûr, des indemnisations et des pécules sont prévus dans le projet de loi, mais les perspectives les plus importantes ne sont-elles pas les accès aux emplois publics ? Monsieur le ministre, vous venez de donner des informations majeures sur ce point. J’étais sceptique avant de vous entendre et même si ces passerelles ne doivent concerner que 1 100 à 1 500 des 6 300 suppressions d’équivalents temps plein par an, n’est-il pas très optimiste d’en prévoir 50 % destinées à la fonction publique d’État et 50 % à la fonction publique territoriale, quand on connaît les déflations déjà considérables de la révision générale des politiques publiques ? Vous avez donné tout à l’heure des réponses beaucoup plus encourageantes.

Le succès de ces reclassements réclame la mise en place des conditions optimales et des moyens nécessaires aux mesures d’accompagnement.

Dans la politique des ressources humaines de nos armées, le problème des sorties de contrats est sans doute le plus difficile à résoudre.

Monsieur le ministre, j’ai dit au début de mon propos toutes les qualités que nous reconnaissons à votre projet de loi de programmation militaire. Les compliments de la commission des finances du Sénat vont à l’énorme travail que vous avez accompli, vous et vos équipes, pour parvenir à ce résultat.

Hier, en regardant les magnifiques images du défilé du 14 juillet à Paris, on pouvait mettre sur chacune des lignes de votre projet de loi de programmation militaire des images extrêmement fortes et valorisantes : soyez-en félicité ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Hervé Morin, ministre. J’attends les mêmes mots de votre part !

M. Didier Boulaud. Vous pouvez attendre !

M. François Trucy, rapporteur pour avis. Cela ne vous convient pas, mais vous aurez l’occasion de faire des anti-compliments tout à l’heure !

La réorganisation de nos armées, la réalisation des bases de défense, la consolidation de nos capacités opérationnelles et tant d’autres choses doivent réussir. Tous nos vœux vous accompagnent.

La commission des finances, à une abstention près, a approuvé le projet de loi de programmation militaire et souhaite que le Sénat en fasse autant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, les principaux chiffres relatifs au projet de loi et son contenu ont déjà été évoqués, ils le seront sans doute de nouveau. Aussi, je concentrerai mon propos sur l’analyse de la commission des finances relative à l’équilibre financier du présent projet de loi.

Comme vous pouvez vous en rendre compte en lisant son rapport, la commission des finances s’est efforcée, comme à l’accoutumée, d’examiner sans complaisance le présent projet de loi, en particulier en ce qui concerne son équilibre financier. Elle l’a fait parce que c’est son rôle et qu’il est de l’intérêt de tous que les problèmes soient clairement posés. Si le projet de loi nous était apparu financièrement irréaliste, nous l’aurions dit. Or tel n’est pas le cas. Il existe, bien entendu, des aléas, mais les aléas sont dans la nature des choses, ce ne sont que des aléas, et c’est la nature de l’action politique que de devoir faire face à des aléas.

M. Hervé Morin, ministre. S’il n’y a pas d’aléas, il n’y a pas de vie !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Si je devais caractériser le présent projet de loi, je soulignerais sa sincérité, qui a exigé de la part du Gouvernement un courage incontestable, qu’il convient de saluer.

M. Daniel Reiner. C’est trop !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Il aurait été facile de faire semblant de croire que le « modèle d’armée 2015 », défini une première fois en 1997 et revu à la hausse en 2003, était accessible, décalé de seulement quelques années, et de laisser à la législature issue des élections de 2012 le soin de le revoir à la baisse. Le Gouvernement a le courage politique de reconnaître que ce sont 35 milliards d’euros qui manqueront en 2015 pour atteindre ce modèle.

Au total, cette révision du modèle d’armée 2015 constitue un exercice de sincérité remarquable. C’était un exercice difficile, il faut le souligner. Contrairement à d’autres, le présent projet de loi ne prévoit pas une programmation « d’affichage ».

La sincérité du présent projet de loi n’empêche pas que, comme pour toute loi de programmation, il y ait des aléas.

Il y a tout d’abord ce que nous pourrions appeler les « faux aléas ».

À l’Assemblée nationale, l’opposition a insisté sur les deux aléas les plus visibles : les ressources exceptionnelles et la déflation des effectifs. Certains orateurs ont même suggéré que ces aléas mettaient en cause la sincérité du présent projet de loi. Cela nous semble totalement infondé. (M. Daniel Reiner s’exclame.)

S’agissant des ressources exceptionnelles, il faut bien distinguer le court terme du long terme.

À court terme, – ce n’est un secret pour personne et M. le ministre l’a reconnu lui-même – les ressources issues des cessions de fréquences hertziennes ne seront pas au rendez-vous en 2009. Par ailleurs, la société de portage que doivent créer la Caisse des dépôts et consignations et la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, devrait, selon M. le ministre lui-même, être mise en place seulement en octobre prochain. Les ressources prévues pour 2009 seront donc en retard. (M. Didier Boulaud s’exclame.) Cependant, la commission des finances ne pense pas que ce retard remette en cause l’équilibre du projet de loi, et ce même dans le cas très défavorable où le produit des cessions immobilières ne serait pas perçu à l’automne. (M. Didier Boulaud s’exclame de nouveau.) En effet, sur 1,6 milliard d’euros de ressources exceptionnelles prévues pour 2009 : 360 millions d’euros ont déjà été perçus, essentiellement sous la forme d’une soulte de la société nationale immobilière, la SNI ; …

M. Didier Boulaud. Au diable l’avarice !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … la moindre inflation devrait permettre des économies d’environ 300 millions d’euros ; le ministère de la défense devrait être autorisé à consommer plusieurs centaines de millions d’euros de reports de crédits de 2008 sur 2009 ; enfin, compte tenu du caractère somme toute modeste des montants en jeu – 1,6 milliard d’euros représente seulement 5 % des crédits de la mission « Défense » –, certaines dépenses peuvent être reportées sur 2010.

En ce qui concerne l’année 2009, la question des ressources exceptionnelles est donc, du point de vue de la commission des finances, un non-sujet.

Il est vrai qu’à long terme on peut craindre que le produit des cessions de bien immobiliers en province, initialement évalué à environ 400 millions d’euros, ne soit très inférieur aux prévisions…

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … à cause de la crise immobilière,…

M. Didier Boulaud. Mince alors !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … qui a fait fortement baisser les prix, et du fait que cette estimation est antérieure à la mise en place du dispositif de cession des biens à l’euro symbolique aux collectivités territoriales. Cependant, un aléa à la baisse de quelques centaines de millions d’euros d’ici à 2014 est, il faut bien le reconnaître, modeste.

M. Didier Boulaud. Oui, on a les moyens !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. On peut évidemment faire des scénarios-catastrophes où rien ne fonctionne, mais ils n’ont pas grand sens et, à ce jour, rien ne permet de penser qu’à l’échéance du présent projet de loi les ressources exceptionnelles ne seront pas globalement au rendez-vous. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)

M. Daniel Reiner. On vient d’avoir la loi de règlement !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Le second faux aléa est la réduction des effectifs.

De même, il paraît peu vraisemblable que l’équilibre du présent projet de loi soit remis en cause par une déflation des effectifs moins rapide que prévu.

Le ministère de la défense n’est pas dans la situation d’une entreprise qui chercherait à réduire ses effectifs. Il s’agit d’une armée, qui par nature présente des flux d’entrées et de sorties importants. On a évoqué tout à l’heure les problèmes que cela pouvait poser.

Quels sont les véritables aléas ?

Du point de vue de la commission des finances, l’un des principaux aléas, jusqu’à présent passé relativement inaperçu, est l’effet conjugué des modalités d’indexation retenues par le présent projet de loi et de l’inflation moins forte que prévu.

Le présent projet de loi, comme les lois de programmation antérieures, est défini en euros constants. On pourrait se dire a priori que c’est très bien, les crédits étant ainsi protégés de l’inflation. Cela n’est que partiellement le cas, parce que le présent projet de loi innove, en programmant non plus seulement les dépenses d’équipement, mais l’ensemble des dépenses, y compris les dépenses de personnel, qui ne dépendent pas de l’inflation et représentent environ un tiers des dépenses totales. Concrètement, cela signifie que si l’inflation est moins forte que prévu, le ministère de la défense fait des économies sur les deux tiers de ses dépenses, mais pas sur le tiers restant correspondant aux dépenses de personnel, de sorte qu’une faible inflation correspond pour lui à une perte de pouvoir d’achat. C’est donc l’inverse du panier de la ménagère. (M. André Vantomme s’exclame.)

Comme cela est expliqué dans le rapport de la commission des finances, à cause de la faible inflation en 2009 et 2010, au total, d’ici à 2014, le pouvoir d’achat de la mission « Défense » pourrait se trouver réduit d’environ 2 milliards d’euros (M. Didier Boulaud s’exclame) par rapport à une situation où l’inflation aurait été égale aux prévisions.

Bien entendu, il ne s’agit que d’un aléa. Rien ne permet d’exclure à ce stade que la perte de pouvoir d’achat de 2 milliards d’euros soit annulée d’ici à 2014 par une forte inflation. Il s’agit cependant d’un aléa significatif.

Un aléa connexe, concernant des montants plus modestes, tient au fait que, comme cela est expliqué dans le rapport, les crédits de paiement en 2009 et 2010 sont légèrement supérieurs à ce que prévoit explicitement le présent projet de loi. C’est, bien entendu, une bonne chose. Cependant, cela suscite une certaine incertitude pour l’avenir : …