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Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour l'environnement
Discussion générale (suite)

Engagement national pour l'environnement

Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

(Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement (urgence déclarée) (projet n° 155, texte de la commission n° 553, rapport n° 552, avis nos 563, 576).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d’État. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant engagement national pour l'environnement
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de vous dire tout le plaisir que nous avons, avec Dominique Bussereau, Valérie Létard, Chantal Jouanno et Benoist Apparu, à nous retrouver devant vous pour le début de ce troisième acte parlementaire, après la loi de finances pour 2009 qui a traduit en termes budgétaires et fiscaux les engagements de l’accord des parties du Grenelle de l’environnement et après le Grenelle fondateur qui est un texte de définition des objectifs partagés, des normes, des outils, des moyens budgétaires, bref le pacte fondateur de notre République pour une mutation vitale pour notre avenir et pour l’histoire de l’humanité.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui concerne directement les territoires, qui sont déjà engagés dans la démarche environnementale. Il vise à définir les outils qui leur permettront d’accroître leur capacité d’action, de coordination et de conduire cette mutation avec une plus grande cohérence.

La doctrine n’a pas changé. Cette mutation est tellement importante pour notre société qu’elle ne peut être dictée par un corps social, un exécutif, une catégorie sociale : nos 62 millions de concitoyens et chaque corps qui exerce des responsabilités sur le territoire national doivent se l’approprier.

Permettez-moi d’évoquer le contexte car s’il est important de voter des textes et de définir de règles, il est tout aussi important d’observer ce qui s’est passé.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, la mutation que vous avez voulue s’opère dans les territoires. En matière de mobilité durable, trente-huit agglomérations ont obtenu les financements nécessaires à la réalisation de 400 kilomètres de transports en commun en site propre : 329 kilomètres en trente-cinq ans, 400 en dix-huit mois, sur les 1 500 qui sont prévus !

En matière de transports de voyageurs sur les moyennes et longues distances, que l’on songe aux accords qui ont été signés avec la Bretagne et l’Est ou qui seront conclus dans quelques jours, je l’espère, avec le Sud-Ouest. Que l’on songe également aux travaux de régénération de l’ensemble du tissu ferroviaire, au contournement de Montpellier et de Nîmes, ou encore à celui de Lyon qui est engagé.

Dans quelques jours, nous évoquerons le grand enjeu du fret ferroviaire avec les autoroutes ferroviaires cadencées, les trains de marchandises à grande vitesse, les opérateurs ferroviaires portuaires et les opérateurs de proximité.

Que l’on songe aussi à l’extraordinaire évolution du monde de la mobilité automobile. La logique du bonus-malus écologique ne se limitait pas à réduire les émissions de gaz carbonique du parc français – nous les réduisons d’un gramme par mois en France, contre un gramme par an au niveau européen, soit douze fois plus. Notre objectif était d’envoyer un signal aux constructeurs, de leur montrer que les voitures décarbonées constituent non pas une niche, une sous-spécialité, mais le cœur de leur métier de demain. La réussite violente du bonus-malus écologique, qui a déplacé 52 % du marché pour une prévision d’un peu moins de 3 %, montre que tous les constructeurs européens, quelle que soit leur taille, ont décidé de jouer à fond la carte du véhicule décarboné.

Le 23 septembre prochain, je présenterai l’ensemble du dispositif français : productions, batteries, infrastructures. Nous avons mis 400 millions d’euros à la disposition de la filière. À Chambéry, nous avons encouragé la synergie des compétences en matière de stockage de l’énergie, notamment avec les piles lithium-ion, et nous ferons de même pour les piles lithium-polymère.

Bref, la révolution de l’automobile décarbonée est lancée et elle continuera à retenir toute notre attention.

Si je devais résumer notre action, je dirais simplement ceci : L’INSEE, les services du ministère, la nomenclature européenne ainsi qu’un cabinet extérieur – le Boston consulting group – vous ont remis un rapport indiquant que grâce aux décisions qui ont d’ores et déjà été prises en France notre pays est sur une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 24 à 26 % et d’une création de quelque 600 000 emplois, ce qui en fait objectivement, parmi les pays industrialisés, l’un des leaders.

Sur la même période, l’administration américaine, qui est aujourd’hui très allante sur ces sujets, envisage un engagement de l’ordre de 6 %... Si la tendance se poursuit, nous devrions diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, de nombreuses avancées ont été introduites par le Sénat dans la loi Grenelle I. Je pense notamment aux propositions de Jean-Paul Alduy, Philippe Leroy, Pierre Jarlier, Philippe Richert, Paul Raoult, Dominique Braye, Jean Bizet, Jean-Pierre Vial, Jean-François Le Grand, Marie-Christine Blandin, Fabienne Keller, Marcel Deneux, Évelyne Didier, Claude Saunier et Pierre Laffitte.

J’ai été profondément marqué, au cours de toute cette période, par les réflexions que j’ai entendues : « Les Français ne sont pas capables de faire ce saut ! », « Ils ne feront pas le Grenelle ! », ou encore « Les portes se claqueront ! ». La magie a pourtant opéré : les fédérations professionnelles, les syndicats, les collectivités, le Parlement et les ONG se sont mis d’accord sur un programme national pour tous les aspects de la vie.

« L’argent ne suivra pas », entendit-on alors. Or les financements ont bien été prévus dans la loi de finances, de nombreuses mesures fiscales portant sur les années 2009-2011.

« Le Parlement va renier l’ensemble des propositions », objecta-t-on ensuite. En réalité, il les a accentuées. Contrairement à cette idée reçue selon laquelle le Parlement resterait en retrait par rapport à la compréhension des mutations attendues, il est même allé au-delà de certains compromis du Grenelle de l’environnement. Aussi, je voudrais – ce n’est que justice ! – lui rendre ici hommage.

J’en viens au texte territorial.

Je tiens également à rendre hommage aux rapporteurs de la commission de l’économie, Dominique Braye pour les titres Ier et V, Bruno Sido pour les titres III et IV, Louis Nègre pour les titres II et V et Daniel Dubois pour le titre VI sur la gouvernance, ainsi qu’aux deux rapporteurs pour avis, Ambroise Dupont, au nom de la commission de la culture, et Dominique de Legge, au nom de la commission des lois.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous inaugurons, si j’ose dire, le nouveau processus législatif voulu par la Constitution.

Le texte que nous examinons aujourd’hui est celui de la commission. Chantal Jouanno, Benoist Apparu, Valérie Létard, Dominique Bussereau et moi-même avons été à la disposition de celle-ci, sans être les gardiens de l’orthodoxie gouvernementale. Le texte qui résulte des travaux du Sénat, fruit d’un travail de grande qualité, n’est pas un compromis entre le Gouvernement et le Sénat.

Au total, ce sont plus de 1000 amendements – 1089 pour être exact – qui ont été étudiés, et plus de 300 d’entre eux ont été adoptés à l’issue des trente-cinq heures de débats, en commission et à l’extérieur, au cours des mois de mai, juin et juillet 2009, pour comprendre, vérifier et améliorer des points techniques.

Des avancées importantes ont été retenues par rapport au texte initial du Gouvernement.

Je pense à la mise en place d’une filière de responsabilité élargie du producteur pour les produits d’ameublement et pour les déchets dangereux diffus des ménages, ou bien encore à l’obligation d’afficher les performances énergétiques des logements sur les annonces immobilières, deux sujets chers à Dominique Braye.

Je pense aussi, cher Bruno Sido, à l’amélioration du cadre réglementaire de la concertation locale sur les éoliennes ou à la création du comité national et des comités régionaux de suivi de la trame verte et bleue.

Je citerai également, cher Louis Nègre, l’interdiction de l’utilisation du téléphone portable dans les écoles ou l’intégration des enseignes et publicités dans le champ de la réglementation des pollutions lumineuses, ainsi que, cher Daniel Dubois, l’utilisation systématique de critères environnementaux dans les choix d’investissement des gestionnaires de portefeuilles ou la généralisation d’une gouvernance inspirée du Grenelle au sein des instances de suivi des infrastructures de transport.

C’est donc sur la base d’un texte considérablement renforcé et amélioré par vos commissions, sur la base d’un texte extrêmement dense que nous allons poursuivre la mutation écologique de notre pays.

Ce texte n’est ni une répétition du texte précédent ni une simple collection de mesures techniques ; c’est bel et bien le complément territorial indispensable qui nous permettra de poursuivre plus rapidement cette mutation sur l’ensemble du territoire national, et probablement de dépasser les 30 % pendant la période qui nous est impartie.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est un texte d’adaptation de notre droit au nouvel environnement juridique né du Grenelle avec le verdissement de tous les outils de planification comme les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et les plans locaux d’urbanisme, les PLU, avec la possibilité de dépasser, dans certains cas environnementaux, les coefficients d’occupation des sols, les COS, jusqu’à 30 %, avec la création d’un label et d’un statut juridique pour l’auto-partage, avec l’instauration de la trame verte et bleue, avec la mise en place des outils d’une politique maritime intégrée.

C’est aussi un texte de simplification des procédures tant pour les particuliers que pour les collectivités publiques : c’est la possibilité, pour les copropriétés, de voter à la majorité simple des travaux de rénovation thermique, y compris dans les parties privatives ; c’est la simplification des directives territoriales d’aménagement, les DTA – elles étaient tellement formidables que, en réalité, personne n’y avait recours – ; c’est la possibilité de recourir à une procédure d’urgence pour construire des infrastructures de transports collectifs.

Ce projet de loi est un texte d’accélération de la mutation, avec la mise en place, au plus tard le 1er janvier 2010, d’une modulation des péages en fonction des émissions de CO2 des camions de transport de marchandises, et avec l’adoption, par toutes les collectivités de plus de 50 000 habitants, d’un plan climat territorial d’ici à 2013 ou la réalisation, à compter de 2012, de l’ensemble des travaux de rénovation thermique dans le secteur tertiaire.

C’est également un texte de prévention avec des mesures efficaces en faveur de la santé et de la qualité de vie des citoyens, en matière de pollutions sonores et lumineuses ou dans le domaine des risques émergents comme les ondes électromagnétiques ou les nanoparticules.

Bref, derrière ce qui peut sembler au premier abord comme quelque chose d’un peu technique, voire rébarbatif, on a finalement un grand texte législatif, qui, après le Grenelle I, après la loi de finances, achève le verdissement de la société française dans son ensemble, de l’aménagement de ses villes et de ses campagnes, de ses constructions, de sa mobilité, de ses entreprises, de ses emplois et in fine de sa croissance et de sa vision du monde.

Un grand texte économique et sociétal qui arrime définitivement la France, l’ensemble de son corps social, sa représentation nationale dans le camp de la lucidité et de la responsabilité.

Responsabilité en matière de déchets avec la priorité absolue donnée à la prévention, avec la création de nouvelles filières à responsabilité élargie du producteur en matière de déchets hospitaliers, de déchets du bâtiment ou de déchets organiques.

Responsabilité en matière de santé et de qualité de vie avec l’interdiction de la publicité sur les produits phytopharmaceutiques à destination du grand public, avec la protection renforcée des zones de captage couplée à une agriculture sobre en intrants, avec le renforcement des contrôles sur les nuisances sonores, avec l’introduction, dans le code de l’environnement, d’un principe de surveillance de la qualité de l’air intérieur.

Responsabilité vis-à-vis du vivant avec la définition concrète et opérationnelle de la trame verte et bleue, avec le renforcement des plans de restauration de la faune et de la flore sauvage, notamment en faveur des 131 espèces en danger critique d’extinction sur notre territoire selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN.

Responsabilité sociale et environnementale des entreprises avec le renforcement de la responsabilité de la société mère en cas de pollution grave causée par l’une de ses filiales, avec l’obligation, pour toutes les sociétés de plus de 500 salariés, de présenter un bilan social et environnemental ou avec la généralisation, d’ici à 2011, de l’étiquetage « effet de serre » des produits.

Enfin, il s’agit d’un grand texte de mutation énergétique, à la fois texte de la réduction des émissions et « de l’énergie pour tous et de toutes les énergies ».

C’est l’instauration, au niveau régional, des schémas du climat, de l’air et de l’énergie, dont le but est notamment de valoriser le potentiel régional d’énergies renouvelables.

C’est l’extension des dispositifs de certificats d’économies d’énergies avec à la fois plus d’acteurs concernés et plus d’actions ouvrant droit à ces certificats.

C’est la généralisation, dans un délai maximal de cinq ans, de l’installation de compteurs d’énergie au sein des immeubles alimentés par des réseaux de chaleur.

C’est la possibilité, pour les régions et les départements, de bénéficier de l’obligation d’achat pour l’énergie qu’ils produiront de façon renouvelable.

C’est l’encadrement précis de l’éolien afin d’en favoriser le développement contrôlé tout en luttant contre le mitage et en protégeant nos paysages.

C’est, plus largement, la structuration par région d’un potentiel énergétique durable de proximité avec, pour les énergies renouvelables électriques, une organisation efficace des raccordements au réseau.

Ce texte est aussi un grand texte de gouvernance écologique, qui tire les leçons de deux années de responsabilité et de dialogue serein entre tous les acteurs, un texte qui place la concertation très en amont des projets, quand tout est encore possible, et non plus en aval, lorsqu’il est déjà trop tard, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes de coûts ou de délais supplémentaires.

C’est l’élargissement de la composition de la Commission nationale de débat public, la CNDP, sur le modèle du Grenelle Environnement en y ajoutant des représentants des organisations syndicales et des acteurs économiques.

C’est la possibilité, pour les préfets, de mettre en place des instances de concertation et de suivi associant tous les acteurs sur les projets d’installation classée ou sur les projets d’infrastructures de transport.

C’est la création des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, avec le texte dont nous débattons aujourd’hui, l’objectif est tout simplement de rendre aux territoires ce qui leur appartient, c’est-à-dire une certaine idée de la qualité de vie, de la proximité, de la solidarité et des savoir-faire, et la capacité à s’organiser démocratiquement pour les réaliser.

C’est de rendre aux Français les fruits ou les bénéfices, à la fois économiques et sociaux, d’une mutation écologique qu’ils ont voulue puissante, massive et rapide, une mutation sans prétexte et sans faux-semblant.

C’est de rendre aux générations futures ce que nous leur empruntons depuis maintenant plusieurs décennies, c’est-à-dire des sols fertiles, une eau de qualité, un air pur, une biodiversité riche, un climat soutenable, des ressources énergétiques.

C’est de rendre la mutation écologique non seulement possible, mais également enviable, heureuse et profitable.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le premier grand texte fondateur a donné au Président de la République, qui exerçait à cette époque la présidence européenne, et à ses collaborateurs dont j’étais la conviction qu’il était possible d’obtenir un accord européen sur le paquet énergie-climat, et que vingt-sept pays aux histoires industrielles et énergétiques aussi différentes, avec des niveaux de PIB aussi distincts, pouvaient réussir à s’entendre, secteur par secteur, année par année, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes. C’était un pari formidable, comme l’était le Grenelle I que les sénatrices et les sénateurs ont adopté à la quasi-unanimité.

Ce débat qui va nous occuper heureusement pendant quelques semaines se déroulera peu de temps avant un grand événement, la conférence de Copenhague.

L’humanité, qui continue à prélever dans la nature un tiers de ressources de plus que celle-ci n’en produit, a rendez-vous avec elle-même. Toute la planète est consciente de l’importance de ce rendez-vous. La seule question reste celle de l’appréhension : est-ce si difficile ? Comment gérer cette mutation de manière démocratique ? Voilà l’enjeu de Copenhague !

Si l’Europe a trouvé un accord, c’est parce que nous étions tous convaincus, partenaires sociaux, entreprises, ONG, parlements et villes. Nous étions totalement convaincus et en harmonie avec nous-mêmes.

De la même manière, les débats qui vont avoir lieu au Sénat nous aideront et nous prépareront en vue de cette discussion extraordinaire et vitale qu’est Copenhague.

Nous abordons les grands outils territoriaux mais ils auront pour finalité la mise en œuvre du respect. Devons-nous poursuivre ce développement apparent, à court terme, irrespectueux de la nature, des autres ou des continents, ou bien devons-nous nous inscrire dans un développement sûr et durable, dans une réconciliation de l’avenir et du futur, dans une stratégie qui nous permette de respecter l’eau, la fertilité, les sols, la nature, les ressources halieutiques, les générations futures, les autres continents et les plus faibles de ce monde ?

Ce texte est un d’outil d’accélération pour une grande politique du respect. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées du groupe socialiste.)

Discussion générale (suite)
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Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

M. le président. L’ordre du jour appelle le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République, en remplacement de M. Michel Mercier, nommé ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire.

Je rappelle que la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour cette élection.

Le scrutin aura lieu dans la salle des conférences, où des bulletins de vote seront à votre disposition.

Le juge suppléant nouvellement élu sera immédiatement appelé à prêter serment devant le Sénat.

Je prie MM. Jean-Pierre Godefroy et Marc Massion, secrétaires du Sénat, de bien vouloir présider le bureau de vote.

Il va être procédé au tirage au sort de deux scrutateurs qui opéreront le dépouillement du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.

(Le tirage au sort a lieu)

M. le président. Le sort a désigné MM. Yannick Botrel et Marc Laménie.

Le scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République sera ouvert de 15 heures 30 à 17 heures.

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Discussion générale (interruption de la discussion)
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Discussion générale (suite)

Engagement national pour l'environnement

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

(Texte de la commission)

M. le président. Nous poursuivons la discussion du projet de loi portant engagement national pour l’environnement.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Dominique Braye, rapporteur.

Discussion générale (suite)
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Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très honoré d’être l’un des quatre rapporteurs de la commission de l’économie pour le projet de loi que nous discutons aujourd’hui.

On a souhaité me confier le soin d’examiner les dispositions relatives, d’une part, aux bâtiments et à l’urbanisme et, d’autre part, aux déchets. Je tiens d’emblée à le souligner, les services de la commission ont travaillé avec les services du ministère et les ministres eux-mêmes dans un climat constructif, de confiance et même de convivialité très appréciable.

Je veux également rendre hommage à la qualité de la collaboration qui s’est instaurée avec mes collègues rapporteurs sur le fond, au nom de la commission de l’économie, Louis Nègre, Bruno Sido et Daniel Dubois.

J’associe à cet hommage le rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, Dominique de Legge, dont la contribution en faveur d’un formalisme épuré du texte a été remarquée, ainsi que le rapporteur pour avis au nom de la commission de la culture, Ambroise Dupont, pour son remarquable travail sur la question ô combien difficile de la protection des paysages contre l’envahissement de la publicité commerciale, domaine dans lequel les attentes des habitants et de leurs élus sont très fortes.

Monsieur le président, j’exprimerai toutefois un regret quant à ce qui peut apparaître comme un détail de procédure, mais qui a pourtant très lourdement compliqué le travail de tous les rapporteurs, administrateurs et collègues élus. Je veux parler de la position du Sénat qui semble très réticent à adopter le système de numérotation automatique des alinéas des textes de lois, dit « pastillage ». Cette technique simple, depuis longtemps déjà en vigueur à l’Assemblée nationale, simplifierait considérablement la tâche de tous ceux qui travaillent sur les projets de textes qui nous sont proposés.

M. le président. Votre bonheur sera absolu le 2 octobre !

M. Dominique Braye, rapporteur. Je tiens à vous en remercier, monsieur le président. J’allais ajouter en effet que, sur ce point, la modernisation du Sénat est encore à venir…

M. le président. Elle est là !

M. Dominique Braye, rapporteur. … et qu’il serait grand temps d’y procéder ! (Sourires.)

Cette importante réserve de forme exprimée, j’en viens au fond.

Le chapitre Ier du projet de loi vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments. La commission de l’économie vous propose certains perfectionnements de ces dispositions, notamment en prévoyant l’obligation de publier les diagnostics de performance énergétique, les DPE, dans les annonces immobilières.

Le chapitre « Urbanisme » du projet de loi porte essentiellement sur la réforme des documents de planification, à savoir les directives territoriales d’aménagement, les schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, et les plans locaux d’urbanisme, ou PLU. La réforme comporte deux avancées principales qu’il convient de saluer.

Tout d’abord, elle permet aux documents d’urbanisme de prendre en compte de façon plus complète les objectifs du développement durable, qu’il s’agisse de modérer la consommation d’espace, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de préserver la biodiversité, ou encore de mieux prendre en compte le patrimoine paysager, bâti, naturel, agricole ou forestier.

Ensuite, cette réforme crée ou renforce des outils permettant de mieux coordonner au sein d’un territoire les politiques d’aménagement, d’habitat et de transport, ce qui constitue un levier puissant pour atteindre les nouveaux objectifs environnementaux assignés aux documents d’urbanisme.

Ces grands axes de l’évolution des documents d’urbanisme correspondent, il faut le rappeler, aux engagements pris dans le Grenelle de l’environnement. La commission de l’économie du Sénat les soutient pleinement et n’a donc pas bouleversé l’économie générale du chapitre « Urbanisme ». Mais elle a apporté un certain nombre de précisions, d’inflexions ou de compléments importants au texte proposé par le Gouvernement.

Les compléments concernent surtout le domaine des SCOT. La commission a notamment intégré au texte des dispositions visant à généraliser les SCOT sur les territoires à enjeux, à mieux prendre en compte les questions d’urbanisme commercial ou la problématique de la ruralité, chère à nos collègues centristes mais dont ils n’ont pas le monopole, puisque nous y sommes tous très attachés.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Dominique Braye, rapporteur. S’agissant des clarifications, la commission a souhaité rappeler qu’il existait une séparation claire entre les SCOT et les PLU, les premiers n’ayant pas vocation à devenir des super PLU. Elle a également tenu à clarifier la notion de « PLU intercommunal » en rendant possibles les plans de secteurs et en donnant aux communes un droit de rejet du projet de plan intercommunal, ce qui, vous en conviendrez, constitue une garantie supplémentaire que le plan approuvé ne sera pas contraire à leurs intérêts.

Enfin, pour ce qui est des inflexions apportées au texte par la commission, je veux signaler la restriction du champ de l’habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement à l’article 13.

La commission s’est également opposée à la version de l’article 14 proposée par le Gouvernement en ce qui concerne le rôle de l’architecte des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP. La commission s’est ainsi prononcée pour le maintien – ou devrais-je dire désormais le rétablissement – de l’avis conforme, tout en proposant une réforme de la procédure de recours, comme le souhaitaient tous nos collègues.

Au total, le texte résultant des travaux de la commission de l’économie du Sénat est un texte qui, sans révolutionner le droit de l’urbanisme, accomplit un pas décisif vers l’instauration d’un urbanisme durable.

J’en viens à présent aux dispositions relatives aux déchets. Les élus locaux sont en première ligne face à cette problématique et les enjeux sont considérables, tant en termes financiers qu’en termes de santé publique. Mon expérience dans ce domaine m’en a convaincu, les efforts très importants demandés aujourd’hui aux collectivités territoriales n’ont de sens que s’ils débouchent sur des méthodes de traitement pertinentes, c’est-à-dire performantes et durables.

Je le dis clairement : il faut, monsieur le ministre d’État, en finir avec les multiples expérimentations menées depuis plus de quinze ans, parfois inspirées par des phénomènes de mode – en 1995, le tout-incinération ; aujourd’hui, le tout-méthanisation –, qui ont finalement coûté très cher à nos administrés et déçu les espoirs et les attentes des élus locaux. Il ne faut pas s’engager dans des systèmes qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité quant à l’objectif poursuivi et quant au rapport prix/efficacité.

En revanche, j’en suis aujourd’hui convaincu, le traitement optimal des déchets ne peut s’envisager que par un traitement multifilières, où l’importance de chacune de ces filières doit varier selon les particularités de nos territoires qui, vous le savez mieux que tous, mes chers collègues, sont très différentes du nord au sud ou de l’est à l’ouest de notre beau pays.

Dans ce domaine, monsieur le ministre d’État, madame la secrétaire d’État, il est aujourd’hui devenu impératif que le Gouvernement et toutes les instances spécialisées, au premier rang desquelles naturellement l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, mettent en place, pour les collectivités locales et les élus – qui sont souvent amenés à prendre à court terme des décisions importantes – des systèmes d’aide à la décision pour améliorer la valorisation des ordures ménagères, afin d’éviter que les collectivités locales ne s’engagent, comme cela a parfois été le cas, dans des impasses technologiques, véritables gouffres financiers dont les victimes sont une fois de plus les contribuables locaux.

À cet égard, il est important d’affirmer que la valorisation énergétique et l’enfouissement demeureront des solutions encore incontournables pendant de nombreuses années, même si elles doivent être réduites autant que possible au profit de la valorisation matière.

Les mesures qui nous sont proposées dans ce projet de loi vont dans ce sens et constituent un ensemble cohérent : responsabilisation des différents acteurs, mesures de prévention, développement de la collecte sélective et de filières appropriées, renforcement de la planification, souci d’évaluation des besoins de capacité de traitement, amélioration de l’information et des connaissances.

Certes, d’aucuns pourront considérer que le texte proposé n’est pas à la hauteur de ce que l’on aurait pu attendre. Je n’ai pour ma part qu’un petit regret, monsieur le ministre d’État : bien sûr on ne peut pas tout faire en même temps, mais l’accent n’a pas été suffisamment mis sur l’éco-conception des produits.

Ne l’oublions jamais, le déchet le plus vertueux et qui coûte le moins cher est celui que l’on ne produit pas. Or rien aujourd’hui n’incite les producteurs de produits manufacturés à s’orienter dans la voie de l’éco-conception génératrice du moindre déchet possible.

Or il nous faut absolument créer des mécanismes incitatifs pour les inciter à mettre leur intelligence, leur savoir-faire et leurs capacités de recherche au service de l’éco-conception et de la mise sur le marché de produits qui génèrent peu de déchets.

De nombreuses idées ont été émises. Il faudra les étudier, les expertiser, puis les trier, si j’ose dire, pour enfin mettre en place un système fortement incitatif qui encourage les producteurs à se lancer énergiquement dans la voie vertueuse de l’écoconception.

A contrario, pour ceux qui auraient la fausse impression que ce texte manque d’ambition, il faut préciser que de très nombreuses dispositions ont été prises dans d’autres véhicules législatifs ; je ne veux parler que des lois de finances qui ont été votées à la fin de l’année dernière.

Tout d’abord, on notera parmi les mesures proposées le perfectionnement de la filière de gestion des déchets des activités de soins à risques infectieux, les DASRI. Cela nous était réclamé depuis longtemps par les patients concernés, et donc par les élus. La commission a d’ailleurs complété le dispositif afin de bien cibler la responsabilité élargie des producteurs et de prévoir des sanctions.

Ensuite, l’information des acquéreurs de terrains sera améliorée puisqu’il est proposé qu’elle porte désormais sur l’état de pollution des sols. À cet égard, la commission a voulu se prémunir contre toute difficulté d’interprétation en clarifiant l’application du dispositif et en le mettant en cohérence avec le code civil.

En ce qui concerne les déchets d’exploitation des navires, sujet cher à notre collègue Charles Revet, un dispositif plus contraignant à l’égard des collectivités territoriales nous est proposé pour celles qui n’auraient pas encore mis en place un plan de réception et de traitement de ces déchets. Cette mesure est particulièrement bienvenue à un moment où la question de la préservation des écosystèmes marins préoccupe légitimement nos concitoyens, comme l’a mis en évidence le Grenelle de la mer.

Par ailleurs, plusieurs articles du projet de loi rendent obligatoires les plans de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiment ou des travaux publics en prévoyant un diagnostic prédémolition relatif à la gestion de ces déchets. La commission a souhaité que cette obligation soit élargie aux déchets issus de la réhabilitation et que soit privilégiée l’utilisation de matériaux recyclés dans les chantiers du BTP. En la matière, j’en appelle à la responsabilité des collectivités locales, et donc de leurs élus, qui agissent en tant que maîtres d’ouvrage. Ils doivent, nous devons tous ensemble, mes chers collègues, donner l’exemple lors de la passation des marchés publics, en privilégiant les matériaux recyclés, qui sont d’ailleurs tout aussi performants que les matériaux issus des carrières.

Le projet de loi prévoit également d’introduire dans les outils de planification actuels la priorité à la prévention et au recyclage des déchets. Sur ce point, il m’a paru indispensable de ne pas dissocier prévention quantitative et prévention qualitative de la production des déchets, ainsi que d’autoriser l’harmonisation de la gestion des déchets en fonction d’un bassin économique ou d’un bassin de vie cohérent.

D’autres dispositions novatrices figurent dans le texte : imposer progressivement, à partir de 2012, un tri à des fins de valorisation aux grands producteurs et détenteurs de déchets organiques ; ou encore limiter, sur une zone définie, les capacités de traitement dans les installations thermiques et de stockage, pour que tous les efforts soient faits d’abord en faveur de la valorisation matière de nos déchets.

Vous connaissez, mes chers collègues, mon attachement au principe de la responsabilité élargie du producteur, la REP. C’est dans cette perspective que j’ai proposé à la commission sa mise en place pour la filière d’ameublement des ménages. La commission s’est également prononcée en faveur de l’obligation pour les distributeurs de reprendre gratuitement les équipements électriques et électroniques ménagers usagés lorsque les consommateurs les rapportent ; jusqu’aujourd’hui, cela était laissé à leur bonne volonté.

En définitive, comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, les dispositions proposées et enrichies par la commission auront un effet direct sur la vie quotidienne de millions de nos concitoyens et contribueront à donner un nouveau souffle à la politique des déchets.

À cet égard, monsieur le ministre d’État, je tiens à féliciter votre ministère et les ministres qui vous accompagnent d’avoir pris cette problématique à bras-le-corps en procédant à une évaluation objective, transparente et sans a priori des solutions existantes, et cela sur le terrain et sans se satisfaire des bonnes ou mauvaises paroles des uns ou des autres, lesquels d’ailleurs, dans ce domaine des déchets, ne sont que très rarement totalement désintéressés.

Je tiens à souligner, pour conclure, que la Haute Assemblée est déjà prête à vous apporter sa contribution, puisqu’une mission commune d’information sur les modes de traitement des déchets a récemment été demandée au Sénat et que les travaux de celle-ci devraient débuter dans les prochaines semaines, comme nous le confirmera sans doute Daniel Soulage.

Je suis persuadé qu’ainsi la Haute Assemblée apportera une pierre importante à l’édifice de la prévention et du traitement optimal de nos déchets ménagers par les collectivités locales, qui doit maintenant se mettre en place le plus rapidement possible, en tournant définitivement le dos aux nombreuses certitudes et expérimentations hasardeuses qui ont caractérisé ces quinze dernières années. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)