M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.

M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention au secteur de la pêche,…

M. Charles Revet. Très bien !

M. Jean-Claude Merceron. … l’un des grands oubliés dans le contexte de la crise actuelle.

Je dirai quelques mots, tout d’abord, sur l’état de ce secteur. Aujourd’hui la consommation humaine de poissons issus de la pêche ou de l’aquaculture représente 110 millions de tonnes.

La France fait partie des grands pays pêcheurs de l’Union européenne avec le Danemark, l’Espagne et le Royaume-Uni. Le secteur représente encore 16 000 emplois à temps plein. Mais depuis 2007, le bilan des échanges commerciaux français se solde par un déficit de 2,5 milliards d’euros. La consommation française est composée de 85 % de poissons d’importation.

La raréfaction de la ressource halieutique stigmatise la surpêche. Il serait totalement injuste d’accuser les seuls pêcheurs. En effet, la pollution et les conséquences du changement climatique fragilisent les cycles naturels et provoquent la migration des espèces.

D’importants efforts ont toutefois déjà été consentis par la profession, puisque en vingt-cinq ans le nombre des navires a chuté de 54 %. Ainsi, dans mon département, la Vendée, les marins pêcheurs sont confrontés pour la quatrième année consécutive à la fermeture de la pêche à l’anchois.

C’est l’avenir même de la pêche qui est en jeu, notamment dans le port de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, puisqu’il reste seulement quatre des vingt-quatre bateaux en activité voilà quatre ans.

Quels sont les défis ?

Pour répondre à la constante augmentation de la demande des produits issus de la pêche, il convient de réconcilier la conservation des espèces et leur exploitation. Des mesures de protection doivent être prises pour protéger le milieu marin, c’est-à-dire la biodiversité et les espaces d’habitat.

Les ports de pêche développent une activité économique bien au-delà du littoral français. Les quelque 16 000 marins embarqués induisent, je tiens à le rappeler, trois fois plus d’emplois à terre, que ce soit dans la construction, le ravitaillement ou la production.

La hausse des coûts de production, en raison notamment du coût de l’énergie, impose des économies. Un programme de recherche doit être développé en direction de techniques innovantes plus économes en énergie.

En concurrence avec les importations, dont les contraintes fiscales, sociales et environnementales ne sont pas comparables, toute la filière doit se réorganiser. La pêche durable est au cœur du défi des professionnels et des pouvoirs publics. Nous devons non seulement leur apporter des moyens mais aussi les défendre dans les conseils européens dédiés et auprès des instances internationales.

L’année 2010 sera difficile pour la pêche française. La crise nous oblige à mettre en place les bonnes pratiques. Permettez-moi de vous soumettre quelques propositions.

Nous devons rapprocher les professionnels, les scientifiques et les élus. Il convient de les faire travailler ensemble : le marin est le premier observateur, le scientifique analyse à plus long terme et l’élu aménage les ports.

Il nous faut définir des objectifs stratégiques clairs et à plus long terme. Les mécanismes décisionnels doivent en effet fournir une plus grande visibilité.

Un cadre responsabilisant suffisamment le secteur pour planifier les saisons de pêche doit être établi. La mise en œuvre de la politique européenne de la pêche doit être décentralisée au niveau de régions marines partagées par plusieurs États et confiée aux conseils consultatifs régionaux.

Il faudra encore assouplir la question des quotas. L’anchois a été découvert en abondance cet été dans des zones inhabituelles : le moratoire sur cette pêcherie ne s’explique pas. Le moratoire sur le thon rouge en Méditerranée s’applique de façon abusive dans l’Atlantique, alors que sa présence est abondante et qu’il se nourrit notamment d’anchois.

Il reste, et vous le savez, d’autres sujets que je tiens à rappeler : la réforme des organisations professionnelles, la destruction des navires performants, la suppression en 2010 des contrats bleus favorisant une pêche durable, la création d’un label pour les produits de la pêche française, la réorganisation des circuits de distribution, la croissance de l’algue verte, les difficultés de la conchyliculture à la suite de la mortalité des naissains et des juvéniles des huîtres, ainsi que le développement de l’aquaculture pour rendre la France plus indépendante.

Monsieur le ministre, en vous exprimant mardi à Brest devant les professionnels, vous avez présenté la pêche comme un atout majeur de l’économie française et vous avez déclaré la France chef de file en Europe.

La France s’intéresse enfin sérieusement à son économie maritime trop longtemps délaissée ! Avec le Grenelle de la mer, les assises de la mer, le Livre vert de l’Europe portant les premières réflexions sur la réforme de la politique commune de la pêche et le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la pêche se retrouve au cœur des débats et des enjeux économiques.

Monsieur le ministre, vous avez mon soutien vigilant et celui du groupe de l’Union centriste pour votre détermination à défendre la pêche, dont je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur plusieurs travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l’agriculture est maintenu en 2010 à peu près au même niveau qu’en 2009, ce qui n’est pas étonnant dans la période actuelle. Mais cette stabilité apparente ne doit pas masquer une tendance baissière structurelle de certains programmes dans le cadre de la programmation pluriannuelle.

En effet, seule la forte augmentation, de l’ordre de 10 %, des crédits de paiement du programme 149 « Forêt », rendue nécessaire après le passage de la tempête Klaus, permet de faire illusion quant au maintien des capacités budgétaires en faveur de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. Si vous me permettez ce jeu de mots, monsieur le ministre, c’est peut-être l’arbre qui cache la forêt !

M. Didier Guillaume. Très bien !

Mme Odette Herviaux. Ce budget semble donc ne pas pouvoir apporter de réponses adaptées aux défis contemporains que sont la baisse des prix agricoles, la baisse des revenus, notamment pour les producteurs de lait, pourtant si nécessaires à l’équilibre et au dynamisme de nos territoires, le non-renouvellement des générations, l’aggravation de la dette, les règles environnementales de plus en plus contraignantes et la multiplication des crises sanitaires.

Il nous faudrait pourtant valoriser notre agriculture et faire de ces contraintes des « aménités positives ». Qualité, traçabilité, sécurité sanitaire, diversité des productions, respect des normes environnementales et du bien-être animal : voilà ce que nous devons mettre en avant auprès des consommateurs en France, en Europe et même au niveau de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, pour promouvoir et ainsi maintenir notre modèle agricole.

Les crédits de paiement du programme 154 « Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires » chutent également, alors que ce programme est censé contribuer au développement de la compétitivité des filières agricoles et agro-alimentaires et faciliter leur adaptation aux exigences environnementales et sociales.

Les moyens déployés pour accompagner la mise en œuvre des mesures programmées par le Grenelle de l’environnement demeurent ainsi en retrait des ambitions initialement prévues.

Tout d’abord, concernant la production biologique, avec moins de 3 % des surfaces cultivées, atteindrons-nous l’objectif de 6 % en 2012 ?

Ensuite, pour ce qui est de la performance énergétique, 38 millions d’euros ont tout de même été accordés, mais les besoins auraient été estimés à 85 millions d’euros !

Enfin, le manque d’efforts particuliers concerne la formation des agriculteurs, et ce au moment même où chacun s’accorde sur la nécessité de remettre au premier plan l’agronomie, ainsi que la recherche sur la lutte intégrée contre les ravageurs ou sur des pratiques culturales plus économes en intrants.

L’essentiel des ressources provient des aides européennes, pour plus de 10 milliards d’euros. Le budget agricole pour 2010 doit donc tenir compte des décisions prises dans le cadre du bilan de santé de la PAC, qui modifient substantiellement les équilibres entre les secteurs agricoles.

Or il est difficile pour le Parlement d’avoir une vision fine de ces affectations et de leurs évolutions. Cela ne nous permet donc pas d’appréhender globalement la politique menée par le Gouvernement et ses priorités pour le secteur agricole dans son ensemble.

Aussi, je souhaiterais donc que nous disposions, à l’avenir, lors des prochains budgets, du rappel des fléchages des financements européens. Certains de mes collègues le diront d’ailleurs tout à l’heure au sujet de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE.

Cette exigence concerne également le secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui génère un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros et représente 16 000 emplois directs et plus de 5 000 navires actifs. Ce secteur façonne l’économie littorale et permet un aménagement équilibré de territoires qui, très souvent, sont encore structurellement fragiles.

Comme le disait notre collègue Jean-Claude Merceron, 2010 sera une année de transition.

D’une part, le plan pour une pêche durable et responsable arrive à son terme. C’est pour cette raison que les crédits de paiement de l’action 16 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » chutent de 36,7 %. Toutefois la situation économique du secteur ne s’est pas améliorée et rend par conséquent nécessaire l’établissement d’un bilan précis. Il conviendrait également d’étudier précisément les conditions de mise en œuvre du Fonds européen pour la pêche, le FEP, afin de mieux préparer sa révision à mi-parcours, d’ici à la fin de cette année.

D’autre part, les assises de la pêche, qui se sont achevées à la fin du mois dernier et dont vous avez présenté les premières conclusions à Brest en début de semaine, auront des conséquences budgétaires, qui ne sont bien sûr pas encore connues.

Malgré cela, de nombreux problèmes ne semblent pas avoir été réglés.

S’agissant de l’évaluation de la ressource halieutique, 6 millions d’euros de crédits de paiement financeront le recueil de données statistiques, scientifiques et économiques – heureusement, enfin en concertation entre les scientifiques et les pêcheurs.

Mais il s’agit tout de même d’une baisse d’environ 20 % par rapport au budget 2009, si l’on prend en compte les décalages engendrés par l’adoption du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR. Cette évolution est difficilement compréhensible.

En effet, face aux problèmes spécifiques que traverse par exemple la conchyliculture, les pouvoirs publics doivent massivement se mobiliser. Cette filière, qui compte 3 120 entreprises de la Manche à la Méditerranée, emploie en effet plus de 8 000 personnes à temps complet et 10 000 saisonniers.

L’actuelle surmortalité, qui dure depuis de longs mois, exige des réponses scientifiques rapides. Par ailleurs, je renouvelle la question que j’avais posée à votre prédécesseur, monsieur le ministre : quels sont les projets du Gouvernement pour traiter le problème récurrent de la couverture des risques dans le secteur ostréicole ?

Concernant la pêche de grands fonds, je veux ici insister sur son rôle économique et social, pour tous ceux qui, comme moi, sont originaires de départements littoraux.

Je ne reviendrai pas sur le discours du Président de la République au Havre ni sur tous les événements et les contradictions qui ont suivi. Je forme néanmoins le vœu que le groupe de travail chargé de réfléchir à la pêche au chalut formulera des propositions susceptibles de concilier le maintien de cette activité économique et les exigences du développement durable.

Un premier pas a été franchi en Europe. Les moyens déployés pour le contrôle des pêches, à hauteur de 14 millions d’euros, permettront à ce titre, je l’espère, d’encadrer concrètement cette activité.

Les dépenses d’intervention, de l’ordre de 60 millions d’euros, notamment dans le cadre de cofinancements du FEP, visent à financer des mesures sociales et de modernisation de la flotte. Il convient cependant de relativiser cette somme, près de la moitié de ce montant visant à solder les opérations du PPDR.

En proportion, les 6 millions d’euros pour le plan de sortie de flotte, auxquels s’ajoutent 14 millions d’euros au titre du PPDR, démontrent ainsi la priorité donnée à la casse.

J’exprime, encore une fois, d’importantes réserves sur cette orientation du Gouvernement. Même si elle est parfois absolument nécessaire, cette orientation a des effets pervers sur le prix de l’occasion et des effets néfastes sur l’installation, y compris par le renchérissement du prix des bateaux.

Quitte à devoir sortir de flotte des navires, il semblerait par conséquent plus pertinent de favoriser la sortie de vieux navires peu économes en énergie et peu sûrs, en permettant au contraire d’accorder une prime pour la construction de navires neufs, plus économes en énergie, sous des conditions d’engagement du patron à pratiquer une pêche responsable.

C’est une condition nécessaire pour arrêter la dégradation de l’image du secteur, notamment chez les jeunes, et pour réconcilier performances, durabilité et, surtout, sécurité.

Au moment où il importe de valoriser les productions françaises et les éco-labellisations, je veux également dénoncer la mise à contribution de FranceAgrimer au titre de la maîtrise des dépenses publiques. En effet, 70 suppressions d’emploi sont programmées. La hausse de 6,9 % du budget de cet organisme ne correspond par ailleurs qu’à un ajustement par rapport à une dotation initiale apparemment insuffisante, comme le reconnaît le rapport de nos collègues.

En conclusion, monsieur le ministre, votre budget, malgré certains aspects qui nous semblent aller dans le bon sens, n’offre pas, en dépit de votre engagement, de perspectives solides, dans un contexte international particulièrement concurrentiel, pour les filières et secteurs qui relèvent de votre ministère. Son inadaptation programmée face à la gravité de ces crises ne nous permettra donc pas de le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, une nouvelle fois l’agriculture traverse une crise affectant l’ensemble de ses filières. Après deux années consécutives de hausse des revenus agricoles, en 2006 et 2007, l’embellie fait place au marasme depuis 2008. Cette année, le recul des revenus agricoles devrait osciller entre 10 % et 20 %.

La situation est particulièrement critique pour le secteur des fruits et légumes. Ainsi, les prix agricoles de fruits frais ont baissé de 34 % par rapport à 2008. Il arrive souvent que les prix ne couvrent même plus les coûts de production.

M. Didier Guillaume. Effectivement !

M. Yvon Collin. J’assiste dans mon département à des dépôts de bilan et à des reports d’investissement. Au final, le potentiel de production s’amoindrit, les emplois disparaissent, la désertification s’installe. Et dans ce cas de figure, il serait vain de mettre en œuvre des politiques d’aménagement du territoire sans un soutien actif à l’emploi agricole.

M. Yvon Collin. Notre pays compte actuellement 350 000 actifs mais pour combien de temps encore ?

En réponse à ces difficultés, malheureusement récurrentes, le Président de la République a annoncé, en octobre dernier, un plan de soutien de 650  millions d’euros. Le projet de loi de finances pour 2010 concrétise une partie de cet effort financier, qui sera poursuivi dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2009.

Pour autant, la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » ne répond pas totalement aux attentes du monde agricole. Certes, ses crédits dépassent les plafonds prévus par la loi de programmation pluriannuelle. On pourrait y voir un volontarisme certain. En réalité, cette hausse des crédits s’explique aussi par des obligations telles que l’accroissement du cofinancement national au bilan de santé de la PAC, la gestion des conséquences de la tempête Klaus, ou encore le programme informatique et le recensement imposés par la RGPP.

Par conséquent, sans oublier la diversité des concours publics à l’agriculture qui relativise la présente mission, je m’interroge tout de même : faisons-nous suffisamment pour ces milliers d’hommes et de femmes qui sacrifient beaucoup de leur vie pour un secteur de moins en moins rentable ?

M. Yvon Collin. Faisons-nous assez pour tous ces exploitants à qui l’on impose régulièrement de nouvelles normes sanitaires et environnementales avec, en contrepartie, la promesse de revenus tout juste décents ?

M. Jean-Marc Pastor. Ce sont les bagnards de la France !

M. Yvon Collin. Hélas non ! Je crois que l’on peut aller plus loin que les prêts bonifiés et les allégements de charges sociales.

Selon moi, deux dispositifs mériteraient d’être renforcés afin de mieux sécuriser les exploitations et les revenus agricoles.

Vous connaissez sans doute, monsieur le ministre, mon attachement à la question de l’assurance récolte. Nous avons eu l’occasion d’en débattre, ici, l’année dernière, avec votre prédécesseur à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi que j’avais déposée. Je forme de nouveau aujourd’hui le vœu de voir instaurer un dispositif suffisamment incitatif pour que davantage d’exploitants soient couverts contre les aléas climatiques.

MM. Jean-Paul Emorine et Didier Guillaume. Très bien !

M. Yvon Collin. Je pense, en particulier, aux cultures fruitières, dont le taux de couverture est de seulement 11 %, contre 45 % pour les grandes cultures.

M. Michel Charasse. Très bien !

M. Yvon Collin. En attendant, je regrette que le Fonds national de garantie des calamités agricoles ne soit pas doté par le projet de finances pour 2010, alors que le code rural prévoit l’inscription de cette subvention au budget de l’État. Mes collègues rapporteurs, toujours très vigilants, le déplorent depuis trois ans.

Le problème de la formation des prix me tient également à cœur, et je salue au passage l’initiative, à laquelle je m’associe pleinement, de notre excellent collègue Didier Guillaume en faveur de la création d’une commission d’enquête sur l’organisation de la chaîne de commercialisation des produits agricoles et le mécanisme de formation des prix agricoles. En effet, il est temps de se pencher sur un système opaque qui conduit, depuis deux décennies, à un écart grandissant entre les prix agricoles et les prix en rayon. Conscient que ce sujet n’entre pas dans le cadre du budget de l’État, je souhaitais néanmoins d’ores et déjà l’évoquer dans la perspective de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture.

Mes chers collègues, les agriculteurs ont toujours su faire l’effort d’adapter leur outil de production. Quand il a fallu produire plus, ils l’ont fait. Maintenant, il faut produire mieux, ils le font. Ils acceptent, sans sourciller, les nouvelles exigences sanitaires et environnementales. Pour autant, les agriculteurs ne sont pas les diététiciens ni les jardiniers de la France. Ils sont avant tout des agents économiques qui veulent vivre de la vente de leurs produits. C’est pourquoi, sans nier les avancées du plan de Poligny, le groupe RDSE souhaiterait un effort continu et à la hauteur d’un secteur aussi vital et ne pourra malheureusement pas voter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout le monde le sent bien, l’agriculture est en crise. Les agriculteurs souffrent et sont inquiets pour leur avenir. Sommes-nous aujourd’hui en mesure de répondre à leurs interrogations dans le cadre du débat budgétaire, qui est l’occasion de rappeler un certain nombre d’actions et de perspectives ?

Sur le plan budgétaire, chacun s’accorde à reconnaître que les crédits de la mission augmentent mais que des interrogations subsistent. Je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, dépasser l’aspect strictement budgétaire et cibler mon intervention sur quelques points qui me paraissent essentiels.

Je commencerai par évoquer la crise laitière. Il était, certes, important de mettre en place le Fonds spécial et de mobiliser les crédits européens comme vous avez su le faire. Je salue également l’effort national concrétisé dans le plan destiné à porter remède aux situations intenables que connaissent certains agriculteurs.

Mais il y a plus que cela. Je fais allusion à l’action que vous avez initiée avec succès à Bruxelles pour lancer une vraie politique permettant de réguler le marché. Il n’était pas évident de convaincre nos partenaires de la pertinence de ce choix, compte tenu de la mentalité d’un certain nombre de responsables agricoles européens –  je pense aux représentants du nord de l’Union, en particulier. Je vous félicite, monsieur le ministre, d’avoir créé le groupe des Vingt qui soutiennent la perspective d’une régulation. Ce qui est vrai pour le lait peut valoir pour de très nombreux secteurs.

Il est donc important de répondre aux attentes des producteurs de lait, singulièrement en zone de montagne où les coûts de ramassage augmentent.

J’attire également votre attention sur l’importance des accords interprofessionnels. Les problèmes de concurrence ne doivent pas empêcher le développement de ces politiques interprofessionnelles qui, conjuguées à la régulation au niveau européen, sont sans doute les seules à même de sécuriser les prix.

Il y a donc eu une réponse immédiate à des situations dramatiques mais aussi la définition de perspectives d’avenir. Cela nous paraît essentiel, afin que ceux qui ont investi puissent continuer à faire face et pour permettre aux jeunes de s’installer.

Si nous relevons des efforts, dans le cadre budgétaire, pour encourager les installations, en revanche, des interrogations demeurent quant à l’accompagnement par les associations départementales d’aménagement des structures des exploitations agricoles, ADASEA, et par les chambres d’agriculture.

Monsieur le ministre, il faut que vous le sachiez, certaines chambres d’agriculture – celle de la Lozère est sans doute, hélas ! exemplaire dans ce domaine – ne peuvent plus trouver des ressources nouvelles. Faute de leur en apporter, la situation sera bloquée. C’est ce qui nous a conduits, pour vous interpeller, à déposer un amendement sur lequel nous reviendrons.

J’en viens au problème herbager et à politique de la montagne.

Les contrats passés au titre de la PHAE vont arriver à terme. Pour l’instant, rien n’est prévu pour que les exploitants concernés bénéficient, au moins jusqu’en 2013, d’assurances financières.

Il y a, c’est vrai, un problème de réglementation par rapport à l’Europe. Il y a également un problème de financement, afin que les titulaires de contrats arrivant à terme cette année puissent, au moins jusqu’en 2013, toucher l’équivalent de ce qu’ils perçoivent actuellement.

Élu d’un département dont la moyenne de chargement par exploitation est inférieure à 0,5, je voudrais entendre de votre part certaines confirmations. Pourriez-vous nous assurer ici très officiellement du maintien des DPU sur l’herbe pour ces exploitations dont le taux de chargement est inférieur à 0,5 car elles sont situées en zone de montagne, elles élèvent des ovins et il y a les estives ?

Je terminerai en évoquant l’avenir de la politique agricole commune, la PAC, singulièrement en montagne. Lundi prochain, se tiendra en Autriche une conférence au cours de laquelle la Commission va présenter une analyse de la politique agricole en montagne. Nous avons besoin que vous sécurisiez son avenir.

Peut-être parlera-t-on un jour de politique agricole commune durable. Encore faut-il que les acteurs économiques restent et soient reconnus. En effet, pour assurer l’avenir de notre espace rural, de nos zones de montagne et de notre territoire, il est absolument indispensable d’encourager l’activité des agriculteurs, qui sont les meilleurs garants du développement durable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et sur plusieurs travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à prendre un peu de recul en remontant l’histoire.

M. Gérard César. Pas trop !

M. Jean Boyer. « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste), voilà les mots qu’aimait à répéter Sully, l’ami et le ministre du roi Henri IV il y a plusieurs siècles.

Certes, à l’époque, les vaches laitières ne produisaient pas 8 000 kilos de lait ou plus et les rendements céréaliers n’atteignaient pas 8 000 kilos de grains à l’hectare. La fertilisation chimique n’existait pas, les herbicides non plus.

II fallait nourrir la France et le monde, ce constat n’avait guère varié après la dernière grande guerre mondiale.

Depuis cinquante ans, monsieur le ministre, les évolutions techniques, humaines et sociales se sont succédé ; une mécanisation performante a remplacé la main-d’œuvre humaine et familiale.

L’agriculture a toujours cette vocation fondamentale qui est de nourrir les hommes, mais le pouvoir de production est devenu très performant et de grands espaces répartis sur tous les continents sont aujourd'hui productifs et compétitifs.

L’agriculture française évolue, nous le savons tous, mes chers collègues, dans une jungle mondiale. La bataille est sans pitié. Certes, ce n’est pas la première fois mais, si un responsable n’a pas le droit d’être désespéré, il a le devoir d’être vrai, et il faut reconnaître que c’est la première fois qu’elle est si terrible.

Monsieur le ministre, vous le savez, on ne peut pas parler d’aménagement du territoire sans évoquer l’agriculture, qui doit en particulier conserver sa vocation de production.

Aujourd'hui, l’inquiétude de nombreux agriculteurs est non pas de ne pas avoir de terres à cultiver, mais de ne plus avoir de voisins dans les villages où ils vivent.

Les agriculteurs souhaitent aussi une parité humaine et sociale.

La mécanisation a réduit la main-d’œuvre ; les hommes et leurs épouses, de plus en plus, travaillent à l’extérieur des exploitations.

Les villages, les communes n’ont souvent plus d’écoles et le ramassage scolaire, pas toujours pratique, est coûteux.

Les agriculteurs risquent de se délocaliser, malgré leur volonté de rester agriculteur.

Lorsqu’il y a un malaise de dimension nationale ou européenne, les problèmes ne sont pas obligatoirement de même gravité, car la stabilité du départ est différente, cependant, mes chers collègues, il ne faut surtout pas opposer telle ou telle filière, car l’agriculture est un tout…

M. Didier Guillaume. Exactement !

M. Jean Boyer. … et l’apport de ce tout dans la balance commerciale est déterminant.

M. Didier Guillaume. Il a raison !

M. Jean Boyer. La France est en effet le premier pays producteur végétal et animal de l’Union européenne et elle est le troisième pays exportateur agroalimentaire du monde. C’est important.

L’ancien agriculteur que je suis, éleveur en Haute-Loire, département voisin de celui de Jacques Blanc, se permettra d’évoquer dans son propos une situation spécifique, celles des zones de montagne, confrontées à des handicaps naturels supplémentaires qui aggravent la morosité.

Cette morosité repose sur une réalité : la dureté du climat et de la topographie, les surcoûts d’investissement, l’isolement, la faible rentabilité économique.

La collecte du lait est menacée dans certains secteurs où la densité est trop faible, donc génératrice de frais supplémentaires.

Les restructurations laitières, vous le savez bien, monsieur le ministre, sont inquiétantes, car les repreneurs ne sont intéressés que par les secteurs rentables, et c’est particulièrement vrai alors que la production laitière constitue un brûlant sujet d’actualité.

Monsieur le ministre, peut-on espérer un retour de l’aide à la collecte qui était allouée voilà une quinzaine d’années ?