M. Jean-Louis Carrère. Demandez à M. Rocard !

M. Bernard Kouchner, ministre. Nos ressortissants dans les quinze pays de l’Union européenne déjà cités seront pris en charge par l’action sociale de ces pays, comme l’impose la législation communautaire. Ainsi, nous devrons trouver « seulement », si j’ose dire, un million d’euros. Je m’y engage.

Permettez-moi maintenant de rappeler que les contributions internationales sont un engagement obligatoire de la France. Pour la troisième fois consécutive, elles sont maîtrisées. Elles s’élèveront en 2010 à 393 millions d'euros, contre 394 millions d'euros en 2009. Nous poursuivons l’effort de recentrage engagé depuis trois ans. En 2007, ces contributions étaient réparties entre 140 organisations ; en 2010, elles seront concentrées sur 70 organisations prioritaires.

Ces dépenses, même si elles sont maîtrisées, restent très lourdes mais sont nécessaires. En effet, monsieur Trillard, monsieur Dulait, la France est favorable à une réforme des barèmes de contributions à l’ONU. Vous avez fort justement souligné que notre quote-part à l’ONU, actuellement de 6,3 %, doit diminuer, puisque le poids économique de notre pays est de 4,7 %. Nous allons nous battre pour que l’écart se resserre.

Monsieur Chevènement, vous ai-je bien compris ? Souhaitez-vous réduire la contribution de la France à la Cour pénale internationale ?

M. Jean-Pierre Chevènement. Oui, monsieur le ministre !

M. Bernard Kouchner, ministre. Comment serait-ce possible, alors que notre pays a été à l’origine de la création de la CPI, comme vous vous en souvenez sans doute ? De surcroît, une telle réduction se verrait à peine.

Cette contribution est une manifestation de notre souci d’une justice internationale rendue au mieux, ce qui est très difficile, je le sais, et je ne suis d’ailleurs pas le dernier à parfois émettre de sévères critiques. Mais nous ne pouvons pas opérer une réduction significative de notre participation financière à la Cour pénale internationale, surtout en ce moment.

Aux termes du projet de loi de finances, nos contributions aux opérations de maintien de la paix en général s’élèveront à 386,4 millions d'euros, montant en augmentation de 50 millions d'euros par rapport à 2009, soit une hausse, importante, de 14 %. Le système est équilibré.

Comment peut-on prévoir les crises ? Comment admettre qu’un membre permanent du Conseil de sécurité comme la France puisse ne pas y faire face ?

L’augmentation dont je faisais état correspond à une intensification de la gestion multilatérale des crises.

En 2007, trois opérations d’envergure ont été déployées : au Darfour, au Tchad et en République centrafricaine. La contribution française à la mission des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour, la MINUAD, et la mission des Nations unies en République centrafricaine et au Tchad, la MINURCAT, s’élève à plus de 110 millions d'euros. Résultat, mesdames, messieurs les sénateurs ? Aucune attaque des Janjawids en provenance du Soudan sur la population tchadienne n’a dû être déplorée.

Depuis que les forces européennes ont, le jour dit, passé la direction aux forces de l’ONU, ce n’est pas exactement le cas maintenant.

Dix-sept pays européens ont participé à l’opération et ils sont tous disposés à recommencer. La protection des femmes et des enfants a été assurée, en particulier dans des camps accueillant des personnes déplacées, qui n’étaient pas des réfugiés. Nous devons nous en féliciter.

Au total, quinze opérations de maintien de la paix ont été menées.

Par ailleurs, nous faisons un effort particulier pour que la dimension budgétaire soit mieux prise en compte dès la conception des opérations. Au mois de janvier 2009, la France a lancé une initiative avec le Royaume-Uni. Nous avons obtenu des résultats concrets dans les domaines de la planification, de l’organisation et de l’expertise technique. Ces résultats ont été validés dans une déclaration présidentielle, adoptée par le Conseil de sécurité le 5 août dernier.

Enfin, le message de rigueur budgétaire commence à porter ses fruits. M. Trillard lui-même a considéré qu’il est désormais intégré à la dimension politique de nos négociations, ce pour l’ensemble de nos contributions internationales.

J’en viens à l’animation du réseau diplomatique.

Les crédits consacrés au fonctionnement de ce réseau sont en baisse par rapport aux années précédentes, accompagnant, en cela, la diminution des effectifs. En 2010, 327 millions d'euros seront consacrés à faire vivre notre réseau, le deuxième au monde.

Dans ce contexte, j’ai voulu que les dépenses de fonctionnement soient resserrées autour de deux axes.

Le premier concerne la modernisation des moyens informatiques. J’en ai parlé à propos du budget social.

J’ai obtenu 5 millions d'euros additionnels au plafond prévu sur trois ans sur l’année 2010 et 5 millions d'euros dans le collectif budgétaire de 2009. Ce chantier est absolument stratégique pour la mise en œuvre des réformes et pour la gestion des ressources humaines. Il constitue un levier essentiel pour gagner en productivité. L’élémentaire dans le domaine de l’informatique est ainsi offert à toutes les ambassades du monde. Nous étions très en retard.

Les crédits additionnels devront également nous permettre de remettre à niveau la sécurité des télétransmissions et celle de nos agents dans l’exercice de leurs missions à l’étranger. Offrir une petite sécurité, qui n’est pas garantie en ce moment, est la moindre des choses.

Madame Cerisier-ben Guiga, monsieur le rapporteur spécial, les moyens que nous voulons consacrer à l’informatique sont l’exemple même d’une dépense vertueuse, qui permettra bientôt de dégager des marges de manœuvre sur les crédits de fonctionnement, au service, notamment, du réseau consulaire et, par conséquent, des Français de l’étranger.

C'est la raison pour laquelle il m’est difficile d’être favorable à l’amendement que vous avez déposé. Nous devons ménager l’avenir.

Le second axe vise la sécurité de nos ressortissants, qui est le devoir de l’État, vous en conviendrez tous.

Je pense d’abord à la sécurité de nos agents et de nos postes diplomatiques. La dotation pour 2010 est en augmentation de 50 % et s’élève à 15,5 millions d'euros. Ces crédits seront consacrés aux dépenses d’équipement et à la mise en œuvre de moyens humains, notamment dans les nouvelles zones de menace, c'est-à-dire le Sahel.

Je pense aussi au travail remarquable effectué par le centre de crise. En un an d’existence, il a géré avec succès des situations de nature très différente.

Relevons l’évacuation de ressortissants français et européens de Géorgie ou de Thaïlande au mois de décembre 2008 ; la mise en place, en liaison avec la direction de la défense et de la sécurité civiles, d’un hôpital de campagne au Sri Lanka, aux mois de mai et juin derniers, alors que des dizaines de milliers de réfugiés tamouls se trouvaient dans des camps sans aucun dispositif de secours. Notons aussi le suivi des otages français – sept en ce moment et plus de quatre-vingts sur toute l’année – lors de la prise d’otages du voilier Tanit ou de l’affaire du Nigeria, notamment. Je dois citer également la mission de soutien médico-psychologique à Bombay, après les attentats du mois de novembre 2008, la crise guinéenne, dont je vous ai déjà parlé, avec l’envoi d’une équipe d’urgence médicale, seule manifestation d’aide extérieure aux Guinéens, puis d’une équipe médico-psychologique.

Pour soutenir cette activité désormais stratégique au sein du ministère, les moyens alloués au centre de crise s’élèveront à 2,1 millions d’euros en 2010, soit une hausse de 31 %.

Les deux priorités que je viens d’exposer s’inscrivent scrupuleusement, vous le voyez, dans l’objectif que nous visons depuis bientôt trois ans : moderniser notre outil diplomatique, pour le rendre à la fois moins coûteux et plus efficace.

Les réformes se poursuivent à un rythme soutenu. Les rapporteurs, et M. Gouteyron en particulier, l’ont d’ailleurs bien souligné, et je les en remercie.

M. Gouteyron relève aussi fort justement que ce rythme de diminution ne serait pas tenable pour notre diplomatie s’il devait perdurer à moyen terme. Il a raison.

Permettez-moi d’insister sur deux points : la poursuite de la modernisation tant de notre outil diplomatique que de notre politique immobilière.

En 2010, la modernisation de l’outil diplomatique doit permettre de rendre 255 emplois, soit 2 % des effectifs du ministère. Ces efforts seront répartis entre l’administration centrale et l’étranger, où ils seront concentrés sur les ambassades les plus grandes, et sur les plus petites. En dépit des apparences, cela n’est pas contradictoire.

Dans les postes dits de « présence diplomatique », un format-type réduit à environ 10 équivalents temps plein est mis en place. Au Népal, par exemple, nous passerons de 23 à 8 équivalents temps plein.

Dans les trente postes les mieux dotés, la réduction portera de façon significative sur les effectifs des huit plus grosses ambassades, qui comptent chacune plusieurs centaines de personnes : États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, Sénégal et Madagascar. L’objectif, en 2011, est d’atteindre une réduction de l’ordre de 10 %, soit une cible de 200 équivalents temps plein.

J’ai désigné notre ambassade de Berlin comme « ambassade pilote ». Celle-ci comptait 253 équivalents temps plein en mai 2008. Nous avons fixé un objectif de 230.

Je le répète à l’attention de M. Hue et de ses collègues qui ont, comme lui, fait part de leur inquiétude : la rationalisation des activités ne remet pas en cause l’universalité de notre présence. Bien au contraire, elle seule la rend pérenne. Sans réorganisation, nous ne pourrions pas longtemps rester universels. Le cœur du métier diplomatique est préservé : la veille politique, la protection des Français et la diplomatie d’influence. La qualité du service rendu est une préoccupation constante.

Monsieur de Montesquiou, vous avez raison : il nous faut renforcer l’action de soutien au commerce extérieur. C’est tout l’objectif des « postes mixtes » comme Atlanta ou Bangalore.

L’effort porte également sur la gestion de notre patrimoine. Je veux vous parler de l’opérateur immobilier : où en sommes-nous et que voulons-nous en faire ?

Les procédures et les instruments budgétaires existants sont inadaptés à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Sur proposition de mon ministère, la RGPP a validé le principe de la création d’un nouvel opérateur chargé de la gestion des immeubles de l’État à l’étranger. Nous souhaitons, avec mon collègue Éric Woerth, commencer à réfléchir à une expérimentation de son fonctionnement dans certains pays, notamment en Europe.

J’en viens maintenant à l’enseignement français à l’étranger, troisième priorité que j’ai voulu fixer pour ce budget 2010.

Quelques chiffres, tout d’abord, illustrent l’effort de l’État depuis deux ans : 130 millions d’euros supplémentaires ont été accordés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, auxquels il faut ajouter 40 millions d’euros pour financer le soutien à la scolarité. Cela fait donc au total 170 millions d’euros !

Madame Cerisier-ben Guiga, monsieur Gouteyron, au-delà des mesures de soutien à la scolarité, dont je reparlerai, je ne veux pas oublier le développement du réseau des lycées français, qui constitue un outil d’influence et une source de rayonnement culturel incomparables. Mon ministère travaille actuellement à l’élaboration d’un plan pluriannuel de développement du réseau à la fois ambitieux et réaliste.

S’agissant des pistes de financement, j’attends que des propositions me soient faites. Madame Cerisier-ben Guiga, si nous n’avons pas mis aux voix le bilan d’orientation stratégique de l’AEFE, c’est parce que nous attendons l’audit dont cette dernière fera l’objet dans le cadre de la RGPP.

M. Jean-Louis Carrère. Ah ! cette RGPP...

M. Bernard Kouchner, ministre. Vous êtes nombreux à avoir évoqué la mesure de gratuité. C’est bien sûr l’un des points essentiels du débat d’aujourd’hui. Où en sommes-nous ? Un engagement a été pris par le Président de la République. Cet engagement, nous devons le tenir, nous devons le tenir avec pragmatisme et nous devons nous garder de tirer des conclusions hâtives.

Monsieur Gouteyron, vous avez parfaitement raison de rappeler que, en 2010, pour la première fois, la mesure s’appliquera aux trois classes du lycée. Aussi, nous pourrons dresser un premier bilan de la mesure, comme nous nous y sommes engagés. Je vous propose de le dresser avec la représentation nationale, et donc avec une représentation tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, et de démarrer le plus rapidement possible, c'est-à-dire à la fin juillet 2010, en tout cas avant la fin du moratoire.

M. Jean-Louis Carrère. Le 15 août ! (Sourires.)

M. Bernard Kouchner, ministre. Pourquoi pas ? (Nouveaux sourires.)

M. Bernard Kouchner, ministre. Je vous rappelle que, depuis 2007, et au prix d’un effort sans précédent, sur 80 000 élèves français scolarisés dans le réseau de l’AEFE, près de 30 000 bénéficient d’une aide à la scolarité. Parmi ces derniers, près de 9 500 bénéficient d’une prise en charge complète, au titre de la gratuité.

Or le nombre de demandes de prise en charge s’envole, ainsi que le nombre de demandes de bourses, et ce, comme le souligne Mme Lepage, parce que notre réseau est attractif : 5 600 élèves supplémentaires s’y sont inscrits cette année. Il existe une autre raison, malheureusement : la crise économique appauvrit nos compatriotes à l’étranger et les conduit à demander une aide.

Vous avez aussi raison de noter que certains établissements ont profité de la situation pour augmenter leurs droits d’inscription.

Vous le savez, dès cette année, et afin de pouvoir contenir la progression des dépenses, j’ai demandé qu’une réflexion soit engagée sans attendre, pour assurer la pérennité du système de soutien à la scolarité. Certaines mesures ont été prises, que nous devons avoir le courage de soutenir.

Le débat à l’Assemblée nationale a conduit à retrancher une partie des crédits de l’enveloppe de soutien à la gratuité pour venir abonder la subvention destinée aux investissements immobiliers de l’Agence. Cette diminution n’est pas tenable financièrement : songez que, pour économiser 10 millions d’euros sur le premier trimestre de l’année scolaire 2010-2011, seul trimestre sur lequel l’État ne s’est pas encore engagé, il faudrait exclure plus de 80 % des familles de la gratuité ! Ce n’est pas réaliste.

C’est la raison pour laquelle je suis favorable à l’amendement proposé par M. del Picchia et soutenu par MM. Cointat, Duvernois, Frassa, Guerry et Mme Kammermann. .

M. Jean-Pierre Masseret. Quelle chance ! (Sourires.)

M. Bernard Kouchner, ministre. M. Gouteyron, de son côté, soumet à nos débats un amendement visant à instaurer un mécanisme de plafonnement.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial. Cet amendement n’est pas nouveau !

M. Bernard Kouchner, ministre. Ma conviction, encore une fois, est que nous devons être pragmatiques et nous appuyer sur l’expérience. Pour cela, laissons encore un peu de temps, dans l’attente de l’audit qui sera rendu au cours de l’été 2010. Écoutons aussi ce que nous disent les communautés françaises expatriées, par la voix des sénateurs représentant les Français établis hors de France.

M. Jean-Louis Carrère. On les a entendus !

M. Bernard Kouchner, ministre. Un plafonnement sur les frais de scolarité, indexé sur le coût de la vie pour prendre en compte les différences géographiques, me semble intelligent et doit pouvoir être mis à l’étude.

Le plafonnement sur les revenus parentaux est une mesure socialement juste, mais elle se révèle lourde sur le plan de la gestion et imposerait des systèmes de contrôle qu’il n’est ni souhaitable ni pensable d’instaurer pour les Français expatriés.

Je vous propose donc d’intégrer à bon niveau dans la mission chargée de l’étude d’impact de la gratuité deux parlementaires connaissant bien ce sujet.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai l’action culturelle extérieure.

L’an dernier, je faisais devant vous le constat regrettable de l’érosion des crédits culturels. Au sein du programme « Rayonnement culturel et scientifique », les crédits de la diplomatie d’influence à destination des pays de la zone OCDE avaient diminué parfois jusqu’à 20 % ! La trajectoire était catastrophique. Cette année, les dotations seront stabilisées autour de 80 millions d’euros sur le programme 185. Elles sont en progression si l’on inclut les crédits de la mission « Aide publique au développement ».

À ce propos, monsieur Legendre, j’ai bien entendu votre remarque sur le manque de lisibilité des programmes. Je suis d’accord avec vous sur le constat : il faut séparer les crédits dédiés à la coopération pour le développement et ceux qui sont dévolus à l’action culturelle. Mais nous ne devons pas changer les clefs de lecture en cours de route, pour des raisons de cohérence que vous comprendrez facilement. Sinon, il sera impossible de dresser un bilan. Rassurez-vous, le chantier est ouvert pour le prochain budget triennal, et nous y gagnerons beaucoup.

J’ai aussi obtenu du Premier ministre une mesure exceptionnelle de 20 millions d’euros – il s’agit en fait de 40 millions d’euros additionnels sur deux ans – pour accompagner la réforme de notre dispositif que j’ai décidé d’engager, avec le soutien du Président de la République.

Plusieurs d’entre vous, notamment M. Legendre, ont exprimé des doutes : 40 millions d’euros, pour quoi faire ? Et après ?

Mesdames, messieurs les sénateurs, ces 40 millions d’euros ne sont pas une mesure en trompe-l’œil et ne doivent ni nous dispenser de faire les réformes ni financer l’immobilisme. Ces 40 millions d’euros financent le recentrage de notre action culturelle autour de quatre priorités, madame Garriaud-Maylam : la création de l’agence pour renforcer notre présence sur les scènes artistiques et dans le débat d’idées à l’étranger ; la relance et la modernisation du réseau, notamment via le recours aux nouvelles technologies, pour atteindre de nouveaux publics et imposer une présence renforcée de la culture et de la langue françaises sur Internet, dont le portail numérique francophone ; le soutien aux industries culturelles françaises – cinéma, musique, livre, programmes de télévision – et, enfin, la formation des hommes et des femmes qui travaillent dans notre diplomatie culturelle.

S’agissant de ce dernier point, la future agence culturelle proposera des formations sur l’ingénierie culturelle, les tendances actuelles de l’art, le recours au mécénat. Tous les agents auront vocation à profiter de ce plan de formation, en particulier les agents de recrutement local, dont les meilleurs seront appelés à diriger certains établissements.

Encore une fois, madame Garriaud-Maylam, je suis heureux de vous annoncer que notre plate-forme informatique LatitudeFrance est lancée.

M. Bernard Kouchner, ministre. Cette enveloppe supplémentaire, vous le voyez, est essentielle pour accomplir la réforme que nous avons amorcée. En effet, la crise des moyens a révélé une crise de sens. Je rejoins tout à fait ce que M. Dauge a écrit dans son rapport, en appellant à un « sursaut » de l’action culturelle extérieure, doublé d’une « stratégie claire ». C’est exactement le but de la réforme que j’ai entreprise.

Cette réforme permettra de simplifier un dispositif devenu très complexe, que d’aucuns appellent une « coquille vide ».

La France disposera enfin d’une marque unique pour son action culturelle et scientifique extérieure.

À Paris, une agence sera créée sous forme d’établissement public. Sa mission sera de promouvoir nos idées, notre langue, notre culture, nos savoirs et de nous imprégner de ceux des autres.

À l’étranger seront mis en place des établissements relais de l’agence, portant le même nom et couvrant toutes les activités de celle-ci. Une clause de rendez-vous de trois ans est fixée, au terme de laquelle ce nouveau dispositif sera évalué.

La clé de voûte de notre réforme, c’est la pérennisation de l’autonomie financière des instituts culturels. À l’heure actuelle, ces établissements drainent environ 100 millions d’euros de recettes pour notre réseau. Cela représente un taux d’autofinancement de 55 % en moyenne à travers le monde. La RGPP nous demande de faire mieux et de hisser cette participation à 60%. C’est ce à quoi nous nous emploierons.

Vous le voyez, il ne s’agit pas de mettre de l’argent frais dans une vieille machine ; il s’agit de donner à notre réseau l’impulsion dont il a besoin.

À l’heure où de nouvelles transformations obligent la culture et le savoir à modifier leurs moyens d’expression, il est temps de refonder notre action culturelle. C’est à cette refondation que j’ai voulu procéder, dans le cadre des orientations et des réformes dessinées par le Président de la République et le Premier ministre, et en associant pleinement la représentation nationale, notamment les présidents Josselin de Rohan et Jacques Legendre, dont je salue l’excellent rapport Le rayonnement culturel international : une ambition pour la diplomatie française, qui m’a largement inspiré. Mais nous ferons mieux encore ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

Je suis très heureux d’approuver M. Dauge qui, dans son rapport, évoque son « désir de France ». J’en profite aussi pour répondre à Mme Cerisier-ben Guiga : oui, notre pays demeure attractif ! Au cours de l’année 2008-2009, le nombre d’étudiants étrangers en France a augmenté de 2,2 % par rapport à l’année précédente. Et parmi ces étudiants, la proportion de ceux qui viennent des pays émergents est en progression constante.

Le ministère des affaires étrangères et européennes a délivré près de 20 000 bourses en 2009. Reconnaissez que ce n’est pas mal, madame le sénateur ! C’est un bon objectif pour 2010, mais nous tenterons de faire encore mieux. En matière de cofinancement, il faut aussi pouvoir avancer.

Quant à notre soutien à l’Alliance française, il reste bien entendu l’une de nos priorités. Nous tenterons, avec la réforme culturelle, d’harmoniser les programmes des alliances françaises et ceux des centres culturels.

Pour juger de notre effort, il faut regarder non seulement les subventions aux alliances à l’étranger, mais aussi notre aide à la fondation Alliance française à Paris et la rémunération des directeurs expatriés, que nous prenons en charge.

J’ajoute que les alliances françaises bénéficient de la rallonge budgétaire de 40 millions d’euros pour 2009 et 2010 au titre, par exemple, de la formation et de l’équipement électronique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget, comme tous les projets de budget, repose sur des choix. Ces derniers me paraissent clairs, et ils sont un gage de solidité pour l’action extérieure de l’État.

M. Chevènement me demandait de revenir… Mais comme il est parti, je peux lui affirmer que je n’ai pas quitté le service de la France, qui est notre souci commun, souci dont je ne me départis pas !

Avant de conclure, j’évoquerai deux derniers sujets.

Le premier concerne la gestion immobilière. Comme vous le savez, nous avons dû concilier les impératifs de prestige et les problèmes récurrents de trésorerie.

Madame Garriaud-Maylam, je considère, comme vous, que la situation n’est pas satisfaisante. Or, j’ai les plus grands doutes quant à la viabilité du dispositif qui consiste à vendre certains biens pour entretenir notre parc. Oui, monsieur Yung, les plus grands doutes ! Je veille à chaque opération, et nous récupérerons l’argent qui nous est dû, je vous l’ai dit.

Par ailleurs, nous manquons cruellement d’un centre de conférences internationales. Je remercie MM. del Picchia et Pozzo di Borgo de l’avoir signalé et du soutien qu’ils m’apportent sur ce point. Le récent débat sur l’évaluation par la Cour des comptes de la présidence française de l’Union européenne a mis l’accent sur le surcoût important engendré par cette absence. Certaines villes françaises peuvent accueillir des conférences internationales, mais Paris ne le peut pas. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

M. Richard Yung. Pourquoi avoir vendu l’avenue Kléber ?

M. Bernard Kouchner, ministre. En 2011, le G20 aura lieu en France. Il est extraordinaire que notre capitale ne puisse pas accueillir des réunions internationales. Il convient donc de remédier à cette situation. Conformément au souhait du Président de la République, une mission interministérielle doit être mise en place sous la direction de M. Noël de Saint Pulgent, afin d’engager les concertations nécessaires avec la Ville de Paris et les partenaires privés susceptibles d’y être associés.

Le second sujet de préoccupation concerne les crédits en faveur du développement. Bien sûr ces crédits n’entrent pas dans la mission « Action extérieure de l’État », mais permettez-moi d’en dire un mot.

Nous faisons un effort considérable pour maintenir notre trajectoire actuelle et faire face à l’urgence. Au seul titre bilatéral, un effort important sur l’aide au projet est réalisé, notamment en faveur de l’aide civile à l’Afghanistan et au Pakistan. Nous apportons ainsi 50 millions d’euros, ce qui nous place au sixième rang des contributeurs.

Monsieur Hue, comment pouvez-vous dire que nous nous enfermons dans une logique guerrière ? C’est exactement le contraire ! C’est nous qui avons proposé, à la Conférence de Paris, que l’on se rapproche des populations civiles. Et c’est ce que font nos troupes, avec dévouement, courage et invention, dans les vallées de Kapisa et de Surobi. C’est exactement le modèle que nous devons suivre. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP. –M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes dans le rouge, monsieur le ministre !

M. Bernard Kouchner, ministre. Oui, mais je m’en sors…

M. Jean-Louis Carrère. Il y a longtemps que vous l’avez quitté !

M. Bernard Kouchner, ministre. Sans regret !

M. Jean-Louis Carrère. Je suis content de vous l’entendre dire !

M. Bernard Kouchner, ministre. Pour atteindre l’objectif de 0,7 % d’aide publique au développement, il faudra encore bien d’autres efforts. Nous les avons promis. Nous n’y parviendrons pas si nous ne sommes pas inventifs. C’est le sens de la contribution internationale sur les transactions financières que la France propose depuis des années à ses partenaires internationaux. Son taux est très faible, 0,005 %, soit un sacrifice indolore de cinq centimes pour une transaction de 1 000 euros. Cela rapporterait néanmoins, si cette disposition était adoptée par l’assemblée générale des Nations unies, de 40 à 50 milliards d’euros en année pleine.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous remercier une fois encore pour la qualité de vos contributions sur ce projet de budget, qui s’inscrit pleinement dans l’effort de réforme de l’État. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

Demande de priorité