M. Christian Estrosi, ministre. Voilà pourquoi je suis défavorable aux amendements visant à supprimer les alinéas 4, 5, 6, 7 et 8 de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 442.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 32 et 437. (Marques de lassitude sur les travées de l’UMP.)

M. Jean-Claude Danglot. Nous avons assez dénoncé, en défendant l’amendement n° 32, la véritable spoliation d’un service et d’un bien de la nation dont il s’agit ici. Je n’y reviens donc pas, préférant, dans cette explication de vote, m’élever cette fois conte le véritable détournement du droit du travail dont se rend également coupable l’alinéa 4 de l’article 1er.

En effet, d’une simple phrase, vous décidez que la transformation du statut de La Poste n’a aucune incidence sur ses biens, ses droits, ses obligations, ses contrats et conventions, donc sur les contrats de travail.

Oser une telle affirmation et décider d’une telle mesure, c’est considérer qu’il ne faut pas accorder au personnel plus de valeur qu’à une boîte aux lettres ou qu’à une bicyclette. C’est inacceptable !

Une telle disposition est aussi contraire au droit. Tout salarié dispose de droits quand une entreprise est transférée, d’une façon ou d’une autre, à une nouvelle personne morale.

C’est l’une des raisons qui motivent notre vote en faveur de la suppression de cet alinéa

M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Pour motiver mon vote en faveur la suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er, je reviendrai sur la spoliation dont vient de parler mon collègue, en considérant un élément du patrimoine de la nation, je veux parler des biens immobiliers de La Poste.

Ce patrimoine immobilier s’est construit au fil du temps grâce à l’investissement de chaque citoyen qui, par ses impôts et ses taxes, a participé à la réalisation de nos milliers de bureaux de poste.

Au-delà des équipements propres au travail, il s’agit également de biens immobiliers répartis sur l’ensemble du territoire, souvent des maisons, mais aussi des bâtiments, acquis directement par La Poste ou bien cédés gracieusement par les communes pour installer une administration, puis pour assurer le maintien et le développement du service public.

Les surfaces construites pour l’activité du bureau de poste comprennent, en général, au moins un appartement, qui était auparavant consacré au receveur. Souvent, les plus importants d’entre eux comptent un ensemble de chambres, qui servait à accueillir les facteurs mutés d’une autre région.

À l’heure de la bulle immobilière, la valeur de ces biens est immense. Certains d’entre eux deviennent vacants.

Or, loin de vous contenter d’autoriser seulement la jouissance de ces lieux par la future entreprise privée, vous transférez également les titres de propriété, sans même réclamer l’euro symbolique.

Faut-il rappeler que les biens de la nation appartiennent à l’ensemble de la population, donc, en somme, à chacun d’entre nous ? Si l’autorité administrative, qui peut vendre ou louer ces biens, en assure la gestion, elle ne saurait pour autant en réduire la valeur à zéro en les cédant sans aucune contrepartie.

C’est également en cela que nous pouvons parler de spoliation.

Pour ces raisons, je voterai en faveur des amendements identiques de suppression de l’alinéa 4 de l’article 1er.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 437.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 438.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 444.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 446 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 35 et 275.

M. Michel Billout. Ma collègue s’interrogeait précédemment sur certaines dérogations au code de commerce dont pourrait bénéficier la future société anonyme La Poste. Je souhaiterais lui fournir quelques explications, puisqu’elle ne les a obtenues ni de la commission ni du ministre.

Le Gouvernement défend avec obstination le principe de la transformation de La Poste en société anonyme, et ce malgré l’hostilité de l’ensemble des organisations syndicales de La Poste, de nombreux partis politiques et d’associations réunies au sein du comité national contre la privatisation de La Poste. Il ne fait surtout aucun cas des 2,3 millions de personnes qui se sont exprimées, le 3 octobre dernier, contre le projet de loi et contre tout projet de privatisation de La Poste.

Or l’évolution juridique que l’on nous propose laisse entrevoir, à plus ou moins brève échéance, une privatisation de l’opérateur public postal.

M. Alain Fouché. C’est nouveau, comme argument !

M. Michel Billout. Cette crainte ne résulte pas d’une quelconque certitude idéologique. Elle est le fruit de l’expérience des privatisations précédentes de services publics nationaux majeurs, comme France Télécom, EDF et GDF !

Par ailleurs, ce projet est contraire à l’intérêt général. Le changement de statut de La Poste en société anonyme conduira inéluctablement à privilégier une logique financière, c’est-à-dire à faire primer la rentabilité et non la satisfaction de l’intérêt général !

Certes, les petits bureaux de poste de nos campagnes ne sont pas rentables, mais c’est parce qu’ils assurent des missions de service public qui, par nature, n’ont pas vocation à répondre à une logique de rentabilité.

La logique de solidarité nationale et de maillage territorial qui est celle du service public postal est en effet remise en cause par ce projet de loi !

Nous refusons le changement de statut de La Poste et la transformation de l’EPIC en société anonyme et voterons par conséquent ces amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35 et 275.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'amendement n° 36.

M. Jean-Claude Danglot. Ce projet de loi ne répond à aucune attente de la population, ni des élus, ni des postiers.

En témoignent la mobilisation des Français lors de la votation citoyenne, mais aussi celle des communes, surtout les communes rurales, déjà fortement touchées par un désengagement de La Poste.

Contrairement à ce qu’assure le Gouvernement depuis le début de l’examen de ce texte, rien ne rend obligatoire le changement de statut de La Poste. En particulier, l’ouverture à la concurrence des plis de moins de 50 grammes en 2011 ne rend nullement nécessaire une telle modification.

Par ailleurs, ce changement de statut n’apporte aucune garantie en termes de service rendu aux usagers, bien au contraire.

Le 3 octobre dernier, ces usagers ont pu faire part de leur attachement à un service public qu’ils considèrent comme essentiel. Ils ont ainsi exprimé leur souhait de voir assuré un service public postal moderne et rénové, garantissant l’avenir de La Poste et l’emploi de ses personnels.

En effet, le service public national de La Poste ne saurait se réduire à de simples points de contact, insusceptibles de garantir l’accessibilité et l’égalité de traitement des citoyens.

Nous refusons de voir La Poste soumise à un droit des sociétés parfaitement étranger à ses missions d’intérêt général ! C’est pourquoi nous voterons cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote sur l'article 1er. (Protestations sur les travées de lUMP)

M. Christian Cambon. Des arguments nouveaux, s’il vous plaît ! Innovez !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Changez de disque !

Mme Odette Terrade. Rien ne vous empêche de vous exprimer, chères collègues !

M. Jean-Claude Danglot. Je vois que la majorité se réveille, il était temps ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Personne ne vous empêche de prendre à votre tour la parole, chers collègues ! (Protestations sur les travées de lUMP.)

Mme Colette Mélot. Vous dites toujours la même chose !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Danglot. (Brouhaha sur les mêmes travées.)

M. Jean-Claude Danglot. Merci, monsieur le président. J’ai en effet la parole, et moi seul !

Beaucoup de choses ont été dites sur cet article 1er, si bien que nous avons pu, nous, sénateurs du groupe CRC - SPG et de l’ensemble de l’opposition sénatoriale, dissiper le brouillard savamment diffusé par le Gouvernement pour masquer les desseins réels des auteurs de ce projet de loi. (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Le brouillard, c’est de saison !

M. Jean-Claude Danglot. Je souhaiterais, pour expliquer notre vote sur cet article 1er, revenir sur un point essentiel, la confiance.

En effet, comme il a été démontré par A plus B depuis lundi, il n’est rien qui puisse entraver la poursuite de la privatisation de La Poste, malgré les déclarations de M. Estrosi

Le concept d’entreprise « imprivatisable » a fait long feu !

Chacun sait, et vous-même devriez le savoir, monsieur le ministre, que la loi peut toujours défaire la loi et que toute entreprise publique peut être privatisée. M. Henri Guaino, que vous connaissez bien, vous l’a d’ailleurs rappelé.

Puisque ce concept, pour le moins étonnant, « d’entreprise imprivatisable » a volé en éclats, ne demeure donc aujourd’hui que celui de la confiance pour prévenir la privatisation de La Poste.

Aucune garantie ne pourra provenir d’une virtualité juridique créée de toutes pièces dans le seul but de nous faire accepter un changement de statut frayant la voie à la privatisation. Il ne dépend que de notre volonté commune que La Poste reste publique à l’avenir.

Mais comment vous accorder une telle confiance, à vous en particulier, monsieur le ministre, mais aussi à l’ensemble du Gouvernement, au Président de la République et à sa majorité ?

Je ne reviendrai pas sur la tromperie bien connue d’EDF-GDF.

Je suis cependant étonné de ne pas avoir entendu, au cours des débats, de référence au passionnant rapport relatif à l’avenir de La Poste publié en octobre 1997 par M. Gérard Larcher, alors grand spécialiste de la majorité sénatoriale en matière de poste et de télécommunications.

Mon amie Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, a pourtant rappelé aux bons souvenirs du Sénat des éléments de ce rapport dans le cadre de la discussion générale.

M. Larcher s’opposait alors à la transformation en société anonyme de La Poste, transformation qu’il nommait « sociétarisation ».

Je vous rappelle ses propos : « Est-ce à dire que tout comme pour France Télécom, une sociétarisation présenterait un intérêt pour les postiers, pour La Poste et pour la nation ? Il ne le semble pas. »

Pourquoi une telle évolution depuis ? Pour respecter les exigences européennes ? Les directives communautaires n’exigent pas de changement de statut. Pour pouvoir recevoir les aides de l’État, ce que ne permettrait pas le statut d’EPIC ? Cette ineptie a été ravalée au rang qu’elle méritait.

Je crains malheureusement que ce ne soit la mondialisation financière et l’émergence croissante de l’argent-roi qui aiguisent les appétits. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

La crise ne change pas la donne. Les centaines de milliards envolés, les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires n’y font rien, le capital a besoin de nourriture pour croître !

La Poste est en ligne de mire et la multiplication de ces contre-vérités grossières ne pourra dissimuler cette vérité : pour Nicolas Sarkozy et ses amis, les services publics sont à vendre, et il y a beaucoup de clients !

Nous voterons donc résolument contre cet article 1er, car nous voulons que La Poste demeure un bien commun. Nous rejetons la nouvelle société chère à M. Estrosi, celle où les intérêts privés prennent le pas sur l’intérêt général ! Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur l'article.

M. Michel Teston. Depuis lundi, nous nous sommes efforcés de faire prendre conscience à nos collègues de la majorité sénatoriale du danger que représente l’adoption de l’article 1er de ce projet de loi.

Le statut d’EPIC de La Poste est le dernier garde-fou à éliminer. La transformation de l’établissement public en société anonyme fera sauter un verrou, ce qui permettra par la suite, bien que le Gouvernement ainsi que M. le rapporteur s’en défendent, d’ouvrir, par une autre loi, le capital de La Poste à des intérêts privés.

La Poste est privatisable, et c’est d’ailleurs l’objet de l’article 1er que d’ouvrir une telle possibilité !

Nous y sommes totalement opposés, comme nous n’avons cessé de le dire depuis plusieurs mois déjà.

M. Gérard Cornu. On avait compris !

M. Michel Teston. De plus, vous n’avez pas apporté la preuve que La Poste était dans l’incapacité de se développer dans le cadre juridique actuel.

Je rappelle également qu’aucune législation-cadre européenne n’oblige la France à changer le statut de La Poste. Ce n’est pas parce que les autres États européens ont mis en place des sociétés anonymes que nous devons obligatoirement faire de même !

En outre, si la question des fonds propres et de leur amélioration mérite d’être soulevée, la solution ne réside pas nécessairement dans un changement de statut.

En effet, l’Union européenne autorise les États membres à apporter des aides aux postes, dès lors qu’il s’agit de compenser leurs obligations de service public dans deux domaines particuliers : la présence postale, d’une part, le transport et la distribution de la presse, d’autre part.

Jusqu’à présent, nous constatons que l’État n’a jamais apporté, en loi de finances, les sommes nécessaires pour que La Poste exerce la première mission et que celles qu’il consacre, en loi de finances initiale, au transport et à la distribution de la presse sont insuffisantes.

Des crédits plus importants devraient être votés dans le cadre de la loi de finances initiale. Mais L’État s’y refuse, alors qu’une telle décision serait conforme à la législation européenne et que nous le réclamons chaque année à l’occasion de l’examen des crédits des missions !

Le changement de statut correspond donc à une volonté politique du Gouvernement français, et non pas à une demande de l’Union Européenne ! Ce choix dogmatique repose sur l’idéologie selon laquelle il n’y a de salut pour la poste française que dans le cadre d’une société anonyme !

Nous sommes parfaitement opposés à cette orientation et voterons donc contre l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'article. (On crie « Parlez sans papier ! » sur de nombreuses travées de lUMP.)

Mme Marie-France Beaufils. Il me semble judicieux de revenir sur ce que le Gouvernement perçoit comme une nécessité.

La Poste pourrait-elle, en demeurant un EPIC, trouver les ressources internes et externes nécessaires à son développement ? Le parallèle avec l’évolution du cadre juridique d’autres EPIC est ici éclairant.

Un texte en particulier me semble pertinent dans le cadre du débat qui nous occupe : la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, qui a notamment transformé la SNCF, alors société d’économie mixte, en EPIC.

Il me semble opportun de rappeler, pour l’information de tous, que RFF et la SNCF sont bien des EPIC, et non pas des sociétés anonymes, contrairement à ce qu’affirmait hier au soir M. Patrice Gélard.

M. Roland Courteau. C’est juste ! Et cela fonctionne très bien !

Mme Marie-France Beaufils. De plus, les directives européennes, si libérales soient-elles, n’ont jamais imposé à un opérateur du service universel, dans quelque domaine que ce soit, d’adopter à tout coup le statut de société anonyme par actions !

Les directives européennes visant à mettre en œuvre la fameuse « concurrence libre et non faussée » n’ont jamais porté sur la nature juridique des entreprises intervenant en matière de services publics !

L’article 24 de la LOTI dispose d’ailleurs que « la Société nationale des chemins de fer français reçoit des concours financiers de la part de l’État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées en raison du rôle qui est imparti au transport ferroviaire dans la mise en œuvre du droit au transport et de ses avantages en ce qui concerne la sécurité et l’énergie. Elle reçoit également des concours des collectivités territoriales, notamment en application des dispositions de l’article 22 de la présente loi ainsi que de l’article 67 de la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ».

La SNCF remplit des missions d’aménagement du territoire, et les points de contact de La Poste participent de cette même obligation !

Rien n’empêche La Poste de bénéficier de ressources publiques pour adapter ses structures, moderniser ses activités et améliorer constamment la qualité du service rendu.

Et rien n’empêche d’inscrire ces principes dans la loi, où ils ne figurent d’ailleurs peut-être pas encore avec la précision nécessaire, contrairement à la loi d’orientation des transports intérieurs qui, elle, les affirme expressément.

Enfin, La Poste, quand elle ne dégage pas suffisamment de marge pour autofinancer ses investissements, et donc son développement – Dieu sait qu’elle le fait, notamment quand elle ferme des centres de tri départementaux pour les remplacer par les fameux centres « Cap Qualité Courrier » ! –, fait appel à l’endettement.

Cet endettement reste mesuré, soit dit en passant, puisqu’il ne représente, pour le coup, que quelques mois d’activité de l’ensemble du groupe ! En effet, la dette de La Poste s’élève à près de 6 milliards d’euros : à la fin de 2008, elle se décomposait en une dette obligataire de 5,591 milliards d’euros et une dette liée à la situation des personnels – correspondant à la provision pour les retraites des fonctionnaires de La Poste – d’un montant de 1,384 million d’euros. En regard, le chiffre d’affaires du seul secteur courrier s’élève à 11,53 milliards d’euros et le chiffre d’affaires de l’ensemble du groupe La Poste atteint les 20,8 milliards d’euros !

Cette dette présente donc un coût apparent relativement faible, aux alentours de 5 % rapportée à l’encours. Nous ne sommes donc même pas convaincus, dans les faits, que le choix de La Poste de s’endetter pour investir ne soit pas moins onéreux, dans la pratique, que celui qui résulterait de l’attribution de dividendes fondés sur la diffusion d’un capital démembré en actions.

C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à voter contre cet article 1er.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l’article.

M. Jean-Jacques Mirassou. Nous arrivons au terme d’un débat qui s’est manifestement apaisé par rapport à hier soir. Cependant, malgré les efforts des uns et des autres, nous devons faire le constat que les lignes n’ont pas bougé !

D’un côté, M. le ministre, en s’appuyant sur les options gouvernementales, essaie de nous faire croire que le changement de statut de La Poste a une portée purement technique, affirmant vouloir garantir avant tout l’efficacité économique. De l’autre côté, dans les rangs de la gauche, nous constatons, derrière ce « changement technique », un véritablement changement de nature politique. J’emploie cette épithète dans son sens le plus élevé, car il s’agit bien ici de la gestion de la cité.

Vous prenez donc inévitablement le risque de rompre avec une conception du service public qui est la nôtre, bien sûr, mais qui est aussi partagée par d’autres sensibilités politiques, rompant du même coup ce lien indéfectible que cette conception entretient avec l’histoire de notre peuple et de la République.

Si ce changement de statut est adopté, nous sommes persuadés – peut-être nous trompons-nous – que nous mettons le doigt dans un engrenage : à terme, par souci de rentabilité, comme nous l’avons expliqué ce matin, La Poste risque de se voir en quelque sorte aspirée vers le bas. C’est ainsi que le bureau de plein exercice devient une agence postale communale, qui devient ensuite un point relais commercial, qui lui-même devient...on ne sait quoi !

Mme Nathalie Goulet. Un dépôt de pain !

M. Jean-Jacques Mirassou. Au-delà de l’altération du service rendu à la population, il est intéressant de constater que la recherche du profit aura inévitablement des conséquences directes, non seulement sur les conditions de travail, mais également sur l’effectif considérable des postiers, ces femmes et ces hommes qui, aujourd’hui, travaillent au service de l’immense majorité des Français.

Ces deux dérives représentent une altération de notre conception du service public. Or, c’est précisément la raison pour laquelle vous voulez prendre ce risque ; quant à nous, nous nous y refusons.

Nous sommes donc fermement opposés au changement de statut de La Poste, et nous voterons mécaniquement, mais avec beaucoup de conviction, contre cet article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l’article.

M. Martial Bourquin. À aucun moment, durant ces deux jours de débats, je n’ai perçu de volonté de « pourrir la semaine ». Bien au contraire, le débat est sérieux : parce qu’il est idéologique, il est caractérisé, comme il se doit, par des désaccords. Quand on n’est pas d’accord, on échange des arguments, on essaie de convaincre l’autre partie, on essaie de l’écouter.

M. Gérard Cornu. Pour écouter, on écoute !

M. Martial Bourquin. J’ignore si le vote qui va suivre montrera que nous avons été compris, mais je tiens à souligner que ce temps consacré à La Poste ne saurait se résumer à un « pourrissement » de la semaine. Mes chers collègues, si on aime La Poste, on peut lui consacrer du temps. La Poste le vaut bien, comme le dit la publicité !

Je regrette que, sur ce dossier, le Gouvernement avance masqué, car je pense que le passage au statut de société anonyme est la première étape d’une privatisation ultérieure, une privatisation annoncée.

Je sais que, lorsque M. le ministre, tout comme le précédent ministre des finances, dit que La Poste sera publique à 100 %, il le pense vraiment. Mais peut-être ne sera-t-il plus en fonction dans quelques mois, alors que La Poste, elle, sera devenue une société anonyme. Son successeur ne se sentira pas forcément lié par les engagements pris aujourd’hui. Après tout, le passé est le passé !

M. Gérard Cornu. C’est précisément pour cela que nous avons voté l’amendement Retailleau !

M. Martial Bourquin. Cette transformation en société anonyme, vous allez le voir, va entraîner, dans les semaines qui viennent, une accélération des fermetures de bureaux de poste (Protestations sur les travées de lUMP- Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC-SPG.)...

M. Martial Bourquin. ... et une accélération des suppressions d’emplois.

Tout à l’heure, M. le ministre nous a cité des statistiques sur les suppressions d’emplois, mais sur une période longue – voilà une preuve d’habileté rhétorique ! Ses chiffres étaient justes sur la durée, mais, si l’on examine les deux dernières années, les statistiques sont catastrophiques : 17 000 suppressions d’emplois, un plan social terrible !

M. Guy Fischer. Et cela s’accélère !

M. Martial Bourquin. Chers collègues de la majorité, vous qui allez voter cet article, soyez certains que vos électeurs, c’est-à-dire des élus, ne manqueront pas de vous reprocher à la première occasion d’avoir approuvé le passage du statut d’EPIC à celui de société anonyme, parce que le déménagement du territoire est en route et va s’accélérer ! Mais chacun prendra ses responsabilités !

L’EPIC, comme l’a remarquablement expliqué Michel Teston, offre une protection aux salariés, à la société, aux usagers de La Poste, dans ce monde libéral où le chacun-pour-soi est la règle, où les services publics sont dévorés. En un vote, cette protection va partir en fumée !

Après le temps de la distribution de l’argent que l’État n’a pas, viendra celui de la résorption des déficits. À ce moment-là, vous le verrez, on vendra au mont-de-piété les bijoux de famille !

M. Christian Cambon. C’est ce qu’a fait Jospin !

M. Martial Bourquin. Peut-être La Poste en fera-t-elle partie, mais cela ne suffira pas à régler la question des déficits, comme nous l’avons dit lors de la séance des questions d’actualité. C’est aussi pour cette raison que nous devons être lucides : vous verrez que les engagements pris aujourd’hui ne seront pas tenus. Comme l’a dit Michel Teston, le respect du parallélisme des formes fera qu’une loi viendra en démentir une autre.

Le statut d’EPIC a fait ses preuves à la SNCF, à la RATP ! On peut donc moderniser des entreprises sous ce statut : si le Gouvernement veut passer au statut de société anonyme, c’est bien qu’il y a anguille sous roche ! On nous prépare une privatisation ultérieure de La Poste, une purge libérale des services publics. Nous devons nous y opposer, et nous nous y opposons en votant contre ce changement de statut.

Non, nous n’avons pas voulu « pourrir » la semaine, mais nous sommes pleins de passion : nous aimons ce service public, nous avons envie de le conserver !

Nous pensons à ces facteurs qui, par tous les temps, portent le courrier de maison en maison,…

M. Pierre Hérisson, rapporteur. C’est du Zola !

M. Martial Bourquin. … à ces agents qui, derrière les guichets, accueillent sans distinction l’ensemble des Français. Si, demain, ce service public n’existe plus, comme il n’existe déjà plus en Allemagne et dans les autres pays qui ont privatisé leur service postal, le peuple sera en droit de vous demander des comptes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe socialiste, la deuxième, de la commission de l’économie, la troisième, du groupe CRC-SPG.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l’adoption 187
Contre 151

Le Sénat a adopté.