M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Madame le sénateur, j’ai eu l’occasion d’évoquer cette question cette semaine avec le président du conseil régional de l’Île-de-France, M. Jean-Paul Huchon.

La logique du règlement OSP pouvait être assez dramatique pour la RATP. On pouvait en effet en revenir à la situation qui prévalait avant sa création, avec plusieurs opérateurs pour le métro parisien, comme en témoigne encore la différence de style entre les stations : la ligne Nord-Sud, qui traverse la circonscription de M. Lellouche, avait ainsi un opérateur différent de la ligne n° 1, entre Vincennes et Étoile, qui est la première ligne historique.

Nous avons souhaité protéger la RATP – c’était le souhait unanime de toutes les organisations syndicales – avec un système permettant de bloquer les investissements pendant quinze ans pour les bus, vingt ans pour les tramways et trente ans pour le métro, sachant que les délais d’amortissement sont tels que l’on peut tout à fait justifier cette mesure vis-à-vis de l’Union européenne. Toutefois, cela ne concerne pas les nouvelles lignes : si un maire souhaite ouvrir une ligne en banlieue, il sera procédé à un appel d’offres, et la RATP ne sera pas obligatoirement l’opérateur retenu ; ce sera au STIF d’en décider.

J’en viens maintenant aux problèmes des biens entre le STIF et la RATP. On a opéré une distinction entre ce qui appartenait au réseau avant 1969 et après 1969 et on a procédé à un échange, le STIF ayant le matériel roulant et la RATP, la propriété des bâtiments.

Si je prends l’exemple du siège de la RATP, quai de la Rapée, il y aura bien entendu une négociation dans la transparence et une compensation. J’ai indiqué voilà quarante-huit heures à M. Huchon que nous mettrions au point, avec le STIF, le décret d’application pour que les modalités de ces transferts et de ces cessions se fassent dans la plus grande transparence.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. J’interviendrai de nouveau sur deux points, ayant cru comprendre que ces séances devaient permettre la réactivité et des échanges rapides.

Tout d’abord, serait-il possible que les correspondances de la Commission au Gouvernement et à la représentation nationale nous soient transmises plus en amont, afin que nous puissions examiner ces sujets assez techniques et préparer nos argumentaires ?

Par ailleurs, je n’ai pas très bien compris l’intervention de M. Jean-Paul Emorine. Il a l’air de contester les critiques de la Commission à l’égard de la non-distinction entre la SNCF et Réseau ferré de France ; cela pose, semble-t-il, un problème de libre concurrence, et il évoque les cinq griefs en disant qu’ils ne sont pas vraiment fondés.

Or M. le secrétaire d’État semble avoir une position assez différente : je l’ai en effet entendu dire que le projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports répondait à ces critiques.

Monsieur le secrétaire d’État, dois-je entendre les explications du Gouvernement ou celles de M. le président de la commission ? Il me semble en effet qu’il y a là une contradiction. Je vous remercie donc de me rassurer et de m’éclairer sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. Monsieur Ries, nos interventions, sans avoir été pour autant préparées en commun, étaient coordonnées. J’ai indiqué où nous en étions, et M. le président de la commission a expliqué le processus législatif qui avait conduit à ce que nous soyons, début novembre, dans une bonne situation à l’égard de l’Union européenne. Les choses me semblent claires.

Il est vrai que cet avis a permis à l’Assemblée nationale et au Sénat, tout au long de la procédure législative, d’améliorer le texte initial du Gouvernement : c’est ce que l’on appelle, dans une autre assemblée, la « coproduction législative ».

Quoi qu’il en soit, nous avons abouti ensemble à un texte qui tient compte des interrogations auxquelles nous n’avions pas tout à fait répondu au départ. J’en remercie la commission de l’économie de la Haute Assemblée.

Quant à l’avis motivé, monsieur Ries, le Gouvernement l’a transmis à M. le président de la commission des affaires européennes trois jours après sa réception. Il est donc en possession de la Haute Assemblée.

M. le président. Nous en avons terminé avec ce troisième thème.

IV. – Coopération judiciaire et policière : situation en Bulgarie et en Roumanie

M. le président. Sur le quatrième thème, la situation en Bulgarie et en Roumanie au regard de la coopération judiciaire et policière, la parole est à M. Michel Billout, au nom de la commission des affaires européennes.

M. Michel Billout, au nom de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires européennes a fait en juin dernier un point sur la situation de la Bulgarie et de la Roumanie au regard des questions relatives à la justice et aux affaires intérieures.

À cette fin, elle a entendu nos ambassadeurs en poste à Sofia et à Bucarest. Elle a par ailleurs confié à notre collègue Pierre Bernard-Reymond et à moi-même la mission de lui présenter un état des lieux dans ces domaines, ce que nous avons fait dans une communication, le 23 juin dernier, après avoir pris différents contacts, notamment avec les représentants de ces deux États membres, tant à Bruxelles qu’à Paris, et avec la Commission européenne.

Je rappelle que, à l’occasion de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne, le 1er janvier 2007, et pour la première fois dans l’histoire de l’Union, un mécanisme de coopération et de vérification a été créé en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption, ainsi que, pour la seule Bulgarie, contre le crime organisé. Ce mécanisme vise aussi à remédier aux lacunes constatées dans la lutte contre la corruption.

Il fixe des objectifs de référence autour desquels s’organisent un suivi et un système de sanctions. Des mesures de sauvegarde prévues par les traités d’adhésion peuvent même être activées pendant une période de trois ans à compter de l’adhésion.

En février 2008, des rapports de la Commission européenne ont souligné que les progrès n’avaient pas été suffisamment convaincants. Les manquements les plus importants avaient été constatés dans la lutte contre la corruption de haut niveau, pour la Bulgarie et la Roumanie, et contre le crime organisé, pour la seule Bulgarie.

En dépit de certaines avancées, les rapports de juillet 2008 ont encore porté un jugement sévère. La Commission européenne a, en conséquence, estimé nécessaire de maintenir le mécanisme.

Parallèlement, un rapport spécifique sur la gestion des fonds communautaires en Bulgarie a conduit à la suspension, en juillet 2008, du versement d’une partie des aides accordées à la Bulgarie au titre de la préadhésion.

À l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, le Conseil a appelé en septembre 2008 la Bulgarie et la Roumanie à intensifier leurs efforts, mais deux rapports intérimaires publiés en février 2009 ont à nouveau relevé l’absence de résultats concrets.

Dans notre communication devant la commission des affaires européennes, mon collègue Pierre Bernard-Reymond et moi-même avions constaté que, si des progrès pouvaient être relevés, des résultats concrets se faisaient néanmoins encore attendre.

Toutefois, dans le domaine de l’application des lois, nous savons que du temps est parfois nécessaire. Il nous a semblé cependant qu’un engagement ferme et continu des autorités bulgares et roumaines était indispensable dans la mise en œuvre des réformes avec le soutien de la société civile.

Nous avions aussi considéré que, en dépit de ses défauts, le mécanisme de coopération et de vérification devrait être poursuivi en mettant plus l’accent sur la coopération, si des résultats concrets n’étaient pas observés. Mais, à l’évidence, en ce qui concerne les objectifs à atteindre, ce mécanisme de coopération et de vérification aurait aussi besoin d’être davantage précisé.

Par ailleurs, la commission des affaires européennes a constaté que la lutte contre la corruption et le crime organisé concernait l’Union européenne dans son ensemble et devrait faire l’objet d’une action commune plus déterminée.

Par ailleurs, des enseignements devront être tirés pour les futures adhésions : nous pensons que c’est avant même l’adhésion qu’une action résolue devra être engagée pour que le pays prenne les dispositions requises par l’intégration européenne.

En effet, le mécanisme de coopération et de vérification fait peser un trop fort sentiment de stigmatisation à l’égard des pays concernés et renforce l’idée d’une inégalité entre les vingt-sept pays de l’Union.

Postérieurement à cette communication, la Commission européenne a publié, en juillet 2009, deux nouveaux rapports de progrès. Dans des conclusions adoptées le 14 septembre 2009, le Conseil a appelé la Bulgarie et la Roumanie « à accentuer leurs efforts en prenant sans délai toutes les mesures nécessaires et en faisant état de résultats tangibles et durables, en particulier dans les domaines mis en évidence dans les rapports. »

Pour les deux pays, le Conseil a certes relevé les progrès accomplis, mais il a aussi constaté le caractère trop fragmentaire de ces derniers et l’absence de résultats concrets.

Relevant que le mécanisme de coopération et de vérification est désormais entré dans sa troisième année de mise en œuvre, le Conseil a noté « qu’il constitue un outil approprié et qu’il demeurera en place dans l’attente des résultats escomptés dans ce cadre ».

Dans ce contexte, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons connaître l’appréciation du Gouvernement sur la situation de la Bulgarie et de la Roumanie au regard de ces enjeux essentiels que sont la justice et la lutte contre la corruption.

Peut-on escompter un engagement ferme et résolu des autorités politiques, tant en Bulgarie qu’en Roumanie, pour prendre les mesures nécessaires ?

Si la situation devait perdurer, n’y aurait-il pas là un risque pour le bon fonctionnement de l’Union et sa cohérence ? Quel pourrait être notamment l’incidence sur la perspective d’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’espace Schengen ?

Ne faut-il pas accentuer la coopération pour permettre à ces deux pays de réaliser des progrès significatifs dans ces domaines ?

Enfin, au-delà de ces pays, l’Union ne devrait-elle pas engager une politique plus résolue de lutte contre la corruption ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la communication de MM. Pierre Bernard-Reymond et Michel Billout du 23 juin 2009 dresse un bilan très lucide de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie à l’Union.

Cette communication souligne d’abord avec beaucoup de justesse l’impact très positif pour la Roumanie et la Bulgarie de leur adhésion à l’Union. C’est un constat mutuellement partagé et qu’il ne faut pas hésiter à rappeler, comme je l’ai fait récemment lors de mes visites à Bucarest en juillet et à Sofia en septembre dernier, lorsque j’ai rencontré le nouveau Premier ministre bulgare.

Vous avez également raison de mettre en avant le dynamisme économique de ces deux pays depuis leur adhésion à l’Union européenne : près de 6 % de croissance par an en moyenne. Cela dit, la crise économique a eu aussi une forte incidence sur ces pays à partir de 2008.

Mais, là encore, face à cette crise, l’Union a su faire preuve de solidarité et garantir la stabilité financière de la région. C’est ainsi que l’Union a octroyé à la Roumanie un soutien à la balance des paiements de l’ordre de 5 milliards d’euros, qui est venu en appui de l’aide versée par le FMI et qui a très certainement contribué à sauver le système financier roumain.

C’est grâce à l’Union que la crise économique et financière n’a pas pris les proportions de celle de 1929, et nous devons tous nous en féliciter.

Mais votre communication épingle aussi les lacunes persistantes de ces deux États en matière de lutte contre la corruption. Sur ce point encore, vous avez raison.

Vous dressez, de ce point de vue, un bilan objectif du mécanisme de coopération et de vérification, institué par décision de la Commission européenne le 13 décembre 2006, et qui a été mis en place, notamment sous présidence française, pour aider la Bulgarie et la Roumanie, après leur adhésion, à accomplir les réformes nécessaires dans le domaine du système judiciaire, de la lutte contre la corruption et, pour la Bulgarie, de la criminalité organisée.

Vous faites également part de vos préoccupations légitimes sur la gestion des fonds communautaires par ces deux États, alors que – il faut le rappeler – la Commission a décidé en 2008 la suspension du versement de 500 millions d’euros d’aides allouées à la Bulgarie au titre de la préadhésion.

Par ailleurs, les fonds européens réservés à la Bulgarie et à la Roumanie au titre de la période allant de 2007 à 2013 sont très importants, tant en valeur absolue – 6 milliards d’euros pour la Bulgarie et 20 milliards d’euros pour la Roumanie – que rapportés au PIB de chacun des pays.

L’exigence de bonne gestion de ces fonds s’impose bien entendu à ces États, mais elle est également une exigence politique pour nous car – je le rappelle devant M. Philippe Marini – notre pays est désormais contributeur net à hauteur de 5 milliards d’euros. C’est dire si la bonne utilisation de ces fonds nous intéresse nous aussi !

M. Philippe Marini. Ce sera dit à Sofia !

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. À l’issue de ce bilan, votre communication s’achève, monsieur Billout, sur quatre observations que le Gouvernement partage entièrement, s’agissant du caractère du mécanisme, de la poursuite de ce dernier et des enseignements qui doivent en être tirés.

Premier constat, le mécanisme de coopération et de vérification est nécessaire et doit être maintenu. La Commission européenne ne note pas dans son rapport du 22 juillet dernier une percée majeure dans les résultats obtenus par la Bulgarie et la Roumanie.

S’agissant de la Bulgarie, la Commission regrette plus particulièrement l’absence de consensus politique ou de stratégie convaincante pour faire de la lutte contre la criminalité et la corruption la première des priorités du pays.

S’agissant de la Roumanie, la Commission déplore également l’absence de consensus politique pour mener à bien les réformes et le défaut d’effectivité des codes civil et pénal.

Le Conseil « affaires générales » du 14 septembre 2009 a confirmé ce point de vue. Il s’est prononcé dans le sens de la Commission et a endossé les grandes orientations de ce rapport.

Depuis le mois de septembre, toutefois, deux évolutions se sont produites. L’une est positive, l’autre négative.

L’évolution positive est intervenue en Bulgarie, où le nouveau gouvernement est dirigé par M. Borissov, que j’ai rencontré. Celui-ci est ensuite – et récemment – venu à Paris afin de rencontrer les plus hautes autorités françaises, à commencer par le Président de la République.

M. Borissov s’est engagé en priorité à lutter contre la corruption et la criminalité organisée. Nous prenons note de cette évolution favorable et nous espérons que des résultats seront rapidement obtenus. On constate, par exemple, que des modifications importantes sont intervenues dans le service des douanes, dont plusieurs responsables ont été licenciés, tandis que cinq cents fonctionnaires ont été mis à pied.

En Roumanie, au contraire, vous le savez comme moi, le Gouvernement est tombé. Le pays connaît ainsi une crise gouvernementale, d’où l’évolution négative que j’évoquais.

Deuxième constat, pour accroître son efficacité, le mécanisme de coopération et de vérification doit en effet, monsieur Billout, être plus précis et mettre davantage l’accent sur la coopération.

En réponse à cette observation, la Commission a adopté dans son rapport de juillet dernier vingt et une recommandations pour la Bulgarie et seize pour la Roumanie. Cette approche ciblée est d’autant plus nécessaire que, au-delà de la troisième année, les clauses de sauvegarde ne peuvent plus être activées par l’Union.

Je citerai certains exemples concrets de coopération engagés par la France avec ces deux pays.

En ce qui concerne la Roumanie, la France a apporté son soutien à un projet de renforcement des capacités institutionnelles et administratives du ministère de la justice et du ministère public roumains. Un magistrat, assistant technique, que j’ai moi-même rencontré, est placé en détachement auprès du ministre de la justice de Roumanie.

Lors du Conseil « justice et affaires intérieures » de juin 2008, le ministre de la justice roumain a demandé l’aide technique de la France pour la rédaction d’un projet de loi portant sur la responsabilité des ministres poursuivis pour actes de corruption. Nous avons accordé cette aide sous la forme d’une mission de deux hauts magistrats.

En ce qui concerne la Bulgarie, l’École nationale de la magistrature apporte un appui à l’Institut national de la justice de Sofia, fondé en 2004. Nous sommes disposés, dans le cadre de cet important jumelage européen remporté par la France, à travailler sur la réforme de l’État et tout particulièrement sur la professionnalisation des gouverneurs et la déconcentration.

Troisième constat, il manque – là encore, vous avez raison, monsieur Billout – un cadre d’ensemble européen pour la lutte contre la corruption et le crime organisé dans l’Union européenne.

La France, de ce point de vue, soutient la démarche de la Commission et portera ce sujet dans les débats sur le futur programme de Stockholm, qui fixera les orientations pluriannuelles.

En particulier, la France souhaite que, dans le cadre de ce programme, les États puissent s’accorder sur un mécanisme plus large d’évaluation de la qualité de la justice.

Quatrième et dernier constat, qui est aussi une leçon pour l’avenir, nous devons réserver une place éminente aux questions de justice et d’affaires intérieures dans les négociations d’adhésion.

Nous veillerons à ce que chaque pays candidat prenne toutes les dispositions requises en vue de son intégration à l’Union européenne ; nous ne transigerons pas sur les sujets concernant la justice et les affaires intérieures.

Comme vous le savez, à partir du retour d’expérience avec la Roumanie et la Bulgarie, nous avons renforcé le cadre de négociation avec les pays candidats, et prévu notamment que l’examen des chapitres puisse être assorti de critères d’ouverture et de fermeture.

C’est dans ce cadre que nous abordons, avec la Croatie, l’examen du chapitre 24 « Justice, liberté et sécurité », à partir des six critères suivants portant sur des points essentiels de l’acquis communautaire : asile, visas, gestion intégrée des frontières, Schengen, mandat d’arrêt européen, lutte contre le terrorisme. Nous examinerons dans ce même esprit le chapitre 23 « Pouvoir judiciaire et droits fondamentaux ».

J’ai d’ailleurs insisté sur ces points lorsque je me suis rendu en Islande au mois de juillet dernier, après que ce pays a annoncé sa candidature à l’Union européenne. Un an après la déconfiture de son système financier, qui l’a conduit à la ruine puisqu’il est désormais endetté à hauteur de treize fois son PNB, j’ai transmis aux responsables islandais la position de la France : il est pour nous incompréhensible qu’aucune poursuite n’ait été engagée contre leurs compatriotes à l’origine d’un tel désastre ; dès lors, la candidature de l’Islande est certainement recevable et intéressante, mais encore faut-il que des mesures de « nettoyage judiciaire » soient mises en œuvre.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez-en convaincus, nous sommes extrêmement vigilants quant au respect des critères fixés en matière de coopération judiciaire et de lutte contre la corruption et le crime organisé. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Payet et M. Richard Yung applaudissent également.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.

Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Je me félicite de ce que mon collègue Robert del Picchia souhaite également intervenir, car, représentant tous deux des Français établis hors de France, nous connaissons bien la situation de ces pays.

Je note que la position de la commission et celle du Gouvernement recueillent un large consensus. Je ne reviendrai donc pas en détail sur les différents points évoqués et ferai simplement trois remarques.

Premièrement, la lutte contre la corruption est un long processus.

Si la morale et l’éthique sont en cause, le phénomène est d’abord culturel et économique. Dans des pays comme la Bulgarie et la Roumanie, les plus hauts fonctionnaires gagnent 400 euros par mois, et les maires 200 euros. Comment voulez-vous qu’ils ne soient pas tentés de tirer profit de l’attribution, par exemple, d’un permis de construire ? Un tel comportement n’est évidemment pas justifiable, mais, d’une certaine façon, il est humain.

Tant que des dysfonctionnements perdureront, nous serons confrontés à la corruption. Celle-ci fausse la donne : les appels d’offres et les investissements n’ont plus de sens, et aucune activité économique normale n’est possible. Nous souhaitons tous que ce mal soit éradiqué ou, à tout le moins, ramené à une proportion similaire à celle que nous connaissons dans nos économies nationales. Mais tout cela prendra du temps, et il faut nous replacer dans le long terme.

Nous sommes tous prêts à croire les déclarations des dirigeants de ces pays. Mais cela fait cinquante ans que l’on entend le même discours en Afrique, et rien n’y a changé ! Personnellement, j’attends donc un peu plus que des déclarations, en l’occurrence des faits.

Au demeurant, il n’est qu’à voir la situation en Roumanie, où règne une grande confusion politique, pour comprendre que le problème de la corruption ne se résoudra pas en quelques mois.

Deuxièmement, monsieur le secrétaire d’État, vous n’êtes pas sans savoir que la Roumanie – je m’y suis rendu voilà quinze jours – ainsi que la Bulgarie, d’ailleurs, ne parviennent pas à consommer 10 % des crédits de coopération que l’Union européenne met à leur disposition. Ces deux pays manquent en effet de personnels compétents pour préparer les appels d’offres et les projets et, partant, pour les mettre en œuvre. Il s’agit d’un problème majeur, bien qu’un peu extérieur au sujet qui nous préoccupe aujourd’hui.

Sans doute faudra-t-il revoir les modes de fonctionnement en la matière, surtout lorsque l’on sait que la Commission européenne, pour ce qui la concerne, a défini un ensemble de règles totalement kafkaïen, au prétexte de lutter contre les tentations de détournement ou une mauvaise utilisation des fonds !

Enfin, troisièmement, je vous rejoins sur un point : il importe, dès le début des négociations d’adhésion, d’établir des critères à la fois précis et contraignants. La Roumanie et la Bulgarie font partie, par exemple, des pays concernés par le projet de pipeline. Il ne faut donc pas attendre, pour aborder tous ces sujets, qu’ils se retrouvent dans la situation d’être en quelque sorte stigmatisés et considérés comme les mauvais élèves de la classe.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d’État. Monsieur Yung, je vous remercie de votre soutien. Sur ce point, la Haute Assemblée et le Gouvernement sont du même avis, et c’est une bonne chose.

Vous l’avez rappelé, la lutte contre la corruption est un long processus. C’est précisément pour cette raison que le mécanisme de coopération et de vérification mis en place est valable un an et qu’il est renouvelable. Son utilité est avérée : à chaque fois qu’un rapport sur la question est publié à Bruxelles, il a un impact politique réel dans le pays concerné.

J’étais moi-même en Roumanie lorsque le dernier rapport a été publié. Le choc fut grand et le sujet a fait l’objet d’un débat à la télévision, pour savoir si le pays agit en conformité avec les préconisations européennes et mène une lutte efficace contre la corruption et le crime organisé.

Il s’agit donc d’un mécanisme à la fois indispensable et extrêmement utile sur le plan pédagogique. Même si le fait de singulariser des États récemment entrés dans l’Union européenne peut être mal perçu, il faut bien reconnaître que, par rapport aux autres, ces adhésions se sont déroulées dans des conditions économiques bien plus difficiles.

Vous avez également évoqué la sous-consommation des crédits communautaires, en soulignant, avec raison, qu’il ne s’agissait pas d’un sujet directement lié au débat qui nous préoccupe aujourd’hui. Cela étant, nous aurons l’occasion d’y revenir lors d’une prochaine séance de ce type.

Une chose est sûre, en tout cas, le phénomène n’est pas spécifique à la Roumanie puisque la France elle-même connaît un problème similaire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai demandé au Premier ministre de nommer M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, parlementaire en mission. Il travaillera en duo avec Mme Sophie Briard-Auconie, eurodéputée française, à l’élaboration d’un rapport devant nous permettre de comprendre les raisons pour lesquelles nos collectivités territoriales ne consomment pas efficacement et rapidement les crédits qui leur reviennent, sachant, encore une fois, que notre pays est contributeur net au budget européen. Il importe véritablement que nous apprenions à mieux consommer cet argent.

La France est donc concernée au même titre que la Roumanie, mais, vous avez raison, cet effort est encore plus difficile pour un pays qui ne s’est installé que récemment dans la démocratie. Conscient du problème, le Gouvernement a détaché sur place un certain nombre de hauts fonctionnaires dans le cadre d’une coopération renforcée, chargés d’apporter une aide technique à leurs homologues roumains.

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Je tiens avant tout à féliciter mes collègues Michel Billout et Pierre Bernard-Reymond de leur communication faite au nom de la commission des affaires européennes.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de toutes vos explications. Elles ont permis d’éclairer encore un peu mieux l’action menée par la France et l’Union européenne pour résoudre un problème qui, n’en doutons pas, peut devenir très grave, non seulement pour la Roumanie et pour la Bulgarie, mais aussi pour les autres États membres. Tous risquent de perdre leur crédibilité.

En l’état actuel, nous ne pouvons plus nous permettre d’aller faire la morale aux dirigeants africains, au risque de nous entendre dire : « Regardez donc ce qui se passe chez vous ; la situation est bien pire ! » Vous avez rappelé l’importance des fonds versés : représentant plusieurs milliards d’euros, ils éveillent les convoitises. À chaque fois qu’il y a de l’argent en jeu, la corruption se développe, surtout dans des pays où le crime organisé a d’ores et déjà pris racine.

Il est tout de même regrettable de constater que l’aide apportée par l’Union européenne à la Roumanie et à la Bulgarie pour favoriser leur développement et en faire des États membres à part entière risque d’aboutir à de telles dérives.

Certes, un cadre a été défini et des mesures ont été prises, mais, pour l’instant, les progrès sont insuffisants, comme l’ont noté nos deux collègues dans leur communication. Mais il est encore permis d’espérer. Jusqu’à quand ? Nous n’en savons rien !

Monsieur le secrétaire d'État, l’Union européenne doit véritablement se saisir de ce problème réel, d’autant qu’il existe un risque de contagion aux pays voisins. Vous avez évoqué les Balkans et le cas particulier de la Croatie. Il paraît tout à fait naturel que les pays de cette région, qu’ils aient ou non vocation à entrer dans l’Union européenne, connaissent une montée en puissance du crime organisé.

Nous devons veiller, à l’avenir, à freiner un tel développement, faute de quoi l’Union européenne verra son image se dégrader. Il est donc à mes yeux très important de continuer, voire de renforcer, les actions que vous avez rappelées.