M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Exact !

M. Daniel Dubois, rapporteur. Pourtant, les enjeux sont d’importance, puisqu’ils vont déterminer les modalités de participation des acteurs au niveau national ou local dans ce qu’il est désormais coutume d’appeler la « démocratie écologique ».

À cet égard, nous pouvons nous féliciter des progrès indéniables qu’a représentés le Grenelle de l’environnement en matière de participation. II me semble important que les processus d’information, de consultation ou de concertation bénéficient d’une attention particulière, puisqu’ils sont à même de conditionner la bonne application des décisions et leur acceptation sur le terrain. C’est dans cet esprit que la commission a envisagé les dispositions du projet de loi dans ce domaine.

En ce qui concerne l’élargissement de la composition de la Commission nationale du débat public, d’abord, la commission a souhaité que cette instance accueille désormais des représentants des chambres consulaires.

Ensuite, le projet de loi prévoit de reconnaître au préfet le pouvoir de créer une commission locale d’information et de surveillance sur tout site d’installation classée et renforce la participation des représentants des salariés à ces instances. La commission soutient pleinement ces mesures.

Nous nous félicitons aussi des dispositions tendant à accorder au représentant de l’État la possibilité de créer des commissions locales destinées à suivre la mise en œuvre des mesures de réduction ou de compensation des effets négatifs sur l’environnement des projets d’infrastructures linéaires.

Sur ce point également, la commission a souhaité que les chambres consulaires, ainsi que les associations de consommateurs et d’usagers, soient autorisées à participer à ces instances.

Le projet de loi contient, par ailleurs, des dispositions importantes qui s’inscrivent dans le droit fil du Grenelle I. Il s’agit de l’encadrement de la définition des critères de représentativité des acteurs environnementaux qui seront amenés à siéger dans les instances de concertation. Ces mesures me semblent bienvenues et elles rassureront, j’en suis sûr, un certain nombre d’entre vous.

Enfin, il convient de mentionner symboliquement que le projet de loi consacre officiellement la modification du nom des conseils économiques et sociaux régionaux, afin de prévoir l’extension de leurs compétences aux questions liées à l’environnement et au développement durable.

En définitive, je souhaite que nos débats soient fructueux et qu’ils tendent vers un objectif : orienter notre économie vers un modèle plus durable pour les générations futures. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis de ce projet de loi dense et ambitieux à un double titre, et ce dans un double objectif.

D’abord, s’agissant d’un aspect très précis du texte, l’article 14 visait initialement, et ce avant le vote du Grenelle I, à supprimer l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France, l’ABF, dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, les ZPPAUP. Cette question, qui a suscité de vives inquiétudes chez les acteurs du patrimoine, méritait un examen approfondi. Sur ce point, j’ai bien entendu l’intervention de M. le rapporteur au fond.

Au-delà, l’environnement figure au rang des attributions de notre commission, qui y consacre chaque année un avis budgétaire que j’ai l’honneur de présenter. Notre approche est avant tout ciblée sur la qualité des paysages et du cadre de vie. Dans ce cadre, j’ai abordé, l’automne dernier, le thème de l’affichage publicitaire extérieur, réflexion que j’ai poursuivie au travers de la mission que m’a confiée votre ministère.

La commission de la culture a adopté plusieurs amendements qui reprennent certaines des préconisations que j’ai formulées dans le rapport que j’ai remis en juin dernier à Mme Jouanno.

Ces propositions visent à faire évoluer une législation qui aura bientôt trente ans, afin de mieux maîtriser la pression publicitaire et de limiter son impact sur les paysages. Notre objectif est également de clarifier une procédure source de contentieux et de l’inscrire dans la logique de la décentralisation.

Avant de vous présenter de manière plus détaillée ces propositions, j’aborderai le premier volet de cet avis : la protection du patrimoine architectural, dont les ABF, notamment, sont les garants.

Les ZPPAUP sont l’un des outils les plus récents et les plus souples de notre politique patrimoniale. Créées par la loi de décentralisation, elles relèvent d’une démarche contractuelle entre les communes et l’État. Elles sont instituées sur l’initiative des communes ; l’État, au travers des ABF, notamment, est le garant de la qualité et de la cohérence de la politique patrimoniale dans ces secteurs qui présentent un intérêt esthétique, culturel et architectural.

Sur l’initiative de l’Assemblée nationale, il avait été proposé de supprimer l’avis conforme de l’ABF dans différents textes, tout d’abord dans le cadre du « plan de relance » en janvier, puis dans celui du Grenelle I ; à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire, cette proposition a fini par être adoptée à l’article 9 de la loi.

À chacun de ces « rebondissements » législatifs, les associations de défense du patrimoine se sont mobilisées pour faire obstacle à cette mesure, ressentie comme un signal négatif et comme l’abandon par l’État d’un « garde-fou ». Les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France et l’Association nationale des villes et pays d’art et d’histoire et des villes à secteurs sauvegardés et protégés, ont également marqué leur attachement au maintien de l’avis conforme de l’ABF. Tous ces acteurs n’ont pas manqué de réagir au cours des dernières semaines, alors qu’allait s’ouvrir la discussion du présent projet de loi. L’opportunité nous est donc donnée de revenir sur ce sujet.

Permettez-moi de vous rappeler que, formellement, la décision de l’architecte des Bâtiments de France s’appuie sur le règlement de la ZPPAUP, établi en concertation entre la commune et l’ABF. Dans un souci de simplification des démarches, et comme le souligne l’exposé des motifs du projet de loi, un avis simple serait une garantie suffisante puisque le maire doit respecter ce règlement quand il autorise ou non les travaux.

Toutefois, en matière de patrimoine, tout ne peut être planifié. Par ailleurs, de nombreux règlements, notamment les plus anciens, sont lacunaires et ne recouvrent pas toutes les problématiques qui peuvent se présenter.

L’architecte des Bâtiments de France apporte donc une expertise indispensable dans ce domaine qui est loin d’être figé. Puisque nous évoquons cette question dans le cadre du Grenelle II, j’oserai proposer la notion de « patrimoine durable », dont le respect nécessite en permanence à la fois des compétences techniques pointues et solides, et l’imagination suffisante pour trouver des solutions innovantes. Si la proposition de transformer l’avis conforme de l’architecte des Bâtiments de France en un avis simple était maintenue, la portée de cette expertise s’en trouverait affaiblie et laisserait, par ailleurs, des questions en suspens, comme celle du bénéfice du régime Malraux ou celle de la protection des abords des monuments historiques situés dans le périmètre des ZPPAUP.

La commission a jugé essentiel de réaffirmer avec conviction cet avis conforme pour préserver l’efficacité de ces zones et la crédibilité de cette politique patrimoniale.

Pour autant, nous ne souhaitons pas esquiver les questions qui sont sous-jacentes à ces débats et qui seront certainement abordées à l’occasion de la réflexion qui sera lancée par le ministre de la culture.

Nous avons bien conscience que des progrès sont indispensables pour moderniser l’image des architectes des bâtiments de France, laquelle est sérieusement entachée par les tensions qui opposent parfois ces derniers aux élus locaux.

Une meilleure compréhension mutuelle doit être recherchée : la réponse à ces différends ne se trouve sans doute pas dans une stigmatisation de l’ensemble d’un corps et un affaiblissement du rôle des ABF, au détriment, au final, de l’objectif de sauvegarde de notre patrimoine bâti et paysager.

N’oublions pas la responsabilité qui est la nôtre dans notre pays, où tant de sites, à l’image du Havre, de Strasbourg ou de Provins, ont été élevés par l’UNESCO au rang de patrimoine mondial, culturel et naturel.

Il ne nous a pas semblé non plus que la réponse se trouvait dans la réforme de la procédure de recours contre les décisions de l’ABF proposée par la commission de l’économie.

Jusqu’à présent, ce recours s’exerçait auprès du préfet de région. Celui-ci, après avis de la commission régionale du patrimoine et des sites, la CRPS, émettait un avis qui se substituait à celui de l’ABF.

Cette possibilité d’appel est, me semble-t-il, indispensable pour rééquilibrer les rôles et contrebalancer « l’exercice solitaire du pouvoir » dévolu jusqu’alors aux ABF. Elle n’a trouvé qu’une application très limitée : en 2007, sur trente-trois recours, trois seulement ont concerné des travaux en ZPPAUP. Or, chaque année, les ABF rendent plus de trois cent mille avis, dont trente mille dans les quelque six cents zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.

Faut-il pour autant en conclure que cette procédure est ou était inefficace ?

Placer cet appel auprès du seul préfet de département peut apparaître comme une proposition séduisante, car elle a l’avantage de rapprocher la procédure des élus. Mais elle soulève des difficultés, d’abord en termes de cohérence.

En effet, les services déconcentrés du ministère de la culture se réorganisent aujourd’hui à l’échelon régional, avec l’intégration en cours des services départementaux de l’architecture et du patrimoine, les SDAP, au sein des directions régionales des affaires culturelles, les DRAC.

En outre, la dimension collégiale du recours et l’expertise de la commission régionale du patrimoine et des sites, la CRPS, nous semblent des éléments importants, étant donné le caractère technique de l’avis de l’ABF.

Je vous proposerai néanmoins d’encadrer les délais impartis au préfet de région pour consulter la CRPS et pour statuer, afin de rendre cette procédure plus fluide.

La commission a également souhaité conforter les ZPPAUP comme des outils souples et modernes de protection du patrimoine. Nous avons adopté en ce sens un amendement visant à faciliter l’intégration dans les règlements de zone de prescriptions environnementales liées à la performance énergétique des bâtiments ou à la promotion des énergies renouvelables. En effet, les associations de défense du patrimoine, les représentants des ABF et les services du ministère de la culture ont tous souligné la nécessité de mieux concilier l’exigence de protection du patrimoine avec les objectifs du Grenelle, dans le respect des exigences et spécificités du bâti ancien.

C’est la raison pour laquelle nous proposons, en outre, d’envisager de façon distincte, c’est-à-dire sur la base d’un avis simple de l’ABF, les travaux d’équipement de production individuelle d’énergie renouvelable ou d’économie d’énergie, sauf dans le cas de travaux aux abords des monuments historiques qui devraient continuer à relever de l’avis conforme. En effet, les ABF doivent jouer un rôle moteur, et non apparaître comme des obstacles au changement. Certains œuvrent d’ailleurs déjà en ce sens ; ces efforts doivent être poursuivis et intensifiés.

En parallèle, plus de collégialité dans les décisions, mais aussi plus de dialogue, de médiation et d’explications sont sans doute à rechercher pour lutter contre l’impression d’arbitraire qui peut parfois se dégager de l’avis des architectes des bâtiments de France. C’est pourquoi la concertation menée par M. le ministre de la culture est tellement importante.

J’ai bien entendu le rapporteur au fond ; vous avez aussi compris ce qui importe le plus à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication : c’est bien le maintien de l’avis conforme de l’architecte des bâtiments de France.

J’aborderai à présent le second volet de cet avis : l’affichage publicitaire extérieur.

La loi du 29 décembre 1979, qui régit la publicité et les enseignes, a répondu avant tout à un objectif de protection esthétique du paysage. Cette loi a eu un bilan globalement positif ; elle n’est d’ailleurs contestée ni dans son principe ni dans ses objectifs. Elle a permis d’améliorer nettement la situation, notamment dans les centres-villes, où, il faut le dire, le nombre de dispositifs a globalement diminué ces dernières décennies.

Mais un constat est unanimement partagé, tant par les professionnels que les associations : l’insuffisante application de la loi. Il est vrai que celle-ci est très complexe et que les maires et les agents de l’État, responsables en matière de police, manquent de moyens pour faire retirer les dispositifs illégaux qui dénaturent nos entrées de villes et nos paysages, notamment en zone rurale.

Les modifications introduites dans la loi de 1995, dite « loi Barnier », à savoir le régime de déclaration préalable et le dispositif visant à favoriser la requalification des « entrées de ville » et introduit sur mon initiative, ont permis des avancées. Toutefois, une nouvelle étape est attendue ; c’est ce que j’ai pu entendre à l’occasion de la mission que j’ai conduite au cours du printemps.

Nos concitoyens sont plus sensibles qu’avant à l’impact de la publicité. La multiplication des dispositifs sous toutes les formes auxquels nous sommes exposés est souvent perçue comme une nuisance, voire une forme d’agression visuelle, à l’image de la RN 20. Elle conduit aussi à une banalisation des paysages dont nous ne pouvons nous satisfaire.

Mes propositions sont aussi guidées par un souci d’équilibre qui était déjà au cœur de la loi de 1979. L’objectif de protection du cadre de vie doit être concilié avec la liberté d’expression et d’information. Les enjeux économiques et commerciaux sont importants et nous devons en tenir compte dans une période de crise qui fragilise aussi les professionnels du secteur. Ces derniers ont conscience, toutefois, des nécessaires évolutions de leur métier.

Les amendements que je vous proposerai au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’articulent autour de deux principaux objectifs.

Le premier est un objectif de simplification. Les procédures d’élaboration des règlements locaux de publicité, les RLP, qui permettent aux maires d’adapter la réglementation nationale au contexte local, sont complexes et suscitent un important contentieux. Celui-ci repose notamment sur des vices de formes qui entachent la composition des groupes de travail chargés d’élaborer les RLP.

Je vous proposerai d’aligner cette procédure sur celle qui est applicable en matière de plan local d’urbanisme. La démocratisation de la procédure sera ainsi renforcée, car toutes les personnes intéressées pourront être associées à la démarche et le projet sera soumis à enquête publique. Cela permettra aussi de faire prendre conscience aux élus des enjeux liés à la publicité et de leur connexion avec les préoccupations en matière d’urbanisme local. Quand un règlement local aura été élaboré, le maire sera chargé d’en garantir l’application en ayant la responsabilité de la police de l’affichage et, en cas de carence, ce sera le rôle du préfet.

Le second objectif est de mieux maîtriser la pression publicitaire pour protéger nos paysages et notre cadre de vie. En ce sens, je propose que les RLP ne fixent que des règles plus restrictives que la réglementation nationale. Ils pourront aussi prévoir des « zones de tranquillité » où toute publicité sera interdite aux abords des écoles et des ronds-points.

Les questions de publicité devront être prises en compte au niveau des entrées de ville. L’interdiction de publicité hors agglomération ne trouvera comme seule exception que les aéroports et les gares ferroviaires, qui sont des zones de passage où la présence de la publicité n’est pas aberrante.

En outre, j’ai souhaité adresser un signal fort : la suppression, dans un délai de cinq ans, des préenseignes dites dérogatoires qui se multiplient parfois de façon anarchique aux entrées de ville pour signaler stations-services, hôtels ou restaurants... Elles pourront être remplacées par des panneaux tels que la signalisation d’information locale – la ville de Saumur l’a déjà fait –, qui permettent de concilier la protection des paysages, l’information des voyageurs et la valorisation des activités locales.

Les mesures que j’ai l’honneur de présenter au nom de la commission de la culture sont fidèles aux principes que nous défendons : le respect, la sauvegarde, voire l’identité de notre patrimoine tant architectural que naturel. Elles sont également équilibrées, car elles tiennent compte des enjeux tant environnementaux qu’économiques.

Cet équilibre repose sur deux éléments essentiels. Le premier est la responsabilité de l’État, qui aura la charge de faire appliquer la loi et d’adapter la réglementation nationale relative à l’affichage au regard de l’évolution tant des pouvoirs du maire que des modes de publicité. Il devra préciser les possibilités offertes au maire avec l’attribution de ses nouvelles compétences, mais il devra aussi définir les limites opposables à tout RLP et traiter les problèmes non encore résolus, comme celui de la dépose des panneaux publicitaires obsolètes.

L’État aura donc bien la responsabilité de traduire concrètement, et dans le respect de la loi, la réforme que nous proposons.

Le second élément est la contrepartie du premier, puisqu’il s’agit de l’information des maires.

Il devient urgent de mettre à la disposition de ces derniers tous les outils d’information nécessaires à la bonne compréhension de la loi et des pouvoirs qui sont les leurs, afin qu’ils soient en mesure de jouer pleinement leur rôle. Les conseils d’architecture, d’urbanisme et d’environnement, les CAUE, implantés au niveau départemental pourront agir utilement en ce sens.

Je terminerai mon intervention par deux citations. Tout d’abord, selon le cardinal de Richelieu, « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre. ». Ensuite, en 1979, Michel d’Ornano, alors ministre de l’environnement et du cadre de vie, soulignait : « La publicité ne sera définitivement accueillie, même si elle n’est qu’éphémère, qu’à partir du moment où elle sera intégrée à la ville. Elle doit donc être attrayante et organisée au lieu d’être agressive et omniprésente. ».

C’est dans cet objectif, toujours d’actualité selon moi, que la commission de la culture vous propose d’adopter le texte ainsi enrichi de la commission de l’économie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis.

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en se saisissant pour avis du Grenelle II, la commission des lois souhaitait apporter son éclairage sur les vingt-deux articles qui relèvent de son champ de compétences. Ils affectent les collectivités territoriales, les sociétés et les conditions de prise de décision en matière d’environnement, l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments, le permis de construire, le droit des sols, l’eau et l’assainissement, le droit des sociétés et la gouvernance.

Qu’il soit permis à votre rapporteur pour avis d’exprimer sa satisfaction de voir rapidement soumis à l’approbation du Sénat ce texte d’application du Grenelle de l’environnement, après le vote définitif, le 23 juillet dernier, de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle I ».

Nous avons pourtant bien conscience que la concomitance de l’examen des Grenelle I et Grenelle II n’a pas toujours facilité le travail parlementaire lorsqu’il a fallu tenir compte de l’évolution des deux textes en parallèle. J’en veux pour preuve le véritable feuilleton législatif relatif à l’avis conforme des ABF en ZPPAUP.

Cette situation n’explique ni ne justifie pour autant le sentiment d’imprécision que dégage le texte initial, foisonnant et touffu, du Gouvernement. La sémantique même du texte, émaillée de conditionnels et d’expressions comme : « le cas échéant », « notamment », éventuellement », « peut demander », « peut décider », révèle ce manque de netteté. Elle illustre la difficulté à opérer un tri entre ce qui relève de la loi, du décret, de la circulaire, du commentaire ou simplement de la pédagogie. La commission des lois a adopté des amendements visant à corriger cette situation.

Le sentiment d’imprécision se trouve conforté lorsque l’on aborde la question des différents documents d’urbanisme. La distinction entre orientations, objectifs et prescriptions mérite d’être établie pour mieux organiser hiérarchie et cohérence.

Le Gouvernement lui-même, en demandant, à l’article 13, une habilitation pour légiférer par voie d’ordonnances afin de « Clarifier et simplifier [...] Abroger ou mettre en concordance les dispositions législatives », semble reconnaître la perfectibilité du texte et la nécessité de procéder à un travail de toilettage et de simplification.

Au-delà de cette observation générale, la commission des lois approuve les orientations du projet de loi et les modifications apportées par la commission de l’économie. Je centrerai donc mon propos sur les principales modifications que la commission des lois vous propose d’apporter au texte qui nous est aujourd’hui soumis.

Les articles 5 à 10 ont trait aux documents d’urbanisme, qu’ils refondent ou réforment dans la ligne des engagements du Grenelle I : utilisation économe des espaces naturels, répartition géographiquement équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services, amélioration des performances énergétiques, diminution des obligations de déplacements, réduction des émissions de gaz à effet de serre et préservation des continuités écologiques.

À l’article 5, la commission des lois vous propose, mes chers collègues, de coordonner le régime transitoire des DTA, les directives territoriales d’aménagement, avec les modifications introduites par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures.

Je souhaite m’arrêter un instant sur l’article 9, qui réforme les SCOT, les schémas de cohérence territoriale. En liant construction et infrastructures, ce texte s’inscrit dans une problématique très urbaine, dont le seul objectif est de réduire la consommation des sols. Or l’économie des sols, envisagée d’un strict point de vue quantitatif, n’est pas une réponse toujours appropriée ni suffisante. Si l’on gère la nécessaire économie des sols de façon uniforme, on risque en effet de ne s’intéresser qu’à la ville et de mettre en danger l’aménagement du territoire rural. Si l’on suit l’esprit du texte, on ne construira plus que dans les endroits équipés d’infrastructures et desservis par les transports, ce qui sonnera le glas d’un aménagement équilibré du territoire.

La diversité des sols, qui n’ont pas tous la même valeur, impose de mener une réflexion sur leur qualité, en faisant preuve de pragmatisme et de bon sens.

Par ailleurs, une concentration urbaine exagérée n’est pas exempte de risques en termes de santé publique.

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est pourquoi la commission des lois a retenu le critère qualitatif d’« optimisation » de l’espace pour lutter contre l’étalement urbain plutôt que celui de « densification ».

La commission a, en outre, clarifié la rédaction du dispositif permettant d’imposer le dépassement des plafonds de densité de construction lorsque l’état du réseau des transports collectifs, l’existence d’équipements collectifs et des motifs de protection environnementale le commandent.

Enfin, nous rejoignons la position de la commission de l’économie, à savoir conserver au SCOT une fonction de document d’orientation et ne pas lui donner un pouvoir normatif.

J’en viens à l’article 10 relatif au PLU, le plan local d’urbanisme, qui me tient à cœur. La commission des lois, tout en simplifiant et clarifiant sa rédaction, a insisté sur la réaffirmation de la compétence communale, en l’absence d’EPCI compétent, pour l’élaboration des PLU.

En effet, à nos yeux, la fonction première du maire et de son conseil municipal est d’abord de bâtir, d’aménager le territoire et de construire, avec la population, l’avenir de la commune, c'est-à-dire le lieu de vie de ses habitants. Si nous ne sommes pas hostiles à une gestion intercommunale, je souhaite préciser clairement que l’autorité en charge du PLU doit rester communale.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il était nécessaire que cette réalité apparaisse explicitement dans la loi. En effet, 95 % des communes couvertes par un PLU le sont par un PLU communal. À cet égard, la commission des lois n’a pas voulu anticiper les débats à venir sur la réforme des collectivités locales.

Concernant l’article 13, qui vise à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi dans le domaine de l’urbanisme, la commission des lois a apprécié les restrictions apportées par la commission de l’économie au dessaisissement du législateur dans des domaines structurants de la gestion locale. Elle vous proposera simplement deux simplifications rédactionnelles.

Je souhaite également approfondir un autre débat : l’avis conforme des ABF dans les ZPPAUP, qui a donné lieu à des polémiques passionnées et à des rebondissements législatifs.

Nul ne met en cause le rôle des ABF. Cela étant, le mode de fonctionnement actuel établit un rapport léonin entre l’ABF et le maire au profit de l’ABF. En effet, dans la pratique, les voies de recours des communes contre l’avis des ABF ne sont pas opérantes. Il est donc souhaitable d’établir enfin une règle équitable de coopération et de bonne conduite entre le maire, soucieux de développer son territoire et travaillant dans l’instant, et l’ABF, qui inscrit son action dans la durée. Cet esprit de coopération est présent dans les ZPPAUP, dans lesquelles les documents d’urbanisme établis entre les deux parties résultent d’accords sur le fond. Il est donc normal que les procédures de recours sur leur interprétation soient allégées. La commission de l’économie a souhaité rétablir l’avis conforme de l’ABF, après avoir recueilli celui de l’Association des maires de France. Cette mesure facilite les relations entre les maires et les pétitionnaires.

La commission des lois partage cette position et s’y rallie. Toutefois, rappelons que l’on ne recense à l’heure actuelle que 600 ZPPAUP, 400 étant en cours de création, pour 30 000 édifices classés. La réflexion sur l’avis conforme des ABF ne pouvait se limiter aux seules ZPPAUP. La commission des lois a donc voulu étendre les modifications aux périmètres de protection des monuments historiques et aux secteurs sauvegardés, et clarifier les voies de recours. Nous avons réduit à deux mois le délai donné au préfet pour statuer sur les avis contestés et introduit une innovation profonde : alors que, jusqu’à présent, le silence du préfet valait rejet du recours, dorénavant, ce silence vaudra accord tacite.

L’article 15 énumère les modifications apportées au droit de l’urbanisme qui seront applicables à Mayotte. La commission des lois vous propose d’étendre à cette collectivité l’ensemble des modifications apportées à des dispositions déjà applicables dans cet archipel.

En matière de gouvernance, nous avons souhaité conforter les dispositions des articles 83 et 84 du projet de loi, dont nous ne pouvons qu’approuver les objectifs. Si nous nous sommes limités à apporter des améliorations de cohérence à l’article 83, nous avons entendu préciser davantage les mesures de l’article 84 relatives à la prise en charge financière par une société mère des obligations incombant à sa filiale défaillante en matière de remise en état des sites pollués. Ainsi, nous avons souhaité assurer la continuité de la procédure de liquidation judiciaire de la filiale avec celle qui permet d’imposer à la société mère la prise en charge de ses obligations environnementales.

Par ailleurs, afin de faire échec à la constitution de sociétés mères « écran » dans le but d’éviter la prise en charge des mesures de dépollution liées à l’activité de la filiale, la commission des lois propose que la procédure permettant de mettre à la charge de la société mère le financement desdites mesures de dépollution puisse être engagée contre la société qui contrôle la société mère, si cette dernière n’est pas en mesure de prendre elle-même en charge ce financement.

Enfin, soucieuse de préserver la compétence organique du Parlement, la commission des lois a adopté un amendement qui exclut l’application des dispositions des articles 43 et 43 bis fixant les critères de représentativité applicable aux associations et fondations de protection de l’environnement au Conseil économique, social et environnemental, le CESE. En effet, aux termes de l’article 71 de la Constitution, il appartient à une loi organique, et non à une loi ordinaire, de déterminer la composition et les règles de fonctionnement du CESE.

En conclusion, je souhaite que la contribution de la commission des lois à l’élaboration de ce texte donne à celui-ci davantage de clarté et de richesse, dans la ligne des engagements de 2007.

Le processus du Grenelle de l’environnement inaugure une nouvelle manière de légiférer, plus ouverte sur les attentes des acteurs économiques et sociaux. La vaste consultation nationale qui a présidé à l’élaboration des projets de loi en témoigne.

Les nombreuses auditions éclairantes et structurantes auxquelles j’ai procédé s’inscrivent dans cet esprit de concertation, si favorable à une prise de conscience écologique générale des forces vives de la nation. Nous devons en effet aborder cette mutation profonde des esprits et des comportements, qui touche tant de domaines, avec la plus large adhésion.

Parallèlement, gardons toujours à l’esprit les réalités du terrain. Il ne faudrait pas, au nom d’objectifs louables, tenter de tout régler dans les moindres détails, sans distinction des territoires.

C’est non pas par excès de réglementation que nous convertirons la population, et particulièrement les élus locaux, à une démarche environnementale, pourtant si nécessaire à l’avenir de notre pays, mais bien par l’affirmation d’objectifs clairs mis en œuvre de manière pragmatique. Telle est l’intention qui a animé la commission des lois.

Compte tenu de ces observations, et sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle vous soumettra, mes chers collègues, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)