Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est tout à fait suicidaire pour les élus renouvelables en 2011 !

Cependant, chacun le sait, une réforme de nos territoires est indispensable. Je souhaitais vous faire part, lors de cette discussion générale, des réflexions d’un sénateur rural, « hors-sol » et sans aucun autre mandat.

Mon département, l’Orne, dont, vous l’aurez remarqué, 100 % des sénateurs ont aujourd'hui tenté leur chance (Sourires), compte 293 000 habitants, 40 cantons, dont un certain nombre de moins de 3 500 habitants, 505 communes, 42 communautés de communes, 5 pays, 2 parcs régionaux et une foultitude de syndicats : c’est totalement ingérable.

Nous avions soumis, il y a quelque temps, à un ministre de l’économie et des finances devenu ministre de l’intérieur avant d’être appelé aux plus hautes fonctions de l’État, un projet de redécoupage des cantons, pour réunir les plus petits d’entre eux aux plus grands.

Aujourd'hui, je m’interroge tout d’abord sur la méthode employée : pourquoi n’avoir pas procédé à une refonte des cantons afin de supprimer les plus petits, redessiner les cartes départementales et, dans le même temps, achever la carte de l’intercommunalité en ramenant les derniers villages gaulois à la raison de l’intercommunalité ?

Une telle mesure aurait été sans doute moins agressive que l’apparition ex nihilo du conseiller territorial, dont nous voterons ou non le principe dans ce texte et dont nous déciderons ultérieurement, beaucoup d’orateurs l’ont fait remarquer, des modalités d’élection. Cette méthode inquiète les territoires.

Ensuite, ce projet de loi transforme les EPCI, ou tout du moins les communes qui les constituent, en ions dans un champ magnétique. Je m’explique.

Nombre de ces établissements publics de coopération intercommunale, notamment en zone rurale, sont nés au forceps : il avait alors fallu faire de la pédagogie auprès des plus petites communes et leur donner l’assurance qu’elles auraient leur mot à dire dans la gouvernance de l’EPCI en gestation.

Aujourd’hui, après deux ou trois mandats, les communes les plus importantes sont les plus gros contributeurs en équipements, en services et en moyens, sans avoir pour autant leur mot à dire au sein des EPCI ! Nombre d’entre elles voient, par conséquent, dans le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, le moyen d’échapper à un mariage de raison.

Monsieur le ministre, votre texte fait souffler un vent d’espoir en ce qu’il permet d’envisager des divorces ou de prévoir des mariages plu heureux, mais il fait également naître une grande angoisse pour les communes isolées, qui tremblent d’être absorbées dans des périmètres subis, sans assurances sur la gouvernance.

Enfin, il faut évoquer les situations de blocage. J’aurais l’occasion au cours de la discussion d’évoquer de nombreux cas de conflits graves, qui portent sur les questions financières ou de gouvernance, un sujet extrêmement important.

L’intercommunalité est une solution ; sa gouvernance est la garantie de son succès. Il est d’autant plus dommage de différer l’application des articles 2 et 3. Et je connais par avance le sort qui sera réservé aux amendements que j’ai déposés sur les dérogations proposées à l’article 37.

Néanmoins, il faut bien apporter des solutions aux conflits ; or, en l’état, le texte ne prévoit rien. Monsieur le ministre, vous pourriez, au cours de la discussion, nous donner votre sentiment ; vos réponses pourront, sans aucun doute, être utilisées par les préfets qui ont la charge de suivre les dossiers litigieux.

Dans l’ensemble, et sous réserve de l’article 1er, ce projet de loi comporte de nombreux points positifs et attendus. Les sénateurs des champs, dont je m’honore de faire partie, seront extrêmement vigilants à l’impact de ce texte sur les territoires ruraux. Le Président de la République a rappelé dans ses vœux au monde rural l’attachement qu’il portait à celui-ci. Ce projet de loi sera, serait, pourrait être une première occasion de retranscrire ses nobles propos dans notre droit positif. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cela se termine mieux que cela n’avait commencé !

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour reprendre l’excellente expression du président du Sénat, niant que cela en fut un, ce projet de loi est avant tout un « fric-frac électoral ». Cela est suffisamment clair pour que je puisse me dispenser de développer !

Officiellement, il s’agit de réaliser des économies, de simplifier l’organigramme territorial et de mieux articuler les politiques, ainsi que les relations entre les acteurs locaux. Voyons cela.

Les économies attendues de la division par deux du nombre d’élus – économies de moins en moins chiffrables, d’ailleurs, depuis l’invention du remplaçant du conseiller territorial – sont au mieux dérisoires, plus probablement illusoires, de même que les économies à attendre de l’ « encadrement » des financements croisés : financer seul une action ne la rend pas deux fois moins coûteuse que si on la finançait à deux.

C’est par une autre voie, celle de l’étranglement financier des régions, en tout cas des trois quarts d’entre elles, de l’asphyxie progressive des départements et du transfert aux ménages de l’essentiel du financement des communes et de leurs EPCI, que le Gouvernement atteindra son objectif. Cette démarche est d’ailleurs en contradiction – mais nous n’en sommes plus à une contradiction près – avec le rôle qu’il entend faire jouer au pôle région-département.

Pour la simplification du paysage institutionnel et la mise en cohérence des politiques locales, deux logiques s’offraient.

La première est imposée par notre histoire et notre territoire, avec ses trois niveaux d’administration spécifiques que sont les communes, les départements et les régions, les intercommunalités étant de simples outils pour faire à plusieurs ce que l’on ne pouvait faire seul. Elle prend en compte la profondeur de la réalité affective et politique de la commune, voire du département, ainsi que cette autre évidence : la façon la plus efficace et la moins coûteuse de gérer un territoire aussi étendu et divers que le nôtre est encore d’en confier le soin à des bénévoles ou quasi-bénévoles, élus au plus près des intéressés.

C’est la logique du contre-projet que le groupe socialiste présentera sous la forme d’un faisceau d’amendements. Alternative cohérente au projet gouvernemental, il s’inspire directement des propositions du rapport Krattinger-Gourault et de l’ensemble des travaux de la mission Belot, qui ont permis de rassembler les sénateurs au-delà des clivages habituels. Sauf à admettre que nous avons travaillé pour la forme, il n’y a pas de raison de ne pas se rejoindre à nouveau sur ces propositions.

Nous entendons en particulier tirer toutes les conséquences du principe selon lequel les intercommunalités sont des « coopératives de communes » tenant leur légitimité des communes, et non les antichambres de la disparition de celles-ci.

Nous entendons aussi corriger l’un des défauts majeurs du projet de loi, à savoir l’absence de dispositions permettant de renforcer réellement la position européenne de nos grands ensembles urbains, généralement répartis sur un territoire discontinu et relevant d’une pluralité d’acteurs dans des domaines aussi stratégiques que l’enseignement supérieur, la recherche, la recherche-développement, le développement en général et les grands réseaux. Ce n’est certainement pas en confiant la gestion des routes départementales, du RMI-RMA, de l’APA et des collèges aux métropoles, par définition assises sur un territoire continu, que l’on y parviendra, pas plus qu’en créant des « pôles métropolitains » au sens où l’entend le projet de loi, c’est-à-dire des métropoles pour insuffisants démographiques…

La seconde logique est celle des « managers », des modernisateurs, des experts multicartes, des communicants –auxquels nous devons un niveau de chômage et de sous-emploi permanent élevé, la montée des inégalités et l’explosion de l’endettement de ces trente dernières années, années glorieuses pour ceux qui ont de l’argent –, avec ses deux niveaux d’administration : les intercommunalités, en lieu et place des communes, et une dizaine de régions.

C’est clairement la logique du rapport Attali et, présentée sous une forme plus diplomatique, du rapport Balladur, ainsi que, dans une large mesure, de l’avant-projet de juillet 2009.

Ensuite, les choses se brouillent. Confronté à une levée de boucliers, le Gouvernement, avec l’aide de la commission des lois, va désormais avancer masqué. Je ne doute pas qu’il soit prêt à d’autres concessions pour trouver sa majorité, pour l’instant introuvable. Je m’en félicite, car cela débouchera sur un résultat moins toxique pour le pays, mais ce sera au prix de la confusion, dont la « réforme » devait en principe être l’antidote.

Si le destin des communes est toujours de disparaître au sein des intercommunalités, on leur concède un trépas plus long, plus doux, différencié : pas une commune de moins, certes, mais plusieurs types de communes, selon qu’elles sont anciennes ou nouvelles, parties d’une métropole ou d’une commune nouvelle, et une multiplication des formes d’EPCI. Les départements et les régions les plus peuplés ne seront plus obligatoirement vampirisés par les métropoles, mais ils le seront par le biais de conventions plus ou moins obligatoires, variables selon les lieux : là, le RSA ou l’APA relèveront du département, mais un kilomètre plus loin, de la métropole.

On crée des conseillers territoriaux censés assurer la mise en cohérence des politiques de la région avec celles des départements, mais pas avec celles des métropoles, puisque les compétences régionales et départementales transférées seront du ressort exclusif des conseillers métropolitains. Ainsi, les conseillers territoriaux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur seront chargés du développement économique de l’ensemble du territoire régional, à l’exception des métropoles de Marseille, de Toulon et de Nice ! Comme aurait dit l’oncle de la chanson de Boris Vian : « Y a quelque chose qui cloche là-dedans ! »

Le millefeuille territorial aux couches bien identifiables est mort, place au pudding territorial où tout se mêle : communes et intercommunalités, régions et départements, métropoles et départements, métropoles et régions. C’est incontestablement une réforme appelée à faire date, mais certainement pas un progrès. Néanmoins, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, c’est tout de même un pur moment de bonheur… (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici une réforme de plus. Quel est son objectif ? Existe-t-il un fil conducteur dans la succession de textes que nous présente le Gouvernement ? Vont-ils vraiment simplifier le travail des élus et clarifier leur action aux yeux du citoyen, alors que ceux-ci ont été pointés du doigt, présentés comme trop nombreux et trop coûteux ? En fait, l’objectif est clairement de dépenser moins !

Pour notre part, nous sommes de ceux qui sont convaincus que les mutations de notre société n’ont jamais été aussi rapides que durant les dernières décennies et que le cadre législatif doit impérativement en tenir compte par de grandes orientations les permettant, sans qu’il soit nécessaire d’empiler constamment des lois dont l’encre n’a souvent point le temps de sécher.

Nous avons toujours dit que l’évolution du cadre juridique de nos collectivités s’inscrivait dans la logique de ces mutations. Nous avons accueilli positivement le refus du fédéralisme, le renforcement du couple commune-intercommunalité, l’achèvement de la carte intercommunale, d’autant que le processus de décentralisation a mis davantage encore nos collectivités au cœur des questions tant de proximité que d’investissement public.

Peut-être avons-nous naïvement cru qu’un certain consensus pouvait faciliter une évolution souhaitable. Or nous nous trouvons aujourd’hui face à une rafale de textes qui donnent à penser à nombre d’entre nous que la charrue a été mise avant les bœufs.

« Nous allons prendre le temps », a récemment déclaré dans un quotidien régional M. le ministre de l’intérieur. Le Sénat, dans le cadre de la mission confiée à M. Belot, a pris du temps pour rechercher une œuvre commune. Qu’en est-il resté lorsque, le dernier jour, le conseiller territorial est sorti de l’ombre où il était tapi ? Il n’est l’enfant ni des associations d’élus, ni surtout des citoyens.

L’exemple de la suppression de la taxe professionnelle, sans cohérence évidente avec la réforme des collectivités et qui n’a pas été accompagnée d’un véritable exposé par vos soins, monsieur le ministre, de la teneur du texte sur les compétences, est révélateur. Il fallait aboutir avant le 31 décembre. Pour qui ? Dans Le Journal du dimanche du 17 janvier, le MEDEF s’attribue la paternité de cette réforme. Comment ? Dans la confusion technique et le renvoi à des clauses de revoyure. Avec quelles conséquences ? Je me bornerai, à cet égard, à citer le titre d’un article de La Tribune du 18 janvier dernier : « Taxe professionnelle, avantage aux riches », au premier chef les Hauts-de-Seine, Paris, Neuilly-sur-Seine. La Corrèze va-t-elle définitivement rejoindre le Zambèze ? (Sourires.) Quant à la prévention des délocalisations grâce à la suppression de la taxe professionnelle, Renault ne semble pas vouloir donner l’exemple !

Une fois de plus, la péréquation est en grande partie passée à la trappe, renvoyée à des jours qui ne se lèvent pas, alors que cette question représente chaque année davantage un abcès purulent dans le fonctionnement équilibré de la décentralisation. Prendre le temps n’a de sens que si toutes les cartes sont mises loyalement sur la table. Ainsi, en matière de fiscalité locale, il faut des simulations en amont des textes et une politique dépourvue d’ambiguïté entretenue. Le Gouvernement déclare vouloir assurer une compensation intégrale, à l’euro près, mais la lecture des propos tenus par M. Marleix dans La Gazette des communes du 26 octobre 2009, sous le titre « L’objectif de la loi est de dégager des économies substantielles », m’amène à m’interroger sur la savante alchimie qui permettra d’économiser 20 milliards d’euros sur le chevauchement des compétences. Est-ce la création du conseiller territorial qui permettra ces économies,…

M. Jacques Mézard. … ce conseiller territorial qui est au cœur du projet de loi et n’est pas négociable, avons-nous compris, selon la commande reçue de l’exécutif ?

M. Jacques Mézard. Je mets en garde ceux qui peuvent comme nous acquiescer à plusieurs articles du projet de loi, mais qui considèrent que l’article 1er constitue une greffe inopportune : qu’ils ne s’y trompent pas, cet article est l’expression d’une volonté non négociable, l’axe central du projet,…

M. Michel Mercier, ministre. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne l’avons jamais caché !

M. Jacques Mézard. … les autres articles étant la « garniture ».

Nous ne sommes pas dupes : le recul annoncé sur le mode de scrutin est un sirop destiné à faire passer la purge, en donnant bonne conscience à ceux qui toussent ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jacques Mézard. Or le texte qui nous est soumis se caractérise par ce qui en est absent : des indicateurs fiables sur le nombre de sièges de conseiller territorial et sur les équilibres entre départements et régions, ainsi que des garanties sur la parité au sein des conseils territoriaux, les améliorations à l’échelon des communes ne constituant pas une réelle compensation.

Comment voter ce texte muet sur les modalités précises du scrutin, lesquelles auront pourtant incontestablement des conséquences sur l’architecture des circonscriptions cantonales, surtout avec la proportionnelle, machine à promouvoir apparatchiks et recalés du suffrage universel ? (Sourires.)

Comment ne pas aborder, aussi, la question du cumul des mandats par les conseillers territoriaux, ainsi que celle du statut de ces élus, voués à devenir inéluctablement des voyageurs-représentants-politiques, certes moins nombreux que les conseillers généraux et régionaux, mais affublés de remplaçants mis en appétit ?

Ce texte est fondamentalement ambigu, parce que volontairement inachevé, pour des raisons d’opportunité ; il nous amène au milieu du gué : vous ne nous dites pas où on va, monsieur le ministre, mais comment on va y aller ! (Mme Françoise Laborde rit.)

Ainsi, au-delà de toutes les déclarations, peut-on sérieusement considérer que, dans ce nouvel édifice départemento-régional mêlant présidents de région et présidents de conseil général, l’une des deux entités ne sera pas amenée à prendre naturellement le pas sur l’autre ? D’ailleurs, serait-ce un mal ? L’avenir nous le dira. C’est une option envisageable, mais pourquoi la dissimuler, et pourquoi évacuer du débat actuel la question des compétences et repousser son examen à un an ? Vous devez bien avoir une idée précise du texte à venir, la création du conseiller territorial ayant pour objet, selon le Gouvernement, de « faire travailler ensemble les deux collectivités » !

De la même manière, la création des communes nouvelles et des métropoles, qui pourraient devenir des structures intéressantes en matière d’aménagement du territoire, à condition d’être validées par les électeurs, constitue, au regard du non-dit caractérisant le texte actuel, soit une abstraction, soit, plus vraisemblablement, la première étape d’un processus d’absorption, de digestion lente, qu’il faut oser assumer. Pour l’heure, c’est plutôt la fusion dans la confusion.

En conclusion, ce texte en appelant inéluctablement d’autres, le bégaiement législatif a de beaux jours devant lui ! Vous nous fabriquez un millefeuille plus épais, mais avec moins de sucre : nous n’aurons ni la simplification fiscale, ni la simplification territoriale. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai pu assister au début de cette discussion générale, parce que je votais le budget de mon département. Cela m’a permis de mesurer les effets de l’application du texte récemment adopté, et de constater qu’elle mène à une impasse budgétaire : alors que les ressources stagnent, les dépenses obligatoires ne cessent de croître. (Mme Dominique Voynet applaudit.) Les collectivités territoriales sont mises en coupe réglée !

Mme Michèle André. C’était l’objectif !

M. Philippe Adnot. Il vous faudra revenir sur ce sujet, monsieur le ministre, car une telle situation ne sera pas tenable deux ans.

Le vote du budget départemental a également mis en exergue le scandale du surfinancement des collectivités les plus riches, dont nos concitoyens ne manqueront pas de se rendre compte. Dans ces conditions, comment allez-vous pouvoir tenir jusqu’au rendez-vous fixé dans six mois ? Comment allez-vous pouvoir continuer à affirmer, comme vous l’avez fait ici avec beaucoup d’assurance, que la réforme fiscale accroîtra la compétitivité des entreprises et mettra fin aux délocalisations ? Renault n’a pas mis longtemps à vous contredire, monsieur le ministre ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Nous n’aurions pu imaginer plus éloquente démonstration venant appuyer les mises en garde que nous vous avions adressées ! Je n’en dirai pas davantage sur ce sujet, mais il n’est pas mauvais de prendre le temps de la réflexion quand on élabore un texte…

En ce qui concerne la création du conseiller territorial, elle constitue clairement un recul de la décentralisation. Le département et la région ne pourront plus qu’obéir aux prescriptions du Gouvernement,…

M. Philippe Adnot. … qui ouvrira ou fermera le robinet.

M. Guy Fischer. Très bien !

M. Philippe Adnot. C’est là la négation de l’existence pleine et entière des collectivités locales. On ne connaît aucun autre exemple, nulle part ailleurs, de deux assemblées auxquelles on aurait imposé d’être constituées des mêmes élus ! C’est d’ailleurs extrêmement dangereux pour la diversité de la représentation et pour la pluralité de la réflexion. En outre, cela n’apportera nullement, selon moi, les résultats que vous attendez en termes de maîtrise de la dépense publique.

À ce propos, le Gouvernement continue d’affirmer qu’il y aurait 20 milliards d’euros de dépenses inutiles, mais je n’ai encore jamais entendu aucun de ses membres nous expliquer à quoi correspondent les premiers millions de ce gaspillage supposé. Les financements croisés, cela a déjà été dit, n’ont jamais entraîné de surfinancements.

Il y aura donc des assemblées régionales pléthoriques, puisque leur effectif va doubler, ce qui n’engendrera pas d’économies. En revanche, le nombre des membres des assemblées départementales diminuera d’un tiers. Or comme ce sont ces derniers qui assurent le travail de proximité, par exemple en siégeant au sein des conseils d’administration des collèges ou des maisons de retraite, leur effectif ne sera pas suffisant. Il s’agit vraiment là d’un recul de la démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On enverra leurs suppléants !

M. Philippe Adnot. La réforme ne permettra pas de gains d’efficacité, pas plus qu’elle ne sera source d’économies. Elle conduira à une recentralisation et à une reprise en main par l’État : c’est un très mauvais coup porté aux collectivités territoriales !

Tout à l’heure, j’ai entendu dire que la création du conseiller territorial n’était pas négociable. Eh bien ma position ne l’est pas davantage, monsieur le ministre : si vous faites voter ce dispositif, je ne voterai plus aucun de vos textes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Ces mesures, auxquelles s’ajoute la suppression de la clause de compétence générale, amèneront la destruction des collectivités territoriales. Ce sont surtout les territoires les plus faibles, les plus périphériques, qui pâtiront de cette réforme. Les autres s’en tireront très bien ! On nous affirme que la clause de compétence générale est pratiquement maintenue dans les textes, mais elle est entourée d’une complète insécurité juridique : tout préfet pourra toujours s’opposer à sa mise en jeu, quoi que l’on nous dise à ce sujet.

M. le ministre de l’intérieur a prétendu l’autre jour, en plaisantant, que nous étions « anti-réformes ». C’est un peu facile, et surtout, c’est faux ! En effet, nous sommes capables de proposer des réformes.

Ainsi, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que tout sera résolu si notre pays compte 2 000 élus de moins. Je vous propose, pour ma part, de diminuer de 10 % l’effectif de la totalité des assemblées, toutes strates confondues : cela ferait 52 000 élus de moins. Dans le même ordre d’idées, je suggère de réduire de 10 % le nombre des membres de chacun des exécutifs, ce qui ferait 15 000 élus de moins. C’est autre chose que la suppression de 2 000 conseillers généraux que vous proposez ! Pourquoi viser seulement les assemblées départementales ?

Par ailleurs, je propose que l’on conserve le mode de scrutin actuel pour les assemblées régionales, en les complétant par la désignation de quelques conseillers généraux à la proportionnelle. Cela permettra une concertation et un fonctionnement plus efficaces. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. Guy Fischer. Ça va changer ! (Sourires.)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Enfin un peu de réalisme !