M. le président. La parole est à M. Claude Belot, co-auteur, je tiens à le rappeler, avec Jean-Marc Juilhard, d’un excellent rapport d’information, publié en juin 2006 et intitulé Énergies renouvelables et développement local : l’intelligence territoriale en action. Voilà donc près de cinq ans que le Sénat a inscrit dans ses travaux le sujet qui fait l’objet du débat d’aujourd'hui !

M. Claude Belot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la question du développement des énergies renouvelables comme d’ailleurs des différentes énergies, et du rôle des collectivités territoriales en la matière est devenue un grand classique ! N’oublions jamais que ce sont ces dernières qui ont été à l’origine de la réalisation, en France, de tous les grands équipements, sans exception, à commencer par les infrastructures électriques et gazières. Puis sont apparues les « grosses machines de l’énergie » : si celles-ci honorent notre pays, leur essor a entraîné un abandon relatif des énergies renouvelables.

Les collectivités territoriales n’ont pas été totalement absentes du débat. Voilà plus de trente ans maintenant que la ville dont je suis le maire depuis très longtemps s’est engagée sur ces sujets, en faveur notamment de la géothermie et de la biomasse, connaissant une réussite à la fois technique et financière. Nous nous intéressons désormais à l’énergie solaire, car, si le midi-atlantique n’a pas beaucoup de vent, il a du soleil !

Au demeurant, il faut se livrer à un véritable parcours du combattant. Il y a un discours, que je crois fondé, prônant le développement des énergies renouvelables : c’était le sens du Grenelle I. Aucun des orateurs précédents n’a d’ailleurs dit autre chose : il est dans l’intérêt commun de mettre en œuvre les énergies renouvelables. Tous, ici, nous sommes d’accord sur l’objectif.

J’ai lu dans la presse que la France était la lanterne rouge de tous les grands pays industriels pour les investissements dans les énergies renouvelables réalisés en 2009 : dernière, et de très loin, y compris par rapport aux pays que l’on prétend non ouverts à ce type d’énergies, comme la Chine ou les États-Unis.

Il nous faudra donc faire preuve d’un minimum de volonté politique et de cohérence.

Or, la volonté politique, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas défaire avec la main droite ce que l’on a fait avec la gauche ! J’entends M. Borloo nous expliquer, avec son style si caractéristique que j’apprécie tant, l’impérieuse nécessité de développer les énergies renouvelables. Mais j’observe dans le même temps que sa propre administration et les DIREN, les directions régionales de l’environnement, rendent les procédures à suivre de plus en plus complexes. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

Je pense en particulier à l’électro-solaire, secteur dans lequel toute action est aujourd’hui devenue extrêmement difficile puisqu’il nous est demandé de réaliser au préalable étude d’impact sur étude d’impact. Nous avons beau leur dire qu’il n’y a que quelques centrales électro-solaires de grande dimension en service en France, l’administration et les DIREN restent campées sur leurs positions : quelle sera l’incidence pour la faune et la flore de l’installation de panneaux électro-voltaïques ? Or elles ne connaissent en la matière que la bibliographie française, dans laquelle il n’y a rien, contrairement à l’abondante bibliographie allemande, que je leur ai fournie, ou espagnole, qui écartent toute crainte de catastrophe à ce sujet. Au final, la succession des procédures à respecter retarde l’éclosion des projets et leur réalisation.

Mes chers collègues, l’aspect financier doit également être pris en compte. Vous le savez fort bien, puisque ce sont surtout les croisés de l’énergie qui sont présents aujourd’hui, ceux que l’on retrouve partout. Nous sommes quelques-uns d’ailleurs à nous être rendus à Grenoble la semaine dernière, à l’invitation du Commissariat à l’énergie atomique, pour connaître des récentes évolutions dans ce domaine.

Jusqu’au 31 décembre dernier, pour l’installation d’une ferme photovoltaïque, les collectivités territoriales percevaient 28 000 euros par mégawatt : tout le monde y avait droit, selon le saucissonnage habituel… Et puis, patatras, la taxe professionnelle disparaît ! À y regarder d’un peu plus près, sur ces 28 000 euros, 18 000 venaient des caisses de l’État, du budget général (Mme la secrétaire d’État acquiesce.), compte tenu tout simplement du mécanisme d’écrêtement de l’assiette de la TVA – quelle stupidité ! –, les 10 000 euros restants correspondant au prix effectivement payé par les entreprises.

Un mégawatt équivalant, je le rappelle, à 3 hectares de panneaux photovoltaïques, un parc de 20 hectares représentait donc 200 000 euros de taxe professionnelle versée par l’entreprise elle-même, et beaucoup plus en provenance de l’État.

À la fin de l’année dernière, après avoir complètement changé le logiciel, on s’est tout de même rendu compte que les entreprises énergétiques des secteurs autres que le nucléaire et les énergies non renouvelables n’étaient pas soumises à la concurrence mondiale. Pour approvisionner la Bourgogne, il n’est pas nécessaire d’importer : le vent et le soleil se trouvent sur place !

Dès lors, la situation étant devenue extrêmement difficile, personne ne sachant comment s’en tirer, notamment au sein des commissions des finances du Parlement et du Gouvernement, il a été décidé d’instaurer l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Puisqu’il s’agit d’une imposition forfaitaire, son taux a fait débat. Il y a eu les deux thèses, certains défendant un taux identique pour le nucléaire, le solaire, l’éolien ou n’importe quelle autre filière. Personnellement, je ne serais pas choqué que l’IFER soit, pendant un certain temps, plus importante pour le solaire et l’éolien.

Aujourd’hui, toutes les collectivités réunies sont soumises à des règles de partage incompréhensibles et dénuées de bon sens. François Patriat l’a dit tout à l’heure, celui qui fait le travail n’est pas celui qui récolte ! Il est vraisemblable que, dans la future loi de compétences, l’énergie ira aux régions, les départements étant appelés à faire autre chose. Quand on prend ce genre de décisions, il faut tout de même avoir un esprit un tant soit peu cartésien…

Dans cette affaire, on est passé de 28 000 euros à 4 000 euros en tout, soit une division par sept ! Les collectivités territoriales recevront donc 4 000 euros pour 3 hectares de panneaux photovoltaïques, le partage se faisant entre le bloc communal – on ne sait plus qui de la commune ou de l’intercommunalité en bénéficie – et la région. Comment voulez-vous, s’il n’y a strictement plus aucun retour, que les gens soutiennent de tels projets ?

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Claude Belot. Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France, lanterne rouge en 2009 pour l’investissement dans les énergies renouvelables, met le plus d’entraves possible sur le plan réglementaire pour le développement de ces dernières et décourage ainsi complètement l’investissement réalisé ou favorisé par les collectivités locales.

La clause de revoyure n’aura d’utilité que si elle a lieu très rapidement et permet de changer fondamentalement les données du problème. Si c’est pour tout renvoyer à la saint-glinglin, mieux vaut arrêter cette histoire et admettre ouvertement que la France, malgré un discours théorique en faveur des énergies renouvelables, ne souhaite pas en réalité les promouvoir ! Elle attend tout du nucléaire : le prochain EPR sera mis en route en 2020, si tout va bien, et les autres suivront quand cela sera possible ; mais, d’ici là, c’est le développement de la voiture électrique qui est encouragé, et donc aussi la consommation électrique.

Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis consterné de le dire ici, mais je soutiens un gouvernement qui, compte tenu des positions qu’il prend, dont la cohérence est à démontrer, conduit à ce que notre pays joue perdant sur un sujet essentiel ! Je vous dis cela avec la fougue de ceux qui mènent croisade pour cette cause tout en pouvant se prévaloir d’une certaine réflexion et d’une longue pratique.

M. Bruno Sido. Très bien !

M. Claude Belot. Je ne désespère cependant pas d’atteindre mon objectif : réaliser 300 hectares de panneaux photovoltaïques, en une dizaine de blocs, dans un pays que je considère comme le paradis terrestre – mais peut-être suis-je quelque peu chauvin en disant cela… Nous parviendrons vraisemblablement à nos fins, et cela aura été pour la bonne cause et pas pour les moyens financiers que l’opération pourrait rapporter. Mais nous ne serons pas très nombreux à agir ainsi.

Je conclurai en disant que je soutiens complètement la thèse développée par notre collègue de Perpignan. On n’échappera pas, en France, au débat budgétaire. On l’a déjà, et il n’est qu’à voir ce qui s’est passé le week-end dernier. Jean-Paul Alduy a très justement souligné tout à l’heure combien la fiscalité pouvait être naïve. J’ai fait partie de ceux qui, au sein de la commission des finances, ont soutenu une évolution de l’ISF, en défendant la possibilité de le réduire par le biais d’investissement à risque.

Or les opérations dont il est question ici ne sont pas à risque (M. Jean-Paul Alduy acquiesce.) ; elles n’ont jamais été aussi rentables ! À partir du moment où le prix est fixé, il l’est pour la durée. En outre, le coût de l’investissement a baissé de 40 % parce que les entreprises françaises ne font plus travailler Photowatt à Bourgoin-Jallieu, mais s’adressent à des entreprises chinoises,…

M. Bruno Sido. Exact !

M. Claude Belot. … qui vendent des panneaux, certes non garantis, mais ayant l’immense avantage d’être 40 % moins chers !

M. Bruno Sido. Vous avez tout compris !

M. Jean-Pierre Vial. Très bien !

M. Claude Belot. Madame la secrétaire d’État, il faudra vraiment avoir le courage de mettre de l’ordre dans tout cela. C’est urgent, le temps passe, les investissements ne se font pas. Nous espérons tous que la France saura trouver l’équilibre entre les différentes énergies. Nous serions, me semble-t-il, très au regret de ne pas le vivre ! (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

(Mme Catherine Tasca remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Christine Lagarde, qui souhaitait vivement participer à ce débat mais qui a malheureusement été sollicitée par le Premier ministre sur un autre sujet.

Je tiens à féliciter le groupe Union pour un mouvement populaire d’avoir lancé cette discussion. Même si la question du financement et du développement des énergies renouvelables demeure un « grand classique », pour reprendre l’expression employée par M. Claude Belot, des efforts de pédagogie restent nécessaires sur le sujet, comme M. Fortassin y a d’ailleurs insisté à plusieurs reprises. Un tel débat me paraît d’autant plus utile qu’il se tient, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, au moment même de l’adoption du Grenelle II à l’Assemblée nationale.

Je commencerai par rappeler le contexte d’ambition dans lequel le débat a lieu.

L’ambition est d’abord celle du « paquet énergie-climat » adopté en décembre 2008 au cours de la présidence française de l’Union européenne, plan qui a fixé des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. La part de ces dernières dans la consommation énergétique de l’Union d’ici à 2020 doit ainsi atteindre 20 %.

La France, rehaussant pour elle-même ce niveau d’ambition, a, dans le cadre de la loi Grenelle I et sous l’impulsion particulière de Jean-Louis Borloo, décidé de porter cette part à 23 % en 2020. Nous maintenons évidemment cet objectif, qui consiste à faire passer la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie de 10,3 % en 2005 à 23 % en 2020.

Je me félicite de l’engagement qu’ont manifesté l’ensemble des orateurs dans cet hémicycle, et, par leur intermédiaire, les collectivités locales au nom desquelles la plupart d’entre eux se sont exprimés, pour contribuer à l’élan commun nécessaire à l’atteinte d’un tel objectif.

Un grand nombre de dispositifs sont mobilisés à cette fin, dont certains ont été évoqués aujourd’hui. À ce titre, je mentionnerai le déblocage d’1 milliard d’euros sur le fonds chaleur renouvelable – ce point n’a pas été cité, me semble-t-il –, la décision d’installer d’ici à 2011 au moins une centrale photovoltaïque par région, l’objectif de multiplier par six d’ici à 2020 la production d’énergie géothermique, l’ambition de rendre plus simple l’implantation d’éoliennes maritimes ou offshore tout en encadrant mieux l’implantation d’éoliennes terrestres, de telle sorte que ces dernières soient mieux acceptées par la population – du moins est-ce ainsi que j’ai perçu le débat sur l’encadrement des éoliennes terrestres – et que nous puissions contribuer à leur développement.

Nous débattons aujourd’hui principalement du sujet financier et de la manière dont on peut établir un équilibre entre, d’une part, la volonté de développer les énergies renouvelables – volonté qui est la nôtre, je le confirme –, et, d’autre part, l’acceptabilité de ces équipements sur le territoire.

Le débat sur le Grenelle II a largement porté sur les questions d’acceptabilité « physique », avec un certain nombre de points de réglementation ; nous sommes ici cet après-midi pour parler plus proprement de l’acceptabilité économique et financière de l’ensemble du dispositif.

Dans le respect de l’objectif pédagogique souhaité et rendu possible par l’organisation de ce débat, je rappellerai l’ampleur du panorama des dispositifs d’incitation aux énergies renouvelables.

Dans un souci de clarté, je commencerai par mentionner les dispositifs à destination des ménages.

Le crédit d’impôt développement durable a été évoqué à plusieurs reprises. Les réflexions que Jean-Paul Alduy nous a livrées dans son introduction concernant l’assiette ou le périmètre des dépenses admissibles pour ce crédit d’impôt nous ont paru tout à fait intéressantes. Nous en retenons en particulier l’idée de s’adapter à la fois aux techniques et à ce qu’il est le plus nécessaire ou le plus utile de développer. Nous aurons certainement l’occasion d’examiner ces questions de périmètre dès la loi de finances pour 2011.

Cette dépense fiscale s’est élevée à 2,8 milliards d’euros en 2009. La part des dépenses relatives à l’énergie photovoltaïque, par exemple, n’est encore qu’assez faible – elle est de l’ordre de 150 millions d’euros –, mais nos prévisions montrent une forte augmentation des dépenses pour ce type d’énergie tant en valeur absolue qu’en proportion.

Autre dispositif, l’éco-prêt à taux zéro, le fameux « éco-PTZ », permet aux propriétaires de financer jusqu’à 30 000 euros de travaux d’économie d’énergie.

La baisse du taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % pour l’installation des systèmes de production électrique par énergie renouvelable fait également partie des dispositifs à destination des ménages. Cet avantage est cumulable avec ceux que j’ai mentionnés.

J’en viens maintenant aux tarifs de rachat. Pourquoi situer ces derniers dans un chapitre sur la fiscalité ? Comme l’a indiqué M. Patriat, ces tarifs ne peuvent pas être dissociés de la fiscalité pour la bonne et simple raison que, sans être un dispositif fiscal à proprement parler, ils ont un impact direct sur la contribution au service public de l’électricité, la CSPE. Puisqu’ils constituent une contribution obligatoire, et bien qu’ils soient inscrits non pas sur la feuille d’impôt mais sur la facture d’électricité, les tarifs de rachat s’apparentent à une taxe.

Tout le monde dans cet hémicycle sait que les producteurs d’électricité à partir de sources renouvelables bénéficient d’un tarif de rachat fixé au-dessus du prix du marché pour leur permettre de rentabiliser leurs investissements. L’électricité d’origine renouvelable est rachetée par EDF, avec un surcoût qui est obligatoirement répercuté dans la facture d’électricité.

Depuis le début de l’après-midi, nous avons beaucoup insisté sur l’acceptabilité de l’ensemble des dispositifs. Il faut avoir en tête que la question du prix de l’électricité et, par conséquent, de l’impact de la contribution spéciale, toutes choses égales par ailleurs, sur la facture d’électricité du consommateur final est un élément décisif de l’acceptabilité aujourd’hui, et le sera davantage encore à l’avenir. Or on peut imaginer que le montant de cette contribution soit amené à augmenter fortement simplement parce que de nombreux projets d’énergie renouvelable sont « dans les tuyaux » et vont nécessiter l’application de ce tarif de rachat, de cette simili-taxation. Il faut également prendre en compte cette acceptabilité-là quand nous abordons le sujet du développement des énergies renouvelables.

Je tiens à remercier Jean-Paul Alduy pour son analyse concernant l’articulation entre les tarifs de rachat et la défiscalisation au titre de l’ISF, analyse à laquelle s’est également associé Claude Belot. Cette articulation aurait conduit, selon lui, à un « terrain de jeu de la défiscalisation ». Nous pourrons réfléchir dans les prochains mois à une meilleure articulation, compte tenu de la manière dont les dispositifs sont parfois utilisés et du caractère naïf de la fiscalité auquel Claude Belot a fait allusion.

J’en viens aux dispositifs de soutien aux entreprises, qui n’ont pas du tout été évoqués au cours du débat de cet après-midi. Si nous souhaitons dresser un panorama complet de la dépense fiscale dans ce domaine, nous devons cependant prendre en compte le fait que les entreprises bénéficient elles aussi d’un certain nombre de mécanismes d’incitation à l’investissement dans les énergies renouvelables. J’en citerai quelques-uns.

Le dispositif d’amortissement exceptionnel permet aux entreprises d’amortir sur douze mois, au lieu de vingt à vingt-cinq ans, les matériels destinés à économiser l’énergie et les équipements de production d’énergies renouvelables. Il s’agit d’un dispositif très puissant.

Les exploitants agricoles, quant à eux, peuvent rattacher les revenus tirés de la production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne aux résultats agricoles, au lieu de procéder à une déclaration distincte au titre des bénéfices industriels et commerciaux.

Par ailleurs, divers dispositifs d’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les bâtiments destinés à la production d’électricité d’origine photovoltaïque sont également prévus.

Je n’ai cité que les principales rubriques pour faire apparaître clairement le panorama.

Une bonne partie du débat a porté sur la question spécifique de la fiscalité relative aux éoliennes, ce qui est normal puisque cette préoccupation est d’actualité. M. Guené l’a mentionnée dans ses propos, ainsi que MM. Sido, Patriat, Muller – en fait, la totalité des orateurs.

Je tiens à saluer la parfaite compréhension des mécanismes auxquels vous avez, les uns et les autres, fait référence. Là encore, l’œuvre sénatoriale de pédagogie est très utile, surtout lorsqu’il s’agit de distinguer ce qui est payé par l’État de ce qui est payé par les collectivités locales, les industriels ou le client final par l’intermédiaire de la fameuse CSPE.

Pour en venir au fait, une clause de revoyure a été prévue dans le cadre de la loi de finances pour 2010, qui a très profondément modifié la fiscalité locale sur les entreprises en supprimant la taxe professionnelle. Une mission parlementaire, à laquelle participe d’ailleurs M. Guené, est en cours. Christine Lagarde a bien l’intention d’être à l’écoute des propositions qui lui seront faites à la suite des travaux tant de cette mission que de la mission Durieux ; j’ai justement abordé la question avec Bruno Durieux tout à fait récemment, lors d’un voyage commun aux États-Unis.

L’IFER, en particulier, fait partie des questions qui doivent être traitées par la mission parlementaire dans le cadre de la clause de revoyure. En réalité, derrière cette question de l’IFER, c’est la situation des collectivités qui se sont engagées dans l’implantation d’éoliennes sur leur territoire qui est en cause. Nous retrouvons à nouveau les enjeux de l’acceptabilité et de l’incitation.

Comme l’affirmait M. Sido – c’est en tout cas ce que j’ai compris de ses propos –, un certain nombre de collectivités ont souhaité joindre l’utile à l’agréable. L’amour passionné que tous les élus locaux éprouvent pour les énergies renouvelables peut quelquefois être un peu stimulé par un certain nombre de dispositifs fiscaux… (Sourires.)

Je tenterai à mon tour, après les différents orateurs, qui l’ont déjà très bien fait, de distinguer trois cas de figure.

Premier cas de figure, les installations ont déjà procuré des recettes de taxe professionnelle parce qu’elles avaient été implantées il y a un certain temps. Les collectivités conservent alors ces recettes du fait du fonds national de garantie individuelle des ressources. C’était l’un des enjeux de la discussion sur la taxe professionnelle. Le dispositif fonctionne et il est maintenu, malgré les réserves exprimées au sujet des dates.

Deuxième cas de figure, les partenaires sont en phase de concertation, ou, disons, pour être plus pragmatique et plus proche de la situation des élus, au début de la phase de concertation. Le nouveau régime fiscal de l’IFER s’appliquera alors. Les incidences fiscales sont connues, elles sont ce qu’elles sont, et il n’est pas question de « pacte républicain », pour reprendre l’expression de Charles Guené tout à l’heure.

M. Bruno Sido. Tout à fait !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. Troisième cas de figure, le cas intermédiaire,…

M. Bruno Sido. Voilà !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État. … et c’est là que le bât blesse, d’autant plus que la situation intermédiaire peut durer très longtemps ; vous avez tous rappelé le temps qu’il faut entre le démarrage d’une procédure et l’entrée en service des équipements concomitante à l’application de l’IFER.

Dans le cas où les projets sont très avancés, irréversibles et où ils ont fait l’objet d’un véritable engagement de la part des élus locaux à la fois politiquement et sur le plan des procédures, il y a peut-être une difficulté si le nouveau régime fiscal est susceptible de s’appliquer alors que les collectivités et les opérateurs escomptaient l’ancien, cet élément ayant pu constituer un argument dans le débat public organisé avec la population.

Il faut rappeler que, dans l’ancien régime comme dans le nouveau régime – à vrai dire, dans tous les régimes –, une installation produit des recettes fiscales à compter de l’année qui suit son implantation et non à compter de l’année au cours de laquelle on a franchi telle ou telle étape dans la procédure. Si le retour fiscal pour les collectivités est plus modéré dans le nouveau régime que dans l’ancien, c’est non parce que la réforme a pour effet de diminuer la charge fiscale de l’exploitant d’installations éoliennes, mais tout simplement parce que la taxe professionnelle sur les éoliennes, par le biais du mécanisme du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, était de fait très largement prise en charge par l’État. Ce constat est apparu lors de la réforme de la taxe professionnelle.

Connaissant la force de l’attachement que le Sénat porte au lien entre les entreprises et les territoires, je trouve normal, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous vous exprimiez longuement et avec éloquence sur les difficultés des collectivités locales. Pour les régler, plusieurs familles de solutions sont possibles. En sa qualité de rapporteur et membre d’une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l’économie et des finances, M. Guéné propose de revoir les paramètres de l’IFER, par exemple, en augmentant le tarif ou en modifiant la répartition du produit entre les différents niveaux de collectivités locales. Cette piste, comme d’autres, me paraît tout à fait intéressante, et je suis persuadée que Christine Lagarde examinera l’ensemble avec intérêt. La clause de revoyure évoquée par plusieurs d’entre vous constituera le moment opportun pour les creuser.

Toutes ces propositions devront naturellement faire l’objet d’une concertation entre les différentes familles d’élus. J’ai bien entendu M. Patriat s’inquiéter des aides qui seront apportées aux régions. Son interrogation est tout à fait normale : c’est le genre de débat que le Gouvernement a eu avec l’ensemble des associations d’élus et avec nombre d’entre vous. Il faudra aussi travailler avec les professionnels du secteur. À entendre vos propositions, je me dis que la clause de revoyure est en passe de montrer tout son intérêt !

Trois principes sont importants et nécessaires pour que ces dispositifs de soutien nous permettent d’atteindre notre objectif, qui est confirmé : 23 % d’énergies renouvelables dans la consommation énergétique française en 2020.

Sur ces dispositifs assez foisonnants, convenons-en, mais que vous contribuez à clarifier, on peut retenir quatre points.

Il y a tout d’abord la question de l’acceptabilité, qui s’entend d’un double point de vue : d’une part, celui de la population et des collectivités locales, et, d’autre part, celui que dictent les termes fiscaux et économiques. Il faut trouver un équilibre entre ces deux facettes, qui se rejoignent. Comme le disait M. Houpert, la recherche de l’indépendance énergétique ne saurait compromettre l’indépendance financière.

Par ailleurs, il nous faut évidemment – et le groupe UMP qui a initié le débat ne saurait être d’un avis différent – être vigilants pour que cet objectif soit atteint au meilleur coût dans un contexte de maîtrise des dépenses budgétaires ou fiscales. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les propositions faites pour restreindre les périmètres ou faire un peu de toilettage là où l’on joue un peu trop avec la fiscalité.

Ensuite – j’ai souligné ce point à plusieurs reprises –, nous devons surveiller l’impact du développement des énergies renouvelables sur le prix de l’électricité payé par les Français. Les prix de rachat des énergies renouvelables pèsent, en effet, sur la contribution au service public de l’énergie, le CSPE, et, in fine, sur la facture d’électricité.

Enfin, il me semble important que nous adaptions nos dispositifs de soutien aux évolutions technologiques, avec une attention particulière –  c’est un sujet auquel, pour en avoir souvent discuté avec lui, je sais M.  Alduy très sensible – aux aspects de recherche, d’innovation et d’emplois, afin de rester concurrentiels. En effet, s’il n’y a pas de compétition sur les opérateurs, il y a bel et bien compétition sur les matériels – et Dieu sait qu’elle est rude, je peux en témoigner compte tenu des responsabilités qui m’ont été confiées ! Il faut faire preuve d’une vigilance extrême pour rester dans cette compétition particulièrement vive sur les matériels photovoltaïques et sur les matériels éoliens. Certains sont produits en Europe, d’autres viennent de beaucoup plus loin –  de Chine, bien sûr. Il importe donc d’adapter en permanence nos dispositifs de soutien à l’évolution des technologies et à l’âpreté de la concurrence.

Puisque je parle d’adaptation, je voudrais rappeler ce que nous avons malheureusement subi en fin d’année dernière et que chacun d’entre vous garde en mémoire. Je veux parler de la sorte d’emballement constatée dans le secteur du photovoltaïque. Nous n’étions pas loin de la « bulle » et pouvons craindre qu’à l’avenir,  si nous n’y prenons garde, des phénomènes de spéculation ne viennent se greffer sur ces dispositifs, notamment fiscaux. Notre volonté d’adaptation permanente doit nous éviter ce type de chose. Cela suppose de garder le cap, de maintenir l’objectif dans sa vigueur. Il faut être rigoureux pour que les investisseurs sachent où ils vont. Sur le plan politique, il doit être bien clair qu’il n’y a pas de différence ou d’écart par rapport aux souhaits que nous exprimions lorsque nous assurions la présidence de l’Union européenne.

Mais nous devons être en mesure de nous prémunir contre l’utilisation, voire le détournement ou la manipulation d’un certain nombre de dispositifs.

Je tiens enfin à saluer très fortement l’engagement manifesté au travers de ce débat par tous les orateurs, et, au-delà, par l’ensemble de cette assemblée en vue d’un développement équilibré, dynamique et volontariste des énergies renouvelables. Ce débat fait honneur à cette grande cause. Au nom du Gouvernement, je tenais à vous en remercier. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)