M. Pierre Mauroy. … suppression qui va asphyxier financièrement les collectivités territoriales et qui constitue véritablement l’une des plus mauvaises façons que pouvaient leur faire ceux qui nous gouvernent, le texte dont nous débattons aujourd’hui s’inscrit dans la même volonté de reprise en main.

Les plus hauts personnages de la République ont d’ailleurs dénoncé à plusieurs reprises le caractère dispendieux des collectivités territoriales, alors même qu’elles représentent 75 % de l’investissement public et qu’elles ne contribuent qu’à hauteur de 10 % à la dette publique.

Très franchement, nos communes, nos départements et nos régions n’ont pas à rougir de leur gestion – on n’a d'ailleurs pas cessé de dire le plus grand bien de celle-ci –, compte tenu des énormes progrès réalisés au cours des dernières années. Il suffit de sillonner la France pour constater le formidable mouvement des villes, des plus petites aux plus grandes ! Cette évolution, sans précédent, s’est faite sur quinze, vingt ans à peine. (M. le ministre acquiesce.)

Si nos collectivités territoriales sont prêtes, bien sûr, à accepter un certain nombre de transformations, il ne peut s’agir que de changements mineurs et en tout cas sans rapport avec le flot d’imprécations dont elles sont l’objet.

Alors, non, nos collectivités n’ont pas du tout à rougir de leur gestion, et surtout pas au regard du mauvais exemple donné par l’État !

De quel droit l’État peut-il ainsi s’insurger contre ces collectivités territoriales et prendre des mesures à son profit et à leur détriment ? Voilà ce que nous n’acceptons pas, ce que les élus, ce corps valeureux qui sert les communes, qui sert la France, n’accepteront pas. Et, sur ce plan, la mobilisation n’est pas terminée.

Monsieur le ministre, face à l’acharnement déployé pour mettre en difficulté ces assemblées qui ont fait leurs preuves, je ne peux m’empêcher de penser – je suis sans doute dans le vrai, car j’y vois la seule justification à toutes les mesures qui nous sont présentées et qui, manifestement, ne sont pas suffisamment pensées – que cette réforme est aussi inspirée par la volonté de prendre une revanche, à terme, sur la victoire de la gauche aux dernières élections départementales et régionales. (Exclamations sur plusieurs travées de lUMP.)

M. Bruno Sido. C’est un raccourci !

M. Pierre Mauroy. Nous verrons, mais une telle pensée est en tout cas mauvaise conseillère.

Un autre motif d’opposition au projet du Gouvernement porte sur la question des métropoles.

Comme vous le savez, je suis l’un des initiateurs de cette idée. J’approuve donc dans son principe votre proposition de créer des métropoles.

Mais, sur ce point, force est de constater, monsieur le ministre, que vous vous arrêtez en chemin, car le nombre prévu est finalement bien modeste. Au sein du comité Balladur, nous étions partis de dix-sept, pour passer ensuite à quinze, à douze, à onze, avant d’arriver à huit. Cela me paraît largement insuffisant pour répondre aux exigences du développement urbain dans les prochaines années. En matière d’aménagement du territoire, il ne s’agit pas de répondre uniquement à des problèmes d’actualité. Il faut envisager les questions sur le long terme, les mettre en perspective.

Depuis longtemps, je considère que notre pays souffre de ne pas disposer de villes suffisamment puissantes, capables de concurrencer les grandes cités européennes. C’est pourquoi j’ai soutenu la proposition du comité Balladur de créer, par la loi, onze métropoles, tout en considérant qu’il fallait aller beaucoup plus loin et étendre la perspective.

La population française s’accroît, l’aménagement du territoire doit donc tenir compte de cette réalité.

Chaque région devrait pouvoir, avec le temps, se développer autour d’une ville métropole et, inversement, une métropole devrait pouvoir compter sur une région plus puissante pour se développer. La puissance de ce double mouvement pourra donner d’autres perspectives à notre pays, à la République.

Avec huit métropoles, on est loin du compte, d’autant qu’elles seront créées sur la base du volontariat - soit ! - et dotées d’un statut d’établissement public de coopération intercommunale, ce qui est un comble quand on veut tendre à l’universalité et affirmer l’attrait de notre pays. Alors que ces métropoles se verront attribuer de larges compétences, un tel statut tourne le dos à la réalité qui s’affirmera sur le terrain et à l’avenir.

Si l’on veut donner leur force aux métropoles, il faut en faire des collectivités territoriales de plein exercice. Nous reviendrons sur ce point, le temps dont je dispose ne me permettant pas d’en dire davantage.

Ce projet replonge notre pays dans un passé révolu et prépare mal l’avenir. Surtout, il porte un coup à cette belle idée de la décentralisation qui a permis à notre pays de se moderniser et d’être plus démocratique.

J’espère que les Français, le moment venu, rejetteront cette contre-réforme anti-démocratique et rétrograde, très attachés qu’ils sont à la démarche décentralisatrice dont ils ont pu mesurer depuis près de trente ans les effets positifs sur leur vie quotidienne, notamment en termes de qualité des services publics et de proximité. Si la France est bien cette République à l’organisation décentralisée qu’a votée une large majorité de notre assemblée en mars 2003, elle se doit d’aller de l’avant et non de reculer.

Quant à nous, nous participerons au débat avec la conviction et l’ardeur qui nous animaient dès 1981. Nous voulons poursuivre la réforme, et non cautionner une contre-réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Il est temps de décider ! Le titre du rapport rendu par le comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur donnait le ton et soulignait la volonté de poursuivre la grande réforme de la décentralisation.

En effet, il est temps de décider : soit nous choisissons de demeurer dans une organisation territoriale que nous reconnaissons tous comme étant complexe, coûteuse, désolidarisant les territoires et mal adaptée aujourd’hui aux besoins des populations ; soit nous choisissons la voie de la rationalisation administrative et financière, en prenant de front l’ensemble de l’organisation décentralisée pour l’amener vers son objectif premier, c’est-à-dire la vitalité et le dynamisme de nos collectivités au service de nos concitoyens.

Telle est, en résumé, l’alternative qui se présente à nous aujourd’hui.

L’évolution historique de notre organisation territoriale a engendré un monstre administratif où l’Europe, l’État, la région, le département, le pays, l’intercommunalité et la commune peinent à agir de concert.

On nous propose aujourd’hui non pas une table rase, mais une mutation profonde qui s’inscrit, à mon sens, dans l’évolution logique de la décentralisation initiée en 1982 par vous-même, monsieur Mauroy, alors que vous étiez Premier ministre, et revitalisée en 2003 par Jean-Pierre Raffarin.

Ce texte est le fruit d’une longue réflexion qui a associé l’ensemble des acteurs de la démocratie locale, au premier rang desquels le Sénat, au travers de la mission présidée par notre collègue Claude Belot. Si le consensus n’a malheureusement pas pu se faire, nous devons néanmoins retenir les avancées proposées.

Le conseiller territorial symbolise la mutation que j’évoquais à l’instant. Sans remettre en cause l’existence et le champ d’action propre des conseils régionaux et des conseils généraux, ce nouvel élu, qui siégera dans les deux institutions, pourra réaliser l’indispensable coordination entre les deux collectivités. Il jouira en effet d’une vision à la fois locale, ancrée dans son territoire d’origine, et stratégique, par la perspective qu’offre la région.

Nous devons attendre du conseiller territorial qu’il évite, par une vision globale, les actions concurrentes ou redondantes sur un même territoire que nous constatons aujourd’hui. Il deviendra un interlocuteur mieux identifié par les électeurs, pouvant relayer avec efficacité les besoins locaux au niveau régional.

J’ajouterai que la création de ce nouveau mandat permettra aussi accessoirement une substantielle réduction des dépenses liées aux 6 000 élus actuels.

Ayons de plus à l’esprit que la multiplication des élus locaux n’est pas un gage de vitalité démocratique. J’en veux pour preuve les city councils des plus grandes villes américaines, qui n’excèdent pas cinquante membres.

Cela dit, je regrette que nous devions attendre le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux pour que soient levées les zones d’ombre qui persistent.

Nos compatriotes sont attachés à la commune, qui constitue la première et la plus proche expression de la démocratie. Cependant, l’insuffisance des ressources fiscales propres crée une dépendance vis-à-vis des dotations de l’État ou des autres collectivités. C’est pourquoi le renforcement et l’approfondissement de l’intercommunalité constituent un impératif que vise à traduire le présent projet de loi. Je m’en réjouis comme élu rural connaissant les difficultés des petites communes.

La carte de l’intercommunalité va enfin pouvoir être achevée, au besoin – hélas ! – par l’intervention nécessaire du préfet, mettant fin à l’incohérence des enclaves ou à l’égoïsme de communes peu disposées à partager certaines recettes fiscales au profit du développement et de l’aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, je nourris cependant un regret. Le poids de nos régions reste malheureusement souvent très en deçà de celles de nos voisins européens pour pouvoir soutenir la comparaison dans une économie où la compétition est féroce.

Hormis trois ou quatre d’entre elles, parmi lesquelles naturellement l’Île-de-France, qui est la plus riche d’Europe, la plupart de nos régions n’atteignent pas la masse critique économique suffisante. La « banane bleue », qui s’étend de Hambourg à Milan, exerce une force centrifuge défavorable pour celles qui en sont exclues, sauf quelques exceptions, comme l’arc méditerranéen. Que pèsent aujourd’hui l’Auvergne ou le Limousin, que nous aimons tous, face au dynamisme de la Catalogne ou au poids économique de la Rhénanie ?

L’article 13 laisse à l’État le soin de donner ou non une suite aux délibérations concordantes de conseils régionaux optant pour une fusion. Une plus grande latitude des collectivités aurait été souhaitable, car elles sont les mieux au fait de leurs besoins, comme c’est le cas pour les deux Normandies.

Cette dernière observation ne remet cependant pas en cause le besoin de clarification, de rationalisation et de simplification auquel ce texte entend répondre.

Le contexte social et économique de notre pays a profondément changé. Il est normal de faire évoluer les structures administratives pour les adapter à une nouvelle époque. Parce que ce texte, comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, « redonne du cœur et du corps à la décentralisation », je le voterai. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.

M. Bruno Sido. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes à la veille d’une évolution profonde de nos structures de gouvernance locale, trente années quasiment après que la France s’est engagée dans cette rupture historique qu’est la décentralisation. Je regrette d’ailleurs que M. le Premier ministre Pierre Mauroy ait quitté l’hémicycle, car je l’aurais remercié de vive voix !

Pour une fois dans l’histoire de la République, les Girondins l’ont emporté sur les Jacobins, et cette victoire a été décisive. La Constitution ne précise-t-elle pas, désormais, le caractère décentralisé de la République, et ce grâce au rôle décisif joué par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre ?

Le bilan de ces presque trois décennies est, à mon sens, très positif sur le plan des libertés locales. La vitalité de notre pays a été renforcée, l’énergie de nos territoires libérée et, surtout, l’appétence de nos concitoyens pour les affaires locales nourrie d’un principe simple et efficace : la démocratie de proximité.

Renforcer les collectivités locales, c’est donner davantage de sens et de responsabilités aux acteurs des territoires. C’est donc aussi renforcer le goût de l’engagement citoyen. En un mot, c’est choisir de favoriser la démocratie par rapport aux technostructures.

La décentralisation permet aussi de gérer les affaires publiques au plus près des spécificités des territoires et des besoins exprimés localement. Communes et intercommunalités, départements et régions sont désormais à même de faire du « cousu main ». Ce fut une avancée considérable.

Pour autant, il ne sert à rien de nier les défauts de notre organisation territoriale actuelle.

La décentralisation s’est essentiellement focalisée sur les transferts de compétences, sans que l’on repense ni les structures, ni le système dans sa globalité. On n’a pas cessé d’ajouter et de juxtaposer, sans se préoccuper suffisamment de supprimer, de clarifier, de réorganiser.

Le résultat, chacun le constate, c’est un paysage institutionnel fragmenté, auquel s’ajoute l’enchevêtrement des compétences qui entraîne un excès de financements croisés et, au final, trop de complexité, trop de doublons, trop de dépenses.

Nous sommes tous des élus nationaux et, pour une large majorité, des élus de terrain. Nous savons à quel point nos concitoyens et tous les maires, adjoints, conseillers municipaux et conseillers généraux, aspirent à une organisation plus simple et plus cohérente.

Grâce aux travaux du comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par Édouard Balladur, mais également grâce à la mission temporaire du Sénat conduite par notre collègue Claude Belot, avec Jacqueline Gourault et Yves Krattinger notamment, la concertation et l’échange ont permis d’aboutir à un constat partagé sur de nombreux points. Il convient de saluer les efforts et le sens de l’intérêt général de toutes celles et de tous ceux qui ont pris part à cette réflexion.

Le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat une réforme cohérente et courageuse. La commission des lois, après un travail remarquable dont je tiens à vous féliciter, monsieur le rapporteur, nous propose un texte à la hauteur des défis à relever.

Cette réforme porte en elle de grandes ambitions, celle de donner plus de clarté et plus de simplicité à notre organisation territoriale, celle d’assurer une répartition des compétences plus nette, celle, aussi et surtout, de proposer le meilleur service public au meilleur coût.

C’est l’occasion de m’arrêter quelques instants sur l’aspect financier de la question, ô combien important, alors que les collectivités locales sont nombreuses à avoir fait ou à se préparer à faire des choix parfois difficiles pour les budgets 2010.

Avec au moins 1 500 milliards d’euros de dette, soit 80 % du PIB, le niveau d’endettement du pays est pour le moins préoccupant. Au cours des douze dernières années, la dette publique a doublé. Convenons ensemble que, retenant la période 1997 à 2009, je ne fais pas de « petite politique ».

Si la crise économique, historique, à laquelle nous sommes confrontés explique largement l’envolée des déficits et la croissance de la dette, le déficit structurel, c’est-à-dire la part que nous portons année après année, quel que soit le taux de croissance, est évalué à 45 milliards d’euros.

C’est pourquoi personne ne se fait d’illusion : nous avons atteint la « fourchette haute » de nos capacités d’endettement.

Face à la rareté de la ressource publique, nous devons non seulement intensifier nos efforts de bonne gestion, mais aussi « changer de braquet ». Une réforme n’est pas seulement nécessaire, elle est indispensable. Je l’ai déjà dit maintes fois, par exemple le 16 novembre dernier, devant une assemblée peu convaincue, lors de la réunion nationale des conseillers généraux. Et quand je dis « peu convaincue », c’est une douce litote. (Sourires.)

En dépit de telle ou telle prise de position, la plupart des membres du groupe des départements de la droite, du centre et des indépendants de l’Assemblée des départements de France, dont j’ai l’honneur d’être le porte-parole, refusent le statu quo et soutiennent la démarche engagée.

Si les conseils généraux doivent disposer des moyens nécessaires à l’exercice convenable de leurs compétences, tout simplement parce qu’il y va de la crédibilité de la parole publique, la démarche de mutualisation des moyens et de clarification des missions de chacun doit poursuivre son développement.

Mutualisation ? C’est tout le sens de la réforme institutionnelle.

C’est pourquoi, au sein du groupe DCI de l’Assemblée des départements de France, nous sommes favorables, pour la plupart d’entre nous, à la création des conseillers territoriaux, qui ont vocation à être tout à la fois de véritables acteurs de proximité, mais également des stratèges.

Cette évolution décisive renforcera l’articulation entre l’échelon régional et l’échelon départemental, dégagera évidemment des économies d’échelle et, surtout, garantira une plus forte convergence et une meilleure cohérence des politiques publiques.

Chaque département devra, pour ce faire, disposer d’un nombre suffisant d’élus, monsieur le ministre. Cela suppose un nombre minimum de représentants pour les départements peu peuplés. Le nouveau rôle joué par les suppléants sera d’un concours précieux pour les conseillers territoriaux dans l’accomplissement de leurs fonctions, notamment en ce qui concerne les représentations.

Mme Nathalie Goulet. Un suppléant est toujours précieux !

M. Bruno Sido. Dans ce cadre renouvelé qui redessine et conforte le canton, le maintien, pour l’essentiel, du scrutin majoritaire nous paraît déterminant afin de préserver le lien si particulier qui existe entre un territoire et un élu.

Pour nos concitoyens, le conseiller général est un interlocuteur privilégié, apprécié, clairement identifié. C’est ce que nous constatons tous les jours dans nos départements. C’est ce que nous souhaitons demain pour les conseillers territoriaux. Reste, comme le disait Mme Gourault, à définir très exactement le mode de scrutin. Mais c’est l’objet d’une autre loi.

Parallèlement à l’évolution des structures, la clarification des compétences est essentielle pour mieux distinguer « qui fait quoi » entre la commune, les EPCI, les départements et les régions.

Élu d’un département rural comptant 532 communes et communes associées, je suis très attaché au respect des droits et libertés de cet échelon territorial qui représente le socle de notre démocratie.

Les communes, notamment les plus petites, ne sont pas des anachronismes qu’il faudrait supprimer au nom d’une prétendue modernité qui ne voit d’avenir que dans les grandes villes et dont on nous rebat sans cesse les oreilles.

Bien sûr, il faut créer des métropoles parce que la compétition mondiale se fait aussi à ce niveau, mais cela ne signifie pas pour autant que ces vastes territoires faiblement peuplés qui constituent nos campagnes doivent devenir la variable d’ajustement, sans quoi ce n’est plus la peine de parler d’aménagement du territoire.

Les communes, notamment les plus rurales d’entre elles, sont dépositaires d’une fraction de notre histoire et de notre identité.

L’intercommunalité, quant à elle, représente une réponse originale pour rassembler les talents et les moyens, dans une démarche de mutualisation. Encore faut-il veiller à atteindre une taille pertinente, à agir dans un périmètre cohérent et, surtout, dans une logique de projet.

La rationalisation de l’intercommunalité, sur la base du volontariat des communes, est une nécessité pour renforcer la logique de projet et d’investissement qui a présidé à leur création par le législateur. Dominique Braye abordera ce sujet tout à l’heure, donc je ne m’y attarde pas.

Il est heureux que ce texte, à défaut de revenir sur la loi Marcellin, qui a laissé un triste souvenir notamment en Haute-Marne, département champion de la fusion-association, loin devant la Meuse, fasse au moins évoluer la possibilité laissée aux communes de se regrouper.

C’est à la fois un gage de succès et une marque de respect envers les maires et des élus communaux, dont on ne mesure pas toujours, à Paris, le caractère irremplaçable en milieu rural.

La répartition des compétences, non seulement entre le niveau communal et le niveau intercommunal, mais aussi entre le département et la région, doit obéir à un principe simple : non pas la spécialisation des collectivités, dont nous reparlerons certainement, mais la simplification et, partant, la lisibilité.

Le projet de réforme permet de concilier l’impératif de clarification avec le respect des libertés locales en créant trois catégories de compétences : les compétences exclusives, réservées à un seul niveau de collectivité ; les compétences partagées, qui nécessitent une coordination autour d’un chef de file ; les compétences non attribuées par la loi, où une capacité d’initiative est reconnue au département pour agir, si un intérêt départemental existe.

Avec mes collègues présidents de conseil général du groupe de la droite, du centre et des indépendants, je suis très attaché au maintien d’une capacité d’initiative au niveau départemental. Si la plupart d’entre nous souscrivent au constat de la nécessité de clarifier les compétences de chacun, et donc d’éviter que tout le monde continue à se mêler de tout, il ne faudrait pas que, demain, au nom du respect cartésien d’un système très, voire trop rationnel, nous soyons empêchés d’accompagner les projets structurants dont dépend l’avenir de nos territoires.

Le débat sur les compétences des collectivités locales sera organisé, si nous adoptons le présent projet de loi, dans les douze mois qui suivront sa promulgation.

Les départements de la droite, du centre et des indépendants entendent y prendre toute leur part et contribuer à faire de cette étape décisive un succès collectif. (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, depuis des mois, le Président de la République et le Gouvernement ne cessent de déclarer que notre organisation territoriale est trop complexe et que nos citoyens ne s’y retrouvent plus.

Ces affirmations, jamais justifiées, viennent d’être totalement infirmées par un sondage du CEVIPOF. En effet, dans cette étude, les maires, les conseillers généraux et régionaux, sont les seuls hommes politiques qui conservent la confiance des citoyens.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment pouvez-vous dire que leur action n’est pas lisible ? Pensez-vous sérieusement que nos concitoyens plébiscitent ces élus tout en ignorant leurs compétences et leurs actions ?

C’est bien parce qu’ils savent combien leur action est précieuse dans leur vie quotidienne qu’ils leur accordent leur confiance. Aussi, en vous attaquant aux élus territoriaux et aux collectivités locales, vous prenez le risque de déstabiliser notre République.

Au sein de la commission Belot, ainsi que dans cet hémicycle, les sénatrices et les sénateurs du CRC-SPG n’ont eu de cesse de vous alerter sur les risques de disparition des communes et des départements portés par ce projet.

En dynamitant l’organisation territoriale de notre République, votre objectif est de réduire de façon considérable le nombre des collectivités. Pour y parvenir, sans l’annoncer, vous vous cachez derrière la généralisation des intercommunalités.

Vous savez parfaitement qu’en fixant l’objectif de réaliser des intercommunalités sur tout le territoire et en confiant aux préfets le soin de les imposer et d’en modifier les périmètres existants, vous transformez ces outils de coopération volontaire en de nouvelles institutions obligatoires, dont vous prévoyez par ailleurs de renforcer les compétences.

Le regroupement obligatoire porte un coup d’arrêt à la coopération volontaire et à la communauté de projet librement définie. Les communes ne pourront plus décider de leur mode de gestion ou de leurs actions dans de très nombreux domaines ; les décisions prises par d’autres communes s’imposeront à elles, même si elles ne les partagent pas.

C’est faire de ces intercommunalités des institutions supra-communales, éloignées du contrôle citoyen, monsieur le ministre. Avec les métropoles, vous accélérez les transferts de compétences au détriment des communes membres.

Les communes n’exerceront plus que des missions administratives déléguées et seront alors vidées de toute substance, ne disposant plus d’aucun pouvoir de décision, d’aucune possibilité d’action.

Quant aux départements, vous commencez à mettre en œuvre leur lent dépérissement, en supprimant la clause de compétence générale, en les obligeant à s’effacer au profit des métropoles et en encourageant leur fusion avec les régions.

Par ce renforcement des intercommunalités et cet effacement des départements, vous enclenchez, vous le savez d’ailleurs très bien, un processus dont l’aboutissement inéluctable est la disparition programmée de plusieurs milliers de communes et de nombreux départements. Vous en prévoyez même les modalités. Alors, pourquoi ne pas dire clairement qu’il s’agit là de votre objectif ?

Pour y parvenir, vous n’hésitez pas à remettre en cause les principes républicains de la libre administration des collectivités territoriales et de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

L’uniformisation des politiques locales, pilotée d’en haut, est alors en marche.

Les communes y perdront leur identité, leur diversité, leur dynamisme et les services publics locaux disparaîtront peu à peu au profit d’initiatives privées.

Les 36 000 foyers de débats citoyens et d’initiatives pluralistes qui fondent pourtant notre identité et constituent les bases démocratiques de notre République seront alors fortement affaiblis.

L’investissement citoyen, l’engagement local, le bénévolat au profit de l’action publique, les solidarités locales, vont perdre de leur sens et disparaîtront peu à peu.

Aussi, face à cette vaste et dangereuse opération de remise en cause de nos institutions, nous allons combattre l’ensemble de vos projets de loi. Nous le ferons en défendant une tout autre conception du développement de nos territoires, au profit des populations qui y résident, en favorisant la vie démocratique, les coopérations et les mutualisations et en refusant la mise en concurrence des territoires et des habitants, qui consacre toujours la victoire du plus fort au détriment de la solidarité, laquelle est pourtant un élément essentiel de notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.