Mme la présidente. Nous en avons terminé avec ce débat.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux jusqu’à dix-sept heures, heure à laquelle nous aborderons le point suivant de l’ordre du jour, les questions cribles thématiques sur la politique industrielle.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

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Questions cribles thématiques

politique industrielle

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la politique industrielle.

Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été installés à la vue de tous.

Cette séance de questions cribles thématiques est diffusée en direct sur Public Sénat et sera rediffusée ce soir sur France 3, après Soir 3 et l’émission Ce soir ou jamais.

La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi dite « Grenelle II » va peut-être permettre à la France de rattraper son retard par rapport à ses voisins européens, mais nous ne sommes pas sûrs qu’elle lui permette de se préparer au défi écologique auquel l’humanité doit répondre et, surtout, de faire partie des leaders dans ce domaine.

La concurrence en la matière est en train de se jouer à l’échelle planétaire et la France n’y joue qu’un rôle très secondaire, sauf dans le nucléaire, où, pourtant, sa place de leader est fortement contestée ; la perte malheureuse du marché colossal des Émirats arabes unis en est une preuve.

La France a raté le développement de l’industrie éolienne, qui génère, chez nos voisins d’Europe du Nord allemands, hollandais et danois, entre 30 000 et 40 000 emplois.

La France doit donc rénover son appareil de production, son habitat et ses bâtiments tertiaires pour diminuer massivement ses émissions de gaz à effet de serre. C’est un marché fortement créateur d’emplois non délocalisables.

Le « Grenelle II » ne répond que très partiellement à ces problèmes, et sur une échelle de temps qui n’est ni compatible avec l’urgence environnementale ni, surtout, avec le besoin impératif pour l’industrie française de se positionner sur ce marché, puisque l’obligation de rénovation des bâtiments tertiaires a été décalée et renvoyée à 2020.

Par ailleurs, un effort considérable est à faire dans le domaine de l’efficacité énergétique grâce au développement de systèmes d’information performants, notamment les réseaux intelligents. Ces réseaux permettront demain aux consommateurs d’acheter ou de vendre de l’énergie aux moments les plus favorables, ce qui permettra aux distributeurs de gérer à distance l’effacement des « pointes » de demande d’électricité.

Ces dispositifs éviteront la construction de centrales de production et développeront l’emploi, comme c’est déjà le cas aux États-Unis.

Le développement d’offres énergétiques alternatives telles que la motorisation électrique ou la motorisation à l’hydrogène constitue un gisement important de croissance. Si certaines entreprises ont déjà anticipé ces marchés, la très grande majorité des entreprises industrielles – surtout des PMI et des PME – sont encore très loin de pouvoir entrer sur ce marché, faute de moyens et de soutien.

À ce titre, les pôles de compétitivité devraient avoir pour obligation de mieux soutenir le tissu des PMI et des PME implantées dans les zones rurales.

Madame la secrétaire d'État, quelles sont donc les mesures qu’envisage le Gouvernement pour que l’industrie française puisse prendre toute sa place dans cette compétition mondiale et, ainsi, bénéficier de la croissance verte pour créer les dizaines de milliers d’emplois qui ont été prévus par le « Grenelle II » ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord excuser l’absence de mon collègue Christian Estrosi. Il aurait beaucoup souhaité être présent, mais il est malheureusement retenu à Matignon par le comité interministériel pour l’aménagement et le développement du territoire.

Le sujet de cette première question m’intéresse particulièrement. Effectivement, pour faire face à la compétition internationale, la France a décidé, sous l’impulsion du Président de la République, de faire des éco-industries l’un des secteurs de développement et de rénovation de notre appareil industriel.

Nous estimons que le marché des éco-industries pourrait créer, d’ici à 2015, environ 280 000 emplois. Les crédits du grand emprunt leur sont en grande partie consacrés, tout comme le crédit d’impôt recherche.

Je souligne aussi, pour le vivre moi-même dans mes différents déplacements à l’étranger, que nombre de pôles de compétitivité dédiés aux éco-industries sont particulièrement connus et reconnus à travers le monde. Un certain nombre d’éco-pôles doivent être particulièrement mis en avant par le CIADT d’aujourd’hui, avec un financement particulier.

Enfin, comme vous le savez, les états généraux de l’industrie ont prévu que 500 millions de prêts « verts » seront débloqués d’ici à l’été prochain pour améliorer encore la compétitivité de nos entreprises en la matière.

Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos encouragements.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.

M. Raymond Vall. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse.

Je voudrais insister tout particulièrement sur un point précis, dont je me suis entretenu avec votre collègue Michel Mercier et le directeur de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR.

Sur le terrain, la coopération entre les pôles de compétitivité et les pôles d’excellence rurale ou les zones rurales est, pour l’instant, insuffisante. L’innovation, la recherche et l’Université ainsi que les moyens financiers étant concentrés, nous allons vers une désertification des zones rurales s’il n’y a pas d’obligation de résultat.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon.

M. Alain Chatillon. Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, les états généraux de l’industrie ont récemment montré que nous avions perdu 550 000 emplois industriels en dix ans. Si ceux-ci représentaient 16 % des actifs il y a encore dix ans, ils n’en représentent plus que 13 % aujourd’hui. Par comparaison, la valeur ajoutée de nos entreprises industrielles représente à peine 16 %, contre 30 % en Allemagne et 23 % en Italie.

La mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, que vient de constituer le Sénat et dont je suis membre, nous permettra peut-être de formuler des propositions et de trancher.

Entre-temps, madame la secrétaire d’État, je vous poserai trois questions.

Premièrement, OSEO a permis, en 2009, à plus de 16 000 entreprises de consolider 3,75 milliards d’euros d’emprunt ; 2,5 milliards d’euros sont prévus cette année, ce qui est très bien. Qu’entendez-vous faire pour que les banques françaises appuient enfin la démarche des PME, seules créatrices d’emplois dans ce pays ?

M. Alain Chatillon. Deuxièmement, comment entendez-vous, en tant que secrétaire d’État chargée du commerce extérieur, appuyer la démarche des entreprises ? On voit combien, dans les autres États européens, notamment en Allemagne, les entreprises sont aidées et accompagnées. Comment entendez-vous mettre en place une politique dynamique d’appui à nos entreprises ?

Ma troisième question, qui porte sur le secteur aéronautique, s’adresse plutôt au ministre de l’industrie.

Aujourd’hui, l’aéronautique vit une crise grave : partagé entre l’Allemagne et la France, ce secteur connaît une situation inédite dans son histoire, puisque c’est le civil qui finance le militaire – je parle de l’A400M. Comment faire pour qu’Airbus et EADS, c'est-à-dire notre industrie de pointe, traversent les deux prochaines années sans trop de difficultés de trésorerie et permettre un meilleur rééquilibrage entre le civil et le militaire ? (Applaudissements sur les travées de lUMP, ainsi que sur certaines travées de lUnion centriste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous êtes un excellent connaisseur de ces sujets. Votre question, par son amplitude, montre bien que la politique industrielle est un élément de la politique économique menée par le Gouvernement autour de Christine Lagarde et sous l’impulsion de François Fillon.

Concernant OSEO, vous avez rappelé les chiffres et je vous en remercie.

Nous pouvons tous rendre hommage à OSEO, qui a utilisé efficacement les crédits et les différents dispositifs que le Gouvernement lui a demandé de déployer depuis l’éclatement de la crise.

Vous auriez pu aussi évoquer les autres décisions que le Gouvernement a prises dans la foulée des états généraux de l’industrie, en particulier celles qui concernent le fonds stratégique d’investissement.

Dans le cadre du dialogue que nous menons avec les banques, Christine Lagarde a rencontré à de très nombreuses reprises leurs responsables. En contrepartie – au nom de l’équilibre – des appuis qui leur ont été accordés au moment où elles manquaient de liquidités, les banques se sont engagées à soutenir les PME. Pour ma part, je veux souligner l’efficacité, sur le terrain, du dispositif de médiation du crédit, qui continue d’être un outil très utile.

J’en viens maintenant aux exportations.

L’année dernière, les PME n’ont jamais été aussi nombreuses à bénéficier du soutien de l’État et des différents dispositifs d’accompagnement à l’international : elles étaient 20 000, soit le double de l’année précédente. Ce sont elles qui portent l’exportation comme elles portent la croissance.

Je suis heureuse de constater que l’équipe de France de l’export, que j’ai le plaisir d’accompagner depuis deux ans, et dont je suis censée être l’entraîneur - ou le coach, comme on ne le dit sans doute pas dans une assemblée parlementaire française (Sourires) – travaille avec une efficacité renforcée et renouvelée.

Enfin, sur l’aéronautique, le temps me manque et je ne dresserai pas un tableau de la situation générale du secteur. Vous avez signalé avec raison qu’un équilibre nouveau – si tant est que l’on puisse parler d’équilibre – s’instaure entre le civil et le militaire.

En comparant les filières les unes aux autres - bien entendu, nous travaillons par filière -, je suis frappée de constater que, malgré tout, l’aéronautique est sans doute le secteur qui a le mieux réussi à s’organiser en filière avec toute l’articulation nécessaire entre les grands donneurs d’ordre et les sous-traitants de différents rangs. Je le constate en France et, plus encore, à l’étranger, où nous devons faire valoir notre compétitivité.

Mais vous connaissez fort bien ces sujets, monsieur le sénateur, vous qui êtes élu d’un département qui est au cœur de ces problématiques.

M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, pour la réplique.

M. Alain Chatillon. Madame la secrétaire d'État, comme vous l’avez souligné, il faut utiliser autant que possible le fonds stratégique d’investissement, ainsi que le crédit d’impôt recherche, à 30 %. À cet égard, un certain nombre de mesures ont été prises. Au-delà, il nous faut orienter l’épargne vers les PME, trouver les bons relais régionaux, à côté des pôles de compétitivité, et faire en sorte que les sociétés de capital-risque et de capital-développement puissent apporter le nerf de la guerre.

Enfin, de grâce, ne tardons pas à engager une véritable politique industrielle européenne – je vise ici les grands groupes. C’est le seul moyen de défense que nous aurons contre les pays émergents, certes, mais aussi contre les États-Unis !

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le département de l’Ain avait connu depuis plusieurs décennies une évolution qui le plaçait parmi les tout premiers départements français pour la part de l’industrie dans l’emploi total.

Aussi, les conséquences de la désindustrialisation de notre pays sont d’autant plus désastreuses dans l’Ain, où le nombre d’emplois dans l’industrie ne cesse de se dégrader. Les perspectives sont inquiétantes : les chiffres d’affaires de nos industriels sont nettement inférieurs en 2009 à ce qu’ils étaient en 2008, et les difficultés de trésorerie, après deux années de sous-activité, accroissent les incertitudes et freinent toute dynamique et toute reprise.

Des secteurs majeurs sont en grande difficulté. La plasturgie, dans le bassin d’Oyonnax, subit de plein fouet la crise automobile, tout comme l’industrie des métaux, dont les chiffres d’affaires sont en baisse de 50 % ; je citerai également la crise sévère que traverse actuellement l’activité du bois.

Géographiquement, des secteurs sont particulièrement atteints. C’est le cas du bassin d’Oyonnax, que je viens de citer, mais aussi du bassin bellegardien, où 170 emplois ont été supprimés, et du bassin burgien, donc au chef-lieu du département, où près de 1 500 emplois l’ont été depuis quelques années. En particulier, la baisse de 50 % de l’activité de Renault Trucks, à Bourg-en-Bresse, a des conséquences importantes sur les entreprises sous-traitantes.

Je vous signale, madame la secrétaire d'État, que, la semaine dernière, une délégation des parlementaires de l’Ain intervenait auprès de M. Wauquiez, secrétaire d’État à l’emploi, pour défendre les 138 emplois que la société Lejaby s’apprête à supprimer dans notre département en ayant choisi de délocaliser sa production.

Madame la secrétaire d’État, la situation préoccupante de mon département est aussi celle de la France ! D’ailleurs, je voudrais bien comprendre comment notre balance commerciale a pu s’effondrer aussi vite en quelques années, et pourquoi le ratio des exportations françaises sur les exportations allemandes, en matière de produits manufacturés, est passé de 56 % en 2000 à 37 % en 2008.

C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, ce que vous comptez faire pour redresser notre activité industrielle.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Sur ce point, un certain nombre de considérations générales pourraient être évoquées. Elles l’ont déjà été, soit par M. Chatillon lui-même, soit à travers les éléments de réponse que je lui ai fournis en ce qui concerne le financement, l’innovation, la recherche, les pôles de compétitivité et, de manière générale, le travail mené sous l’impulsion de Christian Estrosi dans le cadre des états généraux de l’industrie.

Je pense qu’il vous sera plus utile encore de disposer de quelques éléments de réponse concernant tout particulièrement les secteurs que vous avez évoqués, notamment la plasturgie.

Dans ce secteur, la France est au cinquième rang mondial et au deuxième rang européen. Oyonnax, dans votre département, est bien l’un des pôles majeurs, avec notamment Plastics Vallée. C’est l’un des pôles sur lesquels nous comptons – en considération du nombre d’entreprises, petites et grandes, et de la capacité d’innovation – pour faire rayonner nos compétences et notre efficacité en la matière.

Plusieurs projets, et même plusieurs dizaines de projets ont déjà été financés au titre de ces pôles de compétitivité.

Je voudrais également vous indiquer que, dans le cadre du neuvième appel à projets de mars 2010, deux projets de plasturgie sont ou seront de nouveau financés par le fonds unique interministériel, et ce pour plus d’un million et demi d’euros.

Je voudrais aussi dire un mot sur l’entreprise Lejaby. J’ai déjà répondu ce matin, au nom de Laurent Wauquiez et de Christian Estrosi, à l’un de vos collègues députés à l’Assemblée nationale sur ce sujet. Outre les dispositions générales qu’il a prises pour soutenir la filière du textile et de l’habillement, le ministre chargé de l'industrie a bien l’intention d’être à la disposition de l’ensemble des élus et des responsables de l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.

M. Martial Bourquin. Après l’intervention de Jacques Berthou, on ne peut que constater l’ampleur de la désindustrialisation.

Il s’agit en effet d’un phénomène de très grande ampleur, ce qui a amené le groupe socialiste à demander au Sénat, à son président et à son bureau, la création d’une mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires.

Cette création était de droit, et nous l’avons obtenue.

À nous à présent de faire en sorte que cette mission commune fonctionne et réalise un diagnostic complet du phénomène dans toute son ampleur, étant rappelé que la désindustrialisation conduit des dizaines de milliers de personnes au chômage, sans emploi, et amène des TPE et des PME à connaître des difficultés d’accès au crédit, voire parfois à fermer leurs portes.

Ce qui manque, assurément, c’est une stratégie industrielle axée sur les filières !

J’ai bien entendu l’ensemble des interventions, et la réponse de Mme la secrétaire d’État. Ce qui compte aujourd’hui, c’est effectivement d’avoir des résultats. Nous sommes convaincus que la situation actuelle est d’une gravité telle qu’il nous faut trouver, dans les mois qui viennent, des axes d’action pour essayer de retrouver un dynamisme industriel que nous avons perdu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Cette mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, que vous présidez, monsieur Bourquin, et dont le rapporteur est notre collègue Alain Chatillon, auteur de la question, rassemble des sénateurs de toutes sensibilités. Sachez que le Sénat examinera avec beaucoup d’attention ses conclusions, pour les faire ensuite partager.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Monsieur le président, madame le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Président de la République ne manque pas une occasion d’afficher son ambition d’une France présente dans le concert des nations, présente aussi à l’intérieur de la zone euro, grâce à une politique industrielle ambitieuse capable de résister aux sirènes des délocalisations comme au désengagement des capitaux de la sphère productive au profit de la tyrannie financière.

C’est ainsi qu’il fixait, lors de son déplacement du 4 mars dernier dans mon département, les objectifs de sa nouvelle politique industrielle : augmentation de 25 % de la production industrielle d’ici à la fin de l’année 2015 ; pérennisation de l’emploi industriel sur le long terme ; soutien au retour d’une balance commerciale excédentaire en cinq ans ; augmentation de 2 % de la part française dans la valeur ajoutée industrielle européenne.

Les Marseillais ont sous les yeux une tout autre réalité en ce qui concerne la politique industrielle menée dans notre pays. Legré-Mante, une entreprise de fabrication d’acide tartrique implantée sur la commune depuis deux siècles et unique producteur en Europe, a fermé, dans l’indifférence des pouvoirs publics, maintes fois sollicités, mais en vain.

Le silence du préfet a laissé carte blanche à la famille Margnat, propriétaire de l’usine, qui a ainsi pu s’exonérer de tout plan social, a découragé les repreneurs potentiels, a vendu l’outillage et les machines à une entreprise du Vaucluse dans laquelle elle possède des intérêts et s’apprête à faire une juteuse opération foncière sur le littoral marseillais – on parle de plusieurs dizaines de millions d’euros !

Aujourd’hui, les ex-salariés de Legré-Mante, privés d’emploi et d’avenir, entendent avec amertume les discours de ce gouvernement.

Je vous pose donc la question, madame la secrétaire d’État : laisserez-vous détruire un à un tous les emplois industriels de mon département, de la chimie au raffinage en passant par la sidérurgie ou la construction d’hélicoptères,…

M. le président. Veuillez conclure !

Mme Isabelle Pasquet. … avant de prendre les mesures indispensables contre les prédateurs qui accumulent les profits avant de laisser aux collectivités des sites pollués, des travailleurs sans emploi et des territoires sinistrés ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Un mot, d’abord, à Mme Pasquet concernant l’entreprise Legré-Mante, qu’elle a citée. Comme vous le savez, c’est la justice qui a prononcé, il y a près d’un an, la liquidation judiciaire de cette entreprise. Comme il s’agit d’une décision de justice, il n’appartient évidemment pas au Gouvernement de la commenter.

Je souhaiterais aussi revenir sur les objectifs que le Président de la République a fixés en matière de politique industrielle. On assiste – chacun, je crois, le ressent – au retour d’une véritable volonté industrielle, qui doit évidemment rattraper le retard de compétitivité pris depuis le début des années deux mille, notamment par rapport à notre principal concurrent, l’Allemagne, comme chacun sait.

Avant le Président de la République, avait-on parlé de relocalisation et créé une prime en la matière ? Bien entendu, la réponse est non : c’est lui qui a lancé cette nouvelle politique. Avait-on avant travaillé sur les filières, de manière particulièrement pragmatique, en nommant, par exemple, un médiateur de la sous-traitance à l’intérieur du pays, médiateur auquel je compte d’ailleurs bien avoir recours pour ma part aussi pour la sous-traitance à l’international ? Non, là encore, il s’agit d’une innovation impulsée par le Président de la République, qui a demandé à Christian Estrosi de la mettre en œuvre.

Même si le travail est de longue haleine, et que les objectifs fixés par le Président de la République s’inscrivent évidemment dans le moyen et le long terme, c’est-à-dire à plusieurs années devant nous – pensons, par exemple, aux avances remboursables pour la réindustrialisation : il faudra du temps avant que l’argent revienne ! –, nous sommes d’ores et déjà réconfortés par certains chiffres qui viennent de paraître, notamment ceux de la production industrielle et ceux des exportations. Ils sont dans les deux cas encourageants depuis le début de l’année, signe que la nouvelle énergie française commence à nous faire gagner des points. (M. Alain Gournac applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La recherche et développement est l’une des clés d’une politique industrielle innovante.

Dans ce domaine, l’explosion du crédit d’impôt recherche ne peut pallier les manques en R&D des entreprises privées, qui y voient surtout une manne financière. En vérité, depuis vingt ans, la recherche de rentabilité financière nous tient lieu de politique industrielle.

Voici le bilan des délocalisations massives : 25 000 emplois perdus chaque mois depuis 2009, et près de 300 000 menacés au début de 2010 !

De plus, alors que la formation devrait être le pilier d’une nouvelle politique industrielle, la voie technologique voit ses options spécialisées diminuer pour cause de RGPP. Les filières professionnelles et agricoles, on le sait, sont elles aussi malmenées par les suppressions de postes, alors qu’il s’agit de filières d’excellence, essentielles pour l’insertion des jeunes et le besoin de main-d’œuvre de nos industries.

Madame la secrétaire d’État, le secteur industriel innovant, diversifié, relevant le défi d’un développement durable, a besoin d’emplois qualifiés : cela nécessite d’impulser une véritable politique de formation. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. La politique industrielle est de retour, et nous nous en réjouissons, madame la secrétaire d’État. Les paroles que vous venez de prononcer sont agréables à entendre. Cependant, je voudrais vous rendre attentive à ce qui, à nos yeux, apparaît comme une contradiction dans notre système de prélèvements obligatoires.

Il est vrai que nous avons eu recours, au fil des décennies, à des prélèvements obligatoires pour financer le budget de l’État ou la protection sociale. Et c’est ainsi que nous avons mis en recouvrement des impôts que l’on peut qualifier d’« impôts de production ».

Cela ne posait pas de problème lorsque l’économie nationale était relativement étanche. Mais, dès lors que nous nous trouvons dans une économie globale et mondialisée, taxer la production, c’est organiser assez méthodiquement la délocalisation et la désindustrialisation.

On peut se réjouir du retour de trois emplois ici ou là, et considérer que la relocalisation est à l’œuvre. Mais ne nous méprenons pas : la force, la puissance dominatrice qu’exercent les constructeurs automobiles ou aéronautiques sur les sous-traitants est telle qu’ils sont obligés d’aller produire à l’étranger.

Alors, madame la secrétaire d’État, pouvons-nous enfin, devant les Français, organiser et faire vivre un débat sur les prélèvements obligatoires, et faire comprendre à nos compatriotes que, au fond, ce sont toujours eux qui paient les impôts ? Car, lorsque l’entreprise paie, l’impôt ainsi acquitté – les prélèvements pour cotisations sociales, destinés à financer les branches « santé » et « famille » – se retrouve dans le prix demandé au consommateur !

Sortons donc de cette illusion ; sortons de ce politiquement correct ; rompons avec ce tabou, et osons imaginer d’autres financements pour les branches « santé » et « famille » de la protection sociale. Les seuls impôts possibles sont soit des impôts de consommation – dans ce cas, les produits importés participent au financement – soit des impôts sur le revenu.

Pour ma part, je cherche un terme pour remplacer l’expression « TVA sociale » ; mais, madame la secrétaire d’État, il est urgent d’ouvrir ce débat si, en effet, nous voulons réindustrialiser la France. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Je reconnais la ténacité du président de la commission des finances et retrouve ici des débats que nous avons déjà eus ensemble, à différents titres et en diverses occasions. Jean Arthuis sait qu’à titre personnel je ne suis pas loin d’être proche de ce qu’il préconise…

D’ailleurs, si l’on considère l’évolution de la fiscalité française depuis deux ans, il ressort que nous avons effectivement eu comme critère, comme objectif principal d’adapter cette fiscalité à la mondialisation.

Adapter notre fiscalité à la mondialisation, cela signifie œuvrer à la compétitivité de nos entreprises et faire en sorte qu’elles se portent vers l’extérieur ; cela signifie aussi renforcer l’attractivité de notre territoire lorsqu’il s’agit d’attirer des investissements, y compris internationaux, ou de garder des investisseurs français.

Le crédit d’impôt recherche est un bon exemple, à l’évidence. C’est aussi le cas de la suppression de la taxe professionnelle sur les investissements, qui tend à réduire un handicap de nos exportateurs et à attirer des investisseurs.

Dans le même ordre d’idées, je pourrais citer tout ce que nous faisons pour favoriser l’innovation : OSEO, dont il a été question tout à l’heure, ou encore, dans un autre domaine, l’assouplissement du cadre des trente-cinq heures.

Tout cela vise à nous adapter à la mondialisation.

Je pense que c’est là l’un des grands enjeux dégagés par les états généraux de l’industrie. Nous avons déjà commencé à y travailler en matière fiscale.

Cela a été dit, le sujet est bien l’adaptation de l’industrie de la France, mais aussi, d’ailleurs, de l’industrie européenne à la compétition avec l’étranger, notamment avec les pays émergents. Cela me paraît encore plus important, monsieur le président Arthuis, qu’à l’époque où vous aviez produit l’un des premiers rapports sur les délocalisations. (Applaudissements sur quelques travées de lUMP.)