M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Henry Kissinger définissait ainsi la diplomatie : « Nice job, hard job ». La formule s’adapte parfaitement à l’examen de la mission « Action extérieure de l’État ».

Avec 2,66 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,63 milliards d'euros en crédits de paiement, votre budget, monsieur le ministre, se place au dix-septième rang des trente-deux missions. Les efforts financiers entrepris et les réductions d’effectifs ont été très importants avec, parfois, des conséquences sociales douloureuses.

L’universalité de notre réseau diplomatique fait l’unanimité. Ni le Livre blanc ni la révision générale des politiques publiques ne le contestent, mais sa structure a dû évoluer pour s’adapter, au moindre coût, aux mutations internationales. Ainsi, la création de la direction de la mondialisation et la classification des ambassades en trois formats prennent en compte le contexte mondial dans une dynamique constructive.

Je suis heureux que le conseil de modernisation des politiques publiques mette en œuvre des mesures que je préconisais depuis des années : d’abord, l’ambassadeur devient le coordinateur local de l’action extérieure de l’État et chapeaute toutes les administrations sur place. Ensuite, les postes mixtes, diplomatiques et économiques, se multiplient, les mutualisations de visas européens également. Enfin, les structures culturelles s’organisent pour renforcer le rayonnement de notre diplomatie d’influence.

Il faut que cette évolution positive, cohérente et économe s’amplifie.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à aller au bout de cette logique et à demander la création d’une mission « Commerce extérieur » qui soit rattachée à l’Action extérieure de l’État, dans la maquette budgétaire pour 2011 ?

« Est-il normal qu’on ait 721 personnes au sein de nos services diplomatiques au Sénégal et 271 en Inde ? », s’interrogeait, à Dakar le Président de la République. Cette remarque en forme de question montre la nécessité de poursuivre le redéploiement des effectifs. Il est, certes, nécessaire de conserver une présence forte dans les pays où nos intérêts historiques sont toujours stratégiques, mais les pays émergents, au grand potentiel de coopération avec la France, doivent devenir prioritaires.

Il nous revient de mettre en œuvre une véritable stratégie prospective, en particulier avec les ministères de l’économie et de la recherche, en ciblant les pays où nos intérêts économiques et politiques vont grandissant. Des conseillers en prospective devraient constituer un pôle interministériel pour structurer une coordination jusqu’ici trop souvent absente, en complément du Comité interministériel des réseaux internationaux de l’État, le CORINTE.

Je tiens à relever un « point noir » : les bourses universitaires pour les étudiants étrangers. Alors qu’elles sont un moyen privilégié d’attirer en France de futurs cadres internationaux qui défendront nos intérêts, notre pays, qui accueille déjà moins d’étudiants étrangers que l’Allemagne et le Royaume-Uni, baisse les crédits boursiers de 3,4 millions d’euros !

Dans le cadre de l’Union européenne, vous avez donné pour mots d’ordre  «  regroupement, mutualisation, externalisation, modernisation des services consulaires. »

Quel est le calendrier pour supprimer, à l’intérieur de l’Union, les consulats, qui sont une négation de la citoyenneté européenne ? Hors de l’Union, onze postes sont actuellement mutualisés pour l’accueil des demandeurs de visas. C’est une mesure d’économie et un succès. Le poste de New Delhi, par exemple, est mutualisé avec neuf pays de l’Union, et même la Suisse !

Les co-localisations de consulats européens sont opérationnelles : envisagez-vous une accélération de cette dynamique, et à quel rythme ?

Monsieur le ministre, vous avez évoqué l’échec des ambassades communes. Pouvez-vous nous en expliquer les raisons ?

Enfin, notre pays participe à de nombreuses organisations internationales et ses contributions obligatoires ne font que progresser, au point même d’être sous-budgétisées.

Je m’arrêterai sur les crédits relatifs aux opérations de maintien de la paix : 386,40 millions d’euros sont prévus pour 2010, en augmentation de 46 millions d’euros par rapport à 2009, mais les besoins supplémentaires sont déjà estimés à 120 millions d’euros ! En dépit des effets de calendrier et de l’évolution des taux de change, quelle est la sincérité du budget que vous nous proposez ?

De plus, pour envisager la réalité d’une défense européenne, les budgets nationaux de défense devraient tendre vers des pourcentages proches. Mutualisons déjà les dépenses au titre des opérations extérieures !

Monsieur le ministre, votre budget n’est peut-être pas à la hauteur des ambitions diplomatiques françaises, mais la réforme engagée était indispensable et elle renforce les postes stratégiques. Vous avez affirmé être « un fidèle serviteur de l’État ». Alors, comme le dit votre prédécesseur Hubert Védrine, vous vous devez de « faire rayonner la France que le monde aime ». Pour souligner et approuver l’effort spectaculaire mais nécessaire et bien que parfois, hélas, douloureux de votre ministère, je voterai son budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le 5 décembre 2008 en pareille occasion, je vais consacrer mon propos aux crédits d’action sociale de votre ministère et, bien entendu, plus particulièrement à ceux qui intéressent les Français établis hors de France.

Je dois vous avouer ma grande perplexité, ma grande interrogation, et votre réponse sera précieuse pour me permettre de comprendre les motivations qui amènent votre ministère à diminuer les crédits du pôle social inscrits au programme 151 de votre ministère. Je ne comprends pas davantage la quasi-suppression de la troisième catégorie aidée de la caisse de sécurité sociale des Français de l’étranger, la CFE, mise en place par la loi de modernisation sociale de janvier 2002 et examinée en décembre 2001, l’un des derniers textes du gouvernement Jospin.

Certes, il me serait difficile d’ignorer que la situation financière de la France est extrêmement préoccupante, que l’on cherche des réductions budgétaires partout et que ce sont les ministères des finances et du budget qui sont les instigateurs de la baisse des crédits susmentionnée.

Ma première interrogation concerne la diminution sur trois ans des crédits du pôle social de votre ministère. Rappelons que ce pôle, créé en 1977, alors que Raymond Barre était Premier ministre de la France, a été abondé par les gouvernements de droite et de gauche, que MM. Alain Juppé et Hubert Védrine y ont pris leur part.

Ce pôle sert à aider les communautés françaises en difficulté, qu’il s’agisse des personnes âgées, handicapées majeures et mineures, d’enfance en détresse ou de rapatriements d’urgence. Bref, l’idée de Raymond Barre était que la France, modèle de couverture sociale pour nos compatriotes de métropole et d’outre-mer, ne devait pas être en reste avec les Français de l’étranger. En 1977, ils n’étaient que 1 500 000 ; ils sont maintenant plus de 2 300 000 !

Alors, comment peut-on envisager de diminuer pour l’année 2010 les crédits du pôle social de plus de 1 500 000 euros, donc au détriment des plus défavorisés de nos compatriotes expatriés ?

Monsieur le ministre, je rentre de Tunisie. Le consul général de France à Tunis m’a indiqué qu’on lui avait demandé de restreindre son budget d’aide sociale de 10 % pour 2010. Cette diminution aurait un impact sur les crédits sociaux, sur les allocations de solidarité ou handicapé et sur l’entretien des cimetières français de Tunisie.

Comment peut-on envisager, monsieur le ministre, que le budget des cimetières français de Tunisie, qui disposait de 15 000 euros annuels – un euro par tombe française – soit diminué ou supprimé ? Le comité consulaire pour la protection et l’aide sociale de Tunis s’est élevé avec force, le 15 novembre dernier, contre une telle mesure, alors que le périmètre d’action de ce pôle social ne cesse de s’étendre.

Des protestations viennent de tous les pays : nous en avons reçu notamment de Côte d’Ivoire et du Maroc. Je me demande d’ailleurs, monsieur le ministre, comment des instructions ont pu être données aux postes consulaires avant même l’examen des crédits de votre ministère ! Il y a, convenez-en, matière à interrogation : alors que nous discutons de cette mission, des instructions sont déjà données aux postes consulaires pour diminuer l’impact budgétaire de leur action ? La chose est pour le moins paradoxale !

C’est la raison, monsieur le ministre, qui me fera soutenir l’amendement que mon collègue Adrien Gouteyron a déposé, au nom de la commission des finances, tendant à abonder à hauteur de 1 500 000 euros les crédits destinés à l’aide sociale de nos compatriotes établis hors de France.

Notre rapporteur prend ces fonds sur les crédits du programme 105 destinés à financer le développement du réseau informatique du ministère des affaires étrangères.

Sans méconnaître l’importance de ce développement, il ne m’apparaît pas anormal de reporter de quelques mois ces mesures, certes nécessaires, pour privilégier la couverture de nos compatriotes les plus démunis. L’aide qu’ils reçoivent chaque mois est indispensable à leur survie ; elle est donc essentielle.

Ma seconde interrogation concerne, monsieur le ministre, la quasi-suppression de la troisième catégorie aidée de cotisants de la Caisse des Français de l’étranger.

Rappelons que la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a créé, en son article 19, une troisième catégorie aidée au sein de la CFE, destinée à nos compatriotes expatriés les plus défavorisés. Il s’agit d’offrir une couverture sociale maladie et maternité à certains de nos compatriotes qui n’ont pas les moyens de payer la cotisation de la troisième catégorie, la plus basse de la couverture de la CFE.

À ce jour, 3 796 personnes sont directement couvertes – cela représente, avec les ayants droit, environ 8 000 personnes – dans le cadre de cette troisième catégorie aidée et la dépense telle qu’elle ressort des chiffres comptables se situe entre 2,5 millions et 2,7 millions d’euros.

Cependant, comme l’ont dit vos services, monsieur le ministre, la ligne budgétaire inscrite au titre de cette catégorie pour  2008-2009 était de 500 000 euros et elle sera à nouveau de 500 000 euros pour 2010.

Dès lors, quel est l’objet de ma protestation ?

Par un artifice budgétaire, qui, je n’en doute pas, relevait de la meilleure bonne volonté, la direction des Français à l’étranger a complété la ligne budgétaire de 500 000 euros de près de 2,1 millions d’euros par des avances et par des abondements successifs, ce qui a permis à la Caisse des Français de l’étranger de faire face, au cours des années passées, aux demandes de cette troisième catégorie aidée.

Et encore, ce n’est pas tout à fait exact, puisque, la troisième catégorie de cotisants étant profondément déficitaire au sein de la Caisse des Français de l’étranger, cette dernière doit faire face aux charges de gestion entraînées par cette catégorie sur son propre budget.

C’est l’une des raisons d’ailleurs du déficit de l’assurance maladie-maternité de la Caisse des Français de l’étranger au cours de l’année 2008-2009 ; heureusement, d’autres risques comme les accidents du travail et les maladies professionnelles ont permis de compenser ce déficit !

Monsieur le ministre, certains disent que la Caisse des Français de l’étranger peut puiser dans ses réserves et pourrait ainsi compléter la ligne budgétaire de 500 000 euros jusqu’à couvrir la dépense réelle.

Plusieurs audits ont démontré que les réserves de la Caisse des Français de l’étranger, gagées pour faire face aux risques accidents du travail et maladies professionnelles ainsi qu’aux graves risques qu’elle assure, étaient insuffisantes par rapport aux normes européennes, insuffisantes aussi par rapport aux réserves constituées par les compagnies d’assurance et les mutuelles pour faire face à des risques similaires.

Avec mon excellente collègue Christiane Kammermann, qui, comme moi-même, est administrateur de la Caisse des Français de l’étranger, j’ai donc déposé un amendement que nous examinerons tout à l’heure, monsieur le ministre, vos services indiquant, je le répète, que pour 2010 seuls 500 000 euros seront disponibles, alors que le coût de la troisième catégorie aidée est de plus de 2,5 millions d’euros.

J’ai besoin que vous m’indiquiez si nous poursuivons l’application de la disposition de l’article 19 de la loi de modernisation sociale relative à la troisième catégorie aidée ou si votre décision est de mettre fin à sa mise en œuvre.

Dans cette dernière hypothèse, bien entendu, mon amendement tombe, et il en est de même pour la ligne budgétaire de 500 000 euros prévue au programme 151 !

En revanche, si vous décidez de poursuivre l’application des dispositions de l’article 19 de la loi de modernisation sociale, ce qui est le souhait unanime des représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger et du conseil d’administration de la Caisse des Français de l’étranger, il faut alors être clair et inscrire en dépenses la réalité du coût de la troisième catégorie aidée, soit 2,5 millions d’euros, et non 500 000 euros, comme c’est le cas dans votre projet de budget.

Dans cette hypothèse, les crédits complémentaires prévus par mon amendement sont indispensables. À défaut, il nous faudra prendre ou, plutôt, il vous faudra prendre, monsieur le ministre, la décision politique de mettre fin à la troisième catégorie aidée créée en 2002 !

Sur tous ces points, monsieur le ministre, j’ai besoin de précisions et de clarifications, et les Français de l’étranger attendent de vous des explications. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont la situation financière, qui s’aggrave depuis plusieurs années, est aujourd’hui extrêmement préoccupante.

L’excellence du réseau de l’AEFE fait l’unanimité. Mais, ne nous y trompons pas, la situation est telle qu’elle me conduit à lancer ici un cri d’alarme. Cessons de nous voiler la face : sans un effort budgétaire supplémentaire, le réseau est en danger réel.

L’AEFE est un établissement public chargé de scolariser les enfants français dont la famille est établie à l’étranger. Elle contribue aussi à la diffusion de la langue et de la culture françaises, et elle participe au renforcement des relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers.

Oui, l’AEFE constitue un réseau d’excellence, avec 94 % de réussite au baccalauréat en 2009 ! Elle anime l’un des réseaux les plus denses et les plus prestigieux au monde, comptant 461 établissements qui scolarisent 253 000 élèves.

Oui, l’AEFE est en danger. Sa dotation s’établira pour l’année 2010 à 420,82 millions d’euros au titre du programme 185, auxquels s’ajoutent quelque 106 millions d’euros concernant spécifiquement « l’accès des élèves français au réseau ».

Cependant, 10 millions d’euros manquent par rapport à son projet de budget, compte tenu des nouvelles charges qui, chaque année plus nombreuses, lui incombent. Je ne dresserai pas une liste exhaustive de ces nouvelles charges – ce serait un inventaire à la Prévert -, mais je veux en citer certaines.

À la fin de l’année 2003, la compétence immobilière a été transférée à l’AEFE sur les établissements en gestion directe, mais quid de la dotation budgétaire supplémentaire qui aurait dû accompagner ce transfert de gestion ? Pourtant, 50 millions d’euros sont déjà nécessaires à la simple mise aux normes du parc immobilier existant, et je ne parle même pas des investissements nécessaires à l’extension du réseau, qui accueille 5 000 nouveaux élèves chaque année.

La situation risque de s’aggraver encore avec l’application du décret du 1er décembre 2008, qui pourrait induire un transfert à l’AEFE de la gestion de la totalité des établissements scolaires français à l’étranger...

C’est ce qu’on appelle la politique du pire !

Comment, dans ces conditions, envisager sereinement l’avenir au regard de la concurrence de plus en plus féroce des établissements anglo-saxons?

Nous ne pouvons pas continuer de la sorte. Aussi, avec mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga et Richard Yung, nous avons déposé un amendement prévoyant le transfert de 10 millions d’euros vers le programme 185, destinés aux investissements immobiliers de l’Agence.

Poursuivons notre « inventaire ».

À la fin de l’année 2007, c’est la part des cotisations patronales des personnels détachés, dont l’Agence était jusqu’à présent exonérée, qui lui a été transférée. À nouveau, le coût n’est que partiellement compensé par l’État. Pour 2010, le surcoût est déjà de 13 millions d’euros.

Une des solutions mises en place est la réduction du nombre de personnel expatrié... Idée intéressante, mais plus ou moins pertinente selon les régions du monde ! En 2009, onze postes ont été concernés ; il s’agirait de quatre-vingts postes en 2010.

Parallèlement, la détérioration des conditions de vie des personnels résidents, imputable, en grande partie, à la sous-estimation de leurs indemnités de vie locale, commence à poser de sérieux problèmes de recrutement. À Nairobi, dix postes seront vacants ou susceptibles de l’être à la rentrée 2010. La situation est similaire à Douala ou à Kinshasa, et ce ne sont là que quelques exemples.

Le recours massif à des recrutés locaux, parfois insuffisamment formés, risque d’influer négativement sur la qualité de l’enseignement.

Depuis 2007, c’est la prise en charge des frais de scolarité, la PEC, qui grève encore le budget de l’Agence de plus de 40 millions d’euros.

La PEC, chère, très chère au Président de la République, vise à assurer la gratuité de la scolarité de tous les lycéens français, quels que soient les revenus de leur famille et le tarif de la scolarité. On imagine sans peine que certaines familles multimillionnaires de New York, de Londres ou d’ailleurs n’ont pas manqué de profiter de l’aubaine, de même que les entreprises qui, jusque-là, finançaient la scolarité des enfants de leurs expatriés !

Par ailleurs, l’explosion des frais de scolarité est telle qu’elle entraîne l’éviction des élèves étrangers, pourtant garants de la mixité et, par là même, de la richesse de nos écoles, mais incapables, bien souvent, de faire face financièrement. Ils sont, de toute façon, les premières victimes de l’asphyxie du réseau de l’AEFE, dont la vocation est pourtant aussi, rappelons-le, de participer au rayonnement de notre culture...

Et que dire des conséquences de la prise en charge de la scolarité sur les bourses scolaires ? En effet, qui dit hausse des frais d’écolage dit hausse des demandes de bourse. L’augmentation de plus de 20 millions d’euros de la dotation ne doit pas faire illusion : les 106 millions d’euros inscrits au budget 2010 seront, à nouveau, insuffisants : près de 7 millions d’euros manqueront.

Dans ces conditions, l’AEFE n’a d’autre alternative que de durcir les critères d’attribution des bourses et donc de pénaliser durement les familles à revenus moyens, qui n’en peuvent plus !

La profonde iniquité de la PEC, ses effets pervers et le fatal déséquilibre qu’elle engendre pour l’AEFE ont été dénoncés dès sa mise en place par les parlementaires socialistes, et je sais que notre sentiment à cet égard est partagé par nombre de nos collègues des autres groupes.

L’Assemblée nationale a ainsi adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement de M. Rochebloine qui prévoit le plafonnement de la PEC et le transfert des 10 millions d’euros ainsi dégagés pour abonder les dépenses immobilières de l’Agence. Pour mémoire, ce plafonnement a déjà été voté l’année dernière, puis écarté, à la faveur d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement...

Mais est-il vraiment judicieux de déshabiller Pierre pour habiller Paul ? Non, bien sûr, d’autant que cette opération ampute aussi l’enveloppe des bourses scolaires, qui n’en a vraiment pas besoin !

Nous sommes tous conscients de la qualité du réseau que gère si bien l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. L’année 2010 sera celle de son vingtième anniversaire, l’âge de tous les possibles, a-t-on coutume de dire ! Or il nous appartient aujourd’hui d’assurer au moins sa survie… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 0,8 %, c’est tout ce que représentent les crédits consacrés à l’administration des Français à l’étranger dans le projet de budget du ministère des affaires étrangères en 2010, hors dépenses de personnel ! Cela correspond à seulement 1,6 % de la dotation de la mission « Action extérieure de l’État », toujours hors titre 2

Moins de 30 millions d’euros sont censés suffire à couvrir toutes les dépenses de fonctionnement et d’intervention des dispositifs de services publics et de protection sociale pour les quelque 2,5 millions de Français établis hors de France et les Français se déplaçant à l’étranger, ainsi que les frais d’instruction des visas.

Il s’agit là d’une baisse de 17,8 % par rapport à l’année dernière.

Les crédits du pôle social subissent également une diminution drastique – moins 11,5 % – et n’atteindront que 17,4 millions d’euros et 14,8 millions d’euros pour l’aide aux personnes.

Cette baisse est d’autant plus inacceptable qu’elle intervient alors que le nombre de personnes en situation de précarité ne cesse d’augmenter, sous l’effet conjugué de la crise, de l’accroissement de notre population à l’étranger et de son vieillissement.

L’incapacité à maintenir un filet social minimal est particulièrement dramatique dans des pays où le système local de protection sociale est peu développé, et cela peut même être le cas dans certains États européens.

En Italie, par exemple, où, certes, l’entraide familiale joue un grand rôle, mais où le coût de la vie est similaire au nôtre, le minimum vieillesse n’est que de 396 euros par mois, contre 633 euros en France. Binationaux, travailleurs en contrat local, personnes âgées isolées ou handicapées ne devraient pas se voir contester leur droit entier à la solidarité nationale française, eux qui, de par les liens durables qu’ils nouent dans leur pays de résidence, y forment le terreau fertile de notre rayonnement.

C’est pourquoi il est indispensable de renforcer les crédits de l’aide aux personnes - 14,8 millions d’euros - qui permettent de verser une allocation à près de 5 500 personnes âgées ou handicapées, ainsi que le dispositif de la troisième catégorie de la Caisse des Français de l’étranger, déjà évoqué. N’oublions pas non plus les centres médico-sociaux, les comités consulaires pour l’emploi et la formation professionnelle, les sociétés de bienfaisance et les organismes d’assistance.

C’est tout un système social qui, chaque année, est davantage menacé d’asphyxie. Je soutiendrai, comme je l’ai dit devant la commission des affaires étrangères, l’amendement visant à restituer à l’aide sociale 2 millions d’euros prélevés sur le budget informatique. L’enjeu n’est pas seulement d’ordre humaniste : il y va de nos intérêts, il y va de la capacité de la France à maintenir la cohésion et le dynamisme de sa communauté expatriée.

Ces dernières années, dans nos consulats, le recours accru à la sous-traitance, au regroupement des services et à la dématérialisation des procédures a permis de réaliser des économies substantielles, et je m’en réjouis. Méfions-nous cependant que ce souci de rationalisation des coûts, poussé à l’extrême, ne menace la notion même de service public, malgré l’immense qualité et le très grand dévouement d’un personnel diplomatique et consulaire que je tiens à saluer ici.

Ces dispositifs instaurent une distance accrue entre le citoyen et l’administration, souvent source de coûts alourdis pour l’administré, voire d’atteintes à ses droits fondamentaux. Ainsi, le retard dans le renouvellement d’un passeport conduit à une privation de mobilité. Le défaut de prise en compte d’un courrier contenant un certificat de vie peut stopper le versement d’une pension de retraite.

Au-delà des dysfonctionnements matériels se pose la question de la capacité de nos consulats à maintenir un lien étroit avec leurs administrés. Face à l’engorgement des consulats, aux difficultés de ces derniers à identifier et atteindre certaines catégories de la communauté, nos ressources humaines - y compris les conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger et les consuls honoraires - ne suffisent plus.

Je rappellerai par ailleurs la nécessité de mieux associer ces élus de l’AFE à la gestion de nos collectivités françaises à l’étranger, même s’il me semble indispensable que cette dernière, en tant qu’assemblée d’élus, soit présentée non pas sous le chapitre « Administration des Français », mais sous un titre spécifique. Cela éviterait d’ailleurs certaines contre-vérités que nous avons pu lire récemment dans la presse nationale.

Je rappellerai en outre mon souhait que soit organisée pour les consuls honoraires une réunion au Quai d’Orsay, comme cela se pratique pour les ambassadeurs et consuls généraux - et comme le font les autres grands pays européens -, afin de mieux sensibiliser ce personnel, bénévole et souvent de nationalité étrangère, aux enjeux de notre pays et de sa démocratie.

Je ne reviendrai pas sur le problème du financement de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger au sein du programme 185, puisqu’il a déjà été largement traité par mes collègues et que nous y reviendrons dans l’examen des amendements.

Je soulignerai seulement mon inquiétude à ce sujet, en soulignant la pertinence que je vois, à titre strictement personnel, à la proposition de plafonnement de la prise en charge en fonction du montant des droits de scolarité, à un niveau déterminé par décret et adapté selon les pays de résidence, sans pénaliser les plus démunis et afin d’éviter les excès de tous ordres.

Je voudrais aussi attirer votre attention, monsieur le ministre, sur les exclus de l’AEFE. Le niveau des frais de scolarité, qui ont augmenté de 18 % à la dernière rentrée, la saturation des capacités d’accueil des établissements et la couverture géographique limitée du réseau ont pour résultat que moins d’un tiers des enfants français sont scolarisés dans ce réseau. Seule une toute petite élite étrangère francophone parvient d’ailleurs à intégrer nos écoles.

À l’heure de la mondialisation et d’Internet, nous devons viser aussi la démocratisation de l’enseignement et le renforcement de notre aide à l’enseignement du français hors réseau AEFE, sous peine de voir encore s’accentuer le recul du français et de la francophonie. Il nous faut renforcer le programme FLAM - français langue maternelle – et les initiatives extrascolaires, en développant par exemple des programmes télévisés ou sur Internet, notamment à destination des plus jeunes.

Hors dépenses de personnel, moins de 10 millions d’euros sont consacrés à la promotion de la langue française et de la diversité linguistique. Les subventions aux Alliances françaises dans le monde s’élèvent à 890 000 euros, seulement. À titre d’exemple, l’Italie consacre, elle, un million d’euros à la promotion de sa langue sur le seul territoire français...

Les possibilités d’envoi de professeurs de français, sous un statut de volontaire, dans des établissements de droit français ou étranger ne dépendant pas nécessairement de notre réseau culturel, devraient être davantage explorées. Tout en constituant une ressource appréciée pour le développement de la francophonie, cette solution offrirait un débouché nouveau à de jeunes Français, à l’heure ou le volontariat international est plus prisé que jamais et où notre gouvernement porte un intérêt accru au service civique.

En 2009, les volontaires internationaux dans les établissements culturels français n’étaient qu’un peu plus de 200 et beaucoup ne remplissaient d’ailleurs pas des fonctions d’enseignement.

Le développement des formations de formateurs mériterait aussi d’être appuyé.

Nous devons enfin saisir les opportunités qui s’offrent à nous en matière de multimédia, en développant supports pédagogiques et programmes sur la Toile pour les plus jeunes. Je pense aussi à la plateforme mise en place sur Internet par l’Italie, qui vise à répertorier toutes les initiatives en matière culturelle et linguistique. Vous avez un projet similaire, monsieur le ministre, et j’aimerais vous demander où nous en sommes.

Globalement, nous devons absolument instaurer un nouveau dynamisme. Je relève un paradoxe : alors que la France avait été le premier pays à faire de la diplomatie culturelle un de ses modes de fonctionnement et de rayonnement, notre investissement en ce domaine ne cesse de diminuer, au moment où tous nos grands partenaires - États-Unis, Italie, Espagne, Allemagne, Chine, Brésil - renforcent considérablement leur action en ce domaine. Ils ont en effet compris l’importance de ce « soft power » - pardonnez-moi cette expression – qu’est la culture en tant que levier pour l’amélioration des résultats politiques, diplomatiques et économiques. Et nous semblons, hélas, faire le contraire !

Qu’il s’agisse de l’aide sociale, de l’enseignement français à l’étranger ou de notre rayonnement culturel, il est urgent de trouver des sources de financement innovantes, en complément des subventions publiques, manifestement insuffisantes.

J’avais ainsi suggéré, à l’occasion d’une proposition de loi visant à créer un fonds de solidarité pour les Français victimes de catastrophes naturelles ou de crises géopolitiques, d’instaurer une taxe sur les passeports. En effet, puisque ces derniers sont destinés à des personnes qui profitent, en voyage et en expatriation, de nos services, pourquoi ne pas utiliser une partie du prix de ces passeports pour financer les grands projets à l’international ?

Nous pourrions aussi envisager une taxe sur les transactions financières. (Jean-Louis Carrère applaudit.)