compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire :

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel m’a informé, le 10 mai 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel trois décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-6 QPC, 2010-7 QPC, 2010-8 QPC).

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

3

Dépôt de rapports du Gouvernement

M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ;

- en application de l’article 137 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, le rapport sur la réforme de l’indemnité temporaire de retraite.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Le premier a été transmis à la commission des affaires sociales et à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, le second à la commission des finances. Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

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Dépôt d'une question orale avec débat

M. le président. J’informe le Sénat que j’ai été saisi de la question orale avec débat suivante :

« N° 62 – Le 13 mai 2010 – M. Serge Lagauche attire l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement, sur l’abandon progressif du principe de justice sociale dans la politique éducative depuis 2002.

« Que ce soit avec la loi n° 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école ou plus récemment avec le volet éducatif du plan espoir banlieue, on assiste à la multiplication des dispositifs de sélection des élèves “méritants” au détriment de la promotion collective, gage de justice sociale.

« Ce n’est pas critiquer la mise en œuvre des mécanismes d’admission préférentielle dans les filières sélectives du supérieur que de souhaiter que le Gouvernement s’intéresse tout autant à ces 150 000 élèves qui, chaque année, se retrouvent sans qualification à l’issue de leur parcours scolaire. La volonté de faire émerger une élite doit s’accompagner d’une volonté de faire progresser parallèlement l’ensemble des élèves et, en particulier, ceux qui ont le moins de chance de réussir.

« De nombreuses actions sont engagées dans la prévention des sorties sans qualification. Au vu des chiffres persistants en matière de décrochage scolaire, il convient d’engager sans tarder une évaluation de ces dispositifs.

« Premièrement, concernant les 170 000 élèves déclarés en situation de handicap, scolarisés en 2007, les professionnels déplorent unanimement un dépistage trop tardif. D’une part, les enseignants référents sont submergés par le nombre de dossiers arrivés trop tardivement, d’autre part, il semblerait utile de redéfinir le rôle des auxiliaires et des employés de vie scolaire.

« Deuxièmement, on constate une persistance d’un échec scolaire plus élevé parmi les élèves socialement défavorisés, phénomène d’ailleurs amplifié par la dérégulation de la carte scolaire. Dès lors, ne doit-on pas redéfinir les missions et le réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – pour plus d’efficience ? De même, ne conviendrait-il pas de s’interroger sur les capacités d’accueil des établissements régionaux d’enseignement adapté – EREA – et des sections d’enseignement général et professionnel adapté – SEGPA – ? Comment faire pour que les aides personnalisées et les stages de remise à niveau dans l’enseignement primaire répondent mieux aux besoins des élèves ?

« La mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses et exceptionnelles pour les élèves présentant des handicaps dans leurs apprentissages – qui peuvent se combiner –, tels que difficultés socio-économiques, troubles linguistiques, cognitifs, comportementaux ou médicaux dès la petite enfance, est donc urgente. Il faudrait l’assurer par une politique ciblée en premier cycle et en secondaire permettant de réduire le nombre d’élèves en décrochage scolaire en particulier dans les territoires qui font face aux plus lourds handicaps et ainsi réduire l’énorme coût social des adultes qui n’ont pas acquis les qualifications de base indispensables pour trouver leur place dans la société.

« Il souhaite donc connaître les dispositifs que le Gouvernement pourrait mettre en place pour éviter aux élèves les plus en difficulté le décrochage scolaire, tout comme il a mis en place des dispositifs d’admission préférentielle dans le supérieur pour ceux qui sont en situation de réussite et sont issus de milieux sociaux défavorisés. »

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

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Retrait d'une question orale

M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 777 de M. Adrien Gouteyron est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

6

Débat sur la fiscalité des énergies alternatives

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la fiscalité des énergies alternatives.

La parole est tout d’abord aux orateurs du groupe UMP qui a demandé ce débat, et en premier lieu à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy, pour le groupe UMP. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, notre débat concerne la fiscalité des énergies renouvelables, mais permettez-moi d’élargir le sujet au regard du débat en cours à l’Assemblée nationale sur le Grenelle II, que je juge très inquiétant pour le développement à l’avenir des énergies renouvelables, tout particulièrement de l’éolien.

Il n’est pas inutile de rappeler que la France s’est engagée à atteindre l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables en 2020, alors que nous sommes à peine à 13 % ; ce sont donc dix points qu’il nous faut gagner en dix ans.

Cela étant dit, cet objectif vertueux est aussi réaliste.

L’énergie éolienne, en effet, est à maturité. Passer de 4 500 mégawatts aujourd'hui à 20 000 mégawatts, au rythme de 1 500 mégawatts par an, soit en gros 500 méga ampères, n’est pas impossible, comme le confirme le fait que l’Allemagne soit d’ores et déjà à 23 000 mégawatts et l’Espagne à 17 000 mégawatts.

De même, dans le domaine du photovoltaïque, si notre production actuelle est d’environ 300 mégawatts par an, soit un écart d’un facteur dix avec l’Allemagne, qui produit 3 000 mégawatts, l’objectif fixé est également crédible puisque la filière – industriels, chercheurs, entrepreneurs, concepteurs… – est capable de faire baisser le prix du photovoltaïque de près de 30 % par an. On peut donc estimer qu’en 2015 ou en 2020 le prix du photovoltaïque aura approximativement atteint celui du réseau et qu’il s’agira donc d’un marché naturel.

Voilà donc des industries récentes, jeunes, certes fragiles mais prometteuses, qui méritent notre soutien, car leur activité est conforme à l’engagement national qu’a pris la France, et, surtout, qui méritent que soit menée une politique autre que celle du stop and go, ou, plutôt, du go and stop

Pourtant, les obstacles administratifs se multiplient.

Depuis peu, il est ainsi considéré que le photovoltaïque est interdit dans les zones agricoles, ce qui oblige les maires soit à transformer leur plan local d’urbanisme – ce qui est d’ailleurs totalement contraire à l’objectif de protection des terres agricoles, puisque cela impose de sortir des terres des zones agricoles pour réaliser du photovoltaïque et d’en faire à terme des terres de lotissement –, soit, et c’est encore plus grave en cette période de déprise agricole et de difficultés du monde agricole, à priver nos agriculteurs de 3 000 à 4 000 euros de complément de revenus par hectare.

Pour l’éolien, la situation va être encore pire au vu de ce qui se passe actuellement à l’Assemblée nationale ! Une procédure d’installations classées pour la protection de l’environnement sera désormais imposée, ce qui revient en gros à comparer une éolienne à une usine chimique, voire à une entreprise classée SEVESO.

M. François Patriat. C’est scandaleux !

M. Jean-Paul Alduy. Par ailleurs, un moratoire serait déclaré – j’emploie le conditionnel, car la loi n’est pas encore votée – en attendant qu’un schéma régional opposable soit réalisé, ce qui prendra un an, deux ans, trois ans peut-être, ce qui illustre que nous sommes bien dans le go and stop.

Exemple encore plus parlant, mes chers collègues, que fournit mon département – territoire de tramontane où l’énergie éolienne est facile à exploiter –, Météo France a « découvert » qu’il fallait interdire les éoliennes dans un rayon de trente kilomètres autour de sa station radar, ce qui se traduit par la suppression de 95 % de la ressource éolienne de mon département !

On voit donc bien qu’un vent mauvais souffle sur l’éolien.

M. François Patriat. Un vent de colère !

M. Jean-Paul Alduy. J’en viens au volet de la fiscalité des collectivités locales.

Toutes les composantes de l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, étant différentielles, elles ne se substituent pas intégralement à l’ancienne taxe professionnelle.

En effet, la CET, la cotisation économique territoriale, composée, d’une part, de la CFE, la cotisation foncière des entreprises, et, d’autre part, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, doit être acquittée par l’ensemble des entreprises assujetties aux composantes de l’IFER.

Toutefois, la CET ne représente, pour les éoliennes et pour les panneaux photovoltaïques, qu’une très faible part de l’imposition globale.

Même si les simulations et les évaluations font défaut, on peut d’emblée distinguer trois cas.

Dans le premier cas, celui du bloc communal, pour les communes sur le territoire desquelles il y a déjà des éoliennes ou des fermes photovoltaïques « en action », la loi s’appliquera simplement et l’avenir semble a priori stable.

Ces collectivités bénéficieront d’une compensation à l’euro près au travers de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et du FNGIR, le fameux fonds national de garantie individuelle des ressources.

Dans le deuxième cas se trouveront les collectivités locales engagées dans un projet déjà très avancé, ayant déjà notamment fait l’objet de négociations avec les associations, les citoyens, les entreprises, etc., mais pas encore réalisé.

Ces collectivités vont, elles, se trouver dans une situation particulièrement désagréable, puisque la rentabilité du projet ne sera plus du tout la même !

Enfin, le troisième cas sera celui des collectivités locales qui n’ont pas encore fait de projet.

Pour celles-là, on peut craindre qu’elles ne prendront pas le risque, du fait des difficultés juridiques que j’évoquais à l’instant et de la baisse de l’incitation à l’horizon 2011, de faire l’effort nécessaire pour participer à l’engagement national en matière de développement des énergies renouvelables.

Je résume, à ce stade de mon intervention, les deux grandes inquiétudes sur lesquelles je voulais attirer votre attention, madame la secrétaire d'État : d’une part, un véritable nœud gordien juridico-réglementaire se resserre sur les projets d’éoliennes et de fermes photovoltaïques ; d’autre part, les ressources fiscales pour les collectivités locales, hier incitatives, sont aujourd'hui incertaines et, de toute façon, beaucoup moins incitatives, certains évoquant même une baisse d’un facteur quatre, ce qui signifie que les ressources de demain représenteraient le quart des ressources qu’apportait hier la taxe professionnelle !

On peut dès lors facilement prévoir que les maires, confrontés au parcours du combattant des procédures administratives, aux oppositions diverses et variées que suscitent – et c’est naturel – ces projets, à l’incertitude quant à l’avenir d’incitations de plus en plus faibles, hésiteront très rapidement sinon à arrêter du moins à engager tous nouveaux projets.

On risque donc d’assister à un arrêt du développement des projets d’éolien et de fermes photovoltaïques dans les années qui viennent. Or, ce ne sont pas les seuls panneaux photovoltaïques sur des toitures qui nous permettront d’atteindre l’objectif que nous nous sommes donné à l’horizon 2020 !

Je voudrais, avant de conclure, dénoncer les mécanismes pervers des incitations fiscales.

Le domaine de l’énergie solaire apparaît aujourd'hui comme le « terrain de jeu » de la défiscalisation.

Ainsi, un particulier assujetti à un impôt de solidarité sur la fortune élevé qui crée ou participe au capital d’une entreprise ayant pour objet d’exploiter des panneaux solaires pourra déduire, s’il a versé à celle-ci 66 000 euros, 50 000 euros de son ISF. Ce particulier bénéficie, en outre, d’un tarif de revente de l’électricité attractif : 42 centimes le kilowatt, par exemple, sur la toiture d’un bâtiment industriel ou agricole qu’au surplus il pourra louer. En l’occurrence, la rentabilité sera exceptionnelle et tout à fait abusive.

Je propose donc, dans un premier temps, de ne pas rendre éligibles au bénéfice du tarif d’achat de l’électricité solaire des investissements ayant pour objet une défiscalisation de l’ISF.

Je prendrai un autre exemple. Une installation solaire coûte environ 20 000 euros ; par ailleurs, la vente de l’énergie solaire rapporte 2 000 euros par an sur vingt ans. Les dispositions relatives au crédit d’impôt en faveur du développement durable permettent de déduire 8 000 euros du coût d’installation : il reste donc 12 000 euros, ce qui représente six ans de récupération de la vente de cette énergie solaire. Lors de la septième année, vous percevez 2 000 euros net par an, pendant quatorze ans, soit 28 000 euros de bénéfice net. Là encore, la rentabilité est abusive. De plus, le crédit d’impôt de 8 000 euros qui aura été utilisé pour le photovoltaïque ne pourra pas l’être pour d’autres projets, comme ceux qui favorisent les économies d’énergie ou la réalisation de chauffe-eau solaires : c’est la solution la plus facile qui est privilégiée.

Voilà pourquoi je propose, dans un deuxième temps, de limiter, pour les personnes physiques, l’assiette du crédit d’impôt sur le revenu aux projets favorisant la production d’électricité renouvelable photovoltaïque dans la résidence principale et de dédier, dès 2011, au moins 50 % de l’assiette prise en compte pour le calcul de ce crédit d’impôt à des installations de chaleur renouvelable.

Madame la secrétaire d’État, cette intervention pourrait se résumer en trois phrases. Premièrement, prenons garde au nœud gordien juridico-administratif qui bride les projets de développement de l’éolien et du photovoltaïque. Deuxièmement, ne brisons pas l’énergie des maires qui se sont investis dans ces projets et qui renonceront, en l’absence d’incitations claires et fortes, à surmonter les obstacles politiques et administratifs. Troisièmement, en cette période de réduction des niches fiscales, cessons de faire du solaire un terrain de jeu de la défiscalisation. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour le groupe UMP.

M. Charles Guené, pour le groupe UMP. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre du débat qui nous intéresse, je consacrerai plus particulièrement mon propos à l’une des composantes de la fiscalité sur les entreprises de réseaux : l’éolien.

L’éolien me semble cristalliser, en effet, une part importante des problématiques de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, et retient une grande partie de l’attention de la mission sur la réforme de la taxe professionnelle dont j’ai été chargé, avec mes collègues Buffet et Chatillon.

Il nous est apparu très rapidement que la fiscalité mise en place pour les entreprises de réseaux était susceptible de produire des effets négatifs, voire dévastateurs, en menaçant un équilibre laborieusement élaboré dans la relation entre les citoyens et les élus, mais aussi, si nous n’y prenons pas garde, en condamnant toute une filière à l’échec.

Je vous livrerai, tout d’abord, l’analyse que j’ai pu établir, et vous exposerai ensuite l’état de nos réflexions.

Je crois qu’il est utile, pour mieux comprendre les problèmes soulevés par la fiscalité de l’éolien, d’effectuer un retour aux principes.

Certains grands contribuables de la taxe professionnelle, notamment la SNCF, la RATP, France Télécom, EDF, mais aussi des entreprises de l’éolien, du fait de leur nature fortement capitalistique, auraient bénéficié d’un effet d’aubaine exorbitant avec la disparition de l’assiette « Équipements et biens mobiliers ». Compte tenu de leur très faible possibilité de délocalisation, il a été imaginé de compenser cette disparité par une imposition spécifique, l’IFER.

Pour l’éolien, ce complément d’imposition, qui vient s’ajouter à la nouvelle cotisation foncière des entreprises, la CFE, et à la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, a toutefois été formaté de manière à ne pas modifier trop sensiblement la charge fiscale antérieurement supportée par la filière, afin que celle-ci puisse prospérer.

Nous devons cependant préciser que l’État, par le jeu des plafonnements sur la valeur ajoutée antérieure, contribuait probablement majoritairement au financement de la taxe professionnelle. Jean-Paul Alduy l’a expliqué : le nouveau système, assis sur ces contraintes, aboutit de ce fait, en l’état de la législation actuelle, à distinguer deux catégories de collectivités locales d’implantation : celles dont le parc a été mis en fonctionnement en 2009 ou auparavant, et qui bénéficient des mécanismes de compensation prévus dans la loi de finances pour 2010 ; celles dont la mise en activité est postérieure, qui subiront la réforme de plein fouet.

Soyons clairs, car rien ne vaut un exemple chiffré. Une petite ferme de cinq éoliennes de 2 mégawatts dont le territoire du bloc communal aurait perçu auparavant 70 000 euros ne percevra plus que 25 000 euros, soit une réduction de près des deux tiers du produit fiscal attendu !

J’avais, d’ailleurs, lors de la discussion de la loi de finances, proposé par amendement de porter le tarif de 2,9 à 9 euros le kilowatt, pressentant le différentiel abyssal entre les deux taxations.

M. François Patriat. Nous vous avions soutenu !

M. Charles Guené. Je ne fus pas entendu ; mais, en réalité, compte tenu de l’abondement des conseils généraux à hauteur de 50 %, j’aurais dû proposer un tarif de 12 euros le kilowatt pour obtenir le produit antérieur...

Dans le cadre de la mission que m’ont confié le Premier ministre et Mme Lagarde, je n’ai pas éprouvé beaucoup de difficultés à identifier cette anomalie, dont certains collègues maires, mais aussi sénateurs, m’avaient déjà abondamment fait part.

J’ai proposé, dès lors, au début des travaux de la mission, que soient recherchées des solutions convenant à la spécificité de cette filière. En effet, ainsi que l’a révélé l’âpre débat sur le Grenelle II qui vient de s’achever à l’Assemblée nationale, l’éolien ne correspond pas à la mise en œuvre d’une énergie totalement neutre. Il suscite des prises de position passionnées et notre pays se trouve, à cet égard, en butte à des aspirations diverses et souvent opposées.

Nous devons contractuellement atteindre nos objectifs européens en matière d’énergies nouvelles. Or la puissance installée n’est actuellement que de l’ordre de 4 000 mégawatts. L’impact territorial, et notamment visuel, des implantations oblige les élus volontaires à développer des arguments financiers substantiels pour convaincre.

La progression vers les objectifs attendus reposait sur cet équilibre atteint dans le cadre de la réglementation de la taxe professionnelle, entre nuisances et avantages fiscaux retirés. Cet équilibre est désormais rompu et menace, à la fois, l’avenir de la filière et le pacte républicain qui avait été passé avec les élus.

M. François Patriat. Très bien !

M. Charles Guené. Il l’est d’autant plus que les projets en cours étaient parvenus à un point contractuellement irréversible au moment de la promulgation du texte nouveau. Les effets en sont insoutenables.

Imaginez un instant, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, les efforts déployés par un maire pour convaincre ses collègues, mais aussi ses concitoyens, et pour leur faire partager le concept d’une zone de développement de l’éolien. Il en faut des réunions publiques, des démarches, des enquêtes !...

Pour l’équité fiscale et par honnêteté intellectuelle, nous devons, certes, rapporter à l’exemple qui nous concerne la comparaison avec les autres implantations industrielles, hors éolien, qui ne seront installées qu’à partir de 2010 et qui, de ce fait, seront pénalisées par la réforme de la taxe professionnelle.

Convenons-en : il n’existe aucun cas, à ma connaissance, où le différentiel atteint une dégradation des deux tiers du rendement fiscal. Je ne connais pas non plus d’exemple où l’impact, ici visuel, soit à la hauteur du problème qui nous concerne. Par ailleurs, le délai d’instruction des demandes est souvent tel que plusieurs années se sont écoulées entre la conclusion des premiers accords et la mise en activité des fermes.

Pour ces raisons, mes chers collègues, et dans un souci de réparation et d’équité envers les acteurs locaux, il nous paraît indispensable de rétablir un mécanisme adapté aux enjeux locaux, mais aussi à la pérennité de la filière.

À cette heure, nous avons arrêté deux propositions afin d’ouvrir le débat dans le cadre des clauses de revoyure.

La première, que j’ai présentée dès février, partant du principe que la mise en œuvre de l’éolien exige du temps et un investissement des élus pour convaincre, vise à distinguer trois cas : les collectivités qui n’en sont qu’aux préliminaires et disposent donc de toute latitude pour interrompre le processus d’implantation sans préjudice ; les collectivités ayant déjà perçu la taxe professionnelle en 2009, qui bénéficieront d’une compensation aux termes de la réforme et ne seront donc pas pénalisées ; enfin, les collectivités ayant déjà fortement engagé le processus, qui seraient titulaires d’un permis de construire, à une date donnée, et à qui nous attribuerions une compensation identique à celle de la catégorie précédente, dans la mesure où nous pourrions considérer qu’elles ont atteint un point de non-retour. La date d’effet retenue pourrait être le 1er janvier 2010 ou, plus opportunément, la date de promulgation du texte de revoyure...

Cette formule aurait l’avantage de ne pas pénaliser les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui se sont investis dans le processus de manière irréversible, et de ne pas les exposer à devoir verser des dommages et intérêts aux industriels.

Cette proposition a un inconvénient : les collectivités qui obtiendront un permis de construire postérieurement seront soumises au régime nouveau. Et au regard de la modification du pacte financier, on peut craindre que la filière de l’éolien ne soit pas promise à un grand avenir.

C’est pourquoi, avec la collaboration de l’Inspection générale des finances, notamment dans le cadre de la mission Durieux, nous soutenons également une deuxième solution, qui reposerait sur les principes suivants.

Tout d’abord, les industriels de l’éolien, ayant constaté les troubles créés par l’insuffisance du tarif actuel, seraient prêts à le rehausser « de quelques euros » afin de maintenir l’attractivité de la filière.

Ensuite, le partage avec les départements pourrait être remis en cause pour cet IFER. En effet, en tant que collectivités, les conseils généraux sont beaucoup moins concernés et impactés par les contraintes visuelles. Ce sont les maires qui sont considérés comme responsables du développement éolien. Dans ce cadre, la part départementale reviendrait au bloc communal et une autre recette serait substituée pour les départements : une part de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, par exemple, ou bien, le cas échéant, une part d’un autre IFER, afin de ne pas déstabiliser l’équilibre fiscal.

M. Bruno Sido. Pas d’accord !

M. Charles Guené. Dans ce cas, les départements bénéficieraient d’une compensation.

M. François Patriat. Et pas les régions ?

M. Charles Guené. Cette dernière variante produirait un rendement équivalant à l’ancienne taxe professionnelle, avec un tarif doublé et le report en totalité au bloc communal, et assurerait une ressource à 75 % de l’antérieur, si le tarif était seulement majoré de 50 %.

Cette deuxième solution aurait l’avantage de maintenir le dynamisme de la filière, sans mettre en place un système dérogatoire, sans doute un peu inique, pour ceux qui n’auront pas obtenu un permis de construire à quelques jours près...

Nous ne prétendons pas ici avoir balayé de manière exhaustive les possibilités de rectification de la loi ou avoir tranché entre les deux solutions. Je souhaitais simplement vous livrer ces pistes, afin que vous puissiez vous en saisir le moment venu. Elles figureront, n’en doutez pas, au rang des préconisations de notre mission.

Je veux aussi, pour être tout à fait complet sur ce volet de la fiscalité de l’éolien, souligner deux points à parfaire.

Le premier, qui est majeur, vient rappeler que l’assiette des composantes de l’IFER correspond non pas à un flux économique, mais à des équipements installés sur lesquels s’appliquera un tarif à l’unité ou fixé en fonction de la capacité énergétique installée.

Cela signifie que, sans extension physique, l’assiette de ces équipements n’aura donc aucun dynamisme et aucune possibilité d’évoluer. À cet égard, la loi n’a pas fixé d’indexation d’un tarif de l’éolien, comme des IFER en général. Il importe que cette lacune soit comblée ; sinon, le rendement de ces impôts sera condamné, à terme, à la décroissance. La piste de l’indexation sur l’énergie, évoquée par le président Arthuis lors de l’atelier du 28 avril, pourrait être étudiée.

Le second point est anecdotique, sans être neutre... L’abandon du prorata temporis impose aux collectivités l’absence d’IFER partielle pendant la première année civile de fonctionnement des éoliennes. Il serait sans doute judicieux d’y remédier également.

Si je voulais resituer mon intervention dans le temps législatif, je conclurais en vous indiquant qu’il me semblait utile de vous livrer l’état de la réflexion technique, à quelque temps de la clause de revoyure, afin que vous puissiez vous familiariser avec les réponses possibles sur un sujet qui agite profondément la France rurale.

Madame le secrétaire d’État, au lendemain des discussions sur le Grenelle II à l’Assemblée nationale et de l’adoption des dispositions adoptées à la suite des conclusions du rapport Ollier – dont certaines ont fixé, à n’en point douter, de légitimes limites à une croissance anarchique de cette ressource ! –, il nous appartient de prendre position.

Le cadre de l’éolien a été ramené à une rigueur conforme à la sauvegarde de nos espaces. Mais ne nous y trompons pas : si nous ne trouvons pas, demain, la juste fiscalité correspondant aux enjeux en cours, nous nous acheminerons vers une rébellion de certains territoires, qui s’estimeront spoliés, et vers l’échec de l’ensemble de cette filière, porteuse de développement d’avenir et d’emplois.

Je reste toutefois serein, car je sais que vous avez entendu le message, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de lUMP et au banc des commissions.)