politique de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (ofpra) à l'égard de la turquie

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 621, adressée à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, voilà quelques semaines, nous avons reçu au Sénat une délégation de la commission des droits de l’homme de la Grande assemblée turque. Nos hôtes ont regretté à cette occasion la politique menée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, à l’égard des ressortissants turcs.

La Turquie ne figure pas sur la liste des « pays d’origine sûrs » établie par l’OFPRA. Selon l’article L.741, 2°, du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, un pays est considéré comme sûr « s’il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l’état de droit, ainsi que des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

La commission des droits de l’homme de la Grande assemblée turque s’interroge sur les raisons de cette omission, notamment au regard des efforts faits par la Turquie, efforts qui ont été soulignés par les institutions européennes, notamment par le Conseil de l’Europe.

Je souhaite obtenir une clarification sur les raisons pour lesquelles la Turquie ne figure pas sur la liste des « pays d’origine sûrs ».

La délégation que nous avons reçue a formé le vœu que le conseil d’administration de l’OFPRA reconsidère sa position sur l’exclusion de la Turquie ou donne au gouvernement turc des explications de façon que la situation des ressortissants turcs sur notre territoire s’améliore.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d'État chargée de l'outre-mer. Madame la sénatrice, permettez-moi, tout d’abord, d’excuser Éric Besson, qui ne pouvait être présent ce matin.

Vous l’interrogez sur la politique suivie par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, à l’égard des ressortissants turcs.

L’OFPRA, établissement public autonome, est seul compétent pour reconnaître aux demandeurs d’asile la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. Il exerce cette mission en toute indépendance, dans le respect des textes internationaux relatifs à l’asile et, en particulier, de la convention de Genève sur les réfugiés. Ses décisions sont prises sous le contrôle de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, ou du Conseil d’État.

L’instruction d’une demande d’asile par l’OFPRA est individuelle. Chaque décision est prise en fonction des éléments propres au dossier, et non en fonction de considérations générales sur la situation du pays d’origine.

La demande d’asile turque figure, depuis la fin des années quatre-vingt, au nombre des dix principales nationalités d’origine des demandeurs. Bien qu’en baisse, cette demande représente encore près de 900 dossiers pour le premier semestre 2009. Le taux d’admission de l’OFPRA est, au premier semestre, de 5 %, mais le taux global s’élève à 18 % si l’on comptabilise les décisions d’annulation prononcées par la CNDA. Ces chiffres demeurent inférieurs aux moyennes générales de l’Office et de la CNDA, qui sont respectivement de 14,5 % et de 30 %.

Les grands partenaires européens de la France reçoivent aussi des demandes d’asile turques et les taux d’admission observés sont comparables ou supérieurs à ceux qui sont pratiqués en France.

La notion de « pays d’origine sûrs », que vous évoquez, madame le sénateur, est issue d’une directive communautaire de 2005, transposée en droit interne.

La liste est établie par le conseil d’administration de l’OFPRA. Je rappelle que différents ministères sont représentés au sein de ce conseil d’administration, dont ceux de l’immigration et des affaires étrangères et européennes ; le représentant du Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste à ses séances.

L’objectif de la liste, qui comporte quinze États, est de permettre le traitement diligent des demandes d’asile présentées par les ressortissants de ces États.

L’inscription sur la liste ne se justifie que pour les pays dont sont originaires des demandeurs d’asile en nombre significatif.

Surtout, cette inscription ne signifie pas que les ressortissants du pays sont a priori inéligibles à une protection internationale. Elle permet simplement d’appliquer à l’examen de leurs demandes les modalités de la « procédure prioritaire ».

Le conseil d’administration de l’OFPRA veille à ce que la liste soit établie avec la plus grande rigueur, en s’appuyant sur des données d’information fiables et actualisées, provenant de sources multiples.

Des travaux sont en cours pour examiner la pertinence de la liste actuelle.

Le conseil d’administration de l’OFPRA a prévu de se prononcer au plus tard fin 2010. L’éventualité d’une inscription de la Turquie sur la liste des pays d’origine sûrs sera examinée dans ce cadre.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie vivement de cette réponse ; je la transmettrai à la commission des droits de l’homme de la Grande assemblée turque, qui m’avait en quelque sorte missionnée.

Je pense que les autorités turques feront le maximum pour que les conditions qui seront issues de la révision de 2010 correspondent à leur souhait.

En tous les cas, je vous remercie de votre réponse. Sans être une spécialiste de cette question, j’en assurerai le suivi. Je sais la très grande importance qu’y attachent nos amis et partenaires turcs.

décret créant la réserve naturelle de chastreix-sancy

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard, auteur de la question n° 589, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

M. Jean-Marc Juilhard. Madame la secrétaire d’État, ma question concerne le décret n° 2007-1091 du 13 juillet 2007. Elle porte plus particulièrement sur les activités de découverte mentionnées à l’article 12 dudit décret, notamment l’escalade.

Ce décret a créé la réserve naturelle de Chastreix-Sancy, sur le site de la Fontaine Salée, au cœur du massif du Sancy, dans le département du Puy-de-Dôme, qui, comme vous pouvez le supposer, m’est cher.

Une activité traditionnelle existant sur le site et totalement respectueuse de la nature n’a, curieusement, pas été retenue dans le décret : je veux parler de la pratique de l’escalade et de l’alpinisme.

Cette pratique est pourtant autorisée, à l’exception de certaines périodes, dans d’autres réserves naturelles. Je citerai, par exemple, la toute proche voisine de la vallée de Chaudefour, située sur un autre versant du massif du Sancy.

Tous les spécialistes, dont la direction régionale de l’environnement et la direction de la jeunesse et des sports, s’accordent à reconnaître le côté totalement respectueux de la nature de cette activité traditionnelle.

J’ajoute que le massif du Sancy compte des professionnels diplômés de grande qualité.

Le 29 décembre 2008, M. le préfet du Puy-de-Dôme, par ailleurs préfet de la région Auvergne, a organisé un tour de table réunissant des acteurs locaux et les représentants des administrations concernées pour traiter ce point qui semblait, au premier abord, relever d’un oubli dans la rédaction initiale du décret. Contre toute attente, la demande de modification du décret alors formulée vient d’être refusée.

Les professionnels et les élus locaux ne comprennent pas ce refus, l’escalade et l’alpinisme étant autorisés, comme je le disais, dans la réserve naturelle voisine, celle de la vallée de Chaudefour. Ce refus suscite des difficultés économiques, les professionnels locaux étant placés dans l’incapacité d’exercer leur activité.

Compte tenu de ces éléments et du consensus général qui règne sur cette question - j’en veux notamment pour preuve la réunion de préfecture qui s’est tenue le 22 juillet 2009 - je souhaite votre appui pour que la modification du décret soit effective dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, M. Jean-Louis Borloo, ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur de climat, a pris connaissance avec intérêt de la question relative à l’autorisation des activités d’escalade et d’alpinisme dans la réserve naturelle nationale de Chastreix-Sancy, située dans le département du Puy-de-Dôme, qui vous est légitimement cher.

En réponse à la lettre qui lui avait été adressée le 13 janvier 2009 par M. le préfet du Puy-de-Dôme, le ministre chargé de l’écologie a indiqué qu’il n’était pas possible d’autoriser ce type d’activité par dérogation au décret du 13 juillet 2007 portant création de la réserve. En effet, ni le décret de classement de la réserve, ni le code de l’environnement ne permettent une telle ouverture.

Il n’est, en outre, pas possible, juridiquement, de déroger au principe d’interdiction contenu dans l’article 12 du décret de classement de cette réserve naturelle, par l’intermédiaire des dispositions du plan de gestion de la réserve.

Néanmoins, il a été proposé à M. le préfet du Puy-de- Dôme, lors d’une réunion qui s’est tenue en août dernier au ministère, de réfléchir à une éventuelle modification du décret au titre de l’article R. 332-14 du code de l’environnement, sur une demande officielle de sa part.

Cette démarche sous-entend que le projet de modification de la réglementation relative à cette réserve soit soumis aux mêmes modalités d’enquête, de consultations et de publicité que celles qui ont présidé à la création de la réserve naturelle nationale. Il sera donc soumis à l’avis de la commission des aires protégées du Conseil national de la protection de la nature avant passage au Conseil d’État.

Cette proposition permettrait ainsi de prendre en considération la demande des professionnels et des élus, visant à obtenir l’autorisation de la pratique de ces sports et, partant, le maintien de l’activité professionnelle des guides alpinistes dans le département. Le ministre d’État et moi-même y sommes, pour notre part, très favorables et souhaitons que cette procédure puisse avancer rapidement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Juilhard.

M. Jean-Marc Juilhard. Madame la secrétaire d’État, sans être totalement satisfait, je vous remercie néanmoins des orientations prises par le Gouvernement et par M. le ministre d’État, en particulier.

Compte tenu des délais nécessaires pour modifier ce décret, il me paraîtrait souhaitable que, entre-temps, et sous réserve d’encadrement, la pratique de ces sports fasse l’objet d’une certaine tolérance et puisse se poursuivre.

procédure de consultation des préfets dans le cadre des autorisations des schémas de cohérence territoriale (scot) et des chapitres individualisés valant schémas de mise en valeur de la mer (smvm )

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 591, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les modalités de consultation des préfets dans le cadre des autorisations des schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et des chapitres individualisés valant schéma de mise en valeur de la mer, SMVM.

L’article 235 de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a ouvert la possibilité d’intégrer, au sein des SCOT, un chapitre individualisé valant SMVM.

Ainsi, l’article L. 122-3, IV, du code de l’urbanisme dispose que le projet de périmètre du SCOT est communiqué au préfet, qui, après avis du ou des conseils généraux et après avoir vérifié que « le périmètre retenu permet la mise en cohérence des questions d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, de déplacements et d’environnement », le publie par arrêté.

Est également prévue une consultation du préfet lorsque le SCOT englobe une ou des communes littorales et dans le cas où l'établissement public compétent décide d'élaborer un chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer, cette consultation portant sur la compatibilité du périmètre de ce schéma avec les enjeux d'aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral.

Le décret n° 2007-1586 du 8 novembre 2007 est venu préciser le contenu et la procédure à suivre lors de l'élaboration de ce chapitre individualisé en imposant, à l'article R. 122-3-1 du code de l'urbanisme, la consultation préalable du préfet maritime avant les avis ou accords du préfet requis.

Je souhaiterais savoir si la procédure prévue à l'article L. 122-3, IV, du code de l’urbanisme exige que le préfet soit saisi en deux temps ou autorise au contraire une saisine simultanée.

En d'autres termes, convient-il dans un premier temps de saisir le préfet quant au périmètre du schéma de mise en valeur de la mer avant, dans un second temps, de le saisir à nouveau, mais cette fois sur le périmètre du SCOT, ou bien est-il possible, dans le cadre d'une seule et même saisine, que le préfet se prononce à la fois sur les périmètres du schéma de mise en valeur de la mer et du SCOT avant d'arrêter et de rendre public le périmètre du SCOT ?

Par ailleurs, je m'interroge sur le caractère légal des procédures de création d’un schéma de mise en valeur de la mer au sein d'un SCOT engagées avant le décret du 8 novembre 2007 et pour lesquelles le préfet maritime ne s'est pas prononcé préalablement à l'avis du préfet.

Afin de garantir leur sécurité juridique, les procédures en cours doivent-elles intégrer les nouvelles exigences du décret ou peuvent-elles se poursuivre et, dans l'affirmative, selon quel régime juridique ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, l’article L. 122-3, IV, du code de l’urbanisme prévoit en effet une double consultation du préfet sur les périmètres de schéma de cohérence territoriale et de schéma de mise en valeur de la mer.

D’une part, le projet de périmètre du schéma de cohérence territoriale déterminé par les communes ou leurs groupements est communiqué au préfet, qui consulte ensuite le ou les conseils généraux concernés et examine la pertinence de ce périmètre avant de le publier.

D’autre part, cet article prévoit que, lorsque le schéma de cohérence territoriale englobe une ou des communes littorales et dans le cas où l’établissement public compétent décide d’élaborer un chapitre individualisé de ce schéma valant schéma de mise en valeur de la mer, le préfet est consulté sur la compatibilité du périmètre de ce schéma avec les enjeux d’aménagement, de protection et de mise en valeur du littoral.

Ces dispositions n’imposent pas qu’il faille consulter le préfet sur le périmètre du schéma de mise en valeur de la mer avant de lui communiquer le projet de périmètre du schéma de cohérence territoriale.

Il est donc possible de procéder de façon simultanée, en consultant le préfet sur la compatibilité du périmètre du schéma de mise en valeur de la mer avec les enjeux liés à la protection du littoral, et en lui transmettant en même temps le projet de périmètre du schéma de cohérence territoriale, conformément aux dispositions précitées.

Par ailleurs, s’agissant de votre seconde question, qui porte sur les procédures d’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale comportant un chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer engagées avant l’entrée en vigueur du décret du 8 novembre 2007, je précise que la consultation du préfet maritime n’est pas exigée si les avis ou accords du préfet ont été pris antérieurement à la date d’entrée en vigueur de ce décret, conformément au droit commun. Les procédures déjà engagées, et ayant fait l’objet d’un avis du préfet avant l’entrée en application de ce texte, peuvent donc se poursuivre selon les dispositions alors en vigueur.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de ces éclaircissements.

sauvegarde et développement du secteur triage de la plateforme du bourget

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 612, adressée à M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Mme Éliane Assassi. Madame la secrétaire d'État, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la situation alarmante du fret ferroviaire, qui pâtit depuis 2002 des restructurations décidées par la direction de la SNCF, avec l’appui des derniers gouvernements.

Cette réorientation de fret SNCF a abouti, depuis 2003, à la suppression de 10 000 postes ainsi qu’à à la fermeture de 500 gares et de milliers de dessertes, et elle a jeté 1,5 million de camions sur la route.

Pour justifier ces réorganisations, la SNCF accuse le fret ferroviaire de lui coûter trop cher : elle annonce un déficit, pour le premier semestre de 2009, de 496 millions d’euros, dont les deux tiers, soit 323 millions d’euros, sont imputables au seul fret ferroviaire.

La question du transport de marchandises représente, comme l’ont démontré les travaux du Grenelle de l’environnement, un enjeu considérable pour notre société en termes d’emplois, d’économie d’énergie, de préservation de l’environnement, de santé publique, de qualité de vie, de sécurité routière...

Il est donc indispensable de rompre avec les logiques actuelles, qui privilégient le transport de marchandises par route, lequel va précisément à l’encontre de ces objectifs et utilise une main-d’œuvre dont les conditions de travail sont fortement dégradées.

Des alternatives crédibles au « tout routier » existent. Elles s’appuient sur le développement des atouts existants de la SNCF, solutions que proposent d’ailleurs depuis longtemps les syndicats pour promouvoir le développement du fret ferroviaire.

Ces propositions, vous les connaissez certainement, madame la secrétaire d'État. Elles visent à mettre en place un système reposant, notamment, sur des plateformes logistiques situées aux portes de Paris, en particulier sur le site du Bourget ; sur un acheminement principal interplateforme, particulièrement sur la grande ceinture ; sur un système de collecte-distribution ferroviaire et/ou routier dans la zone intra-muros reliée aux plateformes où sont formés les trains interplateformes.

Le mode routier ne serait alors utilisé que pour les très courtes distances.

L’activité fret de la plateforme du Bourget située dans mon département est particulièrement touchée par ces réorganisations. Pourtant, il me semble que le développement de l’activité de triage au Bourget et, au-delà, dans tout le pays présente de nombreux avantages d’un point de vue tant économique que social et environnemental.

Vous le savez, les cheminots sont inquiets et s’interrogent sur l’avenir du fret ferroviaire en France. Le 16 septembre dernier, ils se sont rassemblés sur le site du Bourget pour exiger le maintien et le développement du service public de transport fret SNCF non seulement au Bourget mais partout en France.

Le même jour, le Gouvernement a présenté son plan Fret d’avenir, d’un montant de 7 milliards d’euros, pour – prétendument – sauver le fret.

Nous ne sommes pas dupes : la direction de la SNCF a déjà pris la décision de réformer le fret ferroviaire. Elle doit d’ailleurs aujourd’hui, lors du comité central d’entreprise, et demain, lors de son conseil d’administration, présenter ses orientations en la matière.

Sont d’ores et déjà prévus l’abandon de 50 % à 70 % du trafic du wagon isolé, son transfert partiel vers des opérateurs dits « de proximité » et la création de filiales par secteurs d’activité, sans statut de cheminot.

Cette réorganisation devrait entraîner la suppression de 4 000 à 6 000 emplois sur 14 000 d’ici à deux ans et aboutir à la privatisation du transport de marchandises.

Madame la secrétaire d'État, allez-vous abandonner les projets de filialisation de fret SNCF et encourager au contraire le report modal de la route vers le rail en confirmant que le transport de marchandises est bien un service public ?

Concernant plus particulièrement la plateforme du Bourget, comment envisagez-vous de soutenir et de développer l’activité triage de ce site, dont la modernisation représente un véritable enjeu d’intérêt général ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Dominique Bussereau, qui est actuellement à l’Assemblée nationale pour l’examen du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires.

Je tiens d’abord à vous indiquer que la priorité accordée au développement des modes alternatifs à la route, et tout particulièrement du mode ferroviaire, figure bien dans les conclusions du Grenelle de l’environnement et dans la loi dite « Grenelle I » que vous avez votée au mois de juillet dernier.

Vous l’avez rappelé, le Gouvernement a adopté lors du conseil des ministres du 16 septembre l’engagement national pour le fret ferroviaire, qui illustre l’ambition et la détermination de l’État pour donner au fret ferroviaire un nouveau souffle.

Cet engagement traduit dans les faits l’ambition du Grenelle de l’environnement de porter la part des transports alternatifs à la route de 14 % à 25 % à l’horizon 2022.

Cet effort considérable est indispensable dans le choix fait par notre pays d’une économie « décarbonée ». Il correspond à l’investissement global qui a été annoncé de 7 milliards d’euros d’ici à 2020.

De la même façon que, pour le transport de voyageurs, nous sommes passés, il y a quelques années, du Corail au TGV, nous devons aujourd’hui donner une grande ambition au transport de marchandises. C’est bien le sens du plan Fret ferroviaire de l’avenir.

Le Gouvernement a donc demandé à la SNCF de s’engager dans le développement du fret et d’investir dans les solutions innovantes de transport de marchandises, telles que les autoroutes ferroviaires et le transport combiné, le fret à grande vitesse, les opérations de logistique urbaine et les opérateurs ferroviaires de proximité.

La SNCF doit également, comme vous l’avez dit, consolider et renforcer sa part de marché sur les flux massifs industriels, où le mode ferroviaire a toute sa pertinence.

La mise à la disposition des opérateurs ferroviaires d’une infrastructure performante par Réseau ferré de France participe de cet objectif.

S’agissant du positionnement exact du site du Bourget, l’engagement national pour le fret ferroviaire ayant été présenté il y a quelques jours seulement, vous comprendrez qu’il soit encore un peu tôt pour que la SNCF puisse en préciser d’ores et déjà les contours exacts. L’entreprise finalise en effet son projet de schéma directeur industriel et managérial.

Ce schéma s’appuie sur une organisation de transport qui comporte des trains massifs réguliers et des trains composés de wagons multilots acheminés entre deux plateformes. Ces plateformes seront, bien sûr, principalement approvisionnées par le mode ferroviaire.

Les décisions concernant la localisation des plateformes ne sont pas encore arrêtées. Les considérations d’ordre économique et social seront bien évidemment prises en compte. Le réseau de plateformes sera naturellement défini en fonction des besoins exprimés par les chargeurs, clients actuels ou potentiels de fret SNCF.

J’ajoute enfin que le ministre souhaite organiser une vaste concertation sur cet engagement national et qu’un comité de suivi sera mis en place.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État. Toutefois, je ne vous étonnerai pas en vous disant que vous ne m’avez pas vraiment convaincue et que cette réponse ne devrait pas davantage rassurer le personnel et les syndicats du fret SNCF.

Bien évidemment, j’avais pris note de l’enveloppe de 7 milliards d’euros promise par le Gouvernement.

Je relève cependant d’abord que cet argent sera issu du fameux emprunt national annoncé par le Président de la République, dont les contours sont encore très flous.

Ensuite, les investissements doivent s’étaler jusqu’en 2020.

Enfin, le plan promis par le Gouvernement n’a pas vocation à combler les déficits accumulés par la SNCF, notamment dans le secteur du fret.

Dans ces conditions, je ne vois pas d’amélioration pour le fret en France, encore moins pour le personnel, d’autant que la SNCF, elle, n’a pas renoncé à la réforme des conditions de travail dans le fret, réforme qu’elle avait pourtant dû abandonner voilà un an après une grève des cheminots.

Concernant précisément le site du Bourget, et malgré les éléments que vous m’avez fournis, je continue à m’interroger, étant aussi conseillère municipale à Drancy : n’y aurait-il pas un lien entre la réorganisation de l’activité fret de la plateforme du Bourget et le projet du Grand Paris, cher à notre Président de la République, sans oublier, bien sûr, les ambitions affichées par les maires du Bourget et de Drancy, qui rêveraient de livrer des terrains libérés à la spéculation immobilière ?

En tout état de cause, je resterai très vigilante s’agissant de cette importante question : le fret ferroviaire doit rester un grand service public.