M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … faut-il considérer qu’il s’agit de ressources définitivement acquises ou simplement de l’anticipation de ressources qui auraient dû être perçues ultérieurement ? Je privilégie la première hypothèse, mais il y a là également un facteur d’incertitude.

M. Didier Boulaud. Il n’y a pas de raison pour s’inquiéter !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Il existe d’autres aléas : l’un des principaux concerne le nombre de Rafale, cette question a été évoquée. Le présent projet de loi prévoit la livraison d’environ cinquante Rafale d’ici à 2014. Nous savons qu’en fonction des résultats à l’exportation, notre pays peut être amené à en acheter un peu plus, ce qui peut être positif, mais sur le plan budgétaire, cela peut poser des problèmes.

Il faut également mentionner le financement des opérations extérieures, les OPEX. Le présent projet de loi prévoit d’accroître considérablement les montants inscrits en loi de finances, ce qui constitue un progrès vers davantage de sincérité, et il faut s’en féliciter. Il est cependant probable que les surcoûts des OPEX continueront d’être supérieurs aux montants inscrits en loi de finances.

M. François Trucy, rapporteur pour avis. Comme d’habitude !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Le présent projet de loi innove en prévoyant que ce supplément sera financé par la réserve de précaution. Cependant, la rédaction retenue est ambiguë. En particulier, elle ne précise pas que la réserve de précaution utilisée sera celle des autres ministères. Dans ces conditions, il ne paraît pas impossible que le surcoût des OPEX continue d’être en partie financé par des crédits de la mission « Défense » qui n’étaient pas initialement prévus pour cela. La commission des finances, bien entendu, souhaite que cela ne se produise pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est un vœu pieux !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Un autre aléa concerne ce qui va se passer lors de la révision du présent projet de loi en 2012. Normalement les dépenses doivent augmenter de 1 % par an en volume à partir de 2012,…

M. Didier Boulaud. Cela va se corser !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … mais si les finances publiques continuent d’être très dégradées à cette date il y a un risque que les dépenses continuent d’être stabilisées en volume. Si le « zéro volume » était maintenu de 2012 à 2014, cela réduirait les crédits d’environ 1 milliard d’euros.

On peut également mentionner des aléas relativement « classiques » : cours du pétrole, coût de l’entretien du matériel, évolution de la masse salariale hors réductions d’effectifs, possibles dérapages de coûts de certains programmes qui, comme celui de l’A400M, peuvent poser des problèmes, commandes de matériels non actuellement prévus...

Au total, comme je vous l’ai indiqué, même en prenant en compte tous les aléas, y compris ceux qui sont liés à la crise économique (Sourires sur les travées du groupe socialiste), le présent projet de loi semble plus réaliste que les lois de programmation précédentes.

M. Didier Boulaud. Même la dernière ?

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. Il ne faut pas se le cacher : la crise économique ne facilite pas les choses. Cependant, selon les estimations de la commission des finances, si tous les aléas se réalisaient, ce qui correspond à un scénario très défavorable, reconnaissez-le,…

M. Didier Boulaud. Un scénario-catastrophe !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … il manquerait 7 milliards d’euros d’ici à 2014…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est rien !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … dont la moitié imputable à la crise économique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cette somme peut a priori sembler élevée, mais elle est faible si on la compare aux sommes qui ont manqué pour réaliser les deux lois de programmation précédentes : 13 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 1997-2002 et, essentiellement en raison de dépenses supérieures aux prévisions dans certains domaines, 8 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2003-2008.

M. Hervé Morin, ministre. Cela fait moins de 4 % !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. C’est exact, monsieur le ministre.

Je le répète, ce chiffre de 7 milliards d’euros…

M. Didier Boulaud. Il faut rajouter 50 années de prison à Madoff !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. … se rapporte à un scénario très défavorable, mais, comme chacun le sait, le pire n’est jamais certain. Quoi qu’il en soit, même après prise en compte de la crise économique, le présent projet de loi est plus réaliste que ceux qui l’ont précédé.

M. Didier Boulaud. Surtout le dernier !

M. Charles Guené, rapporteur pour avis. C’est en particulier eu égard à ce réalisme et à cette sincérité que la commission des finances a émis un avis favorable sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Pillet, rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie pour avis des articles 12, 13 et 14 figurant au chapitre VI du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Ces articles, qui modifient les dispositions relatives aux perquisitions judiciaires et au secret de la défense nationale contenues dans le code de procédure pénale, le code pénal et le code de la défense, visent à répondre aux incertitudes de notre droit relevées par le Conseil d’État dans son avis du 5 avril 2007.

Ils s’efforcent d’établir un équilibre entre deux objectifs constitutionnels : la nécessité de protéger le secret de la défense nationale et celle de disposer de moyens efficaces pour rechercher les auteurs d’infractions.

Alors que le droit en vigueur ne mentionne que les documents classifiés, le projet de loi introduit la référence aux lieux dans lesquels se trouveraient de tels documents, ainsi qu’aux lieux qui seraient en eux-mêmes classifiés. Il distingue ainsi les lieux classifiés, les lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale et les lieux neutres où sont incidemment découverts des éléments classifiés.

C’est dans la création des lieux classifiés que le projet de loi est à l’évidence le plus novateur et susceptible de soulever des interrogations tant nous pouvions craindre la création de lieux sanctuarisés interdits à toute visite ou pénétration, soit, en quelque sorte, comme le disent certains, des zones de non-droit.

J’indique tout d’abord que cette nouvelle notion répond très directement à une observation émise par le Conseil d’État, qui fait expressément référence au risque encouru par le juge du seul fait de sa présence dans l’un de ces lieux.

Ainsi, l’article 13 du projet de loi qui les institue les définit clairement comme des lieux « auxquels il ne peut être accédé sans que, à raison des installations et des activités qu’ils abritent, cet accès donne par lui-même connaissance d’un secret de la défense nationale ».

Par ailleurs, le texte tel qu’il a été amendé par l’Assemblée nationale devrait contribuer à apaiser les inquiétudes, voire les malentendus, sur ce point.

La décision de classification résulte d’un arrêté du Premier ministre, lequel sera lui-même soumis à deux conditions.

D’une part, seule la décision de classification fera l’objet d’une publication au Journal officiel, dans laquelle figurera la liste de ces lieux. En revanche, leur délimitation précise ne saurait être rendue publique et devra donc être nécessairement mentionnée à l’annexe, qui constituera elle-même un document classifié.

Cette publication présente un double avantage : elle écarte le soupçon de classification de pure circonstance, liée, par exemple, à l’ouverture d’une information judiciaire, et elle permet de connaître précisément le nombre de lieux classifiés.

D’autre part, la décision de classification devra être prise après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN. Cette garantie est très appréciable dans la mesure où l’impartialité de cette commission a été saluée par l’ensemble de ses interlocuteurs, et ses avis ont, jusqu’à présent, dans leur quasi-totalité, été suivis par le Gouvernement.

Enfin, la classification devra être prise pour une durée de cinq ans, afin d’inviter le Premier ministre à vérifier régulièrement le bien-fondé de sa décision. L’éventuelle prolongation fera l’objet d’une nouvelle procédure et sera rendue publique.

Le nombre de lieux classifiés devrait être extrêmement réduit, au nombre de dix-neuf ou de vingt, d’après les précisions que vous nous avez apportées, monsieur le ministre.

En outre, compte tenu des contraintes lourdes qui régissent l’accès aux lieux classifiés, en particulier l’exigence d’une habilitation accordée selon des critères très rigoureux à un nombre restreint de personnes, ces lieux devraient être également, en principe, étroitement circonscrits au sein des espaces protégés.

Voyons désormais ce qu’il en est des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale.

Cette notion, issue des travaux de l’Assemblée nationale, a remplacé la notion imprécise de lieux « susceptibles d’abriter des éléments couverts par le secret de la défense nationale », ce qui interdit une interprétation très extensive.

Les députés ont également souhaité que le choix de ces lieux fasse l’objet d’une procédure précise comportant trois garanties fixées par le législateur.

Premièrement, ceux-ci ont prévu que ces lieux seront mentionnés dans une liste établie de façon précise et limitative par arrêté du Premier ministre.

Deuxièmement, cette liste devra être régulièrement actualisée et communiquée à la Commission consultative du secret de la défense nationale ainsi qu’au ministre de la justice, qui devront la rendre accessible au magistrat de façon sécurisée.

Troisièmement, l’Assemblée nationale a indiqué que les conditions de délimitation des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale seront déterminées par décret en Conseil d’État.

Enfin, restent les lieux neutres, c'est-à-dire tous ceux qui ne relèvent pas des deux catégories précédentes et où, vraisemblablement, les informations classifiées se trouveront de façon tout à fait irrégulières et seront découvertes fortuitement.

Compte tenu des garanties apportées par l’Assemblée nationale au projet de loi, il convient, à notre avis, de maintenir le texte amendé.

Au regard de l’État de droit, il faut souligner – c’est un point essentiel – que la loi interdit désormais juridiquement l’existence de lieux totalement sanctuarisés : la définition des lieux classifiés et des lieux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale conduisant à considérer, par un effet de miroir, tout autre lieu comme un lieu neutre.

J’en viens à la procédure de perquisition.

L’Assemblée nationale s’est attachée à mieux encadrer la procédure de perquisition à seule fin de préserver non seulement les compétences, mais aussi les moyens d’action du magistrat et de garantir la protection du secret de la défense nationale.

La perquisition intervenant dans les lieux classifiés au titre du secret de la défense nationale est soumise à des conditions très strictes, liées à la protection renforcée attachée à ces lieux.

La perquisition ne pourra être réalisée que par le magistrat lui-même et en présence d’un membre de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

En outre, le texte précise que, préalablement à la perquisition, le magistrat doit adresser au président de la CCSDN une décision écrite et motivée, indiquant la nature de l’infraction sur laquelle portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de cette dernière.

La perquisition ne sera possible qu’après la déclassification des lieux par l’autorité administrative, cette déclassification ne valant d’ailleurs que pour le temps des opérations.

Dans les lieux abritant un secret de la défense nationale, l’Assemblée nationale a profondément modifié les modalités d’intervention du président de la CCSDN.

Tout d’abord, l’information préalable du juge sera limitée aux seules « informations utiles » à l’accomplissement de sa mission.

Cependant, ces informations doivent être entendues non pas de manière restrictive, mais dans le cadre d’un dialogue constructif entre l’autorité judiciaire et le président de la CCSDN, un dialogue absolument indispensable au succès même de la perquisition. Le président de la commission, ou son représentant, sera tenu de se transporter « sans délai » sur les lieux.

Enfin, les informations relatives à la nature de l’infraction sur laquelle portent les investigations ne seront communiquées au président de la commission qu’au commencement de la perquisition, à l’instant même où ces informations seront également transmises au chef d’établissement, à son délégué, ou à un responsable du lieu.

Concernant les perquisitions conduisant à la découverte fortuite de documents classifiés dans des lieux neutres, le magistrat, s’il ne se trouve pas sur les lieux, est immédiatement averti par l’officier de police judiciaire et doit informer le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale. L’Assemblée nationale a prévu la mise sous scellés des éléments classifiés par le magistrat ou l’officier de police judiciaire, sans que ces derniers puissent en prendre connaissance, et leur remise ou leur transmission au président de la CCSDN chargé d’en assurer la garde.

Le déroulement de la perquisition obéit aux mêmes principes destinés à garantir la protection du secret de la défense nationale.

Le dispositif proposé par le Gouvernement, sous réserve de quelques modifications, a été maintenu par l’Assemblée nationale. Il comporte plusieurs garanties au regard de la sauvegarde de ce secret.

Seul le président de la CCSDN peut prendre connaissance des éléments classifiés découverts sur les lieux. Le magistrat ne peut saisir que les éléments classifiés relatifs aux infractions sur lesquelles portent ses investigations.

Les éléments classifiés saisis sont inventoriés par le président de la CCSDN, puis placés sous scellés par ses soins.

Avant de conclure, je tiens à souligner mon regret de voir des dispositions modifiant le code de procédure pénale et le code pénal incluses dans un projet de loi de programmation militaire.

Pour autant, compte tenu des améliorations apportées par l’Assemblée nationale au texte présenté par le Gouvernement, les dispositions prévues aux articles 12 à 14 permettent d’établir un équilibre satisfaisant entre les deux objectifs constitutionnels, à savoir la protection des intérêts de la nation et la poursuite des infractions.

Par ailleurs, le cadre juridique fixé par le projet de loi exclura à l’avenir l’existence de lieux sanctuarisés et non identifiés, puisque le juge sera autorisé à y accéder.

J’ajoute que les procédures de perquisition s’inscrivent dans une logique assez proche des principes retenus par la procédure applicable aux perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat.

Enfin, le dispositif proposé accorde une place accrue à la Commission consultative du secret de la défense nationale, dont l’indépendance et l’impartialité n’ont jamais été remises en cause depuis sa création en 1998.

En conséquence, la commission des lois vous invite, mes chers collègues, à adopter sans modification les articles 12, 13 et 14 du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis deux ans, une vaste réforme modifie l’organisation de notre défense pour l’adapter aux réalités du monde d’aujourd’hui et de demain.

Le projet de loi de programmation qui nous est soumis constitue la clef de voûte de ce mouvement de réforme. Les enjeux sont extrêmement importants non seulement en matière de sécurité et de défense bien sûr, mais aussi en termes d’équipements, d’emplois et d’industrie.

Ces enjeux auraient mérité que les conditions d’un vrai débat soient réunies, tant en commission qu’en séance publique. Or, disons-le, tel n’a pas été le cas. Après le passage de la TVA à 5,5 % dans la restauration, la proposition de loi sur le travail du dimanche dont nous allons débattre la semaine prochaine, cela fera plusieurs fois, en l’espace de quelques jours seulement, que des dispositions aux conséquences considérables sont examinées par le Sénat dans des conditions insatisfaisantes.

M. Didier Boulaud. C’est la revalorisation du rôle du Parlement !

M. Yves Pozzo di Borgo. Mes chers collègues, cela ne peut pas durer ! On ne peut continuer à attendre de nous des votes conformes pour éviter un accident de parcours lors d’une seconde lecture à l’Assemblée nationale. On attend de nous que nous votions la loi, pas que nous confirmions les votes de l’Assemblée nationale !

M. Nicolas About. Très bien !

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce qui est en cause, monsieur le ministre, ce n’est pas ce projet de loi ni le travail colossal qui a été accompli en amont, mais nos conditions de travail, et je tenais à le dire.

En effet, il aurait été souhaitable que les craintes émises au sujet de l’article 5 et, plus largement, à propos du concept de sécurité nationale soient levées ; c’est l’une des innovations majeures introduites par le Livre blanc. Il s’agit là de proposer une stratégie de sécurité nationale qui apporte des réponses à l’ensemble des menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation. C’est une bonne chose, mais des réticences se sont exprimées, car associer sécurité intérieure et sécurité extérieure évoque de mauvais souvenirs.

En fait, c’est toute la pensée démocrate-chrétienne et libérale qui va à l’encontre de cette association. Nous ne savons que trop à quelles terribles dérives a mené, durant des décennies, l’ingérence des militaires dans la société, notamment en Amérique latine, et je ne parle pas de l’Algérie ou de la Chine à l’heure actuelle. Sans porter de jugement hâtif sur une situation complexe, les récents événements qui se sont produits au Honduras témoignent du fait que cette menace existe toujours. Il aurait donc été souhaitable qu’un débat moins contraint par le manque de temps permette de rassurer et de lever ces réticences.

De la même façon, il aurait été bon que nous puissions, nous aussi, prendre le temps de débattre des articles 12, 13 et 14 du projet de loi, et ce malgré l’excellente intervention de notre collègue François Pillet.

Les dispositions relatives au secret de la défense nationale adoptées par l’Assemblée nationale ont permis de trouver un juste équilibre entre la sauvegarde du secret-défense et la recherche des auteurs d’infractions. Au nom de mon groupe, je vous assure que cet équilibre nous semble tout à fait satisfaisant, et je me réjouis du fait qu’il redonne à l’exécutif toutes les prérogatives qui doivent lui revenir en matière de secret-défense.

Là encore, ce n’est pas le texte qui est en cause. En fait, dans cette affaire, c’est la forme qui aurait pu être améliorée. Le fond, en revanche, est à la hauteur de l’enjeu.

L’enjeu, c’est la sécurité de demain.

D’abord, il faut la financer. Ce texte le permet, puisqu’il constitue la première étape d’un effort de 377 milliards d’euros pour la défense d’ici à 2020. Sur la période 2009-2014, 186 milliards d’euros seront affectés à la mission « Défense », dont 102 milliards pour l’équipement des forces.

Depuis la fin de la guerre froide, le monde a changé ainsi que les menaces. Mais, n’en doutons pas, la sécurité de demain reste la dissuasion. Elle n’est plus suffisante, c’est indiscutable, mais elle doit rester « l’assurance vie de la nation ». Ce sera possible avec cette future loi de programmation, car elle nous permettra de maintenir notre effort dans ce domaine et de le renforcer par le lancement d’un programme d’alerte avancée.

À ce sujet, monsieur le ministre, il me semble très important de préparer le développement d’un programme d’alerte spatiale, car il doit fournir une composante essentielle du futur système global d’alerte avancée.

Pour l’alerte spatiale, le démonstrateur d’alerte avancée Spirale, système préparatoire infrarouge pour l’alerte, dont les deux satellites ont été lancés mi-février 2009, confirme, à ce stade, la faisabilité d’une première capacité opérationnelle. Pour que ce démonstrateur joue tout son rôle, les compétences requises doivent être maintenues et les investissements planifiés. L’identification d’un budget industriel dès 2010 pour cette activité est importante.

Si mes informations sont correctes, ce sont 700 millions d’euros qui sont nécessaires pour que le projet soit opérationnel en 2016. C’est peu, surtout comparé aux dizaines de milliards d’euros que les États-Unis dépensent depuis 1982 et 1983 pour construire leur bouclier antimissile. C’est peu pour que la France puisse proposer à l’Europe une protection antimissile autonome.

Ce projet me semble extrêmement intéressant. J’espère que les orientations qui seront arrêtées permettront de dégager les moyens nécessaires.

Aujourd’hui, le programme 191 : « Recherche duale (civile et militaire) » nécessite que sa stratégie soit confortée. Depuis cinq ans, il consiste en la reconduction de crédits à deux opérateurs : le Centre national d’études spatiales, CNES, et le Commissariat à l’énergie atomique, CEA. Cette situation n’est pas satisfaisante ; mon collègue Christian Gaudin l’avait signalé lors de l’examen de la dernière loi de finances et avait proposé la création d’un programme dédié, « recherche spatiale », pour financer spécifiquement les travaux de recherche du Centre national d’études spatiales. Cette idée mériterait d’être approfondie.

Pour reprendre l’exemple du démonstrateur Spirale, ce système d’alerte spatial pourra avantageusement contribuer à la surveillance spatiale et aérienne, ainsi qu’à l’observation de phénomènes naturels comme les irruptions volcaniques ou la surveillance d’activité de certaines installations industrielles.

Depuis le lancement par les Russes du premier satellite artificiel de la terre, le 4 octobre 1957, le fameux Spoutnik, l’espace a pris une importance considérable dans nos systèmes de défense. C’est sans aucun doute l’un des principaux enjeux stratégiques de demain. La France ne doit pas prendre de retard dans ce domaine. C’est tout notre système d’information, de communication et de repérage qui est en jeu !

Aujourd’hui, ce système est vulnérable. Afin que tous les moyens soient mobilisés pour le protéger, il me semblerait intéressant de donner à l’espace toute la place institutionnelle qu’il mérite. À côté des trois armées – terre, air, mer –, peut-être pourrait-on envisager que l’espace ait, sinon une armée dédiée, du moins un état-major ? Je sais que cela est prévu dans votre texte, monsieur le ministre, et, selon moi, l’armée française devrait en effet compter non pas trois, mais quatre états-majors !

Face aux nouvelles menaces – le terrorisme, la prolifération nucléaire, les menaces chimiques, bactériologiques, ou les cyberattaques –, la sécurité de demain, notre première protection, c’est aussi le renseignement. La future loi de programmation militaire permet d’agir dans ce domaine en érigeant la connaissance et l’anticipation en nouvelle fonction stratégique.

Concrètement, il s’agit de créer sept cents postes dans les services de renseignement, de lancer avec nos partenaires européens le programme MUSIS – multinational space-based imaging system for surveillance, reconnaissance and observation –, ou encore de mettre en orbite le satellite d’écoute électromagnétique CERES – Clouds and Earth’s Radiant Energy System.

L’un des grands enjeux de la défense de demain, nous le savons, c’est l’amélioration de la disponibilité. Là encore, cette future loi de programmation est à la hauteur.

Par exemple, elle va permettre la montée en puissance du service industriel de l’aéronautique, créé début 2008, et le regroupement géographique des parcs selon leur emploi. Globalement, il s’agit d’optimiser le soutien par une gestion dynamique des besoins.

Cette optimisation passe aussi par l’extension des nouveaux modes de contractualisation, plus globaux, plus efficaces, avec les industriels de défense – DCNS, Nexter, Dassault – et par le développement du contrôle de gestion sur toute la filière.

Surtout, la sécurité de demain, c’est la coopération avec nos alliés. L’orientation du Livre Blanc à ce sujet est claire : avec nos partenaires européens et atlantiques, nous avons bien plus que des intérêts communs ; nous avons un destin commun. Cela doit se traduire par une véritable ambition européenne en matière de défense.

Sous la présidence française de l’Union européenne, l’Europe de la défense a été relancée autour de projets concrets. Monsieur le ministre, vous en avez été l’un des acteurs. Je pense à la mise en œuvre d’un ERASMUS militaire pour les officiers, à la constitution d’un groupe aéronaval européen, à la création d’une flotte européenne de transport, ou encore à la constitution d’un réseau de surveillance maritime des côtes européennes.

Ces initiatives concrètes et le fait que la France ait rejoint le commandement militaire intégré de l’OTAN n’échappent pas à nos partenaires. Membre de l’Union de l’Europe occidentale, je me rends compte que cela fait bouger les lignes !

Depuis quelque temps, le Royaume-Uni se rapproche de l’Union européenne en matière de défense et, avec ce mouvement, se rapproche aussi la perspective d’une véritable Europe de la défense forte, portée par les deux grandes puissances militaires que sont la France et la Grande-Bretagne. J’y vois beaucoup d’espoir.

À terme, cette défense européenne doit permettre de mener des opérations militaires autonomes, y compris des opérations d’envergure significative. Il est affirmé sans ambiguïté dans le Livre Blanc que cette autonomie n’est pas concurrente de l’Alliance atlantique ; bien au contraire, elle la renforce. C’est l’une des idées clefs du Livre Blanc dont cette future loi est la déclinaison législative : la complémentarité entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Cette idée forte rejoint pleinement les fondamentaux de la « doctrine défense » de la famille centriste, inscrite dans le marbre par Jean Lecanuet, l’un de vos prédécesseurs à la commission des finances.

Là encore, en rapprochant nos équipements de ceux de nos partenaires, en facilitant l’interopérabilité, en permettant à notre industrie de la défense de nouer plus facilement des partenariats avec des entreprises européennes, cette future loi de programmation est à la hauteur.

Enfin, la sécurité de demain, ce sont des femmes et des hommes qui se dévouent. Il faut leur offrir les meilleures conditions matérielles, organisationnelles et financières possibles. Il faut que tout soit mis en œuvre non seulement pour que leur protection soit maximale lorsqu’ils interviennent, mais aussi pour qu’ils puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions hors des zones d’intervention.

Monsieur le ministre, l’immense mouvement de réforme de notre défense que vous avez engagé représente un effort important pour ces hommes et ces femmes qui la servent. Ce mouvement fait donc l’objet d’un plan massif d’accompagnement pour tous les personnels. Là encore, ce plan est à la hauteur : 140 millions d’euros par an de mesures d’aide au départ, à la mobilité et à la formation pour le personnel du ministère de la défense.