M. Bernard Frimat. En définitive, monsieur le secrétaire d’État, nous ne connaissons pas, je vous cite une nouvelle fois – quel plaisir ! – « une situation […] totalement inédite, du moins sous la Ve République ». Nous n’avons donc pas créé un précédent, comme je l’ai démontré et contrairement à vos affirmations.

En tout état de cause, et là encore contrairement aux propos que vous avez tenus à l’Assemblée nationale, celle-ci aura le dernier mot, comme Jean-Jacques Hyest le rappelait. Si, reconnaissant, avec clarté, que votre texte est mauvais, le Sénat avait l’intelligence de confirmer son vote de première lecture, que se passerait-il ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il y a peu de chance quand même !

M. Bernard Frimat. Le Gouvernement a, conformément à la Constitution, le pouvoir de donner le dernier mot à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Oui !

M. Bernard Frimat. C'est bien parce qu’elle peut avoir, en cas de divergence définitive entre le Sénat et l’Assemblée nationale, et si le Gouvernement le souhaite, le dernier mot qu’il est indispensable selon nous de rendre conforme le découpage des circonscriptions d’élection des députés aux règles élémentaires de l’égalité de suffrage, et d’éviter de suivre une démarche essentiellement partisane.

Or, j’ai le regret de le constater, votre démarche est exclusivement partisane. Elle comporte un seul but inavoué, car inavouable, mais évident : favoriser le plus possible votre parti, l’UMP.

M. Jean-Marc Todeschini. Comme en Moselle !

M. Bernard Frimat. Mon ami Bruno Le Roux a opéré une analyse minutieuse des situations les plus inacceptables. Je ne la reprendrai pas dans le détail, mais il nous revient d’expliquer, à l’intention du Conseil Constitutionnel, pourquoi et en quoi votre ordonnance contrevient aux règles les plus élémentaires de l’égalité des suffrages.

Vous avez même, entre ces deux lectures, aggravé votre cas. Vous disposez de chiffres récents issus du dernier recensement, mais vous refusez d’en tenir compte.

M. Bernard Frimat. Vous vous contentez d’affirmer, sans étude d’impact ni démonstration, que cela ne change rien. En effet, vous ne voulez rien modifier à votre travail et à celui de vos conseillers. II ne faut pas d’accroc dans votre dentelle électorale.

Ce faisant, selon nous, vous ne respectez pas les nouvelles exigences constitutionnelles formulées par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci vous demande, en effet, de désigner l’Assemblée nationale sur des bases essentiellement démographiques. Cela implique d’utiliser les données les plus récentes, à même de traduire avec le plus d’exactitude la réalité démographique du pays.

De plus, la répartition des sièges et la délimitation des circonscriptions doivent respecter au mieux l’égalité devant le suffrage. Vous avez donc l’obligation, au moins morale, de tendre vers un idéal où la voix de chaque citoyen pèse le même poids au moins au sein d’un département. Nous en sommes très loin, et vous êtes bien placé pour le savoir.

Pour vous, une circonscription n’est pas une réalité historique, sociologique, économique, cernant au mieux, dans le respect des équilibres démographiques, des bassins de vie et d’emploi, et permettant la meilleure représentation des citoyens à l’Assemblée nationale. À vos yeux en effet, une circonscription est le fief de tel ou tel député qui vous conduit à nous proposer un découpage intuitu personae pour satisfaire le titulaire actuel ou le candidat que votre parti envisage de présenter. (Mme Catherine Tasca acquiesce.)

La révision de la carte électorale n’est pas, pour vous et pour vos collaborateurs, le moyen de représenter de manière juste la population. Elle devient dans vos mains un instrument pour tenter de freiner, voire de bloquer, les possibilités d’alternance démocratique. (M. le rapporteur s’exclame)

Pour cette raison, nous devons, par nos interventions, tenter de convaincre le Conseil Constitutionnel de « carboniser » votre découpage, pour recourir à une métaphore à la mode. Nous espérons qu’il en censurera au moins les manipulations les plus criantes.

Votre procédé est toujours le même. D’abord, choisir un mode de répartition des sièges avec le système de la tranche commencée qui vous permet de diminuer la représentation des départements les plus peuplés. Cette méthode, vous le savez, engendre les inégalités les plus profondes entre les départements et, en conséquence, s’écarte le plus du respect de l’égalité de suffrages entre les électeurs des différents départements.

Elle est employée uniquement en France, mais cela vous importe peu dès lors qu’elle est à vos yeux la plus favorable aux intérêts de l’UMP.

Vous autorisant à supprimer 33 circonscriptions, elle vous permet de rayer de la représentation nationale, si l’on s’en tient à leurs titulaires actuels, 23 députés de gauche contre 10 de droite (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) ou, autrement dit, 23 députés de gauche sur 230, soit 10 %, et 10 députés de droite sur 340, soit 3 %.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Mais non !

M. Bernard Frimat. On admirera votre sens de l'équité ! Ma région est bien placée pour en parler puisque le Nord perd trois députés, le Pas-de-Calais, deux. Il est vrai, je le reconnais, que les citoyens de ces départements ont pour habitude d’élire plus de députés de gauche que de droite.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et oui ! Il était bien difficile de ne pas supprimer de députés de gauche !

M. Bernard Frimat. Je conçois que cela vous soit désagréable. Est-ce une raison pour priver ces départements d’une juste représentation à l’Assemblée nationale ?

Après avoir choisi une méthode de répartition des sièges à vos yeux la plus favorable, le deuxième temps de votre exercice consiste à tordre les principes qui président au découpage, et ce jusqu’à la limite de la rupture.

Si vous respectez, rarement, la continuité territoriale, c’est au moyen de circonvolutions extraordinaires, en ignorant, quand cela vous arrange, les solidarités existantes entre les différents territoires du département. Mes collègues députés ont suffisamment mis en évidence ce travers pour que je ne m’y attarde pas. Il en est de même de la possibilité de scinder un canton de plus de 40 000 habitants : prévue comme une exception, vous la transformez en moyen banal, quand cela vous est utile,…

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Non !

M. Bernard Frimat. … pour vous donner la liberté nécessaire de faire fructifier vos petits arrangements partisans. Je l’ai démontré en première lecture.

Enfin, vous employez de la même façon l’écart de 20 % en plus ou en moins par rapport à la moyenne départementale. Il constitue les limites possibles de vos manipulations et nullement l’exception justifiée par rapport à la règle de l’égalité de suffrage.

Vous faites des dispositions que je viens de mentionner pour le découpage une utilisation venant directement contredire – je me permets de vous le rappeler – le considérant 26 de la décision du 8 janvier 2009.

Les dispositions « pourraient, par leur cumul ou par les conditions de leur application, donner lieu à des délimitations arbitraires ou aboutir à créer des situations où le principe d'égalité serait méconnu ». C’est ce que vous faites.

De plus, le Conseil Constitutionnel ajoute ceci : ces mesures doivent « être réservées à des cas exceptionnels et dûment justifiés ; qu’il ne pourra y être recouru que dans une mesure limitée et en s’appuyant, au cas par cas, sur des impératifs précis d’intérêt général ; […] que toute autre interprétation serait contraire à la Constitution ».

Vous aurez beaucoup de mal à nous persuader que favoriser les intérêts électoraux de l’UMP constitue, au cas par cas, un impératif précis d’intérêt général.

De la même manière, l’usage systématique du confinement des secteurs réputés de gauche au sein d’une même circonscription, pour faciliter l’élection de députés UMP dans les circonscriptions limitrophes, peut difficilement s’apparenter à un impératif précis d’intérêt général. Vous-même, monsieur le secrétaire d’État, n’y croyez pas. Ce serait faire injure à vos talents de ciseleur de ne pas mettre en évidence votre activité partisane. Les découpes de certaines circonscriptions pour atteindre ce but sont telles que, en comparaison, les contours des fjords norvégiens deviennent des modèles de simplicité !

Monsieur le secrétaire d’État, il est indispensable pour nous d’expliquer au cours de ce débat, à l’intention du Conseil constitutionnel, le caractère inacceptable de votre projet d’ordonnance. C’est ce à quoi nous nous attacherons, mes collègues socialistes et moi-même, en défendant nos amendements.

Un découpage sincère ne doit pas s’effectuer au profit de tel ou tel député. Nous refusons votre manière de faire, car la qualité démocratique d’un découpage ne se juge pas à l’aune du profit que peut en tirer la majorité ou l’opposition. Un découpage sincère se juge à la manière dont il permet au citoyen d’obtenir à l’Assemblée nationale une représentation conforme à ses choix. Il se juge également à la manière dont il permet de traduire dans la composition de l’Assemblée nationale les changements d’opinion de la population. Il se juge pour tout dire à la manière dont il permet à la démocratie de vivre, et donc à l’alternance de se réaliser, si le peuple en décide ainsi.

C’est parce que votre projet de loi de ratification ne répond à aucune de ces exigences que j’invite le Sénat, sans l’aide de la main de Dieu (Sourires.), à le rejeter sereinement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Bel. Très bonne démonstration !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.

Le Sénat avait rejeté ce texte le 14 décembre dernier dans les circonstances que chacun ici connaît, sur lesquelles je ne reviendrai pas. L’Assemblée nationale, conduite à s’exprimer de nouveau sur le texte qui lui avait été soumis en première lecture, n’a pas modifié son vote.

Les conditions dans lesquelles nous examinons le projet de loi n’ayant pas davantage changé, les motivations du vote de chacun des membres du groupe du RDSE demeurent intactes. Mon intervention sera donc identique à celle que j’avais faite en première lecture. Je m’en excuse auprès de ceux – peu nombreux – …

M. Charles Revet. Mais non !

Mme Françoise Laborde. … qui l’avaient déjà entendue.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Les autres peuvent consulter le Journal officiel !

Mme Françoise Laborde. Certes, mais je vais quand même me faire un petit plaisir en la relisant !

M. Louis Mermaz. Comme le disait Pierre Mendès France : mieux vaut se répéter que se contredire !

Mme Françoise Laborde. Le président Larcher, qui n’était pas en séance à ce moment-là, pourra ainsi m’entendre. (Sourires.)

M. le président. J’aurai plaisir à vous écouter, ma chère collègue.

M. Jean-Marc Todeschini. Quel galant homme !

Mme Françoise Laborde. L’élection au suffrage universel des représentants de la nation est l’acte fondateur de toute démocratie parlementaire. C’est sur elle que s’appuie la légitimité des lois qui régissent la vie en société et donnent corps à la citoyenneté. C’est donc à ce titre que la délimitation des circonscriptions électorales et la répartition des sièges de députés revêtent une importance singulière au regard de ce qui participe de l’essence d’un État de droit, l’alternance des majorités.

La ratification de l’ordonnance du 29 juillet 2009 sur laquelle nous sommes aujourd’hui conduits à nous prononcer intervient au terme d’un long – trop long même ! – processus.

Comme cela a déjà été évoqué, la délimitation actuelle des circonscriptions législatives remonte à la loi du 24 novembre 1986, adoptée au début de la première cohabitation et après le bref intermède du scrutin de liste proportionnel institué en 1985. Le découpage actuel s’appuie donc sur les données issues du recensement général de la population de 1982, lesquelles ne correspondent naturellement plus à la réalité démographique d’aujourd’hui.

Or, vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, le Conseil constitutionnel a posé le principe intangible selon lequel l’égalité du suffrage, instituée par l’article 3 de la Constitution, ne peut être garantie que si la délimitation des circonscriptions se fait « sur des bases essentiellement démographiques ».

Cela signifie qu’il faut prendre en compte non pas le nombre d’électeurs d’une circonscription, mais bien sa population, ce qui prend tout son sens pour un département jeune et dynamique comme le mien, la Haute-Garonne.

Nous sommes parvenus à des situations ubuesques où le poids du vote d’un électeur, pour ne parler que de la métropole, n’a pas la même valeur selon son lieu d’habitation.

En prenant les deux extrêmes, le vote d’un électeur de la 2e circonscription de la Lozère, qui compte 35 000 habitants, pèse six fois plus que celui d’un électeur de la 1ère circonscription du Val-d’Oise, qui totalise 188 000 habitants. (M. Louis Mermaz acquiesce.) Lorsqu’on sait que des élections se jouent parfois à quelques voix, et qu’une majorité parlementaire peut être ténue, on comprend aisément où se situe le problème.

Un nouveau redécoupage des circonscriptions était donc devenu indispensable, d’autant plus que deux recensements généraux sont intervenus depuis lors, en 1990 et en 1999.

Le Conseil constitutionnel, par ailleurs, juge de l’élection des députés, n’avait pas manqué d’attirer solennellement l’attention du Gouvernement sur ce point, d’abord en 2005, puis, de nouveau, en 2007, lors de l’examen du projet de loi organique visant à créer les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Sans nécessairement remonter aux rotten boroughs britanniques ou faire référence au gerrymandering qui se pratique encore parfois aux États-Unis, force est de constater qu’il est difficile de procéder à une nouvelle délimitation de façon absolument neutre et objective.

À cet égard, la méthodologie choisie revêt toute son importance.

On peut ainsi s’interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le choix de la méthode par tranches, dite méthode Adams, qui n’est utilisée qu’en France, ou encore sur le choix d’une tranche de 125 000 habitants, alors que, en divisant le total de la population française par le nombre de circonscriptions, la tranche type est plus proche de 113 000 habitants.

J’ai toutefois conscience que les déséquilibres démographiques en métropole et la nécessité d’assurer une représentation correcte de l’outre-mer ne permettent pas de garantir une tranche optimale. Mais la différence reste tout de même de 11 % !

En outre, pourquoi avoir choisi un écart de 20 % entre circonscriptions d’un même département, alors que le Conseil de l’Europe recommande, dans son Code de bonne conduite en matière électorale, un écart de 10 % ?

Pourquoi ne pas avoir saisi l’occasion de cette ordonnance pour réduire l’écart et renforcer les conditions d’une réelle égalité des suffrages ?

Certes, le Conseil constitutionnel a validé cet écart de 20 %, mais en rappelant qu’il ne devait être qu’un ultime recours fondé sur des raisons d’intérêt général particulièrement circonstanciées.

En tout état de cause, la difficulté de procéder à la révision des circonscriptions résulte aussi de la révision constitutionnelle de 2008 et de la disposition qui a fixé à 577 le nombre maximal de députés. Je ne suis pas convaincue de l’utilité de cette disposition, même si je conçois que le pouvoir constituant ait voulu empêcher toute inflation d’élus. Néanmoins, ce plafond complexifie, de fait, la tâche, et explique notamment la raison pour laquelle a été censurée la vieille tradition républicaine selon laquelle tout département métropolitain disposait au moins de deux sièges.

Parallèlement, la révision constitutionnelle et la loi organique du 13 janvier 2009 ont permis de créer onze sièges de députés représentant les Français de l’étranger. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que leur répartition géographique est surprenante. L’un d’entre eux sera élu par nos compatriotes qui résident en Suisse et au Liechtenstein, tandis qu’un autre devra, pour faire campagne, courir l’Asie et l’Océanie dans leur ensemble, soit 51 millions de kilomètres carrés ! Voilà un découpage bien saugrenu, dont on se doute qu’il n’est pas tout à fait innocent, au vu de la sociologie des expatriés vivant ici ou là !

La commission prévue à l’article 25 de la Constitution, présidée par Yves Guéna, a été saisie à deux reprises par le Gouvernement, lequel n’a pourtant pas suivi l’ensemble de ses recommandations. Ces dernières tendaient à renforcer le principe d’égalité du suffrage ou la continuité et la cohérence territoriales des découpages retenus. Or nombreuses sont les circonscriptions affichant un déficit démographique qui ont été pointées du doigt par la commission. Mais le Gouvernement est passé outre, comme c’est le cas pour les Alpes-Maritimes, le Cher, la Loire, le Tarn, les Yvelines, ou encore la 5e circonscription des Français de l’étranger, pour ne citer que ces territoires.

Je vous l’accorde, monsieur le secrétaire d’État, le redécoupage des circonscriptions est une tâche complexe, et s’en acquitter avec impartialité est une gageure. Les deux camps qui structurent la vie politique de notre pays sont touchés, certes de façon inégale, par ce remodelage. Insatisfaits et satisfaits se retrouvent dans les deux camps politiques.

L’ancien redécoupage a été, lui aussi, très critiqué en son temps, et pour les mêmes raisons.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !

Mme Françoise Laborde. Mais il n’a jamais empêché l’alternance des majorités,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. En effet !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Absolument !

Mme Françoise Laborde. … pour la plus grande vitalité de notre démocratie.

La discussion de ce projet de loi de ratification a été l’occasion pour certains de nos collègues députés de se livrer à de savants calculs, assortis de coefficients ou d’extrapolations ou de projections électorales. On a ainsi pu entendre que le bloc de gauche devrait désormais obtenir 51,4 % des suffrages exprimés pour obtenir la majorité à l’Assemblée nationale !

Tous ces calculs sont brillamment étayés et très intéressants, mais omettent un point essentiel : le vote des électeurs n’est pas figé.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Bravo !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C’est vrai !

Mme Françoise Laborde. L’évolution sociologique est, par définition, un phénomène contingent, qui empêche d’enfermer l’arithmétique électorale dans des formules toutes faites et reproductibles à l’infini. L’humeur et l’opinion de nos compatriotes fluctuent : les calculs politiciens d’aujourd’hui ne seront certainement pas valables demain.

Ce projet de loi concerne avant tout, et par définition, les députés. Pour cette raison, mais également en cohérence avec nos collègues radicaux de gauche de l’Assemblée nationale, la grande majorité des membres du groupe RDSE ne prendra part à aucun vote sur ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean-Marc Todeschini. Je pense que l’on va parler de la Moselle !

M. Jean Louis Masson. Monsieur le secrétaire d’État, comme je l’ai indiqué en première lecture, vous avez procédé à un incroyable charcutage à l’intérieur de la ville de Metz.

Ce découpage, qui passe en zigzag entre les blocs d’immeubles à l’intérieur du canton de Metz III, n’a aucune justification, puisqu’il s’agit quasiment d’une opération blanche du point de vue démographique. En effet, pour favoriser votre ami M. Grosdidier, au détriment de Mme Zimmermann et de Mme Filippetti, l’opération se résume à une permutation des treize bureaux de vote les plus à gauche de la ville contre onze bureaux de vote très à droite.

Plus grave, la Moselle est le seul département où vous avez transmis à la Commission de contrôle du redécoupage électoral des chiffres de population totalement faux. La sous-estimation est tellement grossière qu’il ne s’agit probablement ni d’une erreur ni d’un hasard. Il s’agit au contraire de cacher le fait que votre découpage extravagant n’a aucune justification démographique. C’est ce que je vais maintenant prouver.

Votre dépeçage à l’intérieur du canton de Metz III est tellement tordu que, fin mai, l’INSEE n’avait pas encore calculé la population concernée au titre du recensement de 2006. Le Gouvernement a de ce fait inventé de toutes pièces sa propre estimation qu’il a transmise à la Commission de contrôle du redécoupage électoral.

Or, pour cette estimation, le Gouvernement disposait d’au moins cinq chiffres : tout d’abord, pour l’ensemble du canton de Metz III, ceux des trois recensements de 1990, soit 38 198 habitants, de 1999, soit 40 058 habitants, et de 2006, soit 40 987 habitants ; ensuite, pour les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier, ceux des deux recensements de 1990, soit 15 279 habitants, et de 1999, soit 16 057 habitants. Seul manquait le recensement de 2006.

Ces cinq chiffres dont disposait le Gouvernement montrent que le canton de Metz III est globalement en croissance régulière et que, en son sein, les bureaux de vote dépecés au profit de M. Grosdidier connaissent une augmentation exactement parallèle de leur population. Il suffisait donc de faire une simple règle de trois pour obtenir une bonne estimation de la population de ces bureaux de vote. C’est ce que j’ai fait. À quarante-sept habitants près, on trouve le résultat exact !

Monsieur le secrétaire d’État, votre principal collaborateur chargé du découpage est diplômé d’une grande école scientifique. Il a d’ailleurs parfaitement mis à profit ses cours de topologie à l’École polytechnique pour se transformer en artiste du dépeçage électoral. Vous ne me ferez pas croire que cet éminent collaborateur est incapable de faire une règle de trois,…

M. Pierre-Yves Collombat. Non, une règle de quatre ! (Sourires.)

M. Jean Louis Masson. … laquelle est du niveau du certificat d’études !

Vous ne me ferez pas croire non plus qu’il n’a pas eu le temps de s’occuper de la ville de Metz. Je pense au contraire qu’il y a consacré tellement de temps que, dans le cadre de ses excentricités topologiques, il a découvert ce que personne n’avait vu jusqu’à présent, à savoir un chemin de halage le long d’un canal désaffecté formant un étranglement qui assure la continuité territoriale entre les bureaux de vote transférés à votre ami M. Grosdidier et le reste de sa circonscription !

Or, comme par hasard – c’est incroyable, mais vrai ! –, vous sous-estimez de 2 000 habitants la population charcutée à l’intérieur du canton de Metz III. C’est à croire, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a eu une explosion soudaine du taux de mortalité, une épidémie de peste ou de choléra… De plus, si cette partie du canton de Metz III avait effectivement perdu 2 000 habitants, cela signifierait que, pour assurer mathématiquement la croissance démographique globale du canton de Metz III, la partie restante aurait au contraire connu une explosion de la natalité !

Rassurez-vous, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a pas eu d’épidémie de choléra sur le territoire des bureaux de vote que vous avez dépecés, pas plus que les habitants de l’autre partie du canton de Metz III ne se sont mis à se multiplier comme des lapins.

M. Jean-Marc Todeschini. M. le secrétaire d’État ne vous écoute pas !

M. Jean Louis Masson. Je ne ferai pas l’injure à votre collaborateur ni à vous-même, monsieur le secrétaire d’État, d’imaginer un seul instant que vous ne sachiez pas faire une règle de trois. J’en conclus donc que nous sommes face à une opération extrêmement grave, à savoir la manipulation délibérée des chiffres de population…

M. Alain Marleix, secrétaire d’État. C’est honteux de dire cela !

M. Jean Louis Masson. … afin de minimiser les insuffisances démographiques de votre charcutage électoral.

Plus grave encore, monsieur le secrétaire d’État, vous avez vous-même reconnu que l’INSEE vous avait communiqué dès le début du mois de juillet les chiffres exacts de la population.

M. Jean-Marc Todeschini. Il s’en moque, il ne vous écoute toujours pas !

M. Jean Louis Masson. Malgré cela, vous avez laissé l’Assemblée nationale délibérer en première lecture sur la base de données fausses, grossièrement sous-estimées. D’ailleurs, si moi-même en première lecture au Sénat, puis Mme Filippetti et Mme Zimmermann en seconde lecture à l’Assemblée nationale, n’avions pas soulevé ce lièvre, vous vous seriez bien gardé encore aujourd’hui de dire quoi que ce soit sur cette question.

Il y a là un vice de forme rédhibitoire qui entache toute la procédure. C’est de plus une atteinte grave à la loyauté dont le Gouvernement devrait faire preuve à l’égard du Parlement. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, pour la bonne organisation de nos travaux, j’indique à nos collègues que je vous demanderai de bien vouloir suspendre la séance à l’issue de la discussion des motions, et en tout état de cause au plus tard à douze heures trente, afin que la commission puisse consacrer quelques minutes à l’examen des amendements qui auront été déposés depuis la réunion qu’elle a tenue ce matin à neuf heures.

M. Pierre-Yves Collombat. Quelques minutes suffiront-elles ?

M. le président. Il sera bien entendu fait droit à votre demande, monsieur le rapporteur. 

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Troendle.

M. Michel Charasse. Il faudrait tout de même que Pignard soit là !

Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui de nouveau invités à ratifier l’ordonnance du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés.

Nous devons aujourd’hui ce débat non pas, comme certains se plaisent à le sous-entendre, à une supposée opposition au projet de loi, mais beaucoup plus simplement à une erreur matérielle.

M. Jean-Marc Todeschini. Rendez-nous M. Pignard !

Mme Catherine Troendle. Comme je l’ai exposé le 14 décembre dernier, ce projet de loi de ratification constitue l’aboutissement d’un travail rigoureux, courageux et équilibré, engagé voilà maintenant plus de dix-huit mois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Que de superlatifs !

Mme Catherine Troendle. Je tiens à saluer l’équilibre, la sincérité et la rigueur du travail…

M. Pierre-Yves Collombat. Cela restera à la postérité !