M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur Arthuis, le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Comme vous l’avez indiqué, le régime de l’auto-entrepreneur connaît un grand succès, puisqu’il a déjà séduit plus de 400 000 Français. Ce n’est pas rien, et il ne faut donc pas tirer de conclusions trop hâtives sur ce statut, dont la création ne date que du 1er janvier 2009.

Les raisons de ce succès sont connues et se résument en deux mots : simplicité et souplesse. Or ce sont précisément ces deux aspects qui seraient remis en cause si la Haute Assemblée devait adopter votre amendement.

En effet, sortiraient à terme du dispositif tous les auto-entrepreneurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 32 000 euros et qui ne peuvent pas ou ne souhaitent pas le développer, certains s’accommodant parfaitement d’un niveau d’activité modeste. En réalité, beaucoup d’entrepreneurs à temps plein n’ont pas de grandes ambitions en matière de développement et souhaitent avant tout pouvoir bénéficier durablement d’un cadre comptable, administratif et fiscal simplifié.

Je pense notamment aux nombreuses mères de famille qui ont opté pour ce statut et ne souhaitent pas travailler davantage ou augmenter leur chiffre d’affaires, afin de préserver un équilibre de vie satisfaisant. Au nom de quoi les forcerions-nous à en faire plus ?

Il en est de même de nombreux artisans ou membres de professions libérales qui, avec un chiffre d’affaires compris entre 25 000 et 30 000 euros, gagnent davantage qu’en étant salariés dans une entreprise. En effet, il faut garder à l’esprit que ces chiffres correspondent à un revenu mensuel allant du SMIC à 1,5 fois le SMIC.

Au nom de quoi voudrait-on imposer à ces entrepreneurs des contraintes nouvelles, alors qu’au départ c’est la simplicité du dispositif qui les avait convaincus de franchir le pas ? Ne serait-ce pas pour eux une incitation à abandonner leur activité ou, pis encore, à la poursuivre sans la déclarer ?

Si le statut d’auto-entrepreneur est devenu un phénomène de société, c’est qu’il a ouvert grandes les portes de la création d’entreprise à un public qui s’en pensait auparavant exclu.

Un seul chiffre en dira sans doute plus qu’un long discours : 40 % d’auto-entrepreneurs sont chômeurs au moment de leur enregistrement. Ce statut est donc éminemment social. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) En cette période de crise économique, il est souvent la seule option qui reste, et je souhaite que l’on considère avec respect les 160 000 chômeurs qui sont devenus auto-entrepreneurs. Lisez les courriers émanant des associations qui les accompagnent ! Ainsi, Mme Nowak, qui préside l’Association pour le droit à l’initiative économique, l’ADIE, et qui n’est pas réputée être une personnalité de droite, a lancé une pétition, après avoir eu connaissance du dépôt de cet amendement, visant à demander que l’on ne tue pas ce régime.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que le régime micro-fiscal, sur lequel celui d’auto-entrepreneur est calé, existe depuis de très nombreuses années, qu’il concerne 500 000 entrepreneurs et qu’il n’a jamais été question, à ma connaissance, de limiter dans le temps son bénéfice. Ne créons donc pas d’usines à gaz, monsieur Arthuis, nous qui souhaitons la simplicité, et ne handicapons pas le statut d’auto-entrepreneur !

En outre, le régime de l’auto-entreprise existe depuis seulement quatorze mois. Les acteurs économiques sont en train de se l’approprier. Je ne souhaite donc pas que l’on modifie ses règles de fonctionnement si peu de temps après son démarrage : vous-même prônez d’ailleurs volontiers, et à juste titre, la stabilité du cadre juridique, fiscal et social de l’activité économique. Limiter la durée d’application du régime de l’auto-entreprise serait adresser un important signal négatif à toutes les personnes qui se sont engagées dans cette voie de l’entreprenariat, avec les risques que cela implique.

Enfin, le maintien en l’état du régime de l’auto-entrepreneur, sans limite de durée d’application, ne soulève pas de difficultés en termes de concurrence entre entreprises. Il faut mettre fin, dans le débat public, à la circulation de contre-vérités au sujet de ce statut, qui n’entraîne aucune concurrence déloyale. Une étude de l’ordre des experts-comptables – que vous connaissez bien, monsieur Arthuis – a montré de manière irréfutable que l’auto-entrepreneur ne paie pas, en moyenne, moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs. Il s’en acquitte dans un cadre administratif simplifié, et c’est cette simplification qui est le véritable atout du régime de l’auto-entrepreneur. Certes, ce dernier ne facture pas la TVA, mais il ne peut, en contrepartie, la déduire de son chiffre d’affaires, à la différence d’un entrepreneur soumis au régime du réel simplifié.

Si distorsion de concurrence il y a, elle n’est donc pas fiscale, comme l’a montré cette étude, mais tient au degré de simplification supérieur dont bénéficie le statut d’auto-entrepreneur. À cet égard, j’ai été sensible, monsieur Arthuis, aux réflexions que vous avez émises lors de la table ronde que vous avez organisée. Si cette simplification est excessive et « déloyale », il faut y remédier non par une complexification qui remettrait tout le monde à égalité, mais au travers d’une harmonisation par le haut. La simplification doit concerner tous les entrepreneurs individuels, quels que soient leur statut et leur chiffre d’affaires. Il s’agit là d’un chantier majeur : si un combat doit être mené, c’est bien celui pour l’extension de la simplicité du régime de l’auto-entrepreneur aux 1,5 million d’entrepreneurs individuels. La simplicité doit s’étendre par contagion à toute l’économie. Par exemple, la déclaration de création d’une entreprise en ligne a été rendue possible le 1er janvier 2009, avec l’ouverture du portail internet de l’auto-entrepreneur ; en 2010, cette possibilité a été étendue à toutes les créations d’entreprise, quel que soit le statut.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons à présent aller plus loin ensemble, en réfléchissant aux moyens de simplifier la naissance et la vie de toutes les entreprises individuelles, au-delà des seuls auto-entrepreneurs. Je prends l’engagement d’ouvrir ce chantier.

Bien sûr, cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement soit fermé à toute discussion et à toute étude sur le régime de l’auto-entreprise. Nous avons engagé les travaux d’évaluation. Le comité de pilotage, qui associe l’ensemble des acteurs intéressés, s’est déjà réuni le 29 mars. L’étude d’impact du régime sera publiée à la fin du mois de juin. Il serait prématuré, vous en conviendrez, de modifier profondément ce régime avant même que soient connus les résultats de cette évaluation approfondie.

Le régime de l’auto-entrepreneur doit conserver sa simplicité, qui constitue sa raison d’être. Prévoir une obligation de déclaration du chiffre d’affaires pour les auto-entrepreneurs ne me semble pas nécessaire. Imposer une telle contrainte pendant les périodes où le chiffre d’affaires est nul représente, de mon point de vue, un formalisme inutile.

Les auto-entrepreneurs s’étant déclarés au moment de leur enregistrement, ils sont connus des services fiscaux et sociaux. Une non-déclaration de chiffre d’affaires équivaut à une déclaration de chiffre d’affaires nul, qui peut elle aussi faire l’objet d’un contrôle.

Monsieur Arthuis, vous avez manifesté, par cet amendement, le souci légitime, partagé de tous, de vérifier la bonne application des lois sur le terrain. Je vous propose de nous retrouver en juillet pour faire le point sur l’évaluation approfondie que j’ai lancée. J’en communiquerai bien évidemment les résultats à la commission des finances et à celle des lois. Dans l’immédiat, au bénéfice de cet engagement et des observations que j’ai formulées, je souhaiterais que vous puissiez retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste n’a jamais été favorable à la création du statut d’auto-entrepreneur, que nous avions combattue lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’économie. Cette opposition tenait à notre vision du travail dans la société, ce statut alimentant la précarité, selon le principe des vases communicants : plus il y a de chômeurs, plus il y a d’auto-entrepreneurs. Bien sûr, personne ne blâme les pauvres salariés ainsi externalisés d’essayer de trouver une issue à leur précarisation.

Sur notre initiative, le Sénat a commencé au début de cette année l’évaluation de la loi de modernisation de l’économie. En outre, la commission des finances a organisé une table ronde sur le régime de l’auto-entrepreneur. Par conséquent, je trouve étonnant, monsieur le rapporteur, que vous affirmiez ne pas avoir eu assez de temps pour examiner cette question : il me semble que nous avons eu l’occasion de le faire depuis que ce statut existe.

En application là encore du principe selon lequel qui peut le plus peut le moins, nous voterons l’amendement de M. Arthuis, qui constitue une proposition a minima, d’autant qu’elle ne concerne pas les auto-entrepreneurs exerçant également une activité salariée.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, votre argument selon lequel il serait prématuré de modifier ce régime avant que nous ne disposions des résultats de l’évaluation promis pour l’été n’est vraiment pas recevable. En effet, lorsque nous avons débattu, au cours de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, de la suppression de la taxe professionnelle – réforme ô combien importante – et des effets à en attendre, nous ne disposions d’aucune évaluation. Pourtant, le Gouvernement ne considérait pas alors cette réforme comme prématurée ! Je pourrais citer d’autres exemples de cet ordre, mais celui-ci est resté gravé dans la mémoire de beaucoup d’entre nous.

Mme Odette Terrade. Il est lourd de conséquences !

Mme Nicole Bricq. Dès lors, nous voterons l’amendement de M. Arthuis, visant à assortir d’un petit garde-fou un statut lourd de nombreux périls.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, l’instabilité juridique et fiscale résulte également de la création de multiples statuts nouveaux qui se superposent les uns aux autres, transformant notre droit commercial en un véritable millefeuille. Nous sommes donc loin de la simplicité que vous revendiquez.

En outre, vous avez entendu comme moi les plaintes des artisans, en particulier du secteur du BTP, qui considèrent que le statut dérogatoire des auto-entrepreneurs crée une concurrence déloyale, ceux-ci pouvant proposer un tarif horaire inférieur d’environ dix euros au leur, en raison de cotisations sociales plus faibles.

Enfin, vous avez affirmé que cet amendement toucherait ceux pour qui l’auto-entreprenariat n’est qu’une activité complémentaire, par exemple les étudiants, les mères de famille ou les retraités. Or il n’en est rien, puisque M. Arthuis a précisément restreint le champ de son dispositif aux auto-entrepreneurs à titre principal.

Pour ces raisons, cet amendement nous paraît tout à fait recevable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne vivons pas du tout dans le même monde ! Vous avez fait le panégyrique du statut d’auto-entrepreneur : tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, leur effectif – plus de 400 000 – est impressionnant, etc.

Cependant, vous-même l’avez reconnu, un nombre considérable d’entre eux ne déclarent rien.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Ils ne sont pas seuls dans ce cas !

M. Jacques Mahéas. Je n’ai pas dit qu’ils ne travaillent pas ; simplement, quel profit tirent-ils véritablement de ce statut ? Disons-le, ce n’est pas très clair.

Permettez-moi, à cet égard, de vous livrer le témoignage d’un travailleur du BTP proche de l’âge de la retraite. Son patron lui a expliqué qu’il lui était difficile de le maintenir dans son emploi jusqu’à 65 ans, mais qu’il pourrait lui fournir du travail s’il prenait dès maintenant sa retraite et s’installait comme auto-entrepreneur… C’est du « gagnant-gagnant » ! Tout le monde y trouve son compte, sauf les caisses de sécurité sociale et les concurrents artisans, qui eux déclarent tout.

L’auto-entreprenariat déstructure le monde du travail. Par conséquent, lorsque M. Arthuis propose de mettre un peu d’ordre, par le biais d’un amendement qui n’a rien de révolutionnaire, nous y voyons un progrès, même si nous sommes par principe très opposés à l’existence même de ce statut d’auto-entrepreneur, qui est la face cachée de l’augmentation considérable du chômage, particulièrement marquée dans le département de la Seine-Saint-Denis, où les demandeurs d’emploi représentent 10,6 % de la population active !

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.

M. Jean Arthuis. J’ai été attentif à vos propos, monsieur le secrétaire d’État. J’attendrai le rendez-vous du mois de juillet pour fixer la durée d’application du statut d’auto-entrepreneur pour ceux qui exercent cette activité à titre principal.

Toutefois, pour que l’évaluation de ce statut puisse être menée, monsieur le secrétaire d’État, il faut que les auto-entrepreneurs déclarent leur activité. Sinon, vous ne pourrez rien faire ! Vous avez d’ailleurs laissé entendre qu’il ne serait sans doute pas extravagant de rendre obligatoire cette déclaration. Sans doute la loi de modernisation de l’économie présentait-elle une lacune à cet égard.

Je rectifie donc mon amendement, en supprimant le second aliéna du I, qui tendait à limiter à trois ans le bénéfice du régime de l’auto-entrepreneur.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 26 rectifié bis, présenté par M. Arthuis et ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 133-6-8-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les bénéficiaires du régime prévu à la présente section déclarent et acquittent les montants dus, même en l'absence de chiffre d'affaires ou de recettes effectivement réalisées, dans les conditions et sous les sanctions prévues par le présent code. Les modalités d'application des dispositions prévues aux chapitres 3 et 4 du titre 4 du livre deuxième du présent code, et notamment les majorations et pénalités applicables en cas de défaut ou de retard de déclaration ou de paiement, sont déterminées par décret en Conseil d'État. En l'absence de déclaration ou de paiement pendant une période déterminée par décret, le bénéficiaire perd le bénéfice du régime. »

II. - Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er janvier 2011.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je maintiens la position de la commission : nous traitons aujourd’hui de l’EIRL, point final.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par Mme Escoffier, MM. Collin, Alfonsi, Barbier et Fortassin, Mme Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le V de l'article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Doivent être immatriculées au répertoire des métiers ou au registre des entreprises visé au IV les personnes physiques exerçant une activité artisanale à titre principal ou complémentaire lorsqu'elles bénéficient du régime prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale. »

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Articles additionnels après l'article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
Article 6 (Supprimé)

Article 5

I. – Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter au patrimoine affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée les dispositions du livre VI du code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et aux responsabilités et sanctions encourues par l'entrepreneur à cette occasion, afin de permettre à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée de bénéficier des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, et procéder aux harmonisations nécessaires en matière de droit des sûretés, de droit des procédures civiles d'exécution et de règles applicables au surendettement des particuliers.

Le projet de loi ratifiant cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance.

II. –  (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions relevant du domaine de la loi permettant, d’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le projet de loi ratifiant cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21, présenté par MM. Yung, Bérit-Débat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. L’article 5 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.

L’Assemblée nationale avait étendu le champ de l’habilitation aux dispositions d’harmonisation nécessaires en ce qui concerne les règles liées au surendettement des particuliers, ainsi que le régime du PACS et des concubins s’agissant du droit des régimes matrimoniaux.

Même si les régimes matrimoniaux et le droit des successions ont été exclus du champ de l’habilitation, ce dernier demeure excessivement large. Nous n’aimons pas les ordonnances. L’article 5 tend à dessaisir le Parlement de ses prérogatives essentielles. Travaillant dans l’urgence, nous n’avons pas le temps de l’étudier sérieusement.

Je rappelle que le Conseil constitutionnel exige que le Gouvernement indique « avec précision au Parlement, lors du dépôt d’un projet de loi d’habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu’il se propose de prendre ».

Telles sont les raisons pour lesquelles nous présentons cet amendement de suppression.

M. le président. L'amendement n° 41, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

permettre à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée

insérer les mots :

d'adhérer à un groupement de prévention agréé et

et après le mot :

procédures

insérer les mots :

de prévention des difficultés des entreprises, du mandat ad hoc, de conciliation,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 41 et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 21.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. J’adhérerais volontiers à l’amendement n° 21, s’il précisait les conditions d’application à l’EIRL de toutes les dispositions du livre VI du code de commerce. Il n’en est pas ainsi, aussi son adoption entraînerait-elle un vide juridique.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’amendement n° 41, il tend à lever toute ambiguïté sur le fait que toutes les procédures prévues au livre VI du code de commerce devront être applicables à l’EIRL. Le texte de la commission des lois précise déjà bien le champ de l’habilitation, mais cet amendement vient encore le compléter, car nous répugnons nous aussi au recours aux ordonnances. En outre, nous avons ramené à six mois à compter de la publication de la présente loi le délai accordé au Gouvernement pour légiférer par ordonnance.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 21, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être indiquées par M. le rapporteur.

En revanche, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 41 de la commission.

L’article 5 vise à autoriser le Gouvernement à adapter à l’EIRL les dispositions du code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises, afin qu’elle puisse bénéficier des procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Pour éviter une interprétation restrictive de cette habilitation, il est utile de préciser, ainsi que le propose M. le rapporteur, que les mesures de prévention des difficultés, comme l’adhésion à un groupement de prévention agréé et les procédures du mandat ad hoc et de conciliation, devront également être applicables à l’EIRL et être visées dans l’ordonnance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Article 5
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Article 6 bis A (Nouveau)

Article 6

(Supprimé)

M. le président. Cet article a été supprimé par la commission. Mais, par l’amendement n° 30 rectifié bis, MM. P. Dominati, Cornu, Beaumont et Lefèvre proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :

I. Après le premier alinéa de l'article L. 526-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune publication de la déclaration mentionnée au premier alinéa ne peut intervenir à compter de la publication de l'ordonnance prévue au I de l'article 5 de la loi n°         du                relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. »

II. L'article L. 526-1 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un entrepreneur peut cumuler les effets de la déclaration mentionnée à l'article L. 26-6 et ceux de la déclaration d'insaisissabilité mentionnée au présent article, y compris pour une même activité. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Avec l’EIRL, nous disposerons d’un dispositif de protection patrimoniale complet, s’étendant au-delà de la seule résidence principale. Il n’est donc pas nécessaire, pour l’avenir, de maintenir l’insaisissabilité de la résidence principale.

En revanche, il est utile, pour les entrepreneurs ayant déjà effectué une déclaration d’insaisissabilité, d’en maintenir les effets, en permettant explicitement le cumul de l’insaisissabilité de la résidence principale et du statut d’EIRL. Il s’agirait d’un régime d’extinction.

Cet amendement vise donc à clarifier et à simplifier le droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cette disposition, qui est contraire à la position de la commission, figurait dans le texte initial du Gouvernement.

Selon une étude d’impact, on compterait 100 000 EIRL d’ici à un an. Que deviendront les autres auto-entrepreneurs ? Pourront-ils continuer à exercer leur activité comme auparavant, ou cela ne leur sera-t-il permis que sous forme d’EIRL ?

Nous nous sommes efforcés, en 2003, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour l’initiative économique, ainsi qu’en janvier 2008, de créer un patrimoine d’affectation. Pour ma part, j’ai rencontré des responsables professionnels qui se disaient intéressés par le nouveau statut d’EIRL, mais qui s’estimaient tout à fait satisfaits, après avoir effectué une déclaration d’insaisissabilité, d’exercer en nom propre.

Faisons donc preuve d’ouverture ! Laissons vivre le dispositif de l’insaisissabilité, qui n’existe que depuis peu de temps ! Il sera toujours temps de le supprimer si le statut d’EIRL se généralise, mais pour l’heure, il est trop tôt. De la même manière, l’amendement de M. Arthuis me paraissait prématuré.

Je regretterais que l’avancée que représente le dispositif d’insaisissabilité disparaisse, ou alors imposons à tous les entrepreneurs individuels le statut d’EIRL. Ce serait toutefois contraire à la liberté d’entreprendre, même si le nouveau statut est beaucoup plus protecteur que la déclaration d’insaisissabilité. Pour ma part, je conseillerais d’ailleurs aux entrepreneurs d’opter pour le statut d’EIRL, et c’est sans doute l’avis que donneront à leurs clients les notaires, qui sont très favorables au patrimoine d’affectation.

Nous n’avons pas de désaccord de fond avec le Gouvernement, qui est très cartésien en ce domaine, tout comme M. Dominati. D’ailleurs, j’ai l’impression que notre collègue pense parfois comme le Gouvernement… (Sourires.)

M. Philippe Dominati. Pas toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Quoi qu’il en soit, la commission, qui reste fidèle à sa position initiale, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement de M. Dominati, qui tend à rétablir son texte initial. Il ne faut pas lui demander de se contredire, même si cela arrive parfois ! (Sourires.)

Tout au long de ce débat, les différents intervenants, dont M. Arthuis, ont plaidé pour la simplification, contre l’empilement des dispositifs.

Dans cette affaire, la démarche du Gouvernement s’inscrit dans une logique de succès de l’EIRL. Si nous ne croyions pas en ce nouveau statut, nous ne proposerions pas au Parlement de l’instituer, cela va de soi. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, il est plus protecteur que le système de l’insaisissabilité, puisqu’il couvre l’ensemble des biens personnels.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait allusion aux avancées intervenues en 2003 et en 2008. J’avais alors moi-même insisté pour qu’un dispositif plus favorable soit élaboré. À l’époque, la création d’un statut comme celui de l’EIRL paraissant impossible, nous avions cherché à protéger un tant soit peu l’entrepreneur individuel par le biais de la déclaration d’insaisissabilité, d’abord de la résidence principale, puis de l’ensemble des biens immobiliers.

Aujourd’hui, la mise en place d’un tel statut est à portée de main, et le Gouvernement propose donc très logiquement l’extinction du dispositif existant, qui offre une protection incomplète à l’entrepreneur.

À l’heure actuelle, on dénombre quelque 20 000 déclarations d’insaisissabilité, pour 1,5 million d’entrepreneurs individuels. On en conviendra, cette mesure, adoptée en 2003, n’a pas eu le succès escompté !

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement, tablant sur la réussite de l’EIRL, reste fidèle à son texte initial.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié bis.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)

M. le président. En conséquence, l'article 6 est rétabli dans cette rédaction.