M. Michel Charasse. Le compte rendu est intégral, ce qui n’arrange pas toujours certains !

Mme Dominique Voynet. J’en viens à l’amendement n° 55.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit tout à l’heure que vous ne voyiez pas très bien ce que recouvraient les fonctions de médiation et de prévention. Vous avez certainement fait de la peine à Gisèle Gautier et à d’autres sénateurs qui contribuent aux travaux de la Coordination internationale pour la décennie de la culture de non-violence et de paix, initiative de l’ONU, qui est soutenue par des sénateurs de tous les groupes de cette assemblée.

Nous devons nous garder, dans certaines instances, de plaider pour la paix et la prévention des conflits et, dans d’autres, de dire que nous ne voyons pas exactement à quoi ces concepts renvoient.

Cet amendement a pour objet de préciser que notre pays prendra des initiatives pour développer les capacités de médiation et d’intervention pacifique, car le rôle d’une politique de sécurité et de défense, au niveau tant national qu’européen, est autant de prévenir les conflits susceptibles de se déclarer que de les circonscrire une fois qu’ils ont éclaté et que l’on en est à déplorer des affrontements sanglants.

Pour ce faire, il est primordial de favoriser l’émergence d’une culture de la paix fondée sur les principes de liberté, de justice, de démocratie, de tolérance et de solidarité ainsi que sur les droits de la personne humaine.

Il convient donc de développer toutes les opportunités de négociation et de dialogue entre les peuples et leurs représentants, en s’appuyant sur les possibilités offertes par l’Organisation des Nations unies et ses différentes institutions.

La France pourra même militer auprès de l’ONU pour que soit créée une agence spécialisée dans la médiation et la prévention. Les ONG font un travail essentiel, en particulier sur le terrain, mais il est sans doute insuffisant. C’est pourquoi, pour atteindre ces objectifs ambitieux, pour protéger la paix, il me paraît indispensable d’amplifier, de relayer et d’institutionnaliser leurs actions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je tiens à rassurer Mme Voynet. Comme l’a dit notre collègue Michel Charasse, les comptes rendus dans cette maison ne sont absolument pas émollients. Nous disposons d’un compte rendu intégral qui retranscrit très fidèlement nos propos.

J’assume totalement les propos que j’ai tenus tout à l’heure. J’ai innocemment fait remarquer qu’il y avait une convergence, madame Voynet, entre votre amendement et celui de M. Chevènement et que ces convergences étaient rares. C’est tout ce que j’ai dit.

Cela étant, je suis défavorable à votre amendement pour des raisons qui ont été exposées précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Dans le projet de loi de programmation militaire est largement évoquée la fonction stratégique de la prévention. Cet amendement étant satisfait, le Gouvernement y est donc défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 55.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, je n’avais pas compris que c’était M. Chevènement que vous souhaitiez taquiner. J’avoue que c’est en effet tentant.

Si M. Chevènement et moi sommes d’accord, c’est que vraiment l’enjeu est d’importance. Cela arrive suffisamment rarement pour que le Gouvernement et la commission dressent l’oreille et portent une attention particulière à une telle proposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 130, présenté par Mme Demessine, MM. Hue, Billout et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du 1.2.2. du rapport annexé :

La rénovation des concepts stratégiques de l'OTAN ne peut se concevoir que dans la perspective de l'élaboration d'une politique européenne de sécurité de défense.

La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Depuis la dissolution du Pacte de Varsovie, l’OTAN tente d’élaborer de nouveaux concepts stratégiques pour s’adapter aux réalités du monde actuel. En effet, elle peut légitimement s’interroger sur l’utilité de maintenir une alliance défensive, alors que le seul adversaire qu’elle avait identifié n’existe plus.

Cependant, force est de constater que ces concepts stratégiques développés en vue de répondre aux nouveaux risques et menaces de notre époque sont en tous points conformes à la conception américaine du monde.

L’objectif des États-Unis reste de transformer l’OTAN en une « alliance globale » tous azimuts, élargissant progressivement son périmètre et sa zone d’intervention et se substituant à l’ONU lorsque celle-ci est défaillante.

Washington conserve une influence déterminante dans la réflexion sur les nouveaux concepts stratégiques. Selon moi, le fait d’avoir obtenu la nomination d’un officier général français au commandement dit de la « transformation » à Norfolk n’y change pas grand-chose.

Constituée autour d’un bloc occidental dans lequel les États-Unis continueront de régner en maîtres, l’OTAN apparaîtra toujours, aux yeux de nombreux pays et de nombreux peuples, comme le bras armé de l’interventionnisme hégémonique des Américains.

Parallèlement, l’élaboration d’une véritable politique européenne de sécurité et de défense peine à progresser, quoi qu’en dise M. de Rohan. Nous persistons à penser – et nous ne sommes pas seuls dans ce cas, tant s’en faut – que la présidence française de l’Union européenne n’a pas tenu ses promesses. Aucun progrès décisif n’a été obtenu sur les questions fondamentales que sont la création d’un état-major permanent de planification des opérations ou d’une agence européenne d’armement dotée d’une réelle autorité.

Pour notre part, nous sommes favorables à une organisation européenne de sécurité collective émancipée de l’OTAN, dont elle ne doit pas être un sous-traitant. Cette organisation devrait avoir pour vocation la prévention des crises, en se fondant sur la résolution multilatérale et politique des conflits et le respect du droit international et des résolutions de l’ONU.

C’est la raison pour laquelle nous souhaitons voir explicitement inscrit dans le chapitre du rapport annexé consacré aux relations transatlantiques que la rénovation de l’OTAN ne peut pas ne pas tenir compte de la nécessité d’une politique européenne de sécurité et de défense.

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall, Charasse et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

ira de pair avec 

par le mot :

implique 

II. - Dans la deuxième phrase du même alinéa, remplacer les mots :

elles sont

par les mots :

elles doivent être

III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :

Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de rénovation de l'OTAN.

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Voilà près de cinquante ans, le président Kennedy disait déjà que l’Alliance atlantique devait reposer sur deux piliers.

La rénovation de l’Alliance atlantique « implique », selon nous, la constitution d’une défense européenne. Nous indiquons en outre que l’une et l’autre « doivent être » complémentaires, car cela ne va pas de soi, et que « le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de rénovation de l’OTAN ».

La démarche solide et réaliste qui sous-tend cet amendement nous avait d’ailleurs été « vendue » par le Président de la République,…

M. Didier Boulaud. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Chevènement. … mais n’a pas été mise en pratique. Mme Demessine ayant présenté une rédaction modérée et de bon sens, peut-être meilleure que la mienne, je retire mon amendement au bénéfice du sien.

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié est retiré.

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - À la première phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

qui ira de pair avec

par le mot :

impliquant

II. - Rédiger comme suit la deuxième phrase du même alinéa :

L’OTAN et l’Union Européenne, complémentaires, sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises.

III. - Rédiger comme suit la dernière phrase du même alinéa :

Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune est la condition de la rénovation de l’OTAN.

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Approuver le rapport annexé à l’article 2 revient à valider la stratégie développée dans le Livre blanc.

Il me paraît hasardeux de considérer que la « rénovation de la relation transatlantique », telle qu’évoquée dans le 1.2.2 de ce rapport et donc dans le Livre blanc, serait propice à l’établissement d’une relation équilibrée entre la politique européenne de sécurité et de défense et l’OTAN, d’une part, et entre l’OTAN et les pays non membres de cette instance née à la fin de la Seconde Guerre mondiale et dont la raison d’être était la guerre froide, d’autre part.

Un concept stratégique n’est en effet pertinent que s’il est adapté aux situations à venir – changement climatique, tensions sur les ressources énergétiques, multipolarité du monde, émergence d’un terrorisme radical à foyers multiples – et ne s’inspire pas seulement des crispations du passé.

L’argument selon lequel le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN favoriserait l’émergence d’une véritable défense européenne est de courte vue. Les freins à l’avènement de celle-ci n’étaient pas liés à la position originale de la France dans l’OTAN. En réalité, nos partenaires européens n’ont jusqu’à présent pas réellement souhaité s’engager sur cette voie parce qu’ils ont le sentiment que l’OTAN leur offre une protection suffisante et que certains d’entre eux y voient une menace pour la relation privilégiée qu’ils entendent entretenir avec les États-Unis.

Par ailleurs, il est malheureusement à craindre que le choix du retour au sein du commandement intégré ne constitue une entrave à la prévention des conflits et à l’affirmation d’une préférence pour les efforts diplomatiques multilatéraux par rapport aux réponses militaires d’un seul acteur, fût-il un acteur collectif, regroupant un ensemble de pays qui, à l’échelle du monde, se ressemblent tout de même beaucoup.

De ce fait, la France doit continuer à militer pour le développement d’une défense européenne, propre à répondre aux défis de demain et à offrir des solutions variées, loin des oppositions qui ne peuvent qu’alimenter la crainte d’un choc des civilisations.

Cet amendement vise par conséquent à inscrire la défense européenne comme le moyen incontournable d’établir des relations transatlantiques, et plus largement mondiales, coordonnées et apaisées.

Dans un souci de clarification, je me rallie à la position de M. Chevènement, au risque que certains y voient des fraternités tout à fait suspectes (Rires sur les travées de lUMP et de lUnion centriste), et je soutiens la rédaction proposée par Mme Demessine.

M. Didier Boulaud. Les fraternités suspectes n’existent pas à droite…

M. le président. L'amendement n° 56 est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 130 ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Cet amendement tend à faire du renforcement de la PESD une condition de la rénovation de l’OTAN.

Certes, un tel renforcement des capacités européennes en matière de défense ne peut, à mon sens, qu’être bénéfique. Quelques signes en ce sens ont d’ailleurs déjà été envoyés, même si certains d’entre vous, mes chers collègues, considèrent qu’ils sont insuffisants : je pense notamment à la révision des postes de commandement, qui a donné une plus grande place, à des niveaux de responsabilité importants, aux Européens, et en premier lieu aux Français, le commandement de l’Allied Command Transformation, l’ACT, ayant ainsi été confié au général Abrial.

Bien entendu, ce rééquilibrage ne sera possible que si les Européens se montrent plus volontaires en matière d’effort de défense.

L’expérience nous a appris que la PESD et l’OTAN sont complémentaires. J’espère que, à l’avenir, la PESD sera la plus consistante et la plus importante possible, mais il est certain, en tout cas, qu’elle ne verra jamais le jour si elle apparaît comme une politique de substitution ou même antagoniste par rapport à l’OTAN. En effet, nous ne convaincrons jamais nos partenaires de troquer l’une contre l’autre.

Mme Michelle Demessine. La PESD sera un sous-traitant de l’OTAN, alors !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Madame Demessine, depuis 1949 – cela fait soixante ans ! –, le Parti communiste nous chante la même chanson : « US go home » !

M. Christian Cambon. Très bien !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Vous avez toujours été contre l’OTAN, depuis le début !

Mme Michelle Demessine. Nous ne sommes plus les seuls !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Je vous reconnais le mérite de la constance, ce qui vous distingue de M. Chevènement, qui, en tant que ministre de la défense, a participé à un très grand nombre de conseils de l’OTAN et a par conséquent accepté cette organisation, même s’il souhaite qu’elle soit rénovée.

Il ne s’agit pas de réduire la question de la relation transatlantique à la seule PESD. D’autres volets très importants doivent être examinés : la révision des concepts stratégiques de l’OTAN, l’allégement des structures, demandé par la France, les États-Unis et le Royaume-Uni, la clarification des missions ou la refonte de la planification de défense.

L’amendement n° 130 ne prend pas en compte ces nécessités. Par conséquent, la commission y est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Madame Demessine, je vous sais objective.

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Constante !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Par conséquent, lorsque vous affirmez que la présidence française de l’Union européenne n’a pas été un succès,…

M. Didier Boulaud. Dans le domaine de la défense !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. … vos propos dépassent certainement votre pensée ! En effet, tous les États membres ont souligné l’engagement et la détermination du Président de la République au cours de cette période, ainsi que l’implication du Gouvernement, notamment du ministre de la défense, sur des sujets importants et essentiels. Je ne peux donc pas vous laisser dire que la présidence française de l’Union européenne n’a pas atteint ses objectifs.

M. le rapporteur l’a déjà indiqué, un officier général français, actuellement chef d’état-major de l’armée de l’air, va occuper une fonction ô combien stratégique au sein de l’OTAN.

Renforcer la PESD et renforcer l’OTAN sont les deux volets d’une même démarche. Le Gouvernement n’entend pas revenir sur ce point. L’Union européenne et l’OTAN ont chacune leurs spécificités, leurs objectifs et leur dynamique propres, mais elles sont toutes deux nécessaires à la sécurité et à l’action de la France sur la scène internationale.

Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 130.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. Je voudrais rappeler à M. de Rohan que, à l’époque qu’il a évoquée, le ministre français de la défense ne siégeait pas au Conseil des ministres de la défense de l’OTAN. C’est seulement au début des années quatre-vingt-dix que François Mitterrand a mis fin à cette politique d’abstention. Par la suite, le chef d’état-major des armées a été envoyé au comité militaire.

Cela ne m’a pas empêché d’avoir de bonnes relations avec mes homologues américains – notamment M. Carlucci, qui m’avait invité à Washington – et d’étudier avec eux le perfectionnement des accords qui unissaient la France à l’OTAN. J’ai également essayé de convaincre M. Cheney, avec qui j’ai eu un entretien sur ce thème le 23 octobre 1990, qu’il ne fallait pas briser l’échine de l’Irak, au risque d’ouvrir la voie au fondamentalisme et à la domination de l’Iran sur la région. Je ne le connaissais pas encore à l’époque, et je pouvais espérer que ces arguments de bon sens finiraient par le convaincre. Je regrette que tel n’ait pas été le cas, mais, entre alliés, les rapports doivent être marqués du sceau de l’amitié et de la franchise.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 130.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, insérer une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, la politique européenne de sécurité et de défense commune est autonome.

La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. L’Union européenne n’est pas de même nature que l’OTAN. Il est donc nécessaire d’affirmer l’autonomie de la PESD.

La nouvelle politique inspirée par le Président de la République nous place à la remorque de l’Alliance atlantique. Or le renforcement de l’Union européenne dans le domaine de la gestion des crises et de la sécurité ne doit pas être tributaire de la « rénovation » de l’OTAN.

Cet amendement vise à préserver une politique européenne de défense spécifique. Celle de la France a toujours été originale et volontariste, ce qui a permis à la défense européenne de commencer à grandir.

L’Union européenne, contrairement à l’OTAN, n’est pas une alliance militaire. Or le texte qui nous est présenté confond les deux entités. La PESD est une politique de l’Union européenne, alors que l’OTAN est une organisation militaire. Nous devons conforter la PESD afin qu’elle puisse disposer de moyens autonomes, faute de quoi elle ne sera qu’un appendice de l’Alliance atlantique.

Il ne s’agit pas de rejeter la recherche d’une complémentarité entre la PESD et l’OTAN. Cependant, il n’est pas choquant de tenir compte des différences objectives qui distinguent les États-Unis, directeurs politiques de l’Alliance atlantique, de l’Europe, qu’il s’agisse de la géographie, des intérêts stratégiques ou du rapport à l’usage de la force et au respect du droit international.

La politique européenne de sécurité et de défense commune doit être autonome pour exister.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’autonomie de l’Union européenne résulte des traités et est attestée par la plupart des opérations militaires ou civiles qu’elle a menées. Le rapport annexé mentionne d’ailleurs notre ambition de faire de l’Union européenne un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale.

L’ajout qu’il est proposé d’insérer dans le texte au travers de cet amendement ne paraît pas nécessaire. L’Union européenne et l’OTAN sont bien entendu autonomes, mais le fait que vingt et un pays soient membres de l’une et de l’autre impose qu’il existe une compatibilité entre les deux organisations.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Comme l’a fort bien dit M. le rapporteur, il va de soi que la politique européenne de sécurité et de défense commune est autonome ; sinon, comment pourrait-elle être complémentaire de l’OTAN ?

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le secrétaire d’État, ce débat doit être l’occasion d’un échange approfondi.

L’amendement déposé par le groupe socialiste est de bon sens. En effet, croyez-vous que les États-Unis souhaitent véritablement une politique européenne de sécurité et de défense autonome ? Dans leur excellent livre L’Amérique face au monde, paru à la fin de 2008, MM. Brzezinski et Scowcroft appellent de leurs vœux un meilleur partage du fardeau entre les États-Unis et l’Europe,…

M. Didier Boulaud. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Chevènement. … mais ils ne souhaitent pas l’avènement d’une défense européenne autonome…

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Complémentaire !

M. Jean-Pierre Chevènement. … qui pourrait faire de l’ombre à leur pays. Cela est dit très clairement.

Nous devons donc nous entendre sur les mots. L’adjectif « complémentaire » prêtant à confusion, il faut nettement indiquer que nous visons un partage des responsabilités. Voilà ce que signifie l’expression « politique autonome ».

M. Didier Boulaud. Exactement !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Il faut en effet préciser les choses. Les États-Unis et la France considèrent que, au sein de l’Union européenne comme au sein de l’OTAN, un certain nombre de pays n’assument pas leurs responsabilités en matière de défense, estimant que le parapluie américain suffit et qu’ils n’ont aucunement à inscrire dans leur budget des dépenses militaires. Nous ne pouvons donc que faire nôtre ce souhait des Américains d’un meilleur partage du fardeau.

Cela étant, une autre question est de savoir si les États-Unis accepteraient ou non une politique européenne de sécurité et de défense. À Bucarest, M. Bush s’était prononcé favorablement sur ce point, position confirmée par l’administration américaine actuelle.

Si l’Europe entend se doter d’une politique européenne de sécurité et de défense, ce ne sont donc pas les États-Unis qui s’y opposeront, car ils savent que leurs alliés veulent que cette politique soit complémentaire de celle de l’OTAN,…

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Bien sûr !

M. Josselin de Rohan, rapporteur. … mais les Vingt-Sept sont pusillanimes.

Je ne vois donc pas où est la difficulté. La véritable question est plutôt de savoir si l’Europe veut vraiment une politique européenne de sécurité et de défense. En tout cas, tel est le souhait de la France, et je crois qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Chevènement, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 57 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. - Dans le second alinéa du 1.2.2 du rapport annexé, remplacer les mots :

s'effectue

par les mots :

ne peut s'effectuer que

II. - Dans le même alinéa, après les mots :

principes suivants :

insérer les mots :

autonomie de nos concepts doctrinaux ;

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié.

M. Jean-Pierre Chevènement. Dans le rapport annexé, il est indiqué que le rapprochement avec la structure de commandement de l’OTAN s’effectue dans le respect des principes suivants : indépendance complète de nos forces nucléaires, absence d’automaticité dans nos engagements militaires, accroissement de nos capacités de renseignement, liberté permanente de décision. Je souhaite simplement ajouter à cette liste l’autonomie de nos concepts doctrinaux. N’oublions pas, en effet, que la pensée précède l’action !

Ainsi, nous avons refusé de participer à l’invasion de l’Irak, que ce soit au sein de la coalition des pays volontaires ou dans le cadre de l’OTAN, en procurant un certain nombre de facilités matérielles aux forces d’invasion, parce que nous pensions qu’il n’existait pas d’armes de destruction massive dans ce pays et que l’on n’exporte pas la démocratie par la force des baïonnettes ou des missiles. Bref, sur ces sujets, nous avions une doctrine autonome.

Mon amendement vise simplement à préciser que nous devons préserver l’indépendance de notre pensée ; tout le reste en découle.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 57.

Mme Dominique Voynet. Dans le prolongement de mes amendements précédents, qui avaient pour objet de préciser que la politique étrangère et de sécurité européenne était complémentaire de l’OTAN, mais autonome dans ses fondements, il s’agit d’insister sur le fait que l’autonomie de nos concepts doctrinaux doit être à chaque instant réaffirmée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Josselin de Rohan, rapporteur. L’autonomie de nos concepts doctrinaux ne paraît pas remise en cause dès lors que les principes de liberté d’appréciation et de décision de la France, ainsi que d’autonomie stratégique, ont été clairement posés.

Nous n’avons jamais été contraints de participer à la moindre opération de l’OTAN ; lorsque nous nous sommes engagés, ce fut de notre propre autorité et en toute indépendance.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Ainsi que le souligne le Livre blanc, l’engagement de la France dans l’OTAN n’altère pas notre autonomie, puisque sont sauvegardées l’indépendance de nos forces nucléaires, la liberté d’appréciation de nos autorités et, surtout, la liberté de décision d’engagement de nos forces.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 57.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 58, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Au début du 1.2.3 du rapport annexé, ajouter deux alinéas ainsi rédigés :

La France prendra des initiatives permettant de relancer un processus coordonné de réduction du nombre de têtes nucléaires et de démantèlement des arsenaux nucléaires. Elle participera activement aux efforts de réduction et de maîtrise des armements dans l’optique d’un désarmement général et complet.

La France veillera notamment à l’universalisation du traité de non prolifération et à celle du traité international d’interdiction des essais nucléaires. Elle soumettra, à la conférence d’examen du Traité de non prolifération de 2010 et lors des réunions préparatoires, des propositions pour renforcer le régime de non-prolifération.

La parole est à Mme Dominique Voynet.